SÉANCE

du jeudi 18 janvier 2024

53e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

Secrétaires : Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Redevances des agences de l'eau

Mme Marion Canalès .  - Dans un contexte de réchauffement climatique et de stress hydrique, il faut penser global et agir local. Ainsi, une réforme des redevances des agences de l'eau avait été annoncée aux assises de l'eau de 2019, mais elle s'est fait attendre jusqu'au projet de loi de finances pour 2024.

Il s'agissait tout d'abord de 10 millions d'euros supplémentaires pour le prélèvement de l'eau pour les agriculteurs irriguants. Il faut tendre vers un système plus sobre, résilient et concerté.

L'autre mesure était la hausse de 20 % de la redevance pour pollutions diffuses (RPD), dans le cadre du plan Écophyto réduisant de moitié l'usage des pesticides. Cela n'a pas été à la hauteur, alors qu'il vaut mieux prévenir que traiter l'eau a posteriori.

Ainsi, le plan Eau représente 47 millions d'euros de moins, alors qu'il doit doter les agences de l'eau de 475 millions supplémentaires chaque année, hausse nécessaire vu les enjeux et coûts pour les collectivités.

Comment ces engagements financiers seront-ils tenus ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La loi de finances pour 2024 comporte des évolutions significatives pour inciter à la sobriété des usages de l'eau et la performance de l'assainissement.

Les redevances donneront plus de latitude aux agences de l'eau et les inciteront financièrement à une performance accrue. Tous les usagers, éleveurs exceptés, sont concernés. Les plafonds sont relevés pour les différentes catégories d'usage et un taux plancher est introduit en métropole, à l'instar des outre-mer.

Les rendements augmenteront de 120 millions d'euros dont 100 millions au titre du nucléaire et 20 millions pour l'industrie.

La redevance sera majorée en cas de défaut de comptage.

Les taux de RPD sont inchangés pour 2024, mais la hausse pluriannuelle est actée à compter de 2025. Il faudra bien 475 millions d'euros de plus par an.

Téléphérique La Grave-La Meije

M. Jean-Michel Arnaud .  - Le téléski qui permet de se rendre au sommet du glacier de la Girose fonctionne au fioul, un petit tracteur remontant les skieurs jusqu'à l'actuelle remontée mécanique, qui sera démontée. Le futur aménagement sera plus respectueux de l'environnement, en préservant le glacier avec un pylône unique tout en sauvegardant trente emplois.

Le déroulement du projet est classique : étude d'impact, dépôt de dossier, purge des délais de recours, consultations par Jean-Pierre Pic, le maire de La Grave, que je salue. Or des mouvements radicaux ont monté une ZAD. Le 7 décembre, le ministre, interpellé par le président du groupe GEST du Sénat, élu d'un département voisin, a annoncé une mission locale d'appui en vue d'interroger le modèle touristique dans une perspective durable.

Quels sont les objectifs de cette mission ? L'écologie à la française, appelée de ses voeux par le Président de la République, doit s'appliquer sur ce projet.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La commune a autorisé le projet, délivrant le permis de construire en avril dernier. Les glaciers, 10 % des terres émergées, ont un rôle structurant pour la décarbonation et le cycle de l'eau, mais le réchauffement climatique les menace.

Le Président de la République, lors du One Planet Polar Summit de novembre, a insisté sur la protection de la cryosphère. Ainsi, 60 % des glaciers de l'Hexagone et tous les glaciers ultramarins sont en protection forte - nous visons 100 %.

Chacun doit s'approprier ces espaces à haute valeur ajoutée en biodiversité. Dans ce contexte, le 7 décembre, le Gouvernement a annoncé une mission d'appui qui posera, clairement, les perspectives et les limites de fréquentation du glacier, ainsi que les leviers pour le protéger durablement. Les parlementaires y seront étroitement associés.

M. Jean-Michel Arnaud.  - J'en déduis que le projet pourra être mis en oeuvre. Cela me convient : il a pour objet même de réduire l'impact de l'existant sur le glacier.

Projet routier du pont d'Achères

Mme Ghislaine Senée .  - Lundi prochain, nous serons plusieurs parlementaires à assister au lancement de la COP régionale d'Île-de-France.

Dans ce contexte, le projet routier de pont d'Achères, appelé « A104 bis », porté par le département des Yvelines, avance à grand bruit. Les défrichements se font, malgré la dénonciation unanime des nuisances par les associations et populations locales. Ce projet vieux de 40 ans, issu d'une vision obsolète de l'aménagement du territoire, augmenterait le trafic de 114 % dans une boucle enclavée de la Seine, entraînant nuisances et problèmes de santé, mais pour quels bénéfices ?

Que fera le Gouvernement face à ce projet incompréhensible, car contradictoire avec les objectifs du tournant écologique de la France ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La planification écologique, qui sera évoquée lundi - je ne pourrai, hélas, y participer, car je serai à l'Assemblée nationale - a pour objet de massifier les transports en commun et le ferroviaire. Les contrats de plan État-région (CPER) prévoient 80 % de crédits en moins pour la route et 40 % de plus pour le rail par rapport aux années 2000. Cela n'implique cependant pas de mettre fin à tous les projets.

Celui que vous évoquez a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique il y a dix ans, prorogée en 2017. Il n'est pas porté par l'État, mais par le département des Yvelines. Le tribunal administratif de Versailles a rejeté les demandes des associations, car les opérations de défrichement sont déjà réalisées et l'arrêté préfectoral ne porte pas atteinte aux espèces protégées, notamment l'oedicnème criard, qui ne niche pas sur le site.

Difficultés des communes à s'assurer

M. Mathieu Darnaud .  - Notre société dépend de la vitalité des communes, mais plus personne ne veut les assurer ! Ainsi, les collectivités touchées par des sinistres naturels ou les émeutes de juin se voient opposer des « circonstances nouvelles » par les assureurs, d'où des hausses des primes et des franchises, ainsi que des refus d'assurer, certains appels d'offres sont infructueux.

La hausse des épisodes climatiques violents accroît les risques sur les communes, notamment rurales. Il y a urgence. En Ardèche, la commune de Guilherand-Granges, où je suis élu, y est confrontée sans même avoir subi de phénomène particulier.

Une mission est en cours. Que le fera le Gouvernement à ce sujet ?

M. Jean-Michel Arnaud.  - Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La question n'est pas nouvelle, mais son acuité augmente à mesure que de nouveaux risques apparaissent ou s'accentuent, comme le cyber et les dérèglements climatiques.

L'écosystème de l'assurance des collectivités s'appuie sur deux acteurs, qui peinent eux-mêmes à se réassurer. Nous sommes déterminés à accompagner les élus, levier essentiel des politiques publiques auprès de nos concitoyens. Ainsi, nous avons étendu la compétence du médiateur des assurances aux collectivités.

Ensuite, un groupe de travail avec les assureurs suit le rythme des dédommagements et a permis une baisse de 20 % des résiliations sèches. En outre, Alain Chrétien, ancien maire de Vesoul, et Jean-Yves Dagès, ancien président de la Fédération nationale Groupama, ont lancé une mission très attendue, pour des propositions concrètes formulées au printemps. Nous pourrons y travailler avec le Sénat.

