Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Projet de loi Immigration (I)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du RDPI) À qui profite le crime ? La coalition d'oppositions a recalé le projet de loi Immigration. Après des 49.3 à répétition, une motion de rejet. S'agit-il d'une crise politique conjoncturelle ?

Nous assistons sans doute aux limites du « en même temps », car certains groupes parlementaires rejettent manifestement la culture du compromis. (« Oh ! » sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Il est temps de s'interroger sur nos institutions, qui traversent une crise profonde. Le dialogue ne se tente plus qu'au Palais du Luxembourg. Nous nous réjouissons de voir le Sénat mis en lumière comme chambre de modération, pourvu que le compromis y trouve aussi sa place. La commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi Immigration aura valeur de test.

Profondément attaché au bicamérisme et à la démocratie représentative, le groupe RDSE souhaite voir au plus vite émerger une gouvernance apaisée. Madame la Première ministre, envisagez-vous des réflexions sur le fonctionnement des institutions, y compris sur la décentralisation, dans l'intérêt des Français ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Lundi, à l'Assemblée nationale, la Nupes et l'extrême droite se sont alliées pour empêcher le débat sur le projet de loi Immigration... (Vives protestations à gauche, où l'on pointe du doigt les travées de droite.)

M. Rachid Temal.  - Et les députés les Républicains ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Cette alliance baroque est irresponsable !

M. Mickaël Vallet.  - C'est votre gouvernance qui est baroque !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Elle s'est faite au mépris du travail parlementaire et des attentes des Français.

Une voix à gauche.  - Et la réforme des retraites ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Je connais l'attitude constructive du RDSE, qui est le plus ancien groupe parlementaire de notre République. Je sais son attachement au débat et au pluralisme (on apprécie sur les travées du RDSE), et sa volonté de trouver des solutions concrètes et efficaces pour les Français, notamment face aux défis migratoires. Cette volonté est aussi la mienne et celle de mon Gouvernement.

Nos concitoyens attendent des solutions et des réponses. Nos forces de l'ordre nous demandent des moyens d'action plus efficaces.

M. Max Brisson.  - Cela fait six ans !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Nous devons éloigner plus rapidement les personnes en situation irrégulière, et mieux intégrer celles que nous accueillons. C'est l'objectif du Gouvernement, et ce sera l'enjeu de la prochaine CMP qui se tiendra lundi. C'est la condition pour apporter les réponses attendues par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE ; marques de dérision sur les travées du groupe SER)

Projet de loi Immigration (II)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Yannick Jadot applaudit également.) C'est un fiasco. À la crise institutionnelle, vous ajoutez une crise politique inédite. En jouant sur les peurs, le Président de la République attise les braises d'un pays incandescent. C'est irresponsable.

Votre ministre, aux déclarations à géométrie variable, a échoué ; cet échec est le vôtre, comme votre échec est celui du Président de la République. À vouloir tromper tout le monde, vous n'avez convaincu personne. Vous avez provoqué cette situation, à vous d'en sortir.

Puisque vous écartez un 49.3, quelle sera l'ampleur de la capitulation en CMP ? Quel sera le prix du renoncement aux valeurs républicaines ? La fin de l'aide médicale d'État ? (« Oui ! » sur les travées du groupe Les Républicains) La fin de la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension ? (« Oui ! » sur les travées du groupe Les Républicains) La préférence nationale ? (Exclamations à droite)

Madame la Première ministre, il est encore temps. Suivez l'exemple du président Retailleau et retirez votre texte ! (Applaudissements nourris à gauche)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Lundi, à l'Assemblée nationale, les députés socialistes ont pris la décision lourde de mêler leurs voix à celles de l'extrême droite. (Vives et bruyantes protestations à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP ; quelques exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains) Ils ont refusé d'exercer leur mission de parlementaire : discuter et voter la loi. (Les protestations fusent ; brouhaha.)

M. Mickaël Vallet.  - On vous a fait élire au second tour !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Je me souviens d'un temps où le Parti socialiste portait des combats et des valeurs, où il était un parti de gouvernement ; à l'Assemblée nationale, il s'enferme dans l'obstruction. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Monsieur le président Kanner, je connais vos convictions, votre attachement à la démocratie parlementaire. Allez-vous laisser le Parti socialiste se dissoudre au sein de la Nupes et voter avec le Rassemblement National ? (Rires et exclamations moqueuses à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP) Ou comptez-vous sauver son honneur ?

Mon Gouvernement ne laissera jamais les manoeuvres politiciennes l'emporter. (Huées à gauche) Les Français demandent des mesures fortes contre l'immigration illégale, et une meilleure intégration de ceux que nous accueillons. Avec le ministre de l'intérieur, nous sommes déterminés à leur apporter des solutions. Une commission mixte paritaire se tiendra lundi. Nous choisirons toujours la voie de la responsabilité et le chemin de l'action. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Patrick Kanner.  - Je vous ai posé une question de fond et vous répondez de façon politicienne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST et du groupe Les Républicains ; sourires sur plusieurs travées)

Vous connaissez l'adage : « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Le 14 novembre, ici, les sénateurs de la majorité présidentielle, à quelques exceptions près, ont voté le texte de la droite sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; « Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ne laissez pas vos députés Renaissance se dissoudre dans Les Républicains, qui eux-mêmes se dissolvent dans le Rassemblement National. Retirez votre texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; huées et protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; MMStéphane Ravier et Aymeric Durox s'en amusent.)

