Santé et bien-être des femmes au travail

Discussion générale

Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre.

Parlement et Gouvernement ont la responsabilité de répondre à la demande d'égalité des chances des femmes, notamment dans le milieu professionnel. Depuis toujours, les femmes doivent cacher leurs règles, souvent douloureuses et incapacitantes.

Ce texte apporte une réponse concrète, avec la création d'un arrêt menstruel, pour améliorer la santé et le bien-être au travail des femmes. Il s'inscrit dans la continuité de la loi du 7 juillet 2023, visant à favoriser l'accompagnement psychologique des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

En l'adoptant, le Sénat témoignera de son attention aux besoins de nos concitoyennes, mais aussi des collectivités et des entreprises, dont certaines ont déjà mis en place des dispositifs locaux : la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, suivie par une trentaine d'autres villes, mais aussi le département de Seine-Saint-Denis et la région Nouvelle-Aquitaine. Je salue le maire de Saint-Ouen-sur-Seine et notre collègue Adel Ziane qui ont oeuvré pour ce dispositif prometteur.

Resterons-nous sourds aux demandes des communes et des départements ? Ne devons-nous pas être en phase avec les attentes de la société ? Des entreprises ont pris des initiatives similaires. Or il n'existe aucun cadre légal pour permettre aux femmes souffrant de dysménorrhées de s'arrêter sans perte de salaire.

À l'Assemblée nationale, différents groupes politiques ont préparé des textes. Allons-nous attendre de les recevoir ou sommes-nous prêts ?

Je salue la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, lancée en février 2022. Toutefois, l'endométriose, qui touche une femme sur dix, ne doit pas occulter les autres pathologies, regroupées sous le nom de dysménorrhées, et qui touchent une femme sur deux entre 15 et 49 ans, soit plus de sept millions de personnes.

Monsieur le ministre, êtres vous prêt à poursuivre l'action de l'ancienne Première ministre ?

Comme le déclarait le Président de la République, la dysménorrhée n'est pas un problème de femmes, mais de société. C'est pourquoi nous croyons à la portée transpartisane de cette proposition de loi et espérons que le Gouvernement la soutiendra.

Le 16 février 2023, l'Espagne créait un congé menstruel, une première en Europe, répondant à l'appel de millions de femmes et ouvrant la voie pour une communauté européenne sociale, solidaire, inclusive et résolument féministe.

Quel message voulons-nous adresser à nos concitoyennes ? J'espère que la France, qui sait se rassembler sous sa devise républicaine, honorera ses valeurs humanistes et progressistes.

Le texte ambitionne d'améliorer la santé des femmes. Certaines consulteront pour la première fois un médecin ou une sage-femme pour obtenir un arrêt mensuel valable un an. Aujourd'hui, les femmes souffrant de menstruations incapacitantes attendent sept ans pour obtenir un diagnostic. L'unique solution est d'obtenir un arrêt maladie, ce qui suppose de se rendre souvent chez le médecin et de subir à chaque fois le délai de carence, que nous proposons de supprimer.

Nous proposons aussi d'accompagner les femmes qui souffrent en adaptant leur poste de travail, ou avec un arrêt quand les douleurs sont trop sévères. Elles pourront ainsi planifier leur travail, en lien avec leurs employeurs. Toutes les entreprises concernées montrent que le dispositif ne pose pas de problème d'organisation majeur. Les jeunes générations attendent de leurs employeurs qu'ils évoluent. Les entreprises avec lesquelles nous avons échangé sont unanimes : l'arrêt menstruel améliore la productivité des salariées et renforce l'attractivité des entreprises, ce qui profitera à toute l'économie, à terme.

Certains collègues redoutent les abus. Pourtant, il n'y a rien à craindre : dans les entreprises sondées, seules 10 % des femmes ont sollicité un accompagnement. À Saint-Ouen, sur 212 femmes concernées par les dysménorrhées, 28 bénéficient d'un protocole spécifique, six d'un aménagement de leur poste de travail, six d'une réduction de leur temps de travail et seize d'un arrêt. Il faut faire confiance aux femmes !

D'aucuns évoquent une possible discrimination à l'embauche. Mais c'est déjà le cas avec le congé maternité et les contraintes liées à la ménopause ! Ce qui est stigmatisant, c'est d'être pénalisées pour ce que nous ne contrôlons pas et d'être suspectées de vouloir profiter d'un nouveau droit. Nous devons soutenir un mouvement enclenché avec courage par certains acteurs publics et privés et auquel 66 % des femmes sont favorables.

Levons les tabous, rendons audible la détresse des femmes, et intégrons les mieux dans le monde du travail.

« On ne naît pas femme, on le devient », écrivait l'auteure du Deuxième sexe : cette proposition de loi y contribue modestement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MmeMaryse Carrère et Annick Billon applaudissent également.)

Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe SER) Dix pour cent : c'est la perte de salaire mensuelle qu'entraîne le délai de carence pour une salariée. Alors n'ignorons pas le non-recours ni les répercussions préjudiciables sur la santé des femmes, sans parler des risques accrus d'accident du travail.

Face à ce constat, la proposition de loi vise à mieux prendre en compte la santé des femmes via un arrêt de travail pour règles douloureuses.

Le système d'assurance maladie ne répond pas à toutes les situations individuelles. En l'espèce, sachant que 15 % des femmes salariées souffrent de douleurs incapacitantes, le législateur doit agir.

La question a été abordée au Sénat, notamment au sein de sa délégation au droit des femmes, qui a travaillé sur la santé des femmes au travail - je salue son ancienne présidente. Mais aucun consensus n'a émergé. À l'Assemblée nationale, plusieurs propositions de loi ont été déposées. J'espère que le Gouvernement partage ces préoccupations légitimes, défendues de longue date par des associations féministes.

Six pays ont décidé d'agir, parmi lesquels le Japon, la Corée du Sud, Taïwan et l'Espagne.

