Ingérences étrangères en France (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, visant à prévenir les ingérences étrangères en France.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur cette proposition de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe .  - La démocratie a besoin de citoyens éclairés et de consciences informées. C'est pourquoi nos ennemis s'en prennent à la bonne information des citoyens, clé de voûte de la démocratie, en instillant le virus de la désinformation dans le débat public.

Je salue le travail du Sénat sur cette question fondamentale.

Cette proposition de loi crée pour la première fois un bouclier de transparence, afin que les Français soient dûment informés des activités d'influence menées par des puissances étrangères. Un registre placé sous la responsabilité de la HATVP est créé à l'article 1er. Je salue l'apport de la commission des lois qui a défini la notion d'influence étrangère.

Cette proposition de loi lutte aussi contre les ingérences étrangères, qui se distinguent de l'influence par leur malveillance et leur illégalité. Face aux ingérences, nous avons besoin d'un véritable bouclier démocratique, avec, comme pour lutter contre un virus, des moyens de détection, des dispositifs de traitement, et enfin une immunité collective, pour éviter la contamination.

Nous avons commencé à construire ce bouclier depuis plusieurs années, avec Viginum, créé en 2021 et le règlement européen sur les services numériques.

Cette proposition de loi apporte deux éléments supplémentaires : le recours aux algorithmes pour détecter les manipulations de l'information ; et, grâce au Sénat, le doublement des peines qu'encourent les personnes qui s'attaquent aux biens et aux personnes pour le compte d'une puissance étrangère.

Alors que la démocratie est attaquée par des ennemis de l'intérieur et de l'extérieur, nous devions renforcer notre arsenal.

Cette proposition de loi améliore la transparence et se donne les moyens de détecter les auteurs de manipulations, comme nous en avons connu ces deux dernières années, depuis l'agression russe en Ukraine.

J'espère que notre débat de ce soir améliorera encore ce texte. (Applaudissements au banc des commissions et sur les travées du RDPI)

Mme Agnès Canayer, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements au banc des commissions et sur les travées du groupe Les Républicains) Les comportements hostiles de pays étrangers ne relèvent pas de la fiction. L'ingérence étrangère a toujours existé -  voyez l'espionnage. Les cyberattaques sont des outils modernes d'ingérence, comme l'influence ou le sharp power.

Mise en lumière par les Macron Leaks et les Story Killers, l'ingérence étrangère se développe sur des terreaux fragilisés. De Mayotte à la Nouvelle-Calédonie, les outre-mer sont une cible privilégiée.

La menace est protéiforme et plus durable qu'auparavant, comme l'a constaté la délégation parlementaire au renseignement dans son rapport pour 2022-2023. Sur ses 22 propositions, quatre, de niveau législatif, se retrouvent dans la proposition de loi de Sacha Houlié.

L'article 1er crée un répertoire des acteurs de l'influence, sur le modèle du Foreign Agents Registration Act (FARA) américain, tenu par la HATVP. Le non-respect de l'obligation de déclaration serait puni de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.

L'article 2 prévoit la remise bisannuelle au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur l'état des menaces.

L'article 3 étend aux cas d'ingérence étrangère la technique dite de l'algorithme, réservée jusqu'à présent à la lutte contre le terrorisme.

L'article 4 permettra à l'administration de geler les avoirs des personnes physiques ou morales auteurs d'ingérences étrangères.

L'Assemblée nationale a imposé aux think tanks de détailler auprès de la HATVP les dons et versements en provenance d'une puissance ou d'une personne morale étrangère, et rendu le texte applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

La commission des lois du Sénat juge cette proposition bienvenue. Je remercie le président Malhuret pour sa collaboration constructive.

Pour plus d'efficacité, nous avons proposé que le nouveau répertoire soit distinct de celui des représentants d'intérêts créé par la loi Sapin II.

Nous avons clarifié la notion d'influence étrangère, sur le fondement d'un élément intentionnel et d'un critère matériel. L'action d'influence peut prendre trois formes : entrer en communication avec une cible ; réaliser une action de communication publique ; lever des fonds ou procéder à des versements sans contrepartie.

Nous avons étendu la liste des cibles issue de la loi Sapin II aux anciens Présidents de la République, anciens ministres et anciens parlementaires pendant cinq ans à l'issue de leur mandat, ainsi qu'aux anciens candidats à des élections nationales et aux élus des communes de plus de 20 000 habitants.

Nous avons renforcé les pouvoirs de la HATVP - mises en demeure, contrôles sur pièces et sur place, astreintes.

La HATVP ne pouvant être prête d'ici fin 2024 en raison des JO, nous avons reporté l'entrée en vigueur de la procédure de déclaration au 31 décembre 2025.

Nous avons renforcé les contrôles par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) et la délégation parlementaire au renseignement sur l'expérimentation de la technique de l'algorithme et en avons fixé le terme au 1er janvier 2028.

Nous avons aussi introduit deux nouveaux dispositifs.

La HATVP pourra contrôler pendant cinq ans les risques d'ingérence étrangère au titre des mobilités public-privé et de la reconversion professionnelle des anciens ministres, présidents d'exécutifs locaux et membres d'une autorité administrative ou publique indépendante.

Une circonstance aggravante en cas d'atteinte aux biens ou aux personnes a été introduite et le recours à des techniques spéciales d'enquête sera autorisé.

Cette proposition de loi est opportune : elle étend la palette de nos moyens de lutte contre l'ingérence étrangère et comble les failles de notre cadre juridique très libéral. Nos services de renseignement doivent disposer de moyens adaptés à l'évolution de la menace.

Malheureusement, elle arrive trop tard pour les élections européennes et les JO.

Plus vite, plus haut, plus fort, ensemble : la devise olympique est particulièrement adaptée à ces enjeux. Nous vous demandons d'adopter ce texte issu des travaux de la délégation parlementaire au renseignement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Claude Malhuret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Une nouvelle guerre a commencé. Au XXe siècle, les démocraties, après un combat de cent ans contre les totalitarismes, l'ont emporté. Comme Kant, nous avons cru à la paix perpétuelle. Mais les dictatures sont revenues, décidées à prendre leur revanche. Nos ennemis ne se cachent pas : Poutine, Xi, Khamenei et d'autres déclarent ouvertement qu'ils veulent notre perte.

La vraie guerre, avec armées et canons, se déroule sur nos écrans. Mais, comme dans les années trente, beaucoup de nos dirigeants tentent de nous rassurer : « nous ne sommes en guerre contre personne ». Étrange affirmation, quand vos ennemis veulent vous détruire...

La guerre qu'on ne voit pas venir, titre d'un livre de Nathalie Loiseau, prend de nouvelles formes : désinformation, manipulation, noyautage des réseaux sociaux, fake news, fermes à trolls, cyberattaques, infiltration des milieux politiques et des affaires. Nos démocraties sont attaquées de l'intérieur, sans victime apparente, sans coupable identifié, mais avec de vrais dégâts. L'ingérence est la première branche de la tenaille, et nous faisons semblant de l'ignorer.

Quand j'ai voulu faire interdire Russia Today et Sputnik, en 2018, le ministre m'a répondu : vous n'y pensez pas, et la liberté d'expression ? Puis, au lendemain de l'invasion de l'Ukraine, leur interdiction a été décidée, dans la panique, dans toute l'Europe.

J'ai demandé à la Commission européenne des mesures contre TikTok - elles tardent à venir. En Nouvelle-Calédonie, TikTok a été interdit et des ONG gauchistes attaquent le ministre de l'intérieur pour atteinte à la liberté d'expression. Je le redis avec solennité : tant que l'on considérera ces plateformes, ces banques de la colère, comme des hébergeurs et non comme des éditeurs, nous perdrons la bataille.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - On l'a dit de nombreuses fois !

M. Claude Malhuret, rapporteur pour avis.  - Après l'ingérence, la deuxième branche de la tenaille, c'est la cinquième colonne : l'extrême droite et l'extrême gauche, courroies de transmission des tyrannies.

Cette proposition de loi a deux vertus : elle marque la fin du déni et elle propose des moyens de faire face à la menace.

Ce texte est le bienvenu et la commission des affaires étrangères et de la défense le soutient. Il nous reste cependant un immense chemin à parcourir et ce n'est là qu'un timide premier pas. La législation américaine Fara date de 1938 : notre retard est immense !

Et la disproportion des forces terrifiante : des centaines d'agents en Russie, plusieurs millions en Chine, alors qu'en France, on compte 3 500 membres rattachés au commandement de la cyberdéfense, 42 agents pour Viginum et 71 à la HATVP...

À chaque jour, ses nouvelles attaques. La dernière provocation de la Russie, qui a souillé le Mémorial de la Shoah à Paris et tenté de mettre à bas le réseau internet de Nouvelle-Calédonie, montre combien il y a urgence à agir. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains, UC et SER, ainsi que du RDSE et du RDPI)

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°22, présentée par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France (n° 479, 2023-2024).

Mme Gisèle Jourda .  - À l'initiative de notre collègue Rachid Temal, une commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères a été créée, dont les travaux doivent s'achever en juillet prochain.

Cette motion de renvoi en commission vise à lui laisser le temps d'achever ses travaux. Un tel report serait sans incidence, puisque cette proposition de loi n'entrera pas en vigueur avant le 31 décembre 2025. C'est une question de respect des travaux du Sénat et le gage d'un travail plus approfondi et donc plus efficace.

Nous partageons le même objectif : améliorer la législation pour protéger la France contre les ingérences étrangères. La commission d'enquête entend des experts, des ministres, des ambassadeurs, des militaires, des journalistes et fait des déplacements.

Le constat est brutal : la France est devenue une cible privilégiée. Campagnes de dénigrement en Afrique, tentatives de manipulation en période électorale, désinformation en Ukraine, remise en cause de notre légitimité dans les Outre-mer en sont des exemples. L'Europe est-elle à la hauteur ? Longtemps, tel n'a pas été le cas.

