Justice patrimoniale au sein de la famille (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie Mercier applaudit également.) Adopté le 18 janvier 2024 à l'Assemblée nationale et le 20 mars dernier au Sénat : le parcours de ce texte aura été rapide. Je m'en réjouis, vu les lacunes qu'il comble.

La CMP a trouvé facilement un compromis. Sur le volet civil, l'article 1er remédie à un oubli coupable du législateur. Reprenant la rédaction du Sénat, il rend impossible une forme de pardon accordé par la victime à son bourreau à la dissolution du mariage, consistant à lui accorder le bénéfice des avantages matrimoniaux malgré sa déchéance matrimoniale. Sur l'initiative de la députée Perrine Goulet, nous avons introduit une disposition prenant en compte les biens propres.

L'article 1er bis A précise qu'il est possible d'établir un inventaire matrimonial au décès d'un des époux au-delà du seul inventaire de succession.

L'article 1er bis demeure dans la rédaction du Sénat. Depuis, nous avons été saisis sur l'interprétation du texte. Je clarifie donc la volonté du législateur : une fois la volonté exprimée par un époux dans la convention matrimoniale de renoncer à la révocation de plein droit, au moment du divorce, de certains avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial, il sera toujours possible de modifier la convention matrimoniale pour revenir à l'expression de cette volonté. L'irrévocabilité ne s'applique pas à la stipulation de la convention matrimoniale, mais bien à l'avantage matrimonial en cause.

Sur le volet fiscal, il est difficilement tolérable qu'une femme se séparant d'un conjoint qui s'est soustrait à ses obligations déclaratives soit comptable de dettes fiscales qu'elle n'a pas contractées.

Ainsi, l'article 2 ter, que nous devons à Pascal Savoldelli, applique cette disposition aux dossiers en cours d'instruction.

Les articles 2 bis A et 2 bis B n'ont pu être retenus, car ils faisaient peser de trop grands risques de contournement de l'impôt. Le ministre Cazenave a cependant pris des engagements fermes au sujet des décharges de responsabilité solidaire. La confiance n'exclut pas le contrôle : si les résultats n'étaient pas au rendez-vous, le PLF serait l'occasion d'y remédier.

Je vous propose d'adopter ce texte et remercie Hubert Ott et Perrine Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - En réponse à des amendements au PLF sur les décharges de responsabilité solidaire, je m'étais engagé à y travailler. C'est chose faite, avec le groupe démocrate à l'Assemblée nationale. Ce texte, enrichi par l'Assemblée nationale, le Sénat et la CMP, comporte des avancées notables pour les femmes victimes de violences intrafamiliales. Je salue le travail des députés Perrine Goulet et Hubert Ott ainsi que la rapporteure Isabelle Florennes.

Ce texte présente des avancées en droit civil - j'excuse l'absence du garde des sceaux - notamment sur le droit des régimes matrimoniaux. Faute de disposition propre à l'époux ayant provoqué la mort du conjoint, un époux meurtrier peut bénéficier de la clause d'attribution intégrale lui permettant de jouir de la pleine propriété, au décès de son époux, de l'ensemble des biens communs. C'est insupportable.

Ce texte met en pratique l'adage : « le crime ne paie pas ». Désormais, l'époux ne pourra plus tirer profit d'avantages matrimoniaux en cas de condamnation pénale pour homicide et sur décision du juge dans des cas de torture, de viol ou de violences.

La CMP a parfait le dispositif. En cas d'apports propres à la communauté par l'époux décédé, les héritiers récupéreront ces biens.

Le texte modifie l'article 265 du code civil. Actuellement, la convention de divorce peut prévoir le maintien d'un avantage matrimonial. Ce sera désormais possible dès le contrat de mariage.

Je veux rassurer les praticiens : l'article 1397 du code civil, qui permet la modification du régime matrimonial au long du mariage, reste applicable. Ainsi, les époux qui auront convenu de l'irrévocabilité des avantages matrimoniaux dans leur contrat pourront revenir sur leur décision.

