SÉANCE

du mercredi 27 mars 2024

77e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Mathieu Darnaud, vice-président

Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Annonces budgétaires relatives aux collectivités territoriales

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Après un PLF imposé par 49.3, l'annonce de 10 milliards d'euros d'économies sans passer devant le Parlement, le Président de la République et le ministre de l'économie ont les collectivités territoriales dans le viseur. Certains craignent le retour des contrats de Cahors.

Or, depuis deux ans, les collectivités subissent la hausse des coûts de l'énergie et des matériaux, l'envolée des taux d'intérêt, la hausse du point d'indice des fonctionnaires. Leurs budgets sont contraints et leurs marges de manoeuvre sur les recettes sont plus que restreintes, à la différence de l'État.

Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous de considérer les collectivités territoriales comme un supplétif aux difficultés financières de l'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du RDSE ainsi que des groupes SER et Les Républicains)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Je suis moi-même élu local depuis dix ans dans ma commune. (Murmures sur les travées du groupe SER)

J'ai toujours refusé d'opposer l'État aux collectivités territoriales, car je connais le très grand esprit de responsabilité des élus locaux.

Nous sommes tous dans le même bateau : l'examen de la dépense publique concerne toutes les administrations publiques.

Nous voulons limiter la hausse des taux d'intérêt, non seulement pour éviter que la charge de la dette soit trop importante pour l'État, mais aussi pour protéger les capacités d'investissement des collectivités. Nous avons tous un impératif de sérieux budgétaire.

Ensuite, regardez factuellement les chiffres de l'Insee sur l'exécution budgétaire pour l'année 2023 : le ralentissement économique européen se traduit par une diminution des recettes - le phénomène est moins marqué en France que chez nos voisins, car l'économie française résiste mieux.

En 2023, le besoin de financement des collectivités territoriales a été plus important, car les recettes ont chuté et les dépenses ont augmenté plus vite que l'inflation.

Je crois à l'esprit de responsabilité collectif. J'ai demandé à mon gouvernement de réunir les associations d'élus pour avancer tous ensemble dans un esprit de responsabilité. Ce sera chose faite le 9 avril prochain.

Nul besoin d'agiter l'épouvantail des contrats de Cahors. L'enjeu est plutôt le suivant : comment prendre acte collectivement d'une dégradation économique qui a entraîné des difficultés budgétaires en 2023, et comment y répondre collectivement ?

Madame Cukierman, quelques faits. Vous parlez de supplétifs. Mais, à l'initiative du Président de la République et du Gouvernement, nous avons inversé la courbe de la DGF, qui a augmenté pour la première fois depuis treize ans. (Murmures sur les travées du groupe SER ; M. Pascal Savoldelli se gausse.)

M. Hervé Gillé.  - Et l'inflation ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Nous avons compensé à l'euro près les réformes des finances locales.

M. Jean-François Husson.  - On en reparlera !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - La Cour des comptes montre que cette compensation a été plus importante que prévu - 6 milliards d'euros. Nous avons soutenu les collectivités à hauteur de 10 milliards d'euros lors de la crise sanitaire, et à hauteur de 2 milliards d'euros pour les aider à faire face à la hausse des factures d'énergie.

En 2024, l'accompagnement de l'État ne faiblira pas. Il versera 60 milliards d'euros aux collectivités territoriales. C'est le deuxième poste de dépenses de l'État après l'éducation nationale.

Nous sommes évidemment au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Cécile Cukierman.  - Il ne s'agit pas d'opposer l'État et les collectivités territoriales, car tous deux obéissent à des logiques comptables totalement différentes. L'État a le choix des recettes. Vous décidez de tailler dans les dépenses des ministères : cela traduit une politique.

Mais, à l'heure où elles bouclent leur budget, les collectivités doivent pallier les défaillances de l'État, notamment en matière de santé et de sécurité ; mais elles n'ont pas la même liberté de choix que l'État !

Voilà pourquoi vous en faites les supplétifs de vos difficultés financières ! (Applaudissements à gauche et sur plusieurs travées du RDSE et du groupe Les Républicains)

Finances publiques (I)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'Insee a dévoilé hier l'ampleur du déficit de 2023, qui s'élève à 5,5 % du PIB. Selon le Premier président de la Cour des comptes, c'est un déficit très important et « très, très rare ».

M. Olivier Paccaud.  - Historique !

M. Vincent Capo-Canellas.  - Quand avez-vous été alerté, monsieur le ministre, et pourquoi ne pas avoir apporté des corrections ?

Vous avez annoncé 10 milliards d'euros de réductions de dépenses par voie réglementaire. Nous aurions voulu que le Parlement soit saisi. Nous entendons parler de 20 milliards d'euros désormais, voire même de 30 milliards d'euros. Quel est le bon chiffre ? Quelle est votre appréciation ? Quels remèdes proposez-vous ?

Nous partageons l'objectif de l'augmentation du taux d'emploi, mais c'est un remède de court terme. La réforme de l'assurance chômage serait dans les tuyaux ; nous aimerions obtenir des informations, mais nous en saurons sans doute plus ce soir à 20 heures... En tout cas, cela n'aura pas d'effet immédiat.

Dès lors, quelles solutions reste-t-il ? L'augmentation des impôts ? Il peut y avoir des contributions ciblées sur les secteurs de l'économie qui ont profité de la crise. La question du rythme de la suppression de la CVAE peut se poser.