Le rapport que j'ai écrit avec Pascal Allizard, « L'Europe peut-elle contribuer au réveil européen dans un XXIe siècle chinois ? », propose des pistes qui se révèlent pertinentes.

Ne nous y trompons pas : répéter comme un mantra que la Chine est un rival systémique ne suffit à pas à définir une politique européenne à la hauteur des enjeux. Et nous avons d'autres rivaux ! Nous devons cesser d'être naïfs.

La commission d'enquête devra établir un état des lieux, cartographier les menaces, analyser les outils et les politiques publiques et réaliser un travail prospectif. Elle fera des propositions pour améliorer notre législation.

Cette proposition de loi va dans le bon sens et je rends hommage au travail de Sacha Houlié, même si ce texte aurait mérité d'être un projet de loi - avec étude d'impact.

Attendons les conclusions de notre commission d'enquête. (Applaudissements sur les travées du CRCE-K et du groupe SER)

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous partageons le constat, mais il est nécessaire que le Parlement débatte. Nous ne maîtrisons pas l'ordre du jour et ne pouvons pas repousser l'examen de ce texte. Le sujet est déjà bien documenté, grâce au travail de la délégation parlementaire au renseignement et de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.

Ce texte, qui n'est pas l'alpha et l'oméga, devra être complété, notamment grâce aux travaux de votre commission d'enquête.

Il est urgent et nécessaire de débattre ce soir.

Je précise que le report de l'entrée en vigueur à 2025 ne concerne que le répertoire, les autres dispositions entrant en vigueur dès la promulgation de la loi.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - On ne peut plus attendre. Voyez les démêlés de la liste Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne : le collaborateur de la tête de liste soupçonné d'espionnage au profit de la Chine, le second de liste accusé d'avoir été corrompu par la Russie... La menace est considérable. D'où l'importance de l'article 4 bis de la proposition de loi qui alourdit les sanctions pour protéger notre débat public.

M. Pascal Savoldelli.  - Je n'ai pas bien compris : soit la loi entre en vigueur le 31 décembre 2025, soit il y a urgence... Respectons le travail de cette commission d'enquête pluraliste qui fera certainement d'intéressantes propositions !

Certes, nous ne maîtrisons pas l'ordre du jour du Gouvernement, mais le renvoi en commission est tout à fait réglementaire.

Mme Agnès Canayer.  - Seul l'article 1er entrera en vigueur en décembre 2025, le temps pour la HATVP de se doter des outils nécessaires à la création du répertoire. Les autres dispositions entreront en application dès la promulgation de la loi.

La motion n°22 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Thomas Dossus .  - Les ingérences étrangères sont une des plus grandes menaces qui pèsent sur nos démocraties.

La Russie et la Chine perturbent nos processus démocratiques : députés européens d'extrême droite corrompus par la Russie ; espionnage au profit de la Chine par un collaborateur de l'AfD ; députés européens socialistes corrompus par le Qatar ; responsabilité russe dans les mains rouges peintes sur le Mémorial de la Shoah à Paris... Les tentatives d'influence de l'opinion publique depuis l'étranger se multiplient.

Les puissances étrangères, étatiques ou non, veulent affaiblir nos démocraties et trouvent des alliés : l'extrême droite européenne, qui met à mal les institutions démocratiques, le pluralisme, le débat éclairé, la citoyenneté active, les droits et libertés publiques -  bref, les valeurs européennes. Milei, Orban, Meloni, Le Pen constituent cette force politique que les démocrates doivent vaincre.

Lutter contre les influences étrangères est le devoir des démocraties. Trop longtemps, la naïveté ou le déni ont prévalu.

La proposition de loi de Sacha Houlié améliore un peu la situation. Nous soutenons la création d'un registre pour les acteurs de l'influence, une disposition défendue sans succès par les écologistes au Parlement européen pendant dix ans... Nous sommes favorables au prononcé de sanctions par la HATVP en cas de manquement.

En revanche, nous sommes opposés à l'analyse algorithmique des données de connexion, qui renforcerait la surveillance de masse et nuirait à nos libertés publiques.

Mais ce texte est très loin de suffire. Les stations de police chinoises illégales perdureront, tout comme le financement des campagnes électorales depuis l'étranger, nos amendements ayant été considérés comme des cavaliers législatifs.

Qui peut accepter que le RN continue de contracter des prêts russes par exemple ? La création d'une banque de la démocratie est une piste intéressante.

Bien qu'incomplet et dangereux par certains aspects, ce texte améliore un peu la lutte contre les influences étrangères : nous le voterons.

M. Pascal Savoldelli .  - Ce texte doit être replacé dans son contexte géopolitique. Alors que les tensions entre les États-Unis et la Chine se cristallisent autour de la course à la suprématie mondiale, l'atmosphère internationale se teinte d'incertitude et de désordre. À Tallinn en 2021, Charles Michel plaidait pour une Europe qui affirme sa puissance et se libère de ses entraves géopolitiques.

Dans un contexte de rivalités commerciales et idéologiques avec la Chine, faut-il vraiment se ranger derrière les États-Unis pour préserver notre indépendance ? À demi-mots, ce texte prône un protectionnisme à l'égard de la Chine et de la Russie, oubliant que les ingérences sont aussi le fait de multinationales, principalement américaines. La lutte contre les ingérences étrangères est au service d'une idéologie occidentalocentrée.

Si la lutte contre les ingérences étrangères est cruciale, il ne peut y avoir des ingérences tolérées et d'autres proscrites. Une telle approche binaire légitimerait les pratiques observables notamment au Parlement européen, où les consultants jouent le rôle d'experts, d'arbitres, de pompiers de service ; je renvoie à notre travail sur les cabinets de conseil.

Il faut donc lutter contre toutes les formes d'influence : c'est le sens de notre amendement pour élargir la lutte aux entités à but lucratif. Et les États membres de l'Union européenne doivent aussi être concernés.

Nous soutiendrons l'article 1er qui crée un répertoire, mais les moyens de la HATVP doivent être renforcés en conséquence. Nous proposerons un amendement pour protéger la presse et les avocats.

Nous nous opposons fermement à l'article 3 qui ouvre la porte à l'utilisation d'algorithmes par les services de renseignement. L'évolution de l'équilibre entre sécurité nationale et respect des libertés individuelles, inquiète -  souvenez-vous de la loi sur les JOP de Paris 2024 autorisant une surveillance publique de masse. Reconnaissons que l'algorithme n'est pas neutre : il reproduit notamment les discriminations préexistantes. Le cadre de l'expérimentation est trop large et aucun contre-pouvoir n'est prévu. Je vous invite à considérer ces dangers sérieusement. Si cet article demeure en l'état, nous voterons contre cette proposition de loi.

Mme Annick Girardin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Loi russe en Géorgie, fermeture de réseaux sociaux et cyberattaques en Nouvelle-Calédonie, arrestations en Tunisie : l'actualité fait la part belle aux ingérences étrangères.

Nous devons légiférer. Le rapport de la délégation parlementaire au renseignement et celui la commission d'enquête sur les ingérences et influences étrangères ont souligné les fragilités de l'Hexagone et de l'outre-mer. Décideurs publics, entreprises et milieux académiques doivent être mieux sensibilisés.

J'insiste sur la fragilité de l'outre-mer. Les évènements de Nouvelle-Calédonie mettent en lumière l'insuffisante sécurisation de ces territoires et justifient cette proposition de loi.

L'article 1er prévoit la création d'un répertoire numérique des représentants d'intérêts agissant pour le compte d'un mandant étranger. La liste des cibles d'influence a été utilement complétée. Le report de l'entrée en vigueur de ce dispositif est aussi une bonne chose.

Quid des moyens mis à la disposition de la HATVP pour accomplir ses nouvelles tâches ?

Notre groupe a souvent émis des réserves sur les algorithmes, mais nous devons nous doter de ces technologies efficaces et les expérimenter afin d'en mesurer les effets et d'en limiter les dérives.

Le RDSE votera donc ce texte qui lance une nouvelle dynamique, même s'il est loin de répondre à l'ampleur du problème. Les conclusions de la commission d'enquête permettront probablement d'enrichir notre arsenal.

Notre souveraineté et celle de l'Europe sont en cause face à cette menace protéiforme, et avec elles celle de nos concitoyens.

Les ingérences sont variées. Les smartphones, les réseaux sociaux, les data, autant de canaux pour lesquels l'Europe doit se doter d'une stratégie claire.

La France joue un rôle moteur en Europe : nous sommes les seuls à avoir des territoires outre-mer qui nous permettent d'être présents dans le monde entier. L'Europe ne peut se faire sans la France et ses câbles sous-marins. Notre pays doit rejoindre le peloton de tête de cette lutte.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour avancer sur ce sujet, sans quoi nous serons pris en tenaille entre la Russie et la Chine d'un côté, et les États-Unis de l'autre. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Nicole Duranton .  - (M. Jean-Baptiste Lemoyne et Mme Gisèle Jourda applaudissent.) Cette année marquera un moment historique, non seulement pour la France qui accueillera les JOP de Paris, mais aussi pour l'Europe en raison des élections européennes qui appelleront aux urnes plus de 358 millions d'électeurs.

Des puissances étrangères malveillantes veulent nous affaiblir, par des actions protéiformes.

La menace revêt des formes multiples. Il s'agit de campagnes de désinformation, de cyberattaques et de tentatives d'espionnage dans des domaines aussi sensibles que le spatial. Les acteurs se sont multipliés, illustrant le caractère omniprésent de la menace. Médias ou partis politiques peuvent devenir parfois à leur insu des vecteurs de l'ingérence étrangère.

La menace est durable. Certaines puissances autoritaires montrent une hostilité grandissante envers des démocraties occidentales telles que la France. C'est le cas de la Russie notamment.

Je citerai l'activité du réseau « Portal Kombat », révélé par Viginum et composé de 193 sites internet diffusant des contenus prorusses pour changer le regard porté sur la guerre d'agression en Ukraine.