J'éviterai de parler de congé menstruel : ce ne sont pas des vacances ! L'arrêt concernera les seules femmes souffrant de dysménorrhées incapacitantes, soit 16 % des femmes en âge de procréer. Les symptômes associés sont nombreux et violents : aucune femme ne souhaite avoir besoin de cet arrêt de travail.

L'idée progresse chez les employeurs, mais encore trop peu. Les collectivités ont joué un rôle précurseur, comme à Saint-Ouen-sur-Seine, à Bagnolet et dans les métropoles de Lyon et de Strasbourg. Mais l'absence de base légale les inquiète. Un collectif de maires nous a alertés à ce sujet.

On a beaucoup parlé de l'initiative de Carrefour, mais elle est limitée aux femmes ayant la qualité de travailleur handicapé. La coopérative La collective est pionnière.

Cette proposition de loi crée un nouveau régime d'arrêt maladie. L'article 1er prévoit que le médecin ou la sage-femme prescrit un arrêt de travail cadre, qui ouvre droit à deux jours d'arrêt de travail par mois à chaque fois que nécessaire. Cela allégera les démarches de l'assurée et libérera du temps médical. Certes, l'arrêt de travail s'écarte du droit commun, mais compte tenu de l'état de l'offre de soins et des spécificités des dysménorrhées, cela nous semble nécessaire.

L'article 2 supprime tout délai de carence, car la perte de 10 % du salaire qu'il entraîne a un effet dissuasif pour les femmes. Seules celles arrivées au bout du parcours du combattant - faire reconnaître l'endométriose en affection de longue durée (ALD) - sont dégagées de cette contrainte : elles ne sont que dix mille, sur deux millions. Cet arrêt de travail n'est pas un luxe et notre proposition n'a rien d'incongru : nous avons bien supprimé le délai de carence pour les femmes ayant subi une interruption de grossesse.

L'article 3 prévoit que l'arrêt de travail sera pris en charge à 100 % par la sécurité sociale : je vous proposerai sa suppression, car la suppression du délai de carence suffit.

L'article 4 renvoie la définition des modalités d'accès à ce nouveau droit à la négociation collective.

Cette proposition de loi est prometteuse et novatrice. J'espère que le débat sera fécond.

En commission, j'avais indiqué être prête à faire évoluer le texte via des amendements. Fidèle à cet esprit d'ouverture, je n'ai émis que trois avis défavorables sur les treize amendements en discussion.

Inscrire le principe d'un arrêt menstruel serait un grand progrès. Prends tes cachets et serre les dents : il faut renvoyer cette phrase à l'histoire.

Le sujet ne relève pas de la négociation collective, mais bien de la loi.

La proposition de loi n'a pas été adoptée en commission, mais je suis très optimiste grâce à notre volonté d'ouverture et aux amendements proposés : j'espère que le Sénat adoptera un texte ! (Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Ce sujet de société, longtemps invisibilisé, nous concerne tous. Les initiatives se multiplient dans les deux Chambres : en parler contribue à briser les tabous. J'en remercie Mme Conway-Mouret.

Les dysménorrhées touchent des millions de nos concitoyennes. Une femme sur dix souffre d'endométriose. Ces affections, longtemps méconnues, sont très douloureuses, voire invalidantes. Certaines formes d'endométriose débouchent parfois sur une ALD ou sur la reconnaissance du statut de travailleur handicapé. Le nombre de femmes reconnues en ALD 31 pour une endométriose a progressé de 43 % entre 2021 et 2022.

La question soulevée par cette proposition de loi est complexe et il n'y a pas de solution simple. L'accompagnement médical est prioritaire, mais l'arrêt de travail n'est pas la solution pour toutes.

D'autres pistes existent : le dialogue social, via des congés négociés, à l'image de Carrefour et de L'Oréal. (Mmes Colombe Brossel, Émilienne Poumirol et M. Patrick Kanner protestent.) La généralisation que vous proposez tournerait le dos au dialogue social. (Protestations renouvelées sur les travées du groupe SER) L'aménagement du poste de travail et le recours au télétravail sont aussi des pistes.

La création d'un congé spécifique pose des problèmes au regard de la confidentialité, à laquelle je suis très attachée. Les femmes ne souhaitent pas toujours faire connaître à leur employeur les raisons de l'absence. Certaines associations de patientes dénoncent un risque de discrimination à l'embauche. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Colombe Brossel le démentent.)

M. Hervé Gillé.  - Il faut serrer les dents !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Diffusons les droits actuels et favorisons les nouvelles pratiques. Ce n'est pas par cette proposition de loi que nous atteindrons l'objectif : le Gouvernement y sera défavorable.

Le travail à mener est plus complexe et doit être plus global. L'errance diagnostique pour l'endométriose est de sept ans. C'est inadmissible et nous devons agir ! (Mme Corinne Féret s'exclame.) Formation des professionnels, création de filières de prise en charge dans toutes les régions, recherche accélérée avec 30 millions d'euros supplémentaires : autant de leviers pour agir.

Les premières avancées sont là : l'endométriose est inscrite au deuxième cycle des études de médecine (Mme Émilienne Poumirol ironise) ; la Haute Autorité de santé (HAS) s'apprête à actualiser ses recommandations de bonnes pratiques ; l'assurance maladie a harmonisé l'évaluation des patientes dans les demandes d'ALD.

Mme Émilienne Poumirol.  - Hors sujet ! Il ne s'agit pas du diagnostic de l'endométriose ! (On renchérit à gauche.)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - En 2024, cinq régions sont en stade avancé et dix régions en stage intermédiaire pour l'endométriose. Les travaux du comité de pilotage de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose vont se poursuivre.

Croyez en ma volonté pour avancer sur ce dossier. (Marques de désapprobation à gauche)

M. Patrick Kanner.  - Pas très progressiste !

La séance est suspendue à 13 heures.

