Accord France-Allemagne sur l'apprentissage transfrontalier (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à l'apprentissage transfrontalier. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Je me réjouis de vous présenter ce projet de loi autorisant l'approbation de l'accord signé le 21 juillet 2023 à Lauterbourg, en Alsace, entre la France et l'Allemagne.

La coopération transfrontalière nous est chère. Nombreux sont nos concitoyens à vivre à proximité d'une frontière, voire à travailler de l'autre côté de celle-ci. Continuons à faire de la frontière franco-allemande un espace dynamique d'échanges mutuels, une passerelle, pas un obstacle.

Cette ambition est la marque d'une relation bilatérale forte, que mettra à l'honneur la visite d'État du Président de la République fin mai. C'est la preuve d'une Europe au service de ses habitants, qui facilite leur mobilité, vingt ans après Schengen. C'est enfin le signe tangible que l'engagement du Parlement en faveur de nos territoires porte ses fruits.

Dans le traité d'Aix-la-Chapelle, en 2019, nous avions souhaité soutenir la formation et l'enseignement professionnel et avions institué un comité de coopération transfrontalier, qui a relayé la volonté des acteurs locaux de conclure un accord sur l'apprentissage.

Dans son discours de la Sorbonne du 25 avril, le Président de la République a appelé de ses voeux un Erasmus de l'apprentissage. Cet accord s'inscrit dans cet objectif. C'est dans l'Europe que notre jeunesse se renforce et se perfectionne. C'est l'un des jalons pour l'avenir.

Dans la loi 3DS, le Sénat a prévu qu'une convention internationale précise les modalités de mise en oeuvre de l'apprentissage transfrontalier. Avec ce nouvel accord, les apprentis de la métropole pourront faire leur apprentissage dans trois Länder frontaliers : Bade-Wurtemberg, Rhénanie-Palatinat et Saare. Toutes les certifications éligibles à l'apprentissage en France et tous les diplômes professionnels allemands seront éligibles à l'apprentissage transfrontalier.

C'est une démonstration de l'Europe en action. En approuvant ce projet de loi, vous affirmez votre confiance dans une Europe qui éduque, qui intègre et qui construit l'avenir de sa jeunesse.

Alors que l'Allemagne s'apprête à le ratifier, je vous invite à le soutenir et à ajouter une pierre supplémentaire au bel édifice de l'amitié franco-allemande. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Elsa Schalck applaudit également.)

M. Akli Mellouli, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Cet accord est le premier à s'inscrire dans le cadre légal posé par la loi 3DS en matière d'apprentissage transfrontalier.

La coopération entre la France et l'Allemagne a été marquée par le traité de l'Élysée de 1963 et le traité d'Aix-la-Chapelle de 2019.

La région Grand-Est a mis en place un dispositif d'apprentissage transfrontalier dès 2010, formalisé par deux accords-cadres, en 2013 et 2014. Mais la loi du 5 septembre 2018 a retiré aux régions leur compétence en matière d'apprentissage : les accords-cadres ont pris fin même si une solution transitoire a été trouvée.

Les élus locaux se sont mobilisés pour trouver une solution, relayés par un avis du 30 mai 2021 du comité de coopération transfrontalière, et de nouvelles dispositions ont été introduites dans la loi 3DS. J'en remercie Brigitte Klinkert, ainsi que le député Sylvain Waserman.

La loi prévoit la conclusion d'une convention : c'est l'objet du présent accord, qui s'inspire largement des précédents accords-cadres.

Il concerne tout le territoire métropolitain français, en application du principe d'égalité, mais uniquement les Länder frontaliers, même si une clause d'extension à d'autres Länder est prévue.

Le financement sera assuré conformément aux dispositions en vigueur dans chaque pays, sans mécanisme de compensation. Ces règles pourront toutefois être renégociées, trois ans après l'entrée en vigueur de l'accord. En France, c'est l'Opérateur des compétences des entreprises de proximité (Opcoep) qui financera.

Un comité de suivi associant les représentants des Länder se réunira annuellement et pourra proposer des améliorations.

Plusieurs facteurs devraient conduire à une augmentation du nombre de bénéficiaires. L'âge limite d'entrée a été porté à 29 ans révolus, et la loi 3DS a élargi le champ d'application à toute la métropole. Selon l'Igas, près de 300 contrats d'apprentissage transfrontalier pourraient à terme être conclus chaque année. D'autres accords devraient suivre, avec la Belgique, le Luxembourg, la Suisse ou encore l'Italie.

Le Sénat est la première chambre saisie de cet accord ; l'Assemblée nationale et le Bundestag devraient se prononcer avant l'automne.