Projet de loi Immigration (III)

Mme Cécile Cukierman .  - Le rejet préalable de votre projet de loi Immigration est un échec cuisant. Vous dénoncez l'empêchement du débat, alors que vous avez vous-même recouru au 49.3 à vingt reprises.

En l'absence de débat à l'Assemblée nationale, le texte du Sénat, plus dur, devient la base de travail. Mais c'est vous qui avez entretenu la confusion, en accompagnant le texte de la droite sénatoriale ! Vos soutiens au Sénat l'ont voté, alors que vos députés l'ont profondément retravaillé.

M. Michel Savin.  - En même temps !

Mme Cécile Cukierman.  - Vous payez cette incohérence. Votre réponse est de convoquer en urgence une commission mixte paritaire (CMP), pour tenter de petits arrangements. Nous n'acceptons pas ce coup de force. Allez-vous renoncer à cette CMP ? (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Lundi, à l'Assemblée nationale... (Exclamations moqueuses)

M. Hussein Bourgi.  - Vous avez déjà lu cette fiche !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - ... ceux qui prétendent nous donner des leçons de démocratie ont choisi d'empêcher le débat parlementaire, de concert avec l'extrême droite. (M. Fabien Gay proteste.)

Cela n'entame pas notre volonté de répondre aux attentes des Français, qui soutiennent notre texte. (On le conteste à droite.) Ils demandent l'expulsion des étrangers délinquants ; des capacités d'action pour nos forces de l'ordre contre l'immigration irrégulière ; des sanctions contre les passeurs et marchands de sommeil ; une meilleure intégration de ceux que nous accueillons.

Nous voulons leur apporter des solutions ; rien ne nous fera dévier de cette ligne. La CMP est convoquée, le débat parlementaire se poursuit, nous souhaitons un accord. Avec Gérald Darmanin et mon Gouvernement, notre détermination est totale. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Cécile Cukierman.  - Ces mêmes Français, que vous appelez à la rescousse, étaient 70 % à être opposés à la réforme des retraites : vous les avez ignorés ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER) C'est « en même temps » quand cela vous arrange !

En convoquant la CMP alors que l'Assemblée nationale a rejeté votre texte, vous piétinez le débat parlementaire ! (Protestations sur les travées du RDPI)

Lundi, il n'y a pas que la gauche qui a voté le rejet. Les cinq voix manquantes sont aussi issues de l'arc républicain présent ici au Sénat. Attelez-vous à répondre à l'urgence du bien-vivre des Françaises et des Français ? (Applaudissements à gauche)

Trimestres de retraite des sapeurs-pompiers volontaires

M. Pascal Martin .  - (Vivats et applaudissements sur les travées du groupe UC) En cette période de Sainte-Barbe, le décret mettant en oeuvre l'article 24 de la loi portant réforme des retraites est très attendu. Cet article accorde le droit à des trimestres supplémentaires aux assurés ayant effectué au moins dix années d'engagement, continues ou non, comme sapeur-pompier volontaire. Or il est question d'en limiter le bénéfice à ceux qui ont eu une carrière hachée, ce qui serait en totale contradiction avec l'esprit du législateur, et viderait le dispositif de son contenu : seuls 10 % des bénéficiaires potentiels seraient alors concernés.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé hier à l'Assemblée nationale que le décret appliquerait strictement la loi, mais n'avez pas nié qu'il restreindrait le dispositif. Vous engagez-vous à ne pas limiter l'avantage retraite accordé par la loi du 14 avril aux seuls sapeurs-pompiers volontaires ne bénéficiant pas de l'ensemble des trimestres de cotisation retraite sur leur carrière ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDSE)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Le décret en discussion au Conseil d'État vise à appliquer les nombreuses mesures adoptées dans la loi Matras puis dans la loi de réforme des retraites en faveur des sapeurs-pompiers volontaires, mesures que vous avez soutenues.

Je suis très favorable à l'attribution de trimestres supplémentaires pour reconnaître l'engagement de nos sapeurs-pompiers volontaires.

Ce décret n'est toujours pas publié. La direction de la sécurité sociale, sous l'autorité du ministre des comptes publics et du ministre des solidarités, en discute. L'arbitrage de la Première ministre est clair : l'esprit de la loi sera respecté. (Mme la Première ministre fait signe que c'est évident.)

J'ai répondu à ce sujet à M. Bosland, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, et crois l'avoir rassuré. Une fois le texte sorti du Conseil d'État, nous en discuterons avec la Fédération, sous l'autorité de la Première ministre.

Des trimestres supplémentaires seront bien accordés pour les sapeurs-pompiers volontaires qui donnent leur temps, parfois leur vie, et qui font honneur à l'uniforme et à la République. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Pascal Martin.  - La doctrine opérationnelle française repose sur la complémentarité entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Il manque 50 000 sapeurs-pompiers volontaires, conséquence d'une crise des vocations.

