Prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à aménager la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, présentée par Mme Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues, à la demande du RDSE.

Discussion générale

Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP) L'entrée en vigueur du décret du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux sons amplifiés, dit décret Bruits, tirant son origine de la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016, a fait basculer l'ensemble des activités des sports mécaniques dans le droit commun.

Elle porte en germe des risques contentieux qui menacent la pérennité des associations sportives. Aucun circuit ne peut en effet respecter ce nouveau cadre réglementaire, sur lequel les acteurs concernés n'ont pas été consultés.

L'enjeu de la présente proposition de loi est de trouver une solution équilibrée, pour concilier pratique des sports mécaniques et protection de la tranquillité publique. Il ne s'agit pas d'autoriser un bruit excessif.

Environ 2 300 épreuves sportives sont organisées chaque année sur plus de 1 000 circuits, dont 37 circuits de vitesse, porte-étendards du savoir-faire français. Les 24 heures du Mans ou le Grand prix de Formule 1 ont une notoriété qui dépasse nos frontières.

La filière des sports automobile a un chiffre d'affaires de 2,3 milliards d'euros et génère 13 500 emplois directs. C'est la troisième filière sportive en France pour son impact économique.

Autour de chaque site, un écosystème s'est développé, ferment de cohésion sociale - sur lequel pèse une épée de Damoclès qui ne doit pas perdurer.

Les fédérations sportives délégataires doivent se conformer à une réglementation complexe. Après l'obtention d'un arrêté préfectoral d'homologation renouvelable tous les quatre ans, une visite de la commission d'examen des circuits de vitesse ou de la commission départementale de la sécurité routière, elles édictent les règles techniques et de sécurité, dont les réglementations sonores. Désormais incapables de respecter la règle d'émergence, de nombreux circuits sont exposés à un risque de fermeture sur la seule plainte d'un riverain ou d'un collectif, alors qu'ils ont été précisément construits en périphérie des centres urbains pour éviter les nuisances. Mais l'opposabilité de l'antériorité de la construction aux activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques ne s'applique pas aux sports mécaniques.

Cette menace est d'autant plus paradoxale que cette filière est vectrice d'innovations technologiques en matière environnementale, pour lesquelles la France est pionnière. La filière a développé de nouvelles technologies profitant à l'ensemble de l'industrie automobile et des citoyens. Elle est ainsi à l'origine de la motorisation hybride et des biocarburants. Entraver le développement de ces technologies, ce serait ralentir la transition écologique des transports.

La Fédération française du sport automobile et la Fédération française de motocyclisme ont fait la preuve de leur volonté en la matière : en décembre prochain, seront présentées les conclusions de leur baromètre environnemental.

Ne pas agir, ce serait aussi prendre le risque que se développent les rodéos urbains, aux conséquences tragiques. C'était pour les éviter qu'il y a cinquante ans, le Gouvernement avait développé ces circuits : en témoigne le circuit Carole, à Tremblay-en-France, nommé en hommage à une victime de ces rodéos. Il ne s'est jamais autant vendu de motos en France. Ne faudrait-il pas plutôt encadrer cette pratique via des circuits ?

De nombreux maires m'ont fait part de leur soutien, pour cette raison. Je salue Mme la maire d'Albi, présente en tribune. La voirie publique n'est en effet pas concernée par le décret Bruits.

Cette proposition de loi ne crée pas un droit à la pollution sonore, mais propose un compromis entre survie des circuits et santé publique, par l'introduction d'une dérogation à l'article L. 571-6 du code de l'environnement, applicable aux seuls sports mécaniques. Le pouvoir réglementaire pourrait ainsi modifier le décret Bruits de 2017.

Je remercie le rapporteur pour son travail. Il nous incombe à présent, chers collègues, de débattre de ce texte dans le temps imparti réservé au RDSE. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que des groupes UC et INDEP)

M. Alain Duffourg, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Les sports mécaniques font partie de notre patrimoine : cette troisième filière sportive pour le chiffre d'affaires représente 2,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 13 500 emplois. Le Gers abrite ainsi le circuit de Nogaro qui organise une course autour des fêtes de Pâques. Je salue les maires gersois présents en tribune.

