Projet de loi de finances pour 2024

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024.

Discussion générale

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Permettez-moi de saluer la présence de Raphaël Zahiri, qui m'accompagne dans le cadre de la semaine pour l'emploi des personnes handicapées. Le Gouvernement tient à l'insertion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail. Raphaël, comme toutes les personnes en situation de handicap, vous avez toute votre place dans notre société.

La période économique est complexe. La conjoncture internationale ralentit, en France comme chez nos partenaires. Même si elle reflue, l'inflation pénalise les plus modestes, malgré les mesures prises par le Gouvernement et le début de ralentissement des prix. La guerre au Proche-Orient et en Ukraine inquiète.

Je crois à la capacité de l'économie française à tenir bon.

Premièrement, nous avons de la croissance - ce qui n'est pas le cas partout. Nous ferons 1 % de croissance en 2023, comme je m'y étais engagé. La Commission européenne estime la croissance pour 2024 à 1,2 %, le Gouvernement à 1,4 %.

L'inflation reflue en France et dans la zone euro : nous avons gagné cette bataille en un peu moins de deux ans, alors qu'il avait fallu dix ans dans les années 1960.

Certes, l'emploi marque le pas, mais plusieurs projets industriels majeurs devraient voir le jour.

Je suis donc convaincu que si nous poursuivons les transformations économiques de notre modèle social pour inciter davantage au retour à l'emploi, la France réussira dans les prochaines décennies.

Encore faut-il tenir une ligne claire et ferme.

D'abord, sur les comptes publics. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit un déficit de 4,4 % - nous tiendrons ce chiffre, comme nous avons toujours tenu nos objectifs, hors période covid.

C'est pourquoi nous allons supprimer les boucliers tarifaires sur l'électricité et le gaz : nous payons encore 30 % de la facture d'électricité des ménages. C'est fait pour le bouclier sur le gaz ; il en ira de même pour l'électricité d'ici au 1er janvier 2025.

Votre excellent rapporteur général...

MM. Emmanuel Capus et Laurent Burgoa.  - Excellent !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... a proposé d'aller plus vite. Je le remercie pour cette proposition utile et bienvenue. Nous sommes prêts à la reprendre, dès lors que les tarifs pour les ménages n'augmentent pas de plus de 10 % en février 2024.

Nous ferons également des économies sur la politique de l'emploi et sur les dispositifs à destination des entreprises.

Deuxièmement, à la demande de la Première ministre, nous avons engagé une revue des dépenses qui nous fera économiser 2 milliards d'euros sur le Pinel, le prêt à taux zéro (PTZ) et les politiques de l'emploi.

Les propositions d'économies des parlementaires nous aident. (Mme Nathalie Goulet s'en félicite.) Je salue le travail de la majorité à l'Assemblée nationale et de l'autre excellent rapporteur général, Jean-René Cazeneuve, qui a permis de dégager 1 milliard d'euros supplémentaires, avec le maintien de la contribution sur la rente inframarginale et le gel des allègements de charges.

Nous tiendrons aussi la promesse de repasser sous les 3 % de déficit d'ici à 2027.

Toutes les dépenses publiques seront examinées : nous prévoyons trois revues des dépenses d'ici au premier semestre 2024, qui concerneront une quarantaine de programmes.

Il est indispensable d'engager une réflexion globale sur le périmètre de l'État et l'enchevêtrement des compétences, comme prévu par la mission Woerth.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.  - Lisez le rapport du Sénat, cela vous fera gagner du temps !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous agissons donc en trois temps : sortir des dispositifs exceptionnels liés au covid, engager la revue des dépenses publiques et enfin interroger l'organisation administrative de notre pays pour plus d'efficacité.

Nous devons être clairs et fermes sur la stratégie économique, et donc sur la croissance, qui crée des emplois et réduit la dette.

Je refuse l'austérité, qui n'a jamais permis de rétablir les comptes publics. Je crois à la responsabilité et au soutien à la croissance. Nous maintiendrons la politique de l'offre, qui a fait ses preuves depuis sept ans : deux millions d'emplois créés, trois cents usines implantées, des filières relancées - comme celle des batteries électriques.

Cette année, les impôts de production baisseront de 1 milliard d'euros, en vue de supprimer la contribution à la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dans les meilleurs délais possible. C'est la seule baisse d'impôt prévue en 2024 et elle est pour les PME.

Nous allons réaliser dans les prochains mois un effort massif de simplification de la vie des entreprises, pour permettre aux entrepreneurs de se concentrer sur la création de valeur et d'emplois. (M. Pascal Savoldelli ironise.) Toutes les propositions seront les bienvenues.

Nous devons aussi viser le plein emploi. La France bute depuis cinq décennies - un demi-siècle ! - sur les 7 % de taux de chômage. Quand ça va mal, c'est 10 % ; quand ça va bien, c'est 7 %. Nous ne sommes jamais parvenus au plein emploi, soit 5 %. Tel est l'objectif fixé par le Président de la République. Mais nous n'y parviendrons pas à modèle social constant. (Exclamations de surprise à gauche)

M. Pascal Savoldelli.  - Ben oui !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Donnons-nous les moyens d'y arriver ensemble, en ouvrant plusieurs chantiers.

Premièrement, celui de l'assurance chômage. La première discrimination est l'âge : passé 55 ans, on vous ferme la porte au nez. C'est une discrimination invisible, mais réelle.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Il serait temps de le découvrir !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - On argue alors du moindre prétexte pour vous écarter. Voilà la réalité inavouable du modèle social français, à laquelle je ne me résignerai pas. Approchant moi-même de cet âge...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - C'est bon, je les ai passés !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... j'estime que cette compétence et cette expérience sont précieuses pour les entreprises.

M. Michel Canévet.  - C'est vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avec une durée d'indemnisation de 27 mois pour les plus de 55 ans, contre 18 mois pour les autres, l'incitation à la reprise d'emploi est faible et l'assurance chômage se transforme en retraite.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Et alors ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il faut donc modifier les règles : je suis favorable à une indemnisation de dix-huit mois et souhaite que les entreprises prennent leurs responsabilités pour donner aux seniors toute la place qui leur revient. (Murmures à gauche)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Et comment ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Une société qui se prive des compétences des plus de 55 ans se prive de richesses.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Dites-le au Medef !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Deuxièmement, le chantier du logement. Nombre de jeunes ne peuvent prendre un emploi aux Herbiers, alors même qu'il y a des emplois disponibles, tout simplement par manque de logements. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée ironise.) Il faut donc construire plus vite et mieux, grâce à des mesures fortes.

M. Bruno Retailleau.  - Pas le ZAN !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je suis prêt à étudier toutes les propositions. Cela passera par une simplification massive et un échange approfondi entre l'État et les collectivités territoriales.

M. Bruno Retailleau.  - Nous avons des idées...

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je le sais,...

M. Pascal Savoldelli.  - Moi, je ne le savais pas !

Une voix à gauche.  - Et nous ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... et d'autres groupes en ont aussi.

Troisièmement, la productivité est en berne, car l'Union européenne n'innove pas assez et n'a pas créé cette union des marchés de capitaux pour laquelle je me bats depuis cinq ans. Sans elle, il n'y aura pas d'intelligence artificielle européenne. Pour gagner en productivité, il faut gagner en innovation, donc en moyens de financement.

L'innovation doit être ouverte à tous. Comment notre nation peut-elle se résigner à avoir moins de femmes ingénieures qu'il y a vingt ans ? D'où ma proposition de quotas de femmes dans les classes préparatoires scientifiques.

M. Thomas Dossus.  - Parlez-en à votre collègue !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Parlez-nous du budget plutôt !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Cela manque de femmes sur le banc des ministres !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Quatrième chantier, la réindustrialisation. L'hypocrisie et les mensonges ont fait des ravages. Longtemps, on a privilégié la consommation et redistribué des richesses qui n'avaient pas été créées. C'est en redevenant une nation de production, avec usines, exploitations agricoles et produits à forte valeur ajoutée que nous ferons tenir notre modèle social. Il n'y a pas de modèle social généreux sans production industrielle et agricole de masse.

La baisse des impôts sur les entreprises, la loi relative à l'industrie verte, le crédit d'impôt doivent nous permettre de gagner la bataille de la production et de financer sainement notre modèle social. La transition climatique est une opportunité historique pour y parvenir.

Si nous voulons gagner la bataille de la relocalisation, il faut investir massivement dans la formation et nous doter des mêmes instruments de protection que la Chine et les États-Unis. L'Europe doit aider des projets à contenu européen, qui respectent les normes européennes. Sinon, le marché européen deviendra un supermarché pour les puissances étrangères.

Tout cela suppose des comptes publics bien tenus et une accélération du désendettement. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bruno Belin applaudit également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je suis heureux d'être accompagné d'un commissaire du Gouvernement, M. Santiago Forestier, qui partage nos travaux dans le cadre du programme DuoDay pour une société plus inclusive. Ce programme a permis l'année dernière à 35 000 personnes d'amorcer un parcours d'insertion.

Nous avons récemment débattu de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et, hier, le Sénat a voté les conclusions de la CMP sur le PLF de fin de gestion. Le PLF pour 2024 s'inscrit dans la même trajectoire.

Note vision est cohérente et claire : nous souhaitons maîtriser nos finances publiques, poursuivre notre soutien à l'emploi et à l'activité et investir dans l'avenir.

Ce PLF confirme la trajectoire inscrite dans la loi de programmation. En 2018, le déficit était repassé sous les 3 %, ce qui nous a permis, pendant la crise sanitaire, de protéger les emplois - avec le chômage partiel - les entreprises - avec le fonds de solidarité - et les ménages - avec l'aide exceptionnelle de solidarité. Face à la hausse du prix de l'énergie, l'État a mis en place des boucliers et un amortisseur. Face à l'inflation, il a revalorisé les prestations sociales, créé une prime exceptionnelle de rentrée et versé une indemnité carburant.

Nous avons tenu bon : le taux de chômage est historiquement bas, la croissance solide et nous sommes en train de gagner la bataille de l'inflation. Grâce à nos réformes, nous sortons des crises.

Mais ces politiques ont eu un coût ; elles ont accru la charge de la dette, ce qui nous coûte cher compte tenu de la hausse des taux d'intérêt.

Acter la fin du « quoi qu'il en coûte » sans renoncer à nos investissements, tel est l'objet de ce PLF.

Nous prévoyons un déficit à 4,4 % pour 2024, et en dessous de 3 % en 2027. Nous prévoyons des économies : 14 milliards d'euros grâce à la sortie de crise ; 350 millions sur la politique de l'emploi, grâce à la réduction du chômage ; 500 millions en améliorant l'efficience de la politique de formation professionnelle et de l'apprentissage.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Eh bien...

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Il s'agit d'économies ciblées, non d'un grand coup de rabot néfaste à l'économie.

Cela se fait sans augmentation d'impôt depuis 2017, et cela fonctionne ! Nous ne changerons pas de cap, car les résultats sont là.

La croissance est prévue à 1,4 % - les prévisions de l'OCDE et de la Commission européenne oscillent entre 1,2 et 1,3 %.

L'effort ne porterait que sur les collectivités territoriales ? Cessons d'opposer l'État et les collectivités. Les concours financiers de l'État s'élèveront à 55 milliards d'euros, et la DGF augmentera de 220 millions d'euros, après la hausse de 2023.

Les élus ont besoin de clarté. (M. André Reichardt renchérit.) Hier, le Président de la République a annoncé la réforme de la DGF.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - On va vous aider !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Le FCTVA sera élargi aux dépenses d'aménagement, pour 250 millions d'euros.

Nos collectivités territoriales bénéficieront d'un effort inédit en faveur de la transition écologique : fonds vert à hauteur de 2,5 milliards d'euros, dont 500 millions d'euros pour la rénovation des écoles.

Il faut accélérer le verdissement de toutes nos dépenses publiques. Des budgets verts seront instaurés dans les plus grandes collectivités, non pas pour compliquer la vie des élus, mais pour valoriser leur action en faveur de la transition écologique.

Résolument tourné vers l'avenir, ce budget est conforme aux lois de programmation pour les armées, la sécurité et la justice.

Dans le contexte international actuel, il est essentiel de disposer d'une armée de premier ordre. C'est pourquoi le budget des armées augmentera de 3,3 milliards d'euros, pour renforcer nos équipements mais aussi aider l'Ukraine.

Le budget du ministère de l'intérieur augmentera de 1 milliard d'euros, pour financer des recrutements et améliorer l'accueil des victimes de violences.

Quant à celui de la justice, il augmentera de 500 millions d'euros, avec le recrutement de plus de 2 000 fonctionnaires, dont 300 magistrats, 300 greffiers et 450 agents pénitentiaires.

Il n'y a pas de meilleur investissement que l'éducation nationale : nous revaloriserons le salaire des professeurs grâce à une hausse historique du budget.

Nous avons deux dettes : la dette financière et la dette écologique. Nous investissons massivement dans la transition écologique, avec pas moins de 10 milliards d'euros supplémentaires prévus pour la rénovation thermique, la décarbonation des transports ou l'industrie verte. Ces dépenses vertes accompagneront aussi les ménages pour passer à la voiture électrique et isoler leur logement. C'est indispensable si nous voulons respecter nos objectifs.

Ce PLF marque une étape décisive dans la lutte contre la fraude.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - C'est un enjeu de cohésion sociale et de consentement à l'impôt. Nous embaucherons 250 agents supplémentaires dès l'année prochaine. (Mme Nathalie Goulet s'en félicite.) Nous renforcerons aussi l'arsenal législatif en créant une sanction administrative générale pour lutter contre toutes les fraudes. (M. Michel Canévet s'en félicite.)

L'Assemblée nationale a enrichi le texte. Nous avons repris 515 amendements, de la majorité et des oppositions - soit plus que l'an dernier. Notre méthode, c'est le dialogue, comme lors des dialogues de Bercy qui nous ont permis de partager nos divergences et nos sujets de préoccupation communs.

La première lecture à l'Assemblée nationale...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Mais il n'y a pas eu de lecture !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - ... a permis d'adopter des mesures très concrètes : maintien de la contribution sur les rentes inframarginales pour capter les profits exceptionnels des énergéticiens ; décorrélation de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et de la taxe foncière, répondant aux attentes de nombreux élus ; soutien aux collectivités d'outre-mer grâce à 90 millions d'euros supplémentaires pour l'aide aux infrastructures et un fonds pour l'eau à Mayotte.

En outre, le PLF de fin de gestion ouvre 113 millions d'euros supplémentaires pour Mayotte, sur initiative du RDPI.

C'est la même méthode que je veux appliquer. Nous sommes ouverts aux propositions des sénateurs...

Mme Nathalie Goulet.  - Et sénatrices !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - ... de tous les groupes. Nous nous appuierons sur vos travaux pour aboutir à une vision enrichie et équilibrée, sans dégrader nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une nouvelle fois, le Gouvernement a fait usage de l'article 49.3 de la Constitution à l'Assemblée nationale. La méthode est problématique à plusieurs égards. Vous avez utilisé le 49.3 non pour clore une discussion parlementaire, mais avant même l'examen du moindre amendement de la première partie... Le débat sur la seconde partie a été complètement tronqué.

Et pourtant, votre texte est passé de 59 à 234 articles : c'est la grande inflation ! Voilà donc 175 articles qui n'ont été ni examinés par le Conseil d'État, ni évalués par une étude d'impact, ni débattus à l'Assemblée nationale...

