Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

J'excuse l'absence, au début de la séance, du Premier ministre, qui revient des cérémonies organisées ce matin à Caen en hommage aux deux surveillants pénitentiaires tués la semaine dernière dans l'attaque de leur fourgon. Le Sénat a rendu hommage mercredi dernier à ces fonctionnaires victimes d'un crime odieux.

En conséquence, les questions relatives à la Nouvelle Calédonie seront, avec l'accord des groupes, posées en fin de séance, le Premier ministre tenant à y répondre en personne.

Réforme de l'audiovisuel public

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST) « BBC à la française » :  un beau slogan, hélas vide de sens...

Madame la ministre de la culture, avez-vous présenté une seule fois votre vision stratégique ? Non. Justifié la pertinence de la fusion, au-delà de votre autre slogan, « se réunir pour être plus fort » ? Non plus. Dissipé les doutes et les craintes que ce texte fait peser sur l'indépendance et le pluralisme de l'information ? Pas davantage.

Avez-vous clarifié le futur financement de l'audiovisuel public ? Absolument pas. Consulté les personnels ? La grève prévue demain apporte une réponse limpide.

La cacophonie règne au sein de la majorité, et l'exécutif navigue à vue. L'audiovisuel extérieur fait-il partie de la réforme ? Oui, mais non. Faut-il déplafonner ou contraindre les recettes publicitaires ? On ne sait plus. Bref, plus on avance, moins on en sait...

Si vous souhaitez réellement protéger l'audiovisuel public, ne passez pas en force ; reconnaissez que votre projet n'est pas mûr. Êtes-vous prête à y renoncer ? (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur de nombreuses travées du GEST et sur certaines travées du groupe CRCE-K)

Mme Rachida Dati, ministre de la culture .  - Non, cette réforme ne tombe pas du ciel. Il y a dix ans qu'elle est connue. Vous en avez d'ailleurs débattu ici, et je rends hommage au président Lafon, qui a fait adopter par votre assemblée une proposition de loi, de laquelle je suis partie. Bien d'autres sénateurs travaillent depuis longtemps sur la question, dont MM. Hugonet et Karoutchi.

D'aucuns annoncent un retour à l'ORTF, mais nous ne sommes pas du tout dans le même contexte : 26 chaînes privées, des groupes qui s'organisent et rassemblent leurs forces. Face à eux, l'audiovisuel public est très dispersé - tous les rapports le soulignent.

Par ailleurs, les pratiques de consommation ont évolué, notamment chez les jeunes : l'âge moyen des téléspectateurs de France TV est de 64 ans, et celui des auditeurs de Radio France est passé de 51 à 57 ans en quelques années.

Plusieurs voix à gauche. - Quel rapport ?

Mme Rachida Dati, ministre.  - Réformer l'audiovisuel public est un enjeu pour l'avenir.

M. Thomas Dossus.  - Hors sujet !

Mme Rachida Dati, ministre.  - Créer une maison commune ne conduira pas à uniformiser les métiers ni les activités.

Nous aurons un mode de financement totalement inédit ; je rends hommage au président Lafon, qui a fait avancer cette question. Nous serons le seul pays européen à avoir, via un prélèvement sur recettes, un financement sanctuarisé.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Enfin, j'ai bien consulté les syndicats, les journalistes et les rédactions.

Cette réforme ambitieuse est très attendue par les Français. (Exclamations ironiques sur de nombreuses travées à gauche ; Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Mme Sylvie Robert.  - Le texte voté au Sénat portait sur la holding, pas la fusion.

Le service public de l'audiovisuel va bien ; il est plébiscité par ses auteurs, ses éditeurs et ses auditeurs. Pourquoi le déstabiliser dans la précipitation ?

Plusieurs de vos prédécesseurs l'ont dit : la fusion sera inutile et inefficace. Elle va à contre-courant des urgences du moment : nous avons besoin d'une grande réflexion sur l'avenir des médias ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur certaines travées du groupe CRCE-K)

Aides à la rénovation énergétique

M. Jean-Pierre Corbisez .  - L'objectif de 200 000 rénovations énergétiques en 2024 a été abaissé à 140 000, à la suite des coupes budgétaires.

En janvier dernier, les monogestes s'arrêtaient et les certificats d'économie d'énergie (C2E) passaient sous le contrôle de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Voilà une semaine, monsieur le ministre du logement, vous avez fait trois pas en arrière en réautorisant les monogestes et en reportant au 1er janvier 2025 les décisions prévues au 1er janvier de cette année.

J'y vais, j'y vais pas... Les candidats à la rénovation énergétique n'y comprennent plus rien : faut-il attendre l'année prochaine, au risque de voir les aides baisser, voire disparaître dans les 20 milliards d'euros d'économies annoncées ? N'y avait-il pas moyen de faire plus simple ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Rémi Cardon applaudit également.)

M. Guillaume Kasbarian, ministre chargé du logement .  - MaPrimeRénov' est un succès français (MM. Yannick Jadot et Akli Mellouli s'esclaffent), qui a déjà permis à plus de deux millions de nos concitoyens de rénover leur logement. Pour eux, réjouissons-nous.

Jamais le budget de MaPrimeRénov' n'a été aussi élevé, malgré l'effort de restitution : 3,85 milliards d'euros cette année, contre 3,49 l'année dernière - une enveloppe sous-consommée.

Les fortes baisses de dossiers déposés en janvier et février nous ont conduits, Christophe Béchu et moi-même, à écouter les professionnels du bâtiment et à ajuster les règles. C'est pourquoi nous avons publié un décret qui supprime l'obligation du DPE dans le cadre d'une rénovation par geste et autorise les monogestes.