Comment tenir l'objectif de 3 % en 2027 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (« Ah ! » sur plusieurs travées) L'accueil du Sénat est toujours aussi chaleureux... (Sourires)

Nos prévisions n'ont sans doute pas été bonnes, mais personne ne les avait contestées. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; sourires à gauche)

M. Olivier Paccaud.  - Vos services !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Lorsque nous avons présenté nos prévisions de croissance et de recettes en août, le Premier président de la Cour des comptes a présenté les conclusions du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), comme il est d'usage : dans un avis du 22 septembre 2023, le Haut Conseil estime que les prévisions du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires (PO) étaient plausibles.

M. Olivier Paccaud.  - Assumez !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - C'est surtout l'inflation, sans précédent depuis les années 1970, qui a eu un effet sur nos prévisions.

Je confirme ma détermination totale à revenir sous les 3 % du déficit public en 2027. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. François Bonhomme.  - Encore heureux !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Pour y parvenir, au-delà des 10 milliards d'euros d'économies pour 2024, qui s'ajoutent aux 8 milliards d'euros de décembre 2023, nous devrons en prévoir d'autres ; je ne peux pas vous les communiquer aujourd'hui, car nous ne disposons pas de tous les éléments. Mais des réformes structurelles seront indispensables.

Nous voulons une société du travail, une société de la responsabilité et une société de l'innovation.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - C'est ce à quoi doivent répondre nos objectifs de dépense publique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Violences sexistes et sexuelles dans l'armée

M. Grégory Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Il y a quelques jours, à Versailles, le Gouvernement parlait des droits de femmes.

Il y a quelques jours, Le Courrier de l'Ouest et Le Monde relataient l'histoire de Manon Dubois, Angevine victime d'agressions sexuelles ; quoique condamné par la justice, l'auteur est toujours dans l'armée ; la victime ne l'est plus, poussée à la démission par ses supérieurs.

La moitié des femmes quittent nos armées avant la fin de leur carrière, alors même que la grande muette peine à recruter. Ces problèmes ne sont pas isolés, mais systémiques, comme le rappelle la capitaine Laetitia Saint-Paul.

La cellule Thémis ne compte que quatre personnes pour 270 000 agents. Comptez-vous la faire évoluer ?

L'inscription au casier judiciaire n'empêche pas le déroulement de carrière. Un agresseur reconnu coupable peut-il perdurer au sein de l'armée de la République ?

Pourquoi le ministre des armées laisse-t-il sans réponse les demandes de la Défenseure des droits ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K, du RDPI et du RDSE)

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Face aux violences sexuelles et sexistes (VSS), nous nous tenons aux côtés des victimes. Il ne faut aucun tabou sur ce sujet, ni dans les armées ni ailleurs. Porter l'uniforme donne plus de devoirs que de droits.

Mais les dérives existent, elles sont inacceptables et doivent être traitées avec la plus grande sévérité.

Hier, le ministre des armées a signé une instruction ministérielle rappelant les outils à disposition de chacun et les démarches à suivre (M. Yannick Jadot ouvre les bras en guise de protestation) : écouter la victime, s'assurer qu'elle n'est plus en contact avec son agresseur signalé. La cellule de signalement Thémis existe. J'invite toutes les personnes concernées à s'en saisir.

M. Grégory Blanc et M. Hussein Bourgi.  - Elle n'a que quatre agents ! (M. Grégory Blanc montre quatre doigts ; Mme Antoinette Guhl également.)

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État.  - Le commandement doit être irréprochable. En cas de suspicion de viol ou d'agression sexuelle, des mesures doivent être prises lorsque le caractère de vraisemblance est établi : des sanctions disciplinaires, notamment.

Qu'il y ait eu plainte ou non, le commandement doit saisir le procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Pour le ministre et pour nous tous, c'est tolérance zéro.

M. Hussein Bourgi.  - Virez les coupables !

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État.  - C'est une priorité du Gouvernement. (M. Yannick Jadot continue d'écarter les bras.)

M. Grégory Blanc.  - Depuis dix ans, le ministère prend des mesures. Mais entre les annonces et les faits, il y a un océan.

Il y a un #MeToo des armées. Dites à vos généraux qu'ils doivent être du bon côté de l'histoire pour protéger l'institution. Car le mouvement les dépassera, comme il l'a fait dans tous les autres secteurs. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K et sur quelques travées du RDSE)

Narcotrafic

M. Étienne Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le garde des sceaux, avez-vous convoqué mardi dernier des magistrats du siège et du parquet que nous avions entendus dans notre commission d'enquête sur le narcotrafic ?

Vous leur auriez reproché d'avoir déclaré que nous étions en train de perdre la guerre contre le narcotrafic ; le confirmez-vous ? Leur avez-vous reproché de faire prospérer le RN ?

Monsieur le garde des sceaux, pourquoi cette convocation ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur quelques travées du groupe SER ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Monsieur le sénateur, sur Europe 1, vous avez déjà indiqué que j'aurais violé la séparation des pouvoirs (M. Laurent Burgoa s'exclame.), alors que je dois prochainement être entendu par votre commission d'enquête. Vous avez un sens particulier du contradictoire.

Cette réunion a eu lieu à huis clos, et sauf erreur de ma part, vous n'étiez pas présent : on vous a rapporté des propos.

M. Étienne Blanc.  - Il fallait m'inviter !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je n'avais aucune raison de le faire.