Leur attente est légitime. Ils comptent sur vous pour que ce texte soit publié dans les meilleurs délais, dans l'esprit de la loi votée au Sénat il y a quelques mois. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDSE)

Projet de loi Immigration (IV)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Vous avez essuyé, lundi, un échec cuisant, politique mais surtout moral. C'est l'échec d'une stratégie folle : mêler quelques miettes d'humanité aux obsessions rances, xénophobes et racistes de ceux qui font commerce électoral de la haine de l'étranger... (Applaudissements sur les travées du GEST ; huées sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson.  - Rien que ça !

Mme Mélanie Vogel.  - Depuis lundi, vous pleurnichez en dénonçant le résultat d'une alliance « contre-nature ». Mais c'est vous qui avez imaginé, dans un total confusionnisme, un équilibre entre la haine et les valeurs de la République ! (Applaudissements sur quelques travées du GEST ; les huées redoublent sur les travées du groupe Les Républicains.) Cet équilibre entre la raison et le mensonge n'existe pas. Il faut choisir ! Ferez-vous alliance avec la droite extrême et l'extrême droite, comme ici ? (Les huées se poursuivent sur les travées du groupe Les Républicains.) Allez-vous vous compromettre avec celles et ceux qui abîment la République et finiront par la précipiter dans le gouffre ?

Préférez l'inconfort d'un instant au déshonneur éternel : retirez ce texte ! Acceptez de construire avec celles et ceux qui portent encore les valeurs de la République (marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) un texte digne, rationnel, humaniste, qui traite l'immigration non comme une menace, mais comme un phénomène humain. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également ; huées à droite.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Vous êtes bien mal placée pour donner des leçons de morale, madame la sénatrice, quand votre groupe à l'Assemblée nationale dépose une motion de rejet votée par le Rassemblement national, avec tant de clins d'oeil qu'ils ont été perçus dans toutes les circonscriptions Nupes de France. (On s'en défend sur les travées du GEST.)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - La Nupes a rejeté non pas le texte, mais le débat à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI et du groupe UC ; M. Bruno Sido applaudit également.) Vous saviez pertinemment que seul demeurerait le texte du Sénat.

Vous avez poussé le cynisme jusqu'à rejeter, par principe, le fait que des mineurs ne puissent plus être en centre de rétention administrative - ce que la gauche n'a jamais fait en soixante ans, et que fera le Président de la République. (M. Martin Lévrier applaudit ; protestations sur les travées du GEST.)

Les 150 députés de la Nupes se privent d'enrichir le texte, comme nous l'avons fait ici où des amendements de tous les groupes ont été retenus. (Protestations à gauche) Ils ont préféré refuser le débat et voter avec Mme Le Pen, dans une alliance contre-nature. (Vives protestations sur les travées du GEST)

Mme Mélanie Vogel.  - Arrêtez !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous pouvez crier, madame : c'est la vérité. Vous vous êtes alliée avec Mme Le Pen - les deux partis populistes contre les partis de gouvernement. C'est honteux ! (Protestations à gauche)

Catastrophe naturelle dans les Deux-Sèvres

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur Kanner, les convictions de notre groupe sont intactes : d'où le retrait de notre proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Patrick Kanner ironise.)

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Évidemment !

M. Philippe Mouiller.  - Le 16 juin dernier, un séisme de magnitude 5,8 a frappé le sud des Deux-Sèvres, le nord de la Charente-Maritime et le sud de la Vendée. Trois jours plus, Christophe Béchu est venu annoncer aux habitants le déclenchement accéléré de la procédure de catastrophe naturelle.

Six mois et trois commissions interministérielles plus tard, seulement 22 communes sur les 400 concernées ont été reconnues en état de catastrophe naturelle. Pire, huit communes proches de l'épicentre restent sans nouvelle de l'État. Le bureau central de sismologie français n'est toujours pas encore passé partout.

En ce début d'hiver, que pouvons-nous dire aux élus locaux - y compris ceux qui ont subi des inondations ou le retrait-gonflement des argiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Devant les maisons fissurées, j'ai dit aux maires éprouvés que le Gouvernement mettrait tout en oeuvre pour que l'état de catastrophe naturelle soit reconnu.

En matière de séisme, deux critères cumulatifs doivent être réunis, dont le dépassement du niveau 5 sur l'échelle de Richter - c'est le cas à l'épicentre, mais pas sur certaines communes. Le bureau central examine les situations au cas par cas. Une trentaine de communes ont déjà été reconnues en état de catastrophe naturelle.

Notre régime d'indemnisation des catastrophes naturelles est à bout de souffle : nous allons donc vous proposer de le modifier. Le maire doit rédiger la demande, alors que la mairie est parfois touchée... Des vents violents sont une catastrophe en outre-mer, mais pas en Bretagne. Dans le cadre du prochain plan national d'adaptation au changement climatique, nous tirerons les leçons de ce qui s'est passé, notamment dans votre département. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI et du RDSE)

M. Philippe Mouiller.  - J'entends votre réponse très technique. Allez expliquer tout cela à ceux qui vivent dans des maisons fissurées ! Il y a un décalage entre le discours du jour J et la réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nicole Bonnefoy applaudit également.)