M. Albéric de Montgolfier.  - Ce n'est pas sérieux !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Vous ne pouvez pas faire n'importe quoi en vous abritant derrière les dialogues de Bercy : c'est la démocratie à l'envers ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Ici, nous débattrons ; j'espère que vous retiendrez plus de nos propositions que l'an dernier...

Le temps s'est comme figé, et je pourrais reprendre au mot près mes propos de 2022 : le budget de l'État atteint des sommets ; il faut faire des économies ; les dépenses publiques ne fléchissent pas. Bis repetita, est-ce un manque de courage ? Un manque d'idées ?

En 2024, le déficit public devrait atteindre 4,4 % du PIB, prévision optimiste. Selon le FMI, la France aurait le deuxième déficit public le plus élevé de la zone euro. (M. Albéric de Montgolfier le confirme.)

Vous laissez dériver la dette : avec un endettement public à 110 % du PIB - douze points de plus qu'en 2017 -, la France sera sur le podium des pays les plus endettés, derrière la Grèce et l'Italie.

Les collectivités territoriales sont quasiment à l'équilibre : leur léger déficit, de 0,3 % du PIB, est quinze fois inférieur à celui de l'État. À 144 milliards d'euros, celui-ci représente 54,7 % des ressources nettes du budget général.

La France entre dans sa cinquantième année consécutive de déficit budgétaire. Depuis cinq ans, c'est même l'ère des déficits extrêmes : 150 milliards d'euros par an, contre 90 milliards il y a cinq ans. Vous ne cessez d'annoncer la sortie du « quoi qu'il en coûte », annonce sans lendemain. Le déficit s'est creusé de 400 milliards en cinq ans, voilà la réalité !

Conséquence directe : augmentation de la charge de la dette, qui passera de 48 milliards d'euros en 2023 à 84 milliards en 2027 : 75 % d'augmentation ! Dès 2026, il s'agira du premier poste de dépenses de l'État, soit l'équivalent des budgets des armées et des forces de sécurité civile réunis. Comment financer la transition écologique avec des ressources à ce point amputées ?

La répétition de ce constat depuis cinq ans témoigne de votre impuissance coupable. Vous multipliez les déclarations optimistes, contredites par vos résultats : vos comptes ne sont pas tenus. Vous parlez beaucoup, mais faites si peu ! Où sont donc les 16 milliards d'euros d'économies ? Nous ne voyons disparaître que les dépenses de crise. Où est le 1 milliard d'euros de prélèvements sur les excédents des opérateurs, et de quels opérateurs s'agit-il ?

Vous parlez de stabilité des emplois de l'État, mais en voici 8 273 de plus, et la masse salariale de l'État a augmenté de 10 % en volume depuis 2017. Le Gouvernement parle beaucoup, mais fait si peu...

À ne pas regarder la vérité en face, vous ne trouvez pas de solutions aux problèmes du pays. C'est le cas pour le logement : tous les indicateurs sont au rouge, mais ce PLF n'est pas à la hauteur de la crise structurelle du secteur, pourtant décisif pour notre économie.

Vous tablez sur une croissance de 1,4 %, contre 0,8 % pour le consensus des économistes : c'est très, très optimiste !

Vous sous-estimez les effets de la politique monétaire : en quatorze mois, la BCE a augmenté ses taux d'intérêt directeurs de 450 points de base, le durcissement le plus sévère de son histoire. Or il y a un effet retard d'un an, qui jouera donc en fin d'année prochaine.

Vous anticipez des créations d'emplois en 2024, alors que la Banque de France prévoit des destructions d'emplois et une hausse du chômage. Même le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) juge que le Gouvernement ne retient que des hypothèses favorables.

J'ai entendu vos bémols sur la situation internationale, mais les chiffres sont têtus. Votre problème majeur, c'est la dépense publique, dont la dérive - plus 6 milliards d'euros hors crise - donne le vertige... C'est irresponsable !

En 2024, la plupart des missions du budget général vont augmenter, de plus de 1 milliard d'euros pour sept d'entre elles. La Commission européenne vous a alertés voilà quelques jours.

Monsieur le ministre, il faut redresser la barre. Le Sénat ne se contente pas de critiquer. Vous parlez d'économies, nous vous les proposons. La commission des finances a voté plus de 5 milliards d'économies : réduction des effectifs des opérateurs, meilleur ciblage de l'apprentissage, fin des surbudgétisations, réforme de l'aide médicale d'État, réforme de l'audiovisuel public, révision du bouclier électricité. La majorité présidentielle les évoque, mais les laisse en plan ; nous proposons d'agir !

Malgré la prétendue fin du « quoi qu'il en coûte », vous proposez une baisse d'impôt non ciblée de 10 milliards d'euros sur les tarifs de l'électricité. Nous vous proposons de cibler.

Vous proposez d'exonérer de tout impôt les fédérations olympiques, y compris leurs salariés, pendant cinq ans. Comment pouvez-vous parler d'une bonne gestion de l'argent public ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Michel Canévet et Thomas Dossus applaudissent également.)

Le Président de la République annonce qu'il financera le Centre national de la musique, mais le Gouvernement ne fait rien. Nous, si !

Il est 15 heures passées : l'heure du réveil a sonné ! (Sourires) Le « quoi qu'il en coûte » vous a anesthésiés. Vous êtes incapables de tenir certaines promesses, comme la disparition de la CVAE, et les chefs d'entreprise et les ménages craignent des hausses d'impôt à venir.

Je vous propose de suivre la commission des finances pour redresser notre pays et ses comptes publics. La France et les Français en ont grand besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Voilà plus d'un mois que nous analysons ce budget. Je remercie tous mes collègues pour leurs travaux sur l'ensemble des missions, budgets annexes et comptes spéciaux, durant trente-sept heures de commission depuis début octobre. Ayant mené un nombre considérable d'auditions, nous avons une vision plus claire de ce PLF.

Comme l'an dernier, notre examen intervient après l'utilisation du 49.3 : très peu de dispositions ont été débattues, la Première ministre ayant déclenché la procédure avant l'examen du premier article de la première partie. Et vous avez ajouté 115 articles additionnels en première partie, 60 en seconde... Le nombre d'articles a quadruplé.

Voici quelques idées qui me tiennent à coeur.

Une fois n'est pas coutume, je parlerai dépense publique. (M. Jean-François Husson s'exclame.) Ce n'est pas un gros mot. J'aimerais combattre des facilités lassantes, comme de toujours mesurer les dépenses publiques par rapport au PIB. Après 61,4 % du PIB en 2020, elles représenteraient 55,8 % du PIB en 2023 et 55,4 % en 2024. Ainsi exprimée, la dépense publique paraît très élevée, et la diminution de cet agrégat est systématiquement interprétée comme une bonne nouvelle.

Ne soyons pas hypocrites : ces chiffres ne signifient pas que la sphère publique capterait 55 % du PIB ! Certes, certains éléments comme la consommation et l'investissement public constituent une part du PIB, mais pas les transferts sociaux, qui ne sont nullement des valeurs ajoutées, alors que le PIB est la somme des valeurs ajoutées produites. Avec un indicateur similaire, les dépenses privées atteindraient 220 % du PIB.

Cet indicateur montre que nous avons fait le choix de socialiser une grande partie des dépenses des ménages, contrairement aux États-Unis par exemple : leurs dépenses publiques atteignent 45 % du PIB, mais les dépenses de santé n'y sont pas incluses, alors qu'elles représentent 18 % du PIB, contre 12 % en France. Si l'on désocialise les dépenses de santé, nous rejoignons le niveau américain. L'Allemagne a un niveau de dépenses publiques de 50 % du PIB. L'écart tient, là aussi, aux différences de protection sociale.

La France est une économie de marché dans laquelle la puissance publique assure une redistribution forte, qui réduit les écarts de revenus. Certains le déplorent, je m'en réjouis, car c'est ce qui tient notre société. Il est urgent de préserver ce système tout en essayant de faire mieux.

M. Victorin Lurel.  - Très bien !

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Dire cela, ce n'est pas renoncer à améliorer nos finances publiques. La charge de la dette augmente, et nul ne s'en réjouit.

Messieurs les ministres, je ne comprends pas votre entêtement à réduire les recettes de l'État en période de crise. FMI, Banque de France, Cour des comptes : tous vous disent que l'heure n'est pas à la réduction des prélèvements obligatoires. L'impôt sur les sociétés est passé de 33 à 25 %. Mais, depuis, je ne vous suis plus : suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), de la taxe d'habitation, de la CVAE et même de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Une cinquantaine de milliards annuels se sont évaporés depuis 2017, que vous cherchez désespérément pour ramener le déficit en dessous de 3 % du PIB.

En 2018, grâce à la politique de vos prédécesseurs (M. Thomas Cazenave sourit.), la France quittait la procédure de déficit excessif, avec 3 % de déficit. Vous êtes en train de nous y ramener : une belle réussite ! Et pour quel résultat ? Une hausse de l'épargne des plus aisés et des bénéfices plus tournés vers l'achat d'actions que vers l'investissement.

M. Victorin Lurel.  - Eh oui !

M. Claude Raynal, président de la commission.  - N'aurait-il pas été plus utile que l'État conserve ses moyens et limite son endettement ? Je crains que la réponse ne soit dans la question...

Cette année, le projet de loi de finances est à peu près aligné sur la loi de programmation et le programme de stabilité. En 2025, l'exercice sera plus compliqué : quasiment plus de reliquat, une revue des dépenses décevante... Et je crains que le sujet des recettes nouvelles ne s'impose prochainement, comme la remise en cause des lois de programmation.

Le retour sur Terre ne fait que commencer. Un conseil : attachez bien vos ceintures ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; MMMarc Laménie et Bruno Belin applaudissent également.)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°I-1666, présentée par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 127, 2023-2024).

M. Éric Bocquet .  - Dans les prochaines semaines, nous énoncerons des chiffres ; mais je souhaite parler de la vie des gens, à qui ce budget devrait apporter des solutions concrètes.

Le 14 novembre dernier, le Secours catholique a publié son rapport annuel pour 2023, qui est saisissant : depuis le covid, 550 000 personnes ont basculé dans la pauvreté. Le taux de pauvreté atteint 14,5 %, en hausse de 0,9 point.

Le Monde du jeudi 16 novembre relate le cas de Chantal, 60 ans, qui fait partie des personnes aidées par les associations d'aide alimentaire. Quand elle a payé ses frais fixes, il lui reste 17 euros par jour. « Je me dis toujours qu'il y a pire que moi », témoigne-t-elle. Elle vit sous le seuil de pauvreté, fixé à 60 % du revenu médian, soit 1 210 euros par mois.

Après une séparation, un cancer du sein et un licenciement, elle a retrouvé un emploi et cumule pension d'invalidité, salaire et aide au logement. Ses quinze jours annuels de congé lui font perdre des revenus. Elle reconnaît quelques heures de travail au black ses aides baisseraient si elles étaient déclarées. Si elle prend sa retraite à 62 ans, elle ne dépassera pas 800 euros par mois.

Elle doit assumer 682 euros de frais fixes mensuels : 242 euros pour le loyer, 109 euros pour l'électricité, mutuelle, assurance voiture, internet. Il lui reste donc 17 euros par jour. Elle attend les promotions, fait durer ses dix steaks surgelés sur le mois, a renoncé aux fruits et légumes pour se payer son tabac et jouer au loto le dimanche. Elle continue de payer son assurance décès - 21 euros - pour ses enfants. En revanche, elle n'a pas les moyens de se payer un dentier ; après sa chimio, ses treize dents restantes la font souffrir, mais elle se bourre de Doliprane et ne se plaint pas. Sa voiturette, hors service, lui a fait renoncer à deux semaines de salaires. Elle n'a aucun droit à l'erreur : une déclaration deux jours trop tard lui a fait perdre trois mois de pension d'invalidité.

Aujourd'hui, elle a rejoint les bénévoles de la permanence alimentaire. Je remercie la journaliste Claire Ané, qui a écrit son histoire.

Le pacte de solidarité du Gouvernement a fait réagir les associations. Un catalogue de mesures pour la plupart déjà connues avec, tout au plus, une petite rallonge... C'est une déception.

Vous confirmez votre volonté dogmatique de baisser les dépenses à tout prix et de ne pas prendre sur les dividendes. À l'autre pôle de l'échiquier social, face aux 682 euros de frais fixes de Chantal, Bernard Arnault consomme 657 litres de carburant par heure avec son méga yacht, pour une TVA nulle grâce au contrat de transport international. La France ne serait pas un paradis fiscal ? Même Challenges le conteste.

Pour la quasi-totalité de la population, le système fiscal est progressif, sauf au sommet de la pyramide - les 0,1 % les plus riches. Il est le plus faible pour 75 milliardaires identifiés, les 0,0002 %, à 26 % - si leurs revenus étaient assujettis à l'impôt sur le revenu, ce serait 59 %.

Jean Pisani-Ferry, inspirateur du programme économique du candidat Emmanuel Macron, préconise de taxer davantage les plus riches. Bruno Le Maire semble enfin commencer à comprendre ce que sont les superprofits : nous l'appelons maintenant à les taxer à la hauteur.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Éric Bocquet.  - Nous vous appelons aussi à regarder les recettes. Le rapport de l'Assemblée nationale rappelle que 2 500 emplois ont été supprimés dans le contrôle fiscal entre 2013 et 2021. Parmi nos voisins, le Luxembourg accueille le siège de 55 000 sociétés offshore, et Chypre abrite l'argent sale des oligarques russes.

La Cour des comptes s'interroge, elle, sur la pertinence de l'IA pour les contrôles fiscaux et critique les indicateurs qui ne font pas le lien entre ciblage, motif de programmation et résultat.

Il est grand temps de chausser les bottes de sept lieues pour agir contre l'évasion fiscale. Les 465 dépenses fiscales, ou niches, coûtent 94 milliards d'euros à l'État !

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

M. Éric Bocquet.  - Portant à 90 % sur l'impôt sur le revenu et la TVA, elles fragilisent la consolidation des dépenses publiques. Aucune évaluation sur les onze programmes de contrôle n'a été réalisée. Aucune réforme depuis dix ans. Aucune des onze évaluations prévues pour 2022 n'a été menée. N'est-il pas temps de revoir, entre autres, le pacte Dutreil ?

Cette motion est le surgissement de l'état réel de notre société dans nos débats, et un appel à de nouvelles recettes contre la dette.

Ce projet de loi de finances doit dégager 16 milliards d'euros pour, selon Bruno Le Maire, engager le désendettement. Comment croire à cette fable quand vous avez déjà annoncé que vous emprunterez 285 milliards d'euros l'année prochaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MM. Christian Bilhac et Philippe Grosvalet, Mme Nathalie Goulet et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis défavorable. Je remercie notre collègue de nous narrer la vraie vie d'un certain nombre de concitoyens. Chacun d'entre nous a pu dresser des portraits semblables.

Vous avez ensuite redonné certaines perspectives, afin d'améliorer nos débats. Heureusement, le Sénat choisit de débattre ! Notre démocratie ne peut se passer de tout débat au Parlement.

