Gestion des compétences « eau » et « assainissement » (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement », présentée par M. Jean-Michel Arnaud et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la proposition de loi .  - Certains ont appelé le moment que nous vivons « la fin de la guerre de Cent Ans ». D'autres considèrent que c'est le début de la guerre de Troie. C'est surtout la fin d'un long combat mené par le Sénat depuis plus de dix ans, largement alimenté par nos élus locaux. En tant que président de l'association des maires des Hautes-Alpes, j'y ai participé, avant de le poursuivre au Sénat depuis 2020.

Ce travail est aussi la fin d'un long chemin parlementaire, jalonné de nombreux textes, parmi lesquels la proposition de loi de Jean-Yves Roux, ma première proposition de loi de 2022, entre autres, demandant la suppression de l'obligation de transfert des compétences eau et assainissement aux intercommunalités.

Ce travail est enfin l'aboutissement d'un long engagement transpartisan. Je salue le travail de Mathieu Darnaud, de Cécile Cukierman, de Jean-Yves Roux, de Marie-Pierre Monier, de Bernard Delcros, de Stéphane Sautarel, d'Alain Marc, de Franck Menonville et d'autres.

Avec Alain Marc, nous avons mené un long travail de négociations avec les gouvernements successifs. La présente proposition de loi est le fruit d'un compromis, travaillé avec Christophe Béchu sous le gouvernement Attal. Nous sommes sur le point de franchir une nouvelle étape de liberté locale, grâce à l'écoute et à la détermination de Michel Barnier. Je salue l'engagement et l'écoute attentive de Françoise Gatel.

Ce texte de compromis reprend la ligne constante du Sénat : la suppression de l'obligation de transfert au 1er janvier 2026 des compétences eau et assainissement. Nous avons décidé qu'il n'y aurait pas de retour en arrière si les compétences ont été transférées à la communauté de communes avant l'entrée en vigueur de cette loi. Nous avons maintenu la possibilité de délégation à des syndicats supracommunaux pour les communes encore compétentes. Les communes actuellement en subdélégation ne connaîtront aucun changement.

Il ne s'agit pas de revenir en arrière sur les coopérations intercommunales, mais de laisser les compromis émerger, les coopérations s'organiser en fonction de la réalité de terrain (M. Loïc Hervé renchérit), car les points d'eau n'obéissent pas aux limites administratives.

Comme l'a dit justement Françoise Gatel, égalité n'est pas uniformité. On ne gère pas les ressources en eau de la même manière en Île-de-France, en Ille-et-Vilaine ou dans les Hautes-Alpes.

L'intercommunalisation forcée de cette compétence a montré ses limites. De la souplesse est nécessaire, pour gagner en efficacité. Il est d'autant plus important de mettre en place une gouvernance différenciée de l'eau que la ressource pourrait se raréfier.

Le plan d'eau gouvernemental identifie des « points noirs ». Je le dis avec force : ces situations d'urgence - ressources mal gérées, mal connectées - ne sont pas liées au mode de gouvernance, mais à la situation hydrographique du territoire. Laissons les collectivités s'organiser, dans un objectif de qualité.

L'optimisation de la ressource doit faire l'objet d'une phase de réflexion partagée, sans anathème, en confiance avec les élus locaux, et en les responsabilisant. (M. Jean-Raymond Hugonet renchérit.)

Nous voulons donner une nouvelle mission aux commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) afin que les situations locales y soient évoquées. Une commune qui apparaît comme le mouton noir doit être accompagnée.

Oui, il est possible de créer de nouveaux syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU), dans le cadre d'une discussion avec les élus, et sans oukase préfectoral. (M. Loïc Hervé renchérit.)

La question des moyens se pose aussi. Oui, nous faisons face à mur d'investissements, liés notamment à des taux de fuite inacceptables dans certains territoires. Il faut renforcer l'accompagnement technique des communes et envoyer un signal aux agences de l'eau, ainsi qu'aux agences départementales là où elles existent.

Enfin, le département doit pouvoir intervenir dans les syndicats pour participer à la recherche de solutions territoriales dans une dynamique partenariale.

Cette proposition de loi est une avancée pour la liberté locale et un signe d'apaisement envers les territoires, qui n'ont pas compris qu'on leur impose, en 2017, une loi NOTRe sans évaluation ni débat sur ses conséquences. Nous garantissons aux communes des libertés pour agir, la possibilité de mutualisations consenties et un dialogue constructif et confiant avec le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également ; M. Loïc Hervé félicite l'orateur avec énergie.)