C'est un changement de bon sens, grâce auquel plus de Français pourront bénéficier du dispositif. Les premiers résultats se font sentir : 7 618 dossiers ont été déposés sur le site de l'Anah la semaine dernière, soit deux fois plus que la moyenne hebdomadaire depuis le début de l'année.

Je réunirai les acteurs de la filière de la rénovation pour lancer un mouvement de structuration. Nous signerons un pacte ambitieux pour une rénovation simplifiée et accéléré. (Applaudissements sur certaines travées du RDPI)

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Oui, le volume de dossiers déposés augmente. Mais iront-ils à terme ?

Désormais, pour les C2E, tout passe par l'Anah. Or les dossiers Anah sont complexes. Et c'est seulement lorsque 80 % des travaux sont engagés que la subvention peut être demandée. On peut demander une avance, mais c'est encore un dossier à remplir... L'ancienne formule était plus simple : vous payiez votre part et l'entreprise cherchait le solde auprès des grands groupes pollueurs. Monsieur le ministre, faites plus simple !

Par ailleurs, pour l'éclairage public, le fonds vert ne subventionne plus les collectivités territoriales qu'à hauteur de 15 %, au lieu de 25 %. Et pour la rénovation énergétique des bâtiments communaux, la contribution de la DETR n'est plus que de 25 %, au lieu de 35 %. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Communication du Quai d'Orsay

M. Édouard Courtial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis deux jours, la voix du Quai d'Orsay s'embrouille.

À la suite de la mort du président iranien, le ministère a présenté ses condoléances à la République islamique d'Iran.

Le même jour, le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) a requis des mandats d'arrêt contre Benyamin Netanyahou et Yahya Sinwar, chef du Hamas à Gaza et cerveau présumé de l'attaque du 7 octobre, mettant dos à dos le chef d'un gouvernement démocratique et le dirigeant d'une organisation terroriste. Le Quai d'Orsay s'est fendu d'un courtois communiqué, indiquant que la France soutenait l'indépendance de la CPI et « la lutte contre l'impunité dans toutes les circonstances ».

Les deux événements sont indépendants, mais leur télescopage et la réaction du Quai d'Orsay brouillent la voix de notre pays. Lorsqu'on présente ses condoléances pour la mort d'Ebrahim Raïssi, la jeune Masha Amini, tuée pour avoir bravé l'absolutisme des mollahs, se retourne dans sa tombe. Et le ministre a dû préciser qu'il ne pouvait y avoir d'équivalence entre le Hamas et Israël.

Comprenez que cela suscite le trouble ! Allez-vous reprendre la main sur la communication de votre ministère ? À l'avenir, nos valeurs y auront-elles plus clairement droit de cité ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur de nombreuses travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Stéphane Séjourné, qui est à Weimar avec ses homologues polonais et allemand.

En ce qui concerne la CPI, le Quai d'Orsay a rappelé le droit conventionnel : la France reconnaît l'indépendance de cette juridiction. Comme Stéphane Séjourné l'a souligné, cela n'implique en aucun cas une équivalence entre le Hamas, un groupe terroriste qui s'est rendu coupable du pire massacre antisémite depuis la Shoah, et Israël, État démocratique qui doit respecter le droit international dans la conduite d'une guerre qu'il n'a pas provoquée.

À l'occasion du décès du président iranien, le Quai d'Orsay s'en est tenu aux usages protocolaires s'agissant d'un pays avec lequel nous entretenons des relations diplomatiques. Cela n'ôte rien au différend que nous avons avec l'Iran, qui mène une action déstabilisatrice dans l'ensemble du Moyen-Orient.

En particulier, l'agression contre Israël du 13 avril dernier est inacceptable, comme est intolérable la répression des mouvements pour les libertés publiques et les droits des femmes. Quant au développement illégal du programme nucléaire iranien, il est irresponsable. Je n'oublie pas l'indigne politique d'otages d'État, dont sont victimes quatre de nos compatriotes. Le respect des usages n'enlève rien à la fermeté avec laquelle la France s'adresse à l'Iran. (M. François Patriat applaudit.)

Parole de la France

M. Roger Karoutchi .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France a toujours parlé contre l'obscurantisme et pour la démocratie : est-ce toujours le cas ? (Sensation ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Je suis abonné aux questions courtes ! (Sourires)

La France tient son rang de grande puissance d'équilibre au Proche-Orient, en Ukraine et sur tous les théâtres au sujet desquels nous prenons parti ou position. C'est cette voix d'équilibre que porte M. Séjourné aujourd'hui même, dans le cadre du triangle de Weimar réactivé.

C'est le Président de la République qui, lors du dernier Conseil européen, a conduit nos partenaires à parler d'une seule voix pour, tout à la fois, dénoncer la situation des otages à Gaza et appeler à une trêve humanitaire conduisant à un cessez-le-feu durable. La France appelle à sanctionner les dirigeants du Hamas comme les colons extrémistes violents.

Cette voix d'équilibre est, je le crois, entendue partout dans le monde. (Applaudissements sur certaines travées du RDPI)

M. Roger Karoutchi.  - À force de « en même temps », plus personne ne vous entend.

Il faut dire que l'ONU - ce « machin », disait de Gaulle - a beaucoup évolué : le comité des droits de l'homme est présidé par l'Iran (marques d'ironie à droite), le comité des droits de la femme par l'Arabie saoudite (les marques d'ironie redoublent à droite) et le comité de décolonisation, qui demande l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie, a pour rapporteur le représentant de la Syrie de Bachar al-Assad... Quant au secrétaire général, il a demandé une minute de silence pour le boucher de Téhéran : l'ambassadeur de France semble y avoir participé volontiers.

