Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Projet de loi sur la fin de vie

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Monsieur le Premier ministre, dans votre déclaration de politique générale, vous annonciez un projet de loi sur l'aide active à mourir avant l'été, ainsi qu'un renforcement des soins palliatifs. Le Président de la République a fait une annonce à ce sujet ce week-end.

Le RDSE a toujours été à l'avant-garde de ce combat. De la proposition de loi de Henri Caillavet à celle de Jacques Mézard, les radicaux sont engagés pour le droit à mourir dans la dignité, consubstantiel aux valeurs de la République : liberté de choisir de mettre fin à des souffrances réfractaires, mais aussi liberté de conscience des soignants ; égalité d'accès à une aide à mourir qui ne saurait être réservée à ceux qui ont les moyens d'y recourir à l'étranger ; fraternité qu'apportent les soins d'accompagnement, avec une diffusion de la culture palliative à tous les soignants.

Emmanuel Macron s'y était engagé ; le Comité consultatif national d'éthique a rendu un avis favorable ; la Convention citoyenne s'est prononcée pour une aide active à mourir ; l'Académie nationale de médecine, pour une assistance médicale sous conditions.

Y aura-t-il un texte ou deux, et quand ? Tous les radicaux n'étant pas des lecteurs assidus de La Croix (sourires), pouvez-vous nous dire précisément quand nous serons amenés à nous prononcer à ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Vous l'avez dit, il s'agit d'un engagement pris par le Président de la République pendant la campagne de 2022. Vous avez rappelé la concertation importante, avec le Comité consultatif national d'éthique, la Convention citoyenne, qui a rassemblé 185 personnes pendant quatre mois, le rapport Chauvin sur l'amélioration des soins palliatifs, l'évaluation de la loi Claeys-Leonetti. Tout ce contexte conduit à aller vers un texte.

Ce texte repose sur deux piliers : le renforcement des soins palliatifs et l'aide à mourir. Cette dernière obéit à cinq conditions. Deux sont administratives : être majeur et être Français ou résider durablement en France. Trois sont liées à l'état pathologique du patient : son discernement, une maladie grave et incurable, des souffrances réfractaires, physiques ou psychologiques.

Le texte va partir au Conseil d'État. Nous visons une première lecture à l'Assemblée nationale fin mai.

M. Rachid Temal.  - Et au Sénat ?

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Ce calendrier nous permettra de travailler sur ce texte extrêmement important, qui nécessite respect, dialogue et échanges avec les uns et les autres. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et au Sénat ?

Situation des finances publiques (I)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Rien ne va plus et vous continuez de jouer l'avenir budgétaire de la France à la roulette. Le bilan de vos sept ans au pouvoir ? Une dette qui explose, la dégradation à venir de notre note, une privation de recettes aux effets récessifs et des inégalités en hausse.

Emmanuel Macron entrera dans l'histoire comme le président des très riches et du CAC 40 -  68 milliards d'euros de dividendes en 2023 ! En même temps, des millions de Français ont vu leur pouvoir d'achat rogné par l'inflation, les associations caritatives sont débordées.

Vous invitez à traverser la rue mais ne créez que des impasses, et préparez une nouvelle crise sociale. Vous n'avez plus de majorité et avez dû actionner vingt-et-une fois le 49.3.

Début 2024, vos choix budgétaires sont déjà caducs, mais aucun projet de loi de finances rectificative n'est annoncé. Que dire du coup de rabot brutal de 10 milliards d'euros ? Ni le Parlement ni la Cour des comptes n'ont la moindre information. Cette opacité est inacceptable. Votre trajectoire budgétaire n'a plus aucune crédibilité.

Aux termes de l'article 34 de la Constitution, soumettrez-vous au Parlement un projet de loi de finances rectificative ainsi qu'un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Les Français traversent des difficultés, c'est vrai, notamment de pouvoir d'achat. S'il est un élément de fierté pour la majorité, c'est d'avoir réussi à inverser la courbe du chômage. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Michel Savin proteste.) Enfin, l'emploi industriel revient en France, enfin, nous ouvrons plus d'usines que n'en fermons. Le taux de chômage est au plus bas depuis vingt-cinq ans...

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Depuis 2008 !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - ... le taux d'emploi au plus haut depuis qu'il est mesuré. Nous le devons à la politique suivie depuis 2017 qui a créé des conditions favorables pour l'activité économique et l'emploi. Ce sont autant de familles qui sortent de la précarité.

Certes, tous les problèmes ne sont pas réglés. Nous continuons à agir pour atteindre le plein emploi. J'assume de réformer notre modèle social pour qu'il incite davantage à l'emploi, qu'il soit plus efficace et moins coûteux.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et la question ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Lutter contre le chômage, c'est aussi bon pour les finances publiques. (« Ah ! ») Si nous avions le même taux d'emploi que nos voisins allemands, nous aurions moins de mal à équilibrer nos budgets !

Mme Audrey Linkenheld.  - Et leurs excédents commerciaux ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - L'ensemble de l'Europe connaît un ralentissement économique. La France est concernée -  moins que nos voisins italiens ou allemands, cependant.