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

M. Saïd Omar Oili .  - Depuis des années, il n'y a pas de sujet plus prégnant que celui de la place des femmes dans notre société, grâce à une libération de la parole qui a permis de rompre des tabous, comme celui des règles douloureuses.

Cette proposition de loi y remédie, en instaurant un arrêt maladie de deux jours par mois, sans carence. Je remercie l'auteure de mettre ainsi en lumière un sujet de société trop souvent invisibilisé, soit que les femmes choisissent de le taire, soit que la société ne leur laisse pas d'espace pour en parler.

C'est dans cet esprit constructif qu'Élisabeth Borne avait encouragé, en avril dernier, les employeurs à mieux prendre en charge cette problématique, notamment en cas d'endométriose. Certains l'ont déjà fait, comme le groupe Carrefour ou la commune de Saint-Ouen. À chaque fois, dialogue social et adaptation au contexte ont été indispensables. Il faut donc conserver cette méthode, en incitant à plus de flexibilité. Le Gouvernement a un rôle moteur à jouer : nul doute qu'il saura le faire.

Attention : à vouloir être mieux-disant, on risque d'être moins faisant. En effet, des associations féministes et des syndicats, dont la CGT et sa secrétaire générale Sophie Binet, mettent en garde contre des effets pervers d'une telle mesure sur l'employabilité des femmes. À l'inverse, une démarche coconstruite avec l'employeur est un argument d'attractivité.

En outre, les femmes devraient dans les faits donner la raison de leur absence, ce qui contrevient au secret médical.

Enfin, l'enjeu principal est la prise en charge médicale et la consultation, lorsque c'est possible, pour sortir du silence. L'arrêt médical doit être le dernier recours.

Trop de questions restent donc en suspens. Si nous entendons votre message politique, la réponse proposée n'est ni suffisamment concertée ni réalisable. Faute de pouvoir vous soutenir, j'appelle le Gouvernement à continuer à avancer. Incitons les entreprises petites et grandes à mieux prendre en compte cette réalité...

M. le président.  - Il faut conclure !

M. Saïd Omar Oili.  - ... et les femmes à se faire suivre médicalement.

Le RDPI votera, bien sûr, contre la proposition de loi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pourquoi « bien sûr » ?

Mme Marion Canalès .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Aujourd'hui, j'ai mes règles ; mais j'ai la chance de ne pas faire partie des 16 % de femmes qui ne peuvent pas travailler dans ce cas. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER) Ce n'est pas une provocation, mais un état de fait.

Comment accompagner les femmes qui en souffrent chaque mois ? Comment traiter ce sujet de société ? Je remercie M. Saïd Omar Oili, seul homme à intervenir en discussion générale, de l'avoir souligné.

Depuis la loi Roudy votée il y a quarante ans, nous pouvons prendre des mesures concernant les seules femmes pour rétablir l'égalité. Faute de reconnaissance, cette spécificité de la condition féminine crée une iniquité.

Après l'arrêt de travail sans carence à la suite d'une fausse couche, on ne peut laisser au seul dialogue social le traitement des menstruations incapacitantes - je préfère ce terme plus clair à celui de « douloureuses ». Il faut donc un cadre légal, plutôt que de renvoyer à la responsabilité des seules collectivités, auxquelles le préfet interdit parfois d'appliquer des délibérations unanimes, faute d'un tel cadre. Cela permet aussi d'éviter les inégalités entre employeurs.

Cette proposition de loi ne vise pas à donner des leçons de morale ; c'est une proposition de loi d'ouverture. Je suis heureuse de constater que nous avons pu discuter avec une partie des sénateurs et sénatrices pour l'améliorer.

Quelques réponses à ceux qui s'inquiètent d'un éventuel appel d'air et de son coût : en matière de politique sociale, le non-recours est toujours plus fréquent que la fraude ; ces femmes souffrant de menstruations incapacitantes ne viennent déjà pas travailler : leur perte de salaire est une double peine. Cette proposition de loi, qui lève le délai de carence, limite aussi les consultations médicales, dans un contexte tendu - ce n'est pas à vous que je le rappellerai, monsieur le ministre. Elle réduira la durée des arrêts maladie, souvent prolongés du fait de la perte de revenu - c'est le cas à Saint-Ouen.

Faut-il encore rappeler que les femmes du secteur privé gagnent 16 % de moins que les hommes ; qu'elles travaillent gratuitement à partir du 6 novembre ; que les métiers qui se féminisent se précarisent ? Oui. Les femmes représentent 98 % des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), 80 % des agents de restauration, 93 % des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

Cette proposition de loi, enfin, s'inscrit dans une logique de prévention, parent pauvre de nos politiques publiques, alors qu'elle permet de réduire in fine les dépenses de santé. Cet arrêt sur avis médical encouragera en effet les femmes à consulter des professionnels de santé. Monsieur le ministre, le diagnostic de l'endométriose que vous mentionnez peut en faire partie, même si le problème est plus large.

Voter cette proposition de loi, c'est faire le choix de l'équité et c'est un acte de justice sociale, à l'approche de la journée mondiale qui lui est consacrée. (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Béatrice Gosselin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous ne pouvons que souscrire à l'objectif de cette proposition de loi. La prise en charge thérapeutique des femmes souffrant de dysménorrhée doit être une priorité. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 10 % des femmes et des filles en âge de procréer souffrent de l'endométriose, soit 190 millions de personnes dans le monde, sans remède - sauf pour les symptômes.

Le diagnostic est complexe, alors qu'il serait primordial pour celles qui en souffrent. Faute de soins et de moyens, les femmes luttent difficilement contre cette maladie, et ont un accès insuffisant aux analgésiques non stéroïdiens, aux contraceptifs oraux et progestatifs.

Le Président de la République, le 11 janvier 2022, a lancé une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose. Nous attendons donc des mesures. Cependant, quelle est l'action la plus efficace ? Prise en charge médicale ou droit social ?

Mme Laurence Rossignol.  - Les deux !