Vous parlez de condoléances protocolaires, mais il y a des messages qu'on entend plus ou moins. Que pensent les femmes iraniennes, l'opposition démocratique du pays, les jeunes Iraniens ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe SER)

La France obséquieuse avec l'obscurantisme, c'est non ! La France, c'est la voix de la démocratie.

La réaction du Quai d'Orsay à la demande du procureur serait institutionnelle ? S'il s'agit juste de dire que la France respecte l'indépendance de la CPI, ce communiqué n'a pas d'utilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC) Pourquoi le dire ce soir-là ? Aviez-vous honte de ce communiqué, pour le publier à minuit et quart ?

Ne mettez pas sur le même plan, quelles que soient nos appréciations sur le gouvernement de Netanyahou, un État démocratique et une organisation terroriste qui assassine ! (« Bravo ! » et applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements prolongés sur les travées du groupe UC ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Politiques publiques relatives à la famille

M. Xavier Iacovelli .  - La notion de famille a beaucoup évolué depuis le code civil de 1804. Les familles d'aujourd'hui sont diverses : traditionnelles, recomposées une ou plusieurs fois, homoparentales, monoparentales choisies ou subies. L'éducation des enfants est parfois assurée par un beau-parent, sans statut.

Il faut un grand dépoussiérage pour dessiner un nouveau cadre global et solidaire des droits familiaux.

Nous avons doublé le congé paternité, à vingt-huit jours. Plus de 70 % des pères le prennent, c'est une réussite.

À l'inverse, le congé parental est à bout de souffle : 0,8 % des pères et 14 % des mères qui y recourent. C'est pourquoi le Président de la République a appelé à créer un congé de naissance plus court mais mieux indemnisé, avec un traitement égal des parents.

Pour renforcer le socle de notre société, il faut repenser le soutien aux familles, afin qu'il corresponde aux besoins et contribue à réduire les inégalités de genre. Comptez-vous lancer une concertation en vue d'actualiser les droits familiaux ? Comment faire en sorte que la maternité ne soit plus facteur d'exclusion professionnelle ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Oui, les familles françaises ont évolué ; elles ont plusieurs visages. Mais une inégalité perdure, entre le parent qui s'arrête et celui qui ne s'arrête pas.

Plus de la moitié des parents ne prennent plus la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE), qui éloigne du travail et creuse les inégalités.

Accompagner les familles, c'est les regarder telles qu'elles sont et leur apporter de nouvelles réponses : soutien de la parentalité, accompagnement des 1 000 premiers jours, droits nouveaux.

La classe moyenne n'a pas accès à la PreParE, qui est forfaitaire. Deux parents qui travaillent ne se poseront pas la question de rester ou pas auprès de leur nouveau-né.

Nous voulons ouvrir un nouveau droit aux deux parents, à temps égal - trois mois chacun -, à un niveau proportionnel au salaire, et qui réduit l'inégalité fréquente entre celui du père et celui de la mère. Nous permettrons ainsi à la classe moyenne de se poser la question. La concertation avec les associations et les organisations syndicales et patronales a commencé.

Nous voulons simplifier la vie de toutes les familles françaises, notamment les familles monoparentales, plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Droit de grève

M. Philippe Tabarot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.) À 65 jours des jeux Olympiques (JO), le chantage à la grève tourne à plein régime. Pas de trêve olympique pour les mobilités, ni les finances publiques ! (Murmures sur les travées du groupe CRCE-K)

Devenue préalable à toute négociation, la grève est une arme de destruction sociale. Il est temps d'en finir avec l'action de certains syndicats irresponsables qui préfèrent la nuisance maximale à la fierté de travailler pour son pays pendant les Jeux. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K)

Depuis 1947, pas une année sans grève à la SNCF.

M. Ian Brossat.  - Eh oui !

M. Philippe Tabarot.  - Cette nouvelle grève arrive après un accord dit historique sur les retraites, censé apaiser le climat social... Il n'a tenu que quinze jours. (M. Fabien Gay ironise.)

Cette machine infernale ne s'arrêtera plus. Les Français ne vous ont pas élus pour subir ce chantage. Au Sénat, nous avons voté pour que le droit de grève n'anéantisse plus les autres droits fondamentaux, comme se déplacer ou entreprendre.

Monsieur le ministre, cela fait quoi d'être passé en quelques jours de ministre des transports à ministre de la grève ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports .  - J'ai toujours défendu le dialogue social et le droit de faire grève, mais j'ai toujours appelé à la responsabilité de chacun, direction et syndicats.

La grève d'hier ciblait les modalités de compensation des agents SNCF durant les JO. Cette négociation est-elle légitime ? Oui : les agents seront mobilisés, une compensation est légitime.

M. Fabien Gay.  - Même la droite vous le dit !

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Mais la grève d'hier était une grève préventive, ce qui n'est pas acceptable. Notre pays est décidément bien immature en matière de démocratie sociale. D'un côté on fustige un accord d'entreprise, de l'autre on négocie par la menace.