M. Olivier Paccaud.  - Nous sommes toujours les meilleurs !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - C'est pourquoi nous avons actualisé la prévision de croissance pour 2024. Quand on a moins de recettes, le bon sens commande de réduire les dépenses. (Protestations sur les travées du GEST)

M. Jean-François Husson.  - On va en parler !

M. Yannick Jadot.  - Rétablissez plutôt l'ISF !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Votre réponse est de créer ou d'augmenter taxes et impôts : ce n'est pas celle de ce gouvernement (applaudissements sur les travées du RDPI ; vives protestations à gauche, où l'on crie à la démagogie), car cela contribuerait à détruire l'emploi et aggraverait donc les difficultés.

Nous ne dévierons pas de notre stratégie : tout faire pour l'emploi, assumer une gestion rigoureuse des finances publiques, pour les Français qui ne veulent pas voir leurs impôts augmenter, et pour les générations à venir qui n'ont pas à assumer ce fardeau. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Patrick Kanner.  - Bref, point de projet de loi de finances rectificative. Si vous voulez des recettes, nous pouvons en proposer - ISF ou autre ! Mais nous ne pouvons attendre juillet pour débattre des finances publiques.

Je vous remets officiellement une lettre demandant un débat au Parlement sur ce sujet, au titre de l'article 50-1 de la Constitution. (M. Jean-François Husson acquiesce.) Les parlementaires, les Français ont le droit de savoir comment vous voyez leur avenir ! (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Patrick Kanner remet un pli à un huissier, que celui-ci remet à son tour à M. Gabriel Attal.)

Formation professionnelle

Mme Silvana Silvani .  - La semaine dernière, nous vous interrogions sur l'annulation de 10 milliards d'euros de crédits sur le logement. Cette fois, je vous interpelle sur les mesures d'austérité imposées à l'emploi et à la formation professionnelle.

Le taux de chômage remontera à 8 % cette année : 200 000 personnes supplémentaires seront privées d'emploi. Au lieu d'augmenter les moyens de France Travail, le Gouvernement annonce réduire de 1,1 milliard d'euros les crédits de la mission « Travail et emploi », raccourcir la durée d'indemnisation des chômeurs, et imposer une franchise de 100 euros sur chaque achat de formation.

Les principaux bénéficiaires du compte personnel de formation sont les ouvriers et les employés. Ces 100 euros à la charge des salariés seront un frein à la formation. Comment accompagner plus de chômeurs avec moins de moyens et améliorer l'emploi avec une main-d'oeuvre moins qualifiée ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Réduction des moyens de France Travail ? Ce n'est pas ce que je vis. J'étais dernièrement dans les Vosges avec le Premier ministre pour étendre l'expérimentation France Travail de 18 à 47 départements. En 2024, 320 ETP supplémentaires lui seront affectés pour accompagner les plus éloignés de l'emploi.

La durée d'indemnisation des chômeurs est en cours de discussion par les partenaires sociaux. Ils doivent nous faire part de leurs conclusions le 27 mars. Soit nous les transposerons, soit, à défaut d'accord, nous travaillerons sur le sujet.

Le compte personnel de formation a été créé par cette majorité. En effet, 80 % des utilisateurs sont non-cadres, 30 % sont demandeurs d'emploi. Un autre chiffre : 11 % abandonnent leur formation. C'est du temps et de l'argent perdus. Une participation ne permettrait-elle pas de les responsabiliser ? C'est le sens du ticket modérateur. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; vives protestations sur les travées du GEST)

M. Rachid Temal.  - « Salauds de pauvres ! »

Mme Silvana Silvani.  - L'austérité frappe d'abord les plus démunis. Vous imposez une franchise de 100 euros, mais ne réduisez toujours pas les 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations patronales, qui sont pourtant sans effet sur les salaires et l'emploi, ni ne taxez les 100 milliards d'euros de dividendes versés par le CAC 40 ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER)

Défense de la laïcité à l'école

M. Laurent Lafon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Avec le président Buffet, nous venons de remettre notre rapport sur les menaces et agressions contre les enseignants. Trois ans après l'assassinat de Samuel Paty, le constat est alarmant. La remise en cause de la laïcité, dans ses fondements mêmes, gagne désormais les écoles élémentaires, l'ensemble des territoires, urbains comme ruraux, et affecte un nombre grandissant de disciplines. À la laïcité émancipatrice de Jules Ferry, qui protège la liberté de conscience, est préférée une laïcité venue d'outre-Manche, plus permissive.

En face, les enseignants sont souvent seuls à porter la flamme républicaine. Peu soutenus, peu formés, ils se protègent, se réfugient dans l'autocensure et le « pas de vague ». Cette situation appelle de notre part un sursaut républicain. C'est le sens de nos 38 recommandations, qui constituent un plan complet d'action.

Monsieur le Premier ministre, à Arras, lors de l'hommage à Dominique Bernard, vous avez déclaré que la victoire de l'école sonnerait le glas de tous les obscurantismes. Quelles actions comptez-vous engager pour aider l'école à lutter contre l'obscurantisme ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Éric Jeansannetas applaudit également.)