Vous jetez la suspicion sur des policiers, des magistrats, des greffiers, des cabinets d'instruction et des avocats. (Mme Frédérique Puissat secoue la tête.) Il n'y a aucune procédure vis-à-vis des greffiers et des juges d'instruction. J'ai dit au magistrat qui a tenu ces propos qu'il avait de la chance que les greffiers ne se soient pas mis en grève.

Si l'une des magistrates avait quelque chose à reprocher à un avocat, elle pouvait très bien saisir le procureur de la République.

Les magistrats sont libres de leur parole, mais le ministre aussi ! Je suis chargé du bon fonctionnement du service public de la justice. Je ne retire rien de mes propos.

Je ne suis ni boucher ni charcutier, monsieur le sénateur. J'ai tenu les propos qu'un garde des sceaux responsable peut tenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

À la suite des moyens considérables envoyés à Marseille - soit l'équivalent du nombre de magistrats, de greffiers et de contractuels du tribunal de Rouen  - , j'ai exprimé l'idée suivante : lorsque l'on dit qu'une guerre est perdue, on la perd. (M. Michel Savin frappe son pupitre.)

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Quand on respecte les magistrats, on ne fait pas ce que vous avez fait en taillant dans la fonction publique (marques d'impatience sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) et en en diminuant le nombre de magistrats. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. Étienne Blanc.  - Quand le Gouvernement convoque des magistrats du siège, il viole délibérément le principe de séparation des pouvoirs.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Pas du tout !

M. Étienne Blanc.  - Quand le garde des sceaux convoque des témoins que la commission d'enquête a entendus sous serment, que leur demandez-vous ? De se parjurer ? C'est de la subornation de témoins ! (Exclamations sur plusieurs travées)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est lunaire !

M. Étienne Blanc.  - Ces magistrats nous ont dit qu'ils rencontraient d'énormes difficultés à Marseille et qu'ils subissaient une vague sans précédent à laquelle ils ne pouvaient faire face. (L'orateur appuie son propos d'un geste de la main.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ne me pointez pas du doigt, monsieur le sénateur ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Albéric de Montgolfier.  - C'est lui qui a la parole !

M. Étienne Blanc.  - Cela vous déplaît que je vous apostrophe, mais vous êtes là pour me répondre ; ce sera la même chose lorsque vous serez entendu par la commission d'enquête.

Dans les prisons, placées sous votre responsabilité, les trafiquants peuvent même commanditer des crimes. Voilà pourquoi le Sénat a créé cette commission d'enquête qui vous déplaît profondément.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je n'ai pas encore été entendu.

M. Étienne Blanc.  - Le Sénat poursuivra son travail pour informer les Français de l'ampleur du narcotrafic. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est scandaleux, je n'ai pas encore été entendu par votre commission d'enquête ! Un peu de respect !

Baisse des émissions de gaz à effet de serre

Mme Samantha Cazebonne .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La semaine dernière, le Citepa (Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique) annonçait une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 4,8 % l'année dernière : un résultant record qui récompense les efforts de chacun.

Cette baisse est surtout le résultat d'une politique de long terme qui commence à porter ses fruits, avec notamment la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et le plan France 2030. Les résultats de l'an dernier sont même meilleurs qu'en 2020, année de la crise sanitaire.

En une seule année, cette baisse équivaut à celle enregistrée entre 2012 et 2017. Les Français produisent désormais 7 % d'émissions de carbone en moins par rapport à la moyenne mondiale. C'est une très bonne nouvelle pour nos objectifs de décarbonation.

Cette baisse vaut pour tous les secteurs, y compris l'alimentation ; je suis très fière de promouvoir depuis plusieurs années la consommation de protéines végétales.

Il faut continuer sur cette bonne dynamique, pour que 2023 ne soit pas une exception. Comment pourrons-nous rester sur la même trajectoire en 2024 ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le Citepa a publié ses chiffres pour 2023. Cette étude indépendante a montré que notre pays tenait le rythme. La baisse de 4,8 % représente un doublement par rapport à l'année précédente.

La bonne nouvelle, c'est que tous les secteurs sont en baisse, y compris le transport - même si c'est seulement de 2 %.

Cette réalité, nous la devons à l'action de tous : collectivités territoriales, citoyens, entreprises.

Comment poursuivre ? Grâce à la planification écologique, promue par Élisabeth Borne et portée désormais par Gabriel Attal.

Je me réjouis que les crédits soient en hausse de 7 milliards d'euros par rapport à l'année dernière, après les coupes budgétaires. Le fonds vert augmente lui aussi, de même que les crédits consacrés à la rénovation énergétique, en hausse de 600 millions d'euros.

L'année 2023 sera un tremplin nous permettant d'amplifier la dynamique. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Déploiement des soins palliatifs

Mme Corinne Bourcier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Élisabeth Doineau et M. Jean-François Longeot applaudissent également.) Le ministre Frédéric Valletoux a rappelé que la stratégie de déploiement des soins palliatifs visait à doter les vingt et un départements qui en sont toujours dépourvus avant le terme du débat sur la fin de vie.

Nous nous en réjouissons, car les services de soins palliatifs accomplissent un travail extraordinaire auprès des patients, mais aussi de leurs familles. La prise en charge de la douleur est fondamentale, car elle est en lien étroit avec un éventuel souhait de recourir à l'aide à mourir.

Pour le moment, seule l'Assemblée nationale sait quand elle examinera le projet de loi sur la fin de vie ; notre chambre ignore si elle en débattra en juin, à la rentrée ou même plus tard. Quel est donc le calendrier pour le déploiement des soins palliatifs ?