Notre commission vous invite à approuver cet accord, qui répond aux enjeux de la formation professionnelle et participe à la construction d'un espace européen de l'éducation. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - La France et l'Allemagne sont unies par une histoire riche et complexe. Notre relation privilégiée s'incarne dans les territoires transfrontaliers. Les partenariats économiques, culturels et sociaux renforcent nos liens.

Les zones frontalières sont des espaces spécifiques. Ce sont des territoires d'échanges de biens, de services et de main-d'oeuvre. Cela pose des questions juridiques et administratives et un défi d'harmonisation réglementaire. Nous devons apporter des réponses concrètes pour faciliter les coopérations.

L'apprentissage est un formidable outil pour l'insertion professionnelle et l'épanouissement des jeunes. En soutenant le développement des apprentissages entre nos deux pays, nous soutenons une passerelle supplémentaire vers la mobilité internationale au cours du parcours étudiant. Ce cadre juridique permettra aux frontaliers de bâtir des relations durables.

Les établissements de formation et les entreprises de part et d'autre de la frontière innovent ensemble et créent des emplois ; ce sont les instruments de notre souveraineté industrielle européenne. Toutes les parties y voient une logique gagnant-gagnant et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Le groupe Les Indépendants salue le travail du rapporteur et votera ce texte. Nos relations transfrontalières participent de la puissance de notre espace européen et au sentiment d'une communauté européenne unie. Nous espérons que nos liens, si nécessaires, avec l'Allemagne en seront renforcés. (Mme Véronique Guillotin et M. Akli Mellouli applaudissent.)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Ludovic Haye applaudit également.) Lors de son discours à la Sorbonne, le 25 avril dernier, le président Macron a rappelé que l'excellence européenne résidait dans nos savoir-faire. Il a appelé à décupler l'Erasmus de l'apprentissage, pour atteindre au moins 15 % d'apprentis en mobilité européenne d'ici à 2030.

La conclusion de cet accord s'inscrit dans ce cadre, mais aussi dans celui de la politique de coopération avec l'Allemagne et de la politique européenne de formation.

C'est le premier accord conclu dans le cadre de l'article 186 de la loi 3DS, qui prévoit la possibilité d'effectuer une partie de son apprentissage dans un pays frontalier de la France, sous réserve d'un accord bilatéral avec le pays concerné.

Les anciennes régions du Grand Est avaient déjà développé des partenariats avec l'Allemagne, en matière de formation professionnelle, initiale et continue, tels que les accords-cadres pour le Rhin supérieur du 12 septembre 2013 et du 20 juin 2014 entre la Sarre et la Lorraine. Mais cela avait été fragilisé par la loi du 5 septembre 2018 Liberté de choisir son avenir professionnel, qui a fait perdre aux régions la compétence du financement de la formation professionnelle par l'apprentissage.

Ce texte concrétise une volonté politique partagée des régions frontalières de l'Allemagne et de la France. Les apprentis pourront ainsi développer leurs compétences, notamment linguistiques, et leur employabilité sur un marché du travail élargi.

Selon une enquête de la région Grand Est, les apprentis transfrontaliers d'avant 2018 accèdent rapidement à un premier emploi : un sur deux était en emploi dès la fin du contrat, deux sur trois dans le mois qui suivait. Aujourd'hui, 80 % sont en CDI.

Pourtant, selon l'Igas, seuls 2 % des apprentis bénéficient d'une mobilité. En cause, des freins tels que la diversité des modèles éducatifs européens, un statut juridique inadapté et des difficultés dans la reconnaissance des compétences acquises lors de la mobilité.

Ce texte concrétise une grande avancée. Le groupe UC le votera, en espérant atteindre, avec de nouveaux accords bilatéraux, l'objectif de 15 % d'apprentis en mobilité d'ici à 2030. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin et M. Ludovic Haye applaudissent également.)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La coopération franco-allemande, scellée notamment par les traités de l'Élysée et d'Aix-la-Chapelle, est au coeur de la construction européenne.

La coopération transfrontalière, les partenariats scientifiques ou encore la diplomatie commune sont autant de mesures en faveur de la relation franco-allemande.

Pourtant, 37 ans après Erasmus, le partenariat en matière d'apprentissage demeure peu développé, alors que l'apprentissage est bien plus développé en Allemagne qu'en France et permet une bonne insertion professionnelle.

En 2018, une réforme de l'apprentissage a enfin démocratisé cette pratique en France, mais elle a fragilisé juridiquement la coopération entre la région Grand Est et l'Allemagne.