Ici, nous aimons travailler et le faisons sérieusement. Nous avons des désaccords, bien sûr, c'est le propre du débat public. Messieurs les ministres, je vous demande de retenir davantage de propositions du Sénat que l'an dernier. Sinon, c'est perdant-perdant : un exécutif affaibli et un Parlement qui n'est pas entendu.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - Je comprends l'argument du rapporteur général sur la privation de débat en cas d'adoption de la motion. Mais de quel débat parlons-nous ? Des emprunts à 285 milliards d'euros, un déficit de 254 milliards... On l'accepte ? Le rapporteur général a rappelé que 175 articles ont été ajoutés par le 49.3. Peu importent nos votes, il sera réutilisé à l'Assemblée. Cette motion n'est pas un mouvement d'humeur : les dés sont pipés !

À la fin, les débats sont usurpés. Ici, pas de censure. Avec les moyens dont nous disposons, nous voulons signifier un coup d'arrêt.

La motion n°I-1666 est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°66 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 260
Pour l'adoption   18
Contre 242

La motion n°I-1666 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Didier Rambaud .  - Les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) ont le marathon. Ici, nous avons le budget.

Avec une croissance de 1,4 % et des recettes en hausse de 14 milliards d'euros, le dynamisme de l'économie française n'est pas le fruit du hasard, mais de la politique menée depuis plus de cinq ans.

L'imposition minimale sur les sociétés apportera 1,5 milliard d'euros de plus en 2026, une victoire pour la réindustrialisation de la France.

Le ministre l'annonçait à la radio : ce budget marque la fin du « quoi qu'il en coûte ». Il demeure cependant résolument engagé pour les services publics, la transition écologique et, surtout, les collectivités territoriales. Les Français ont des attentes fortes en matière de services publics.

Le budget des armées augmente de 3,3 milliards d'euros et celui de la justice de 5 % ; 6 700 agents publics supplémentaires sont recrutés, dont 3 000 pour accompagner les élèves en situation de handicap, 1 900 pour les tribunaux et 2 600 dans la police.

En 2024, 3,9 milliards d'euros supplémentaires seront consacrés à l'éducation nationale. Pour faire face au problème d'attractivité du métier d'enseignant, les rémunérations augmentent de 100 euros pour tous les enseignants, avec 2 100 euros en début de carrière, sans oublier la hausse du point d'indice.

Saint-Exupéry disait : « Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants. » À l'heure du défi climatique, le rapport Pisani-Ferry estime les besoins à 60 milliards d'euros d'ici à 2030. Le Gouvernement prend sa part en consacrant 7 milliards d'euros à la transition écologique dès cette année, pour l'isolement thermique, les forêts, le fonds vert...

Je n'oublie pas le crédit d'impôt industrie verte, qui pourrait susciter 23 milliards d'euros d'investissement, avec la création de 40 000 emplois directs. La planification écologique est en cours. Ne pas le reconnaître serait de mauvaise foi, voire un déni de réalité inquiétant.

Si ce budget marque la fin du « quoi qu'il en coûte », cela ne vaut pas pour l'accompagnement des collectivités territoriales. Après une première hausse en douze ans, la dotation globale de fonctionnement (DGF) augmente à nouveau, de 220 millions d'euros. Le FCTVA est élargi aux dépenses d'aménagement des collectivités territoriales, pour 250 millions d'euros.

Le Sénat peut affiner le budget : c'est pourquoi je défendrai des amendements sur l'élevage bovin, l'aide universelle d'urgence aux victimes de violence conjugale, le logement locatif intermédiaire ou encore un taux réduit de TVA - 5,5 % - pour l'achat de préservatifs.

On ne peut déplorer devant les entreprises que la suppression de la CVAE n'aille pas assez vite, tout en regrettant sa disparition devant les collectivités...

Nous souhaitons des débats enrichissants et sans langue de bois. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous examinons le deuxième PLF de la législature, sans 49.3 ici. Cet examen relève du numéro d'équilibriste, avec un triangle d'incompatibilité entre réduction du déficit, investissement vert et diminution des dépenses publiques, qui fragilisent les classes populaires.

Ce budget est celui de tous ces renoncements. Quelle place donnée à l'héritage ? Comment taxer les multinationales ? Comment lutter contre la fraude sociale ? Au banc des ministres, toujours la même réponse : nous traiterons cette question au budget. Nous y sommes ! Mais la déception est à la hauteur des espérances.

Les renoncements du Gouvernement sont autant d'aveux. Je pense à la suppression de la CVAE, repoussée à 2027, preuve que votre dogmatisme s'arrête face au mur de la réalité budgétaire. Soit cette suppression est nécessaire pour relancer l'économie, auquel cas il ne faut pas perdre de temps. (M. Didier Rambaud s'exclame.) Soit elle est inutile, et nous pouvons attendre quatre ans. C'est un aveu de l'inanité de votre politique de l'offre... De France Stratégie à la Cour des comptes, tous aboutissent à la même conclusion : le maintien de l'ISF aurait rapporté 6,3 milliards d'euros en 2022 !

Les entreprises sont là pour créer de la richesse, mais l'État est là pour créer de la justice. Les grands chantiers ne manquent pas. La bifurcation écologique devrait être au coeur des politiques. Les économistes Pisani-Ferry et Mahfouz estiment les besoins à 34 milliards d'euros, face auxquels vos 7 milliards sont bien dérisoires. Nous suggérons donc un avis favorable à notre amendement créant un ISF vert...

Vous êtes dans l'improvisation constante. Vous prévoyez 16 milliards d'euros d'économies, puis, au dernier moment, demandez aux oppositions de trouver 1 milliard de plus.

Improvisation aussi sur la hausse des prix des carburants : la Première ministre a annoncé les ventes à perte, sans concertation, pour se voir opposer une fin de non-recevoir... (Marques d'approbation sur de nombreuses travées à gauche et à droite)

Quid de la lutte contre l'évasion fiscale ? Malgré un plan annoncé avant l'été, les mesures sont loin d'être à la hauteur des enjeux... (Mme Nathalie Goulet ponctue l'intervention de l'orateur de multiples marques d'approbation.)

La politique fiscale visant à faire contribuer tout le monde à la hauteur de ses capacités est loin de votre mantra... Exemple caricatural : vous voulez exempter d'impôts les fédérations sportives. Or la Fédération internationale de football (Fifa) réalise un bénéfice record de 7,6 milliards de dollars. Elle n'en a pas besoin !

Comme Bruno Le Maire, vous souhaitez, monsieur Cazenave, responsabiliser les oppositions. Le groupe SER y est prêt ! Nous vous aiderons à trouver des recettes supplémentaires, mais nous avons besoin de vous ! Soyez favorables à l'ISF vert, à la taxation des superprofits... (Sourires)

Le groupe SER ne votera pas ce budget inique, qui fait peser les efforts sur les classes moyennes. Seul un budget de justice fiscale et sociale emporterait notre vote, mais nous en sommes loin ! (Applaudissements sur les travées des groupeSER et CRCE-K et du GEST)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Selon le dossier de presse du Gouvernement, le PLF met l'accent sur la protection du pouvoir d'achat des Français et les investissements pour préparer l'avenir et la transition écologique. C'est bien connu : qui trop embrasse mal étreint.

M. Bruno Belin.  - Bien !

Mme Christine Lavarde.  - Non, la forte baisse des dépenses s'explique par la baisse des dispositifs de soutien aux consommateurs. Moins de 7 % des dépenses du budget sont consacrées à la transition écologique, alors que les trois quarts des dépenses sont contraintes : transferts, dépenses de personnel. Un État moins omnipotent augmenterait la part des dépenses évaluables.

Le Gouvernement oublie d'ailleurs d'actualiser le document pour la loi de règlement : les dépenses vertes exécutées sont inférieures à celles votées. MaPrimeRénov' est largement sous-exécutée ; lors du PLFG, nous avons annulé 1 milliard d'euros en crédits de paiement. (M. Christian Bilhac acquiesce.)

Les investissements à couvrir par les ménages et les entreprises doivent être anticipés, avec 50 à 70 milliards pour les cinquante sites les plus émetteurs de CO2 et 80 milliards pour les collectivités en 2030, contre 55 milliards aujourd'hui.

On ne peut que saluer l'introduction, dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP), de l'obligation pour le Gouvernement de transmettre une réflexion sur la transition écologique.

Sur le financement de l'eau, la sobriété a entraîné une baisse de consommation de 10 %, mais les recettes ont diminué dans la même proportion. Or les besoins d'investissements sont de 3 milliards d'euros pendant cinq ans. Le PLF n'y apporte aucune réponse. L'article 49 undecies relève du coup de peinture : permettre aux collectivités territoriales de joindre un état vert au budget ne changera rien.

L'action des collectivités territoriales est difficile, car le Gouvernement finance par à-coups. L'adaptabilité du fonds vert se heurte aux faits : pour les 500 millions d'euros consacrés au bâti scolaire, les délais de dossier sont trop brefs.

Notre système de financement marche sur la tête : 2 milliards d'euros d'aides de l'État ont été versés par cinq opérateurs via 340 dispositifs, créés par stratification progressive sans cohérence d'ensemble. Le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) appelle à une discipline d'évaluation. Mais, au lieu de réfléchir sur le fond, demain, deux ministres dévoileront une plateforme d'accès aux aides pour les entreprises.

Les fonds d'investissement et les compagnies d'assurances sont fortement exposés aux risques climatiques. Notre groupe estime que l'écologie ne doit pas rimer avec décroissance. Nous prônons une meilleure croissance et la souveraineté industrielle. (M. Bruno Belin renchérit.) Je regrette que le ministre Le Maire ne soit pas là pour m'écouter. (On renchérit à droite.)

Non, ce texte ne garantit pas la souveraineté. Ainsi, cette année, sur 1,9 milliard d'euros d'aides, une grande partie est allée à l'industrie chinoise : c'est scandaleux ! (MMAndré Reichardt et Stéphane Sautarel renchérissent.) D'autant que Tesla et les marques chinoises construisent des batteries non recyclables.

Les importations de pompes à chaleur chinoises ont augmenté de 17 %. Celles qui sont produites en France le sont souvent avec des composants ou matières premières chinois. MaPrimeRénov' et les certificats d'économie d'énergie (C2E) ont financé 1,4 milliard d'euros de matériaux importés.

Je pense que la communication gouvernementale autour du Black Friday aurait dû inciter à acheter français et durable plutôt qu'à ne pas acheter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.) On ne peut pas exporter ce qu'on ne produit pas ! La réindustrialisation doit se faire, mais pas à tout prix. Il faut cibler les subventions.

La souveraineté est industrielle, mais aussi financière. Fin 2022, 47 % de la dette publique française était détenue par des étrangers, contre 37 % en moyenne en Europe et 23 % aux États-Unis -  cela alors que la Banque de France, qui détient 709 milliards d'euros d'encours de dette, se désengage.

Les niveaux de dette deviennent infernaux. Selon la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP), la part du coût de la dette dans le déficit passera de 13 % en 2019 à 50 % en 2027. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) L'urgence est à l'équilibre primaire des comptes publics, mais le Gouvernement peine à trouver ne serait-ce que 1 milliard d'euros d'économies - il en faudra 12 milliards en 2025 !

J'ai cru comprendre que le Gouvernement plaçait beaucoup d'espoir dans la revue des dépenses publiques. Au vu des échos de la réunion de mardi matin à ce sujet, j'ai quelques craintes...

Dimanche, avec Bruno Le Maire, vous nous indiquez avoir une recette miracle : la vente des bijoux de famille. (Exclamations ironiques à droite) Mais c'est un fusil à un coup !

On ne peut augmenter les impôts sans détruire notre compétitivité. Résultat : il reste un seul levier, les économies. Le Sénat démontrera que la trajectoire pour les finances publiques qu'il a votée est réalisable : il est possible de faire 5 milliards d'euros d'économies en 2024.

Mais à la clarté des mesures budgétaires, vous préférez l'obscurité des mesures relatives...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Très bien !

Mme Christine Lavarde.  - Les Français connaissent le mètre, le kilo, l'euro, mais vous parlez de points de PIB ! Ainsi, le déficit s'améliorerait, de 4,9 à 4,5 %, mais reste stable à 150 milliards d'euros. Le taux de prélèvements obligatoires passe de 44 à 44,4 % : un petit chiffre après la virgule qui cache une hausse de 10 % ! La charge d'intérêts de la dette passera de 1,3 à 2,6 % en 2027, soit de 37 milliards d'euros à 84 milliards ! Parler en points de PIB évite de dire que les dépenses sont supérieures de 30 % aux recettes.

Les critères plus souples de la Commission européenne sur le pacte de stabilité et de croissance feraient consensus et seraient plus faciles à défendre, n'étaient les cancres que sont l'Italie et la France.

Alors que les mesures contre l'inflation sont empreintes du « quoi qu'il en coûte », la souveraineté nous impose le « combien ça coûte ». Il faut cibler l'aide à l'électricité vers les ménages populaires : c'est moins populaire que l'arrosage, mais plus prometteur pour les générations futures.

Ce sont ces générations oubliées qui devront financer la charge de la dette et le vieillissement de la population - le coût des allocations d'autonomie pourrait dépasser 10 milliards d'euros en 2040 selon l'iFRAP, soit une hausse de 80 % en vingt ans. Les finances des départements n'y suffiront pas. (M. Jean-François Husson acquiesce.)

Les lois Grand âge et sur le financement de la transition écologique sont des urgences. C'étaient pourtant des promesses de 2017 ! La situation est désormais catastrophique.

Alors que la majorité des Ehpad subissent des pertes, 100 millions d'euros ont dû être débloqués ; Aurore Bergé reconnaît elle-même qu'il fallait se poser la question du long terme. Le 0,15 point de CSG transféré à la branche autonomie finançait la CRDS, censée disparaître en 2033 (MM. Bruno Belin et André Reichardt acquiescent), mais dont la persistance interroge.

Selon le FMI, la facture annuelle du dérèglement climatique, des troubles géopolitiques et du vieillissement atteindrait 7,5 points de PIB pour les pays de l'OCDE.

Il faut plus de rigueur ! Napoléon estimait (on apprécie la référence à droite) que « lorsqu'un gouvernement est dépendant des banquiers pour l'argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. [...] L'argent n'a pas de patrie ; les financiers n'ont pas de patriotisme et n'ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain. »

Méditons-le au vu de notre dette ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE ; M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Joshua Hochart .  - En entendant Bruno Le Maire tout à l'heure, j'ai eu le sentiment d'un discours de campagne. Peut-être oubliait-il qu'il est au pouvoir depuis six ans...

Nietzsche disait : « Parfois, les gens ne veulent pas entendre la vérité, parce qu'ils ne veulent pas que leurs illusions soient détruites. »

Bilan de votre politique et de celle de vos prédécesseurs : 3 000 milliards de dettes. Vous fondez le PLF sur une croissance illusoire, voire fantaisiste. (M. Thomas Cazenave le conteste.)

Selon Eurostat, le taux de prélèvements obligatoires est de 47,7 %, le deuxième le plus élevé d'Europe après le Danemark. Les Français consentent encore à l'impôt, mais ont-ils un retour sur investissement ? Non ! Délitement des services publics, administration tatillonne, hôpital à bout de souffle, déserts médicaux, abandon de nos outre-mer - notamment Mayotte. Les enseignants, piliers notre État et de notre devise républicaine, sont mis en cause par un fondamentalisme islamiste et une immigration non contrôlée : telle est la réalité.