Mme Béatrice Gosselin.  - Attention aux effets secondaires non désirés : un congé spécifique exposerait les jeunes femmes à des difficultés d'intégration professionnelle, alors que les discriminations à l'embauche existent déjà, ajoutant à la charge mentale. À compétence égale, des employeurs pourraient privilégier les candidatures masculines.

Mme Émilienne Poumirol.  - C'est déjà le cas !

Mme Béatrice Gosselin.  - En outre, un arrêt reconductible sur un an dévoilerait l'intimité.

Intégrer l'endométriose aux ALD coûterait 100 millions par an à la sécurité sociale. (On proteste à gauche.)

Mme Émilienne Poumirol.  - Ce n'est pas un argument !

Mme Béatrice Gosselin.  - Enfin, le droit au télétravail créerait une rupture d'égalité, étant impossible dans certains métiers.

Diagnostic précoce, traitement, oui. Discrimination, atteinte à l'intimité et rupture d'égalité, non. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je salue le sujet abordé. Ce texte témoigne de l'évolution des mentalités sur les menstruations, longtemps taboues, mais qui concernent 15 millions de femmes en France.

La durée de l'arrêt de travail prévu est adaptée et la motivation du texte est louable : ne pas pénaliser les femmes concernées par les douleurs menstruelles dans leur travail et leur rémunération - de la même façon que la grossesse est prise en compte.

Toutefois, viser les dysménorrhées dans leur ensemble est trop général. L'arrêt devrait reposer sur le diagnostic d'une pathologie sans lequel il n'est pas raisonnable d'accorder deux jours d'arrêt par mois. Daniel Chasseing a donc déposé un amendement restreignant le dispositif qui coûterait 100 millions d'euros pour la seule endométriose.

Mieux vaudrait un projet de loi plus global, alors que nous ne savons pas le nombre de femmes concernées ni l'effet sur les différentes professions. Enfin, l'intégration de l'endométriose à la liste ALD 31 est insatisfaisante : seules 0,5 % des femmes atteintes sont aujourd'hui reconnues en ALD. (Mme Émilienne Poumirol le confirme.)

Il faut améliorer le diagnostic, y compris celui d'autres pathologies comme le fibrome et le syndrome des ovaires polykystiques. Un suivi gynécologique régulier reste le meilleur moyen, pour éviter notamment cancer et infertilité.

Mme Annie Le Houerou.  - J'adore !

M. Victorin Lurel.  - « En l'état » !

Mme Marie-Claude Lermytte.  - Mais le groupe Les Indépendants reste sensible au sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Brigitte Devésa .  - Avant tout, je remercie Hélène Conway-Mouret de s'être saisie d'un sujet encore tabou. Je salue le travail de Laurence Rossignol, qui a enrichi la proposition de loi. Les dysménorrhées concernent la moitié des femmes en âge de menstruer, ce qui peut handicaper leur parcours professionnel - 44 % d'entre elles ont manqué le travail de ce fait, ou connaissent une amie qui l'a fait. Les jours de carence empêchent une prise en charge efficace.

La répétition mensuelle générerait un coût important pour l'assurance maladie s'il fallait un certificat à chaque fois. Ce texte propose donc un dispositif innovant, mais mal adapté : un arrêt de travail de deux jours mensuels pendant un an, sans jour de carence, prescrit par un médecin ou une sage-femme.

Les douleurs menstruelles, si elles sont récurrentes, ne reviennent pas tous les mois. De plus, on ne peut les mesurer, ce qui exclut tout contrôle médical. Le respect du secret médical et de la vie privée serait aussi compromis, l'employeur étant de facto informé des douleurs menstruelles ; or ces questions restent un tabou : 21 % des femmes disent subir des moqueries ou des remarques désagréables liées à la menstruation.

En outre, cette proposition de loi crée des inégalités entre professions : ni les professions libérales ni les entrepreneuses n'en bénéficieraient. En outre, le télétravail prévu par ce texte n'est pas applicable à toutes les professions. (Protestations sur les travées du groupe SER) Dans les métiers les plus pénibles, les femmes ne pourraient que prendre le congé, subissant la pression de leur employeur.

Enfin, aucun chiffrage fiable n'est proposé, alors que la simple suppression du jour de carence pour endométriose coûterait 100 millions d'euros par an : pour le reste, cela se chiffrerait en milliards, ce que nos finances sociales ne permettent pas. N'oublions pas aussi la perte de production de nos entreprises : un quart de leur masse salariale en moins deux jours par mois - de manière exagérée pour les professions féminisées.

Il faut passer par une prise en charge médicale d'un phénomène qui n'est pas une histoire de femme, mais un enjeu de santé publique. Cette proposition de loi présente trop de failles. (Mme Audrey Linkenheld s'exclame.) Une partie du groupe UC ne la votera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER) Je suis ravie que nous examinions ce texte sur les règles incapacitantes. La moitié de l'humanité a longtemps appris à gérer son mal pendant ces périodes, alors qu'une femme sur deux est concernée, à plus forte raison les 10 % d'entre elles souffrant d'endométriose ou d'autres pathologies.

Fatigue, souffrance, risque d'accident du travail : il est temps de lever le tabou. Dans un contexte économique social difficile, la santé des femmes se dégrade : 26 % des jeunes femmes ont eu un épisode dépressif en 2023, le taux de femmes s'estimant en bonne santé a baissé de 10 %, les accidents de travail ont augmenté de 41 % en dix ans.

Il faut donc agir en conséquence et prendre en compte la hausse du taux d'activité des femmes depuis soixante ans - époque où les femmes devaient demander l'autorisation de leur mari pour travailler. Si les hommes souffraient de menstruation, le monde du travail se serait déjà adapté !

À la métropole de Lyon, à Saint-Ouen, nous avons initié ce congé menstruel, qui a besoin désormais d'un cadre légal. La multiplication des absences n'est pas une solution.

Sur le risque de discrimination, le manager ne doit pas avoir accès au motif de l'absence - seulement les ressources humaines, en toute confidentialité.