Le texte que nous examinons aujourd'hui offre davantage d'occasions de découvrir la langue et la culture allemandes, ce dont nous nous félicitons. Nous le voterons.

Cette démarche a vocation à se développer également avec nos autres voisins, mais cela implique une vraie évaluation du mécanisme, malheureusement absente du texte, qui a ses points forts, mais aussi ses points faibles, tels que la question du logement.

Nous sommes nombreux à vouloir renforcer les liens universitaires avec les pays européens. Mais nous regrettons qu'il n'en aille pas de même pour les pays extraeuropéens, la loi Immigration ayant créé des obstacles pour les jeunes de ces pays.

Une question fondamentale n'est pas abordée dans ce texte : la langue. En 2022, seuls 14 % des élèves choisissent l'allemand en LV1, contre 23 % à la fin des années 1990. La moitié des postes de professeurs d'allemand sont vacants, malgré un nombre en baisse. Nous le regrettons. Il faut faire vivre le couple franco-allemand : penchons-nous sur ce sujet.

M. André Reichardt.  - Très bien.

M. Guillaume Gontard.  - Il faut un sursaut de moyens pour notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Véronique Guillotin)

Mme Silvana Silvani .  - Cet accord fait suite à la loi pour un Erasmus de l'apprentissage, sur laquelle le groupe CRCE-K s'était abstenu. Nous restons circonspects sur un mécanisme qui consiste surtout à assouplir -  une fois de plus  - les règles pour les entreprises. Aucune amélioration des conditions d'étude et de rémunération des apprentis n'est prévue, alors qu'ils sont souvent d'origine populaire.

L'étude d'impact de ce texte prévoit que l'apprentissage franco-allemand pourrait concerner 300 jeunes. Mais il faut replacer cela dans le contexte du démantèlement de l'enseignement professionnel public, subordonné de fait aux besoins immédiats et à court terme du patronat. En témoigne la réforme Attal, qui n'a fait que calquer le lycée professionnel sur le modèle des centres de formation d'apprentis (CFA), au service des entreprises. Des jeunes de 15 ans sont ainsi orientés vers les métiers les plus pénibles, rémunérés à 2,80 euros de l'heure.

Le Gouvernement ne cesse d'évoquer la fin de l'argent magique. Mais l'OFCE évalue la dépense publique pour l'apprentissage à 15,7 milliards d'euros en 2021. Au profit de qui ? Près de 25 % des apprentis ne terminent pas leur formation. Selon Inserjeunes, 30 % des contrats de CAP et 27 % pour les bacs professionnels sont interrompus. Après la rupture de contrat, les trois quarts de ces jeunes abandonnent leur formation.

Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres : les CFA ont dégagé un bénéfice net de 702 millions d'euros en 2021, contre 426 millions en 2020, soit une hausse de 64 % en un an. Une aubaine !

Nous sommes plus que favorables à la mobilité de nos jeunes, mais le plus urgent, c'est le renforcement de l'enseignement professionnel. Aussi, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Akli Mellouli et Ludovic Haye applaudissent également.) C'est avec beaucoup de plaisir que je soutiens cet accord reprenant une coopération initiée entre la région Grand Est et les Länder frontaliers, quand les régions géraient encore l'apprentissage.

M. André Reichardt.  - Le Grand Est n'existait pas !

Mme Véronique Guillotin.  - C'est une véritable plus-value pour le secteur éducatif français et pour les jeunes.

Nous espérons que cet accord sera rapidement suivi d'autres accords avec nos voisins, comme le Luxembourg et la Belgique, où l'apprentissage transfrontalier n'existe pas ou peu.

Comme pour les travailleurs frontaliers, les déplacements se font essentiellement de la France vers les pays limitrophes, alors que nous avons de grands atouts en France. En Meurthe-et-Moselle, je pense à Le Bras Frères, qui participe à la rénovation de Notre-Dame de Paris. Nous avons beaucoup à apporter aux apprentis des autres pays.

L'apprentissage transfrontalier garantit l'équivalence. Ce texte pourrait lever les obstacles à la mobilité, de l'absence de statut au manque de coopération sur l'apprentissage des langues étrangères.

Un point n'a pas été évoqué dans ce texte : cet accord ne produira pas les effets attendus si les jeunes n'apprennent pas l'allemand. Nous avons de plus en plus de mal à recruter des professeurs d'allemand. Au Luxembourg, la langue des lycées techniques est l'allemand.

Si l'on veut donner toutes ses chances à cet accord, il va falloir développer l'apprentissage de cette langue dans les zones frontalières.