M. le président.  - La parole est à Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jacques Grosperrin.  - Alors là, ce n'est pas gagné ! (Marques d'indignation à gauche)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Votre question est essentielle. La laïcité fait partie de nos principes constitutionnels. Elle conduit à recréer l'unité de notre peuple. Il est indispensable d'affranchir la sphère de l'école de toute emprise liée à une religion ou à une idéologie. Nous serons intransigeants sur ce point, toujours et en tout temps. M. le Premier ministre l'a réaffirmé à Arras, et c'est notre pratique, dans l'ensemble de notre système scolaire.

À l'occasion du vingtième anniversaire de la loi du 15 mars 2004, nous rappelons notre intransigeance totale quant au port de signes religieux ostensibles : je l'ai dit ici, je le redirai lors d'un colloque vendredi. Notons que la circulaire interdisant les abayas a fait baisser le nombre de faits signalés.

Plus de 500 000 personnels de l'éducation nationale ont été formés, sur un million, et les concours comportent une épreuve pour mesurer l'aptitude des futurs CPE ou enseignants à gérer ce type de difficultés.

Enfin, nous constatons une montée inquiétante de la contestation des contenus même des enseignements. Je serai toujours aux côtés de nos enseignants qui transmettent des contenus scientifiques, et les valeurs de la République. Ce n'est pas négociable. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Isabelle Florennes et M. François-Noël Buffet applaudissent également.)

M. Laurent Lafon.  - Personne ne doute de votre volonté d'accompagner les enseignants. Nous ne contestons pas les actions entreprises ces dernières années, mais constatons qu'elles sont insuffisantes pour faire face au fléau. Il faut aller plus loin, c'est le sens de nos 38 recommandations, de la formation initiale à la protection fonctionnelle. Ces outils sont attendus par les enseignants. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Coupes dans le budget de l'écologie

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Monsieur le ministre de l'économie, sommes-nous prêts à vivre dans une France à plus 4 degrés ? Le rapport de la Cour des comptes souligne notre impréparation. Nos finances publiques sont exsangues, à force de cadeaux aux plus riches. Deux mois à peine après le vote de la loi de finances, vous annoncez un premier choc austéritaire de 10 milliards d'euros, par décret. Premières visées : la recherche et l'écologie. Difficile de faire plus déconnecté des besoins !

À plus 4 degrés, des zones entières du territoire seront inhabitables, nos réseaux électriques, de transport ou d'alimentation en eau seront fragilisés. Les besoins d'investissements sont massifs, or vous sabrez dans les budgets de la recherche, de la rénovation des logements, et privez les collectivités territoriales du fonds vert. Vous êtes dans le déni.

Comment, avec de telles coupes budgétaires, avec une politique aussi brouillonne, comptez-vous préparer l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Émilienne Poumirol et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (« Ah ! ») Mesdames et messieurs les sénateurs...

M. Olivier Paccaud.  - Voilà M. Déficit !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... nous mettons 40 milliards d'euros en 2024 sur la transition écologique. Cela fait cher l'austérité ! Nous augmentons les crédits de MaPrimeRénov' de 800 millions d'euros, à 3,5 milliards. Cela fait cher l'austérité ! Nous maintenons les bonus sur les véhicules électriques, là où l'Allemagne les a tous supprimés. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Mickaël Vallet.  - Il y a eu l'inflation.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous avons mis en place un leasing social pour l'achat de véhicules électriques. Nous continuons à financer la transition écologique, le déploiement des énergies renouvelables. Appelez ça comme vous voulez, mais ce n'est certainement pas de l'austérité !

Ma conviction, c'est qu'il ne faut pas dépenser plus, mais dépenser mieux. (Vives exclamations tant à droite qu'à gauche)

M. Olivier Paccaud.  - Cela fait sept ans !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - C'est pourquoi nous avons décidé d'examiner chaque dépense en matière environnementale et climatique. Je veux que les Français en aient pour leur argent. (Exclamations)

M. Mickaël Vallet.  - Quel festival de lieux communs !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - L'été prochain, nous saurons ce que rapporte chaque politique en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l'euro près. C'est indispensable, alors qu'il nous faut rétablir nos finances publiques. Nous devons garantir l'efficacité de la dépense publique, garantir que toutes les politiques climatiques conduisent bien à une réduction massive des émissions de CO2. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Yannick Jadot.  - C'est vous qui avez supprimé l'ISF !

M. Jean-François Husson.  - Quelle galéjade.

M. Thomas Dossus.  - Dès que vous avez besoin d'économies, vous les faites sur l'écologie ! Ces 10 milliards d'euros de rabot, c'est un coup d'accélérateur droit dans le mur climatique. En la matière, les économies d'aujourd'hui sont la faillite de demain ! Réagissez ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Statut de la Corse

M. Francis Szpiner .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'intérieur, vous venez de signer avec les séparatistes un texte appelant à reconnaître dans la Constitution l'existence en Corse d'« une communauté historique, linguistique, culturelle et ayant développé un lien singulier à sa terre ».

La République est une et indivisible : allez-vous donner une suite à ce texte, qui viole manifestement les principes républicains ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Permettez-moi de citer une interview parue en 2021 dans Corse Matin : « Ce qu'avait porté le président Sarkozy pour la Corse est le bon chemin ». Ces mots sont ceux d'Éric Ciotti. (Exclamations à droite) Et de poursuivre : « Il est celui qui a témoigné le plus de soutien et de considération pour l'île. Il faut poursuivre dans cette voie en reconnaissant la spécificité de l'identité corse dans la République. »

Mme Pécresse, début 2022, se prononçait par tweet pour une autonomie des régions, notamment de la Corse.