Vous camouflez à coups de 49.3 la gravité de la situation. Vous voulez jouer les bons élèves de l'Union européenne, à laquelle les Français ont donné 24 milliards d'euros, mais la baisse de 3 milliards de la dîme bruxelloise n'est qu'un écran de fumée de plus. Les Français ne sont pas dupes ! Ils espèrent l'alternance avec Marine Le Pen. (On ironise sur plusieurs travées.)

M. Laurent Burgoa.  - Cela faisait longtemps !

M. Joshua Hochart.  - Il faudra vous habituer !

Les sénateurs RN proposeront des amendements de bon sens : baisse de la TVA sur l'énergie et les produits de première nécessité, mesures pour le pouvoir d'achat, gel des cotisations patronales en échange d'une augmentation de 10 % des salaires. Enfin, pour la natalité (marques d'exaspération à gauche), l'universalité des allocations familiales, honteusement spoliées par la gauche. (M. Thomas Dossus proteste.)

Nous proposons aussi de taxer le patrimoine immatériel et les superprofits : le capital doit soutenir l'effort national. Il faut diminuer la honteuse contribution à l'Union européenne.

La chambre haute ne peut être muselée comme l'Assemblée nationale avec le seul chiffre qui trouve grâce à vos yeux - le 49.3.

J'en appelle à l'intérêt national, loin des calculs des écuries politiques dépassées. (M. Aymeric Durox applaudit.)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Et les vôtres ?

M. Emmanuel Capus .  - La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer, selon Sylvain Tesson. Je crois qu'il a raison.

M. Thomas Dossus.  - Ah !

M. Emmanuel Capus.  - Il est en effet difficile de convaincre les Français, mais aussi certains sénateurs. (M. Vincent Éblé ironise.)

Sur le plan budgétaire, l'enfer, c'est quand la dette explose, quand l'inflation s'emballe, quand les services publics ne fonctionnent plus, quand le pays semble au bord de l'implosion, quand les prélèvements obligatoires sont presque confiscatoires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - On y est !

M. Emmanuel Capus.  - Le paradis, c'est quand les impôts sont bas, quand les services publics se modernisent, quand les comptes sont maîtrisés et que la signature de l'État inspire confiance.

M. Pascal Savoldelli.  - Peut mieux faire !

M. André Reichardt.  - Vous ne croyez pas au paradis...

M. Emmanuel Capus.  - Sylvain Tesson a raison. Bien sûr, il n'est pas difficile de trouver les éléments plaidant pour l'enfer budgétaire - Christine Lavarde en a parlé. Avec 3 000 milliards d'euros de dettes publiques, un déficit chronique...

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - C'est la dèche !

M. Emmanuel Capus.  - ... une dépense publique à 55 % du PIB, un taux de prélèvements obligatoires au plus haut, le tableau est alarmant.

Mais la France est aussi un paradis budgétaire. Selon Paul Krugman, la France est le pays qui a le mieux géré la crise. Selon Der Spiegel, la France, c'est l'Allemagne en mieux. La France est le pays qui attire le plus d'investissements étrangers, le taux de chômage est au plus bas depuis cinquante ans, l'inflation reflue, passant de 4,9 à 2,6 % l'an prochain.

Je ne poursuivrai pas l'exégèse de Sylvain Tesson. L'important est de connaître le cap fixé pour la suite. L'exercice est difficile, car les nuages s'amoncellent. La menace sécuritaire est la plus évidente. Partout, les attaques contre la démocratie se multiplient, et l'explosion de la délinquance inquiète jusque dans les campagnes. Les deux autres menaces sont le déclassement économique et le délitement social.

Ces trois menaces sont liées et nous devons leur apporter une réponse claire, qui tient en trois mots : un État fort - et non pas omnipotent, chère Christine Lavarde.

Le budget 2024 y contribue, en se recentrant sur les missions régaliennes. Justice, forces de l'ordre, forces armées : les moyens mobilisés augmentent considérablement, grâce aux trois lois de programmation votées par le Sénat.

Au-delà, le PLF contient des mesures bienvenues contre la fraude fiscale. L'État doit être fort avec tous les citoyens, pas seulement avec les faibles. Nous proposerons de renforcer ces mesures, en rendant automatique la peine complémentaire pour fraude fiscale aggravée.

Notre groupe restera fidèle à sa ligne budgétaire : il faut continuer à mettre de l'ordre dans nos comptes.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Ah !

M. Emmanuel Capus.  - Un État dont les recettes représentent un tiers des dépenses ne peut être fort. Le rapporteur général a proposé des mesures d'économies.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Très bien !

M. Emmanuel Capus.  - Le groupe INDEP y prendra lui aussi toute sa part, et même plus : un milliard d'économies sur les 5 milliards votés en commission portent sur la mission « Travail et emploi », dont je suis rapporteur spécial avec Ghislaine Senée. Certes, c'est insuffisant au regard des 144 milliards de déficit public, mais nous proposerons d'autres mesures.

Certaines dépenses peuvent rapporter gros : l'État doit être stratège et indiquer par des orientations claires les secteurs à privilégier. Nous avons ainsi soutenu toutes les initiatives du Gouvernement pour réindustrialiser.

Reporter la suppression de la CVAE interroge. Le plus dur avait été fait pour les collectivités territoriales. Revenir sur le calendrier brouille une stratégie qui avait le mérite de la clarté. Toutes les dépenses qui accélèrent la réindustrialisation connaissent un retour sur investissement massif et rapide. Nous continuerons d'innover, et nos territoires en profiteront pleinement. Miser sur la réindustrialisation, c'est offrir à nos territoires ruraux des perspectives nouvelles.

M. André Reichardt.  - Ils en ont besoin !

M. Emmanuel Capus.  - Nous devons renforcer la cohésion sociale.

Vous avez des alliés sur le terrain, les collectivités, qui veulent une relation de confiance avec l'État. L'augmentation de la DGF de 220 millions euros est une excellente nouvelle. Après la crise sanitaire et le pic inflationniste, une stagnation de leurs moyens aurait été malvenue.

Plusieurs mesures aideront à rétablir la confiance : la redéfinition des zones de revitalisation rurale (ZRR), la rétrocession des amendes issues des zones à faibles émissions (ZFE), le remboursement du pacte de stabilité au profit des communes nouvelles. Nul doute que le Sénat sera force de proposition.

Le groupe INDEP a une boussole claire : un État centré sur ses missions régaliennes, et en confiance avec les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, MM. Michel Canévet et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le ministre, notre groupe va vous aider à équilibrer les comptes. Les chiffres de la fraude fiscale sont astronomiques : 80 à 120 milliards d'euros manquent à l'État chaque année. Je salue les articles 19, 20 et 21, avec une petite tendresse pour l'article 22 relatif aux prix de transfert.

De manière regrettable, persistante et anormale, selon la Cour des comptes, nous ne disposons d'aucun outil d'évaluation de la fraude fiscale. Vous avez réuni un groupe de travail sous l'impulsion de Gabriel Attal, mais rien ne se passe et les fraudeurs courent toujours. Un fraudeur heureux est un fraudeur qui revient.

Combien d'éléments ne figurent pas dans le document de politique transversale ! Ainsi de Tracfin, qui dépend du programme 118, de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), qui dépend du programme 176, ou du parquet national financier (PNF), qui dépend du programme 166. Incomplet, le document est inopérant.

La fraude aux dividendes s'élève à 150 milliards d'euros dans le monde, et, pour la France, à 33 milliards entre 2020 et 2022. Il nous faut véritablement lutter contre la délinquance financière et les paradis fiscaux. Un scandale, une annonce. Nicolas Sarkozy avait annoncé la fin des paradis fiscaux, ils ne se sont jamais aussi bien portés : Suisse, Luxembourg, ports francs, Jersey, Dubaï...

La liste grise n'est pas plus satisfaisante : Arménie, Israël, mais rien sur Dubaï ou la Grande-Bretagne post-Brexit. Il n'y a pas d'amour sans acte d'amour, appliquons les mêmes règles aux pays non coopératifs.

Un exemple : l'oligarque lambda s'est acheté un Falcon 2000 pour 28 millions d'euros - une paille - l'a revendu pour 38 millions - encore une paille - et en achète un nouveau pour 48 millions d'euros - toujours une paille. Ces avions sont produits par Dassault et livrés au Bourget, sans aucune TVA, car les achats sont effectués depuis l'île de Man ! Résultat : une fraude à la TVA de 18 millions euros.

M. Éric Bocquet.  - Bravo !

Mme Nathalie Goulet.  - C'est beaucoup d'argent ! (M. Michel Canévet renchérit.) Idem pour les yachts et le leasing maltais, au nez et à la barbe des contribuables européens.

Revoyons nos conventions fiscales. Éric Bocquet a très bien montré combien les conventions fiscales avec le Danemark et la Grèce, a priori anodines, cautionnaient d'immenses avantages pour le fret maritime.

J'aurais mille propositions : une agence européenne contre le blanchiment, une mission budgétaire dédiée à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, et pourquoi pas un ministre dédié ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE, SER et CRCE-K)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le contexte politique est particulier. Après le déclenchement d'un énième 49.3, très tôt, le projet de loi de finances fait l'objet de son premier véritable examen démocratique.

Personne n'est dupe : le Gouvernement, incapable de compromis, maniera à nouveau le 49.3, balayant notre travail. L'esprit Shadok n'est pas mort ! À l'Assemblée nationale, taisez-vous ; au Sénat, cause toujours... (M. le rapporteur général apprécie la formule.)

Les crises, sociale et écologique, se nourrissent l'une l'autre, faisant le lit des profiteurs de haine. Vous nous présentez un budget d'insouciance climatique. Alors que la décrue est à peine amorcée dans le Pas-de-Calais, quelles seront conséquences de la catastrophe ? Des familles ne savent pas si elles seront indemnisées, des agriculteurs voient leurs récoltes menacées ou perdues, des entreprises ferment. Les phénomènes climatiques extrêmes frappent les plus modestes.

Cela fait vingt ans que les économistes nous le disent : plus nous tardons à engager les changements, plus les coûts explosent. Dès lors, nous avons deux obligations : prendre un virage décarboné et de sobriété, et adapter l'outil productif et agricole, nos villes et villages, au nouveau régime climatique. Le mur d'investissements est colossal. Le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz pose les ordres de grandeur : il faudra investir 66 milliards euros par an à l'horizon de 2030.

Le rapport propose de recourir à l'emprunt et à une taxation provisoire des plus gros patrimoines financiers. Bruno Le Maire a balayé ces propositions d'un revers de main, frisant le déni climatique, fragilisant une nouvelle fois notre diplomatie climatique comme notre contrat social. Il faut inverser le rapport entre les plus gros pollueurs et ceux qui n'ont pas les moyens d'agir.

La crise sociale est l'impensé de ce texte. L'inflation reste élevée à 5 % ; le Gouvernement espère 2,6 % en 2024, mais rien de moins certain. Les salaires augmentent moins que l'inflation, les Français s'appauvrissent. Vous accélérez la dynamique des grands gagnants et grands perdants. L'État abandonne la lutte contre l'extrême pauvreté alors que des milliers d'étudiants ne mangent pas à leur faim et que des enfants dorment dehors.

Nos collectivités territoriales sont au front, pour tenir tous les bouts d'une société qui se fracture. La DGF augmente de 0,8 %, mais, avec une inflation à 5 %, le compte n'y est pas.

Aucun changement de paradigme en vue. Ce gouvernement pratique le discours volontariste, les annonces chocs, l'autosatisfaction... mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. La faute à un dogme : toujours moins d'impôts pour les plus aisés. Vous refusez obstinément de rechercher de nouvelles recettes. Pourtant, les entreprises perçoivent plus de 150 milliards d'euros d'aides directes ou indirectes, le patrimoine des Français les plus riches ne cesse d'augmenter. Vous vous contentez de saupoudrage et de communication, quand des solutions existent!

Le GEST regrette votre manque d'ambition et défendra des amendements cohérents, pour un projet de loi de finances réaliste.

En matière d'écologie, nous proposons de renforcer l'investissement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), de muscler le crédit d'impôt industries vertes, de consacrer plus de moyens à la rénovation énergétique pour les collectivités territoriales, l'État et les ménages.

En matière sociale, nous voulons plus de solidarité, avec un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) climatique, une contribution des plus hauts revenus, un élargissement de la taxe sur les transactions financières (TTF). Nous proposons des mesures pour le logement : lutte contre l'habitat indigne, aide à la construction.

Enfin, en matière institutionnelle, nous voulons renforcer la République des territoires : revalorisation de la DGF et compensation de l'augmentation du point d'indice, revalorisation de la dotation des départements pour compenser la baisse des DMTO et la hausse du RSA. Les départements sont un échelon charnière, les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) sont en première ligne : ils doivent voir leurs moyens augmenter.

Nous sommes très critiques du projet de loi de finances initial, censé fixer les contours d'un avenir souhaitable et atteignable. À quelques jours de la COP 28, le secrétaire général de l'ONU appelle les dirigeants à redoubler d'efforts, qui se doivent d'être spectaculaires, avec des actions et des baisses d'émissions records. Faisons de ce projet de loi de finances celui de l'action climatique record. Il en est encore temps ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli .  - Monsieur Cazenave, je salue votre intervention : vous avez su respecter le périmètre de votre ministère. En revanche, avec Bruno Le Maire, c'est insupportable : c'est un candidat permanent ! (MM. Éric Bocquet et Antoine Lefèvre rient.)

Vous dites qu'il faut débattre ; dont acte. Nous y sommes prêts. Notre budget d'initiative citoyenne comprend 200 propositions.

Avec 280 milliards, nous avons atteint un endettement record, témoignant d'une véritable dépendance aux marchés financiers. Ce n'est pas qu'une question d'agences de notation ou d'Union européenne, qui veulent une dépense publique toujours plus basse. L'inflation sera toujours supérieure à l'augmentation des dépenses publiques, d'où une baisse en volume. C'est factuel.

La Commission nous menace d'une procédure de déficit excessif. La crédibilité financière de la France et ses principes républicains sont menacés par ces décisions budgétaires. La France met fin au bouclier énergétique. L'énergie serait-elle devenue bon marché ? Ce bouclier a un coût de 32 milliards. Mais un rattrapage est en cours. Un tiers de la facture serait pris en charge par l'État, selon Agnès Pannier-Runacher. Mais salaires et pensions n'ont pas augmenté à hauteur de l'inflation.

Le 49.3 pèse d'autant plus : l'Assemblée qui perd la voix, c'est la démocratie qui est aphone. La menace d'un shutdown n'est pas crédible, et irrespectueuse. La Constitution est claire : si le Parlement ne s'est pas prononcé sous 70 jours, le Gouvernement peut procéder par ordonnance.

Pour subvenir à leurs besoins primaires, les Français puisent dans leurs économies. Beaucoup ne mangent pas à leur faim. L'Insee a montré que 500 000 personnes ont basculé dans une pauvreté toujours plus intense. Les associations d'aide alimentaire se désolent de devoir, selon leurs propres termes, trier les pauvres.

Les prix de l'alimentation augmentent de 21 %. Le ministre-candidat permanent dit que la crise inflationniste est derrière nous ! C'est indigne. Un tiers de l'inflation vient des coûts salariaux, le reste des marges. Bruno Le Maire, déjà absent, réfute la présence de profiteurs dans l'industrie agroalimentaire.

Une croissance de 1,4 % ne résorbera pas le chômage. Elle créera de l'intérim, du RSA et de la misère. Vouloir poursuivre le démantèlement de notre modèle social, de l'assurance chômage, c'est mettre en danger notre société.