D'autre part, sur quel personnel comptez-vous ? La seule unité publique de soins palliatifs des Yvelines vient de fermer, par manque de personnel. Quelque 150 postes sont vacants dans les services existants, et un quart des médecins quitteront leur fonction d'ici cinq ans. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Olivier Henno et Olivier Bitz applaudissent également.)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Oui, nous devons travailler à une meilleure prise en charge de la douleur, dans une logique de continuum - chacun peut être victime d'une douleur, à la suite d'une opération par exemple. C'est le sens du rapport élaboré par le professeur Franck Chauvin sur notre stratégie en matière de soins d'accompagnement, notamment de soins palliatifs.

Bien sûr, structurer une filière ne se fera pas du jour au lendemain. Nous commençons par mettre en place une nouvelle filière médicale - j'y travaille avec Sylvie Retailleau, en nommant des professeurs d'université, des chefs de clinique et des assistants chefs de clinique. Celles et ceux d'entre vous qui sont médecins le savent bien : aujourd'hui, la formation aux soins palliatifs ne représente pas plus que quelques heures dans un cursus de dix ans. C'est l'ensemble des soignants qu'il faudra former, en formation initiale et continue.

En matière d'équipements, vingt départements restent à doter, car nous venons d'équiper la Corrèze. Nous travaillons sur vingt-trois équipes régionales, une unité par département et des unités mobiles. À Houdan, un médecin prendra ses fonctions en avril, un autre en septembre. (Applaudissements sur certaines travées du RDPI et du groupe INDEP)

Plan d'urgence pour l'école publique en Seine-Saint-Denis

M. Ahmed Laouedj .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'école, qui devait symboliser l'égalité des chances, est en proie à une crise sans précédent. En Seine-Saint-Denis, enseignants, parents et élus se mobilisent pour un plan d'urgence dans notre département, où les classes sont surchargées, les enseignants épuisés et où les locaux se dégradent.

Le Gouvernement répond par le choc des savoirs, qui fera de l'école un lieu de tri et d'exclusion, et des économies. Comment peut-il prétendre faire de l'école une priorité tout en réduisant son budget ? Sa politique met en péril le recrutement des enseignants et risque de creuser les inégalités. Combien de fois faudra-t-il rappeler que l'éducation n'est pas un coût, mais un investissement ?

Depuis un mois, nous luttons pour que chaque enfant ait accès à une éducation de qualité. La Seine-Saint-Denis n'est pas le seul département où la situation est critique, et les syndicats d'enseignants appellent à une grève nationale le 2 avril.

Allez-vous mettre en place un plan d'urgence pour l'école publique en Seine-Saint-Denis ? Comptez-vous recevoir une délégation de sénateurs du département ? Nous croyons que l'éducation peut changer des vies et transformer la société, pour un avenir meilleur ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, sur de nombreuses travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Vous avez raison : l'école est un investissement.

Je suis très attentive aux préoccupations des élus et des personnels de Seine-Saint-Denis. Les représentants syndicaux ont été reçus par le directeur académique, la rectrice de Créteil et mon cabinet. Je recevrai moi-même les députés du département : puisque vous le sollicitez, je vous écouterai aussi avec grande attention. En ce qui concerne les locaux, je me suis entretenue avec M. Troussel et Mme Pécresse.

S'il reste du chemin à parcourir, beaucoup a déjà été fait. En Seine-Saint-Denis notamment, l'investissement pour l'école a été massif. (M. Ahmed Laouedj est dubitatif.)

M. Fabien Gay.  - Sérieusement ?

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Pour l'éducation prioritaire, les classes de grandes sections, CP et CE1 ont été dédoublées. Dans votre département, pas moins de six classes de l'enseignement primaire sur dix bénéficient de ce régime. Entre 2017 et 2022, nous y avons créé plus de 1 500 postes. Les taux d'encadrement sont inférieurs aux moyennes nationales - au collège, un peu plus de 23 élèves par division, contre 25 dans l'ensemble du pays.

Une prime de 200 euros mensuels est accordée à tous les agents publics du département, à qui une prime de fidélisation de 12 000 euros est également versée au bout de cinq ans. Dans le cadre du plan « Un État plus fort en Seine-Saint-Denis », 2 millions d'euros bénéficieront à la rénovation des écoles. (Marques d'impatience à droite)

M. le président. Il faut conclure.

Mme Nicole Belloubet, ministre. - La carte scolaire a aussi été améliorée. Bref, nous agissons ! (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Finances publiques (II)

M. Claude Raynal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.) Si j'osais...

Une voix à droite. - Osons !

M. Claude Raynal.  - ... je dirais que, depuis 2022, nous vivons une époque formidable. (Marques d'ironie sur diverses travées)

Par la magie du 49.3, le Parlement ne peut plus peser sur les équilibres budgétaires. Au moins aurait-on pu espérer que le Gouvernement, maîtrisant de bout en bout l'exercice budgétaire, tiendrait les finances du pays, d'autant qu'il en avait pris l'engagement auprès des Français et de nos partenaires européens.

Mais les faits sont là : le déficit pour 2023, attendu à 4,9 %, sera de 5,5 % ; la prévision de croissance pour 2024 a été ramenée de 1,4 à 1 %, mais la réalité devrait être plus proche de 0,7 %.