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Franck Menonville applaudit également.) Dix ans : voilà dix ans que notre assemblée cherche à atténuer les conséquences du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement. Cette proposition de loi nous offre l'occasion historique de clore ce chapitre et de rendre enfin leur liberté aux communes, conformément à la volonté constante du Sénat.

L'évolution du contexte politique nous laisse entrevoir la reconstruction d'une relation de confiance avec le Gouvernement, que le transfert imposé avait mise à mal.

Élu d'une commune de 215 habitants et d'une communauté de communes de 5 200 habitants, je mesure combien ce sujet suscite inquiétude et incompréhension, particulièrement dans les territoires ruraux et de montagne. L'échéance du 1er janvier 2026 approche à grands pas : nous devons apporter une réponse sans équivoque aux inquiétudes légitimes des élus.

Je partage pleinement l'objectif de cette proposition de loi : redonner de la souplesse aux communes, les mieux placées pour déterminer la bonne échelle pour la gestion de ces compétences. En matière d'eau et d'assainissement, le Gouvernement a brutalement remis en cause la liberté des communes en 2015, de surcroît par de simples amendements déposés sur la loi NOTRe à l'Assemblée nationale.

Notre assemblé avait obtenu en CMP un premier report, au 1er janvier 2020. Ce premier aménagement a été suivi d'une longue série. En particulier, le report au 1er janvier 2026 a été prévu par la loi Ferrand en 2018, sous réserve que les communes parviennent à réunir une minorité de blocages. En 2019, la loi Engagement et proximité a prévu un mécanisme, très encadré, de subdélégation. En 2022, la loi 3DS a apporté un assouplissement supplémentaire en autorisant le maintien des syndicats infracommunautaires.

Mais l'atténuation des effets du transfert imposé a été source de complexité, voire de confusion. Un risque existe d'alourdissement des factures des usagers. La nécessité de maintenir une fine connaissance des réseaux ou l'absence de correspondance entre les périmètres intercommunaux et hydrographiques sont autant d'arguments en faveur d'une gestion différenciée.

Le transfert obligatoire est un non-sens. Il est urgent de légiférer, pour que les 3 600 communes qui exercent seules leurs compétences ne subissent pas de graves conséquences au 1er janvier 2026.

L'article 1er du texte crée une dérogation pour les communes membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération en zone de montagne. Pour les autres, le transfert demeurerait obligatoire, mais assorti de nouveaux assouplissements prévus aux articles 2 et 3. Le texte rend possible la création de nouveaux syndicats et étend les possibilités d'intervention des départements pour favoriser une gestion à une échelle dépassant les frontières intercommunales.

Je remercie nos collègues Mathieu Darnaud, Jean-Michel Arnaud, Cécile Cukierman, Jean-Yves Roux, Franck Menonville et Paul Toussaint Parigi pour leurs précieuses contributions.

Je présenterai un amendement de réécriture globale de l'article 1er. Les communes n'ayant pas transféré les compétences n'auront plus l'obligation de le faire au 1er janvier 2026. Les transferts déjà effectués ne seront pas remis en cause. Il s'agit d'une solution d'équilibre.

Je proposerai par ailleurs l'organisation d'un dialogue territorial régulier sur ces compétences au sein de la CDCI.

Liberté, stabilité, responsabilité : tels sont les trois principes sur lesquels repose ce texte. En l'adoptant, nous ferons confiance à l'intelligence locale, préviendrons la survenue de contentieux et ferons prévaloir le bon sens. J'espère, grâce au Gouvernement, son inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, ainsi que du RDSE)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains) Voici donc la fin d'un long feuilleton qui trouve son origine dans la loi NOTRe, laquelle a parfois corseté et uniformisé notre pays sans tenir compte de la diversité des territoires.

L'injonction vertueuse à préserver l'eau a fait oublier que celle-ci coule au fil des bassins versants, se jouant des limites administratives. La loi a voulu faire d'un jardin à l'anglaise un jardin à la française.

Tirons les conséquences de cette erreur en préférant aux lois qui contraignent celles qui facilitent, en se fondant sur la confiance et la responsabilité. (MM. Loïc Hervé et Jean-Raymond Hugonet apprécient.)

Le Premier ministre a affirmé devant vous sa volonté de travailler de manière partenariale avec les élus et les parlementaires. Avec ce texte, nous joignons les actes aux paroles.