M. Mathieu Darnaud. - Il y a urgence. Alors que nous venons de rendre un rapport sur l'avenir des maires, ce nouvel écueil ne doit pas devenir une source supplémentaire de démotivation des élus.

Éligibilité des tiny houses aux prêts immobiliers

M. Yves Bleunven .  - Le financement des tiny houses est un enjeu important, à l'heure où nous devons trouver des solutions rapides pour loger nos concitoyens.

Le flux d'accessions à la propriété recule fortement, surtout depuis 2021. Une des solutions consiste à élargir la segmentation du parcours résidentiel. Les tiny houses font partie intégrante de cette nouvelle segmentation, comme l'ensemble de l'habitat léger, mais elles ne peuvent être financées que par des prêts à la consommation, moins intéressants que les crédits immobiliers en termes de durée et de taux.

Pourtant, ces petites maisons présentent de nombreux avantages : coût faible, construction rapide, très bonne performance énergétique. Elles sont une solution de transition pour une large frange de la population, des saisonniers aux jeunes actifs en passant par les étudiants.

L'impossibilité de recourir à un crédit immobilier pour les financer freine beaucoup leur développement. Le Gouvernement est-il prêt à étudier des formes de financement pérennes pour ce type de logements ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Vous mettez en lumière un objet méconnu, alors qu'il représente une offre de logement rapide et modulaire : les tiny houses en bon français et d'après l'article R. 111-51 du code de l'urbanisme, les résidences démontables constituant un habitat permanent de leurs utilisateurs... (Sourires) Ces logements offrent notamment la possibilité d'être autonome vis-à-vis des réseaux publics.

L'article L. 313 du code de la consommation prévoit qu'un crédit immobilier ne peut être accordé pour l'acquisition d'un bien non immobile. Le financement d'une tiny house est possible via un crédit à la consommation, certes moins avantageux pour le taux, mais plus souple, puisque l'usage des fonds n'a pas à être justifié, qu'aucun apport n'est requis et que les mensualités peuvent être modulées.

Le Gouvernement travaillera beaucoup sur le logement cette année, dans un contexte où le pouvoir d'achat immobilier est réduit par la hausse des taux d'intérêt et des prix des matériaux. Les besoins s'accroissant, il est nécessaire d'innover. La question que vous avez soulevée pourrait faire partie des axes d'innovation.

M. Yves Bleunven.  - Une fois réglé ce problème de financement, nous vous solliciterons sur l'autre difficulté de la filière : l'agrément en matière d'urbanisme. Merci pour votre écoute.

Recrutement d'apprentis avant le terme de leur formation

Mme Laure Darcos .  - Des élus et responsables de centre de formation des apprentis (CFA) de l'Essonne m'ont fait part d'une situation préoccupante : certains jeunes en alternance renoncent à suivre leur formation théorique, par manque de motivation ou parce qu'ils rencontrent des difficultés dans l'acquisition des connaissances. Certains, pensant ne pas avoir un niveau scolaire suffisant, baissent rapidement les bras.

Souvent appréciés en entreprise pour leur motivation et leur travail, ils peuvent être incités à quitter l'alternance pour conclure un CDI. Chacun est a priori gagnant : l'entreprise attire une main-d'oeuvre parfois excellente, le jeune perçoit une rémunération. Mais cette situation est finalement pénalisante pour le jeune, qui perd le bénéfice de sa formation et se retrouve sans diplôme, ce qui nuira à son évolution professionnelle.

Les CFA ne disposent d'aucun moyen d'action propre pour influer sur la décision des alternants de céder prématurément à une proposition d'embauche. Comment comptez-vous renforcer l'accompagnement des élèves et la prévention du décrochage ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je connais votre intérêt pour les politiques en direction des jeunes, en particulier votre soutien à l'apprentissage. Nul ne peut nier que, depuis quelques années, la politique de l'apprentissage connaît un succès spectaculaire : nous sommes passés de 300 000 à près de 1 million d'apprentis.

Nous devons être extrêmement attentifs aux signaux qui pourraient entraver cette dynamique vertueuse. Certains jeunes formés dans les métiers en tension rompent, en effet, leur contrat de formation pour signer tout de suite un contrat de travail, avec une rémunération supérieure. À notre connaissance, ce phénomène reste marginal. Néanmoins, à la suite de votre interpellation et d'autres, nous avons demandé à la Dares de l'objectiver. Nous avons besoin de chiffres pour savoir s'il s'accentue et réfléchir au type de filet à mettre éventuellement en place.

Sans attendre, nous avons sécurisé les parcours des plus fragiles avec la Prépa-apprentissage, qui accompagne vers la reconnaissance d'un diplôme protégeant pour plus tard. Permettre aux jeunes peu ou pas qualifiés de renforcer leurs savoirs fondamentaux et de mieux appréhender les codes de l'entreprise, c'est favoriser leur insertion professionnelle.

Mme Laure Darcos.  - Je vous alerte aussi sur le financement des CFA, qui doit être adapté à chaque établissement. Le Gouvernement a reconnu que la méthode de calcul des prises en charge devait évoluer. La Fédération nationale des directeurs de CFA veillera à ce que cette réforme aboutisse à un juste prix pour chaque établissement.

Accueil de Français en situation de handicap dans des structures belges

Mme Jocelyne Guidez .  - Des Français en situation de handicap sont accueillis dans des établissements spécialisés belges. Or, depuis 2006, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) n'a quasiment pas fait évoluer les financements correspondants, alors que le coût de la prise en charge n'a fait qu'augmenter. Les institutions belges sont à l'os.

À la fin de l'année dernière, mince lueur d'espoir, le prix de journée a été augmenté de 4 %. Mais c'est bien loin de couvrir l'augmentation des coûts, d'au moins 15 %. Par ailleurs, la CNSA a régulièrement revalorisé les financements pour les résidents accueillis en France. Résultat : le forfait journalier des Français hébergés en Belgique est inférieur de plus de 20 % au forfait médian des Français hébergés en France.

Quelle est votre position à l'égard de cette discrimination ? Le prix de journée alloué par la CNSA aux personnes accueillies en Belgique sera-t-il aligné sur le niveau médian perçu par les résidents des maisons d'accueil spécialisées (MAS) en France ? Les établissements belges pourraient-ils bénéficier d'un mécanisme de revalorisation annuelle ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Certains départs vers la Belgique sont souhaités, d'autres résultent d'un manque de places en France.

Un décrochage s'est produit, ces dernières années, entre le tarif de la CNSA et les coûts supportés par les MAS. En effet, la récente revalorisation de 4 % ne suffit pas.

En Belgique, l'inflation a été notablement plus forte qu'en France, car moins de mesures de protection ont été prises. La septième commission mixte franco-wallonne a lancé sur ce sujet une évaluation, menée conjointement par l'ARS des Hauts-de-France et l'Agence wallonne pour une vie de qualité. Sur cette base, nous poursuivrons les discussions avec nos amis belges.