La proposition de loi que nous examinons n'est pas une entrave à la sécurité sanitaire que nous défendons tous. Les fédérations sportives sont engagées depuis longtemps dans la réduction des nuisances sonores. Il ne s'agit pas de court-circuiter la prévention des risques liés aux bruits, mais d'adapter le dispositif législatif.

Avant 2017, les circuits étaient régis par les fédérations sportives et le préfet, qui pouvait adapter les règles à chaque manifestation.

Le décret de 2017 a été pris sans que les acteurs de la filière soient consultés, et leur applique des règles générales pour les bruits de voisinage. Or un circuit de vitesse n'est pas un voisin comme les autres !

La commission a cherché à sécuriser juridiquement le dispositif et à clarifier le champ d'application des règles, pour présenter un texte pragmatique cherchant un équilibre entre exercice du sport automobile et santé humaine. Le texte paraît équilibré et adapté. Il enverra un signal fort à la filière et aux citoyens qui trouvent du lien social sur les circuits.

Je remercie Nathalie Delattre de sa proposition de loi, et le président de la commission Jean-François Longeot qui m'a fait confiance. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - La France est une grande nation de sport ! Elle l'est devenue en acclimatant des disciplines venues d'outre-Manche, mais aussi en étant pionnière, comme c'est le cas pour les sports mécaniques, source d'innovation technique - avec les véhicules hybrides - et sociétale, avec la ceinture de sécurité. Ils sont devenus une passion bien française, comme l'illustrent les 2 300 événements que font vivre 160 000 licenciés et 130 000 bénévoles.

Les noms de Magny-Cours, de Paul-Ricard et des 24 heures du Mans se sont fait une place à part dans la grande épopée du sport mondial.

La France entend poursuivre cette grande histoire, tout en conciliant passion des courses, innovation, développement durable et protection de la santé publique. Je remercie donc Mme Delattre de cette initiative. (Mme Nathalie Delattre salue Mme la ministre.)

L'objectif n'est pas de placer les sports mécaniques en dehors de tout cadre, mais de trouver le meilleur dispositif législatif possible pour maintenir cette filière, tout en renforçant ses efforts pour la réduction des nuisances sonores.

Le décret Bruits résulte d'une double impasse. Issu de la loi du 28 janvier 2016, il a été rédigé sans concertation avec les acteurs de la filière, sans étude d'impact ni mesure transitoire, alors qu'elle était déjà régie par des règles strictes.

Soumis en droit à la règle d'émergence - soit la différence entre un bruit ambiant, bruit durant l'activité, et un bruit résiduel - les circuits sont bien souvent, malgré eux, pris au piège. En pleine ville, leur activité a forcément un impact sur son voisinage immédiat, qui lui est postérieur - l'exemple d'Albi est à ce titre parlant. En milieu rural, la règle d'émergence est quasi impossible à respecter, le bruit résiduel étant faible.

Certaines compétitions de premier plan comme les 24 heures du Mans ou le Bol d'or ne peuvent respecter les règles d'émergence entre période diurne et période nocturne. Ce flou juridique pénalise les collectivités territoriales souvent propriétaires ou gestionnaires des circuits comme l'État, dont la responsabilité peut être invoquée. Nos préfets sont à la fois les autorités homologuant les circuits et celles qui sont chargées de faire respecter la police de l'environnement.

La Fédération française de sport automobile et la Fédération française de motocyclisme travaillent déjà à une réduction du bruit depuis les années 2000. La première a réduit le bruit de 20 décibels en vingt ans ; pour la seconde, le bruit a baissé de cinq à sept décibels pondérés de 2009 à 2024.

Cet engagement responsable place la France à l'avant-garde mondiale. C'est en France que la première compétition automobile électrique sur circuit a eu lieu, en 2009. Des carburants décarbonés sont utilisés, notamment pour la Formule 4. Un objectif de neutralité carbone a été fixé pour 2050.

Il est à l'honneur de l'initiative parlementaire de rechercher un nouveau point d'équilibre pour pérenniser le sport automobile, fleuron national, tout en protégeant la tranquillité publique et la santé humaine. Le dispositif proposé demeure perfectible, ce sera l'objet de notre débat.