La Russie n'en était pas à son coup d'essai. Le rapport du procureur américain Robert Mueller a montré que la Russie s'était impliquée de façon systématique dans la campagne présidentielle américaine. En 2017, l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron a été visée par des hackers russes, qui ont publié des contenus de messageries électroniques avant le second tour de la présidentielle.

La Russie n'est pas un cas isolé. Elle est soupçonnée, comme la Chine et l'Azerbaïdjan, d'ingérences en Nouvelle-Calédonie.

Pour faire face à ces ingérences qui nous menacent régulièrement, cette proposition de loi renforce notre capacité d'action, en modernisant notre cadre législatif. Du travail a déjà été réalisé, avec la création de Viginum en 2021.

La technique de l'algorithme, mise en place par la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, est pérennisée.

Très concrètement, notre renseignement pourra faire usage d'un traitement automatisé des données numériques, pour identifier des acteurs qui tentent d'échapper à nos radars. Pour rassurer ceux qui s'inquiètent pour les libertés publiques, ces mesures seront strictement encadrées et limitées à la lutte contre les ingérences avec une mise en oeuvre initiale à titre expérimental.

L'adaptation de notre arsenal passera aussi par des volets plus traditionnels. Nous nous en prendrons par exemple au portefeuille des acteurs menaçant la sécurité nationale, en gelant leurs avoirs notamment.

À la suite du rapport de la délégation parlementaire au renseignement, je veux rappeler la porosité entre influence et ingérence étrangère. Les actions d'ingérence sont hostiles au pays visé ; ce n'est pas le cas de l'influence, même si celle-ci peut insidieusement tomber dans l'ingérence.

Cette proposition de loi prévoit la création d'un répertoire ad hoc recensant les représentants d'intérêts qui cherchent à influencer les décisions françaises vis-à-vis de l'étranger. Cela a été recommandé par un rapport de l'OCDE en avril dernier, afin de renforcer la transparence sur ces acteurs.

L'article 2 prévoit qu'un rapport sera établi tous les deux ans sur la situation.

Le RDPI soutient cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il y a quelques années encore, l'ingérence n'était pas mentionnée telle quelle. On ne peut parler correctement que du droit ou du devoir d'assistance, et non d'ingérence, disait l'Académie française.

La « fin de l'histoire » de Francis Fukuyama n'est plus qu'un lointain souvenir. Nous faisons face à une cacophonie anxiogène. Soupçonnées, fantasmées, avérées, les ingérences sont, dans l'esprit de tous, contre l'appareil d'État mais aussi face aux simples candidats.

Cette proposition de loi est inspirée par les travaux de la délégation parlementaire au renseignement et de la commission d'enquête sénatoriale dont Rachid Temal est le rapporteur. Mais ce texte ne prend pas encore totalement la mesure de l'état de la menace. Le dispositif proposé conserve quelques lacunes.

Il nous semblerait cohérent de nous assurer que les candidats aux élections européennes soient concernés, tout comme les candidats aux mandats nationaux.

Pourquoi les membres du Conseil constitutionnel ne sont-ils pas listés parmi les cibles ? Certes, l'organisation du Conseil et son fonctionnement relèvent de la Constitution, mais lister ses membres ne créerait aucune obligation à leur égard. Il en est de même pour l'actuel Président de la République : le texte actuel ne prend en compte que les anciens présidents de la République.

On a beaucoup glosé sur les contrats entre d'anciens premiers ministres étrangers et la Russie. Mais cela ne concerne pas que nos voisins... Nous souhaitons que la durée de contrôle soit portée à huit ans après la fin de l'exercice des fonctions.

Notre état d'esprit est à la fois constructif et ambitieux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Rares sont les convergences de l'histoire et de la politique sur le vieux continent aussi fortes que celles des influences et des ingérences étrangères.

Si les influences sont acceptables, les ingérences ne peuvent être tolérées, d'autant plus qu'elles revêtent de nouvelles formes.

Une commission d'enquête sur ce sujet est en cours ; j'ai l'honneur d'en être vice-président. On peut regretter, comme Gisèle Jourda, que cette proposition de loi précède les conclusions de notre commission d'enquête. N'aurait-on vraiment pas pu attendre ? Je n'ai été que moyennement convaincu.

Ce décalage donnera naissance à un second texte. Pourquoi, dès lors, ne pas tout rassembler en un texte unique ?

La nécessité d'adapter nos outils est évidente. En effet, les menaces sont nombreuses et viennent également des pays du Golfe par exemple, qui promeuvent la radicalité islamiste.

Cette proposition de loi me semble incomplète : elle ne va pas assez loin. L'architecture de la transparence s'avère arc-boutée sur la HATVP dont les missions s'accumulent. Il me paraît opportun d'insister sur cet accroissement, alors que ses moyens n'augmentent pas et qu'elle est toujours dépourvue de pouvoirs de sanction.

En deuxième lieu, lorsque les flux de données augmentent de façon exponentielle, le recours aux nouvelles technologies augmente également.

Collecte d'informations, justice prédictive et autres usages, les algorithmes trouvent sans cesse de nouvelles applications. (M. Pascal Savoldelli le confirme.) Nous tentons d'être vigilants, mais la tâche s'avère sans fin. Une régulation d'ampleur des algorithmes est devenue nécessaire. Elle pourrait conduire à la création d'une nouvelle autorité publique, comme l'ont recommandé le Conseil d'État, la Cour de cassation et le Conseil national des barreaux. C'est indispensable, mais aussi inéluctable, si l'on veut préserver un équilibre salutaire entre État et démocratie.

La multiplication des gels d'avoir peut sembler insuffisante à l'égard des puissances étrangères, mais aussi exorbitantes pour les personnes physiques ou morales.

La coordination entre les services de renseignement est essentielle. Sinon, des interventions sectorielles, parcellaires, ne seraient qu'un trompe-l'oeil.

Une stratégie nationale ambitieuse est nécessaire pour lutter contre les ingérences étrangères, mais pourrait être un élément d'influence sur le plan international pour nos propres valeurs.

La commission d'enquête du Sénat pourra peut-être défendre la mise en oeuvre d'une stratégie nationale que j'appelle de mes voeux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christopher Szczurek .  - Cette proposition de loi est bienvenue et attendue, alors que des ingérences toujours plus diverses et pernicieuses se déploient. Notre pays doit se doter des moyens de sévir contre ceux qui trahissent la France. Nous attendions beaucoup de ce texte.

Les ingérences sont trop présentes et trop nombreuses, dans la quasi-totalité des secteurs, qu'il s'agisse de médias, de députés européens, ou d'un ancien ministre décoré par le premier secrétaire du parti communiste chinois. Plus grave : dans cette assemblée, Arnaud Montebourg a indiqué le prix, fort peu élevé, de la trahison de la France et de la soumission par des dirigeants politiques de nos fleurons industriels à des intérêts étrangers.

La logique d'obligation de déclaration à l'article 1er des personnes mandatées par un pays étranger est peut-être minime, mais elle est nécessaire.

Cela recèle néanmoins des lacunes : pourquoi exclure les pays de l'Union européenne quand on sait que certains agissent avec des complices français pour nous détruire ? Pourquoi exclure les ONG qui, sous un manteau d'altruisme, sont souvent le cheval de Troie d'intérêts extérieurs ? Un État n'a pas d'amis, il n'a que des intérêts à défendre.

Ce texte devrait garantir plus efficacement le suivi des mandataires étrangers à moins d'être un coup d'épée dans l'eau. Nous nous félicitons de la prise de conscience de ce risque par le grand public.

La publication d'un rapport et la tenue d'un débat au Parlement sont à saluer, mais tous les deux ans, c'est trop espacé.

Si nous soutenons ce texte dans son principe, il n'y a rien ou si peu contre ceux qui ont trahi la patrie. Aussi voterons-nous toutes les mesures améliorant ce texte. (M. Joshua Hochart applaudit.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Les démocraties sont des sociétés ouvertes. Chacun peut s'y exprimer. Cette ouverture et cette liberté sont de grandes forces ; nous pouvons ainsi améliorer nos politiques publiques. Mais c'est aussi un talon d'Achille : nos adversaires peuvent en profiter pour s'ingérer dans notre politique.

De telles manipulations ont été détectées lors des campagnes présidentielles aux États-Unis en 2016 ou en France en 2017. La menace est réelle. Nous devons avoir la plus grande vigilance à l'approche du scrutin européen.

Nos concitoyens doivent avoir conscience que des acteurs étrangers cherchent à exercer un contrôle très étroit sur l'information et sur notre opinion publique.

La création de Viginum en 2021 a permis de détecter, d'imputer des actions de désinformation aux influences étrangères notamment depuis le début de la guerre en Ukraine.

L'Union européenne et l'Otan développent des outils et des doctrines contre cette menace. Nous devons assurer une meilleure transparence sur les actions d'influence des puissances étrangères.

Pour le régime de Tbilissi, le fait d'être financé à 20 % par des fonds étrangers entraîne la qualification d'organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère. Malgré la proximité des intitulés, cette proposition de loi ne poursuit pas la même logique : elle vise à surveiller les actions de lobbying des puissances étrangères. Elle n'accuse pas toutes les organisations recevant des fonds étrangers de poursuivre des intérêts étrangers.

Ces déclarations mettront au jour les manoeuvres et la HATVP caractérisera leur ampleur. Il est impératif de permettre à notre renseignement d'utiliser le traitement automatisé des données.

Si des menaces sont détectées, nous devons avoir les moyens de nous défendre. Le gel des fonds utilisés pour les manoeuvres d'ingérence pourra être décidé par le Gouvernement. Les techniques spéciales d'enquête pourront être utilisées le cas échéant. Nous devons protéger nos concitoyens de la menace. Je salue le travail des rapporteurs qui ont amélioré ce texte.