Notre priorité est de lutter contre les départs non souhaités, en déployant les 50 000 nouvelles solutions annoncées.

Mme Jocelyne Guidez.  - La contribution à ces centres d'accueil, certes, coûte à la France. Le mieux serait, comme vous l'avez dit, que nous disposions en France des capacités suffisantes. On ne peut laisser les personnes en situation de handicap sans solution.

Avenir des centres sociaux associatifs

M. Stéphane Sautarel .  - Vous le savez, les centres sociaux associatifs sont des structures de proximité importantes pour la cohésion et l'attractivité de nos territoires.

Dans le Cantal, ce sont près de 8 000 usagers, plus de 125 associations et 400 salariés permanents. La nouvelle convention collective Elisfa, à laquelle sont rattachés ces centres, reconnaît les métiers de l'animation depuis le 1er janvier 2024, ce qui entraîne une hausse significative de la masse salariale dans le budget de ces structures. Faute de moyens, des choix risquent d'être faits au détriment des habitants de nos territoires et, peut-être, des salariés.

Monsieur le ministre, avez-vous prévu des soutiens financiers supplémentaires en faveur de ces centres sociaux ou, à défaut, un accompagnement leur permettant d'assurer leurs missions, auxquelles les collectivités territoriales ne peuvent davantage contribuer ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La Fédération des centres sociaux et socioculturels de France a alerté sur ce sujet. En effet, 153 millions d'euros sont prévus pour l'année 2024, soit une augmentation de près de 8,2 % de la masse salariale par rapport à 2022, contre seulement 4 % pour les structures couvertes par d'autres conventions collectives.

Or la composition de la masse salariale du secteur n'étant pas précisément connue, les effets peuvent donc varier d'un centre à l'autre. Je le rappelle, nous comptons 2 373 centres sociaux, 1 668 espaces de vie sociale et près de 60 000 salariés.

Dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG), une mesure de hausse de 6 % est prévue. Comme 60 % des crédits sont fournis par les collectivités, l'ampleur de la hausse de la masse salariale suscite l'inquiétude quant à un éventuel recul des collectivités. C'est pourquoi nous avons demandé une enquête flash à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

M. Stéphane Sautarel.  - Si je connais la diversité des situations de ces centres, je suis preneur des résultats de l'enquête flash pour connaître les réponses qui peuvent être apportées.

Hausse de la valeur du point des personnels des ADMR en congé maladie

Mme Monique Lubin .  - Une association m'a alertée sur l'application de l'augmentation de la valeur du point avec effet rétroactif pour les personnels des réseaux de l'aide à domicile en milieu rural (ADMR), prévue par l'avenant n° 54 de leur convention collective du 5 octobre 2022, qui est ainsi passée de 5,77 à 5,62 euros.

Les salariés malades perçoivent des indemnités journalières de la sécurité sociale et un complément AG2R. Une salariée de cette association a donc demandé à la sécurité sociale la régularisation de ses indemnités journalières au regard de la hausse du point accordée.

La sécurité sociale lui a demandé une attestation de salaire rectificative, puis a répondu à la Fédération des ADMR ne pas pouvoir accéder à cette demande, puisque les rappels de salaire sont pris en compte en fonction de leur date de paiement et non pas de la période concernée.

Monsieur le ministre, confirmez-vous cette information ? Si c'est le cas, quelles mesures prendrez-vous pour remédier à cette situation qui relève d'une double sanction inadmissible pour des salariés malades ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Nous avons pleinement conscience des difficultés de ce secteur, qui est un maillon essentiel pour préserver l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Si la plupart des personnels de ce secteur s'engagent par vocation, il convient de ne pas les décourager et de les rémunérer correctement, car ils remplissent un rôle crucial.

Sur le sujet que vous évoquez, il est impossible d'envisager une régularisation, car les rappels de salaire sont bien pris en compte en fonction de leur date de paiement et non pas de la période à laquelle ils se rapportent. La Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) a pris connaissance de ce cas d'espèce et va réfléchir aux évolutions réglementaires envisageables. La ministre du travail, de la santé et des solidarités et son cabinet se tiendront à votre disposition dès que la Cnam aura répondu.

Mme Monique Lubin.  - Je vous remercie de votre réponse. J'y donnerai une suite.

Nouvelles mobilités à Paris et partage de l'espace public

Mme Agnès Evren .  - En 2022, à Paris, on comptait trois morts et 4 459 blessés par des trottinettes électriques et autres engins motorisés individuels. Ce bilan, en très forte hausse chaque année, est dû à l'explosion des circulations douces.

Paris est devenue anxiogène. Il faut réglementer l'usage des nouvelles mobilités. Or le partage de l'espace public, mal pensé par la majorité municipale, produit de nombreux accidents, beaucoup d'incivilités et des tensions entre les usagers de la route.

La Ville de Paris n'a rien fait pour remédier à ce problème, si ce n'est la consultation d'avril dernier sur les trottinettes en libre-service. Or leur interdiction n'a pas sécurisé la circulation, mais provoqué un report vers l'achat ou la location de trottinettes.

L'État peut agir : contrôles accrus sur ces nouveaux moyens de transport pour faire respecter le code de la route ou immatriculation des vélos et trottinettes électriques, comme l'a proposé Mme Estrosi Sassone dans une proposition de loi.

À la veille des jeux Olympiques, il est urgent d'agir. Quelles mesures comptez-vous prendre ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La police de la circulation et du stationnement relève de la maire de Paris. Le préfet de police est chargé de la sécurité des personnes et des biens, de la protection des institutions et a un rôle prescriptif s'agissant des aménagements envisagés par la commune sur les axes structurants ou empruntés dans le cadre des plans de secours. L'année passée, beaucoup a été fait : intensification des contrôles, doublement des opérations de lutte contre l'alcoolémie et les stupéfiants avec à Paris une hausse de 58 % du nombre d'amendes et une hausse de 11,4 % des verbalisations liées au comportement des conducteurs.

La politique de sécurité routière, menée par la préfecture de police, s'inscrit dans le document général d'orientation pour la période 2023-2027. En 2024, la préfecture de police sera plus particulièrement attentive aux infractions commises par les conducteurs de véhicules relevant des mobilités douces, notamment celles relatives à la signalisation, au non-respect des passages piétons et des feux tricolores.

Mobilisation des forces armées pour les jeux Olympiques de Paris 2024

M. Pierre-Antoine Levi .  - Pour les jeux Olympiques de 2024, la France envisage de mobiliser 15 000 soldats, soit près d'un quart de nos forces opérationnelles. Ce format maximal est-il définitif et tenable sur la durée pour nos forces armées ?

L'incertitude et le manque d'information posent des défis opérationnels et humains. En effet, la gestion du personnel, les infrastructures et la logistique nécessitent une attention particulière, de même que les conditions d'hébergement des soldats, les indemnités et les permissions. Nos militaires doivent bénéficier de conditions de vie et de travail décentes, comme leurs camarades des forces de sécurité intérieure.