L'histoire des droits des femmes est celle d'une conquête progressive et complexe. La libération de la parole des jeunes générations rend cette reconnaissance de l'arrêt menstruel naturelle.

Alors que les menaces sur les droits des femmes se multiplient et que les conservatismes ressurgissent, la France ne doit pas être à la traîne. Le Sénat s'honorerait d'être précurseur en adoptant cette loi. Vous l'aurez compris : le GEST la votera. (Applaudissements à gauche)

Mme Silvana Silvani .  - Le 27 juin 2023, la délégation aux droits des femmes du Sénat adoptait le rapport « Santé des femmes au travail, des maux invisibles ». L'invisibilisation de la pénibilité du travail pour les femmes en fait partie : 60 % des personnes souffrant de troubles musculosquelettiques (TMS) sont des femmes. Les rapporteures soulignaient les difficultés rencontrées en raison des règles douloureuses, de la grossesse et de l'endométriose.

Nous regrettons que cette proposition de loi se limite à la création d'un arrêt pour les seules dysménorrhées, et que son champ ne couvre pas celui du rapport. Cela dit, elle a le mérite de lever le tabou sur les règles des femmes, alors que nombre d'entre elles ont rencontré des difficultés dans leur travail.

Je souhaite lever un malentendu : le texte crée non pas un congé menstruel, mais un arrêt menstruel de deux jours maximum par mois. Un congé relève de l'employeur et est financé par lui. Certaines entreprises ou collectivités en ont instauré un, mais nous n'y sommes pas favorables : des discriminations et une remise en cause du secret médical pourraient en résulter.

En revanche, nous sommes favorables à un arrêt médical, qui entraîne une indemnisation de la sécurité sociale et concernerait toutes les femmes souffrant de douleurs menstruelles et pas seulement celles souffrant d'endométriose. Il est probable que le conservatisme moral régnant en ce lieu débouche sur le rejet du texte. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Ce texte, modeste, prend toutefois en compte la douleur des femmes ; c'est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)

Mme Maryse Carrère .  - Je salue l'initiative d'Hélène Conway-Mouret : améliorer les conditions de travail des femmes et alléger leurs difficultés sont des objectifs louables. Chaque mois, des millions de femmes souffrent de dysménorrhées. Les menstruations engendrent des douleurs physiques qui handicapent la vie quotidienne et professionnelle.

Sensibles à ce sujet, nous avions déposé, à l'initiative de Nathalie Delattre, une proposition de loi visant à assurer la gratuité des protections hygiéniques féminines.

Dans le monde du travail, la compréhension de l'endométriose doit être à la hauteur de la douleur des femmes. Quelques pays ont mis en place un congé menstruel, mais dans la plupart des cas, il s'agit d'un jour de congé accordé par l'employeur.

Le RDSE est favorable à cette proposition de loi, mais quelques collègues sont inquiets : l'instauration d'un arrêt menstruel ne renforcera-t-il pas les inégalités et les discriminations à l'embauche ? Les femmes sont encore moins bien payées que les hommes et se heurtent à un plafond de verre. Le secret médical au sein des entreprises risque d'être un peu éventé. Ces arrêts pourraient aussi engendrer des difficultés d'organisation, surtout pour les petites entreprises.

Les amendements de Mme Billon, s'ils sont votés, pourraient encourager à poursuivre le travail.

Nous manquons de recul, notamment sur l'exemple espagnol, seul pays à avoir instauré un arrêt menstruel. Pourquoi ne pas instaurer une expérimentation de trois ans ? Par ailleurs, nous préconisons de réduire la durée de l'arrêt cadre à six mois, au lieu d'un an.

Nous ne voterons pas cette proposition de loi, mais un compromis serait souhaitable. Notre groupe voudrait poursuivre la réflexion. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Discussion des articles

Avant l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier, MM. Delahaye et Chauvet et Mme Saint-Pé.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La présente loi s'applique, à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de sa promulgation.

II. - Au plus tard six mois avant la fin de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport en faisant le bilan et proposant des pistes d'évolution.

Mme Annick Billon.  - Je recherche aussi un compromis. Le congé menstruel est proposé uniquement par quelques entreprises. Le dispositif proposé a été adopté en Espagne et n'existe dans aucun autre pays européen. Il est donc difficile d'anticiper les conséquences de la mesure sans recul suffisant. Dans le secteur public, la Catalogne a introduit une mesure de flexibilité avec une absence de huit heures maximum par mois, pouvant être récupérée ensuite. Il existe donc plusieurs voies pour régler le problème. La priorité est d'avoir un dialogue avec les employés.

Cet amendement vise à transformer cette proposition de loi en expérimentation. Mettre des mots sur des maux, rendre visible l'invisible : tel est mon objectif.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier, MM. Delahaye et Chauvet et Mme Saint-Pé.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La présente loi s'applique à titre expérimental aux entreprises candidates qui emploient au moins mille salariés, pour une durée de trois ans à compter de sa promulgation.

II. - Au plus tard six mois avant la fin de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport en faisant le bilan et proposant des pistes d'évolution.

Mme Annick Billon.  - Amendement de repli, qui circonscrit l'expérimentation aux entreprises de plus de 1 000 salariés.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - La commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements. À titre personnel, j'aurais rêvé que le Gouvernement dépose l'amendement prévoyant l'expérimentation. J'y suis assez favorable. Quant à l'amendement n°14 rectifié, il n'est que de repli...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Le Gouvernement reprend ces amendements ! (Sourires sur les travées du groupe SER)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Je suis réservé sur l'expérimentation visant à verser des indemnités journalières : quels seraient les critères retenus ? Certains orateurs l'ont rappelé, ce serait ouvrir une brèche dans le code du travail. Le dispositif proposé est mal ajusté. Avis défavorable à l'amendement n°6 rectifié bis.

Même avis pour l'amendement n°14 rectifié bis, car il y aurait une rupture d'égalité entre les femmes selon la taille de l'entreprise.