Il faudra renforcer notre arsenal dans le domaine économique et légiférer. Notre pays doit mieux se défendre contre les atteintes à sa souveraineté.

Le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe centriste votera ce texte. La naïveté est terminée, à tel point que la DGSI est venue à la rencontre de l'ensemble des sénateurs, nous adressant une note très précise pour nous prémunir contre les attaques. Un homme averti en vaut deux - une femme au moins quatre ! (Sourires)

Cette proposition de loi ne s'attaque pas à tous les modes d'ingérence.

La protection des données personnelles est un sujet sur lequel notre groupe travaille depuis longtemps, avec Catherine Morin-Desailly.

Nous aurions aussi voulu que davantage soit fait sur l'islam radical et sur les pays pompiers pyromanes. Le Conseil de défense et de sécurité nationale a demandé une mission sur la menace que représentent les Frères musulmans. Tous ces sujets ne sont pas évoqués dans la proposition de loi. Avec Catherine Morin-Desailly, nous avons déposé plusieurs amendements.

Il n'y a rien sur la diplomatie d'influence. Rien dans le texte nous éviterait un Qatargate. Nos amendements ont tous été écartés.

Monsieur le ministre, vous avez deux occasions de montrer votre bonne foi, sur le pantouflage et le rétro-pantouflage, car le texte d'Éliane Assassi et Arnaud Bazin, à la suite de leur commission d'enquête, sera examiné de nouveau la semaine prochaine. Sur ce sujet des cabinets de conseils, il y a de l'ingérence et de l'influence. Nous sommes nombreux à vouloir revenir à la rédaction du Sénat, que l'Assemblée a vidée de sa substance.

Ensuite, vous pouvez octroyer budget et moyens humains.

Le groupe centriste votera la proposition de loi à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. André Reichardt applaudit également.)

Mme Gisèle Jourda .  - (M. Michaël Weber applaudit.) L'actualité ne manque pas d'exemples d'ingérences étrangères. Les enjeux sont multiples : Jérôme Durain les a déclinés.

Le premier impératif est de les identifier : identifier nos rivaux, les menaces et les outils.

La tâche n'est pas mince. Nos alliés peuvent être nos ennemis. La menace est souvent hybride.

La France est une cible, mais surtout la victime d'une absence de vision stratégique de long terme.

Dans notre rapport de 2021, avec Pascal Allizard, nous listions les moyens de la Chine en matière de soft power ; l'Europe semble en prendre conscience.

L'article 2 a pour objet de protéger notre société.

Les outils déclinés aux articles 1 et 3 sont-ils suffisants ? Viginum existe et est efficace, mais disposera-t-elle des moyens suffisants ? Nous attendons des engagements dans le prochain budget.

Ce texte ne prévoit pas de stratégie coordonnée et efficace. Les risques sont démultipliés par les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle.

Mieux protéger notre patrimoine scientifique, nos libertés académiques et de recherche est un autre enjeu, mais le texte ne les évoque pas.

Ce texte n'est pas à la hauteur des défis à relever ; c'est une marche importante mais insuffisante. Il est un tressaillement quand nous avons besoin d'un sursaut.

Nous voterons en faveur de son adoption mais proposerons de l'enrichir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des lois a approuvé les dispositifs en les améliorant. Dès le 2 novembre 2023, la délégation parlementaire au renseignement a souligné que la menace d'ingérence était élevée. Elle identifie des menaces classiques, modernes et hybrides, en provenance de la Russie, de la Chine, de la Turquie et de l'Iran. Elle alerte sur la naïveté et le déni de certains élus, de hauts fonctionnaires et d'acteurs universitaires et économiques notamment. Elle prône la mise en place d'un registre de type Fara face à une menace protéiforme et durable.

La délégation parlementaire au renseignement a identifié deux catégories de pays à l'origine d'actions d'ingérence. Nous avons tous en tête le Qatargate et la diplomatie du caviar de l'Azerbaïdjan qui visaient respectivement le Parlement européen et le Conseil de l'Europe.

L'autre type d'ingérence vise à déstabiliser nos démocraties. L'ombre de l'Azerbaïdjan, de la Russie et de la Chine plane sur la Nouvelle-Calédonie. Ils souhaitent faire main basse sur les ressources de ce territoire d'outre-mer, dont le nickel et nos eaux territoriales.

En mars, des médias azerbaïdjanais montraient des photos de militants indépendantistes avec des tee-shirts azéris ou des portraits du président Aliyev en Nouvelle-Calédonie. Cette dictature a fourni du gaz à l'Europe sous les applaudissements d'Ursula von der Leyen, mais a massacré des Arméniens d'Artsakh.

Depuis plusieurs années, la France subit une guerre de l'information en Afrique, menée par la Russie et la Turquie, qui dénigrent notre pays en parlant d'anticolonialisme et qui ciblent aujourd'hui les territoires d'outre-mer.

En première ligne, l'Azerbaïdjan joue sur les populations locales. Lors du sommet des non-alignés, Ilham Aliyev a dénonçé les crimes coloniaux et les actes de génocide. L'outre-mer était qualifié de « reste abominable de l'empire colonial ». Faisant fi du droit de la population à disposer d'elle-même, puisque les Mahorais se sont prononcés pour rester dans la France, il s'est dit favorable à la souveraineté des Comores sur Mayotte.

En novembre 2023, il réitérait ses attaques en accusant la France de déstabiliser ses colonies présentes et passées mais aussi « notre région, le Caucase Sud »... Incroyable hypocrisie de la part d'empires supercoloniaux, la Russie avec ses pays satellites, ou la Turquie qui poursuit ses délires panturquistes pour reformer l'Empire ottoman. Moscou, Ankara et Bakou propagent l'image d'une France pillarde et brutale, d'une puissance coloniale criminelle. Leur but est de salir l'image de notre pays.

De nombreuses autres mesures de la délégation parlementaire au renseignement auraient pu trouver leur place dans cette proposition de loi.

Compte tenu de la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie, je propose que le gel des avoirs azéris voté en 2022 soit enfin effectif et qu'ils servent à réparer les dégâts évalués à près d'un milliard d'euros en Nouvelle-Calédonie.

J'espère que ce texte marquera le début d'un travail parlementaire plus large, notamment sur l'influence étrangère dans nos universités. La Chine est impliquée dans 70 à 80 % des cas graves d'influences étatiques sur les travaux académiques et scientifiques français.

Si les Frères musulmans ne constituent pas un État, leur entrisme aurait toutefois pu être évoqué. Leur ombre plane sur notre pays, de la décapitation de Samuel Paty aux manifestations pour le burkini dans les piscines, en passant par les marches contre l'islamophobie.

Nous devons agir rapidement sur ces guerres contre nous-mêmes. Pour paraphraser le président Chirac, nos démocraties brûlent et nous regardons ailleurs. Notre liberté mérite pourtant de continuer à s'exercer. Elle le mérite.

M. François Bonneau .  - Tandis que des ingérences en provenance de Russie, de Chine et d'Azerbaïdjan sont visibles en Nouvelle-Calédonie, nous examinons cette proposition de loi.

Ces opérations tentaculaires visent à saper la cohésion et à porter atteinte à la souveraineté nationale. Selon le rapport d'avril 2024 de l'OCDE, c'est un risque majeur qui appelle de nouveaux outils. Le rapport de la délégation parlementaire au renseignement indique un niveau d'ingérence élevé ; il fait 22 propositions, dont 18 sur ce sujet, qui ont été une source d'inspiration pour ce texte.

Celui-ci apporte un début de réponse : une meilleure information du Parlement sur l'état des menaces, une extension de la technologie de l'algorithme à ces ingérences et le gel des avoirs des personnes responsables. Grâce à la commission des lois, les travaux de la HATVP seront mieux coordonnés.

Cela appelle aussi des réponses européennes. Dès 2020, le Parlement européen s'est doté d'un cadre pour lutter contre les ingérences. Le 25 avril dernier, il a adopté une résolution qui réclame notamment une enquête interne approfondie.

À trois semaines des élections européennes, une action forte et coordonnée des États membres est nécessaire.

Le Sénat a mis en place une commission d'enquête sur les ingérences ; le groupe UC suivra attentivement ses conclusions et votera unanimement ce texte.

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Morin-Desailly.

Alinéa 6

Après la référence :

II

insérer les mots :

ou qui agissent de facto sous le contrôle d'un État étranger

Mme Nathalie Goulet.  - Comme le rapport de l'OCDE, nous pensons que le mandat étranger peut être verbal, écrit ou de facto.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Cette proposition introduit une notion floue, peu juridique. Le texte actuel vise toute personne agissant « sur l'ordre, la demande ou sous la direction ou le contrôle d'un mandant étranger. »

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°23 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 6

Supprimer les mots : 

et aux fins de promouvoir les intérêts de ce dernier

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement supprime le deuxième critère définissant une personne agissant pour le compte d'un mandant étranger, redondant : si on agit sur ordre de quelqu'un, c'est forcément dans son intérêt. Attention : des personnes, pour contourner le dispositif, pourraient arguer qu'elles agissent dans l'intérêt d'un tiers...

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Vous souhaitez assouplir les critères, mais l'ensemble des critères sont cumulatifs et permettent de ne pas trop élargir, afin de rester efficace.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« ...) Le Président de la République ; 

M. Thierry Cozic.  - Le dispositif est incomplet, car plusieurs personnalités publiques de haut rang ne sont pas prises en compte. C'est le cas du Président de la République, qui fait l'objet de cet amendement.