Comment le ministère garantira-t-il des conditions d'accueil dignes, une rémunération adéquate et une gestion humaine des permissions à ces hommes et femmes dévoués à la sécurité de notre nation ? Comment l'impact de cette mobilisation sur les missions et les formations sera-t-il minimisé ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le ministère de l'intérieur et des outre-mer prépare le volet sécuritaire depuis de nombreux mois, dans un contexte stratégique mondial très incertain. L'appui des forces armées à cet effort s'effectuera dans les conditions du code de la défense.

Le nombre de 15 000 militaires est l'estimation avancée à ce stade par les ministères de l'intérieur et des armées. Il inclut Sentinelle et concerne l'ensemble du territoire. Ces forces seront engagées de l'arrivée de la flamme olympique au printemps à la fin des jeux Paralympiques en septembre et continueront de remplir leurs autres missions. Le Président de la République y a particulièrement insisté. Il y reviendra peut-être demain, lors de ses voeux aux armées à Cherbourg-en-Cotentin.

Un tel engagement est un défi, car la force doit être correctement positionnée alors que la mobilité en région parisienne sera contrainte. Un camp militaire de 4 500 soldats sera créé sur la pelouse de Reuilly et tous les sites militaires franciliens seront exploités. Enfin, les militaires engagés dans le cadre de l'opération Sentinelle bénéficieront de l'indemnité d'absence opérationnelle au taux maximum.

Élections des propriétaires fonciers et usufruitiers aux chambres d'agriculture

Mme Nathalie Goulet .  - Rien ne va plus pour les propriétaires fonciers : perte de représentativité, difficultés d'inscription sur les listes électorales aux chambres d'agriculture, tracasseries administratives. Depuis le décret du 19 juillet 2018, le collège des propriétaires fonciers et usufruitiers n'a plus qu'un siège au lieu de deux, alors qu'ils assurent 37 % des ressources des chambres. Les propriétaires sont doublement pénalisés, financièrement et politiquement.

Lors des dernières élections en 2019, le décret d'application est sorti tardivement, réduisant drastiquement la période d'inscription. Pour celles du 15 janvier au 28 février 2025, les inscriptions devront être ouvertes au plus tard en juillet. Il faut également numériser et simplifier le nombre invraisemblable de papiers à transmettre : imposition foncière, mais aussi copie du bail ou attestation sur l'honneur pour les baux verbaux.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Les élections aux chambres d'agriculture sont un moment important de mobilisation du monde agricole. Elles seront organisées dans la continuité du précédent scrutin, notamment en termes de collèges, pour plus de stabilité et de respect des délais. En 2019, la charge des différentes consultations a fait glisser le calendrier d'un mois, réduisant la période d'inscription.

Les préfets afficheront au plus tard le 1er juillet 2024 les avis d'établissement des listes électorales. Ainsi, les intéressés auront deux mois et demi pour s'inscrire.

J'ai demandé à être informé de toute difficulté remontant du comité de pilotage en cours d'installation. Sont prévus une instruction technique pour l'organisation matérielle du scrutin, et un retour d'expérience. Nous examinerons quelles pièces justificatives sont strictement nécessaires, car de cette simplification dépend aussi le taux de participation.

Mme Nathalie Goulet.  - Pensez aussi à la représentativité : les propriétaires, c'est 37 % du budget, un siège seulement au lieu de deux. Sans propriétaires, pas d'agriculteurs ni de vie rurale.

Assouplissement des règles d'octroi de crédit immobilier

M. Cyril Pellevat .  - La crise immobilière affecte les Français mais aussi de nombreux secteurs économiques, ainsi que les collectivités dont les recettes issues des droits de mutation baissent.

Si cette crise tient en grande partie à la hausse des taux, les nouveaux critères obligatoires du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) plafonnent le taux d'endettement à 35 %, sans tenir compte du reste à vivre ; la durée d'emprunt ne peut excéder 25 ans, 27 ans pour le neuf. Les refus de crédits ou l'allongement, coûteux, de leur durée, pénalisent les emprunteurs. Les règles du HCSF bloquent des Français pourtant solvables et finançables. Tout le marché est fragilisé.

Ne peut-on assouplir ces règles, notamment par une meilleure prise en compte du reste à vivre, ce qui ne coûterait rien aux finances publiques, et ainsi de relancer un secteur qui en a tant besoin ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le ralentissement du crédit résulte principalement du resserrement de la politique monétaire, même si les taux d'intérêt tendent à se stabiliser.

Le HCSF, institution collégiale indépendante, comprenant notamment la Banque de France, l'Autorité de contrôle prudentiel (ACPR) ou l'Autorité des marchés financiers, a adapté ses normes de bonnes pratiques au nouveau contexte financier pour ne pas freiner l'offre de crédit. La marge de flexibilité de la partie libre d'utilisation a été élargie, pour soutenir l'investissement locatif. Le respect de la marge de flexibilité sera apprécié par l'ACPR sur trois trimestres glissants, pour tenir compte des pics de saisonnalité. Les prêts-relais sont désormais exclus du calcul du taux d'effort, afin de fluidifier le marché. La maturité des prêts peut être allongée pour la construction d'un logement neuf ou des travaux représentant moins de 10 % du coût total. Enfin, le Gouvernement soutient la mise en place par la Fédération bancaire française d'un réexamen en cas de refus la demande de crédit.

M. Cyril Pellevat.  - Le Gouvernement peut influencer les décisions du HCSF. Chaque jour, nous sommes sollicités par des entreprises ou des particuliers. En Haute-Savoie, les collectivités territoriales sont pénalisées.

Avenir de l'aéroport d'Orly et retrait d'Air France

M. Pascal Savoldelli .  - Le 18 octobre dernier, la direction d'Air France annonçait son retrait de l'aéroport d'Orly, au profit de sa filiale low cost, Transavia : 600 à 1 000 emplois partiraient d'Orly, sans compter les emplois induits : un véritable désarmement économique du Val-de-Marne et du sud francilien ! L'État, premier actionnaire d'Air France, la subventionne au titre de sa mission de continuité territoriale. Pourtant, le Gouvernement est resté muet.

Deuxième aéroport français, douzième d'Europe, Orly est la passerelle avec les outre-mer. Sa dynamique fragile repose sur une diversité d'activités : proximité d'Air France Industrie, essor des vols à bas coût et développement des longs courriers. L'argument des économies dégagées par le regroupement d'activités ne tient pas. Le potentiel d'Orly s'accroît. Des compagnies privées sans mission de service public sont avides de récupérer des lignes, y compris vers la Corse. Le Gouvernement entend-il maintenir les emplois et les lignes d'Air France à Orly ? Quelle est sa vision stratégique pour cet aéroport ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - La demande de vols nationaux s'est effondrée depuis la crise sanitaire, avec l'attractivité du train et le télétravail, entraînant des pertes importantes pour Air France, alors qu'Orly sera relié au centre de Paris par la ligne 14 en juin. Basculer les vols interrégionaux vers Roissy favorisera l'accès au réseau international. Pour autant, l'ensemble des créneaux actuellement opérés par Air France seront repris par Transavia.