Guillaume Larrivé, en 2018, proposait à la tribune de l'Assemblée nationale « un chemin vers une autonomie constitutionnelle de la Corse ».

En 2017, le Président de la République s'est engagé à inscrire la Corse dans la Constitution. Nous n'avons pas travaillé seulement avec les autonomistes -  qui, au reste, ont gagné trois fois les élections territoriales, la dernière fois à la majorité absolue -, mais aussi avec M. Marcangeli et Mme Bozzi, laquelle fait partie de votre parti et a approuvé l'accord conclu.

Cette rédaction ne mentionne ni le peuple corse, ni la co-officialité de la langue corse...

M. Mickaël Vallet.  - C'est impossible !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - ... ni le statut de résident.

Il appartiendra évidemment aux deux assemblées de se prononcer. En outre, une loi organique encadrera chaque disposition de décentralisation, notamment celles qui permettraient à la collectivité de Corse de définir des normes. Le Sénat aura le dernier mot.

Par trois fois, les Corses ont élu les autonomistes : dans la chambre des territoires, vous pourriez les écouter.

M. Francis Szpiner.  - Je vous invite à consulter le site de l'Élysée sur les principes républicains : « Aucun individu, aucune partie de la population ne peut s'arroger un exercice de la souveraineté, qui appartient aux citoyens dans leur ensemble ». On y lit aussi que le principe d'unité et d'indivisibilité vaut pour l'ensemble du territoire de la République, et que celle-ci ne reconnaît qu'une seule langue.

M. Simeoni, lui, a parfaitement compris le sens de votre texte. La communauté, c'est le peuple corse dissimulé -  d'une manière très cagoulée... (Mouvements divers) La linguistique, c'est la co-officialité. (M. Bruno Retailleau acquiesce.) Et que dire de l'attachement singulier à la terre ? Tous les Français sont attachés à leur terre ! (On renchérit à droite.) C'est, en réalité, le statut de résident. (M. Bruno Retailleau acquiesce de nouveau.)

En prévoyant l'adaptation des lois et règlements sans le contrôle du Parlement, vous déconstruisez la République. La boîte de Pandore est ouverte : le président de la Région Bretagne demande un statut particulier, l'Alsace et le Pays basque regardent avec impatience ce processus...

M. Simeoni l'a bien compris : vous capitulez devant les séparatistes. (Protestations sur les travées du RDPI)

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Francis Szpiner.  - Nous défendrons la République une et indivisible ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

Cyberattaques contre les services de l'État (I)

M. Ludovic Haye .  - (Applaudissements sur des travées du RDPI) Plusieurs services de l'État ont fait l'objet d'attaques informatiques inédites par leur intensité - 17 000 adresses IP et 300 domaines touchés -, le nombre de groupes les revendiquant, qui s'élève à une dizaine, et l'utilisation de la messagerie Telegram, pourtant chiffrée.

Ces attaques sont malheureusement devenues familières. Le mois dernier, le ministre des armées a évoqué des menaces de sabotage sur son ministère. L'année dernière, le Sénat et l'Assemblée nationale ont été pris pour cible. À travers nos institutions, c'est la République qui est attaquée.

Simple mais redoutable, le modus operandi consiste à submerger un service de requêtes jusqu'à le rendre inopérant. L'objectif est de perturber les organisations, de provoquer des tensions internes, de semer le doute. À l'approche des élections européennes et des jeux Olympiques, ces attaques sont vouées à se multiplier.

Dans le monde de la sécurité, une once de prévention vaut une livre de guérison. Nous avons besoin d'une politique forte de cybersécurité et de cyberrésilience. Quelle action envisagez-vous à l'échelle nationale et avec quelle coordination européenne ? (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Entre dimanche soir et mardi, plusieurs services de l'État ont fait l'objet d'attaques informatiques, classiques par leurs modalités mais inédites par leur intensité. C'est parce que notre pays est une grande et belle démocratie qu'il est la cible de ces attaques. Mais nous ne nous laisserons pas déstabiliser.

Une cellule de crise a été immédiatement activée. Je salue la réactivité exemplaire des services : il n'y a eu aucune rupture de service.

Ces attaques ont cessé, mais pourraient reprendre. Les équipes de la direction interministérielle du numérique et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) restent donc en veille.

À l'approche des élections européennes et des jeux Olympiques et Paralympiques, nous mettons tout en oeuvre pour renforcer notre cyberrésilience. La France contribue pleinement au renforcement de la résilience de l'Union européenne : elle joue un rôle moteur dans les travaux en cours, concrétisés par l'adoption, sous présidence française, d'une directive spécifique et par celle, prochaine, du règlement sur la cybersolidarité. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Cyberattaques contre les services de l'État (II)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Martin Lévrier applaudit également.) Notre groupe s'inquiète lui aussi des cyberattaques d'ampleur ayant visé plusieurs ministères dimanche dernier.