Crise sociale à Wallis-et-Futuna

M. Mikaele Kulimoetoke .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je déplore que la collectivité française de Wallis-et-Futuna demeure inscrite sur la liste des pays les moins avancés de l'OCDE. Elle ne bénéficie pas de l'aide publique au développement. Sur place, la vie est chère et les crises sociales se multiplient : le blocage récent de la seule banque en atteste.

La collectivité est compétente pour élaborer une politique sociale, que le Gouvernement nous propose de financer par une fiscalité directe.

Mais, sur 12 000 habitants, seuls 2 300 sont salariés ou fonctionnaires. Le reste de la population survit : il n'y a pas d'allocation chômage et le seuil de pauvreté est de 522 euros par mois.

Le contrat social n'aide que les personnes âgées ou handicapées et celles dont le revenu est inférieur au Smic - 784 euros.

Depuis le début de l'année, je demande la création d'un RSA à Wallis-et-Futuna. J'ai déposé un amendement au PLF en ce sens, adopté à l'unanimité par notre assemblée. Nous ne sommes pas non plus éligibles au pacte des solidarités.

Je sollicite donc le Gouvernement pour doter notre contrat social de 5 millions d'euros supplémentaires, afin de financer un RSA. Comment le Gouvernement compte-t-il répondre à cette demande légitime ? (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du GEST et du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Monsieur le sénateur, je connais votre engagement contre la pauvreté dans ces deux territoires magnifiques de notre République. Le député Mikaele Seo a déposé un amendement qui va dans le même sens que le vôtre : 900 000 euros pour le contrat social - nous allons lever le gage.

Vous souhaitez accompagner les personnes âgées, handicapées et pauvres grâce à un RSA ou un contrat social plus large. Nous y sommes favorables, mais il faut d'abord une délibération de l'assemblée territoriale et un abondement à hauteur de 25 % des crédits nécessaires, l'État n'étant pas compétent. Nous allons y travailler rapidement.

Je me rendrai dans le Pacifique en début d'année pour négocier le contrat social que vous appelez de vos voeux. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Groupe Casino (I)

M. Pierre Jean Rochette .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Les Verts de Saint-Étienne ont fait la fierté de la France entière dans les années soixante-dix. (Plusieurs sénateurs relèvent la cravate verte de l'orateur.) C'était la couleur des magasins Casino fondés en 1898 par Geoffroy Guichard.

Aujourd'hui, le peuple vert est inquiet pour l'avenir de cette entreprise ligérienne, dont le siège social a toujours été à Saint-Étienne.

La marque Casino, première marque distributeur, fondée en 1901, fait partie du patrimoine français. La situation financière du groupe préoccupe tous les employés. La vente des supermarchés et hypermarchés est en cours de discussion. Dans la Loire, le malaise est palpable : les salariés des magasins et de la logistique craignent d'être les perdants de l'opération ; on craint aussi des suppressions de postes parmi les 1 800 salariés du siège social stéphanois.

Le groupe ne risque-t-il pas d'être fragilisé par la cession de nombreux magasins et entrepôts ? Le siège social sera-t-il maintenu à Saint-Étienne ? Sur les 22 000 emplois en France, 6 000 seraient menacés. L'effondrement de ce groupe emblématique serait un coup dur pour la Loire et toute la France.

Tous les Ligériens sont dans une démarche bienveillante à l'égard du groupe Kretinsky. Comment l'accompagnez-vous pour sauver cette entreprise, maintenir le siège à Saint-Étienne et préserver un maximum d'emplois ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (Exclamations ironiques et « Bienvenue au Sénat ! » sur de nombreuses travées) Les salariés du groupe Casino n'ont pas à payer pour les erreurs stratégiques commises depuis plusieurs années par la direction du groupe - mauvais positionnement, prix plus élevés. Au dernier trimestre, il a perdu un demi-milliard d'euros de plus ! C'est intenable.

J'ai reçu l'intersyndicale ce matin : je suis aux côtés des salariés pour défendre leurs intérêts et garantir le respect de l'ordre public économique. Pour éviter la cessation de paiement, nous avons placé les charges fiscales et sociales - 300 millions d'euros - dans une fiducie, qui devra être reprise par le repreneur.

Nous avons aussi aidé à trouver le repreneur capable de mettre 1 milliard d'euros sur la table.

Il faut enfin assurer l'avenir du groupe. Je suis en contact avec le repreneur, Daniel Kretinsky, et les autres distributeurs qui voudraient reprendre une partie des activités. Je serai attentif à l'emploi dans les magasins repris, mais aussi dans les treize centres logistiques. Enfin, nous veillerons au maintien du siège de Saint-Étienne et de ses 1 800 emplois.

Groupe Casino (II)

M. Hervé Reynaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voyez combien cette situation préoccupe les élus et habitants du territoire -  cela transcende les clivages politiques.