Le Gouvernement vous apporte trois garanties. S'agissant des 500 emplois concernés et des salariés au sol, le projet ne prévoit aucun licenciement et l'État veillera aux solutions de reclassement. Orly continuera à bénéficier à la fois de la croissance de Transavia, avec quatorze nouvelles lignes pour 2024, et du remplacement intégral de la flotte par des A-320 Neo de dernière génération, plus propres et plus silencieux. Enfin, la direction d'Air France s'est engagée à maintenir 90 % de l'offre existante sur le réseau national et échange avec les élus locaux sur les destinations les plus fragiles.

M. Pascal Savoldelli.  - Le trafic s'est effectivement effondré, mais durant la période covid ! Air France se fonde sur les chiffres de 2019. Je prends acte de vos engagements sur l'emploi, mais il y aura aussi un problème de transport.

L'État a investi 400 millions d'euros pour la ligne 14, sans compter les 3 milliards d'euros en juin 2014. Des concurrents d'Air France vont bénéficier de ce réseau de transport exceptionnel vers le centre de Paris. Les Ultramarins ont une histoire, humaine et sociale, avec Orly. J'espère que cet aéroport ne sera pas vendu comme aéroport low cost au privé.

Technip Energies et sanctions contre la Russie

Mme Mathilde Ollivier .  - En 2019, le groupe russe Novatek a annoncé le lancement d'un méga-projet gazier, stratégique pour la Russie. La filiale française de Technip Energies a été chargée de l'ingénierie et de la construction.

La guerre en Ukraine a entraîné des sanctions européennes interdisant explicitement les exportations vers la Russie de produits et de technologies utilisés dans la liquéfaction du gaz naturel.

D'après une enquête du Monde, Technip Energies aurait livré des pièces jusqu'en octobre 2022 et transféré des entités aux Émirats arabes unis. Plusieurs membres du Gouvernement ou de cabinets ministériels auraient été approchés pour soutenir Technip Energies.

Que savez-vous d'un éventuel contournement des sanctions par ce groupe ? Une enquête est-elle en cours ? Avez-vous demandé la liste des équipements livrés par Technip Energies après l'entrée en vigueur des sanctions européennes ? Quelles sont les conséquences pour l'État actionnaire de la chute du cours de l'action de Technip Energies à la suite de l'enquête du Monde ? Pourquoi la France et l'Union européenne ne font-elles pas tout pour assécher la machine de guerre russe ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le Gouvernement soutient l'Ukraine et est pleinement mobilisé pour appliquer strictement les sanctions contre la Russie.

L'interdiction de fournitures de biens utilisés dans le raffinage et la liquéfaction du gaz est d'application directe : les entreprises doivent s'y conformer en sollicitant les autorisations nécessaires. L'administration de Bruno Le Maire se tient à la disposition de toutes les entreprises françaises, y compris pour organiser leur retrait du marché russe.

La qualification du contournement de sanction suppose une analyse fine, au cas par cas, et relève des prérogatives d'enquête du service des douanes sur la base d'éléments précis. C'est ce qui est fait actuellement.

Fibre optique dans les Yvelines

Mme Marta de Cidrac .  - Dans les Yvelines, les communes de Carrières-sous-Poissy, Achères et Conflans-Sainte-Honorine, entre autres, font face à une forte dégradation de la qualité du réseau de fibre optique opéré par SFR. Le recours accru à la sous-traitance a endommagé le réseau, et SFR et les opérateurs se renvoient la balle pour la remise en état. La qualité de vie des habitants en est affectée. Qu'allez-vous faire pour mettre fin à cette anarchie et faire en sorte que ces communes retrouvent un réseau de fibre optique digne de ce nom ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Il est vrai que certains territoires subissent d'importants dysfonctionnements, pour des raisons diverses : rythme élevé des raccordements, réseaux historiquement mal dimensionnés - c'est le cas des Yvelines -, multiplication des sous-traitants peu ou mal formés. Le Gouvernement et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ont donc saisi la filière télécom afin qu'elle propose des améliorations. La qualité des interventions va être renforcée, grâce à une certification et un niveau de formation minimal. Les contrôles vont être améliorés, grâce à la transmission des plannings d'intervention et l'établissement de comptes rendus d'intervention. Enfin, les infrastructures dégradées vont être reprises, notamment mille points de mutualisation sur le territoire, dont huit à Conflans-Sainte-Honorine. Le contrôle de la mise en oeuvre de ces trois axes a été confié à l'Arcep.

Mme Marta de Cidrac.  - Nous connaissons ces arguments. J'attends du Gouvernement qu'il tape du poing sur la table, car cela dure depuis des mois : c'est insupportable, surtout avec le développement du télétravail.

Ifer nucléaire

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Ma question porte sur la répartition de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (Ifer) dans le cadre d'une installation de production d'électricité nucléaire.

Deux EPR2 vont être installés à Penly, à partir de 2027. Les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) voisins sont concernés à un double titre : l'acceptabilité du projet, d'une part, et l'accueil des nouveaux employés et de leurs familles, d'autre part.

Or ces contraintes ne font l'objet d'aucune contrepartie fiscale, car l'Ifer n'est reversée qu'au seul EPCI à fiscalité professionnelle unique d'implantation, la communauté de communes Falaises du Talou, ainsi que le prévoit le code général des impôts.

Les collectivités voisines le vivent comme une injustice. Les recettes fiscales doivent être mieux réparties. Le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales nous indique qu'il est possible de demander une dotation au titre du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), mais pas de revoir la répartition de l'Ifer. Une modification de la répartition de l'Ifer est-elle néanmoins envisageable ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - C'est un sujet ancien. Deux réacteurs supplémentaires devraient être installés à Penly à compter de 2027. Le produit de l'Ifer est réparti entre le bloc communal et le département. En cas de fiscalité professionnelle unique, le produit est réparti entre l'EPCI d'implantation et le département. Dans le cas contraire, il est réparti à parts égales entre la commune d'implantation et le département. C'est cohérent avec la logique de l'intégration fiscale et avec la prise en compte des externalités des communes avoisinantes, à l'échelle du département.

Le Gouvernement ne souhaite pas modifier le régime actuel, mais nous regarderons, au niveau du territoire, comment mieux compenser les communes avoisinantes.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Nous poursuivrons cet échange sur cette question importante.

Remplacement de professeurs absents en zone rurale

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - Le problème du non-remplacement d'enseignants est plus que jamais d'actualité. L'Éducation nationale souffre, et nos enfants en sont les premières victimes. Si certaines familles optent pour l'enseignement privé, toutes n'y ont pas accès. Notre nouvelle ministre dit avoir été confrontée au problème alors qu'elle vit en plein centre de Paris : imaginez alors la situation dans la ruralité !

Le Gouvernement n'a pas su tenir sa promesse de mettre un professeur devant chaque classe. Vivre en zone rurale ne doit pas rimer avec inégalité d'accès à l'école.