Souvenons-nous : en décembre dernier, nous devions voter la loi de programmation des finances publiques sans délai. Trois mois plus tard, elle est totalement caduque. Pour cette année, l'impasse budgétaire n'est pas de 10 milliards d'euros, mais de 30 milliards !

Trois textes financiers ont été présentés avec une belle assurance, mais la France retombe dans la procédure pour déficit excessif, dont elle était sortie grâce au travail de vos prédécesseurs, et le risque de dégradation de sa note financière est, hélas, amplifié. C'est bien ce que je disais : une époque formidable...

Une révision de la loi de programmation s'impose pour retrouver un peu de crédibilité, et les coups de rabot n'ont aucun sens. Allez-vous rouvrir avec le Parlement le budget dans son ensemble, en dépenses comme en recettes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Mon prédécesseur en 2017, lorsque nous sommes sortis de la procédure pour déficit excessif, c'est moi. (M. Martin Lévrier applaudit ; on se gausse sur de nombreuses travées.)

M. Fabien Genet.  - Le déficit, c'est moi !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - De 2017 à 2019, nous avons rétabli les comptes publics. (L'ironie redouble.) C'est un fait : nous sommes revenus sous les 3 %. Puis sont venues la crise du covid et celle de l'inflation ; nous avons fait face, avec le soutien de nombre d'entre vous.

Nos comptes publics doivent être à nouveau rétablis. Je confirme mon objectif : revenir sous les 3 % de déficit public en 2027.

M. Jean-François Husson.  - Impossible !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Oui, des efforts supplémentaires seront nécessaires, puisqu'il faudra faire en trois ans ce que nous envisagions de faire en quatre. Nous avons commencé à agir, avec 10 milliards d'euros de réductions de dépenses.

Je suis évidemment ouvert à la discussion. (Marques d'ironie sur diverses travées) Je sais que vous participerez à la réunion prévue demain au ministère des finances : je salue votre esprit constructif et républicain, que d'autres dans cette assemblée ne partagent pas, puisqu'ils refusent de participer à la discussion.

M. Jean-François Husson.  - Commencez par venir un peu plus souvent au Sénat ! Un peu de respect !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous atteindrons nos objectifs par des réductions de dépenses et par le maintien de la croissance.

Notre prévision de croissance pour 2023 a été la plus exacte de toutes celles qui ont été présentées. Quant à la prévision pour 2024, elle a été révisée dans tous les pays européens, du fait du choc géopolitique et du ralentissement de la Chine - l'Allemagne a abaissé la sienne de 1,3 à 0,2 %.

M. le président. - Il faut conclure.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je suis convaincu que, en 2024 et surtout en 2025 et 2026, nous aurons une croissance solide. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI ; exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Claude Raynal.  - Il suffit d'y croire... (Rires sur de nombreuses travées) À ce niveau de correction budgétaire, on dépasse les enjeux financiers : nous avons besoin d'un débat sur les priorités de notre société. C'est pourquoi notre groupe a demandé un débat au titre de l'article 50-1 de la Constitution.

M. Patrick Kanner.  - Pas de réponse !

M. Claude Raynal.  - La réponse, nous l'attendons toujours... (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées des groupes CRCE-K et Les Républicains)

Finances publiques (III)

M. Antoine Lefèvre .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La rumeur qui bruissait vient donc d'être confirmée par l'Insee, et la situation fait froid dans le dos : notre déficit public pour 2023 est de 0,6 point supérieur à la prévision, atteignant le creux vertigineux de 5,5 % du PIB. Nos finances sont parmi les plus dégradées de la zone euro, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport annuel.

Le Sénat a tenté, lors de l'examen du projet de loi de finances, de dégager 7 milliards d'euros d'économies. Hélas, pas une de nos propositions n'a été retenue. Comprenez notre agacement lorsque, après cinquante jours d'exécution du budget, vous consentiez enfin à retirer vos oeillères et décidiez de sabrer 10 milliards d'euros, en évitant soigneusement de consulter le Parlement.

Le rapporteur général Jean-François Husson, qui a procédé à un contrôle sur pièces et sur place à votre ministère, a fait remarquer que ce niveau de déficit est inédit sous la Ve République, hors crises et récessions.

Monsieur le ministre, vous qui êtes amateur de littérature et même auteur à vos heures perdues (Marques d'ironie), vous devriez méditer Montaigne : « L'obstination et ardeur d'opinion est la plus sûre preuve de bêtise. » (Sourires)

Vous avez été alertés par le président du Sénat, notre rapporteur général, le président de la commission des finances et l'ensemble des groupes politiques du Sénat. Le Haut Conseil des finances publiques a mis en doute votre prévision de croissance. Quand allez-vous sortir de votre déni mortifère ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - « Quand on me critique, on éveille mon attention, non pas ma colère », disait aussi Montaigne. Vous avez donc éveillé mon attention. (On ironise à droite.)

M. Pascal Savoldelli.  - Il était temps !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Notre problème national de finances publiques remonte à des décennies. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Il résulte de notre propension à la dépense publique, bien partagée.