La tension grandissante sur la ressource en eau impose un effort d'investissement inédit dans nos infrastructures pour assurer l'efficience de ce service public. Face aux enjeux quantitatifs et qualitatifs, nous devons conjuguer liberté et responsabilité pour les communes, en facilitant les mutualisations, qui restent souhaitables.

Cette proposition de loi nous donne l'occasion d'avancer. Le Gouvernement, dès le 9 octobre, a engagé la procédure accélérée. Je remercie le président Larcher et les sénateurs Darnaud, Cukierman, Arnaud, Roux et Marc pour leur engagement sans faille. Avec le rapporteur, nous avons pu cheminer dans un esprit de dialogue.

Pour les communautés de communes, le transfert obligatoire devait intervenir au 1er janvier 2026. Le Gouvernement entend concilier la pérennité des transferts déjà opérés, lesquels ont nécessité des travaux préparatoires considérables, et la liberté pour les communes qui n'ont pas procédé au transfert à ce jour. Il serait déraisonnable de remettre en cause ce qui a déjà été transféré ; mais, lorsque le transfert a eu lieu, une délégation pourra être faite à un syndicat.

Le Gouvernement soutient la réécriture de l'article 1er proposée par Alain Marc. Une commune n'ayant pas transféré sa compétence à sa communauté de communes à la date de la promulgation de la loi aura ainsi trois possibilités : conserver la compétence, la déléguer ou la transférer à un syndicat communal ou supra communal, la transférer à la communauté de communes. Deux communes d'un même EPCI pourront choisir des options différentes. Nous ne sommes pas pour les mariages forcés, mais pour les unions choisies ! (Assentiment sur de très nombreuses travées)

La préservation de la ressource, sa sécurisation et sa qualité sont des enjeux primordiaux. La liberté donnée s'accompagne donc d'une responsabilité majeure à l'égard des usagers.

Le Gouvernement soutiendra aussi l'amendement du rapporteur instituant une réunion annuelle de la CDCI consacrée à l'eau. Cet espace de discussion favorisera l'échange autour de ces enjeux, sans être une instance normative. La CDCI pourra formuler des propositions pour renforcer la mutualisation à l'échelle départementale.

Ces dispositions répondront aux amendements de Pierre Jean Rochette. L'échange de bonnes pratiques est toujours vertueux.

Enfin, l'article 4 soulève la question du mandat de maîtrise d'ouvrage confié aux départements pour les projets de production, de transport et de stockage de l'eau. Le Gouvernement y est favorable et soutiendra la rédaction amendée par le sénateur Menonville.

La position du Gouvernement est souple, respectueuse des spécificités locales et à la hauteur des enjeux. Ce texte est le fruit d'échanges constructifs entre un Gouvernement à l'écoute et un Sénat exigeant, mais sage. Face à la roche, le ruisseau l'emporte toujours, non par la force, mais par la persévérance. Comme l'a dit un grand acteur qui nous a quittés récemment, puissions-nous conclure ce soir ! (Sourires ; applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Loïc Hervé.  - Le bon sens montagnard !

M. Paul Toussaint Parigi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce sujet me tient à coeur. Maire d'une commune pendant vingt ans, président de communauté de communes et sénateur dans un territoire rural et montagneux, j'ai été témoin de vives inquiétudes suscitées par le transfert forcé des compétences eau et assainissement, prévu pour le 1er janvier 2026.

Après des reports multiples, nous avons l'occasion de faire entendre enfin la voix des maires en leur laissant le pouvoir de choisir. La commune est l'échelon central de la démocratie locale. Montrons aux élus que leur voix porte lorsqu'ils nous alertent sur leurs difficultés et défendent l'intérêt de leurs administrés.

Il n'est pas question de remettre en cause le fait intercommunal, mais d'apporter souplesse et agilité dans la gestion d'une compétence stratégique et complexe. Le transfert à marche forcée aurait des conséquences négatives dans les territoires ruraux et de montagne, car il se ferait sans tenir compte des réalités hydrauliques. Réalisée sur des périmètres inadaptés, la mutualisation aurait un coût faramineux, alors que les territoires de montagne ont une qualité d'eau remarquable pour un coût modéré ! (M. Jean-Jacques Panunzi renchérit.)

Nombre de communes se sont déjà réunies en syndicats. Évitons donc un transfert imposé qui pourrait entraîner un alourdissement des factures. J'ai constaté que le transfert de la compétence déchets s'est traduit par une multiplication par quatre du prix payé par les administrés. Dans le contexte financier difficile que nous connaissons, le transfert des compétences eau et assainissement serait un contresens.