Dans les Alpes-Maritimes, plusieurs établissements du haut et moyen pays, comme le collège Jean-Franco de Saint-Etienne-de-Tinée ou le lycée de la Montagne à Valdeblore, peinent à recruter des professeurs titulaires. Augmentation de salaire, proposition de logement : les chefs d'établissement et les maires font pourtant tout pour rendre ces postes attractifs, en vain.

À la tête de l'éducation nationale, Gabriel Attal a appelé à un « choc des savoirs » et assuré vouloir élever le niveau de l'école. Encore faut-il des enseignants dans les classes...

La ruralité ne peut être sacrifiée, elle doit redevenir une priorité. Quelles mesures supplémentaires comptez-vous prendre pour pallier le manque de professeurs dans nos belles communes rurales ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - En tant qu'élu rural du Loir-et-Cher, je suis sensible à ce sujet - qui touche aussi des territoires urbains.

Le ministère de l'éducation nationale est pleinement mobilisé. Le 31 mars dernier, la Première ministre a annoncé l'élargissement du programme Territoires éducatifs ruraux à l'ensemble des départements ruraux, dans le cadre du plan France ruralités. Cela fait partie d'un bouquet de solutions pour nos territoires ruraux.

Le remplacement des professeurs absents est une priorité du service public de l'éducation nationale. À ce titre, les territoires ruraux et isolés font l'objet d'un pilotage spécifique des services académiques.

Depuis 2017, le ministère prend des mesures concrètes afin de renforcer l'attractivité des métiers de l'enseignement. Ainsi, au terme d'un cycle de concertations avec les organisations syndicales, des mesures de revalorisation des rémunérations et des carrières des professeurs sont entrées en vigueur au 1er septembre 2023. La part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves a été augmentée, la prime d'attractivité a été étendue et revalorisée pour les professeurs stagiaires. Avec le pacte enseignant, les professeurs effectuant des missions complémentaires sur la base du volontariat bénéficient d'une rémunération complémentaire. L'accès aux grades supérieurs est facilité, ce qui concourt aussi à l'attractivité des métiers.

En complément, d'autres leviers sont mobilisés au niveau académique pour renforcer l'attractivité des métiers d'enseignants, mais aussi pour fidéliser les contractuels. Le président de la République l'a dit lors de sa conférence de presse : il y a eu des avancées sur le remplacement sur les arrêts de longue durée ; il s'agit désormais de faire porter l'effort sur les arrêts plus ponctuels. C'est une question d'attractivité, mais aussi d'organisation.

Accès des enseignants du privé aux concours de l'enseignement supérieur

Mme Nicole Duranton .  - Qu'ils exercent dans le privé ou dans le public, les professeurs rendent le même service public d'éducation et de formation des citoyens de demain. Or les professeurs des établissements privés sous contrat se retrouvent écartés des concours de recrutement des professeurs agrégés ou certifiés : seuls les professeurs titulaires de la fonction publique peuvent être affectés dans le supérieur. Pour y prétendre, les enseignants du privé doivent être lauréats d'un concours de l'enseignement public ou demander leur intégration dans le corps des professeurs agrégés ou des professeurs certifiés.

Ces formalités sont vécues comme une injustice, alors que certains interviennent régulièrement dans le supérieur - mais seulement en tant que vacataires.

Envisagez-vous de remédier à ces inégalités et de permettre aux professeurs du privé d'accéder aux concours des professeurs agrégés et des professeurs certifiés dans les mêmes conditions que les enseignants du public ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Les maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat d'association ont la qualité d'agent public, mais ne sont pas fonctionnaires. S'ils disposent, en application du principe de parité posé à l'article L. 914-1 du code de l'éducation, du bénéfice de dispositions applicables aux enseignants du public, les modalités de recrutement et concours sont spécifiques. De même, étant recrutés sur contrat, ils ne peuvent pas non plus être détachés en application de l'article L. 513-1 du code général de la fonction publique, position administrative réservée aux fonctionnaires.

Or le recrutement des professeurs agrégés et certifiés dans l'enseignement supérieur se fait par la voie du détachement ou de l'affectation des membres des corps de professeurs titulaires de l'enseignement public.

À ce stade, cette voie est donc fermée aux enseignants du privé. Toutefois, les lauréats d'un concours de l'enseignement public qui exercent dans le privé peuvent y accéder en demandant leur intégration dans le corps des personnels enseignants du second degré auquel ce concours donne accès.

Par ailleurs, une concertation est en cours avec les organisations syndicales des enseignants du privé pour réfléchir aux mobilités nouvelles qui pourraient leur être proposées, et mieux répondre à leurs attentes.

Mme Nicole Duranton.  - Merci, je transmettrai cette réponse aux professeurs qui m'ont interpellée, en espérant que cette concertation aboutira.

Formation à la prévention des incendies dans les écoles

M. Philippe Grosvalet .  - Comme tous les établissements recevant du public (ERP), les écoles doivent respecter des normes relatives à la prévention des incendies. Ainsi, les directeurs d'écoles doivent être formés à la manipulation des extincteurs. Or, le 4 septembre, lors de l'inspection de l'école Jean de la Fontaine à Saint-Lyphard, en Loire-Atlantique, la commission départementale de sécurité a constaté l'absence de cette formation - défaut déjà signalé en 2010, 2015 et 2018. Elle a émis un avis défavorable à la poursuite de l'activité d'accueil du public, contraignant le maire à prendre un arrêté provisoire d'exploitation de six mois.

Depuis 2011, plusieurs cas similaires ont été signalés. Qu'envisagez-vous pour assurer cette formation indispensable à la sécurité des jeunes élèves et des personnels ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le ministère est attentif à ce que la sécurité des personnels et des élèves soit garantie. Concernant la prévention du risque incendie, les académies mettent en oeuvre les mesures prévues tant par la réglementation des ERP que par le code du travail - dont la formation du personnel au risque incendie, à la manipulation des extincteurs, au déclenchement de l'alarme et à l'évacuation. Ces gestes cruciaux, même s'ils peuvent paraître répétitifs, doivent être régulièrement rappelés.

Dans les orientations stratégiques ministérielles (OSM) en matière de politique de prévention des risques professionnels de 2023, les académies sont invitées à porter une attention particulière à l'évaluation et à la prévention des risques bâtimentaires, notamment du risque incendie. Ces OSM renvoient à un guide sur la sécurité incendie, publié fin 2022 par la cellule Bâti scolaire du ministère, qui rappelle les obligations en matière de formation à la manipulation d'extincteurs.

Le ministère restera attentif à la mise en oeuvre des formations incendie et au suivi de la levée des prescriptions formulées par les commissions consultatives de sécurité.

M. Philippe Grosvalet.  - Hélas, ces directives ne sont pas suivies. J'invite la ministre de l'éducation nationale à relire la fable de Jean de La Fontaine, et lui rappelle que « la méfiance est mère de la sûreté » !