Son statut relève de la seule Constitution, mais cet amendement ne modifie pas son statut. Il ne crée des obligations que pour les auteurs d'actions d'influence. Nous ne parlons pas, bien entendu, de relations diplomatiques, mais de tentatives d'influence sur des politiques publiques.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à ce nouvel élargissement des personnes visées qui présente un risque constitutionnel au regard de l'immunité du Président de la République.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Dans son avis sur la loi Sapin II, le Conseil d'État a effectivement indiqué qu'il n'était pas possible d'inclure le Président de la République dans la liste des cibles.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 11

insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« ...) Un membre du Conseil constitutionnel ;

M. Jérôme Durain.  - Dans le prolongement du précédent, cet amendement vise les membres du Conseil Constitutionnel. Comment croire qu'ils ne pourraient pas être la cible d'actions de mandants étrangers ? On nous rétorquera que l'organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel relèvent de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; mais les considérer comme des cibles potentielles ne modifie en rien leur statut, ni le fonctionnement du Conseil. Seuls les agents d'influence sont visés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. C'est le même raisonnement que pour le Président de la République. Toucher à leurs contacts, c'est toucher à leur statut, qui relève d'une loi organique.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 16

Remplacer les mots : 

ou sénatoriales

par les mots : 

,sénatoriales ou européennes

Mme Gisèle Jourda.  - La commission des lois a élargi la liste des cibles de la loi Sapin II, mais exclut les candidats aux élections européennes, ce que nous regrettons. Si leur statut, une fois élus, relève du droit européen, ce n'est pas le cas de leur élection, régie par le droit national. C'est de surcroît politiquement indispensable, au vu des conclusions de la commission spéciale du Parlement européen présidée par Raphaël Glucksmann.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Qu'en pense le Gouvernement ? Nous en avons débattu au sein des deux commissions : l'Union européenne assure-t-elle ce type de contrôle ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis favorable. Il est souhaitable que la liste soit étendue aux candidats aux élections européennes, qui peuvent être ciblés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°7 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Morin-Desailly.

Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Organisant des voyages à destination des élus ou des sociaux-professionnels.

Mme Nathalie Goulet.  - Amendement de précision. J'ai un exemple en tête d'une entité, qui organise des voyages pour des élus, mais n'est pas inscrite sur la liste de la HATVP.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable : organiser des voyages entre dans la catégorie large « d'entrer en contact. »

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. - Alinéa 22

Supprimer les mots : 

, à l'exclusion des États membres de l'Union européenne

II. - Alinéa 24

Supprimer les mots : 

, à l'exclusion de ceux issus des États membres de l'Union européenne

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement aborde un sujet complexe : l'activité d'influence menée par des États membres de l'Union européenne. On ne peut concevoir que par nature, ils n'en exerceraient pas. Exiger la plus grande transparence même de la part de partenaires n'est pas illégitime.

En quoi cela contreviendrait-il au droit de l'Union européenne ?

M. le président.  - Amendement identique n°53, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous avons déjà exprimé notre inquiétude face à la montée en puissance de l'extrême droite dans plusieurs pays de l'Union européenne, tels que le Danemark, la Suède, l'Italie et la Hongrie.

La réalité démontre une divergence inquiétante de valeurs et de principes, à l'encontre des idéaux de tolérance et de respect formant le socle de notre démocratie. Ces gouvernements peuvent être tentés d'accepter des alliances extérieures. Nous devons avoir une vigilance accrue. Ce serait un signal fort, celui d'une France résolue à préserver sa démocratie. La justice ne souffre aucune exception.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Il y a un risque fort d'inconventionnalité de ces deux amendements : la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans une affaire ayant trait à la Hongrie, a en effet jugé que cela serait contraire à l'article 63 du traité sur l'Union européenne et à la Charte des droits fondamentaux.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

Les amendements identiques nos6 et 53 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Morin-Desailly.

Alinéa 24

Après le mot :

étrangers

insérer les mots :

y compris les partis et mouvements en exil et/ou bénéficiant de l'asile politique 

Mme Nathalie Goulet.  - Victoire de l'optimisme sur l'expérience : je souhaite inclure les partis et mouvements en exil.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. C'est superfétatoire.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 25

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III.  -  Ne sont pas des représentants d'intérêts agissant pour le compte d'un mandant étranger, au sens de la présente section : les membres du personnel diplomatique et consulaire en poste en France dûment habilités, les membres et les agents d'un État étranger, les journalistes, au sens de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les organes de presse, au sens de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1 août 1986 portant réforme juridique de la presse, ainsi que les services de communication audiovisuelle, au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les avocats, lorsqu'ils réalisent des prestations de conseil juridique ou d'assistance des parties devant les juridictions, les organismes juridictionnels, disciplinaires ou autorités administratives. »

M. Pascal Savoldelli.  - Nous exemptons les journalistes et organes de presse. Croire qu'on peut lutter contre la propagande de guerre par la censure est une faute lourde. La censure gouvernementale de Russia Today (RT) et de Sputnik aurait dû choquer les démocrates que nous sommes.

La liberté d'expression, fût-elle propagandiste, doit être protégée. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) le rappelle : elle s'applique aussi à des propos qui choquent, heurtent et inquiètent.

Cela n'a pas empêché le Conseil de décréter en mars 2022 une censure sur tout le territoire européen, une première depuis des dizaines d'années. Au demeurant, c'est inefficace, car ces médias restent accessibles ; et contre-productif, car cela ne fait que nourrir les complotismes. L'antidote est un audiovisuel public fort.

Si la vérité est la première victime de la guerre, c'est parce que les belligérants y trouvent leur intérêt.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 25

Compléter cet alinéa par les mots :

et les avocats, lorsqu'ils réalisent des prestations de conseil juridique ou d'assistance des parties devant les juridictions, les organismes juridictionnels, disciplinaires ou autorités administratives

M. Thomas Dossus.  - Nous voulons exclure les avocats de la liste, afin de préserver le bon fonctionnement de la justice. Les avocats sont soumis à une déontologie stricte, avec trois mécanismes de contrôle. Ils n'ont ainsi pas le droit d'accepter un mandat lorsque leur indépendance ne peut être garantie.

Cet amendement est issu d'une recommandation du Conseil national des barreaux (CNB).

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable sur ces deux amendements. Nous avons entendu de nombreux services de renseignement qui nous l'ont indiqué : les ingérences sont souvent menées par des avocats ou des journalistes.

De plus, les activités contentieuses des avocats ne sont pas concernées par l'article 1er.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°51 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°27.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'alinéa 29

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les montants des financements reçus de chacun des mandants étrangers pour le compte desquels il agit ;

M. Thomas Dossus.  - Nous voulons obliger les lobbyistes à publier le montant des rémunérations qu'ils touchent pour leur activité en France au profit d'acteurs étrangers. C'est surprenant de ne pas inclure cette information clé : il y a une différence entre être payé 5 000 ou 1 million d'euros pour une action d'influence.

Le registre européen impose d'indiquer une fourchette de rémunération.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Cette obligation de déclarer l'ensemble des financements pour chacune des activités est extrêmement sévère. L'influence étrangère est une activité légale, je le rappelle. Cette mesure emboliserait la HATVP.

En outre, ces informations peuvent être obtenues par des contrôles sur place et sur pièce.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai cet amendement bienvenu.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié bis, présenté par MM. Daubet et Bilhac, Mmes M. Carrère et N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel, M. Gold et Mme Guillotin.

Alinéa 50

Après les mots :

article 18-13

insérer les mots :

, ou d'avoir communiqué de fausses informations,

Mme Annick Girardin.  - L'oubli de déclaration est sanctionné ; la volonté de fausser les informations déclarées à la HATVP devrait l'être aussi.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable car les sanctions en cas de non-déclaration ou de mauvaise déclaration satisfont cet amendement.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°42 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°43 rectifié bis, présenté par MM. Daubet et Bilhac, Mmes M. Carrère et N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel, M. Gold et Mme Guillotin.

Alinéa 54

Compléter cet alinéa par les mots :

notamment, la durée de publicité des informations du répertoire numérique

Mme Annick Girardin.  - Un représentant d'intérêt peut se désinscrire du répertoire en cas de cessation d'activité. Les éléments déclarés restent accessibles pendant cinq ans. Il serait souhaitable que cela soit beaucoup plus long lorsque l'action est au bénéfice d'un acteur étranger.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable, car inutile : le décret fixera les dates. En outre, sur la forme, la commission est peu friande de « notamment ».

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°43 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission des lois.

Alinéa 62

Remplacer la référence :

18-11

par la référence : 

18-12-1

L'amendement n°55 de correction matérielle, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 1er bis A

M. le président.  - Amendement n°56 rectifié, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission des lois.

Alinéa 4

Remplacer les références : 

1° et 3° à 7° de l'article 18-2

par les références : 

a et c à j du 1° du I de l'article 18-12-1

et 

après le mot : 

prévu

insérer les mots : 

au même

L'amendement de correction n°56 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 5

Remplacer le mot : 

cinq

par le mot : 

huit

M. Jérôme Durain.  - Nous avions déposé en commission des lois un amendement renforçant le contrôle de la HATVP sur les activités des anciens membres du Gouvernement. De nombreuses actions d'influence étrangère sont en effet menées plusieurs années après la fin des fonctions, en raison de l'importance de leur réseau. C'est une bonne chose que le délai soit de cinq ans après la cessation des fonctions, et non pas de trois ans.

Nous avions proposé dix ans, mais, par compromis, nous proposons désormais huit ans. Madame la rapporteure, pourquoi nous opposez-vous que cela ne correspond à aucune durée de mandat ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La durée de cinq ans est surtout de compromis. Elle suffit pour assurer le suivi des anciens présidents et ministres, sans entraver trop longtemps leur reconversion. C'est deux ans de plus que les trois ans prévus dans le contrôle de leur mobilité. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

L'article 1er bis A, modifié, est adopté.

Article 1er bis

Mme Gisèle Jourda .  - La grande absente du texte, c'est la sensibilisation des élus locaux aux menaces d'ingérence - je pense à la commande publique. Elle est pourtant indispensable et préconisée par la délégation parlementaire au renseignement. Nous prévoyions par amendement une session de sensibilisation pour les élus locaux dans chaque département, mais cela a été déclaré irrecevable. Pourquoi ?