Le groupe RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. Ludovic Haye .  - Je remercie Akli Mellouli pour son travail précieux sur ce texte, ainsi que le ministre et ses équipes. Pour l'Alsacien d'adoption que je suis, ce texte représente beaucoup. Sans remonter jusqu'à la Sorbonne et à l'université d'Heidelberg, il est important de rappeler le rôle majeur des échanges universitaires et scolaires. « On se lasse de tout, excepté d'apprendre », disait Virgile.

Les nombreux programmes existants ne concernent toutefois pas l'apprentissage. En France, cette filière est performante et s'est largement développée ces dernières années, avec un million d'apprentis fin 2023. Ces élèves s'intègrent mieux sur le marché de l'emploi.

Avec ce projet de loi, nous rétablissons une situation normale. Avant 2018, les élèves pouvaient aisément faire leur apprentissage en Allemagne, mais la révision des compétences des régions a fragilisé cette possibilité, rétablie par la loi 3DS.

Cet accord, attendu par les élèves et les collectivités territoriales, rend accessibles à l'apprentissage transfrontalier toutes les certifications existant en France et en Allemagne. Il est le fruit d'une négociation entre les États, mais aussi les régions et les Länder. Le financement de l'apprentissage transfrontalier sera financé selon les dispositions en vigueur dans chaque pays.

La région Grand Est sera la première concernée - je m'en réjouis - par des échanges avec le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-Palatinat et la Sarre. En Alsace comme en Lorraine ou dans le Territoire de Belfort cher au président Perrin, nous vivons le transfrontalier au quotidien : nous voyageons, travaillons, suivons des études supérieures des deux côtés de la frontière. La Collectivité européenne d'Alsace (CEA) et notre Eurorégion y ont un rôle majeur. Cette frontière s'efface grâce à l'Europe.

Cet accord est l'occasion d'un rééquilibrage entre les deux pays, pour donner envie aux jeunes de venir en France et réarmer nos filières en tension. Nous avons bien fait d'ouvrir l'apprentissage transfrontalier sur tout le territoire métropolitain.

Les perspectives d'un apprentissage et d'un marché du travail transfrontalier sont de puissants leviers. Il faudra donner à nos élèves l'envie d'apprendre l'allemand.

Le RDPI votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. Michaël Weber .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La question de l'apprentissage transfrontalier entre la France et l'Allemagne s'inscrit dans une ambition européenne plus large.

La question de la pertinence d'un accord bilatéral, au périmètre géographique restreint, se pose. Une série d'accords similaires avec d'autres pays limitrophes semble en cours de négociation : quel en est le calendrier, monsieur le ministre ?

Le développement de l'apprentissage transfrontalier est une bonne nouvelle. La convention répond au souhait des acteurs locaux et inaugure une politique européenne de l'apprentissage.

Quelques points appellent une plus grande vigilance : l'accord pose un cadre juridique, mais il ne suffira pas à insuffler une dynamique, car le principal frein n'est pas juridique, mais financier. Sans aide, la mobilité des apprentis restera faible.

Or le Gouvernement a récemment annoncé une baisse des aides aux CFA et de l'enveloppe destinée aux régions en leur faveur, alors qu'il avait été jugé insuffisant dès le début. Certains centres seront contraints de fermer des sections de formation, voire des sites.

Il est prévu que la prise en charge de ces contrats transfrontaliers soit assurée par un opérateur unique, pour un montant fixé par les ministres du budget et de la formation professionnelle. Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser ce point ?

Seuls trois Länder sont concernés, alors qu'il faudrait que cela s'étende à toute l'Allemagne. Quelles sont les intentions du Gouvernement dans ce sens ?

Quant aux conditions financières, les deux parties ne prévoient pas de système de compensation, alors que son absence freine la mobilité. La hausse progressive du nombre de bénéficiaires doit amener les parties à considérer un système plus pérenne. Le Gouvernement devrait engager la réflexion sur ce sujet dès maintenant avec l'Allemagne.

J'ai une pensée pour Angèle Dufflo, militante du bilinguisme, vice-présidente du conseil régional de Lorraine trop vite disparue. Élus en Moselle, nous nous étions battus conjointement pour qu'un jeune puisse faire sa formation en école en France et en entreprise en Allemagne.

Aussi, malgré ces écueils, je salue cet accord comme une véritable avancée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Claude Kern applaudit également.)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi qu'au banc des commissions ; M. Ludovic Haye applaudit également.) Je suis le troisième parlementaire alsacien à m'exprimer sur cet accord ce soir ; c'est dire l'intérêt de ce texte pour l'Alsace, dont la position géographique est une formidable opportunité pour sa jeunesse.