Il sera nécessaire d'exposer plus explicitement la nature des dérogations au code de la santé publique et les prescriptions particulières aux sports mécaniques.

Je m'engage à mener un travail spécifique, pour qu'ensemble nous continuions à améliorer le dispositif proposé, en nous appuyant sur les préfets, à l'aune de l'éclairage apporté par le baromètre des filières.

Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat.

Je suis persuadée que nous parviendrons à concilier nos deux impératifs : la pérennité de la filière, et la tranquillité et la santé publiques.

Vous pouvez compter sur moi pour mobiliser les acteurs, au service de ces deux objectifs sur lesquels nous n'avons pas le droit de décevoir les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDSE)

M. André Guiol .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'entrée en vigueur du décret relatif à la prévention des risques liés au bruit a fait basculer les sports mécaniques dans le droit commun des bruits de voisinage. Il est nécessaire de protéger les citoyens contre les bruits, notamment causés par les comportements illicites et agressifs comme les rodéos urbains. La présente proposition de loi vise à aménager des règles spécifiques pour que les sports mécaniques ne soient plus à portée de plainte de riverains ou de collectifs.

Favoriser la poursuite des sports mécaniques pourrait paraître inopportun, dans un contexte de décarbonation des transports. Ce serait méconnaître que les innovations de la filière ont contribué à réduire les nuisances environnementales des moteurs thermiques en améliorant leurs performances mécaniques. C'est particulièrement utile pour les groupes électrogènes alimentant îles et fermes isolées, hôpitaux et centrales nucléaires.

Les sports mécaniques ont aussi contribué à améliorer la sécurité routière via la tenue de route, les suspensions, les ceintures de sécurité, l'habitacle et le freinage ABS.

Notre aventure humaine doit arbitrer entre deux objectifs apparemment antinomiques : lutter contre le réchauffement climatique et poursuivre une activité économique. Comme le disait Jean Jaurès, le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel.

Une majorité des membres du RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les sports mécaniques doivent concilier leur pratique avec la tranquillité du voisinage et la santé humaine. Mais le décret de 2017 les soumet au droit commun, qui s'ajoute aux règles techniques des fédérations. C'est disproportionné, voire inapplicable, comme à Magny-Cours ou aux 24 heures du Mans, qui doivent respecter de surcroît les régimes diurne et nocturne.

Le risque évident de contentieux inquiète les fédérations. S'il est impératif de lutter contre la pollution sonore, le RDPI votera majoritairement en faveur de cette proposition de loi qui prévoit des dérogations pour les sports mécaniques. Il souhaite que les efforts des constructeurs et organisateurs se poursuivent et que le décret prévu soit praticable, mais ambitieux.

J'ai constaté les progrès réalisés notamment par le motocyclisme pour réduire le volume sonore.

Les professionnels du spectacle vivant font face eux aussi à une réglementation ambitieuse. Quelque 3 000 festivals sont concernés. Des expériences sont menées pour relever le défi technique et respecter l'environnement. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

Mme Nicole Bonnefoy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le décret Bruits a été pris dans la continuité de la loi Touraine pour renforcer la protection des riverains. L'impact des nuisances sonores sur la santé et son coût social ont été prouvés par une récente étude de l'Ademe. Ce décret affecte aussi les festivals.

Les fédérations de sport mécanique ont réalisé un baromètre environnemental ; mais il est impérieux d'aller plus loin, notamment en raison de leur forte consommation d'énergie fossile. Les riverains doivent se sentir suffisamment protégés.

Le Sénat ne doit pas s'empêcher de placer des garde-fous. Nous avons donc présenté trois amendements encadrant mieux le dispositif. Nous proposons la consultation du Conseil national du bruit (CNB) avant la rédaction du décret. Certes, il dispose d'un pouvoir d'autosaisine, mais cela va mieux en le disant, d'autant plus que le texte laisse la main au pouvoir réglementaire. Nous proposons un rapport d'évaluation dans un article additionnel et une clarification de l'intitulé du texte.

Nous voulons un meilleur équilibre entre sports mécaniques, santé humaine et protection du voisinage. Je ne comprends pas la position rigide du rapporteur sur nos amendements en commission. J'espère que cela changera aujourd'hui. Il n'y a aucune contrepartie à la dérogation concédée.