Ces attaques se multiplient, et l'importance des entités visées par les groupes pro-russes nous interpelle de plus en plus. Dès les élections de 2017, les services de Poutine ont mené des opérations de déstabilisation. Nous avons vu les soi-disant patriotes serrer la main et accepter l'argent de celui qui nous attaquait.

Ces opérations se maintiennent sous le seuil de conflictualité, mais ne laissent aucun doute sur les objectifs visés. Les services russes sont derrière la désinformation sur les punaises de lit comme derrière l'affaire des étoiles de David.

D'aucuns craignent que le conflit en Ukraine ne nous entraîne dans une guerre contre la Russie. Il est temps de voir que Poutine nous mène déjà une guerre d'influence et de déstabilisation morale. Les attaques contre nos services de santé coûtent la vie à certains de nos compatriotes.

Notre soutien énergique à la résistance ukrainienne fait de la France une cible de choix. Que savons-nous des groupes impliqués dans les attaques de dimanche et quelles mesures prenons-nous pour nous protéger et riposter ? Ces enjeux sont-ils pris en compte par le comité européen de préparation à la défense ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Les investigations sur les attaques du week-end sont en cours.

Le Gouvernement a alloué 1,7 milliard d'euros à la transformation numérique de l'État et des territoires dans le cadre de France Relance. La cybersécurité est dotée de 176 millions d'euros. Mille organismes publics ont bénéficié de parcours de cybersécurité.

Dans le cadre de France 2030, la filière cybersécurité a été identifiée comme prioritaire. Elle bénéficie d'une stratégie d'accélération à hauteur de plus de 1 milliard d'euros.

Enfin, le groupement d'intérêt public Action contre la cybermalveillance a été créé pour fournir des conseils aux citoyens et aux collectivités territoriales. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - L'enjeu est aussi culturel : nos écoliers, collégiens et tous nos concitoyens doivent devenir des cybercitoyens. La démocratie est un bon moyen de protection. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Situation des finances publiques (II)

M. Jean-François Husson .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis l'adoption du budget, les annonces de dépenses nouvelles continuent de pleuvoir. Ukraine, agriculture, hôpital, agents publics, jeux Olympiques : 5 milliards d'euros en quelques semaines.

Parallèlement, vous avez utilisé votre joker constitutionnel en décidant, par décret, des économies de l'ordre de 10 milliards d'euros - avec la politique aveugle du rabot.

Quand présenterez-vous un projet de loi de finances rectificative ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Monsieur le rapporteur général du budget, je salue votre sagesse, liée à votre fonction, ...

Une voix à droite. - Pas seulement !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... lorsque vous appelez au retour à l'équilibre des comptes publics, en déficit depuis 1974. J'ai proposé que nous nous fixions comme objectif de les ramener à l'équilibre en 2032. (Sarcasmes sur de nombreuses travées)

Je salue aussi le sens des responsabilités du groupe Les Républicains du Sénat. Je constate simplement que les économies que vous proposez sont proportionnelles aux dépenses nouvelles que proposent les députés Les Républicains... Essayez d'inspirer un peu vos collègues ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous avez voté la réforme des retraites, eux non. Vous avez proposé d'augmenter la taxe intérieure de consommation finale sur l'électricité (TIFCE), ils s'y sont opposés. Vous avez, monsieur le rapporteur général, proposé 37 milliards d'euros d'économies.

M. Olivier Paccaud.  - Dont vous ne vouliez pas !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Ils ont déposé 1 523 amendements, représentant 100 milliards d'euros de dépenses supplémentaires ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Xavier Iacovelli.  - Rien que ça !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - J'appelle à une prise de conscience collective : ne nous renvoyons pas la balle, trouvons un chemin et un calendrier. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Nous faisons 10 milliards d'euros d'économies immédiates : c'est un frein d'urgence face à la dégradation de la situation géopolitique et de la croissance. Si les conditions continuent d'être difficiles, un projet de loi de finances rectificatives à l'été est possible.

Dans le cadre du projet de loi de finance pour 2025, nous devrons trouver des économies supplémentaires, dans tous les champs de la dépense publique - social, collectivités territoriales, État.

Monsieur le rapporteur général, je vous lance deux invitations. Le 9 avril, je réunirai le Haut Conseil des finances publiques locales pour identifier des économies. Courant avril, tous les groupes parlementaires seront invités à participer, à Bercy, à la prise de conscience collective dont j'ai parlé : toutes les propositions d'économies seront bienvenues, pas celles de dépenses ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-François Husson.  - Vous ne pouvez pas vous exonérer de vos responsabilités : vous êtes aux affaires depuis sept ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Or le bilan est calamiteux : 900 milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires, le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé en Europe, le niveau de dépenses publiques le plus élevé des pays développés.

Bruno Le Maire est-il, oui ou non, ministre des finances ? Assumez votre responsabilité, qui est éminente. Vous aviez promis de la croissance pour réduire le chômage et rétablir les finances : vous êtes complètement à côté de la plaque. Au vu de la situation, n'est-il pas temps de rendre votre tablier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Pénurie de médicaments

Mme Émilienne Poumirol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les années se suivent et les pénuries de médicaments perdurent. François Braun m'avait répondu que nous étions en bonne voie pour retrouver notre souveraineté en la matière - mais la situation a empiré. En 2023, près de 5 000 signalements ont été enregistrés par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), soit une hausse de 123 % par rapport à 2021. Pas moins de 37 % des plus âgés ont été confrontés au moins une fois à une pénurie de médicaments.