Mme Annick Billon.  - Je maintiens ces amendements, car, bien souvent, on nous vend l'expérimentation comme l'alpha et l'oméga pour tout problème. Je pense notamment à l'expérimentation sur l'uniforme à l'école... (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Maryse Carrère applaudit également.) L'uniforme n'est pas précisé - un uniforme, un sweat, une blouse ou autre - et pourtant, l'expérimentation a été lancée !

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement 6 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°127 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 135
Contre 201

L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°14 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public. (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°128 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 133
Contre 203

L'amendement n°14 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle et Rochette, Mme Lermytte, MM. Wattebled, Grand, Chevalier, A. Marc, Capus, Brault, Menonville et Somon, Mme Jacquemet et MM. Laménie et Belin.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

de dysménorrhée, dont l'endométriose

par les mots :

d'endométriose symptomatique

M. Daniel Chasseing.  - Cet amendement vise à limiter le dispositif aux femmes souffrant d'endométriose symptomatique, pathologie avec un diagnostic établi. Moins de 1 % des femmes souffrant d'endométriose sont reconnues en ALD 31.

M. le président.  - Sous-amendement n°15 à l'amendement n° 1 rectifié de M. Chasseing, présenté par Mme Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Amendement n° 1

Alinéa 5

Compléter l'alinéa par les mots : 

ou de pathologies dont la liste est définie par décret

Mme Marion Canalès.  - Nous souhaitons élargir la liste des pathologies concernées, qui seraient définies par décret.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Tout ce qui permet d'avancer est bienvenu. La commission a donné un avis défavorable, mais à titre personnel, j'y suis favorable.

La commission ne s'est pas prononcée sur le sous-amendement, car il vient d'être déposé. À titre personnel, je pense que c'est une bonne chose.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Je salue l'effort de M. Chasseing pour trouver une voie de passage. Toutefois, on reste dans une approche mal ajustée par rapport à l'objectif recherché.

Je rappelle que le délai de carence est supprimé pour les femmes souffrant d'endométriose qui sont en ALD. Mais cela ne rend pas la proposition de loi plus vertueuse : avis défavorable au sous-amendement n°15 et à l'amendement n°1 rectifié.

Le sous-amendement n°15 est adopté.

L'amendement n°1 rectifié, sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier et MM. Delahaye et Chauvet.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

d'un an 

par les mots :

de six mois

Mme Annick Billon.  - J'ai souhaité faire passer le contrôle médical d'une durée d'un an à six mois, afin d'avoir un meilleur suivi.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Avis défavorable.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Le délai de six mois ne change rien au fond. Une brèche serait ouverte dans le code du travail, qui ne prévoit pas ce genre d'arrêt de travail. Avis défavorable.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Nous avions initialement pensé à une durée de six mois, mais cette consultation n'est pas médicale. Après la première consultation, durant laquelle l'arrêt médical est délivré, un suivi se met en place. Dans un délai d'un an, la femme se représente devant le médecin pour renouveler ou non son arrêt. Un délai d'un an peut suffire pour un traitement permettant de mieux gérer la douleur.

Mme Annick Billon.  - Je retire cet amendement. Monsieur le ministre, vous parlez de dispositifs mal ajustés. J'espère que nous pourrons trouver des solutions pour ces nombreuses femmes souffrant à leur travail. La santé des femmes est prise en compte dans les pays nordiques, où elles trouvent mieux leur place dans les entreprises et ont des responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

L'amendement n°7 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier, M. Chauvet et Mme Saint-Pé.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

deux jours

par les mots :

un jour

Mme Annick Billon.  - Il s'agit de passer de deux jours d'arrêt à un jour, comme le font de nombreux pays.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - La commission a émis un avis défavorable. Je salue le travail d'Annick Billon pour tenter de trouver une majorité sur un sujet qui intéresse a priori tout le monde. À titre personnel, j'y suis favorable. Un député, Sébastien Peytavie, a déposé une proposition de loi retenant une durée d'une journée. Ce n'est donc pas contraire à l'esprit de ce texte.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Les efforts d'Annick Billon sont louables. Tous les orateurs ont insisté sur les limites du secret médical en entreprise, et ce n'est pas un mince sujet. Je ne pense pas que les directeurs de ressources humaines assureront l'entière confidentialité des données de santé : avis défavorable.

M. Daniel Chasseing.  - Je voterai cet amendement. Cela peut être une seule journée d'arrêt.

Mme Émilienne Poumirol.  - L'employeur n'a pas connaissance du motif de l'arrêt de travail : le volet du formulaire Cerfa sur lequel il figure ne lui est pas envoyé.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Je prévoyais un maximum de deux jours ; un jour me convient.

L'amendement n°8 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 5

Remplacer la référence :

L. 323-4-1 A

par la référence :

L. 323-4

Mme Laurence Rossignol.  - Coordination.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Sagesse.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - L'avis de la commission est défavorable.

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

M. Adel Ziane.  - Je remercie Hélène Conway-Mouret pour son travail sur ce texte, qui chemine depuis le 8 mars 2023.

Ma ville de Saint-Ouen-sur-Seine a expérimenté le congé menstruel après des discussions avec les agents de la ville qui ont évoqué ce sujet tabou, car invisibilisé.

Nous sommes attendus sur cette question. Il s'agit de la liberté de travailler dans de bonnes conditions, alors que les règles incapacitantes impactent la qualité de vie au travail. Plusieurs collectivités et entreprises à l'écoute de leurs employées nous ont suivis.

Le Sénat en débat aujourd'hui : nous pouvons nous en enorgueillir, c'est l'occasion d'apporter un début de réponse. Monsieur le ministre, un cadre législatif est attendu sur cette question de société. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°129 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l'adoption 117
Contre 206

L'article 1er n'est pas adopté.

(On le déplore sur les travées du groupe SER.)