Monsieur le sénateur, vos propositions de loi auraient-elles changé la situation que nous avons connue hier en Île-de-France ? Non : la grève a eu lieu en dehors des vacances scolaires et des week-ends prolongés. J'appelle tous les acteurs à retrouver le sens de la démocratie sociale. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Philippe Tabarot.  - Votre appel à la responsabilité n'est guère écouté ! Nous avons l'impression d'un jeu de rôles scandaleux. Votre complicité avec les syndicats (M. Fabien Gay sourit) exaspère les Français confrontés aux difficultés quotidiennes. (Protestations à gauche) Reprenez les choses en main, que l'on puisse se déplacer en toute sérénité ! Rétablissez des moyens de transport à la hauteur d'une démocratie comme la nôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Stratégie de Stellantis

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La fin annoncée du moteur thermique d'ici dix ans est un défi majeur pour le secteur automobile. La Chine a une avance considérable dans la production de petits véhicules, que nous avons délocalisée.

Carlos Tavares a annoncé la semaine dernière que Stellantis allait commercialiser dans son réseau de concessionnaires deux nouveaux modèles de véhicules électriques de marque chinoise.

Où en est le réarmement industriel de la France ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie .  - La transition vers la fin du moteur thermique est une décision européenne. C'est le sens de l'histoire : ce doit être l'occasion de réindustrialiser la France et l'Europe. Il faut produire des véhicules électriques chez nous. Nous construisons cinq gigafactories qui permettront, à terme, de fabriquer en France plus de deux millions de batteries. (M. Fabien Gay proteste.) C'est de la valeur ajoutée pour les véhicules fabriqués et assemblés en France. Nous projetons de produire en France un million de véhicules électriques, deux millions à terme. Une grande part sera de marque Stellantis, mais également de marque Renault, qui produira la Renault 5 électrique en France dès l'année prochaine. Je salue cette décision.

Stellantis a noué un partenariat avec la Chine pour pénétrer le marché chinois, et pour exporter en Europe des véhicules fabriqués en Chine. C'est son choix. Soyons clairs : la naïveté, c'est terminé ; le monde plat, c'est terminé ; être le dernier ravi de la crèche, c'est terminé.

Le leasing social a connu un fort succès, avec 50 000 véhicules commandés. Le dispositif sera prorogé. Le bonus automobile ne concerne que les véhicules fabriqués en France ou en Europe. Résultat, la part de marché des véhicules non européens est passée de 55 % à 25 %. Nous devons réserver les aides publiques aux constructeurs qui choisissent la France ou l'Europe. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. François Bonhomme.  - Votre réponse traduit vos atermoiements. C'est votre majorité au Parlement européen, sous l'influence du dogmatisme écologique, qui a imposé la fin du moteur thermique en 2035, sans aucune étude d'impact. L'industrie chinoise, elle, dispose d'avantages compétitifs majeurs dans la voiture électrique. Notre secteur industriel sera fragilisé.

Les constructeurs automobiles demandent eux-mêmes le report de cette échéance. Aucun autre continent n'a pris une telle décision, qui masque mal notre déclassement industriel, alors que notre déficit commercial atteignait 5 milliards d'euros en 2023 !

Vous dites vouloir réarmer notre industrie, mais ne disposez que d'un pistolet à bouchon.

En l'absence de stratégie industrielle protectrice, nous subirons le dumping social des entreprises chinoises, dopées aux aides d'État.

Le véhicule électrique produit en France devait être l'eldorado de la mobilité du futur : il n'est qu'un mirage ! Le réveil risque d'être brutal. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Zones de revitalisation rurale

Mme Anne-Sophie Romagny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), certes louable, pénalisera 2 000 communes - 180 dans mon département de la Marne  - qui subiront une sortie sèche, avec des conséquences en matière de fiscalité, d'installation des professionnels de santé, de soutien aux agences postales et aux entreprises.

Vous assuriez qu'aucune commune ne resterait sur le carreau, mais l'échéance du 1er juillet 2024 approche et nous ne voyons rien venir.

Certaines communes sortent du dispositif car elles se portent mieux financièrement -  parfait ! Mais quid de celles qui sortent cette année, ou qui ont été sorties en 2017 et maintenues artificiellement, sans que les maires ne soient avertis ? De celles qui sortent du dispositif car mariées de force dans un EPCI ? Le critère de l'Insee de bassin de vie est trop large et ne correspond pas à la réalité.

La ruralité, c'est 20 % de la population mais 80 % du territoire. Que proposez-vous pour ces communes ? Un maintien dans le dispositif, le temps que leurs projets aboutissent ? Des mesures spécifiques d'accompagnement ?

Ne me répondez pas « Petites Villes de demain » ou « Villages d'avenir », vous seriez hors sujet. Les élus attendent une réponse concrète. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Sénat connait bien cette réforme, qui aboutit à zoner 17 700 communes. La loi de finances pour 2024 a fixé l'échéance du 1er juillet pour se laisser le temps de la concertation au cas par cas. Nous avons ajusté les critères dans de nombreux départements.

Nous travaillons avec beaucoup de sénateurs et avons trouvé beaucoup de solutions. Sur les 611 communes de la Marne, 180 sortent du dispositif. Comme je l'ai proposé au sénateur Pointereau, ou à la sénatrice Borchio Fontimp (marques d'ironie à droite), je vous propose une visioconférence la semaine prochaine, pour travailler sur cette réforme, afin de la rendre plus fine, plus concrète et plus efficace pour la Marne. (On feint de s'offusquer sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet.  - Il n'y a pas que la Marne !

Situation en Nouvelle-Calédonie (I)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) En route vers la Nouvelle-Calédonie, le Président de la République doit affronter un double défi : conforter le retour à l'ordre et sauvegarder la possibilité d'un accord global - institutionnel, politique et économique - avec tous les acteurs.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous faire le point sur les conditions de sécurité ? Les informations que nous entendons sont contradictoires selon les interlocuteurs, à Paris ou à Nouméa.