Faisons confiance aux maires, qui ont démontré une nouvelle fois leur réactivité face à la sécheresse cet été. En Corse, du nord au sud, ils sont contre le transfert imposé - mon collègue Panunzi pourra le confirmer. Préservation du lien entre le maire et ses administrés, maintien d'une connaissance fine des réseaux : les raisons ne manquent pas de revenir sur cette mesure.

Faisons confiance aux maires : ils sont les mieux placés pour agir dans l'intérêt de leurs concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également ; M. Jean-Jacques Panunzi félicite l'orateur avec énergie.)

Mme Cécile Cukierman .  - J'ai cherché quelle expression populaire pourrait résumer ce combat sénatorial qui nous rassemble depuis des années. Il y a trente-six ans dans les salles de cinéma, un enfant de bonne famille expliquait à sa mère : la vie n'est pas un long fleuve tranquille... (Sourires) La gestion de l'eau et de l'assainissement n'est effectivement pas un long fleuve tranquille ! (Assentiment)

En 2015, nous nous sommes opposés à la démarche autoritaire inscrite dans la loi NOTRe.

Dès 2017, Mathieu Darnaud a déposé une proposition de loi pour revenir sur le transfert imposé. En 2023, Jean-Yves Roux lui emboîtait le pas. C'est un texte de Jean-Michel Arnaud que nous examinons cet après-midi. Je tiens à citer ces collègues, un peu comme, dans les inaugurations, le protocole, certes parfois usant, a le mérite de rappeler l'importance de l'action partenariale.

Non, notre objectif n'est pas d'empêcher les mutualisations ou de revenir sur le processus intercommunal. (M. Jean-Michel Arnaud renchérit.) Nous rappelons que, pour faire République, il faut un pacte social et politique fort entre nos concitoyens et les élus. Or ce pacte se scelle dans la plus grande des proximités, celle de la commune. C'est en ce sens que, comme nous le disons souvent, la commune est la cellule de base de la République. (Assentiment sur de très nombreuses travées)

C'est en préservant la commune que nous répondrons à la crise politique que nous connaissons. (Applaudissements sur de très nombreuses travées)

M. Loïc Hervé.  - Bravo !

Mme Cécile Cukierman.  - D'aucuns peuvent bien qualifier ce texte de petite loi ; il est en réalité essentiel. Le soutien qu'il reçoit témoigne d'une capacité à dépasser les clivages au service de l'intérêt général.

Nous ne souhaitons ni retour en arrière ni détricotage. Dans une commune ligérienne de 400 habitants, les normes sanitaires sont les mêmes qu'à Paris. Notre pays est formidable : il assure la liberté locale tout en apportant à tous nos concitoyens, quelle que soit leur condition sociale et territoriale, les mêmes garanties de sécurité.

Madame la ministre, nous comptons sur vous pour que cette proposition de loi suive son cours sans débordement. (Sourires ; applaudissements sur de très nombreuses travées)

M. Akli Mellouli .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je remplace pour cette intervention mon irremplaçable collègue Benarroche... (Sourires)

La gestion des compétences eau et assainissement est au coeur de la vision écologiste. Le Premier ministre, répondant la semaine dernière à une question d'actualité de Cécile Cukierman, a affirmé qu'il n'y aurait plus de transfert obligatoire de ces compétences pour les communes qui ne les ont pas transférées. Dans cet esprit, la proposition de loi de Jean-Michel Arnaud répond à un besoin de liberté locale et de gestion différenciée.

Depuis la loi NOTRe, pour reprendre les mots du Premier ministre, cette question est une vraie difficulté, presque une blessure, entre le Gouvernement et le Sénat. De nombreux élus, sans remettre en cause l'échelon intercommunal, rechignent à cette remontée de compétences. Loin d'être des Gaulois réfractaires, ils sont les représentants des besoins de leur territoire !

Au nom du principe de subsidiarité, nous considérons que les communes doivent pouvoir décider librement de transférer ces compétences ou non, en fonction des particularités locales.

Au moment où les finances des collectivités sont en danger après des années de gestion pour le moins hasardeuse sous la présidence Macron, il est bon de sortir de ce blocage qui dure depuis des années. Reste que nous voudrions connaître, plus largement, la vision qu'a le gouvernement Barnier de l'organisation territoriale du pays. Nous avons besoin d'évolutions en matière comptable, de transition ou de renouvellement démocratique.