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Après les mots : 

politique étrangère

insérer les mots : 

, les établissements publics mentionnés aux articles L. 711-1 du code de l'éducation et L. 313-1 du code de la recherche

Mme Gisèle Jourda.  - Les think tanks et laboratoires d'idées devront indiquer les dons perçus de toute puissance ou personne morale étrangère. Ayant obtenu que soient aussi concernés les instituts ayant la forme juridique d'un établissement éducatif public à but non lucratif, nous voulons aussi inclure les centres de recherche et universitaires. Lisez le rapport de MM. Gattolin et Blanc sur ce sujet.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La commission des lois a adopté l'extension aux instituts. Nous comprenons l'enjeu, mais les universités ont déjà l'obligation de publier les dons reçus. Est-ce redondant, monsieur le ministre ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Je partage votre préoccupation face au risque de dépendance aux financements étrangers ; mais le Gouvernement relève deux difficultés : il n'est pas utile de cibler des entités dépourvues de personnalité juridique et les références des articles cités ne sont pas pertinentes. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - Le groupe CRCE-K ne votera pas cet amendement. Les centres universitaires sont protégés par une liberté académique et une liberté constitutionnelle.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 1

Supprimer les mots :

extérieures à l'Union européenne

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement s'applique aux think tanks et aux laboratoires d'idées. L'appartenance à l'Union européenne ne doit pas être synonyme de privilège au regard des obligations de transparence.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons que tout à l'heure. Nous courons un risque d'inconventionnalité sanctionné par la CJUE.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

M. Jérôme Durain.  - Chers collègues communistes, par cohérence, nous voterons cet amendement.

L'amendement n°54 n'est pas adopté.

L'article 1er bis est adopté.

Après l'article 1er bis

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code pénal est complété par un article 411-... ainsi rédigé :

« Art. 411-....  -  Le fait de publier une imitation d'une publication de presse ou d'un service de presse en ligne pour le compte d'une puissance étrangère, d'une entreprise ou organisation étrangère, contenant des informations fausses de nature à induire en erreur et à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. »

M. Thomas Dossus.  - Cet amendement pénalise l'imitation de l'identité d'une agence de presse ou d'un média pour diffuser des informations biaisées ou fausses. Des groupuscules étrangers tentent ainsi de diffuser des rumeurs infondées. Meta a déjà supprimé les références à 60 sites sur les réseaux sociaux.

Infoross est par exemple une fausse agence de presse russe, qui propose des articles plagiés ; voyez le titre d'un article, par exemple : « les armes archaïques de l'Otan n'aident pas l'Ukraine dans son combat contre la Russie ». Viginum et les services de renseignement ont sans doute repéré quantité de sites de ce type. Le risque est aussi que cela érode la confiance des citoyens dans les médias. Imiter une publication doit être pénalement répréhensible.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Ce phénomène est bien connu, grâce à Viginum. La diffusion de fausses informations est déjà sanctionnée par la loi de 1881 sur la presse. Nous avons augmenté le quantum en cas d'action pour une puissance étrangère. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 411-5 du code de la recherche est complété par les mots : « ainsi qu'avec toute puissance étrangère ou toute personne morale étrangère ».

Mme Gisèle Jourda.  - Cet amendement oblige les chercheurs à signaler les aides étrangères dont ils ont bénéficié pour leurs travaux. Cette transparence des coopérations universitaires était une des recommandations du rapport de MM. Gattolin et Blanc.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable.

Votre amendement ne fait pas le lien entre les puissances étrangères et la mission du chercheur : un chercheur qui partirait en déplacement pour d'autres activités serait aussi obligé de le déclarer...

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

Article 2

Mme Gisèle Jourda .  - Je veux faire part de ma stupéfaction : la commission des lois a en effet jugé qu'un amendement demandant la transmission d'un rapport sur les postes clandestins de police étrangers sur notre territoire serait un cavalier législatif. Plus que de l'ingérence, c'est une atteinte à notre souveraineté ! En quoi cela serait-il dépourvu de lien avec ce texte ?

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Première phrase

Supprimer le mot :

deux

M. Pascal Savoldelli.  - Nous demandons un rapport au Parlement tous les ans, et non tous les deux ans. Rien ne justifie d'attendre aussi longtemps, au regard de l'importance du sujet. Un suivi annuel est primordial pour assurer un contrôle du pouvoir exécutif, qui définit la menace à la sécurité nationale.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Deux ans, c'est suffisant, et cela permettra d'avoir un rapport étayé. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - On ne serait pas capable de remettre un rapport annuel, sur un tel sujet ? Cet argument m'étonne.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Ce sont les députés qui ont allongé le délai de remise, au regard des informations nouvelles à transmettre.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - De nombreux rapports ne sont jamais rendus : nous attendons toujours celui sur les URL en matière d'algorithme. Il faut laisser le temps de rédiger des rapports consistants, de qualité - sans compter qu'un contrôle est également exercé par la délégation parlementaire au renseignement. Deux ans, c'est adapté.

M. Olivier Cadic.  - Lorsqu'on n'avertit pas les parlementaires d'attaques les concernant, il y a un problème ! Viginum, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) remettent des rapports annuels. C'est d'autant plus nécessaire que nos ennemis changent rapidement de modus operandi. Revenons à un an.

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°52, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

sur le fondement d'un rapport établi par la délégation parlementaire au renseignement

M. Pascal Savoldelli.  - Nous ne sommes pas naïfs sur l'implication politique d'un tel rapport sur les menaces pesant sur la sécurité nationale. Nous proposons que le Parlement participe à la définition de ces menaces au travers de sa délégation au renseignement, qui a pour mission de contrôler l'action du Gouvernement en la matière.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. La délégation parlementaire au renseignement contrôle l'activité des services de renseignement ; elle n'a pas les moyens d'étudier l'état de la menace, et ce n'est pas son rôle.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié quater, présenté par MM. Lemoyne, Montaugé, Buis et Bonneau, Mme Duranton, MM. Mellouli, Brault, Courtial et Haye, Mme G. Jourda et M. Gremillet.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° L'article L. 151-6 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La publication annuelle de ces données peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. » ;

2° Le I de l'article L. 151-7 est ainsi modifié :

a) Au 1°, les mots : « de sécurité » sont remplacés par les mots : « d'intelligence » ;

b) Au 2°, après la première occurrence de la référence : « L. 151-3 », sont insérés les mots : « et aux mesures prises pour s'assurer du respect de ces conditions dans la durée ».

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Les ingérences prennent plusieurs formes. Mon amendement, cosigné de façon transpartisane, a trait à l'intelligence économique et à la protection de nos intérêts économiques. Il reprend une recommandation de la proposition de loi que j'ai déposée avec Mme Lienemann, MM. Babary et Montaugé, qui faisait suite à notre mission d'information.

Il est proposé que ce rapport puisse faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. Le Parlement gagnerait à mieux connaître ces activités de prédation, pour mieux les endiguer.

M. le président.  - Sous-amendement n°57 rectifié ter à l'amendement n° 25 rectifié de M. Lemoyne, présenté par Mme Primas et MM. Meignen, Gay et Darras.

Amendement n° 25

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

... ° La deuxième phrase du 2° du II du même article L. 151-7 est supprimée.

M. Thierry Meignen.  - Cosigné par les quatre rapporteurs de la mission sénatoriale sur Atos, ce sous-amendement vise à faciliter l'exercice des pouvoirs d'investigation octroyés au Parlement en matière de contrôle des investissements étrangers en France.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La commission n'a pu examiner le sous-amendement, déposé tardivement. À titre personnel, sagesse.

L'amendement de M. Lemoyne aurait davantage sa place dans un texte sur l'intelligence économique, qui sera examiné prochainement. Sagesse.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Nous n'avons pas eu le temps d'expertiser le sous-amendement n°57 : retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°25 rectifié quater inscrit dans le code la possibilité d'organiser un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat sur le contrôle des investissements étrangers en France. Depuis 2020, le Gouvernement publie chaque année, sur le site de la direction générale du Trésor, les principales données statistiques en la matière ; rien n'empêche les assemblées d'en débattre si elles le souhaitent.

Remplacer « sécurité économique » par « intelligence économique » affecterait la cohérence du dispositif de sécurité économique mis en place par le décret du 20 mars 1999, nous n'y sommes pas favorables.

Pas d'opposition, en revanche, sur l'introduction dans le rapport d'éléments sur le suivi de la mise en oeuvre par les investisseurs, dans la durée, des conditions qui leur sont imposées.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Le Parlement peut décider lui-même d'organiser un débat - nous le ferons prochainement, à l'initiative du RDPI -, mais rien ne s'oppose à l'inscrire dans la loi.

La notion d'« intelligence économique » est plus large que celle de « sécurité économique » ; la CMP pourra toujours rajouter un « et ».

Enfin, le Gouvernement est d'accord pour intégrer les mesures de suivi. Bref, aucun de ces trois points n'est insurmontable. Ce sont des recommandations de notre mission d'information, adoptées à l'unanimité. Je propose de poursuivre dans cet élan et de voter l'amendement.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Parfois, on découvre des informations dans la presse... Les débats, l'information, c'est bien ; agir, c'est mieux. Il faut avant tout une politique industrielle offensive !

Le sous-amendement n°57 rectifié ter est adopté.

L'amendement n°25 rectifié quater, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet à la délégation parlementaire au renseignement, avant le 1er juillet de l'année qui suit celle de la promulgation de la présente loi, puis tous les ans, un rapport exhaustif sur les investissements directs et investissements ultimes (qui prennent en compte la maison mère et non les filiales, et la nationalité de cette maison mère), ainsi que les prêts financiers des pays étrangers dans les secteurs touchant à la défense nationale ou susceptible de mettre en jeu l'ordre public et des activités essentielles à la garantie des intérêts de la France.