Dans sa réponse à une question écrite de l'un de nos collègues, le Gouvernement a indiqué qu'un groupe de travail interministériel s'était réuni en octobre 2021. Sur quoi cela a-t-il abouti ? Des aménagements du décret sont-ils prévus, et dans quel sens ? (M. Jacques Fernique applaudit.) Savoir tout cela aurait pu rendre ce texte inutile.

Nous sommes circonspects face au manque de souplesse du rapporteur. Si nos amendements sont rejetés, nous nous opposerons à la proposition de loi (MM. Jacques Fernique et Pierre Barros applaudissent.)

Mme Marta de Cidrac .  - (Mme Elsa Schalck applaudit.) Ancien membre du Conseil national du bruit, je me réjouis de cette proposition de loi. Mieux différencier et encadrer les risques liés au bruit est une bonne initiative. Ce n'est pas créer un droit à la pollution sonore.

Les sports mécaniques participent à l'innovation et à la recherche industrielle de pointe. Biocarburant, hybridation, motorisation électrique, remplacement du carbone par le chanvre, télémétrie, aérodynamique, toutes ces technologies venant de la course automobile sont devenues d'incontournables standards pour réussir la transition écologique.

Il est indispensable que, dans toutes les disciplines, les sports mécaniques conservent un écosystème avec des infrastructures comme le circuit Jean-Pierre Beltoise, dans les Yvelines.

Or la filière est fragilisée par l'application du droit commun du bruit ; même les formules E sont en infraction : un monoplace électrique produit en effet 85 décibels. Ne pénalisons pas ce laboratoire pour l'industrie automobile qui doit tendre aux objectifs européens - le temps presse.

Un chemin de crête équilibré doit être trouvé. Les Français ont droit à la tranquillité publique.

Bien qu'en dehors du champ de la loi de 2016, le transport aérien connaît les mêmes problèmes. Les Yvelines sont particulièrement concernées. J'ai d'ailleurs plusieurs fois interrogé le Gouvernement sur la mise en oeuvre des trajectoires d'approches aériennes dites en descente douce, qui semblent convenir à tous les acteurs - preuve que s'adapter à certaines réalités sectorielles est souvent une solution de bon sens.

Le bruit est l'un des maux du monde moderne : intensification des déplacements, généralisation des casques... Comme la pollution lumineuse, elle n'est pas sans conséquence sur notre santé. L'audition est l'une des fonctions de notre organisme qui ne cesse jamais. Il peut y avoir des troubles du sommeil et des dommages cardiovasculaires irréversibles.

Je salue tous les acteurs engagés contre la pollution sonore, notamment les élus locaux et les services de l'État.

Nous devons réaliser un travail de sensibilisation auprès de nos concitoyens. Le secteur du BTP devra également agir davantage sur l'isolation phonique, qui fait partie des diagnostics immobiliers.

Ce texte adapte un dispositif trop large qui ignore les spécificités de la filière. Le droit à la différenciation ne rime pas avec l'octroi de privilèges. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. Cédric Chevalier .  - (Applaudissement sur les travées du groupe UC ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.) Sur tous nos territoires, les courses automobiles sont des lieux d'échange et de rencontre. Au-delà des vitrines comme les 24 heures du Mans, il y a des rallyes dans tous les départements. Le circuit de Gueux, près de Reims, est classé au patrimoine monumental français, et la Marne est un lieu de passage du Rallye de Monte-Carlo. J'ai été bercé par les exploits de mon arrière-grand-père Charles Delfosse, constructeur et pilote automobile dans les années 1920.

Les sports mécaniques sont soumis à de strictes restrictions ne correspondant pas à leurs pratiques, malgré de grands progrès. Je salue le travail de l'auteure et du rapporteur. Notre commission a voulu instaurer un cadre limitant les nuisances mais desserrant un étau inutilement pressurisant. Il n'est pas question d'instaurer un droit à la pollution sonore, mais de permettre un développement équilibré du sport.