Comme le disait notre ancien collègue Daniel Breuiller, comme moi du Val-de-Marne, nous avons longtemps cru que l'accès à l'eau irait de soi pour tous et pour tous les usages ; ce n'est plus vrai. Or la politique de l'eau est sous-financée dans une proportion estimée entre 800 millions et 3, voire 4 milliards d'euros par an. C'est dire si nous sommes loin du compte.

Face au perpétuel argument de la dette, phagocyteur de toutes les politiques dont nous avons besoin, nous appelons à mettre fin à l'inaction. Cette proposition de loi, que nous voterons, est un pas de plus vers la différenciation locale. Mais nous avons besoin aussi d'une réelle stratégie nationale pour la ressource en eau, indispensable au vu de la raréfaction de la ressource. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Arnaud.  - Bravo !

M. Pierre-Alain Roiron .  - Comme chaque année ou presque, nous examinons une proposition de loi sur les compétences eau et assainissement. Technique et politique, ce sujet soulève des questions centrales sur l'organisation de nos territoires, d'autant que l'eau est une ressource de plus en plus stratégique.

La loi NOTRe a suscité de nombreux débats et ajustements. La loi Ferrand-Fesneau de 2018 a reporté le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement au 1er janvier 2026 pour certaines intercommunalités ; cette souplesse était nécessaire pour tenir compte des spécificités locales. La loi Engagement et proximité de 2019 a introduit un mécanisme de délégation partielle aux syndicats.

La nouvelle proposition d'assouplissement dont nous débattons suscite un intérêt certain, en témoignent les récentes déclarations du Premier ministre et l'engagement de la procédure accélérée.

Nous sommes ouverts aux adaptations, mais sans remise en cause de l'architecture globale de la loi NOTRe. La gestion intercommunale reste un modèle efficace. Si des adaptations aux réalités locales sont nécessaires, il n'est pas question de revenir en arrière. Veillons donc à ne pas ouvrir la porte à un détricotage général du dispositif.

Le rapporteur ne souhaite pas revenir sur les transferts déjà opérés, nous en prenons acte. Les spécificités des zones de montagne nécessitent des ajustements supplémentaires. Mais ne portons pas atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, qui s'applique aussi aux collectivités.

La possibilité accordée aux départements de jouer un rôle plus actif dans les politiques locales de l'eau, découlant des travaux de la mission d'information sur la gestion durable de l'eau et reprise dans la proposition de loi de notre collègue Gillé, est pertinente au vu des défis climatiques.

Prenons un peu de hauteur : le transfert de ces compétences doit être inscrit dans le grand cycle de l'eau, dans une vision globale articulant gestion de l'eau et enjeux environnementaux. Face aux défis climatiques - sécheresses, incendies -, la ressource en eau est une priorité. Ne sous-estimons pas les conséquences d'incohérences dans sa gestion.

La mise en commun des ressources dans certaines zones est plus que jamais nécessaire dans certaines zones, notamment en montagne.

L'Union nationale des industries et des entreprises de l'eau évalue le déficit annuel d'investissements entre 776 millions et 3,5 milliards d'euros. Pas moins de 40 % de nos réseaux d'eau potable ont plus de 50 ans, alors que leur durée de vie oscille entre 60 et 80 ans. Les investissements nécessaires sont colossaux et exigent une approche globale.

Pas moins de 50 % des intercommunalités exercent déjà la compétence eau, couvrant près de 80 % de la population française. Ces chiffres témoignent d'une réelle dynamique intercommunale.

Ne déstabilisons pas un dispositif qui fonctionne dans la majorité des territoires. Les élus ont besoin de stabilité, notamment au regard des annonces budgétaires récentes !

Restons fermes sur le maintien du cadre intercommunal et accompagnons nos territoires avec une ingénierie ambitieuse. Notre groupe aborde ce débat dans un esprit de responsabilité et, dans sa majorité, ne votera pas le texte.

MM. Jean-Michel Arnaud et Loïc Hervé.  - C'est bien dommage !

M. Pierre Jean Rochette .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Loïc Hervé et Jean-Raymond Hugonet applaudissent également.) J'ai une pensée pour les Ligériens, notamment du sud, qui subissent actuellement des inondations importantes.

La liberté communale, voilà une cause chère au Sénat. Or s'il y a des compétences essentielles aux communes, c'est bien la gestion de l'eau et l'assainissement. Le Sénat s'est prononcé à nombreuses reprises contre leur transfert imposé par la loi NOTRe. Il est temps que les communes recouvrent leur liberté !