Projet de loi sur le modèle français de fin de vie

M. Stéphane Demilly .  - Devant la Convention citoyenne sur la fin de vie, le Président de la République s'est engagé à bâtir un projet de loi dès la fin de l'été 2023. Le Gouvernement annonçait en décembre une présentation au Parlement en février 2024. L'attente est réelle. La question mérite un débat au Parlement, au nom de tous les Français atteints de maladies graves et incurables.

La maladie de Charcot touche 9 000 personnes en France, avec cinq nouveaux cas par jour, pour une espérance de vie de deux à cinq ans. C'est la double peine pour les malades : privés de traitement, ils ne peuvent demander à mourir dignement. Un malade m'a écrit : « Vos capacités cognitives ne sont pas touchées, vous permettant ainsi de profiter pleinement de votre propre déchéance. »

Il est urgent d'agir, d'autant plus que les prévisions sur les maladies dégénératives font frémir : elles vont exploser.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Les mentalités évoluent sur la fin de vie. La souffrance et la dépendance des malades soulèvent de nombreuses questions. Nous devons renforcer les soins palliatifs et ne pouvons ignorer la détresse de ceux qui demandent une aide active à la fin de vie.

Le Président de la République a souhaité un projet de loi. La ministre présentera dans les prochaines semaines une stratégie décennale pour améliorer les soins palliatifs et la protection des patients, avec une réflexion sur l'accompagnement du deuil, les directives anticipées et l'accompagnement des aidants.

Un volet portera sur l'introduction dans notre droit d'une aide active à mourir. Il faudra légiférer avec prudence, en respectant le dialogue avec les professionnels et les familles.

La coconstruction avec le Parlement permettra de trouver un chemin, dans le respect de tous. Le calendrier précis d'examen parlementaire sera détaillé prochainement. Je suis persuadée que nous trouverons un point d'équilibre.

M. Stéphane Demilly.  - Nous attendons avec impatience ce projet de loi, son contenu et son inscription à l'ordre du jour.

IVG instrumentales réalisées par les sages-femmes

Mme Laurence Rossignol .  - Le Parlement a voté l'extension de la pratique de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) instrumentale aux sages-femmes. Le décret est paru, mais il est très restrictif : il limite la durée pendant laquelle les sages-femmes peuvent intervenir et il exige la présence de trois médecins sur site, dont un médecin capable de réaliser des embolisations artérielles, ce qui signifie que les sages-femmes pourront très rarement pratiquer des IVG instrumentales.

Les conditions sont drastiques, plus exigeantes que pour les médecins ! Il faut revoir ce décret, et respecter la volonté du Parlement.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Le Gouvernement est engagé dans l'amélioration de l'accès à l'IVG et partage pleinement l'objectif de diversification des praticiens susceptibles de la réaliser. Le décret a été publié le 16 décembre dernier, faisant suite à une expérimentation porteuse de nombreux enseignements. La rédaction du décret résulte d'une large concertation des acteurs impliqués.

Le décret retient finalement la fin de la quatorzième semaine de grossesse, soit la limite de réalisation des IVG, pour qu'une sage-femme la pratique.

Pour assurer la qualité de l'acte, nous avons fixé des conditions d'expérience et de formation des sages-femmes, qui préexistaient déjà dans l'expérimentation : elles ont montré leur utilité.

Cette extension est bienvenue pour les territoires où l'accès aux soins est plus difficile. Le Gouvernement sera attentif à sa mise en oeuvre concrète. C'est aussi une mesure importante pour l'attractivité du métier de sage-femme.

Mme Laurence Rossignol.  - Vous ne répondez qu'en partie.

Quelle concertation ? Les sages-femmes n'ont pas été entendues... mais sans doute les médecins sont-ils rétifs au transfert de l'activité. Les sages-femmes sont très mécontentes de ce décret.

Pourquoi exiger la présence de médecins spécialistes, non requise pour les médecins ?

Prévention de l'arrêt cardiaque extra-hospitalier

M. Bernard Jomier .  - L'été prochain, des millions de personnes vont se rassembler pour les jeux Olympiques et Paralympiques, les stades et fan zones seront bondés, augmentant, sous la chaleur estivale, le risque d'arrêt cardiaque extra-hospitalier. Le taux de survie n'est que de 6 % en France, contre 40 % en Suède, où la population est formée aux premiers secours et où l'accès aux défibrillateurs, entretenus, est aisé.

Le retard est significatif en France. Les défibrillateurs automatisés externes (DAE) sont mal entretenus et insuffisamment déclarés aux associations de citoyens sauveteurs. Nombre d'entre eux sont simplement inaccessibles.

À l'approche des jeux, quelles mesures concrètes prendrez-vous pour assurer la protection des spectateurs ? Comment allez-vous renforcer l'accès à ces DAE et mieux former les citoyens ? Quelles mesures de prévention prévoyez-vous ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Le Président de la République a fixé en 2017 un objectif de formation de 80 % des personnes aux premiers secours.

La loi du 26 juin 2018 relative aux défibrillateurs cardiaques a imposé des obligations d'équipement pour les établissements recevant du public et le renforcement de la signalétique et de la maintenance. Une base nationale sera créée pour mieux géolocaliser ces DAE.

La déclaration des informations par les propriétaires est définie par l'arrêté du 29 octobre 2019 : la géolocalisation sera facilitée et des applications citoyennes pourront diffuser des informations.

Quelque 1 120 000 DAE ont déjà été déclarés. Les données sont constamment mises à jour. Cela optimise la prise en charge des victimes d'arrêt cardiaque et sauve des vies.

Des actions de sensibilisation et de communication sont assurées pour améliorer la déclaration. Des QR codes DAE ont été déployés dans des lieux stratégiques, pour mieux les intégrer dans la chaîne de prise en charge de l'arrêt cardiaque.

Décret relatif à l'installation d'officines de pharmacie

M. Cédric Vial .  - En 2018, le Gouvernement a prévu par ordonnance des dispositions en faveur des communes de moins de 2 500 habitants où l'accès aux médicaments n'est pas satisfaisant, les critères d'éligibilité devant être définis par un décret très attendu. Depuis, rien. Aux questions posées à l'Assemblée nationale ou au Sénat la réponse est toujours la même : le décret doit paraître le trimestre ou le semestre suivant. Quelques exemples : en janvier 2020, on répond qu'il doit être publié au premier semestre 2021 ; en octobre 2021, au premier semestre 2022 ; en juillet 2022, début 2023 ; en octobre 2022, au premier trimestre 2023 ; en janvier 2023, fin 2023. Nous voilà en janvier 2024. Vous semble-t-il normal que les parlementaires, comme l'ensemble des élus locaux, aient l'impression que l'on se moque d'eux ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Le maillage officinal est aujourd'hui globalement satisfaisant, avec 20 142 officines, soit 30 officines pour 100 000 habitants. Il peut être renforcé grâce à des aides financières et à un assouplissement des règles encadrant les autorisations de transfert et de regroupement, notamment dans des communes de moins de 2 500 habitants. Le projet de décret est en cours d'élaboration et a été soumis aux représentants des professions et des caisses de sécurité sociale. Ces consultations prennent du temps, mais elles sont essentielles. Je veux vous assurer de la détermination de la ministre du travail, de la santé et des solidarités à le publier le plus rapidement possible ; elle réunira d'ici la fin du mois les agences régionales de santé (ARS) pour réaliser un point d'étape.