Les circuits automobiles existent pour la plupart depuis longtemps : nous ne sommes pas dans un film d'Yves Robert où des quadras achètent une maison près d'un aéroport un jour de grève des avions ! (Sourires)

Les avancées technologiques de ces sports servent à l'ensemble des constructeurs automobiles. La France est reconnue pour son savoir-faire d'excellence. Le moteur turbo a été développé grâce à la Formule 1, de même que l'ABS ou la récupération de l'énergie cinétique. Les freins à disque ont été présentés lors des 24 heures du Mans.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Très bien !

M. Cédric Chevalier.  - Il faut trouver une pratique équilibrée entre ces sports et les nuisances. De nombreuses améliorations ont été trouvées. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Mme Nathalie Delattre et M. Alain Duffourg applaudissent.)

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.) Dans cet univers plein de bruit et de fureur, c'est le bruit des uns qui provoque la fureur des autres, écrivait Antoine Blondin. (Sourires) Mais un bruit peut être insupportable ici et acceptable ailleurs. C'est une réalité à géométrie variable.

Dans un souci de protection de la santé publique, le décret Bruits détermine des niveaux sonores à respecter par des activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés, prévoit l'information du public, la mise à disposition de protections auditives et la mise en place de dispositions permettant le repos auditif. Les seuils sont fixés en décibels dits pondérés, des niveaux de pression acoustique maximum sur une durée déterminée. Cela concerne les festivals et les lieux hébergeant des activités susceptibles d'occasionner la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés, en prenant cette fois en compte un critère d'émergence.

Curieusement, on trouve des dérogations pour les bruits d'infrastructure de transport, des installations de défense, nucléaires, des carrières, certaines installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), et même des lieux situés à Saint-Barthélemy...

Cela induit des incohérences : le bruit d'un véhicule sur une route n'est pas plafonné, mais il l'est dans l'enceinte d'un circuit automobile, comme si la santé des riverains d'une autoroute comptait moins que celle des riverains d'un circuit automobile.

Or les sports automobiles participent du rayonnement de la France et ont un effet d'entraînement. Élue de la Nièvre, département mal connu, j'ai pu constater que le circuit de Magny-Cours l'était bien plus - comme le vin de Pouilly-sur-Loire. Les habitants sont tout à fait informés des bruits et le circuit a fait venir plus d'habitants qu'il n'en a fait partir. Le maire du village m'a indiqué qu'il savait détecter à l'oreille une vieille F1 des voitures modernes, bien moins bruyantes, et que l'installation d'un mât de mesure du bruit sur le toit de sa mairie avait prouvé que l'autoroute voisine suscitait plus de nuisances sonores.

Sénèque nous dit qu'il fallait séparer les choses du bruit qu'elles font. C'est ce que nous faisons pour les axes routiers et les activités industrielles.

Permettons à nos préfets de reprendre la main et d'utiliser une méthode qui vaut tous les décrets : la discussion. Le groupe UC votera cette proposition de loi pied au plancher ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE)

M. Jacques Fernique .  - La pollution sonore est une des pollutions les plus négligées ; pourtant ses impacts sanitaires sont prouvés : selon l'OMS, le bruit est le second dommage environnemental le plus important, après la pollution atmosphérique.

Pas moins de 20 % de la population européenne est exposée à des niveaux de bruits préjudiciables pour la santé. Cela affecte la santé humaine et animale. Il y a donc urgence à faire moins de bruit. Une étude conjointe du CNB et de l'Ademe évalue son coût social à 147 milliards d'euros chaque année.

Cette proposition de loi qui accorde une dérogation à la réglementation antibruit va à l'encontre des préconisations environnementales, du droit européen, des codes de l'environnement et de la santé publique. Quoi qu'on en dise, elle est un recul du droit à la santé. Le groupe écologiste s'y opposera.

Hypertension, maladies cardiovasculaires, morts prématurées sont les conséquences d'un bruit trop important. À Biltzheim, face au vacarme du circuit de l'Anneau du Rhin et aux effets des voitures et motos traversant les villages voisins jusqu'à Pfaffenheim, de nombreux riverains cochent dans le calendrier les jours de courses automobiles pour quitter le secteur. Où est le lien social ?

Le décret antibruit de 2017, voilà une norme sérieuse.