M. Emmanuel Capus.  - Mais oui !

M. Hervé Reynaud.  - Il y va de la souveraineté économique de notre pays. Le groupe est installé à Saint-Étienne depuis 125 ans. Nous assistons à un crash économique en direct : une stratégie inadaptée a siphonné les comptes du groupe, avec une dette abyssale de près de 12 milliards d'euros. Comment un PDG a-t-il pu jongler avec les finances du groupe tout en étant l'actionnaire principal ?

Une voix à gauche.  - C'est un libéral !

M. Hervé Reynaud.  - Le démantèlement a commencé avec des ventes à la découpe : Go Sport, Leader Price, et demain peut-être Monoprix, Franprix, Vival, Naturalia, Cdiscount... Quelque 300 hyper et supermarchés sont sur la sellette.

L'intersyndicale est très inquiète, pour les entrepôts logistiques aussi. Elle compte sur le soutien du Président de la République. Qu'en est-il ? Nous sommes proches d'une casse sociale sans précédent : 50 000 emplois en France, 4 000 dans la Loire, sont menacés.

Depuis juillet, les choses ont évolué défavorablement. Le plan initial n'est pas respecté. Le siège et les emplois de Saint-Étienne seront-ils maintenus ? Nous ne voulons pas vivre le traumatisme d'un nouveau Manufrance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes CRCE-K et UC)

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je n'ai qu'une priorité : le maintien de l'emploi à Saint-Étienne et ailleurs. Il y a eu des erreurs de positionnement stratégique de la direction, avec des prix élevés alors que d'autres pratiquaient des prix bas. Le groupe est allé droit dans le mur. Pas moins de 50 000 emplois ont effectivement été menacés. Nous avons garanti la reprise, et pris à notre charge les dettes fiscales et sociales. Nous accompagnons désormais la reprise par d'autres groupes, ce qui devrait permettre de relancer l'activité des hyper et supermarchés, et aussi des petits magasins de centre-ville.

Je me suis engagé à maintenir le siège à Saint-Étienne. Mais sur les 1 800 personnes, 1 200 travaillent sur les hyper et supermarchés ; 200 ont déjà été cédés à Intermarché, d'autres le seront dans les prochains mois. Je veillerai à ce que cet engagement soit tenu.

Laïcité (I)

M. Alexandre Ouizille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 6 décembre, il a été porté atteinte, à l'Élysée, au principe de séparation des Églises et de l'État. Un ministre du culte, le grand rabbin de France, a allumé la première bougie de Hanoukka en présence du chef de l'État.

M. Loïc Hervé.  - C'était très beau !

M. Alexandre Ouizille.  - Ceci est radicalement contraire à la Constitution et aux principes fondateurs qui nous lient, dont le Président de la République est pourtant le garant ! (M. Loïc Hervé le conteste.)

Dans l'Oise, nous avons rendu hommage à Ferdinand Buisson il y a quelques jours. La religion libre dans l'État libre, telle est la règle autour de laquelle nous nous retrouvons. Comment le Président de la République a-t-il pu commettre un tel impair ? Comment la Première ministre peut-elle prétendre, depuis Mayotte, qu'il s'agit seulement d'un moyen de lutter contre l'antisémitisme ?

M. Loïc Hervé.  - Vous mélangez tout !

M. Alexandre Ouizille.  - Pouvez-vous nous confirmer qu'il n'y aura pas de messe de Noël à Matignon ni de rupture du jeûne à Beauvau au printemps ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

S'agissait-il bien d'un accident et non d'un précédent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je suis fier que le Président de la République ait reçu des mains de rabbins du monde entier le prix de la lutte contre l'antisémitisme, au nom de l'engagement de la France. Je m'étonne que cet événement constitue pour vous un problème d'actualité... (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

M. Hussein Bourgi.  - Et la laïcité ?

Plusieurs voix à gauche.  - Ce n'est pas la question !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Près de 1 800 actes antisémites ont été recensés depuis le 1er janvier 2023.

Votre provocation (M. Alexandre Ouizille s'en offusque) qui consiste à évoquer des messes à Matignon ou je ne sais quelle cérémonie religieuse dans n'importe quel édifice public montre que vous n'avez pas pris la hauteur requise par la situation vécue par nos compatriotes juifs, que la République protège.

M. Hussein Bourgi.  - Il ne fallait pas faire cela à l'Élysée ! C'est une faute !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous évoquez Buisson : à chacun sa gauche. Permettez-moi de citer Jaurès, évoquant la loi de 1905 : « la loi laisse sa liberté à tous les cultes. La liberté de conscience sera garantie et complète partout et absolue. La loi est libérale, juste et sage. ». C'est dommage que le parti socialiste s'éloigne encore plus de Jaurès ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; huées sur les travées du groupe SER)

M. Alexandre Ouizille.  - Nous ne sommes éloignés de personne ! C'est un principe fondateur de la République que vous ne respectez pas. Vous tombez de marche en marche tous les jours. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Laïcité (II)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Jeudi dernier, une cérémonie marquant le début de la fête juive de Hanoukka s'est tenue à l'Élysée. (Murmures au centre) Le Président de la République y avait convié le grand rabbin de France. La simple prudence et son rôle de protecteur de la laïcité auraient dû l'en dissuader. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE-K)

Monsieur le ministre, partagez-vous l'analyse selon laquelle le Président de la République a commis une erreur ? Comment combattre à l'avenir une telle atteinte à la laïcité ? (Applaudissements et plusieurs « Bravo ! » sur les travées des groupes Les Républicains, SER, du GEST et du groupe CRCE-K)

M. Fabien Gay.  - Vive Jaurès !

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Monsieur le sénateur...