Article 2

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle et Rochette, Mme Lermytte, MM. Wattebled, Grand, Chevalier, A. Marc, Capus, Brault, Menonville et Somon, Mme Jacquemet et MM. Laménie et Belin.

I.  -  Alinéa 2

Remplacer les mots :

de dysménorrhée, dont l'endométriose

par les mots :

d'endométriose symptomatique

II.  -  Alinéa 4

Remplacer les mots :

de dysménorrhée invalidante, dont l'endométriose

par les mots :

d'endométriose symptomatique

M. Daniel Chasseing.  - Sans nier la douleur des femmes qui souffrent de dysménorrhées, je propose de limiter le dispositif aux patientes souffrant d'endométriose symptomatique.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Avis défavorable. À titre personnel, même avis sur l'amendement identique à l'article précédent.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Par cohérence, avis défavorable.

Mme Émilienne Poumirol.  - Il s'agit de la santé des femmes !

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public. (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°130 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l'adoption 116
Contre 206

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

M. Adel Ziane.  - Certains ont évoqué le risque d'abus. Dans le cadre de l'expérimentation, un travail de fond est mené entre le médecin traitant, le médecin du travail et le spécialiste. Ce dialogue à trois objective la problématique.

L'expérimentation ne se limite pas à l'arrêt, elle comprend aussi le télétravail ainsi que les aménagements du poste de travail, pour éviter de pénaliser les agents catégorie C. Leur activité peut ainsi être organisée en amont, avec leur équipe.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Laurence Rossignol.  - Cet article prévoit que des indemnités journalières pour congé menstruel supérieures aux indemnités journalières de droit commun, ce qui pourrait créer des difficultés.

M. le président.  - Amendement identique n°10 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier et MM. Delahaye et Chauvet.

Mme Annick Billon.  - Dans un souci d'équité, il n'est pas concevable qu'une femme souffrant de dysménorrhée soit mieux indemnisée qu'une femme souffrant de cancer, par exemple.

Certaines dysménorrhées étant dues à des maladies chroniques, il conviendrait que le Gouvernement inscrive ces dernières sur la liste des ALD, pour une prise en charge à 100%. Nous attendons toujours le décret annoncé après le dépôt de la proposition de loi du groupe RN. La santé des femmes ne doit pas servir des fins politiques.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Sagesse.

Les amendements identiques nos5 et 10 rectifié bis sont adoptés.

En conséquence, l'article 3 est supprimé.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle et Rochette, Mme Lermytte, MM. Wattebled, Grand, Chevalier, A. Marc, Capus, Brault, Menonville et Somon, Mme Jacquemet et MM. Laménie et Belin.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

Les modalités

par les mots :

Sur la base d'un certificat médical valable pour une durée d'un an et renouvelable, les modalités

M. Daniel Chasseing.  - L'article 4 prévoit qu'un accord collectif ou une charte précise les modalités d'accès au télétravail pour les personnes souffrant de dysménorrhées. C'est une avancée pour elles, car le trajet peut être plus pénible que le travail lui-même. Je propose un certificat médical pour le justifier, valable un an.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Avis défavorable de la commission, par cohérence avec son avis défavorable sur l'article et sur la proposition de loi. À titre personnel, j'estime que l'amendement poserait des problèmes au regard du secret médical. Je préfère l'amendement n°13 de Marion Canalès.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - L'accord national interprofessionnel de novembre 2020 permet déjà le recours au télétravail comme outil de prévention pour les salariés en situation de handicap ou souffrant de maladies chroniques. Avis défavorable.

Mme Audrey Linkenheld.  - Les règles douloureuses ne sont pas une maladie !

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et une adaptation du poste de travail

Mme Marion Canalès.  - Nous voulons non seulement favoriser le recours au télétravail, mais aussi à l'adaptation du poste de travail. Je pense, par exemple, au cas de policières qui peuvent venir travailler, mais pas sur la voie publique.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Courtial, Canévet, Delcros, Folliot, J.M. Arnaud, Capo-Canellas, Vanlerenberghe et Cambier, Mme Tetuanui, MM. Fargeot, Lafon, Levi et Hingray, Mmes O. Richard, Romagny et Loisier et MM. Delahaye et Chauvet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ou à une adaptation du poste

Mme Annick Billon.  - Cette proposition de loi sur la santé des femmes au travail comporte un volet prévention, avec un suivi et un dépistage des problématiques propres aux femmes.

Elle se veut aussi pragmatique, avec la possibilité d'adapter le poste de travail, pour des femmes qui sont souvent en grande détresse.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Ces amendements s'inscrivent parfaitement dans l'esprit du texte. Il ne s'agit pas d'un arrêt mensuel, mais de permettre à ces femmes de travailler au mieux, car le télétravail n'est pas possible dans tous les métiers.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Avis défavorable. Je soutiens personnellement ces deux amendements qui complètent utilement le texte.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - La médecine du travail peut déjà proposer des mesures d'aménagement de poste.

Dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, un kit de sensibilisation à destination des entreprises sera diffusé à partir du mois de mars, pour mieux faire connaître les dispositifs existants. Avis défavorable.

M. Adel Ziane.  - Cette proposition de loi vise à lever un tabou, à sortir les règles incapacitantes de la sphère privée. Il faut une vraie politique de santé publique et de prévention.

Mme Laurence Rossignol.  - Très important !

M. Adel Ziane.  - D'aucuns parlent de discrimination. Jamais je ne me suis dit, en recrutant une femme, qu'elle était susceptible de tomber enceinte ou d'avoir des règles douloureuses. N'inversons pas la charge de la preuve entre le recruteur et la personne recrutée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

L'amendement n°13 est adopté.

L'amendement n°9 rectifié bis n'a plus d'objet.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article 4. S'il n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les quatre articles qui la composent auraient été supprimés. C'est donc le moment d'expliquer votre vote.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure.  - Je remercie l'initiatrice de la proposition de loi, les cosignataires, les collègues qui ont cherché un vote favorable du Sénat, ainsi que la commission des affaires sociales. Je remercie M. le ministre qui a pris quelques engagements - peut-être aboutiront-ils.