Le Président de la République a annoncé l'installation d'une mission. Pouvez-vous déjà nous donner quelques précisions ?

Les ingérences étrangères ont joué dans le déclenchement des violences. Contrairement à ceux qui portent plainte contre l'État car ils estiment que des messages TikTok invitant à « brûler les maisons des blancs » participent du débat démocratique, j'approuve votre décision de suspendre cette plateforme en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur quelques travées des groupes INDEP, UC et du RDPI)

Comment le Gouvernement répond-il à l'immixtion de ce réseau chinois, et à celle de l'Azerbaïdjan, dans nos affaires intérieures ? S'y ajoute la provocation russe d'une cyberattaque massive, cette nuit, destinée à mettre à bas le réseau internet de l'île. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Les violences qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis plus d'une semaine sont très graves. La situation reste tendue et fragile. En quelques jours, des quartiers ont été ravagés, des bâtiments détruits, des magasins pillés. Des dizaines de personnes ont été blessées. Deux gendarmes ont perdu la vie ; ils s'étaient engagés pour la plus noble des missions : faire respecter les lois de la République. Je veux leur rendre hommage, saluer leur bravoure, dire la solidarité de la Nation.

Quatre personnes ont perdu la vie lors des émeutes. J'adresse mes pensées à leur famille : je ne me résoudrai jamais à ce que des jeunes meurent dans une spirale de violence.

Notre priorité est le rétablissement de l'ordre et le retour au calme. Le Président de la République a présidé trois conseils de défense et de sécurité ; l'état d'urgence a été déclaré, un couvre-feu instauré, les rassemblements interdits, l'accès à un réseau social suspendu.

J'ai présidé cinq comités interministériels de crise. Un pont aérien a permis de déployer sur place un millier de forces de sécurité intérieure supplémentaires : elles seront bientôt plus de 3 000, le double d'avant la crise. Nous sommes pleinement mobilisés.

Des opérations d'ampleur ont été menées : 90 barrages démantelés, 306 émeutiers interpellés. Le garde des sceaux a pris une circulaire pénale appelant à la plus grande fermeté ; des mandats de dépôt sont prononcés. Un tel déchaînement de violence ne saurait rester impuni.

Sur place, la situation reste difficile. Il faut continuer à lever les barrages et reprendre le contrôle de l'ensemble des quartiers de Nouméa et des villes de l'agglomération.

Enfin, il y a l'enjeu de l'approvisionnement en denrées alimentaires et de l'accès aux soins. La Nouvelle-Calédonie dispose de stocks pour plusieurs semaines, mais le réseau de distribution a été fragilisé ; le haut-commissaire a pris des mesures pour rétablir les circuits de distribution.

Ensuite, il y a l'enjeu de la reconstruction. Le ministre de l'économie a reçu l'ensemble des forces économiques par visioconférence : ce matin même, il discutait avec les assureurs et les banquiers. Nous restons sur le qui-vive tant que la vie normale n'aura pas repris.

Ces émeutes remettent en cause la capacité pour les communautés de Nouvelle-Calédonie à vivre ensemble, à écrire un destin commun. Ce vivre-ensemble, qui a guidé les accords de Matignon et de Nouméa, guide aussi notre action. Je salue la responsabilité des forces politiques de Nouvelle-Calédonie qui ont appelé au calme. Il n'y a pas de dialogue possible quand il y a de la violence, mais des avancées immenses sont possibles quand le dialogue se noue.

Le Président de la République se rend en Nouvelle-Calédonie, au contact des forces vives, pour engager une discussion en vue de faire émerger un accord politique global ; le groupe de contact restera sur place autant qu'il le faudra. Le chemin du pardon et de l'avenir, comme l'appelait de ses voeux le Président il y a un an, voilà ce vers quoi nous sommes engagés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Situation en Nouvelle-Calédonie (II)

Mme Annick Girardin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Monsieur le Premier ministre, la Nouvelle-Calédonie est à genoux, sa population choquée et meurtrie. Chacun a condamné les actes injustifiables qui ont fait six morts et des blessés. L'économie est en berne, la société déchirée. Je salue les forces de l'ordre et les sauveteurs pour leur engagement sans faille.

Le marasme économique est attisé par des souffleurs de braise. Pourtant, le processus de décolonisation est unique, avec quatre référendums en trente ans. Mais nous voilà revenus aux mêmes questionnements qu'en 1988.

Nous saluons la décision du Président de la République de se rendre sur place. Mais, au-delà d'envoyer un message aux pays voisins, quel est son dessein ? Se dirige-t-on vers des accords de l'Élysée ? Quelles seront les prérogatives de la future mission ?

Michel Rocard disait que la paix était le courage de transformer l'ennemi en interlocuteur. La solution ne pourra pas être que martiale et institutionnelle, et le pays ne pourra se reconstruire qu'avec le soutien de toutes - je dis bien toutes - les forces vives. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Grégory Blanc et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Vous connaissez bien l'histoire et les enjeux de la Nouvelle-Calédonie et mesurez la gravité d'un retour quarante ans en arrière. Mais nous ne laisserons pas faire. Nous agissons pour rétablir l'ordre et faire face aux conséquences des émeutes. Le ministre de l'économie et des finances a rencontré les acteurs locaux pour aider à la reconstruction économique et sociale.

Nous engageons toutes nos forces pour créer les conditions du dialogue et d'un accord politique global.