Une politique de l'offre ne soutient pas l'économie, mais l'accumulation primitive de capital. Nous risquons la paralysie si nous ne relançons pas la demande en prélevant sur la spéculation.

Sous pression de la démocratie sociale, vous concédez quelques prélèvements sur quelques richesses. Il faut le dire... C'est une aspiration forte de nos concitoyens. Mais c'est la gauche du Parlement qui y a contribué, et - pour être bien clair - pas l'extrême droite !

La transposition de l'accord mondial sur les firmes multinationales est intéressante. Un seuil à 15 %, soit, mais combien d'exemptions et de motifs de non-imposition ? Il faudra être un très gros poisson pour ne pas échapper à vos filets...

Le Gouvernement consent à taxer les concessions d'autoroute et les grands aéroports. Les parlementaires communistes demandent leur nationalisation, pour chercher les 35 milliards d'euros de bénéfice de ces concessionnaires. Mais vous fixez des seuils de rentabilité de 10 % avant de prélever un euro. Certes, Vinci menace d'attaquer l'État, mais les lois de la République doivent primer, pas celles des actionnaires. À travers la représentation nationale, le peuple fait la loi.

Les entreprises ne devaient pas avoir tant besoin que cela de la suppression de la CVAE, si elles peuvent s'en acquitter pendant quatre ans supplémentaires. Il faut un lien entre l'activité économique et les territoires, mais vous tenez envers et contre tous.

Nous voulons interdire toute justice négociée, qui évite aux fraudeurs une condamnation pénale. Google a ainsi payé 1 milliard d'euros au lieu de 8 milliards !

Nous portons l'indignité fiscale et un contre-budget d'initiative citoyenne, au déficit limité. Il faut aller chercher les profits indus et les dividendes par milliards. Nous voulons supprimer les niches fiscales. Je ne crois pas au simulacre de débat que vous proposez, pour économiser 1 milliard.

Face à la pauvreté, bloquons les prix. Nous voulons relancer la construction dans le parc social avec une TVA à 5,5 %. Nous voulons une liberté fiscale communale.

Nos propositions de budget sont socialement justes et réalisables. Elles sont le réceptacle du travail des députés empêchés et des alertes de la population. Ainsi, nous donnons la parole à la nation tout entière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président.  - Je salue les maires et élus de Nouvelle-Calédonie en tribunes. (Applaudissements)

M. Raphaël Daubet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Impossible d'aborder ce budget sans dire ce qu'il est : un exercice d'équilibriste. Vous n'avez pas manqué de souplesse, monsieur le ministre, pour résoudre les contradictions : réduire le déficit et la dette tout en soutenant le pouvoir d'achat des Français. Beau grand écart ! Pour le dire autrement, reconnaissons que nous sommes face à la quadrature du cercle.

Trois mots pour qualifier ce budget : inquiétant, engagé, subi.

Inquiétant, car les hypothèses retenues sont trop optimistes : inflation à 2,6 %, dépenses de l'État en baisse - ce qui n'est pas arrivé depuis 2015 -, amélioration du solde budgétaire de 27,6 milliards d'euros, hausse de la consommation et de l'investissement des ménages, malgré des taux d'intérêt élevés...

Certes, vos prévisions de croissance pour 2023 se sont révélées justes. Les recettes fiscales sont dynamiques et les revues de dépenses nous feront faire des économies. Mais ce budget d'une architecture complexe repose sur une poutre dont on mesure mal la résistance.

Ce budget se veut engagé. Le Gouvernement souhaite accélérer la transition écologique et investir dans le régalien, mais les marges de manoeuvre sont limitées. Les résultats seront en deçà des annonces.

Ainsi, l'indemnité carburant pour les plus modestes - 100 euros annuels - est symbolique.

Attention à la question des transports dans le monde rural : méfions-nous des bonnes idées vertes, qui débouchent sur des colères noires, qui s'expriment sur des ronds-points jaunes. Une fois de plus, ce sont les territoires ruraux qui sont oubliés.

Se justifier au nom de la maîtrise de l'artificialisation des sols ne peut que faire bondir les élus locaux, englués dans la coûteuse et interminable élaboration de plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi).

Combien d'entreprises peinent à remplir leur carnet de commandes faute de main-d'oeuvre ? La pénurie de main-d'oeuvre touche nos entreprises, mais aussi nos commerces et nos écoles.

Le RDSE salue l'effort pour les collectivités territoriales, même s'il est insuffisant. Les communes, qui font face à des défis majeurs, voient leurs marges de manoeuvre s'effriter à cause de l'augmentation du point d'indice.

L'augmentation de la DGF est bienvenue, mais insuffisante. Les 10 milliards pour la transition écologique sont louables ; mais nous venons d'annuler 800 millions de crédits non consommés de MaPrimeRénov' et on prévoit 1,6 milliard de crédits supplémentaires dans le PLF. Nos dispositifs sont si complexes qu'ils détournent finalement les Français de la rénovation énergétique. Au bout du compte, nous nous retrouverons à réaffecter des crédits vers d'autres missions.

Restons prudents avant de généraliser les budgets verts. Oui, valoriser des projets vertueux est souhaitable, mais ne cédons pas à la tentation de coter la vertu des actions municipales dans des tableurs Excel.

Mme Christine Lavarde.  - Très bien !

M. Raphaël Daubet.  - Je salue les mesures pour l'école, et rappelle l'importance de l'enseignement supérieur pour construire l'avenir : il faudra faire plus.

Ce budget consacre des augmentations de crédits pour le régalien : défense, police, justice. C'est sain.

Enfin, ce budget est subi - In cauda venenum. Il est celui d'un pays qui peine à se réformer. Nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur l'héritage de nos habitudes, sur notre conservatisme, sur le poids de notre dépense publique et sur l'obésité de nos administrations. Quel est le projet de simplification ?

Les prévisions d'embauches sont en contradiction avec la loi de programmation. Les agences sont coûteuses et ne sont finalement que des interfaces entre l'État et les collectivités territoriales.

Des investissements massifs et rapides, un délestage rapide sur tout ce qui pèse sur notre pays doivent être engagés. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC ; Mme Christine Lavarde, M. Marc Laménie et Mme Marie-Carole Ciuntu applaudissent également.)

M. Saïd Omar Oili .  - En complément de Didier Rambaud, je vous donne le point de vue de notre groupe sur les crédits destinés aux outre-mer. Je salue l'effort du Gouvernement pour rattraper le retard de nos territoires par rapport à l'Hexagone. Les crédits des outre-mer doivent se retrouver dans toutes les missions.

Dans la mission « Outre-mer », les crédits sont en hausse au-delà de l'inflation. Je pense notamment à la compensation des exonérations de cotisations sociales, en hausse de 123 millions d'euros ; aux moyens dédiés à la continuité sociale, en hausse de 23 millions, pour pallier l'augmentation du prix des billets d'avion ; et à la hausse du financement du logement, pour 291 millions.

Face aux taux de chômage et de pauvreté, les plus élevés de la République, nous pourrions demander plus. Toutefois, nos territoires ne sont pas oubliés par le Gouvernement. En témoignent les deux aides exceptionnelles votées dans le PLF de fin de gestion : 50 millions d'euros pour l'enfance à Mayotte, et 63 millions pour répondre à la crise de l'eau.

Notre groupe défendra des amendements pour compléter les dispositions prévues. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Florence Blatrix Contat .  - Le programme des Nations unies pour l'environnement prévoit un réchauffement de plus de 3 degrés, scénario catastrophique. Ainsi, chaque budget, chaque action revêt une importance cruciale.

Avec le 49.3, le Gouvernement décide de tout, tout seul. Nous restons convaincus que le maintien d'un débat parlementaire exigeant est essentiel.

Nous continuerons de prôner un modèle plus juste et social. Pour être ambitieuse, la transition écologique doit être juste. La transition sociale est une condition sine qua non ; nous regrettons à cet égard les politiques qui pèsent sur les ménages précaires, les plus touchés par le changement climatique.

Le Gouvernement n'est pas au rendez-vous : le budget met l'accent sur les réductions d'impôts, alors que le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz préconise 34 milliards d'euros d'investissements par an. Or le Gouvernement prévoit seulement 10 milliards d'euros !

Les taxes sur les énergies fossiles vont diminuer et le ralentissement de la croissance va faire baisser les recettes. Un sursaut politique est nécessaire.

J'espère que le Gouvernement écoutera nos propositions. Nous voulons prendre l'argent là où il se trouve, et favoriser les aides directes et la redistribution. Nous souhaitons encourager une économie de la réparation, plus sobre. C'est le meilleur moyen de réduire la dépense publique. Idem pour les mobilités douces.

Nous souhaitons réduire les inégalités territoriales et prônons un grand plan ferroviaire. Une réindustrialisation décarbonée constitue un autre levier pour recréer des bassins d'emploi au coeur de nos territoires.

Pour assurer le rôle moteur des collectivités territoriales dans la lutte contre le dérèglement climatique, il faut leur donner des moyens. Il est temps de briser le tabou de l'endettement des collectivités. Il faut mieux les intégrer dans les politiques pluriannuelles de l'État. Le fonds vert est insuffisant.

La transition écologique a un coût, mais celui de l'inaction est plus élevé encore. Ayons le courage d'interdire et de réguler pour préserver l'environnement. (Applaudissements sur les travées des groupeSER et CRCE-K ; M. Grégory Blanc applaudit également.)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'examen du PLF est un rendez-vous majeur pour fixer le cap d'une politique. Un budget trace une orientation, une volonté, un chemin, qui, s'il est soumis au Parlement, l'est aussi à nos citoyens.

Malgré l'inflation du nombre d'articles, le 49.3, qui n'offre qu'un débat limité aux députés, pose une grave question démocratique. Heureusement, le bicamérisme permet un débat de fond au Sénat, même si nos propositions, au bout du compte, sont réduites à la portion congrue.

Le PLF 2024 célèbre 50 ans de déficit public, et de quelle manière ! La France est parmi les plus mauvais élèves, comme l'a souligné la Commission européenne. Les dépenses augmentent encore. L'État prévoit une dette record de 285 milliards d'euros : notre addiction ne cesse pas, d'autant que nous l'utilisons pour des dépenses de fonctionnement, et non d'investissement. Cela risque de très mal se finir pour l'ensemble des Français. Une fois encore, j'alerte.

Ce PLF est triplement inquiétant et continue de précipiter notre pays vers des abîmes.

Tout d'abord, les hypothèses retenues sont bien trop optimistes et interrogent sur la sincérité de ce budget, dans un contexte géopolitique préoccupant.

Le déficit est l'un des plus élevés de la zone euro, à 4,4 points de PIB, et l'endettement est l'un des plus forts de l'Union européenne - 109 points de PIB, soit une hausse de 12 points depuis 2017. La charge de la dette sera le premier poste budgétaire de l'État en 2027, à 84 milliards d'euros. Elle s'élèvera à 56 milliards d'euros dès 2024.

Rappelons que le stock public de la dette dépasse les 3 000 milliards d'euros. La Grèce rembourse sa dette, nous, nous la faisons gonfler ! Même l'économiste Olivier Blanchard s'en inquiète ! (M. Grégory Blanc rit.)

Seul l'État est responsable du déséquilibre du budget, puisque les collectivités territoriales doivent voter leur budget à l'équilibre. La création de 8 500 emplois publics interroge sur l'efficacité des services publics, dans tous les secteurs. Nous l'avons vu dans les hôpitaux lors de la crise covid, mais aussi dans les écoles.

Deux voies s'offrent à nous : avec un niveau de prélèvements obligatoires à 45,6 %, nous ne pouvons accroître la pression fiscale ni baisser nos recettes fiscales. Dès lors, nous proposerons des pistes d'économies à hauteur de 5 milliards d'euros pour respecter la trajectoire de la LPFP.

Je proposerai des amendements pour réduire la dépense fiscale, c'est-à-dire les niches fiscales, qui, avec les niches sociales, représentent un volume cumulé de 200 milliards d'euros.

Il convient d'être attentif aux effectifs publics. Les effectifs de l'administration administrante doivent baisser de manière drastique ; instaurons un rapport 80-20 : 80 % des effectifs devant le public et 20 % pour gérer les services.

Enfin, une revue de nos dépenses de politiques publiques doit être menée rigoureusement, notamment en raison d'une déconcentration inaboutie.

Un nouveau pacte entre État et collectivités territoriales doit être scellé. Continuer à rogner leur autofinancement serait une faute. Après le logement social, ne faites pas tomber les Ehpad ou la mobilité.

Voilà quelques pistes pour une sphère publique plus libre, plus responsable, plus efficace, plus pragmatique, plus proche.

J'adresse, pour conclure, un satisfecit à l'article 7, qui transforme les zones de revitalisation rurale (ZRR) en France ruralités revitalisation (FRR), pour mieux répondre aux attentes de nos territoires ruraux. Avec pragmatisme, nous vous accompagnerons dans cette action. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Delcros .  - La ligne du groupe UC en matière budgétaire est claire : baisser le poids de la dépense publique et actionner le levier des recettes fiscales, pour un meilleur équilibre et plus de justice fiscale. La voie est étroite pour réduire le déficit tout en répondant aux besoins en matière de santé, d'éducation ou d'accompagnement du grand âge. Une chose est sûre : nous n'y parviendrons pas sans faire baisser la dette !

M. Jean-Michel Arnaud.  - Très bien !

M. Bernard Delcros.  - Avec une prévision de 4,4 % pour le déficit, la ligne de crête est périlleuse.

Pour la tenir, agissons sur le levier des recettes. Demandons un effort de solidarité aux plus fortunés. Nous proposons donc l'exit tax, des taxes sur les programmes de rachat d'actions et les superprofits, des contributions exceptionnelles, une rationalisation des niches fiscales, un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, ou encore le report de la suppression de la deuxième part de CVAE. Soit près de 10 milliards de recettes supplémentaires.

Dans un contexte international instable, les hypothèses macroéconomiques sont optimistes. Aurait-il été souhaitable d'être pessimiste ? Je ne le crois pas.

De fortes disparités se cachent derrière la hausse de la DGF : nous voulons qu'elle soit ciblée vers les territoires les plus fragiles. C'est d'ailleurs le choix qu'a fait le Gouvernement, nous le saluons.

Toutefois, alors que la hausse de la DGF était de 320 millions d'euros en 2023, elle régresse à 220 millions, soit une différence de 100 millions, au seul détriment de la dotation de solidarité rurale, dont la hausse est réduite de moitié.

M. Jean-Michel Arnaud.  - C'est inacceptable !

M. Bernard Delcros.  - C'est pourquoi nous proposons de corriger cette injustice en reprenant le niveau de la hausse de 2023.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Très bien !

M. Bernard Delcros.  - Je tiens à saluer la réforme de la dotation aménités rurales, avec des crédits portés à 100 millions d'euros en 2024, plus que doublés, des critères d'éligibilité élargis et une prise en compte réelle des superficies concernées. Cette avancée importante était réclamée depuis longtemps par le monde rural.

Nous approuvons également la réintégration de l'éligibilité au FCTVA des aménagements de terrain, la reconduction du fonds vert, porté à 2,5 milliards d'euros, la décorrélation des taux de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et de la taxe sur le foncier bâti - qu'il faudra néanmoins assouplir. Je rejoins Raphaël Daubet sur la nécessité de rétablir le PTZ dans les zones rurales.