Certes, les circuits créent de l'engouement et de l'attractivité, mais l'argument de l'antériorité témoigne d'une singulière conception du code de l'environnement.

Quand un ancien pilote et responsable de circuit déclare, sans ambages, que la moitié de l'intérêt de ce sport vient du bruit du moteur, cela nous montre à quel point la culture de ce sport doit évoluer. (M. Alain Duffourg acquiesce.)

Les sports mécaniques ont aussi leur transition à mener. En votant cette proposition de loi, nous ne les y aiderons pas. Nous n'y contribuerons pas.

Mme Marie-Claude Varaillas .  - (M. Pierre Barros applaudit.) La prévention du bruit est un enjeu sanitaire et de qualité de vie. Selon un rapport de l'ONU de 2017, le bruit entraîne 48 000 cardiopathies et 12 000 décès prématurés par an en Europe. Les Européens sont 22 millions à souffrir de nuisances sonores chroniques. Certaines communes ont ainsi expérimenté des radars antibruit, aménagé des parcs et isolé des bâtiments. Nous devons apaiser les ambiances, en ville comme à la campagne.

L'intitulé de la proposition de loi n'est pas reflété par son objet. Le spectacle des sports mécaniques contribue au dynamisme économique de certaines communes, indubitablement. Toutefois, rien n'empêche des normes en matière de bruit, comme c'est déjà le cas pour le poids des véhicules ou le carburant. Elles pourraient en outre conduire les écuries à innover pour rendre les moteurs plus silencieux et performants.

Les passions de quelques-uns ne doivent pas causer des désagréments à toutes et tous.

Nous présenterons un amendement pour que le décret sur le bruit tienne compte de l'avis du CNB. S'il ne devait pas être retenu, comme nous souhaitons préserver la qualité de vie des riverains, nous voterons contre le texte. (M. Pierre Barros applaudit.)

Discussion des articles

Article unique

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par MM. Fernique, Dantec, Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Supprimer cet article.

M. Jacques Fernique.  - Considérant qu'il faut aller vite, sans faire trop de bruit : défendu ! (Sourires ; Mme Nathalie Delattre et M. André Guiol applaudissent.)

M. Alain Duffourg, rapporteur.  - Avis défavorable. Le texte, équilibré, protège à la fois les sports mécaniques et la santé de tous.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Le dispositif actuel pose de nombreuses difficultés pour les circuits. Nous devons conjuguer pérennité des circuits, préservation de la santé et tranquillité publique.

Cette proposition de loi peut être améliorée pour éviter les effets de bord. Sagesse. La discussion doit se poursuivre.

Mme Nathalie Delattre.  - Le RDSE ne votera pas cet amendement. Nous voulons que le débat perdure et que la proposition soit votée.

M. Jacques Fernique.  - Le décret date de 2017, nous sommes fin 2023. J'entends la volonté d'équilibre, mais existe-t-elle vraiment ? Où en est le groupe de travail sur cette question, annoncé par le Gouvernement en 2022 en réponse à une question de Patrice Joly ?

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Les gens ne veulent plus travailler !

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 3

Après le mot :

vitesse

insérer les mots :

et du Conseil national du bruit

M. Pierre Barros.  - Si nous commençons à légiférer au cas par cas pour chaque problème, nous ne nous en sortirons pas.

Cet amendement prévoit un avis du CNB. Le travail législatif est important, mais il faut consulter les structures existantes. L'association Antibruit de voisinage salue cette position.

Le bruit n'est pas logarithmique : trois décibels de plus doublent la pression acoustique ! La technologie permet certes des moteurs moins bruyants, mais on ne pourra se passer d'une bonne correction acoustique et d'isolation.

M. le président.  - Amendement identique n°2, présenté par Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Le CNB doit être consulté pour l'élaboration du décret prévu à l'alinéa 3. Il peut certes s'autosaisir, mais mieux vaut l'inscrire dans la loi.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°7, présenté par Mme Havet.

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

M. Alain Duffourg, rapporteur.  - Avis défavorable. Le ministère de l'environnement peut déjà faire appel au CNB, qui peut aussi s'autosaisir.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Sagesse. La loi actuelle prévoit l'avis de la Commission nationale d'examen des circuits de vitesse, déjà consultée pour homologuer les circuits. Le code du sport veille au respect de ses missions d'évaluation et de proposition, y compris sur les nuisances sonores.