J'ai un peu d'expérience sur ces sujets : on y viendra, pas aujourd'hui peut-être, mais un jour. Ce que le politique refuse, la société finira par l'imposer. Le Sénat a perdu l'occasion d'être non en avance, mais d'accompagner les évolutions de la société.

Secret médical, confidentialité ? Le vote du Sénat est un vote générationnel : les jeunes femmes n'ont plus peur de dire qu'elles ont leurs règles. Le tabou des règles, c'est terminé ! Demain, ce sera au tour du tabou de la ménopause.

Les femmes en ont assez de serrer les dents, de prétendre qu'elles ont la même physiologie, le même quotidien que les hommes. Elles le font depuis les années 1970 : le prix est trop élevé. Il est temps d'imposer au monde du travail la réalité de ce qu'est une femme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner.  - Tous les amendements ont été adoptés, mais ils ont été mis en échec par le rejet des articles par scrutin public. Alors que nous étions majoritaires dans l'hémicycle, vous avez usé du scrutin public pour évacuer ce texte de progrès.

Je remercie Mme Billon d'avoir défendu de nombreuses propositions constructives.

Sur le fond, une partie de la droite républicaine a manqué un rendez-vous, avec les femmes et avec l'histoire. Les femmes veulent allier activité professionnelle et contraintes de leur vie personnelle. Vous avez refusé cette avancée. Nous poursuivrons avec force ce combat de progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Annick Billon.  - J'ai cherché à trouver une voie de compromis. Si je ne préside plus la délégation aux droits des femmes, je me soucie toujours des questions qui les concernent.

Je salue Hélène Conway-Mouret qui a mis en lumière des sujets souvent jugés accessoires. Au-delà de la question des jours de carence, l'important était de prendre en compte la spécificité de la santé des femmes, de garantir la prévention et d'adapter les postes de travail.

L'an dernier, les quatre rapporteurs de la délégation ont mené un travail considérable sur la santé des femmes, et montré qu'en matière de santé au travail, on raisonne sur la base de l'homme moyen - ce qui est parfaitement inadapté à la réalité vécue par les femmes.

Je remercie le groupe SER d'avoir porté le sujet. Au ministre d'avancer et de proposer de vraies solutions aux femmes en souffrance.

Dans les pays nordiques, les droits avancent beaucoup plus vite, les femmes occupent des postes à responsabilité. Différencier n'est pas stigmatiser. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mmes Colombe Brossel et Audrey Linkenheld applaudissent également.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission de la commission des affaires sociales.  - Monsieur Kanner, le scrutin public existe : il arrange parfois.

M. Patrick Kanner.  - Il vous arrange toujours ! (On renchérit sur les travées du groupe SER.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - Si nous n'avons pas recouru au scrutin public sur les amendements, c'est par courtoisie, pour vous permettre de finir à l'heure. (M. Patrick Kanner le concède et remercie.)

Mme Conway-Mouret a déployé beaucoup d'énergie pour tenter de convaincre. Nous avons beaucoup échangé ; le débat a été posé, et relayé. Merci pour votre mobilisation. Nous y reviendrons sûrement. (Mme Micheline Jacques applaudit ; Mme Colombe Brossel ironise.)

Mme Marion Canalès.  - Qu'on le veuille ou non, il s'agit bien d'un sujet de société. Nous avons formulé des propositions, sans doute perfectibles. Je remercie Annick Billon pour son ouverture.

En revanche, d'autres collègues n'ont pas pris la parole : sans doute jugent-ils le sujet accessoire.

En 1919, la ville de Saint-Ouen avait adopté un voeu en faveur du vote des femmes. Aujourd'hui, elle se saisit seule, sans cadre légal, de ce sujet, en réponse aux attentes de la population. Je rappelle que nous parlons ici non de règles douloureuses, mais incapacitantes.

J'aurais apprécié que tous les groupes engagent le débat.

Nous aurons l'occasion de reparler très prochainement des droits des femmes, avec le texte sur l'IVG. J'espère entendre nos collègues à cette occasion ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Je salue l'excellent travail de la rapporteure et l'écoute du président Mouiller. Je n'ai pas su convaincre, mais il y a une prise de conscience. Grâce à la couverture médiatique, notre débat a mis sur la place publique un sujet de société longtemps invisible. Monsieur le ministre, il faudra apporter des réponses concrètes aux élus, aux entreprises, à ces femmes qui ont besoin d'être accompagnées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Ghislaine Senée.  - Nouvelle sénatrice, je me doutais que le chemin du droit des femmes serait long, mais pas à ce point !

La majorité sénatoriale semble considérer qu'après tout, nos grands-mères se sont toujours débrouillées : certains jours, elles n'allaient pas au champ ou au lavoir, elles géraient entre elles ces « affaires de bonnes femmes ». Mais la nouvelle génération demande à être accompagnée, quand les douleurs sont si incapacitantes qu'on ne peut aller travailler.

Oui, c'est un fait de société. Oui, nous avancerons, nous y arriverons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Colombe Brossel.  - Nous attendons la lumineuse explication de vote du groupe LR...

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Je remercie à mon tour Mme Conway-Mouret et Mme la rapporteure. Avoir porté ce débat, c'est déjà une victoire.

Mme Émilienne Poumirol.  - On se contente de peu !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - L'avancée n'aurait cependant pas été si progressiste que cela, compte tenu des incertitudes et obstacles évoqués ici. (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner.  - La navette aurait permis de l'améliorer !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Je prends l'engagement de faire avancer le dossier.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Chiche !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Le sujet ne restera pas lettre morte. Je m'engage à ce que nous avancions ensemble. L'important est que nous ayons eu le débat.

M. Patrick Kanner.  - À quand un projet de loi ?

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 4 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°131 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 115
Contre 213

L'article 4 n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.