M. Mickaël Vallet et Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Vous allez citer Karl Marx ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je m'étonne qu'un groupe gaulliste pose une telle question, sachant que de Gaulle assistait à des messes à l'Élysée... (Rires moqueurs à gauche ; protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains) Cela minait-il notre pacte républicain ?

Nous luttons collectivement contre les atteintes subies par nos compatriotes juifs. Quand le grand rabbin rapporte une bougie d'Auschwitz, est-ce une atteinte à la laïcité ? Non.

Plusieurs voix à gauche.  - Ce n'est pas le sujet.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Les atteintes viennent de l'islam radical ou des associations communautaristes.

N'inventez pas de polémiques inutiles : il n'y a pas eu de cérémonie religieuse à l'Élysée. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Exactement !

M. François Bonhomme.  - Quand on convoque Jaurès et de Gaulle, il faut avoir l'esprit clair. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées dGEST et du groupe CRCE-K) Si de Gaulle avait installé une chapelle à l'Élysée, c'était pour célébrer des messes privées.

M. Gérald Darmanin, ministre et M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Justement !

M. François Bonhomme.  - La récente célébration n'avait pas sa place à l'Élysée : c'est une bévue. Une confusion mentale. C'est un prétexte fâcheux pour que d'autres communautés s'y engouffrent. Un nouvel antisémitisme en profitera pour prétendre que la communauté juive aurait été privilégiée. C'est une politique de Gribouille, où l'on se jette à l'eau pour éviter d'être mouillé.

Journée de la laïcité, dépliant de la laïcité, référent laïcité, pourquoi pas un numéro vert ? Il faudrait transmettre ces outils de communication au Président de la République pour qu'il se reprenne...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - On est parti loin...

(Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées dGEST et du groupe Les Républicains ; Mme Sonia de La Provô applaudit également ; M. Emmanuel Capus abaisse son pouce.)

Intempéries dans les Hautes-Alpes

M. Jean-Michel Arnaud .  - Depuis plusieurs semaines, de fortes intempéries touchent notre pays. Dans mon département, les Hautes-Alpes, 47 communes ont demandé le classement en catastrophe naturelle. Le dossier a-t-il avancé ?

Aucun reste à charge ne devrait affecter ces communes : qu'en est-il ?

Le ministre Béchu a annoncé un décret pour faciliter le curage des réseaux d'eau et de canaux. Où en est-on ? C'est une attente importante de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Duplomb applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Je salue l'engagement de nos services de secours, des services de l'État et des entreprises venues mettre le torrent dans le lit de la rivière.

Les dossiers des communes ont obtenu un avis favorable de la commission interministérielle. Le préfet a annoncé de la souplesse quant aux délais de dépôt.

Il convient d'aider ces communes. Je salue le président de votre département et le président de la région Sud, qui seront aux côtés des communes sinistrées. Nous sommes mobilisés et des points d'étape sont prévus. J'ai déjà échangé avec les maires.

Christophe Béchu a transmis au Conseil d'État un projet de décret pour simplifier et faciliter le curage des cours d'eau. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Il devrait paraître en début d'année.

Nous travaillons sur l'assurabilité des collectivités territoriales. Nous avons mandaté une mission sur ce sujet, qui travaillera avec les représentants des élus, les assureurs et les élus locaux... (M. François Patriat et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Merci d'avoir souligné l'engagement des collectivités, des élus et des citoyens. Le coût des travaux est de 15 millions d'euros, dont 12 millions à la charge du département. J'espère qu'il n'y aura pas d'autofinancement par les collectivités territoriales. (Mme Dominique Faure le confirme.)

La gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) suppose d'intervenir préventivement pour éviter des catastrophes demain. Sortons du dogme de non-intervention en amont, au nom de la préservation de la biodiversité : en cas de catastrophe, tout part à la mer... (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains)

Installation des COP régionales

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un nouvel acronyme aux relents cosmétiques s'impose en France, en dehors de tout contrôle parlementaire : les COP régionales. Chaque jour, une nouvelle COP est installée : un haut fonctionnaire décide seul à Paris et les collectivités territoriales se débrouillent sans moyens supplémentaires.

Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) ne rend de comptes à personne. Cette façon de faire n'est ni coopérative ni transparente, sachant que les régions sont engagées depuis longtemps dans la transition écologique. Quelque 150 actions types et 160 questions : les régions sont contraintes de transcrire les décisions de l'État dans des stratégies nationales sous l'étroite surveillance des préfets, sans associer les élus. C'est un contrôle de conformité qui nous ramène à la tutelle d'avant 1982...

Tous les cinq ans, le Gouvernement doit présenter une loi de programmation énergétique, qui sert de base à la déclinaison territoriale - nous l'attendons toujours... Comment pouvez-vous accepter la territorialisation du zéro artificialisation nette (ZAN) et, en même temps, être le ministre de la planification écologique imposée aux régions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je dois confesser un défaut... (On ironise sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Didier Marie.  - On ne se confesse pas ici, c'est la République !