En se déplaçant, le Président de la République veut témoigner aux Calédoniens la solidarité de la Nation et renouer le fil du dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes. Sa mission, composée de hauts fonctionnaires, restera en Nouvelle-Calédonie le temps nécessaire. Déjà venu deux fois en Nouvelle-Calédonie depuis 2017, il s'y rend une nouvelle fois pour trouver un accord politique global.

J'ai présidé cinq cellules interministérielles de crise. J'ai réuni vendredi soir à Matignon les présidents des deux chambres et les représentants des groupes politiques. Dans les mois à venir, avec le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la ministre déléguée chargée des outre-mer, je suivrai l'évolution des discussions, afin de parvenir à un accord politique global avec la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP et du RDSE)

Situation en Nouvelle-Calédonie (III)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Pour de nombreux compatriotes, l'embrasement de la Nouvelle-Calédonie, les violences, les morts ont été un grand choc. Mais beaucoup d'entre nous ont eu à la bouche le goût amer de la catastrophe annoncée. Les fautes de la France depuis 2020, comme le refus de reporter le troisième référendum, ne pouvaient que conduire au drame, au feu et au sang. L'histoire jugera.

L'heure n'est pas à la comptabilisation des torts, mais à leur réparation. On ne peut pas décoloniser en jouant les cow-boys et en bombant le torse, mais seulement en étant humble, impartial et digne.

Pour renouer avec l'héritage des accords de Nouméa, il faut d'abord dire : « pardon » - ce qui n'est pas se rabaisser, mais grandir. Il faut aussi agir, c'est-à-dire retirer ce texte maintenant ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)

Aucune solution pacifique, juste et digne n'est possible sans cela. Il faut aussi clarifier les responsabilités - le Premier ministre doit reprendre en main ce dossier - et les contours de la mission de dialogue. Alors nous aurons une chance que la France ne rate pas la totalité du processus de décolonisation. (Applaudissements sur les mêmes travées)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - La situation en Nouvelle-Calédonie est grave et appelle à la discussion, pas aux anathèmes.

Oui, il y a des violences. Comme l'ensemble des acteurs politiques calédoniens, il est important que nous les dénoncions tous, car la violence n'est ni tolérable ni justifiable.

Vous avez parlé de bomber le torse ou de jouer les cow-boys. Je vous parle de la possibilité pour les Calédoniens de vivre en sécurité, de manger, de se soigner. (M. Thomas Dossus proteste ; MM. Jean-Michel Arnaud et Olivier Cadic applaudissent.)

Le retour à l'ordre est un préalable à tout, y compris au vivre ensemble. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel en signe de protestation ; M. François Patriat applaudit.) Ce vivre ensemble est le fil rouge de quarante ans de dialogue et d'échanges.

M. Yannick Jadot.  - Même Édouard Philippe vous a alerté !

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Tous les indépendantistes et les non-indépendantistes ont appelé à la fin de la violence. Il faut faire avancer le dialogue par un accord politique global, au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie. Le Président de la République a toujours été clair : l'an dernier, il a parlé du chemin du pardon, mais aussi du chemin de l'avenir.

J'ai présidé il y a quelques semaines la cérémonie nationale de l'abolition de l'esclavage, qui se tenait pour la première fois, non pas au jardin du Luxembourg, mais à La Rochelle - j'en remercie le président Larcher. La France regarde son histoire en face.

À côté du chemin du pardon, il y a le chemin de l'avenir, que nous devons trouver tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)

Situation en Nouvelle-Calédonie (IV)

Mme Audrey Bélim .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Qui aurait imaginé, en 2024, une épidémie de choléra en France ? Qui aurait imaginé un haut-commissaire parler de guerre civile en France ?

La situation critique dans les outre-mer résulte d'une absence de politique, d'écoute et de compréhension pour nos territoires.

Depuis 2017, il y a eu des assises, des livres bleus, des comités interministériels des outre-mer (Ciom), mais pour quel résultat ? Toujours une réaction face à l'urgence. Le choléra à Mayotte et les violences en Nouvelle-Calédonie étaient prévisibles, car nous vous avions alertés. Près de 36 % des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté, 77 % à Mayotte, et je ne parle pas des violences urbaines.

Je suis réunionnaise, ultramarine et française, libre, fraternelle et solidaire ! Je demande que tous les moyens de l'État soient déployés contre le choléra comme s'il avait lieu dans l'Hexagone. Ne donnez pas le sentiment que la vie d'un enfant de 3 ans vaut moins à Mayotte ou ailleurs dans les outre-mer que dans l'Hexagone.

Nos concitoyens attendent toujours l'égalité réelle, votée à l'unanimité par le Parlement ! Allez-vous enfin croire en nous et construire avec nous, en y consacrant des moyens budgétaires suffisants ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Gabriel Attal, Premier ministre .  - Je l'ai vu dans les différentes fonctions ministérielles que j'ai exercées : nos outre-mer sont une chance et une richesse inouïes pour notre pays. Mais ils traversent de grandes difficultés, que nous connaissons aussi en métropole, mais d'une ampleur bien plus grande, en matière de transition écologique et sociale, de sécurité. La responsabilité de l'État, c'est d'investir pour que nos territoires ultramarins affrontent ces très grandes difficultés.

M. Hervé Gillé.  - Qu'avez-vous fait depuis sept ans ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Avons-nous réglé tous les problèmes depuis 2017 ? Non, bien sûr - je suis lucide.

Mais nous avons massivement investi dans la politique de la ville et pour l'éducation. Ainsi, en tant que ministre de l'éducation nationale, j'ai vu à La Réunion les effets des mesures prises en matière d'éducation prioritaire. Il reste des difficultés de pouvoir d'achat, causées par l'envolée des prix de l'énergie et de l'essence.