Le texte consacre une avancée majeure pour les victimes de la solidarité fiscale - en majorité des femmes. La fraude fiscale du conjoint peut virer au cauchemar : la détresse financière s'ajoute au drame personnel, l'administration pouvant réclamer les économies d'une vie. Désormais, il sera possible d'annuler la dette fiscale, pour ne pas ajouter de l'inhumanité à la détresse. Je me réjouis du compromis proposé, qui reprend des apports du Sénat, dont le remboursement en cas d'octroi de décharge de responsabilité solidaire, adopté sur l'initiative de Pascal Savoldelli, et la précision sur le traitement des pénalités apportée par la rapporteure Isabelle Florennes.

Ce travail collectif apporte donc des solutions concrètes. La décharge de responsabilité solidaire permet de déclarer tiers à la dette les personnes victimes de la solidarité fiscale. La CMP fait preuve de confiance : nous serons à la hauteur.

Les demandes de remise gracieuse par les personnes à qui la décharge a été refusée dans le passé seront traitées par l'administration centrale des finances publiques, pour harmoniser les réponses.

En parallèle, nous allons finaliser rapidement la doctrine. Je m'engage à la publier d'ici octobre, après consultation des acteurs.

S'agissant de la décharge de responsabilité solidaire, je m'engage à ce que les biens issus d'un héritage ne soient plus recherchés par l'administration fiscale dans la phase de recouvrement de la dette fiscale.

Depuis sept ans, la lutte contre les violences faites aux femmes et l'égalité femmes-hommes sont une priorité. Ce texte conjugue fiscalité et égalité. Nous mettons fin à un monde dans lequel un homme qui tue sa femme peut récupérer l'ensemble des biens communs.

Ce texte est une avancée majeure au service du droit des femmes, nous pouvons en être fiers. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.- En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

condamné

par les mots :

qui a commis les actes mentionnés au même premier alinéa 

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Cet amendement rédactionnel corrige une erreur matérielle : il ne peut être fait référence à « l'époux condamné » dans le cas où l'action publique n'a pu être exercée ou s'est éteinte en raison de son décès.

Mme Isabelle Florennes, rapporteure.  - Avis favorable.

L'amendement n°1 est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Dominique Vérien .  - (Mme Isabelle Florennes applaudit.) Il est toujours agréable de voir un texte aboutir, surtout lorsqu'il corrige des aberrations de notre droit. Je rappelle qu'on peut tuer son conjoint et hériter de son patrimoine dès lors qu'on est marié sous le régime de la communauté universelle. Le crime ne doit pas payer : avec l'article 1er, qui crée une forme de déchéance matrimoniale, il ne payera plus. Nos deux chambres ont trouvé un dispositif autonome, proche du régime d'indignité successorale.

Grâce à sa rapporteure, le Sénat a renforcé le dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux tout en supprimant la faculté du pardon laissée à la victime, pour intégrer les cas d'emprise. Petit à petit, notre droit prend cette notion en compte, je m'en réjouis.

L'exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation a été sécurisée. Longtemps, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, ces dispositions protectrices étaient rendues caduques au moment du divorce. Le Sénat a donné à l'article une portée plus générale.

L'article 2 améliore le dispositif de décharge de responsabilité solidaire qui permet d'exonérer un ex-conjoint d'une partie des dettes fiscales dues par le couple. Dans bien des cas, les épouses devaient régler des dettes dont elles n'avaient pas connaissance, et qui avaient parfois une origine frauduleuse...

Je connais les attentes des associations sur ce sujet. Nous avons trouvé un compromis efficace, je le crois : la restitution des sommes recouvrées par l'administration fiscale entre la séparation des époux et la déclaration de décharge, une mesure de bon sens et efficace.

Je salue les engagements du ministre Cazenave pour que le dispositif de décharge gracieuse donne une issue favorable à certains dossiers ; je suivrai son évolution. Nous attendons impatiemment la nouvelle doctrine que vous avez annoncée. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, nous saurons vous le rappeler, par le biais d'un amendement au PLF ou, pourquoi pas, d'une mission flash de la délégation au droit des femmes.