M. Christophe Béchu, ministre.  - J'ai passé six ans au Sénat. Non seulement cette chambre est précieuse pour la République, mais le travail que vous menez avec les élus locaux est une condition pour réussir à réformer le pays.

La circulaire sur les COP territoriales a été publiée le 29 septembre dernier. Il y est écrit noir sur blanc que les parlementaires sont systématiquement invités aux réunions. Vous avez été vous-même invité récemment à la COP de votre région, à laquelle vous n'avez pas pu vous rendre...

M. Stéphane Piednoir.  - Pour quoi faire ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - On y fait très exactement l'inverse de ce que vous affirmez. (Mme Pascale Gruny ironise.)

Nous devons baisser nos émissions. Pour tenir cette ambition, une méthode : la planification ; et un choix : la confiance aux territoires.

Il faut d'abord établir des diagnostics, comme nous l'avons fait ce matin à Dijon. Dans les six mois à venir, département par département, nous recenserons les actions mises en oeuvre et ferons des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) des contrats de réussite écologique dans le cadre du fonds vert. (M. François Patriat applaudit.)

M. Rachid Temal.  - Et donc ?

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Dont acte, monsieur le ministre. Mais pourquoi une telle impression de Gosplan ? Tenez compte des actions de décarbonation déjà engagées par les collectivités ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Situation de la filière viti-vinicole

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Un grand nombre de vignerons sont en détresse, notamment sur mon territoire. Le 25 novembre dernier, à Narbonne, 6 000 d'entre eux ont manifesté dans le calme pour demander un accompagnement massif de l'État, seul moyen de sortir de la crise.

Nous demandons un plan Marshall pour la viticulture, à deux étages : pour sauver les exploitations, des aides d'urgence justement calibrées, rapidement débloquées et qui ne laissent de côté aucun viticulteur, ainsi qu'une année blanche ; pour garantir l'avenir de la filière, un plan qui assure à une génération une sortie digne après une vie de travail et encourage l'installation des jeunes viticulteurs.

Il faudra recourir à de l'arrachage, temporaire mais aussi social, qui doit être correctement indemnisé. Sécuriser les nouvelles générations suppose aussi d'adapter les pratiques au défi climatique - cépages, accès à l'eau, assurance récolte. Sur ce dernier point, nous attendons toujours que le Gouvernement engage les discussions pour une sortie de la référence olympique.

Sur les deux étages d'aide dont j'ai parlé, pouvez-vous rassurer les hommes et les femmes dont le savoir-faire fait la fierté de nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur de nombreuses travées du RDSE)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Hélas, je ne suis pas ministre de l'agriculture... (On ironise sur plusieurs travées.) Mais je partage votre passion pour le bon vin et le patrimoine culturel viticole.

Nous ne méconnaissons pas les difficultés rencontrées par la profession. Je pense au mildiou, en particulier. Dans certaines régions, les viticulteurs arrachent des cépages traditionnels pour planter des cépages italiens, espagnols ou portugais, ce qui a des conséquences culturelles fortes dans ce milieu où l'on aime la terre et son pays - et le faire savoir.

Comme Marc Fesneau vous l'a dit, il n'est pas aujourd'hui possible de mettre en place le fonds que vous souhaitez pour les viticulteurs du Sud-Ouest. Néanmoins, le fonds d'urgence de 20 millions d'euros inscrit dans le projet de loi de finances sera déployé pour accompagner les viticulteurs les plus en difficulté, notamment dans le Sud-Ouest. Nous continuons à expertiser des soutiens complémentaires.

L'engagement du Gouvernement pour la viticulture n'a pas fait défaut : 572 millions d'euros de soutiens après le gel de 2021, 17 millions après celui de 2022 et, la même année, 26 millions après la grêle.

M. le président. - Il faut conclure.

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Cette année, 200 millions d'euros d'aides exceptionnelles ont été débloqués. Enfin, une réflexion sera menée en vue d'un prêt bonifié. (MMFrançois Patriat et Ludovic Haye applaudissent.)

Publicités de l'Ademe pour une consommation sobre

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France voit ses petits commerces mourir à petit feu : pas un jour sans que nous soyons sollicités par des commerçants à bout de souffle, qui envisagent de baisser le rideau.

En quelques années, ils ont subi la crise sanitaire, l'explosion des prix de l'énergie, les taxes comme la cotisation foncière des entreprises (CFE), la baisse du pouvoir d'achat des Français et la concurrence du commerce en ligne. Nombre d'entre eux doivent encore rembourser leur prêt garanti par l'État, en plus des échéances de l'Urssaf.

Comme si cela ne suffisait pas, vous avez encouragé, à la veille de Noël, une publicité de l'Ademe mettant en valeur des « dévendeurs » pour inciter à la « déconsommation »... C'est une nouvelle gifle pour nos 700 000 commerces de proximité, qui font vivre près de trois millions de Français et jouent un rôle essentiel pour nos territoires.