Des assouplissements ont déjà été introduits, en 2018 puis 2023. Pourquoi une telle détermination ? Parce que l'expérience montre que mutualisation ne rime pas forcément avec harmonisation et baisse des prix. De fait, le transfert obligatoire est une mesure tout aussi inadaptée aujourd'hui qu'il y a dix ans.

Seules 33 % des communautés de communes exercent la compétence « eau ». Depuis le début, le groupe INDEP défend le caractère optionnel du transfert et une solution pragmatique qui laisse le choix aux élus locaux. Les élus ont enfin été entendus, par Michel Barnier et Françoise Gatel. La détermination du Sénat a payé.

La proposition de loi de Jean-Michel Arnaud est pertinente, mais nous regrettons que l'exception prévue pour les communes de montagne ne soit pas plus large. Nous voterons le texte à condition que les assouplissements proposés par le rapporteur, notre collègue Alain Marc, soient adoptés. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Mathieu Darnaud .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Théocrite disait : « l'eau, goutte à goutte, creuse le roc ». Je salue notre oeuvre collective de persévérance, incarnée notamment par Jean-Michel Arnaud et Jean-Yves Roux et partagée par l'immense majorité des groupes de notre assemblée. Je remercie aussi Françoise Gatel, avec qui j'ai travaillé sur ces sujets pendant des années.

Mais ma satisfaction ne va pas sans frustration : car que de temps perdu ! (M. Jean-Michel Arnaud renchérit.) Dès 2017, avec Bruno Retailleau, nous avions tenté de faire entendre la voix des communes. Qui mieux que les élus peut savoir ce qui est bon pour leur territoire ?

Nous ne travaillons pas contre la construction intercommunale. Au contraire, nous avons aussi été saisis par de nombreux présidents d'intercommunalité, qui nous disent ne pas pouvoir exercer ces compétences. Nous faisons oeuvre utile pour redonner de la liberté à la France communale.

Je salue le courage du Premier ministre, car il n'est jamais facile, une fois le mouvement engagé, de revenir à la raison.

La gestion de ces compétences doit se baser sur nos bassins hydrographiques. L'eau est affaire de territoires, non de limites administratives.

Avec Anne Ventalon, j'ai une pensée pour les Ardéchois actuellement frappés par des épisodes cévenols.

Avec ce texte, les élus auront le choix. Il est temps de leur faire confiance ! (Applaudissements sur de nombreuses travées)

M. Bernard Buis .  - Nous examinons ce texte au moment où se tient la 34e convention des intercommunalités de France.

La multiplication et l'intensification des épisodes d'inondation et de sécheresse montrent que la question de l'eau, ressource vitale, est essentielle. Nous pensons à nos concitoyens touchés par les inondations en cours en Ardèche.

De lourds investissements seront à réaliser prochainement, notamment pour faire face aux problèmes de stockage et de partage. La mutualisation des moyens techniques et financiers peut donc s'avérer stratégique.

L'article 64 de la loi NOTRe a rendu obligatoire le transfert des compétences eau et assainissement au 1er janvier 2020, inquiétant de nombreux élus. La loi d'août 2018 a prévu une minorité de blocage des communes, les autorisant à reporter le transfert au 1er janvier 2026.

Cette proposition de loi est bienvenue, car elle apporte de la souplesse. Les élus souhaitent liberté et différenciation. Je me suis donc réjoui de la réponse du Premier ministre à Mme Cukierman, lors des questions d'actualité de la semaine dernière.

Les communes qui n'ont pas transféré ces compétences pourront librement choisir de le faire ou non. En revanche, un retour en arrière n'est pas souhaitable quand le transfert a été opéré.

Restons guidés par les principes de différenciation et de liberté locale. J'espère que les amendements en ce sens seront adoptés.

Le RDPI adoptera ce texte pour clore ce long épisode. Madame la ministre, faites en sorte que cette proposition de loi puisse être adoptée avant la fin de l'année. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

M. Jean-Yves Roux .  - Souvenez-vous de Bill Murray dans Un jour sans fin. Le 2 février 1993, jour de la marmotte dans une petite ville rurale de Pennsylvanie, il se retrouve bloqué dans une boucle temporelle.

Ne vous sentez-vous pas proche de lui ? Au Sénat, depuis l'adoption de la loi NOTRe, nous revenons continuellement sur le sujet des compétences eau et assainissement, comme si nous étions bloqués le jour de la marmotte sénatoriale... (Sourires)

Les étapes sont connues, de 2015 à aujourd'hui, en passant par 2018. Nous voilà débattant de la proposition de loi de Jean-Michel Arnaud.