Hasard du calendrier ou non, cet accord donne plus de sens encore aux élections européennes du 9 juin prochain en montrant à la jeunesse tout l'intérêt de la construction européenne. Il inaugure une série d'autres accords construisant un espace européen de l'apprentissage tout autour de la France.

Ayant longtemps dirigé la chambre des métiers d'Alsace, vice-président puis président de feu le conseil régional d'Alsace, j'ai naturellement suivi le sujet de l'apprentissage en tant que sénateur. La loi Liberté de choisir son avenir professionnel, depuis le 1er janvier 2020, a dessaisi les conseils régionaux de l'apprentissage au profit des branches professionnelles. En Alsace, ce fut un tsunami faisant disparaître le cadre transfrontalier de l'apprentissage pendant des années.

Quelle inconséquence, quels dégâts ! Le nombre de jeunes d'Alsace se lançant dans l'apprentissage transfrontalier n'a pas retrouvé son niveau d'antan : alors qu'Adrien Zeller espérait atteindre 1 000 apprentis, 300 seraient aujourd'hui concernés ; nous en sommes loin !

Les dispositifs Erasmus+ et Mona ont attiré des jeunes, mais les résultats en matière d'emploi ne sont pas les mêmes, alors que les entreprises allemandes sont demandeuses de main-d'oeuvre.

La leçon est claire, monsieur le ministre : avant de tout mettre à plat, il faut une étude d'impact !

Il faut enfin tenir compte des aléas ; ainsi, pendant le Covid, j'appelais à ne pas fermer complètement les frontières.

La question du financement avait été épineuse ; Élisabeth Borne, alors ministre du travail, avait donné des instructions pour une prise en charge provisoire des apprentis en 2020, mais avec des résultats qui n'étaient pas à la hauteur.

Vous connaissez mon attachement au droit local alsacien et mosellan ; ce dernier est très vertueux en matière d'apprentissage, car plus exigeant, une garantie d'intégration et de formation, comme en Allemagne. Nos taux de ruptures atteignent ainsi la moitié du niveau national.

Je voterai ce projet de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur le banc des commissions ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Ludovic Haye applaudit également.) L'accord que nous examinons s'inscrit dans la ligne du traité de l'Élysée de 1963 et de l'amitié cultivée entre nos deux pays après une relation si tourmentée.

L'apprentissage me tient à coeur. Dans la Moselle, comme dans les autres départements limitrophes de l'Allemagne, l'apprentissage transfrontalier est une chance pour nos concitoyens. L'accord lui offre un cadre juridique sécurisé, avec un contrat d'apprentissage standardisé et bilingue.

Ce texte est une étape indispensable dans la construction de l'espace européen de l'éducation. Frontaliers, nous savons combien il est important de favoriser la mobilité.

L'apprentissage transfrontalier est une réussite : 80 % des jeunes occupent un emploi dans les trois mois suivants, majoritairement en CDI, contre 65 % au bout de six mois après un CAP ou un BTS.

Nous avons beaucoup à apprendre de nos voisins : les compétences techniques et linguistiques ramenées dans les bagages des apprentis font leur force, avec une plus grande mobilité internationale. La réforme catastrophique de la loi Liberté de choisir de son avenir professionnel avait retiré aux régions la compétence de l'apprentissage. La loi 3DS a réintroduit l'apprentissage transfrontalier, sous réserve de la conclusion d'un accord bilatéral sur le sujet. Cette convention corrige définitivement cette erreur, dans l'attente de conventions avec les autres pays voisins. Je ne peux que m'en réjouir : les trois Länder voisins sont des partenaires historiques de nos départements.

Les ressortissants français sont les plus grands bénéficiaires de l'apprentissage transfrontalier. À l'heure où notre pays doit se poser la question de la formation de notre jeunesse, offrir à des apprentis motivés une telle possibilité poursuivra la redynamisation de l'apprentissage. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)

Vote de l'article unique

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Monsieur Weber, avec la Belgique et le Luxembourg, on peut attendre une convention dans les douze mois. S'agissant de l'Espagne, la coopération locale avec la Catalogne et le Pays basque est très dynamique, dans tous les domaines, et s'approfondit grâce au traité de Barcelone.

Je salue le travail de notre ambassadeur aux questions frontalières, Philippe Voiry, que certains d'entre vous connaissent. Il a permis au Gouvernement de prendre conscience de problèmes communs à nos frontières. Avec la ministre des collectivités territoriales, nous envisageons de réunir un comité interministériel transfrontalier.

Le projet de loi est adopté.