Nous avons obtenu une avancée majeure avec l'Union européenne pour le renouvellement des flottes de pêche, mais il faut continuer à agir. Mon gouvernement sera mobilisé. Un nouveau Ciom se tiendra dans les prochains mois. Il s'agit d'assurer aux habitants d'outre-mer de pouvoir vivre dignement en sécurité, avec une éducation de qualité pour leurs enfants. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Réforme de la fonction publique

M. Jean-Gérard Paumier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre, notre service public est au coeur du contrat social. Nos fonctions publiques - territoriale, hospitalière et d'État - sont des biens nationaux, auxquels nos compatriotes sont attachés.

Cinq ans après la loi du 6 août 2019, votre débat sur la réforme de la fonction m'interpelle. Par son calendrier, d'abord : il intervient après une crise du covid qui a fragilisé la fonction publique hospitalière et une période de forte hausse de prix qui a rogné le pouvoir d'achat des 5,5 millions de fonctionnaires.

Par sa méthode, ensuite : le discours unilatéral lors de rencontres de terrain, comme ce vendredi à Amboise, ne saurait faire oublier l'insuffisance de la concertation préalable avec les centres de gestion et les syndicats de fonctionnaires.

Quant au contenu, enfin, vous vous focalisez sur les aspects statutaires, comme le licenciement et la rémunération au mérite, sans fixer d'ailleurs de critères précis, ainsi que la suppression emblématique des catégories A, B, C, au moment où les secrétaires de mairie attendent leur décret à ce sujet... Tout cela risque d'être perçu moins comme une avancée que comme une remise en cause de fondamentaux.

Monsieur le ministre, envisagez-vous donc d'infléchir le calendrier, la méthode et le contenu de votre réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Le Premier ministre a rendu hommage il y a quelques heures aux agents de la pénitentiaire décédés, aux côtés de leurs frères d'armes. Nous avons vu des agents publics investis, nous savons ce que nous leur devons. Je suis fier d'être leur ministre.

Mais regardons les choses en face : la fonction publique n'est plus attractive ; le nombre de candidats aux concours a été divisé par deux.

Depuis deux ans, nous avons consacré 14 milliards d'euros aux hausses de salaire des agents -  les plus fortes en 37 ans. Nous avons travaillé sur leurs conditions de travail, le logement, la santé avec les syndicats.

Mais il y a des blocages, des rigidités. Dans votre beau département d'Indre-et-Loire, j'ai entendu des employeurs territoriaux qui ne pouvaient pas titulariser leurs apprentis ; des secrétaires de mairie empêchées d'évoluer du fait des quotas de promotion ; des professeurs qui devaient attendre vingt ans pour accéder au deuxième grade ; des agents de préfecture dont l'engagement n'était pas pris en compte dans leur rémunération.

Ce sont tous ces sujets qu'il faudra régler avec les agents et les syndicats, que je recevais, hier encore, pour préparer une réforme nécessaire à notre fonction publique. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Gérard Paumier.  - Dans un climat social tendu, mon propos est de vous alerter, faute de vous convaincre. Mais si vous dédaignez les mises en garde, souvenez-vous des mots de Chateaubriand prononcés en ces lieux : « Inutile Cassandre, il ne me reste qu'à m'asseoir sur les débris d'un naufrage que j'ai tant de fois prédit ».

« Choc des savoirs »

Mme Colombe Brossel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis février, pas un jour sans un rassemblement, une manifestation, une journée de grève ou une opération « collège désert » contre le prétendu « choc des savoirs ».

Enseignants, personnel de direction, inspecteurs, parents d'élèves : tous refusent les groupes de niveau, car ils refusent le tri social. Ils n'en peuvent plus des annonces perlées alors que les dotations horaires globales sont déjà arrêtées. Un groupe de niveau en maths, c'est la fin d'une option latin ; un groupe de niveau en français, c'est la fin de demi-groupes en langues ou en SVT.

Faute de candidats aux concours, vous en êtes réduits à supplier les professeurs retraités de revenir assurer ces groupes de niveaux. Vous faites appel aux contractuels. Confier les plus fragiles aux plus fragiles, il fallait l'inventer !

À l'heure où l'école publique a besoin d'un choc de moyens et d'un choc de confiance, allez-vous mettre fin aux groupes de niveau ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Non, non et non, je ne partage pas votre analyse sur le choc des savoirs.

Non, il ne s'agit pas d'un tri social. Les dispositifs annoncés par Gabriel Attal visent à faire progresser tous nos élèves. Cette ambition partagée se traduit des groupes de besoins en sixième et en cinquième, en français et en mathématiques, adaptés aux besoins de nos élèves, avec une pédagogie différenciée. Il y aura un brassage de ces groupes en cours d'année.

Non, quand vous évoquez l'insuffisance des moyens. Nous avons créé des emplois supplémentaires et consacré 2 200 ETP à la création des groupes ; nous faisons au mieux pour avoir l'ensemble des professeurs devant les élèves.

Non, nous ne « supplions » pas les gens de venir enseigner, nous prenons acte d'une tendance générale en Europe. L'éducation nationale a du mal à recruter, en France et ailleurs - preuve que ce n'est pas qu'une question de rémunération. D'ailleurs, la France a fait un effort considérable depuis 2017 pour améliorer la rémunération de nos enseignants, qui est passée de 1 800 à 2 100 euros en début de carrière.

Nous faisons porter l'effort sur la formation initiale pour renforcer l'attractivité du parcours, avec le concours au bout de la troisième année et une poursuite de la formation.