Enfin, nous nous réjouissons du maintien du dispositif des ZRR, devenu FRR, annoncé dans le plan France Ruralité et concrétisé dans ce PLF. Il est essentiel pour les territoires ruraux. Cela dit, nous ne partageons pas certains critères retenus, qui excluent certaines communes. Il appartient au Sénat d'aboutir à un projet calibré, au profit de nos territoires les plus fragiles.

Le groupe UC aborde l'examen de ce budget de manière positive, avec pour seule volonté de trouver les meilleures solutions pour notre pays et pour nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Emmanuel Capus et Mme Maryse Carrère applaudissent également.)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Bravo !

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K) Ce PLF s'inscrit dans le droit fil des précédents, profondément ancrés dans une perspective néo-libérale. Les quelques mesures pour lutter contre l'inflation n'éviteront ni la précarisation croissante ni la fracture territoriale.

L'État a toujours pu compter sur les collectivités territoriales. Elles doivent elles aussi pouvoir compter sur lui. Depuis 2017, le Gouvernement n'a cessé de souffler le chaud et le froid. Alors qu'elles représentent 70 % de l'investissement public, leur rôle est sous-estimé, leur gestion remise en question. Or les élus locaux ne sont pas responsables de notre dette et de nos déficits publics ! La dette des collectivités territoriales ne représente que 8 % de la dette publique totale. Pourquoi cette méfiance, que rien ne justifie ? En limitant les dépenses à un niveau inférieur à l'inflation, Bercy impose une règle d'airain qui contraindra les collectivités à l'austérité.

Baisse des impôts de production et suppression de la taxe d'habitation ont entamé le lien avec le territoire. Le mitage fiscal engagé depuis 2017 transforme progressivement les impôts locaux en compensations et dotations, réduisant les marges de manoeuvre des collectivités territoriales ; le plafonnement des dépenses de fonctionnement réduit leur liberté d'action.

Les 220 millions supplémentaires de DGF représentent moins de 1 % de l'inflation - une indexation sur l'inflation aurait représenté entre 1 et 1,3 milliard d'euros. Les élus locaux dénoncent à raison une attaque contre l'autonomie financière des collectivités. Nous défendrons l'indexation de la DGF sur l'inflation pour rétablir une certaine équité.

Au final, les collectivités territoriales perdront 2,2 milliards d'euros de ressources avec ce PLF, entre la fin des boucliers énergie, la ponction de 67 millions d'euros sur diverses dotations et la compensation insuffisante de la hausse du point d'indice.

Le panier fiscal des collectivités est quasi nationalisé. En 2023, elles recevront 53 milliards d'euros de TVA, soit un quart de la TVA nette. Que se passera-t-il quand les recettes de TVA seront moins dynamiques, en 2024 ? (M. Thomas Cazenave lève les bras au ciel.) Avec le transfert croissant des recettes de TVA aux collectivités territoriales, ces dernières financent les décisions sectorielles de l'État, sans avoir leur mot à dire. Imaginons que le Gouvernement diminue la TVA sur les poney-clubs et les activités équestres - les finances locales en pâtiraient.

En 2024, avec le ralentissement des recettes de TVA et la hausse des dépenses, notamment sociales, les élus locaux seront confrontés à des choix difficiles. Quelles seront leurs marges de manoeuvre, alors qu'il leur faut investir pour la transition écologique ?

Rétablissons leur autonomie financière, et reconnaissons le rôle clé qu'elles jouent dans le développement de nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Canévet applaudit également.) « Tout le temps passé sur l'administratif, c'est du temps qu'on vous fait perdre », a dit Emmanuel Macron il y a deux jours, lors du lancement du programme ETIincelles pour faire rayonner nos PME.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Quelle comédie...

M. Olivier Rietmann.  - En tant que président de la délégation sénatoriale aux entreprises, je souscris à 100 % à ce constat. Menons la lutte contre la charge administrative !

Mais comment lire ce PLF, tant il est dépourvu de mesures pour simplifier la vie de nos entreprises ?

Je suis frappé par l'absence de vision de long terme pour notre économie, de cap clair pour les entreprises. Le report de la suppression de la CVAE en témoigne. Certes, je comprends l'impératif des finances publiques, mais quand le Gouvernement comprendra-t-il que la stabilité, législative et fiscale, est une donnée clé pour les entreprises ?

L'instabilité législative est une vraie difficulté pour les entreprises. Les niveaux de nos impôts de production aussi - quatre plus élevés qu'en Allemagne. Surtout, la complexité administrative, ce mal français, représente pour nos entreprises une charge annuelle de 60 milliards d'euros par an, soit 3 % du PIB.

Alors que le Gouvernement lance les assises de la simplification, je découvre que ce PLF soumet davantage d'entreprises à l'obligation dite de documentation. Cette mesure, dépourvue d'étude d'impact, vise à faciliter le contrôle de l'administration fiscale sur les prix de transfert. Quelle inversion des priorités ! On demande aux entreprises de produire à leurs frais une documentation qui dans 99 % des cas, ne sera pas lue par l'administration fiscale - qui peut toujours demander des infos au cas par cas. Cette présomption de culpabilité qu'a votre administration à l'égard de nos entreprises est injustifiable.

Je veillerai au maintien de l'équilibre du pacte Dutreil, essentiel pour notre tissu économique composé à 60 % d'entreprises familiales. Alors qu'un dirigeant sur quatre a plus de 60 ans, il faut anticiper et faciliter la transmission, sans quoi nos entreprises seront rachetées par des fonds étrangers, ou disparaîtront. Notre délégation plaide de longue date pour l'extension de ce dispositif. Je me réjouis que des députés de la majorité aient repris à leur compte notre proposition de relever le seuil de l'abattement fiscal en cas de reprise par les salariés.

Monsieur le ministre, écoutez les messages : celui du Président, bien sûr, mais aussi les nôtres ! Prenez mieux en compte les impacts de vos décisions sur les entreprises.

Ne renoncez pas à lutter contre l'inflation normative pesant sur nos entreprises. Remettez votre budget en cohérence avec nos grands objectifs économiques. Rappelez-vous, avec Montesquieu, que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Tout à fait !

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Bernard Delcros a expliqué la ligne de notre groupe : une position constructive, mais exigeante, car il est nécessaire de rétablir les finances de notre pays.

En 2023, le Gouvernement avait affiché 1 % de croissance : pari tenu. Pour 2024, il prévoit 1,4 % : nous soutenons cette ambition.

Cela dit, il faut tenir compte de la situation de nos finances publiques. En 2023, le déficit de la sécurité sociale s'élèvera à 8,8 milliards d'euros ; en 2024, à 10,7 milliards ; en 2027, à 17,5 milliards d'euros. Nous devons faire des efforts pour résorber ces chiffres.

Pour l'État, la situation sera grave en 2024. Il devra emprunter 285 milliards d'euros sur les marchés financiers - un montant colossal. Après 172 milliards d'euros cette année, le déficit s'élèvera encore à 145 milliards en 2024. C'est dire le chemin à parcourir pour revenir à l'équilibre des finances publiques...

Cette semaine, la Commission européenne nous a placés dans la « bande des 4 », avec la Belgique, la Croatie et la Finlande, des pays où la croissance des dépenses publiques est la plus importante.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Les chenapans !

M. Michel Canévet.  - Nous sommes aussi dans la « bande des quatre » pour le déficit, avec Malte, la Slovaquie et la Belgique.

Parmi les signaux d'alerte, on note une légère remontée du chômage. La réforme créant France Travail doit apporter des réponses, nous la soutenons, car le retour à l'emploi de nos concitoyens demeure un objectif impératif.

Pascal Savoldelli l'a dit : la progression de la pauvreté dans notre pays nous préoccupe. Les associations caritatives alertent sur l'augmentation des besoins. Dès lors, ciblons les actions de solidarité vers ceux qui en ont besoin.

La situation du logement nous préoccupe grandement. Sans logement, pas d'intégration dans la société, d'insertion professionnelle, de vie sociale. Il faut agir concrètement, car tous les indicateurs sont au rouge. Il faut certes réduire les dépenses fiscales, notamment le Pinel, mais aussi favoriser l'accession à la propriété des primo-accédants, sur l'ensemble du territoire.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Très bien.

M. Michel Canévet.  - C'est la condition de la mobilité dans le parc locatif. Le PTZ, financé par des recettes de TVA, est un outil intéressant, qui donnera un retour sur investissement.

Enfin, nous devons remettre de l'ordre dans les niches fiscales et les réduire, même si c'est difficile, pour se concentrer sur l'essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Monsieur le rapporteur général, notre trajectoire est crédible. Nous avons démontré notre crédibilité en sortant la France de la procédure de déficit excessif et en ramenant le déficit public sous les 3 %, avant les crises.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Là, vous l'avez enfoncé !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - En 2018, le déficit s'élevait à 2,3 %. Nous attendions 5 % cette année, ce sera 4,9 %. Notre croissance a tenu ! Je réaffirme l'objectif de 4,4 % pour 2024. Le plus important, vis-à-vis des Français et de nos partenaires, est de tenir nos engagements. Je préfère une trajectoire crédible et moins agressive à une trajectoire très volontariste, mais inatteignable.

Ne regrettons pas la politique du « quoi qu'il en coûte » durant la crise.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Si ! Elle était trop lâche...

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Si nous avons aujourd'hui une croissance de 1 %, c'est parce que nous avons protégé le pays. Cela nous aurait coûté beaucoup plus cher de réparer le tissu économique et social si nous avions laissé le chômage s'emballer et les entreprises au tapis. Cette stratégie était la bonne, la plupart des économistes l'ont reconnu. J'espère que les crises - du covid et de l'énergie - sont derrière nous : maintenant, nous pouvons redresser les finances publiques.

Le président Raynal a soutenu que la dépense publique n'est pas taboue. C'est vrai, en témoigne notre modèle social. De même pour les économies. Pas de modèle social pérenne s'il n'est pas financé, il faut donc restaurer nos marges de manoeuvre, en réduisant le déficit.

Monsieur Rambaud, merci de souligner l'investissement colossal en faveur de la transition écologique.

Madame Lavarde, ce PLF est le budget le plus vert de notre histoire.

M. Thierry Cozic.  - On est loin du rapport Pisani-Ferry !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Bien sûr on peut toujours dire qu'il faut aller beaucoup plus loin... (M. Thierry Cozic s'exclame.)

Monsieur Cozic, vous auriez pu vous féliciter des vingt mesures de ce PLF pour mieux traquer la fraude fiscale, chez les entreprises, les particuliers, sur internet, sur les prix de transfert. Tout cela va dans le bon sens, Mme Goulet l'a reconnu. Nous affectons 1 500 personnes supplémentaires d'ici 2027 au contrôle fiscal, 1 000 de plus pour lutter contre la fraude sociale.

Vous auriez pu aussi vous réjouir du taux minimal de 15 % d'imposition des sociétés au niveau international, qui fait qu'aucune multinationale n'échappe plus à l'impôt sur les sociétés. (M. Thierry Cozic s'exclame.) Sans doute faut-il aller plus loin, et resserrer les mailles du filet. (M. Rémi Féraud s'exclame.)

Madame Lavarde, vous n'avez pas été tendre. Je ne partage pas votre analyse sur les budgets verts, qui doivent être un outil de pilotage. Nous augmentons de 7 milliards d'euros les dépenses dites vertes. Certaines sont difficiles à classer, c'est vrai. Nous vous proposerons d'étendre les budgets verts aux opérateurs et négocions avec les associations d'élus pour doter les collectivités territoriales d'une boussole commune sur les investissements relevant de la transition écologique, que nous avons en partage. (Mme Christine Lavarde s'exclame.) Enfin, nous nous dotons d'une stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique. (M. Jean-François Husson s'exclame.)

Mme Christine Lavarde.  - Je l'ai dit.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je partage votre analyse sur le versement des aides aux entreprises. Nous avons lancé une revue de dépenses à cet effet. Je m'interroge sur les aides du fonds de solidarité mises en oeuvre par la DGFiP, quand d'autres le sont par l'Agence de services et de paiement (ASP). Rationalisons, pour faire des économies et lutter contre les erreurs et la fraude.

Il ne faudrait plus exprimer le déficit en pourcentage du PIB, dites-vous ? Aucun Gouvernement ne l'a jamais remis en question.

Mme Christine Lavarde.  - En valeur absolue, c'est bien aussi !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Ne cassons pas le thermomètre.

Vous nous enjoignez d'aller plus loin pour limiter les dépenses, mais concluez votre intervention sur la loi de programmation Grand âge - qui représente des dépenses supplémentaires.

Mme Christine Lavarde.  - C'est votre dossier de presse !

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - C'est ce que prône Bruno Le Maire !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - C'est pour cela que vous ne faites rien sur le grand âge ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - J'y vois une forme d'injonction contradictoire ... (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Monsieur Capus, je partage la position de votre groupe sur le régalien. La police, la justice font partie des priorités de ce PLF.

Vous insistez sur la nécessaire confiance entre l'État et les collectivités territoriales. Je suis prêt à avancer sur les ZRR et sur les communes nouvelles. Aucune commune qui fait ce choix ne doit être pénalisée. Nous espérons pouvoir ainsi faire progresser le texte.

J'ai bien noté les propositions de Mme Goulet sur la fraude, je lui proposerai d'être associée à nos travaux.

Monsieur Dossus, le PLF 2024 est parfaitement en ligne avec l'excellent rapport Pisani-Ferry-Mahfouz.

M. Thomas Dossus.  - Vous taxez les hauts revenus ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Le rapport estime qu'il faudrait 30 milliards d'euros de plus d'investissement public. La part de l'État représente entre 7 et 10 milliards d'euros. Les collectivités territoriales réalisent 70 % de l'investissement public, elles doivent donc réaliser les deux tiers de l'effort. Quand on ajoute la Caisse des dépôts et les certificats d'économies d'énergie (C2E), la copie est en ligne... (M. Thomas Dossus proteste.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - On ne change rien !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous avons un rendez-vous, avec la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique.

M. Thomas Dossus.  - En 2030 ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - C'était une attente du groupe écologiste, lors des rencontres de Bercy.

M. Savoldelli ironise sur le shutdown et critique l'emploi du 49.3, mais notre responsabilité est de doter le pays d'un budget. Je ne reproche pas aux oppositions de ne pas le voter, mais comment faire, avec une majorité relative, sans recourir au 49.3 ?

M. Thomas Dossus.  - Vous avez empêché le débat.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - M. Savoldelli veut populariser l'article 47. Bon courage, si l'on doit adopter le budget par douzièmes : fini les grands investissements, au revoir la transition écologique ! Sans compter que c'est le Parlement qui habilite, et qui ratifie les ordonnances. Votre problème demeure...

M. Pascal Savoldelli.  - Notre problème ? Franchement !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je sens un peu de mauvaise foi... (MPascal Savoldelli s'en défend ; protestations amusées à gauche.) Pardon j'ai été trop loin ! Mais nous revenons au point de départ : puisqu'il faut un budget, il faut passer par le 49.3.

Je suis ravi de la méthode adoptée sur le projet de loi de fin de gestion : nous avons discuté, les oppositions ont posé les conditions de leur abstention. Seraient-elles capables de faire de même sur le PLF ?

M. Thierry Cozic.  - Ça se négocie en amont !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Cela suppose d'être ouvert à la discussion. Ma porte est ouverte.