À la sortie du covid, le rapporteur général m'écrivait pour demander la remise en place de dispositifs de soutien. Des courriers comme le sien, je n'en reçois pas des dizaines ou des centaines, mais des milliers, de tous les groupes. J'en reçois très peu proposant des réductions de dépenses... (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson - Nous vous avons proposé des milliards d'économies !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Pour sortir de cette addiction à la dépense, nous devons faire des choix. Je vous invite à participer à la réunion de demain pour en discuter, car, comme l'a dit le président Raynal, il s'agit de la société que nous voulons. Le choix du Gouvernement est clair : une société du travail, de la responsabilité et de l'innovation. (Applaudissements sur certaines travées du RDPI)

M. Antoine Lefèvre.  - Une fois de plus, les élus locaux seront désignés comme les boucs émissaires de votre mauvaise gestion. Puisque nous aimons les citations, je rappelle à votre mémoire celle-ci, de Pierre Mendès France : « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Planification écologique

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le Premier ministre, peu de temps après votre nomination, vous avez dit vouloir restreindre sensiblement la politique de transition écologique planifiée par Mme Borne et le secrétariat général à la planification écologique. Cette politique est pourtant la carte et la boussole dont la France se dote pour atteindre les objectifs climatiques et environnementaux pris dans le cadre européen et mondial.

Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz évalue les investissements nécessaires à 66 milliards d'euros à l'horizon 2030. Comment les atteindrez-vous, dans un contexte de dégradation des finances publiques, de difficultés économiques, de difficultés sociales préoccupantes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - À aucun moment, le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, n'a renoncé à la planification écologique. (M. Gabriel Attal le confirme.)

Il l'a même reprise sous sa responsabilité, comme il l'a récemment redit aux ONG. La seule année 2023 a vu autant de réduction d'émissions de gaz à effet de serre qu'entre 2012 et 2017 ; une partie de ceux qui nous donnent des leçons aujourd'hui ont fait moins bien quand ils étaient aux responsabilités... (Protestations sur les travées du groupe SER)

Le rapport Pisani-Ferry ne dit pas que l'État doit trouver 66 milliards d'euros par an.

M. Franck Montaugé.  - La moitié !

M. Christophe Béchu, ministre.  - La part des investissements publics nécessaires est de 30 milliards d'euros, dont une part relève des collectivités.

Malgré le contexte, les crédits pour la transition écologique progressent de 7 milliards d'euros. En un an et demi, les crédits du fonds vert pour les collectivités territoriales ont doublé. (M. Bruno Belin proteste.) Voilà la réalité. Le reste, c'est de la politique. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Emmanuel Capus et Raphaël Daubet applaudissent également.)

M. Franck Montaugé.  - Une somme d'approximations ne fait pas une vérité. Si ces investissements ne sont pas faits maintenant, cela coûtera beaucoup plus cher à la Nation avec une efficacité moindre et les Français en souffriront. En 2017, vous chantiez les louanges d'un monde nouveau ; sept ans plus tard, vous tournez le dos à une France résiliente et vous poursuivez le saccage de l'État providence, alors que nous n'arriverons à rien sans justice sociale.

Au-delà des insipides éléments de langage répétés ad nauseam (protestations sur les travées du RDPI et au banc du Gouvernement), nous avons besoin d'une vision progressiste. (Mme Audrey Linkenheld renchérit.)

Le Président de la République est aussi attendu là-dessus. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Déplacement de migrants vers Orléans

M. Hugues Saury .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À Orléans, la rumeur enfle que des SDF, dont beaucoup de migrants, seraient amenés de Paris par autocar vers des villes comme Strasbourg, Angers ou Orléans pour faire place nette avant les jeux Olympiques.

Malgré ses demandes répétées, le maire d'Orléans n'obtient pas de réponse ; il est inacceptable qu'un maire apprenne cela par voie de presse. Comme toujours c'est aux élus locaux de gérer la situation.

À Orléans, chaque autocar amène entre 35 et 50 personnes - 500 seraient arrivées depuis mai 2023. Installées dans des hôtels pendant deux ou trois semaines, elles demandent ensuite l'asile, ou s'évaporent dans la nature.

Il est inacceptable de traiter ainsi ces personnes qui n'ont pas d'attache dans ces villes. Le confirmez-vous ? Comment justifiez-vous un tel dédain pour les élus locaux et la personne humaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement .  - Chaque année, l'État consacre 3 milliards d'euros à l'hébergement d'urgence pour financer 200 000 places, dont 100 000 en Île-de-France. Malgré ces efforts, les hébergements franciliens sont saturés. En mars 2023, le Gouvernement a fait le choix d'une politique de desserrement en envoyant les volontaires dans dix sas régionaux.

Ce sont 3 800 personnes qui ont ainsi été transportées en un an, dont 519 à Orléans. Quelque 50 personnes au maximum sont accueillies pour trois semaines et se voient proposer une palette de solutions : intermédiation locative, pension de famille, résidence sociale...

Cette politique est totalement décorrélée des jeux Olympiques et se poursuivra ensuite, en raison de la pression très forte en Île-de-France.

Le maire d'Olivet et le maire d'Orléans ont été prévenus. (M. Hugues Saury fait signe que non.) Ce dernier s'est entretenu avec la préfète du Loiret le 14 février. Il n'y a rien à cacher. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Hugues Saury.  - La coïncidence avec les jeux Olympiques est tout de même troublante.

Le manque de transparence est un aveu d'impuissance. Je note tout de même que les désordres engendrés par les SDF ne sont pas acceptables pour les touristes, mais sont tolérés pour les riverains parisiens... J'y vois le résultat d'une politique migratoire défaillante. (« Bravos ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Sort des petits commissariats vidés pour les JO

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Alors que la France s'apprête à accueillir les JOP en 2024, une question de sécurité cruciale se pose. On ne peut que se féliciter de l'ampleur des dispositifs prévus - 30 000 policiers et gendarmes mobilisés chaque jour et le récent passage au niveau urgence attentat. Le repositionnement stratégique des forces de l'ordre permet une flexibilité accrue, mais qu'en est-il de la sécurité des villes de province, qui pourraient être vulnérables, notamment aux émeutes urbaines ?