Le rapport de Laurence Cohen et Sonia de La Provôté comportait 37 préconisations, mais ce n'est qu'en février dernier que le Gouvernement a présenté une feuille de route - qui ressemble davantage à une déclaration d'intention qu'à un plan d'action.

Comment comptez-vous garantir qu'aucun enfant ne sera privé d'amoxicilline et que chaque Français aura accès aux traitements nécessaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Je sais que ce dossier vous tient à coeur. Les tensions sur le marché des médicaments se sont accrues depuis la crise du covid et elles sont mondiales.

M. Bruno Belin.  - Deux ans qu'on en parle !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Nous avons néanmoins constaté une détente ces dernières semaines sur les antibiotiques, le paracétamol ou les corticoïdes oraux. Nous agissons sur deux dimensions : assurer tout d'abord la sécurisation de l'approvisionnement du marché des médicaments - c'est la feuille de route que Catherine Vautrin, Roland Lescure et moi-même avons annoncée, avec une liste de 450 médicaments essentiels fixée l'été dernier ; assurer ensuite la plus grande transparence sur les stocks. La possibilité pour les pharmacies hospitalières de produire de l'amoxicilline rapidement sera une solution. (M. Bruno Belin s'exclame.) Nous cherchons des solutions aussi avec les industriels et les officines.

Le Président de la République a annoncé l'été dernier la relocalisation de la production de 25 médicaments essentiels sur le sol français. Une première unité de production de paracétamol est annoncée près de Toulouse et Sanofi investit à Lisieux. (M. Bruno Belin s'exclame à nouveau.)

Des actions menées à différents niveaux nous permettront donc de tourner la page de ces tensions, qui sont partagées en Europe et dans le monde.

Mme Émilienne Poumirol.  - Nous connaissons les mesures qui figurent dans votre feuille de route : aucune contrainte pour les Big Pharma mondialisées, dont les choix stratégiques - priorité aux productions à bas coût et aux thérapies innovantes au coût exorbitant - sont pourtant à l'origine des pénuries.

Face au délitement général de la santé en France, aucun investissement d'envergure n'est prévu. À quand une politique garantissant l'accès à la santé pour tous ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST ; Mme Sylviane Noël et M. Bruno Belin applaudissent également.)

Simplification de la vie des entreprises

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Marronnier de tous les gouvernements, la simplification de la vie des entreprises a été citée quinze fois dans votre discours de politique générale, monsieur le Premier ministre. Un véritable serpent de mer : souvenons-nous de Valéry Giscard d'Estaing qui voulait repousser « la marée blanche de la paperasse » ou d'Alain Peyrefitte et son « mal français »...

Depuis 1990, pas moins de quatre structures se sont succédé pour y remédier, mais si nous maîtrisons le diagnostic, le remède nous échappe. Comment sortir de cette cage d'acier ?

En changeant de méthode ! Le Sénat examinera mardi prochain une proposition de loi transpartisane rendant obligatoires les tests PME, afin de fermer le robinet des normes excessives. Plutôt qu'aux stocks, nous nous attaquons au flux, sur le modèle de certains de nos voisins, et en associant les entreprises.

J'ai déjà recueilli le soutien de plusieurs ministres ; reste le vôtre. Le Gouvernement soutiendra-t-il l'initiative du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Nous soutenons pleinement le principe d'un test PME, qui figurera dans le projet de loi de simplification qui vous sera présenté d'ici quelques semaines.

J'ai lu attentivement votre rapport sur la simplification. C'est vrai que c'est un marronnier et que les entreprises sont sceptiques. Je suis déterminé à aller au bout de la simplification, à supprimer 1 800 Cerfa, à simplifier le code de commerce qui pèse aujourd'hui un bon kilo, à faire appliquer le principe « dites le nous une fois » et à inverser la charge de la preuve pour les entreprises.

Nous nous inspirerons de votre rapport et de toutes les propositions. Ce texte de loi doit marquer le début d'une véritable révolution mentale afin de nous débarrasser des freins au développement des entreprises. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)

M. Olivier Rietmann.  - La simplification, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la font. Le Sénat la fait : il compte sur vous mardi prochain, merci d'être au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Circulation des méga-camions en France

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Parlement européen vient de voter en faveur des méga-camions : 60 tonnes et 25 mètres, contre 40 tonnes et 18 mètres pour les camions actuels.

L'un de mes maîtres en biologie, Jean-Marie Pelt, appelait à se méfier du gigantisme. Des nuisances sont effectivement à craindre pour les riverains, notamment dans les Hauts-de-France. Quid de l'adaptation des infrastructures et des coûts induits générés pour les collectivités territoriales ? Quid du non-sens écologique ? La logique du pacte vert devrait être plutôt de développer le ferroutage ou les voies d'eau comme le canal Seine-Nord. Quelle est la doctrine du Gouvernement en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du GEST ; Mme Catherine Belrhiti, M. Gilbert-Luc Devinaz et M. Éric Bocquet applaudissent également.)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports .  - Le Parlement européen a adopté hier un projet de révision de la directive Poids et dimensions des poids lourds qui ouvre la voie à ces méga-camions.