M. Thomas Dossus.  - Ah oui ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Elle l'a toujours été.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Il y a des courants d'air...

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Le taux minimal de l'impôt sur les sociétés est une avancée historique, que vous pourriez saluer. Les mailles du filet vont se resserrer.

Nous avons généralisé les budgets verts, monsieur Daubet. Un budget qui peine à revoir son organisation administrative ? Le Président de la République a confié une mission à Éric Woerth sur le sujet.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Et aussi à Mme Vautrin, c'est le grand bazar...

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous devons aussi évaluer combien coûte cet empilement.

Merci, Monsieur Omar Oili, de souligner les aides exceptionnelles pour Mayotte. Nous sommes aux côtés du département.

Madame Blatrix Contat, n'oubliez pas le fonds vert de 2,5 milliards d'euros, un effort inédit en faveur des collectivités territoriales ! Nous avons un problème de soutenabilité des finances publiques : tout euro qui part dans la charge de la dette n'est pas investi. Nous n'avons pas renoncé à la transition écologique : en témoigne la déclinaison à travers les COP territoriales animées par Christophe Béchu.

Monsieur Sautarel, le FMI table sur 1,3 % de croissance, la Commission européenne, sur 1,2 %. Nous maintenons notre prévision à 1,4 %, malgré les incertitudes du climat international. Nous devons travailler sur les doublons, et avons lancé une mission à cet effet. Je suis ouvert aux propositions. Idem sur le nouveau zonage ZRR, sujet sur lequel j'espère un accord.

Sur les 8 500 emplois supplémentaires, 2 700 sont destinés à la sécurité intérieure, 2 000 à la justice. Est-ce trop ? Vous les avez votés dans les lois de programmation. Nous renforçons aussi l'éducation nationale et la transition écologique. En contrepartie, nous identifions les secteurs où faire des économies d'ETP.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Tenez votre promesse de stabilité !

M. Stéphane Sautarel.  - C'est l'administration administrante.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Policiers, magistrats, greffiers, ce n'est pas l'administration administrante !

Monsieur Delcros, attention aux impôts. Selon Eurostat, nous sommes tout en haut du tableau des prélèvements obligatoires. Cela pose un problème de pouvoir d'achat et d'attractivité des territoires. (M. Thierry Cozic le conteste.) Si nous créons de l'emploi et de la croissance, c'est parce que nous sommes devenus un territoire attractif. Ne cassons pas un modèle qui fonctionne, et qui reste notre meilleur allié pour redresser les finances publiques.

L'augmentation de 100 millions d'euros supplémentaires de la DGF, soit 320 millions, est de nature à répondre aux attentes.

Madame Briquet, les élus locaux ne sont pas responsables du déficit de l'État, mais nous sommes tous comptables du redressement des finances publiques. (M. Laurent Somon proteste.) Les concours financiers augmenteront de 1 milliard d'euros.

Monsieur Rietmann, vous avez raison sur la simplification. Sur la CVAE, j'avoue ne plus comprendre le positionnement du groupe Les Républicains, difficile à lire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Et inversement ! Tenez vos promesses !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Les prix de transfert doivent pouvoir être décrits pour lutter contre la fraude. Nous parlons d'entreprises qui ont des filiales à l'étranger, pas de la TPE du coin.

Monsieur Canévet, le travail est la clé, pour générer des recettes, pour redresser les finances publiques. Tout doit y concourir. (M. Pascal Savoldelli proteste.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances.  - Je demande quinze minutes de suspension pour examiner l'amendement du Gouvernement à l'article liminaire.

La séance, suspendue à 18 h 10, reprend à 18 h 30.

Modification de l'ordre du jour

M. Claude Raynal, président de la commission des finances.  - Le nombre d'amendements sur la première partie s'élève à 2 259, soit 500 amendements de plus que l'an dernier. Les délais constitutionnels nous imposent de revoir l'organisation de nos travaux. Il n'est plus possible d'éviter de siéger dimanche 26 novembre. Nous demandons donc l'ouverture de la séance dimanche à 14 heures et le soir. Nous siégerions demain jusqu'à minuit et demi, puis samedi de 9 h 30 à 2 heures du matin et dimanche de 14 heures à 1 h 30 du matin.

Cela vous fait manifestement plaisir, monsieur le ministre. (Sourires) Cela ne nous dispense pas de tenir un rythme soutenu pour terminer l'examen de la première partie jeudi prochain.

Lors de l'examen du PLF 2019 - 1 035 amendements contre 617 en 2018 - mon prédécesseur Vincent Éblé avait parlé d'une « inflation substantielle ». Cette année, c'est le double. Je n'ai plus de mots ! (Sourires)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - C'est avec plaisir que je serai parmi vous dimanche. (Sourires)

Il en est ainsi décidé.

Discussion de l'article liminaire

M. le président.  - Amendement n°I-2183, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire)

Loi de finances pour 2024

PLPFP 2023-2027

2022

2023

2024

2024

Ensemble des administrations publiques

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

-4,2

-4,1

-3,7

-3,7

Solde conjoncturel (2)

-0,5

-0,7

-0,6

-0,6

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

Solde effectif (1+2+3)

-4,8

-4,9

-4,4

-4,4

Dette au sens de Maastricht

111,8

109,7

109,7

109,7

Taux de prélèvements obligatoires (y.c UE, nets des CI)

45,4

44,0

44,1

44,1

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire

45,6

44,4

44,4

 44,4

Dépense publique (hors CI)

57,7

55,8

55,4

55,3

Dépense publique (hors CI, en Md€)

1523

1574

1624

1622

Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%) 1

-1,1

-1,4

0,6

0,5

Principales dépenses d'investissement (en Md€) 2

 

25

30

30

Administrations publiques centrales

 

Solde

-5,2

-5,3

-4,8

-4,7

Dépense publique (hors CI, en Md€)

625

630

640

639

Évolution de la dépense publique en volume (%) 3

-0,1

-3,8

-1,1

-1,4

Administrations publiques locales

 

Solde

0,0

-0,3

-0,3

-0,3

Dépense publique (hors CI, en Md€)

295

312

322

322

Évolution de la dépense publique en volume (%) 3

0,1

1,0

0,9

0,9

Administrations de sécurité sociales

 

Solde

0,4

0,7

0,6

0,6

Dépense publique (hors CI, en Md€)

704

730

762

761

Évolution de la dépense publique en volume (%) 3

-2,4

-0,5

1,9

1,7

1 À champ constant.

2 Au sens du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027.

3 À champ constant, hors transferts entre administrations publiques.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Cet amendement met à jour l'article liminaire en coordination avec les différents textes financiers récemment adoptés ; les prévisions de solde pour 2023 et 2024 restent inchangées, respectivement à moins 4,9 % et moins 4,4 %, conformément à la trajectoire de la LPFP.

La transcription de l'ANI pour l'Agirc-Arrco dégrade le solde de 1 milliard d'euros en 2024, tandis que le gel des barèmes des allègements généraux de cotisations sociales l'améliore de 500 millions d'euros.

L'amendement n°I-1896 est retiré.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Avis favorable sur l'amendement de coordination du Gouvernement.

L'amendement n°I-2183 est adopté.

L'article liminaire, modifié, est adopté.

Discussion de l'article 33

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la commission des finances .  - L'examen du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne est un exercice complexe, car le montant est uniquement prévisionnel.

Le 11 novembre, le Parlement européen et le Conseil européen se sont pourtant accordés sur un budget de 189 milliards d'euros en crédits d'engagement et 143 milliards en crédits de paiement. Le Gouvernement devrait ultérieurement déposer un amendement pour préciser le montant subséquent de notre contribution, mais je regrette que nous ne disposions pas d'une évaluation révisée. Quand en saurons-nous plus, madame la ministre ?

L'article 33 évalue le prélèvement sur recettes à 21,61 milliards d'euros, soit 2,287 milliards de moins que la prévision actualisée pour 2023. Cette baisse relative s'explique par des facteurs conjoncturels, et non une baisse à moyen terme de la contribution française, qui devrait plutôt s'établir en moyenne à 26,9 milliards d'euros par an entre 2023 et 2027.

En juin 2023, la Commission européenne a proposé une révision du cadre financier pluriannuel (CFP) comprenant une hausse de 66 milliards d'euros. Certains pays « frugaux » sont cependant réticents à l'augmentation du budget de l'Union européenne.

Quelle est la position de la France ? À quelle date y aura-t-il un accord ? La révision du CFP s'accompagne de nouvelles ressources propres. Pour quel montant ? Je ne suis pas sûr qu'elles soient suffisantes pour couvrir le remboursement du plan de relance NextGenerationEU de 75 milliards d'euros et ses intérêts, ainsi que le plan Climat.

L'évaluation ne tient pas compte des différentes garanties de la France à l'Ukraine. Au vu des engagements pris par la France, quels montants la France versera-t-elle au total à l'Union européenne à moyen terme ?

La France a demandé le 31 juillet un premier versement du plan de relance pour 10,3 milliards d'euros. La Commission a publié un projet de décision de validation le 17 novembre. Quand le recevrons-nous ?

La commission des finances a proposé l'adoption de l'article 33 sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Christine Lavarde, en remplacement de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes   - Je vous prie d'excuser M. Jean-François Rapin, actuellement en Allemagne. Nous sommes devant un paradoxe : la contribution de la France au budget de l'Union européenne va baisser, alors que ce dernier va fortement augmenter dans les prochaines années, à cause de la guerre en Ukraine, de l'inflation et du remboursement de l'emprunt européen.

À mi-parcours du cadre financier pluriannuel, la Commission propose de le rallonger de 66 milliards d'euros. Elle met sur la table de nouvelles ressources propres, mais le compte n'y est pas. Le train de mesures ne compte qu'un seul wagon : une ressource fondée sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises, qui est, en réalité, une nouvelle contribution des États membres.

Selon la Cour des comptes, en l'absence de nouvelles ressources propres, la contribution de la France augmenterait de 2,5 milliards pendant trente ans à partir de 2028, et cela, sans compter un élargissement qui augmenterait le budget de l'Union de 20 %. Quel en serait l'impact sur la contribution française ? Comment la France envisage-t-elle le financement européen à long terme ?

La Cour des comptes européenne a émis une opinion défavorable pour la quatrième année consécutive sur les comptes de l'Union, estimant le taux d'erreur à 4,2 % des dépenses. Onze des treize subventions accordées au titre de la facilité pour la reprise et la résilience poseraient des problèmes d'irrégularité. Ces erreurs regrettables seraient-elles liées à la trop grande complexité des aides européennes ? Madame la ministre, que propose le Gouvernement à cet égard ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La France est le deuxième contributeur net au budget de l'Union européenne. La légère baisse de 4 milliards d'euros pour 2024 découle d'un décalage dans l'exécution des politiques de cohésion. Malgré cette baisse, la contribution française augmente constamment depuis trente ans. Il convient donc de trouver de nouvelles ressources.

La révision du cadre pluriannuel est une question pressante, avec la guerre en Ukraine, l'inflation et la hausse des taux d'intérêt. La Commission européenne a proposé une augmentation de 66 milliards. C'est insuffisant pour prendre en compte la situation actuelle, notamment pour faire face à l'Inflation Reduction Act (IRA) instauré par les États-Unis. L'Europe ne doit pas fléchir dans la course à la décarbonation. Elle doit investir dans l'innovation et la recherche. La transition coûtera cher, mais moins que l'inaction.

Malheureusement, le Conseil européen a refusé la demande de rallonge de 66 milliards d'euros de la Commission, préférant un redéploiement.

Il y a des pistes de ressources nouvelles : marché carbone européen, ajustement carbone aux frontières et pilier 1 de l'accord sur la fiscalité internationale de l'OCDE.

Nous nous réjouissons de la nouvelle ressource statistique fondée sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises, première étape vers un impôt européen sur les sociétés. Allons plus loin, avec un ISF vert européen et une taxe sur les multinationales.

Enfin, il est nécessaire de réviser le pacte de croissance de manière équilibrée. Nous devons assouplir les contraintes en intégrant des règles budgétaires transparentes qui prennent en compte les situations nationales, et en excluant certains investissements du solde structurel, notamment ceux en faveur de la transition écologique.

Nous sommes à la croisée des chemins : ne rien faire serait contre-productif. La France doit assumer son rôle moteur, sans céder aux sirènes des pays « frugaux ».

Jean Monnet estimait que l'Europe se construisait au fil des crises. Nous voterons cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le prélèvement sur recettes est constitué de plusieurs composantes : fraction de TVA, contribution basée sur le revenu national brut et la taxe plastique. Il sera de 21,6 milliards d'euros en 2024, contre 24,6 milliards en 2023. Il faut y ajouter 3 milliards d'euros de droits de douane, qui ne font pas l'objet d'un vote formel.

Le quatrième cadre financier pluriannuel dont ce budget fait partie prévoit un plafond global de dépenses de plus de 1 200 milliards d'euros en crédits d'engagement sur sept ans, afin de répondre à la crise sanitaire, grâce au plan NextGenerationEU.

La marge d'action des Parlements nationaux est bien faible. Sauf à vouloir casser la baraque européenne, nous devons voter l'article 33. Mais cela n'empêche pas de faire des remarques.

La France est le deuxième contributeur derrière l'Allemagne. Sans remettre en question notre engagement, il est permis de nous interroger sur le ratio coût-bénéfice de notre contribution.

En période d'endettement et de déficit, un delta de 10 milliards d'euros n'est pas anodin, car il faut tenir compte des contextes nationaux. Le contribuable français a tendance à le percevoir comme une double peine, les retombées étant peu visibles. Il faut être capable de l'entendre et d'expliquer : les politiques européennes profitent à la France via la PAC, dont nous sommes le premier bénéficiaire et qui est un soutien vital pour nos agriculteurs - ne l'oublions pas au moment d'aborder la question de l'élargissement - et via le soutien à nos régions ultrapériphériques (RUP).

En Européenne convaincue, je voterai cet article 33, mais resterai attentive aux attentes de nos concitoyens.

M. Aymeric Durox .  - La droite et la gauche sont deux détaillants qui ont le même grossiste, l'Union européenne. Ainsi parlait Philippe Séguin, qui fustigeait l'abandon de la souveraineté nationale par la gauche et la droite au profit d'une putative souveraineté européenne.

Cette participation de la France au budget européen est injuste à tous égards. Elle a toujours payé rubis sur ongle sa contribution, sans contrepartie, alors que le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Autriche, la Suède, les Pays-Bas ou le Danemark ont profité de rabais ou de rabais sur le rabais - uniquement parce qu'ils étaient conduits par des dirigeants soucieux de l'intérêt de leur pays.

Nous sommes déjà le pays le plus taxé au monde, mais l'Union européenne entre 2000 et 2023 aura coûté 175 milliards d'euros - soit une soixantaine de gros hôpitaux, une cinquantaine de porte-avions ou une dizaine d'EPR, dont nous aurions tant besoin après l'abandon du nucléaire pour faire plaisir aux Verts. (M. Thomas Dossus ironise.)

Pire, l'argent que l'Union européenne daigne nous redonner est fléché et nous ne pouvons pas l'utiliser à notre gré. C'est la double peine : l'Union européenne nous coûte « un pognon de dingue » pour des résultats économiques médiocres. Après 175 milliards d'euros, l'agriculture se porte-t-elle mieux ? Et nos entreprises ? Le dumping social a-t-il diminué ? La sécurité aux frontières est-elle mieux assurée ?