Quelles mesures de sécurité le Gouvernement entend-il mettre en place pour remédier à ce déséquilibre et répondre aux urgences locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Les JOP d'été sont le plus grand évènement mondial que peut organiser un pays ; pour la France, cela n'a lieu qu'une fois par siècle ! L'organisation de la cérémonie d'ouverture en dehors d'un stade est aussi une première historique.

C'est pourquoi nous organisons le déploiement des forces de l'ordre de manière exceptionnelle, non seulement à Paris et en petite couronne, mais aussi en Polynésie française, à Châteauroux, Lille, Nantes, Marseille et Lyon, sans parler des nombreuses fan-zones. Les festivals d'été et l'arrivée du Tour de France à Nice devront aussi être sécurisés - comme le 14 juillet, qui coïncide avec la finale de l'Euro en Allemagne. Espérons que la France y sera !

M. Jean-François Husson.  - Et gagne !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Pas moins de onze unités de forces mobiles sont constituées et 8 000 policiers et gendarmes supplémentaires sont prévus. Entre mi-juin et fin août, ces fonctionnaires ne pourront prendre que dix jours de congé, et nous refusons tous les congés entre mi-juillet et début août.

Ceux que nous enverrons à Paris ou ailleurs seront compensés sur place par ceux qui ne seront pas en congé. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Pierre-Antoine Levi.  - Merci pour votre réponse qui devrait rassurer les élus locaux. La préparation des Jeux ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des citoyens présents sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)

Financement des associations d'aide aux migrants

Mme Marie-Carole Ciuntu .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Parmi les vingt associations les plus subventionnées par l'État au titre de la mission « Asile et immigration », l'association Coallia occupe la première place. Or elle fait l'objet d'un rapport préoccupant de la Cour des comptes : elle a frôlé le dépôt de bilan en 2017 et ne maîtrise pas sa croissance, au point de ne pas savoir qui elle accueille dans ses centres ni dans quelles conditions. Aucune procédure ne permet de remonter les problèmes.

Le rapport est emblématique. Quand exercerez-vous votre contrôle sur les associations intervenant dans le domaine de l'immigration ? Quand arrêterez-vous cette fuite en avant ? L'État indifférent s'en remet par facilité à des associations qui répondent tant bien que mal, voire au coup par coup, faute de direction précise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - En l'absence de Sabrina Agresti-Roubache, je me permets de répondre. L'État finance des associations qui travaillent pour le ministère de l'intérieur lorsque les hébergés sont des demandeurs d'asile et pour le ministère du logement lorsqu'ils n'en sont pas.

La ministre doit recevoir les dirigeants de Coallia ; les rapporteurs Philippe Bonnecarrère et Muriel Jourda en ont été informés. L'État a transmis toutes les informations au Sénat et a contribué au travail de la Cour des comptes pour mieux structurer cette association.

Coallia réalise un travail absolument admirable pour accueillir les demandeurs d'asile. Je le sais d'autant plus que nous avons travaillé ensemble à l'application du programme Agir (Accompagnement global et individualisé des réfugiés) pour l'accueil, l'hébergement, mais aussi l'intégration de ces personnes.

Nous suivrons les recommandations de la Cour des comptes, aiderons Coallia à mieux se structurer et nous modifierons le conventionnement si nécessaire.

La loi Immigration permet de reprendre en direct certaines choses, notamment l'application de la circulaire Collomb-Denormandie, pour mieux connaître les personnes qui sont dans ces centres. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Marie-Carole Ciuntu.  - Quand on est à ce niveau de pression migratoire, et durant des années, on ne peut faire qu'une chose : s'appuyer sur un tissu associatif qui fait un travail admirable, mais qui masque mal que rien n'est sous contrôle. (M. Gérald Darmanin le conteste.)

Il ne faudra pas s'étonner des événements tragiques qui pourraient encore frapper notre pays. Vos propos sont faussement rassurants. (On s'impatiente à gauche.)

M. le président. - Veuillez conclure.

Mme Marie-Carole Ciuntu.  - La Cour des comptes audite en ce moment le millier d'associations qui oeuvrent dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Pénurie de médicaments

M. Rémi Cardon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K) Lundi, j'étais à Amiens, aux côtés des ouvriers de MetEx. D'où ma question : quelle est votre vision de la souveraineté industrielle ?

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Cette usine est la dernière à fabriquer, en Europe, des acides aminés, la lysine notamment.

Ma vision, ce n'est pas la nationalisation de tout ce qui bouge, mais l'appui au développement économique.

L'État a été au rendez-vous avec un investissement de la BPI, un prêt garanti par l'État (PGE) et une subvention via France 2030.

Mais, parce qu'elle paye le sucre trop cher et qu'elle a fait des erreurs de management, cette entreprise connaît des difficultés économiques. Elle est désormais à la recherche d'un repreneur dans le cadre d'une procédure collective.

Comme je le fais toujours, si le repreneur et son plan d'affaires sont solides, j'accompagnerai l'entreprise. C'est ce que j'ai fait avec Carelide et Valdunes, dont vos amis demandaient la nationalisation.