M. Cédric Vial.  - Vous perpétuez donc la tradition des voeux pieux ; mais cela fait sept ans que ce décret est en consultation ! C'est au Parlement de faire la loi, et non aux lobbies - car c'en est un qui s'oppose à la sortie de ce décret. Ce n'est pas un pansement Urgo sur une jambe de bois, c'est une vraie attente de nos territoires.

Fermeture de l'hôpital Bichat

M. Ian Brossat .  - Le projet de Grand Hôpital Nord est en réalité une fusion de deux hôpitaux : Bichat dans le XVIIIe arrondissement et Beaujon dans le 92, votre terre d'élection. Il se traduira par la fermeture de 300 lits d'hospitalisation, soit 30 % des capacités de ces deux hôpitaux. C'est d'autant plus inquiétant qu'il se situe dans le Nord-est parisien, dans une des zones les plus carencées d'Île-de-France, avec trois lits pour 1 000 habitants, contre quatre dans la région. Il suscite très légitimement l'inquiétude des soignants et des patients ; la Cour administrative d'appel a décidé de le suspendre pour vice de procédure et l'enquête publique a été relancée à partir du 29 janvier. Allez-vous enfin remettre à plat ce projet - car qui peut justifier la perte de 300 lits d'hospitalisation ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Ce nouvel hôpital, pour un investissement de plus de 1,3 milliard d'euros, offrira des conditions d'accueil pour les patients et d'exercice pour les professionnels de santé sans commune mesure avec celles de Bichat et Beaujon. La construction du CHU de Saint-Ouen-Grand-Paris-Nord à horizon 2028 prévoit notamment une maternité d'une capacité de 2 000 naissances par an en remplacement de celles de Bichat et de Beaujon. Cela rééquilibrera géographiquement l'offre de maternité en faveur de la Seine-Saint-Denis sans la déstabiliser puisque les autres maternités seraient en capacité d'absorber le solde des naissances. Sans même tenir compte des rehaussements capacitaires des maternités de Lariboisière et d'Avicenne, le solde des 1 373 accouchements résultant du projet serait accueilli sans trop d'impact pour les maternités avec un taux d'occupation à 75 %. Nul doute que l'ARS et l'APHP veilleront à la sécurisation juridique du projet.

M. Ian Brossat.  - Ce projet de fusion se traduit par une suppression de 300 lits d'hospitalisation dans un territoire populaire qui en manque déjà cruellement. Est-ce compatible la présentation de la santé comme une priorité par Président de la République ?

Avenir de la filière hydrolienne

M. Sébastien Fagnen .  - Comment les annonces du Président de la République aux assises de l'économie de la mer à Nantes le 28 novembre dernier se traduiront-elles ? Les nouvelles capacités nucléaires n'étant pas connectées avant 2035, il faut accélérer le développement massif des énergies renouvelables, notamment marines, comme le recommande le rapport de Réseau de transport d'électricité (RTE). Après l'échec d'OpenHydro en 2018, faute d'un soutien franc de l'État, l'aide de 65 millions d'euros à la ferme pilote hydrolienne manchoise Flowatt était inespérée, tant l'énergie hydrolienne était le parent pauvre de la précédente programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), malgré les deux courants prometteurs du Raz Blanchard et du Fromveur. Elle a besoin d'une visibilité sur son développement commercial à court terme pour investir et donc baisser ses coûts, et donc que soient lancés dès à présent des appels d'offres commerciaux sans attendre la mise en service des fermes pilotes comme cela a été le cas pour l'éolien flottant. Attendre représenterait une rupture d'activité pour la société HydroQuest après la livraison des hydroliennes de la firme pilote en 2026. Les difficultés n'ont pas empêché la Grande-Bretagne de développer cette filière de manière extrêmement volontariste. Vous engagez-vous à lancer rapidement des appels d'offres commerciaux ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Les différentes sources d'énergie renouvelable sont complémentaires ; les nouvelles énergies marines présentent un potentiel que nous intégrons pleinement dans nos réflexions. La France a été pionnière dans ce domaine avec l'usine marémotrice de la Rance, première installation au monde à produire de l'électricité à partir de l'énergie des marées à une échelle industrielle - malgré l'ensablement progressif de la Rance qui nécessite des travaux réguliers. La stratégie offshore de la Commission européenne a fixé l'objectif de 40 gigawatts de capacité d'énergie océanique hors éolien en mer ; la France, par ses courants marins, présenterait un potentiel de 3 à 5 gigawatts. Pour autant, l'hydrolien doit encore poursuivre sa montée en maturité afin de baisser ses coûts. En soutenant Flowatt, le Gouvernement a témoigné de son souhait de l'accompagner et travaille pour que la prochaine PPE intègre le lancement de premiers appels d'offres commerciaux sous réserve d'une baisse des coûts.

Chaudiéristes biomasse français

Mme Audrey Linkenheld .  - Les chaudiéristes biomasse représentent 450 000 emplois directs et indirects, mais sont fragilisés par la guerre en Ukraine et des difficultés d'accès aux dispositifs d'aide à la rénovation énergétique. En décembre dernier, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a en effet annoncé une baisse du forfait MaPrimeRénov' pour le chauffage au bois en avril 2024. Or les chaudières qui servent non pas d'appoint, mais véritablement de chauffage principal sont une solution alternative intéressante dans certains cas, contrairement au fioul ou à l'électricité pour certains ménages. Pourquoi une telle baisse ? Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour soutenir cette filière ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Le chauffage domestique au bois est l'une des principales sources de chaleur renouvelable, mais aussi la principale source d'émissions de particules fines. Or la qualité de l'air en France reste un enjeu essentiel en termes de santé publique, pour lequel nous déployons le plan chauffage domestique au bois performant depuis fin 2021. Concernant les fonds air-bois, l'Ademe a engagé un nouveau cycle d'appels à projets pour aider les collectivités à mettre en place des fonds pour accélérer le renouvellement d'appareils de chauffage domestiques au bois peu performants. Concernant MaPrimeRénov', les aides sont maintenues en 2024, mais réduites de 30 % à compter du deuxième trimestre 2024 afin de ne pas défavoriser les pompes à chaleur. Les appareils très performants de chauffage aux granulés ou au bois permettent de décarboner les bâtiments sans impact pour le système électrique. Grâce à l'action du Gouvernement, le marché des chaudières biomasse est passé de 10 000 chaudières par an en 2018 à 42 000 chaudières par an en 2022.

Mme Audrey Linkenheld.  - Vice-présidente au climat de la métropole européenne de Lille il y a quelques mois encore, j'y ai instauré la prime air. Reconnaissez qu'il y a un paradoxe à développer ces primes d'un côté et de l'autre à baisser le forfait pour les chaudières au bois...

La séance est suspendue à midi vingt-cinq.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance est reprise à 14 h 30.