L'intégration probable de pays des Balkans et du Caucase alourdira encore la note, comme le remboursement d'un emprunt mal négocié. Mettons fin à ce tonneau des Danaïdes.

Comptez sur les sénateurs du RN pour défendre les intérêts des Français. Nous verrons les résultats des prochaines élections européennes. Vox populi, vox dei. (M. Joshua Hochart applaudit.)

M. Emmanuel Capus .  - La participation de la France au budget de l'Union européenne est en forte baisse : 3 milliards d'euros de moins que l'an dernier.

La France représente 18 % des contributions européennes. Nous sommes contributeurs nets. Que nous apporte l'Union, directement et indirectement ? Répondre à cette question tordrait le cou à certaines idées reçues - comme celles que nous venons d'entendre. L'Union européenne n'est pas une option, mais un levier indispensable pour répondre aux enjeux futurs.

La révision du CFP nous fait-elle craindre des hausses futures ? Oui. Accueillons-nous favorablement le nouveau panier de ressources propres, comprenant l'excédent brut d'exploitation des entreprises ? Oui, et nous souhaitons les renforcer.

Les rabais négociés par les autres États nous indignent-ils ? Oui. Quand on est européen, on l'est entièrement, pas au rabais !

L'an dernier, j'évoquais la solidarité ; cette année, je parlerai de puissance. En Européens, nous devons donner l'impulsion à l'Europe. Je nous invite tous à suivre le prochain Conseil européen : le menu est appétissant, avec la renégociation du CFP ou encore un potentiel élargissement. La commission s'est prononcée pour l'ouverture formelle de négociations avec l'Ukraine ; sommes-nous prêts ? L'Europe va devoir se penser en puissance et se réformer.

Les peuples européens méritent mieux. Soyons enfin ce que nous devons être et que notre contribution y participe ! (M. Marc Laménie applaudit.)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce prélèvement sur recettes représente 21 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter les droits de douane. La contribution baisse de 3 milliards d'euros cette année, mais il s'agit en fait d'une stabilisation conjoncturelle.

Ne perdons pas de vue certains facteurs économiques systémiques. Il convient d'analyser l'impact de la nouvelle taxe plastique et des rabais accordés à cinq États - l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l'Autriche et le Danemark. Alors que la solidarité européenne est mise à mal, veillons à ne pas alimenter la défiance vis-à-vis de l'Europe.

Le budget de l'Union, de 142,6 milliards d'euros en crédits de paiement et 189,4 milliards en crédits d'engagement, s'inscrit dans un cadre pluriannuel fixant sur sept ans un plafond de 1 074 milliards d'euros d'engagement.

La Commission européenne propose de réviser ce cadre à mi-chemin, pour tenir compte de la guerre en Ukraine, de l'inflation et des transitions énergétique et numérique, avec une rallonge de 66 milliards d'euros qui financeraient une nouvelle facilité pour l'Ukraine et une plateforme des technologies stratégiques.

Le groupe UC réaffirme son soutien indéfectible à l'Ukraine contre l'agresseur russe.

Des ressources propres doivent être dégagées, mais seront-elles suffisantes pour le plan de relance et la transition écologique ?

La réduction de 55 % des émissions d'ici à 2050 doit être financée par l'affectation de ressources propres à un fonds social pour le climat.

Le budget de l'Union est un outil au service notamment de la cohésion. Récemment, la Commission a rappelé à l'ordre quatre États membres, dont la France, pour une augmentation excessive des dépenses publiques. Or le respect de règles budgétaires communes est un pilier de la construction européenne. La nouvelle PAC a posé la fondation d'une agriculture diversifiée entre les États, source de frustrations, alors que la souveraineté alimentaire est indispensable.

Comme le disait Jacques Delors après la crise des subprimes : après les pompiers il nous faut des architectes.

Le danger guette. Réaffirmons fortement nos convictions européennes. N'en déplaise à certains, l'Union européenne a garanti la paix, et la paix est précieuse, l'actualité nous le rappelle avec force. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La contribution de la France au budget de l'Union européenne intervient au moment de la révision à mi-parcours du CFP, à la veille des élections européennes et du retour annoncé du pacte de stabilité et de croissance. Mon groupe, fidèle à son engagement européen, votera l'article 33.

L'Union européenne a été confrontée à des crises imprévisibles - guerre, inflation, énergie - qui lui ont permis de se renforcer à travers un endettement commun. Elle repose cependant sur un financement instable : les contributions nationales. Même un Européen résolu peut se demander où va une Union européenne à bientôt trente-six membres.

Seul un projet ambitieux peut répondre aux défis, ce qui ne se fera pas à budget constant. La France ne bénéficie d'aucun rabais, c'est vrai, et n'est que le vingt-troisième bénéficiaire, rapporté à sa population. En outre, le fonds européen pour les plus démunis y est sous-consommé. Quand de nombreux ménages peinent à joindre les deux bouts, on comprend que la contribution française fasse grincer des dents.

Une autre voie est possible, et même nécessaire, alors que l'extrême droite anti-européenne progresse à chaque élection ou presque.

Les ressources propres représentent moins de 20 % du budget, la part des ressources douanières ayant fortement diminué avec les accords de libre-échange. La France gagnerait à les développer.

Notre enveloppe au titre du plan de relance a baissé de 10 milliards d'euros alors que nous remboursons 4,2 milliards par an. En tant que deuxième contributeur net, nous sommes exposés à des sanctions éventuelles en raison de notre déficit excessif.

Pourtant, le Gouvernement n'est pas moteur : la taxe sur le numérique a été abandonnée par peur de représailles américaines, comme la taxe sur les transactions financières et il n'y a toujours pas d'avancée majeure sur l'harmonisation fiscale et l'assiette commune pour l'impôt sur les sociétés.

Sans ressources propres, la dette augmentera. L'austérité est-elle l'avenir promis à nos concitoyens ? Ils attendent au contraire que vous fassiez participer ceux qui profitent de l'Union européenne sans y contribuer à leur juste mesure. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Éric Bocquet .  - La réforme du budget européen est une impérieuse nécessité. Le CFP proposé en juin dernier est au point mort, supplanté par les conflits mondiaux.

La Commission européenne propose de modifier à la marge le CFP précédent pour renforcer l'aide à l'Ukraine, créer une plateforme des technologies stratégiques, faire face aux migrations et rémunérer les fonctionnaires européens.

La baisse de la contribution française, conjoncturelle, est en trompe-l'oeil. Les retards dans la mise en oeuvre de la politique de cohésion - via le Fonds européen de développement régional (Feder), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) - devront être rattrapés. Le sentiment anti-européen est nourri par les tergiversations de la Commission et par l'impression que la solidarité est au point mort.

Trompe-l'oeil aussi, parce que les remboursements du plan NextGenerationEU ont été calculés sur l'hypothèse de taux d'intérêt dépassés. La question du financement a été mise sous le tapis, et l'endettement est une fuite en avant.

Que dire des financements indispensables du Fonds social pour le climat ? Un nouveau marché carbone heurtera les ménages. Sans contrepartie sociale, la transition écologique sera vaine...

En 2032, la Commission devrait engager des procédures d'infraction contre vingt États membres au regard du Pacte vert. Ce n'est pas une secousse, mais un séisme social.

La question de l'avenir financier de l'Union s'est posée en février 2021, lors de l'examen de la directive sur les ressources propres : 1,5 milliard d'euros avec la contribution sur le plastique non recyclé, c'était bien peu... Il faut revenir sur la règle de l'unanimité pour éviter les blocages systématiques.

Où en est la taxation des transactions financières ? Car la spéculation va bon train. Cela avait été proposé par la Commission dans la directive ressources propres : n'ayez pas la mémoire courte, car l'impasse budgétaire est proche.

Mon groupe votera contre ces crédits, qui empêchent de réaliser l'exigence climatique du Pacte vert et de concrétiser la cohésion européenne en l'absence de toute taxation du capital. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Annick Girardin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI) Cet article prévoit 22 milliards d'euros au titre de notre participation à l'Union européenne. Sa baisse pour 2024 n'est que provisoire, au regard des plans de relance européens et de la révision du CFP.

Cette contribution fait souvent débat. Pour le RDSE, profondément attaché au projet européen, la question ne se pose pas.

Ce prélèvement est bien plus qu'un acte financier, il est une déclaration tangible en faveur d'une Europe résiliente, solidaire et souveraine : gestion collective du covid, soutien à l'Ukraine, réduction de notre dépendance énergétique...

Certes, la France est le deuxième contributeur net, mais aussi l'un des principaux bénéficiaires des politiques publiques européennes. Sans la PAC, notre modèle agricole n'aurait pas accompli sa mue. Je n'oublie pas les instruments de gestion de crise, notamment en faveur de la pêche. Nos concitoyens sont souvent ignorants des efforts des institutions européennes pour nous relever des crises et faire face aux enjeux de long terme, bien mieux que ne le ferait chaque État individuellement. Pour un total de 490 milliards d'euros, le Conseil européen a validé 25 plans de relance et de résilience, dont celui des Pays-Bas en 2022. Le succès électoral de Geert Wilders s'explique-t-il par un manque de pédagogie ? Le règlement de Dublin n'est pas parfait et Frontex n'a pas les moyens nécessaires, mais quel État membre pourrait faire mieux ? Regardons le Royaume-Uni. Est-ce une question de moyens ? Pourrait-on faire plus que les 1 824 milliards d'euros du CFP et de NextGenerationEU ?

Autre question : celle de la dette de l'Union européenne, avec un début de remboursement en 2028. Assistera-t-on à un retour des frugaux qui fragiliserait la reprise européenne déjà bien atone ?

Seule issue : la recherche de ressources propres. Je me réjouis que la Commission européenne ait présenté des projets en ce sens, à hauteur de 36 milliards d'euros par an. Oui au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, oui au levier fondé sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises, sans oublier l'accord OCDE-G20 sur la fiscalité internationale.

Un reproche toutefois : tout cela est bien trop lent. Le Conseil avance à petits pas.

Le RDSE votera l'article 33 pour une Europe que nous voulons toujours plus solidaire et convaincante. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Grégory Blanc applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Sans surprise, le RDPI votera cet article 33, méconnu de nos concitoyens mais fondamental à tous égards.

Nous sommes mus par un profond attachement à la construction européenne pour répondre aux défis immenses qui se posent à notre continent.

Denis de Rougemont écrivait que « L'Europe unie n'est pas un expédient moderne, économique ou politique, mais c'est un idéal qu'approuvent depuis mille ans tous ses meilleurs esprits, ceux qui ont vu loin. » Nous sommes les défenseurs de l'Union européenne, bouc émissaire commode de certains - voyez les élections aux Pays-Bas.

Le CFP prévoit le renforcement du budget de l'Union à hauteur de 18 milliards d'euros pour faire face aux migrations. C'est bien à l'échelle européenne que nous pourrons traiter ce problème.

Nous avons toujours plaidé en faveur d'une Union plus stratégique, dotée de moyens renforcés. Que d'efforts déployés par le Président de la République pour obtenir le plan de relance européen ! Désormais, l'Union européenne n'est plus naïve : nous disposons des instruments pour figurer au premier rang de l'économie mondiale.

Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance français, 40 milliards proviennent de l'Union européenne, avec une visée verte à hauteur de 30 %. Ces crédits s'inscrivent dans une logique de transformation.

Nombre de dépenses européennes contribuent au meilleur fonctionnement de nos territoires, sans être forcément visibles : PAC, fonds de cohésion, entre autres. Améliorons la communication pour que l'Europe soit perçue comme une réalité tangible et accessible, car aucun canton de France n'est oublié.

Le renforcement de l'action aux côtés de l'Ukraine et la création de la plateforme européenne des technologies stratégiques sont des avancées.

Il est essentiel d'adopter ce budget pour influer sur la marche du monde et relever les défis de long terme.

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - Je salue la qualité du rapport spécial de Jean-Marie Mizzon et des débats en commission des finances le 31 octobre dernier.

Je vous retrouve avec plaisir pour demander, au nom du Gouvernement, d'autoriser le PSR-UE pour 2024. Il s'élèvera à 21,6 milliards d'euros, niveau inférieur à 2023, mais proche de celui avant la pandémie.

La France est le deuxième contributeur de l'Union européenne. Alors que la France et l'Europe font face à des défis inédits, la contribution française est essentielle pour répondre aux enjeux prioritaires tels que le défi migratoire et la transition écologique.

Monsieur Mizzon, messieurs Capus et Fernique, vous avez mentionné la révision du CFP. C'est ainsi que nous pérennisons l'aide à l'Ukraine, avec la facilité Ukraine pour 2024-2027. Il n'y aura pas d'amendements sur le PSR - UE, car les négociations sur le CFP sont encore en cours - mais les effets sont mineurs sur le PLF 2024.

Le soutien à l'Ukraine est la priorité de cette révision. Le budget européen permettra aussi de répondre au défi migratoire, notamment en mettant en oeuvre le pacte sur la migration et l'asile et en renforçant nos partenariats avec les pays tiers d'origine ou de transit.

En pratique, notre contribution permet à l'Europe de mettre en oeuvre les politiques communes, pour nos concitoyens : PAC, programme pour la jeunesse, transition écologique.

À 9,5 milliards d'euros par an, nous sommes - et de loin ! - le premier bénéficiaire de la PAC, qui représente 31 % du budget de l'UE, ce qui est bien mieux qu'un rabais. Voter le PSR, c'est financer notre agriculture.

En outre, l'Allemagne paie deux fois plus et elle reçoit deux fois moins : cela s'appelle la solidarité.

Avec ce budget, nous renforçons la résilience, au travers de la politique de cohésion. Le plan de relance européen octroie 40,3 milliards d'euros à la France jusqu'en 2026. La Commission européenne vient d'attribuer un deuxième décaissement de 10,3 milliards, qui sera versé avant la fin de l'année pour accélérer la transition verte dans notre pays.

L'agenda de Versailles réduira notre dépendance dans les secteurs critiques et renforcera la production européenne. Nous nous réjouissons de l'adoption du Critical Raw Material Act, le 13 novembre dernier.

La France pèse beaucoup plus avec les 440 millions de citoyens de l'Union européenne qu'elle ne le ferait seule !

Monsieur Mizzon, mesdames Lavarde, Blatrix Contat et Girardin, vous avez souligné la difficulté de trouver des ressources propres. Celles-ci, auxquelles la France appelle, permettront de sortir de la logique délétère des taux de retour. La présidence espagnole poursuit les travaux : les nouvelles ressources, notamment le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, sont estimées à 36 milliards par an à partir de 2028, ce qui suffira à rembourser le plan de relance et le fonds social pour le climat.

Je me félicite que la France soit leader dans la construction d'une Europe puissante et souveraine, à l'image du plan NextGenerationEU.

Monsieur Durox, vous me peinez : vous cachez à vos électeurs les menaces russes, l'ingérence chinoise et le repli possible des États-Unis. Vous oubliez de souligner les bénéfices sécuritaires de l'appartenance à l'Union européenne. C'est vrai également en matière de commerce et de climat - la transition écologique serait bien plus coûteuse à 66 millions d'habitants seulement...

Comme le dit M. Capus, l'Europe est un levier pour nous rendre plus forts, plus puissants et plus souverains. (M. Joshua Hochart proteste.)

Je me réjouis que ce débat contribue à la place de la France dans la construction européenne. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

L'article 33 est adopté.