Les remontées du terrain sont sans équivoque. Le transfert à l'intercommunalité pose de réelles difficultés, notamment en ruralité et en montagne. Il est nécessaire de revenir sur ce dispositif obligatoire rigide, d'autant que l'échéance du 1er janvier 2026 approche dangereusement.

La semaine dernière, devant notre assemblée, le Premier ministre s'est engagé à agir. C'est une satisfaction, mais nous attendons de connaître les modalités précises qui découleront de cette annonce.

Madame la ministre, sentez-vous libre de vous inspirer de nos travaux récents. Le Sénat avait adopté à une large majorité ma proposition de loi permettant une gestion différenciée des compétences eau et assainissement. En tant que rapporteur, Alain Marc en avait perfectionné la rédaction. Le groupe Liot l'avait inscrite à deux reprises à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale sur son espace réservé. Nous avions travaillé avec la ministre Dominique Faure.

Sur le fond, nous ne voulons pas revenir en arrière. Nous voulons aussi nous concentrer sur les communautés de communes.

Sur la méthode, nous voulons des mesures simples et claires.

Notre rapporteur a évoqué sa réécriture de l'article 1er. La solution qu'il propose sonne comme une révolution après une décennie d'égarements ! Je remercie les sénateurs avec lesquels nous avons travaillé sur ces compromis.

Madame la ministre, à quelques semaines de plusieurs congrès d'élus locaux, il est bienvenu de démontrer qu'ils sont bien des inventeurs du possible. (Mme Françoise Gatel rit ; applaudissements)

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Louis Vogel applaudit également.) L'eau et l'assainissement, enjeux vitaux, nécessitent un cadre national. Mais, une fois ce cadre fixé, pourquoi imposer depuis Paris le périmètre des intercommunalités, aussi bien pour les zones très urbanisées que pour la ruralité ou les zones de montagne ?

Au contraire, il faut non seulement tenir compte de la diversité des territoires, mais aussi de l'avis des maires, qui sont en relation directe avec leurs habitants. Ils ont à coeur d'offrir des services de qualité et d'éviter que leur coût ne s'envole. Ils ont le sens du service public. Ne les dépossédons pas de ces compétences !

Pour les territoires qui ne l'ont pas encore transférée, nous défendons deux principes. Premièrement, la possibilité de créer des syndicats à l'échelle jugée la plus pertinente par les élus. (M. Jean-Michel Arnaud renchérit.) Deuxièmement, leur permettre de mutualiser les compétences et de déléguer la gestion de l'eau ou de l'assainissement -  ou les deux  - à l'échelon le plus adapté, les syndicats ou l'intercommunalité. Pour ce faire, il faut maintenir ces compétences dans le champ des compétences facultatives.

Je remercie Jean-Michel Arnaud, Alain Marc et Mme la ministre pour son engagement sur cette question sensible pour tous les maires de France. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Daniel Chasseing applaudissent également.) Ma joie est un peu teintée d'amertume et de peine. Je me souviens des interventions de nos collègues Jacques Mézard et Jean-Jacques Hyest lors de l'examen de la loi NOTRe, grâce à laquelle nous allions atteindre la parousie. (Sourires) La loi, à l'origine d'une grande réorganisation des territoires, devait aussi être aussi source d'économies ; ce fut plutôt un grand barnum !

Je me souviens des auditions de Marylise Lebranchu et d'André Vallini : tous deux étaient animés de certitudes définitives.

Les compétences eau et assainissement étaient le produit d'un rapprochement librement consenti des communes après la guerre. À la défaveur de la loi NOTRe, tout cela a été remis en cause.

Puis, en 2018, nous avons obtenu un aménagement de calendrier - j'étais le rapporteur de ce texte à l'époque. Je me souviens des auditions des représentants de l'administration centrale, selon lesquels plus les communes étaient grandes, meilleur était le rendement. C'était oublier un biais essentiel : on ne tenait pas du tout compte des caractéristiques territoriales ! (MM. Jean-Michel Arnaud et Alain Marc renchérissent.) Il faut corriger cette faute originelle de la loi NOTRe ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et CRCE-K)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - Intervenant en onzième position dans cette discussion générale, je ne serai pas original.

De simples amendements peuvent avoir une immense portée. En effet, c'est un amendement gouvernemental qui est à l'origine du transfert des compétences eau et assainissement aux EPCI.