Alors que les élus locaux ne cessent de vous alerter et vous ont remis à plusieurs reprises des propositions concrètes, vous ne semblez pas avoir pris la mesure de la situation. Les mesures cosmétiques ne suffisent plus : comment comptez-vous soutenir vraiment nos commerces de proximité, écrasés par la conjoncture ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Chaque jour, nous sommes soumis à 20 000 spots publicitaires. Je confesse et j'assume que, non pas avant Noël mais lors des dix jours précédant le Black Friday, 53 spots quotidiens aient posé la question de notre consommation, en suggérant de privilégier parfois la réparation, le reconditionnement, le recyclage ou la location.

Un de ces spots a suscité l'émotion, sur le registre : vous vous trompez, pas forcément de message, mais de cible, en montrant un commerce physique. Or le principal problème, ce sont les plateformes. En moyenne, nous achetons 30 % de vêtements en plus qu'il y a dix ans, mais les enseignes physiques ferment... Il s'agit de savoir quels vêtements nous achetons, où et de quelle qualité.

Là était la maladresse de ce spot : cibler un commerce physique. J'ai reçu la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), le Medef et vingt fédérations professionnelles : tous se sont déclarés satisfaits de la future campagne de soutien au made in France, à la production locale, à la qualité et au réparable.

Nous devons à la fois soutenir les commerces et veiller aux ressources de la planète. (Applaudissements sur des travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Nicole Bonnefoy et M. Thierry Cozic applaudissent également.)

M. Franck Montaugé.  - Très bien !

Mme Pascale Gruny.  - Pour ce qui est du spot « dévendeurs », les dégâts sont faits...

Les commerces de proximité auraient besoin, notamment, d'un manager de ville. (Mme Françoise Gatel acquiesce.) Aidez les communes à financer de tels postes. Réfléchissez aussi à baisser la TVA pour éviter les concurrences déloyales.

Je vous invite à Saint-Quentin dimanche pour faire vos courses avec moi : les commerçants vous diront ce qu'ils me disent tous les week-ends, qu'ils n'en peuvent plus des taxes. Nous voulons des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Eau et assainissement

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement des communes aux intercommunalités, prévu au 1er janvier 2020 par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), a été reporté au 1er janvier 2026. Et pour cause : il suscite de vives inquiétudes parmi les élus locaux.

Le Sénat n'a eu de cesse de se mobiliser sur le sujet. Dernièrement, notre collègue Jean-Yves Roux a fait adopter par notre assemblée une proposition de loi consacrant une approche différenciée de la gestion de cette compétence. Ce texte n'a, pour heure, pas prospéré.

Le 30 mars dernier, en déplacement dans les Hautes-Alpes, le Président de la République a ouvert la voie à une évolution notable. Où en sommes-nous, et peut-on envisager que cette compétence ne soit pas systématiquement transférée ? Un traitement adapté aux réalités territoriales est-il concevable ? Allez-vous laisser les communes s'organiser elles-mêmes, selon une logique de bassins versants ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - J'ai été invité à faire mon marché à Saint-Quentin et à retourner auprès des élus locaux dans les Deux-Sèvres : je suis déçu que vous ne m'ayez pas proposé de venir aussi à Stainville... (Sourires)

La proposition de loi de M. Roux n'a, pour le moment, pas trouvé de relais à l'Assemblée nationale. Plus exactement, elle a été inscrite dans le cadre d'une niche de groupe, mais à la suite d'un autre texte, sur l'abrogation de la réforme des retraites, qui a tellement occupé les députés que le texte de votre collègue n'a pas été examiné...

Il prévoit notamment que les départements pourront à nouveau sécuriser les travaux des communes.

M. Jean-François Husson.  - Bonne nouvelle !

M. Christophe Béchu, ministre.  - La Première ministre a rappelé au président Sauvadet que nous soutenions cette évolution.

À Savines-le-Lac, le Président de la République a dit qu'un jardin à la française n'était sans doute pas le meilleur moyen de gérer la compétence eau.

Mme Françoise Gatel.  - Excellent !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Nous devons tenir compte de deux impératifs, comme l'a souligné Dominique Faure, à qui je rends hommage pour son investissement sur ce sujet.

D'abord, nous ne pouvons pas conserver un système de communes isolées. (Murmures désapprobateurs à droite et au centre) Quand on considère les communes en rupture d'eau et les taux de fuite, on s'aperçoit que c'est une fausse bonne idée.

M. Fabien Genet.  - C'est faux !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Ensuite, il faut trouver une souplesse pour autoriser un système de syndicat ou de coopération. (Mme Françoise Gatel s'en réjouit.)

M. Mathieu Darnaud.  - On vous le demande depuis deux ans !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Nous trouverons l'année prochaine la manière de faire aboutir la proposition de loi de M. Roux.

M. Franck Menonville.  - Le Gouvernement peut l'inscrire lui-même à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous avons suffisamment de réformes à mener et de dysfonctionnements à résoudre dans les politiques publiques pour ne pas désorganiser ce qui est organisé dans les territoires. Ménageons de la souplesse et autorisons une délégation directe des communes à la structure de leur choix. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Jean-Yves Roux et Michel Masset applaudissent également.)

La séance est suspendue à 16 h 15.

Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 35.