Mme Gisèle Jourda.  - Il s'agit de permettre à la délégation parlementaire au renseignement d'avoir une vision d'ensemble des investissements étrangers afin de mieux évaluer les risques : atteinte à la sécurité et à l'ordre public, endettement excessif et perte de garantie stratégique, transfert de technologie, non-respect des normes environnementales, etc.

La France doit être moteur sur ces questions. Nous plaidons pour une analyse exhaustive au niveau européen.

Je vous renvoie au rapport d'information que j'ai signé avec Pascal Allizard.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous venons d'adopter l'amendement de M. Lemoyne, qui est plus large.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

Article 3

M. Pascal Savoldelli .  - Cet article ouvre la porte à l'utilisation d'algorithmes par les services de renseignement en matière d'ingérence étrangère - quitte à modifier l'équilibre entre sécurité nationale et libertés individuelles.

Le Président Macron prépare depuis sept ans le pays à cette banalisation des IA de surveillance, sans tenir compte des critiques des ONG et de la Cnil. On le voit, ces techniques s'étendent progressivement à d'autres domaines que le terrorisme. Pourtant, les erreurs algorithmiques touchent jusqu'à 2 % de la population !

Nous nous opposons à ce capitalisme de surveillance. L'algorithme n'est pas neutre, il est le fruit d'un donneur d'ordre, guidé par une idéologie. C'est la société panoptique décrite par Michel Foucault.

Quels seront les biais de ces algorithmes ? Qui en aura l'usage ? L'extension à la prévention de toute ingérence étrangère est trop large.

Nous voterons contre cet article, qui menace les libertés individuelles, et, si aucun de nos amendements n'est retenu, contre le texte.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Il ne faut pas tout mélanger. Non, le Président de la République n'a pas placé la France sous surveillance. Il veut faire de la France un leader en matière d'IA. Il faut l'en remercier, car actuellement les algorithmes qui sont dans vos poches, dans vos véhicules, vos tablettes, sont tous conçus en Chine ou aux États-Unis ! (MM. Thomas Dossus et Pascal Savoldelli protestent.)

Nous avons, en Europe, une autre vision de la dignité de la personne humaine, de la vie privée, des droits d'auteur.

M. Pascal Savoldelli.  - La République française a des valeurs !

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Supprimer cet article.

M. Thomas Dossus.  - Ce n'est pas parce qu'un algorithme est français qu'il est vertueux, monsieur le ministre !

On élargit un outil dont l'emploi était initialement circonscrit au terrorisme. De proposition de loi en proposition de loi, nous avançons vers une société de surveillance, sans étude d'impact, sans avis du Conseil d'État ni de la Cnil.

Pour lutter contre les autocrates, nous utiliserons leurs propres outils de surveillance - mais avec un algorithme français !

M. le président.  - Amendement identique n°44, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Pascal Savoldelli.  - L'algorithme n'a pas de nationalité, contrairement au donneur d'ordre. C'est un traitement automatisé visant à détecter des connexions ou des navigations sur internet susceptibles de révéler à un stade précoce l'existence d'une menace : ce n'est pas une surveillance ciblée.

La Cnil a déjà alerté sur le caractère particulièrement intrusif de cette méthode. Or nous n'avons aucun élément sur les biais algorithmiques, aucune garantie. Rien n'est précisé sur le stockage des données. Des ingérences étrangères peuvent aussi intervenir à ce niveau.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Face à la menace, il faut faire évoluer les outils dont disposent nos services. Les algorithmes ont fait leurs preuves dans la lutte contre le terrorisme et seront efficaces contre les ingérences étrangères, notamment pour prévenir des cyberattaques.

Les données sont stockées au groupement interministériel de contrôle (GIC), sécurisé, que la délégation a contrôlé. La commission des lois a renforcé le contrôle par la CNCTR, qui peut intervenir à tout moment et même faire cesser l'utilisation de l'algorithme. La délégation parlementaire au renseignement peut aussi mener un contrôle. C'est la seule instance disposant de toutes les informations secret-défense.

Les modalités de contrôle et d'encadrement permettent d'assurer le respect du cadre légal que nous votons.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le règlement européen sur l'intelligence artificielle, récemment adopté, retient une approche par le risque, avec une attention particulière accordée aux usages. La seule exception concerne la menace terroriste.

À mon sens, le texte français et le texte européen doivent s'articuler.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - La sécurité nationale a été exclue du périmètre des obligations qui s'imposent aux distributeurs de logiciels d'IA sur le territoire européen. Il n'y a pas de contradiction entre cet article et le règlement européen sur l'IA.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Les algorithmes ne sont pas de l'IA. Ce sont des outils informatiques qui vont « itérer » des données correspondant à des comportements prédéterminés. Il n'y a pas de création de matière. On a aussi recours à des algorithmes dans le cadre de la vidéoprotection augmentée.

M. Olivier Cadic.  - Je rassure M. Savoldelli : toutes vos données, comme les nôtres, sont d'ores et déjà aspirées en Chine, pour faire sauter tous les cryptages quand ils disposeront d'ordinateurs quantiques.

Cet article concerne une technique d'automatisation visant à repérer plus vite les manipulations et ingérences. Il ne faut pas fantasmer.

À la demande du groupe CRCE-K, les amendements identiques nos29 et 44 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°200 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 33
Contre 311

Les amendements identiques nos29 et 44 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

I. - À titre expérimental et pour une durée de trois ans, peuvent être autorisés, pour les besoins de la prévention de toute forme d'ingérence étrangère et dans les conditions prévues à l'article 851-3 du code de la sécurité intérieure, sur les données transitant par les réseaux des opérateurs et des personnes mentionnées à l'article L. 851-1, des traitements automatisés destinés, en fonction de paramètres précisés dans l'autorisation, à détecter des connexions susceptibles de révéler toute forme d'ingérence ou de tentative d'ingérence étrangère.

II. - Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'étape sur l'application du présent article au plus tard dix-huit mois avant la fin de l'expérimentation. Une version de ce rapport comportant les exemples de mise en oeuvre des algorithmes est transmis à la délégation parlementaire au renseignement.

Au plus tard six mois avant la fin de l'expérimentation, un rapport définitif présentant le bilan de l'application du présent article est transmis au Parlement. Dans le respect des règles intéressant la sécurité nationale, ce rapport présente les conséquences de l'élargissement des finalités prévu au I sur l'efficacité de la technique dite de l'algorithme en matière de lutte contre le terrorisme. Il précise l'évolution du nombre d'alertes recensées. Une version de ce rapport comportant les exemples de mise en oeuvre des algorithmes est transmis à la délégation parlementaire au renseignement.

M. Jérôme Durain.  - Nous ne sommes pas défavorables par principe à l'utilisation des algorithmes, pour peu que ce soit circonscrit et que la vie privée et les données personnelles soient protégées.

Nous voulons affirmer plus explicitement le caractère expérimental de cet article.

Nous ramenons la durée de l'expérimentation à trois ans. Nous proposons de mieux circonscrire les cas de recours à l'algorithme, pour viser les seules ingérences étrangères. Nous souhaitons enfin que le rapport d'évaluation précise les conséquences de l'utilisation de l'algorithme en matière de terrorisme et au nombre d'alertes recensées.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement réécrit le dispositif en le sortant du code, mais les effets juridiques sont les mêmes. Nous pensons qu'une durée de trois ans est trop courte pour l'entraînement des algorithmes dans les bacs à sable. Retrait sinon avis défavorable

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa : 

a) Après les mots : « prévention du terrorisme » sont insérés les mots : « et de toute forme d'ingérence étrangère » ;

II.  -  Alinéa 4

Supprimer les mots : 

, des menaces pour la défense nationale

III.  -  Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa : 

a) Les mots : « et de toute forme d'ingérence étrangère » sont supprimés ;

IV.  -  Alinéa 9

Supprimer les mots : 

, des menaces pour la défense nationale

M. Jérôme Durain.  - L'usage de la technique algorithmique est aujourd'hui réservé à la lutte contre le terrorisme ; le texte va bien au-delà, en visant des finalités concernant la souveraineté de la France, au périmètre extrêmement large. Insidieusement, on élargit le recours à l'algorithme.

Nous proposons de circonscrire cet article au seul périmètre des ingérences étrangères.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'algorithme est un outil prévu par le code de sécurité intérieure. Nous nous sommes référés aux finalités citées dans ce code.

Si nous adoptions votre amendement, les algorithmes ne pourraient plus être utilisés contre les cyberattaques. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :

...) La première phrase est complétée par les mots : « ainsi que sur toute demande de modification apportée aux traitements et paramètres » ;

...) À la dernière phrase, les mots : « est informée de toute modification apportée aux traitements et paramètres et » sont supprimés.

Mme Gisèle Jourda.  - Nous souhaitons renforcer le contrôle de l'algorithme par la CNCTR. Actuellement, celle-ci rend un avis qui équivaut à un avis conforme lors de création de l'outil, mais en cas de modifications, même substantielles, apportées aux paramètres de l'algorithme, elle n'est qu'informée.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Après l'alinéa 5

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

 « .... - Par dérogation au II du présent article, les modifications apportées au traitement et aux paramètres prévus par le présent article sont soumises à un avis conforme de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

.... - Le second alinéa de l'article L. 821-3 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : «, sauf en ce qui concerne les techniques de renseignement prévues à l'article L. 851-3. »

.... - Le deuxième alinéa de l'article L. 821-4 du code de la sécurité intérieure est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas d'avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement concernant les techniques de renseignement prévues à l'article L. 851-3, le Premier ministre ne peut pas délivrer l'autorisation. »

M. Pascal Savoldelli.  - Ces trois amendements ont le même objet : renforcer le contrôle de la Cnil et de la CNCTR.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  -  Par dérogation au II du présent article, les modifications apportées au traitement et aux paramètres prévues par le présent article sont soumises à un avis conforme de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »

M. Thomas Dossus.  - En effet, il s'agit d'établir des garde-fous, en l'absence d'étude d'impact, d'avis de la Cnil ou du Conseil d'État.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à ces trois amendements. Vous renforcez les contrôles sur les algorithmes ; or la CNCTR intervient déjà à tout moment. Elle peut même mettre fin à l'utilisation d'un algorithme.