Ces mesures visent à renforcer notre système éducatif. C'est notre seul objectif. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Colombe Brossel.  - Votre réponse m'inquiète. J'ai l'impression d'un monde parallèle... Tous les jours, nous sommes alertés sur les conséquences néfastes de ces groupes de niveaux !

Quand on a raison seule contre tous, madame la ministre, c'est généralement qu'on a tort. Il n'y a pas un chercheur en sciences de l'éducation qui soutienne votre projet. Cinq directeurs généraux de l'enseignement scolaire ont dit leur opposition.

M. Mickaël Vallet.  - Et le Conseil scientifique de l'éducation nationale !

Mme Colombe Brossel.  - Parents et enseignants seront samedi dans la rue pour refuser le tri social des élèves. Nous serons nombreux à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Avenir de la centrale à charbon de Saint-Avold

M. Khalifé Khalifé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au plus fort de la crise énergétique, trois mois après avoir été licenciés pour fermeture du site, sur décision de l'État, les salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle, dont je salue le dévouement, avaient accepté de revenir pour sécuriser le système électrique national.

Alors que le Président de la République s'est engagé à soutenir la reconversion du site, aucune perspective ne se profile. Les salariés attendent du Gouvernement une feuille de route claire sur la conversion du charbon à la biomasse et sur la réindustrialisation par l'hydrogène.

L'échéance de 2025 approche. C'est tout un territoire, ses élus, ses entreprises partenaires, qui sont mobilisés sur ce projet, pour enfin tourner la page du charbon.

Nous confirmez-vous l'engagement du Gouvernement dans ce projet ? Quel avenir pouvez-vous annoncer aux salariés de la centrale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Je salue votre engagement dans votre territoire. Depuis quinze jours, les candidats aux élections européennes y défilent comme à Gravelotte...

M. Mickaël Vallet.  - À Gravelines !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - ... pour détailler leurs solutions miracles. Vous étiez là avant les élections, vous serez là après, auprès des salariés, auprès du territoire ; j'espère l'être aussi.

Vous le savez, le Président de la République a annoncé la sortie du charbon d'ici 2027. Impératif écologique peut rimer avec stratégie industrielle de développement dans les territoires : nous l'avons fait au Havre, où la centrale à charbon a été fermée, avec des perspectives industrielles et des emplois pour chacun des salariés concernés. Nous le ferons à Cordemais, à Gardanne et à Saint-Avold.

Nous sommes en contact étroit avec les salariés, avec l'entreprise, avec les élus. Nous avons pour seule boussole des projets économiques viables, rentables, disponibles rapidement, ayant un impact positif sur l'emploi et sur le territoire. Vous en avez mentionné certains, il y en a d'autres, dans la transition écologique, dans le recyclage du plastique. Nous les regardons tous.

Oui, nous pouvons donner un avenir à ces territoires grâce à la transition écologique, qui est une opportunité industrielle. Je m'y engage.

M. Khalifé Khalifé.  - J'ai envie de vous croire, et je vous pense sincère. Je suis prêt à discuter avec vous. Ce territoire frontalier a assez souffert ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Déboires des agriculteurs jurassiens

M. Clément Pernot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Jura a gelé dans la nuit du 23 avril dernier. Les bourgeons des ceps jurassiens n'y ont pas survécu. Selon la chambre d'agriculture, les prévisions de récolte sont proches du zéro raisin.

Pour soulager nos vignerons, il faut bien sûr des exonérations fiscales et sociales à court terme, mais ces phénomènes de gel sont trop consécutifs pour parler d'aléas : c'est la conséquence d'une évolution climatique qui entraîne des floraisons trop précoces, percutées par le gel.

Les viticulteurs jurassiens sont touchés dans leur chair. Les anciens s'interrogent sur leur succession ; les jeunes, endettés, sur leur avenir. Tous sont pessimistes.

Dans le même temps, les prévisions concernant la ressource en eau sur la montagne jurassienne sont apocalyptiques, ce qui menace sa filière d'excellence, le comté. Autre malheur : la forêt du massif jurassien est gravement malade. C'est toute l'agriculture du Jura qui est en péril à moyen terme. Au nom de tous les agriculteurs, de la vigne, des champs et de la forêt, je vous implore d'agir, pour que nous cessions de subir.

D'autres terroirs connaissent les mêmes déboires. C'est pourquoi il faut un plan Marshall agricole au niveau national, à décliner à l'échelle départementale. Il ne devra pas être le réceptacle de délires écologiques militants, mais porter des solutions adaptées.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Clément Pernot.  - Le président du conseil départemental du Jura est prêt à vous accompagner dans cette démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - J'adresse tout mon soutien aux agriculteurs du Jura, au nom du ministre de l'agriculture, retenu à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement se tiendra à leur côté.

Notre agriculture, notre viticulture sont frappées de plein fouet par le dérèglement climatique, dont notre politique agricole doit tenir compte. Le Gouvernement répond présent : 1,3 milliard d'euros en soutien à la transition agroécologique ; 1,3 milliard d'euros également pour les viticulteurs. Nous devons aussi construire des projets de long terme, territoire par territoire, en anticipant l'impact du dérèglement climatique sur la ressource en eau, afin de proposer des solutions, aux jeunes agriculteurs en particulier.

Les Pyrénées-Orientales, frappés par la sécheresse, sont le laboratoire de notre plan Méditerranée, doté de 50 millions d'euros. Nous mènerons cette approche, territoire par territoire, culture par culture, en tendant la main aux organisations professionnelles agricoles.

La séance est suspendue à 16 h 30.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

La séance reprend à 16 h 40.