Premier argument en leur faveur : ce ne serait qu'une faculté offerte aux États membres. Deuxième argument : il s'agirait d'accompagner la croissance de demande de transport que les autres modes ne pourraient absorber. Troisième argument : ce serait un progrès environnemental, avec plus de marchandises transportées par moins de véhicules. Aucun ne nous a convaincus.

M. Yannick Jadot.  - Alors, qui l'a voté au Parlement européen ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Dire oui à ces méga-camions reviendrait à ruiner nos efforts en faveur du fret ferroviaire, dont nous voulons doubler la part modale, avec 300 millions d'euros pour le fonctionnement chaque année, et 4 milliards pour l'investissement.

Dire oui à ces méga-camions, ce serait renoncer aux objectifs de la stratégie nationale fluviale. Dans cette évolution, rien ne répond à nos attentes, que ce soit en matière de sécurité routière, de transition écologique comme de cadre de vie.

Nous continuerons notre exercice de conviction auprès de nos partenaires européens. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Sophie Primas.  - Mais vous l'avez voté !

M. Olivier Henno.  - C'est aussi une question d'équité : on vise la France laborieuse, on ne demande pas les mêmes efforts à tous, « selon que vous serez puissant ou misérable »... (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains)

Négociations sur l'approvisionnement en électricité

Mme Martine Berthet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les industriels qui négocient leur contrat d'électricité avec EDF après la fin de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) n'en peuvent plus d'attendre la réforme du marché de l'électricité : ils ont besoin de tarifs compétitifs face à leurs concurrents de Chine et d'Amérique du Nord, qui ne paient que 30 à 40 dollars le mégawattheure, contre le double en France. C'est encore plus vrai pour les hyper-électro-intensifs, pour qui l'électricité représente une matière première de base.

Un accord a été signé entre l'EDF et l'État, le 14 novembre 2023, mais nous n'avons aucune visibilité sur le futur texte de programmation pluriannuelle, présenté début janvier, puis retiré.

Il faut certes protéger EDF, mais pas au prix de la compétitivité mondiale des entreprises. Pour des contrats de long terme effectifs au 1er janvier 2026, on demande aux entreprises une avance en tête au 30 juin 2024, qui représente jusqu'au tiers de leur chiffre d'affaires. C'est inaccessible !

Nos industriels peuvent-ils compter sur le Gouvernement pour obtenir des contrats d'électricité compétitifs avant l'été ? Au moment du projet de loi de finances pour 2025, il sera trop tard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - La réponse est oui, madame la sénatrice. Nous devons garantir à nos industriels les prix les plus compétitifs en matière d'accès à l'électricité, tout en garantissant à EDF les moyens d'investir dans les énergies renouvelables comme dans le nucléaire.

Pour les TPE, grâce à la proposition de loi des députés Philippe Brun et Sébastien Jumel, le problème est réglé : toutes les entreprises de moins de onze salariés auront accès aux tarifs régulés. Il l'est aussi pour les hyper-électro-intensifs, comme en témoigne l'exemple d'ArcelorMittal à Dunkerque. J'ai bon espoir que la question se règle dans les semaines à venir pour les autres du même type.

Restent les énergo-intensifs. Nous avons trouvé un accord avec EDF pour la signature d'accords de long terme, supposant parfois des avances en tête. C'est à EDF à présent de les conclure. Nous avons demandé que l'ensemble des contrats concernant des entreprises énergo-intensives soient signés dans les semaines à venir. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Martine Berthet.  - Non, le sujet est loin d'être réglé. Or cela devient urgent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Directive sur les travailleurs ubérisés

M. Olivier Jacquin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après plus de deux ans de bataille, le Conseil de l'Union européenne a validé un compromis sur la base des propositions du socialiste Nicolas Schmit. Elle permettra aux travailleurs de plateformes de bénéficier de droits sociaux. (« Très bien ! » sur plusieurs travées du groupe SER)

C'est une défaite cinglante pour Uber et un camouflet pour Emmanuel Macron, qui a isolé la France, seul pays avec l'Allemagne à ne pas voter cette harmonisation sociale.

La France continuera-t-elle de s'y opposer ? Transposerez-vous la directive sans délai et sans la dénaturer, puisqu'elle sera de toute façon adoptée ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K et du GEST)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Je l'ai dit hier : depuis le premier jour, notre pays a joué le jeu de la négociation. Il s'agissait de prendre en compte la réalité de la relation de travail entre les travailleurs indépendants et la plateforme. (Murmures à gauche ; Mme Audrey Linkenheld et M. Bernard Jomier s'exclament.) Les faux indépendants doivent pouvoir demander leur requalification, mais les vrais doivent le rester.