Cela dit, vous me semblez avoir pris le sujet à bras-le-corps et j'ai confiance. Le groupe UC est heureux d'avoir porté ce texte, que nous voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Ghislaine Senée .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cette proposition de loi s'inscrit dans le contexte plus large des inégalités entre les genres, que le Gouvernement ne combat pas suffisamment : le budget qui y est consacré a certes doublé mais n'atteint que 0,7 %. Il n'est guère surprenant que les grandes promesses sur l'égalité soient à mille lieues des réalités vécues par les femmes.

Selon la Drees, 20 % des sondés estiment normal que les femmes restent à la maison pour élever les enfants. Les politiques publiques sont inadaptées : faute de places en crèche, trois mères seules sur cinq ne travaillent pas. À ces inégalités choquantes s'ajoutent le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles.

Pour lutter contre ces inégalités et ces violences, il faut partir des réalités subies par les femmes. Cette proposition de loi d'Hubert Ott, que je remercie, apporte plusieurs briques à l'édifice.

D'abord, une meilleure prise en compte des violences intrafamiliales lors de l'évaluation des avantages matrimoniaux - ceux-ci seront révoqués en cas de violences.

Ensuite, le sort d'une dette fiscale après la séparation du couple. En effet, l'ex-conjointe était tenue solidairement au paiement de l'impôt, et donc tenue de régler la dette. Avec ce texte, les demandes de décharge en solidarité fiscale deviennent enfin plus faciles.

Grâce à un amendement de la rapporteure, la décharge s'applique également aux pénalités dues par le conjoint fraudeur. Nous nous réjouissons du maintien de cette mesure en CMP, mais cela demeure une décharge accordée à titre gracieux. Mme Vogel et moi-même aurions préféré une autre solution...

Nous déplorons aussi que la CMP ait suivi le Sénat sur l'article 1er bis, qui prévoit qu'une convention matrimoniale peut rendre les avantages matrimoniaux irrévocables. Un conjoint plus riche pourra en abuser pour éviter un partage jugé trop généreux. Dans les couples hétérosexuels, l'homme pourrait exploiter sa situation dominante... Malgré ces regrets et alertes, ce texte est une avancée. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pascal Savoldelli .  - Lors de la réunion de la CMP, seuls cinq députés sur sept étaient présents, dont trois de la majorité présidentielle. Cela affaiblit la légitimité du texte et mine la démocratie parlementaire.

La rapporteure Florennes a voté contre l'article 2 bis A qui corrigeait une injustice pourtant reconnue sur tous nos bancs. Il s'agissait d'octroyer une décharge de responsabilité solidaire à l'ex-conjointe innocente des dettes fiscales contractées par son ex-conjoint. Soit elle est responsable, et doit en assumer les conséquences, soit elle est innocente, et doit être déchargée ! Les victimes sont à 92 % des femmes. Je regrette que la rapporteure de l'Assemblée nationale ait minimisé cette dimension pour discréditer une association de femmes. Quand un système injuste est en place, il ne suffit pas de le contourner, il faut le démanteler. La quête de justice exige une cohésion sans faille.

Le Parlement souhaite-t-il maintenir un dispositif gracieux à la main de l'administration ou créer un dispositif légal de plein contentieux, qui institue un droit ? Rappelons que près de 80 % des dettes sont issues de redressements fiscaux d'un ex-conjoint, et que 60 % des demandes de désolidarisation se soldent par un refus de Bercy.

Dire que le collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale soutient ce recul est une aberration. Marie-Cécile Sergent a appelé la CMP « à impérativement conserver à l'identique le texte issu du Sénat », et à « en finir avec cette violence administrative et économique faite aux femmes ».

Tel que rédigé, l'article 2 n'oriente aucunement l'appréciation portée par les services fiscaux. M. le ministre annonce une instruction fiscale de Bercy d'ici l'été. Si la doctrine de l'administration sur la solidarité fiscale ne change pas, la rapporteure y reviendra lors du PLF...

À saluer néanmoins, l'adoption, malgré l'opposition du Gouvernement, de notre amendement visant à restituer les sommes injustement prélevées aux victimes exonérées. Aussi, nous nous abstiendrons sur le texte issu de la CMP, privilégiant le principe de la grâce au droit de grâce en matière fiscale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je l'ai dit en première lecture : cette proposition de loi porte des mesures justes, nécessaires et attendues.