Les contrôles de la CNCTR fonctionnent déjà bien et ses avis sont toujours suivis par le Premier ministre. L'avis de la CNCTR est bien plus technique et précis que la Cnil, dont l'avis alourdira le processus.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - Je suis étonné par l'argument selon lequel l'avis de la Cnil alourdirait le processus. Quand on touche aux libertés individuelles, ce n'est pas un avis de trop ! C'est une singularité française.

L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos45 et 30.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Après l'alinéa 5

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Un décret en Conseil d'État pris après avis conforme de la Commission nationale de l'informatique et des libertés définit les modalités des modifications issues du I du présent article.

M. Pascal Savoldelli.  - Notre État de droit repose sur la garantie des droits fondamentaux. La Cnil, autorité administrative indépendante, doit exercer son contrôle et s'assurer que l'informatique n'y porte pas atteinte. Nous demandons des garanties suffisantes pour que le renseignement ne se fasse pas au détriment de l'État de droit. Or nous sommes en train de le sacrifier sur l'autel de la lutte contre les ingérences étrangères.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Les techniciens de la CNCTR réalisent des contrôles sur place, alors que la Cnil n'effectue qu'un contrôle sur dossier, ce qui est moins puissant. Ne complexifions pas le contrôle, au risque de l'affaiblir.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Comment riposter à des événements comme le suivant : lors de la période de silence de 48 heures précédant le scrutin pour l'élection nationale slovaque, en septembre 2023, un faux enregistrement a été diffusé, où l'on entend le candidat progressiste s'entretenir avec un journaliste sur la façon d'orienter le vote. En l'occurrence, il a perdu, mais cela a jeté un doute sur les résultats.

L'utilisation des algorithmes vise à faire échec à de telles manipulations qui portent atteinte au coeur même de notre État de droit, l'expression du peuple souverain par le suffrage.

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 6

Remplacer l'année : 

2028

par l'année : 

2026

M. Pascal Savoldelli.  - Déjà défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Deux ans pour une expérimentation, c'est trop court. Nous préférons quatre ans, avec un rapport à mi-étape.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 11, seconde phrase

Remplacer les mots :

est transmis

par les mots :

et une analyse sur les biais de ces algorithmes et l'équilibre entre les impératifs de sécurité et les atteintes portées à la vie privée des personnes concernées sont transmises

M. Pascal Savoldelli.  - L'utilisation des algorithmes ne présente aucune garantie. Aux États-Unis, le logiciel Predpol oriente l'intervention de la police : plus son attention se tourne vers un quartier, plus la police s'y rend, et plus l'algorithme l'y oriente, avec de graves conséquences en termes de discrimination.

Les biais algorithmiques doivent être pris en compte.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Oui, les algorithmes peuvent présenter des biais ; c'est pourquoi ils sont entraînés. La CNCTR est chargée d'assurer ce contrôle, qui est suffisant.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M.Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 3

Après le mot :

étrangère

insérer les mots :

ou d'une entité étrangère à but lucratif

M. Pascal Savoldelli.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui fait référence aux entreprises étrangères sans préciser si elles sont liées à un mandant étranger ou non.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Après l'article 4

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le septième alinéa de l'article L. 312-15 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« L'enseignement moral et civique doit également avoir pour objectif de sensibiliser les élèves aux risques d'ingérences étrangères dans le traitement de l'information dans les médias et sur les plateformes numériques, afin de prévenir les manipulations de l'information dont ils peuvent faire l'objet. »

Mme Gisèle Jourda.  - Tous les experts s'accordent à dire que la sensibilisation des jeunes est indispensable, notamment en cours d'éducation morale et civique (EMC), afin de prévenir les manipulations et de renforcer la résilience. Nous nous inspirons du modèle finlandais, où la confiance dans les élus et les médias est la plus forte.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous souscrivons à l'objectif, mais il n'est pas opportun de l'inscrire dans la loi.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Cela figure déjà dans les enseignements de quatrième et les nouveaux programmes d'EMC l'intègreront dès la rentrée 2024. L'amendement est donc satisfait : retrait ?

M. Olivier Cadic.  - Dans les écoles françaises à l'étranger, un gros effort est fourni dans ce domaine. Que Mme Jourda soit rassurée.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 114-3 du code du service national, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils sont également sensibilisés aux risques d'ingérences étrangères dans le traitement de l'information, dans les médias et sur les plateformes numériques. »

Mme Gisèle Jourda.  - Cet amendement cible les jeunes Français qui participent à la Journée défense et citoyenneté (JDC).

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Dès 2011, nous avons inscrit la sensibilisation aux risques sur internet dans le code de l'éducation et l'avons réaffirmé à l'occasion du vote de la loi pour une école de la confiance. N'énumérons pas à chaque fois les risques auxquels il faut sensibiliser les élèves !

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

L'article 4 bis est adopté.

L'article 5 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi l'intitulé :

Proposition de loi relative au contrôle des activités d'influence étrangère et à la lutte contre les risques d'ingérence étrangère en France

Mme Gisèle Jourda.  - Tel quel, l'intitulé ne couvre pas la totalité du sujet. Il convient de mieux distinguer ce qui relève de l'influence, qui est légale, du risque d'ingérence, qui ne l'est pas. Il ne s'agit pas seulement d'une différence de degré, mais plutôt de nature.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. L'objet de la proposition de loi est bien de lutter contre l'ingérence étrangère.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Sagesse.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Une nouvelle guerre a commencé. Nous commençons à comprendre, nous disait Claude Malhuret. Il y a neuf ans, au lendemain de l'affaire Snowden révélant au monde qu'internet était loin du mythe originel, mais était un monde d'hypersurveillance et de vulnérabilité, notre groupe avait demandé une mission commune d'information. Internet était déjà devenu le théâtre de cyberattaques toujours plus nombreuses et le rapport préconisait la mise en oeuvre d'une stratégie globale, très rapidement.

Une réforme de la gouvernance mondiale de l'internet reste à effectuer.

La délégation parlementaire au renseignement et l'Anssi ont été renforcées, comme nous le recommandions.

Nous sommes enfin à la réforme de la régulation européenne, avec le DSA, le Data Act notamment. Nous avons gagné la bataille des tortues, comme le disait la prix Nobel de la paix Maria Ressa. Mais les monopoles, dépendances, graves dysfonctionnements et mésusages se sont malheureusement multipliés. Une politique industrielle offensive nous assurerait une autonomie stratégique, plutôt que de recourir à des technologies chinoises ou américaines.

Face aux lois extraterritoriales, nous avons toujours des vulnérabilités importantes. L'information et la montée en compétences numériques de tous sont importantes, mais nous pouvons mieux faire.

Il faut une stratégie de lutte contre les ingérences étrangères dans le champ de l'information, avec une évaluation rapide de la mise en oeuvre du DSA et une modération des plateformes. Comme le dit Claude Malhuret, il faut un véritable statut et une véritable responsabilité des plateformes. Il faut aussi être attentifs à l'IA générative.

Les missions de l'audiovisuel public doivent aller dans le sens de la lutte contre la désinformation, mais il lui faut de la pérennité et du dynamisme. France Médias Monde mène une lutte contre la désinformation importante. Nous voterons ce texte, mais il reste beaucoup à faire.

M. Pascal Savoldelli .  - Aucun de nos amendements sur l'article 3 pour équilibrer sécurité nationale et libertés individuelles n'a été retenu. C'est un premier motif de rejet du texte.

Ensuite, vous avez refusé d'élargir aux entités à but lucratif - les multinationales et les Gafam. Nos débats sont un peu incantatoires. Microsoft reste le premier fournisseur en logiciels de l'État depuis les années 1990, et l'adoption de Windows 95 sur tous les ordinateurs de l'administration -  dont le ministère de la défense. En 2020, le ministère de l'éducation nationale a de nouveau signé un contrat pour équiper 800 000 postes. L'entreprise reste le premier fournisseur de l'État, encouragé par l'Union des groupements d'achats publics (Ugap) qui propose en priorité les logiciels Microsoft et Oracle. Pourtant, un scandale éclatait en 2013 avec Prism, pour le compte de la NSA. Dès 2018, la DGSI mettait en garde contre le rachat de sociétés françaises expertes dans le traitement des données, dans les domaines de l'aéronautique, de la recherche et de la santé.

D'autres entreprises américaines profitent du marché des données françaises. Bpifrance a choisi Amazon Web Services en juin 2020 pour gérer les données des prêts garantis par l'État. La DGSI a renouvelé son contrat avec Palantir, Microsoft Azure, AWS, Google Cloud, IBM Could et la solution cloud d'Oracle. Le périmètre est donc un peu incantatoire par rapport à ceux qui font régulièrement de l'ingérence étrangère sur nos décisions d'action publique.

M. Olivier Cadic .  - L'objet de ce texte est louable. Notre démocratie est attaquée, comme les autres. Un organisme s'adonne à des ingérences étrangères ouvertement : le site de l'ambassade de la République de Chine a déclaré que nous laissions mourir nos aînés dans les Ehpad. Il a attaqué directement la liberté de la presse à la suite de l'émission « Envoyé spécial » qui faisait part de menaces contre une personne qui allait être emmenée en Chine. Cette ingérence étrangère existe, or on ne fait rien. Cela m'inquiète. On peut voter des textes, mais il faut mettre fin aux ingérences qui ont déjà cours sur notre sol.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

Prochaine séance, mardi 28 mai 2024, à 14 h 30.

La séance est levée à 1 h 05.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 28 mai 2024

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

1. Débat sur le bilan de l'application des lois

2. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques (texte de la commission, n°616, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains et du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky)

3. Proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, présentée par Mme Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de ses collègues (n°435, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)