Notre pays a construit avec succès un modèle social. Neuf accords collectifs ont été signés depuis 2022, améliorant par exemple les revenus des travailleurs. C'est pour cela que nous avons cherché à définir des critères plus clairs pour la présomption de salariat. D'ailleurs, la France n'était pas seule, avec l'Estonie, la Grèce, l'Allemagne. (Exclamations à gauche)

Dans le texte de ces dernières semaines, le régime est devenu flou, sans harmonisation européenne. Contrairement à certaines affirmations politiciennes, la France n'a pas voté contre le texte. J'ai dit hier à Nicolas Schmit que nous étions prêts à le soutenir, moyennant quelques clarifications. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Olivier Jacquin.  - La voix de la France n'est pas sérieuse !

Je travaille sur ce sujet depuis 2019 : 80 % des livreurs à Paris sont sans papiers ; seuls 4 % participent aux élections professionnelles ; ils gagnent moins de 5 euros de l'heure ! Comment pouvez-vous vanter le succès d'un tel modèle social ? Les livreurs à vélo ne sont pas des entrepreneurs, mais des indépendants fictifs que vous livrez au capitalisme le plus sordide. Vous continuez à défendre les plateformes.

Vous qui vous glorifiez de détenir seuls le flambeau européen, vous attentez à l'Europe sociale. La présomption de salariat n'est pas un gros mot, elle n'est que justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K et du GEST ; MM. Alain Cazabonne et Pierre-Antoine Levi applaudissent également.)

Investissements dans l'hydroélectricité

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique devrait régler le problème juridique des concessions hydroélectriques. Mais serait-il devenu l'arlésienne gouvernementale ? En effet, depuis 2020, chaque ministre me le promet. Or le Gouvernement, s'il explore des scénarios, n'en choisir visiblement aucun.

En février, vous déclariez repousser le texte à la fin 2024. Or le texte presse ! Les exploitants actuels ont de nombreux projets prêts à démarrer, comme dans la vallée de la Truyère ou le projet de station de transfert d'énergie par pompage (Step) de Montézic, dans l'Aveyron, d'une centrale de 430 mégawatts. Ce dernier représente 500 millions d'euros d'investissements et 300 ouvriers, et alimentera 300 000 personnes. Or la Cour des comptes note que la concrétisation des projets dépend du contentieux européen, et recommande un modèle de rémunération propre aux Step.

Il y a donc urgence : quand le Gouvernement réglera-t-il le problème ? Quand le projet de loi sera-t-il déposé au Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - J'entends vos remarques, mais cela fait plus de quinze ans que le problème n'est pas réglé : si la solution était si simple, d'autres l'auraient trouvée. Toutefois, je propose un calendrier : arriver d'ici la fin 2024 à une solution juridique sur la question des barrages hydroélectriques.

L'hydroélectrique représente 26 gigawatts de puissance installée, et les Step 2 gigawatts de plus, disponibles rapidement. Or aujourd'hui, la seule solution juridique européenne, c'est la mise en concurrence de 447 barrages ! (M. Yannick Jadot proteste.) Cette option n'en est une ni pour vous ni pour moi.

Mais tant que le contentieux demeure, personne ne veut mettre un euro. Je vous invite à participer à nos travaux, monsieur Anglars, pour trouver une solution. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Jean-Claude Anglars.  - Merci pour votre réponse. Je participerai à ces travaux, car je crois au développement de cette énergie dans la vallée de la Truyère. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Couverture téléphonique des territoires

M. Bernard Pillefer .  - En janvier 2018, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) annonçait avec le Gouvernement les engagements des opérateurs de téléphonie mobile pour couvrir l'ensemble du territoire national et éliminer les zones blanches. Ce New Deal mobile prendra fin en 2025. J'en salue l'efficacité, notamment en milieu rural, par exemple en Loir-et-Cher.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Merci Julien Denormandie !

M. Bernard Pillefer.  - Mais les zones grises restent trop nombreuses : dans le Loir-et-Cher, plusieurs milliers de personnes ne sont couvertes que par un seul opérateur. Pourtant, les besoins sont réels pour les entreprises, les élus, les services d'aide à la personne...

Nous ne pouvons plus tolérer une telle fracture numérique dans nos territoires ! Qu'entend faire le Gouvernement pour éliminer les zones grises et assurer une couverture mobile optimale pour tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - Marina Ferrari est auditionnée par l'Assemblée nationale.

En 2018, Julien Denormandie, Jacqueline Gourault, Cédric O...

M. François Bonhomme.  - Comment vont-ils ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - ... ont tous oeuvré à la mise en place de ce New Deal, bel exemple de coopération entre l'État, les opérateurs et les collectivités locales. C'est suffisamment rare pour que cela mérite d'être souligné !

Le dispositif tient toutes ses promesses : la part du territoire en zone blanche est passée de 11 à 1,9 % et plus de 99 % de la population est couverte par la 4G. Les territoires ruraux ont bénéficié du déploiement de 67 % des sites mobiles. Ainsi, 92 % du territoire du Loir-et-Cher est couvert par quatre opérateurs, avec 31 sites, dont 19 pylônes.

Le Gouvernement a privilégié des équipes projet locales : préfectures, présidents d'EPCI, associations de collectivités locales. Le New Deal mobile comprend aussi la couverture des axes ferroviaires et routiers d'ici à 2030. Cette politique, d'une importance capitale, demeure une priorité du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Bernard Pillefer.  - Il faudra s'interroger aussi sur le très haut débit pour tous, habitats isolés compris. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 30.