Sur la forme, son élaboration illustre la capacité du bicamérisme à apporter des réponses rapides et efficaces. Nos débats ont été denses. Nos délibérations ont infusé les consensus qui se sont formés en CMP. Le travail de coconstruction des rapporteures a été fondamental, je les en remercie vivement.

Ce texte répond à un objectif de justice, en mettant fin à la « prime au crime ». La jurisprudence civile avait pris cette direction, sa sanctuarisation dans la loi s'imposait.

Il traite aussi de la solidarité fiscale entre époux, dont les femmes sont les principales victimes, à 80 %.

Sur le volet fiscal, des compromis subtils ont été trouvés.

À l'article 1er, le Sénat a été suivi : la suppression de la faculté de pardon de la victime traduit une meilleure prise en compte des situations d'emprise par le droit.

Je salue également le rétablissement de la disposition relative aux biens propres apportés à la communauté par l'époux victime.

À l'article 1er bis A, le rétablissement de l'inventaire dans une communauté de biens est également bienvenu.

Sur le volet fiscal, la suppression en CMP des articles 2 bis A et 2 bis B, introduits par le Sénat, s'appuie sur les engagements pris par le ministre Cazenave, après concertation avec le collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale. Ils devront être tenus. Il est indispensable d'apporter une réponse facilitatrice aux femmes victimes.

Enfin, la nouvelle rédaction de l'article 2, plus protectrice, répond aux attentes du Sénat. Le RDSE votera unanimement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Nicole Duranton .  - Cette proposition de loi répond à l'impératif majeur d'égalité des droits entre les hommes et les femmes. Le combat n'est pas terminé.

Il est question ici de justice. Justice pour toutes ces femmes victimes de violences, longtemps invisibilisées, emmurées dans la culpabilité et la honte. Justice pour toutes ces femmes séparées, victimes des dettes contractées par leur ex-mari.

Alors que les femmes constituent 86 % des victimes de violences conjugales et font l'objet de 82 % des homicides conjugaux, il est inconcevable que l'époux assassin profite des avantages tirés de son régime matrimonial.

Je salue le consensus suscité par la mise en place du régime de déchéance de plein droit, à l'article 1er, et l'ouverture de la possibilité d'une décharge de responsabilité à titre gracieux, à l'article 2.

La CMP a retenu plusieurs apports du Sénat. Ainsi, le dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux a été renforcé et la faculté du pardon laissée à la victime supprimée, pour tenir compte des cas d'emprise.

Si tous ont condamné l'injustice faite aux femmes tenues solidairement responsables des dettes fiscales contractées à leur insu par leur ex-conjoint, certains ont regretté un dispositif de décharge « à titre gracieux ». Face aux difficultés rédactionnelles soulevées par l'article 2 bis A, la CMP a toutefois préféré le supprimer, le Gouvernement s'engageant à publier une instruction fiscale avant l'été et à améliorer le traitement des dossiers.

Enfin, nous saluons les dispositions introduites par Pascal Savoldelli sur la rétrocession des sommes versées par les victimes. Ce texte est porteur d'une avancée en matière d'égalité et de liberté pour les femmes.

Je salue l'engagement du député Hubert Ott, auteur de la proposition de loi. En la votant, nous réaffirmons notre engagement en faveur du droit des femmes. La violence ne doit faire l'objet d'aucune indulgence. Nul ne doit payer pour un crime qu'il n'a pas commis. Il est essentiel que ces principes fondamentaux soient des réalités pour les femmes.

Nous voterons pour cette proposition de loi très attendue. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Corinne Narassiguin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte bienvenu encadrera mieux les conséquences d'une séparation en cas de violences conjugales. La proposition de loi Ott a fait l'objet d'un consensus, d'un travail transpartisan, et a été enrichie au cours de la navette. Je remercie Hussein Bourgi, qui a porté la voix de notre groupe.

La lutte contre l'injustice passe aussi par des modifications du droit patrimonial et du droit fiscal.

Le texte issu de la CMP est plus que salutaire.