Nous cherchons des repreneurs de qualité, pour que ces entreprises aillent de l'avant et conquièrent le monde. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

M. Rémi Cardon.  - Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question.

Dans la Somme, nous n'avons pas de pétrole, mais nous produisons de la lysine. L'usine MetEx fait notre fierté, car c'est la seule à produire en Europe cet acide aminé, à partir de nos betteraves sucrières. Voilà un modèle d'industrie verte que nous devrions soutenir.

Mais cette entreprise, confrontée à la flambée des prix du sucre et de l'énergie et au dumping chinois, a été placée en redressement judiciaire le 20 mars dernier.

Amiens, la ville du Président de la République, porte encore les stigmates des fermetures de Whirlpool et Goodyear. Alors que vous prônez la réindustrialisation et que nous subissons des pénuries de médicaments, les 300 ouvriers de MetEx attendent encore les mesures qui permettront de sauver leur usine.

Le temps des promesses est révolu, il faut des actes forts et une union sacrée. L'État ne peut pas et ne doit pas abandonner MetEx, qui relève de notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

Dépollution des eaux en Isère

M. Damien Michallet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (Pfas) sont des polluants éternels, de véritables poisons. C'est le scandale sanitaire de demain !

On les trouve partout. Les alertes sur la qualité des eaux de consommation se multiplient, laissant maires et services de l'État démunis.

Je salue le plan d'action mis en place pour limiter les rejets, en bonne intelligence avec nos industriels, mais il ne traite que l'amont.

Dans nos territoires, qui est responsable de la distribution d'eau ? Les communes, les syndicats et les intercommunalités ! Et qui financera la réparation des dégâts ? Les mêmes ! Qui paiera in fine ? Les usagers ! Pour la communauté d'agglomération de Vienne, il s'agit de 6 millions d'euros d'investissement initial et de 1 million d'euros de fonctionnement annuel.

Pour les collectivités territoriales, vous n'avez qu'un mot à la bouche : payer ! Mais le Gouvernement ne peut pas les laisser seules face à ce sujet si complexe. Quand et comment pensez-vous les accompagner ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - Ce sujet, qui a trait à la santé publique, est essentiel. L'État est aux côtés des communes pour le traiter, tant en amont qu'en aval.

L'État a tout d'abord identifié les sites les plus pollués et mis en place des plans d'action en cas de dépassement des seuils. Un plan interministériel a été présenté en janvier 2023. Quelque 5 000 sites sont en cours d'identification et nous communiquerons en toute transparence cet été.

L'Assemblée nationale a examiné en commission une proposition de loi sur les polluants éternels. Deux pistes de financement des investissements nécessaires sont sur la table : un accompagnement par l'État et une redevance.

Vous le voyez : nous sommes mobilisés sur la question de l'identification et des financements, en toute transparence. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Autoroute A69 et droits de l'homme

M. Philippe Folliot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) Contrairement à ce que certains activistes essaient de faire croire, l'autoroute Castres-Toulouse n'est pas un projet : c'est une réalité à moitié achevée. Chaque jour, plus de 800 ouvriers, compagnons et ingénieurs travaillent à la construction de cette artère vitale, attendue par toutes les forces vives du sud du Tarn.

Les opposants sont de moins en moins nombreux, viennent de plus en plus loin, sont de plus en plus radicalisés, ont perdu tous leurs recours (protestations sur quelques travées du GEST), mais ils essaient de retarder le chantier. Beaucoup ont été condamnés pour violences,

Quelle n'a pas été notre surprise de voir l'ONU, via un pseudo expert rapporteur, se mêler de ce projet légal, inscrit dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019. Ses conclusions, totalement à charge, sont scandaleuses.

La France est l'un des principaux contributeurs des Nations unies, une démocratie et un État de droit. Quelle est la position du Gouvernement sur ce rapport ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je partage votre constat. Ce projet a été décidé par les élus de tous bords politiques - la présidente de la région Occitanie y est favorable  - , et confirmé par plusieurs gouvernements. La justice, saisie d'innombrables recours, a toujours donné raison aux porteurs du projet.

Des organismes comme XR Toulouse, les Soulèvements de la Terre ou encore le GNSA ont tenté des occupations illégales, notamment sur le site d'une ancienne ferme. Les forces de l'ordre ont subi des violences : neuf policiers et gendarmes ont été blessés.

Depuis ma nomination, je ne tolère aucune ZAD sur le territoire national. Les opposants ont donc été évacués. Vingt et un activistes, et non écureuils, ...

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - ... ont été interpellés et font l'objet de poursuites. Tous leurs recours devant la justice ont été rejetés.

L'instance internationale que vous mentionnez n'a pas compétence pour s'opposer aux décisions de la justice française telle que définie dans la Constitution adoptée par le peuple français.

Il ne peut y avoir de ZAD sur le territoire national. Lorsque les recours ont été rejetés, nos forces de l'ordre appliquent les décisions de justice, sans parti-pris. (Mme Mathilde Ollivier proteste.) Ceux qui attaquent et blessent des policiers et des gendarmes, pères et mères de famille, méritent d'être condamnés. (MM. François Patriat, Roger Karoutchi et Vincent Louault applaudissent.)

M. Philippe Folliot.  - Il y a les paroles et les actes : il y a une ZAD à Saïx et une deuxième se constitue.

Je regrette que vous n'ayez eu aucun mot pour le maire de Saïx, qui a été agressé, ni pour les maires de communes alentour, qui ont subi des dégradations. Agissez, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 30.