L'objectif poursuivi est donc pleinement atteint. Sans remettre en cause la compétence du CNB, je ne souhaite pas alourdir la procédure.

Les amendements identiques nos1, 2 et 7 ne sont pas adoptés.

L'article unique est adopté.

Après l'article unique

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de la mise en oeuvre du décret prévu au deuxième alinéa de l'article L. 571-6-1 du code de l'environnement et de ses conséquences sur les activités mécaniques, l'environnement, la santé et la tranquillité des riverains.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Cet amendement prévoit un rapport sur l'application de ce texte dans les deux ans suivant sa promulgation. Aucune contrepartie n'est demandée à la filière des sports mécaniques, dont la préservation est mise sur le même plan que la lutte contre les nuisances sonores. Une clause de revoyure est donc indispensable. Certains rapports sont nécessaires, celui-ci est attendu par les riverains.

M. Alain Duffourg, rapporteur.  - Avis défavorable. Le Sénat n'est pas enclin à accepter les demandes de rapport.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Avis défavorable.

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - L'amendement est intéressant, même si les demandes de rapport ne sont pas notre tasse de thé, d'autant que le Gouvernement nous les remet rarement... Une réunion est prévue pour veiller à l'application de la loi. Je serai vigilant, la réflexion de Mme Bonnefoy étant pertinente.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de loi :

Proposition de loi visant à instaurer un régime dérogatoire applicable aux sports mécaniques en matière de prévention des risques liés aux bruits

Mme Nicole Bonnefoy.  - La loi doit être intelligible et claire. L'intitulé actuel, qui ne mentionne pas les sports mécaniques, semble avoir pour objet de dissimuler la nature du texte.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par MM. Fernique, Dantec, Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de loi :

Proposition de loi visant à court-circuiter la prévention des risques liés aux bruits pour les sports mécaniques.

M. Jacques Fernique - Selon les auteurs de la proposition de loi, les sports mécaniques seraient soumis à des normes inapplicables. Cet amendement vise à mettre en cohérence leur objectif et l'intitulé du texte. Vous avez le choix entre deux propositions : choisissez la bonne !

On a cité Jaurès, dont j'ignorais la passion pour les courses. (Sourires) Je citerai Albert Camus : « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. »

M. Alain Duffourg, rapporteur.  - Les expressions de régime dérogatoire et de court-circuit sont inappropriées. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Sagesse sur l'amendement n°4, avis défavorable sur l'amendement n°6.

L'amendement n°4 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°6.

Vote sur l'ensemble

Mme Nathalie Delattre .  - Je remercie le rapporteur et les services du Sénat pour le travail effectué, ainsi que l'ensemble des groupes pour nos échanges. Je me réjouis de l'adoption probable de ce texte et je fais confiance à la navette pour l'améliorer.

Mme Nicole Bonnefoy .  - Je regrette que nos amendements, pourtant constructifs, n'aient pas été retenus.

Le président Longeot dit qu'il veillera à la bonne application de la loi. Je n'hésiterai pas à vous le rappeler, car le bruit est une question majeure. Notre groupe votera majoritairement contre ce texte.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Cédric Chevalier et Thierry Cozic applaudissent également.)

M. Jean-François Longeot, président de la commission.  - Merci à tous pour ce débat intéressant. Le sujet nous invite à la vigilance. Madame Bonnefoy, je sais que vous ne lâcherez rien ! Je m'engage à avoir une oreille attentive au bruit... (Sourires)

Je rends hommage au travail accompli par nos services en quelques semaines. Nous espérons une suite à l'Assemblée nationale.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Je remercie Nathalie Delattre. Nous ne devons rien lâcher sur la préservation de la filière des sports mécaniques, les enjeux de santé publique et de protection de l'environnement. Je remercie également le rapporteur et ses services.

Nous approfondirons le débat durant la navette. Pour poser les curseurs aux bons endroits, nous avons besoin du législateur. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; Mmes Nathalie Delattre et Annick Girardin applaudissent également.)

La séance est suspendue à midi vingt-cinq.

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.