Aberration de notre droit civil, il est possible de tuer son conjoint et d'en hériter. L'article 1er crée le régime juridique de déchéance matrimoniale. Il était indigne que les époux meurtriers ou violents puissent tirer les avantages de la convention matrimoniale. Cette lacune sera réparée, et le dispositif s'appliquera aux conventions en cours.

La solidarité fiscale entre conjoints est un principe fondamental de notre droit, mais il peut entraîner de profondes injustices. Nombre de requérants se heurtent encore aux interprétations restrictives de l'administration fiscale, avec des situations dramatiques à la clé.

Nous saluons l'article 2, qui évitera de faire peser sur le conjoint de bonne foi une charge fiscale trop lourde.

En revanche, nous regrettons la suppression en CMP des articles 2 bis A et 2 bis B, adoptés au Sénat contre l'avis de la rapporteure mais qui faisaient l'objet d'un large consensus.

Reste que ce texte est une avancée bienvenue dans la lutte contre les violences conjugales et répare des injustices qui touchent majoritairement les femmes. Notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si le droit a pour fonction première d'assurer la sécurité dans les relations sociales et ne se confond pas avec la morale et l'équité, il ne peut néanmoins pas trop s'en écarter, sauf à devenir inapplicable.

Il est impossible que des situations légales ou contractuelles dictées par une vie de couple normale perdurent quand les fondamentaux de la vie de couple, tels que le respect et la confiance, ont disparu.

Il est encore plus incompréhensible de maintenir un avantage matrimonial lorsqu'un des conjoints a porté atteinte à l'autre.

Idem lorsque la créance fiscale du couple est uniquement liée à une acquisition frauduleuse de revenus ignorée du conjoint - pourtant solidaire de la dette ! Là encore, la décharge de responsabilité solidaire est une solution bienvenue. Comme d'autres, je regrette toutefois que nous n'ayons pu conserver la rédaction défendue par plusieurs groupes du Sénat. Avec ce léger bémol, le groupe Les Républicains votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Kern applaudit également.)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Cette proposition de loi s'inscrit dans notre engagement commun pour l'égalité entre les hommes et les femmes et contre les violences conjugales. Elle apporte des réponses concrètes à des situations inacceptables. En l'état du droit, un mari peut tuer son épouse et jouir de la pleine propriété de leurs biens communs. Je me réjouis que la CMP ait été conclusive sur ce point et comble ainsi un vide juridique insupportable.

Je regrette toutefois la suppression des articles 2 bis A et 2 bis B, en dépit de la mobilisation des sénateurs et des associations de femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale. Le ministre nous avait pourtant invités, en loi de finances, à trouver un véhicule législatif adéquat...

Par ailleurs, nous avions souhaité que les biens immobiliers détenus antérieurement à la date du mariage ou du Pacs soient écartés lors de l'examen de la situation patrimoniale. La dette fiscale, souvent contractée à leur insu, est un terrible fardeau pour certaines femmes. Le rejet de leur demande par l'administration fiscale est une double peine. J'ai été touchée par le témoignage de Marie-Cécile dans le quotidien Libération, que je vous invite à lire, monsieur le ministre.

Des vies brisées, une précarité indicible, une dette impossible à rembourser, voilà le résultat d'une politique fiscale qui, à défaut de faire payer le responsable, s'acharne sur l'innocente.

Reste le dispositif de remise gracieuse, qui bénéficiera, à l'initiative du Sénat, aux dossiers en cours. Mais la suppression par la CMP des autres dispositions me semble être une erreur.

Monsieur le ministre, j'ai pris note de votre engagement et ne doute pas de votre bonne foi. Je demeurerai attentive à l'évolution de la situation et participerai volontiers à une mission flash de la délégation aux droits des femmes, si les résultats ne suivent pas.

Je salue l'engagement des associations qui militent pour mettre fin aux injustices faites aux femmes divorcées.

Ce texte est tout de même une avancée, le groupe Les Indépendants lui apportera son soutien unanime. (Mme Dominique Vérien et M. Michel Masset applaudissent.)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue à 20 h 10.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 21 h 40.