Le Sénat avait obtenu un certain nombre d'assouplissements, mais ce résultat ne résout pas le problème de fond : la loi oblige toujours les communes à transférer ces compétences au 1er janvier 2026.

La loi NOTRe avait pour objectif de mutualiser efficacement des moyens techniques et financiers pour aboutir à une meilleure maîtrise des réseaux de distribution. Les mots magiques étaient lâchés : rationalisation, maîtrise, mutualisation. Combien d'inepties débouchent invariablement sur des incuries, en s'appuyant sur ce mirage ?

Le niveau d'exercice de ces compétences doit relever de considérations propres à chaque territoire.

Heureusement, Michel Barnier, fort d'une longue expérience d'élu local, a déclaré qu'il n'y aurait plus de transfert obligatoire en 2026. Il est temps de mettre fin à la blessure provoquée par la loi NOTRe.

Je remercie Mathieu Darnaud, qui n'a jamais cessé de défendre cette position de bon sens. Je remercie également Jean-Michel Arnaud pour sa proposition de loi. Arnaud, Darnaud, même combat ! D'autant que Pernot va suivre... (Sourires ; applaudissements)

M. Clément Pernot .  - Jour de fête au Sénat ! (Sourires) L'adhésion à un groupement pour gérer l'eau et l'assainissement ne sera plus obligatoire, ni en 2026 ni après.

Le Sénat reconnaît le travail de générations de maires pour fournir l'eau à leurs administrés, heureux habitants qui jugent naturel l'accès au précieux liquide. Voilà pourquoi la gestion de l'eau est viscéralement ancrée dans la fonction du maire.

La loi imposant un groupement était considérée comme une défiance insultante. Une mutualisation autoritaire aurait altéré la qualité de la gestion de l'eau. Rendons grâce à tous les sénateurs qui ont reporté l'exécution des premiers textes sur le sujet à 2026.

Saluons la belle écoute de Michel Barnier, qui a promis, lors des questions d'actualité le 9 octobre 2024 - date qui restera dans les mémoires, j'en suis sûr - la fin de l'obligation de transfert au 1er janvier 2026.

L'adoption de cette proposition de loi enverra un signal fort à nos collectivités et attestera d'une nouvelle volonté d'organiser notre vie publique de façon moins verticale et plus partenariale.

Il convient de laisser les territoires s'organiser librement, d'inventer des collaborations entre eux, afin d'obtenir pour chaque commune une gestion idéale de ces compétences.

L'ampleur de la mission nécessite des solidarités d'ingénierie et de financement. L'État, via les préfectures et les agences de l'eau, doit être aux côtés des intervenants locaux, avec les départements, pour assurer à chacun une ressource pérenne et qualitative. Ce serait un acte de décentralisation moderne et pertinent.

Le vote de cette proposition de loi est une première étape qui fait souffler un vent de liberté dans la vie publique locale. J'espère qu'il en ira de même pour l'urbanisme, et plus particulièrement le ZAN.

Un soleil se lève sur les exécutifs de nos territoires (on apprécie la métaphore sur plusieurs travées), et vous n'y êtes pas pour rien, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI, du RDSE et du groupe CRCE-K)

Discussion des articles

Article 1er

Mme Anne Ventalon .  - Cette proposition de loi répare plusieurs injustices.

D'abord, une injustice démocratique, liée à une erreur de jugement originelle. En Ardèche et dans tant d'autres territoires, plusieurs réalités coexistent. Au moins 90 communes de mon département souhaitent encore rester libres de conserver ou non les compétences eau et assainissement.

Ensuite, une injustice géographique, car des communes limitrophes ne sont pas situées sur le même bassin versant. Certaines ne peuvent exercer la compétence assainissement, trop coûteuse, mais souhaitent conserver la compétence eau. D'autres veulent pouvoir exercer les deux. Nous plaidons pour la souplesse.

Enfin, une injustice écologique, face aux sécheresses à venir.

Ce texte corrige ces trois injustices, il offre à chaque commune la possibilité de trancher cette question majeure.

Nous voterons cette proposition de loi sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI, du RDSE et du groupe CRCE-K)

M. Olivier Paccaud .  - Certains textes sont plus symboliques que d'autres. Son historique et ses conséquences débordent nettement le périmètre aquatique. Il s'agit en réalité d'une certaine idée de la décentralisation.

La vertu première, c'est la liberté de choix. Nulle obligation, mais nul empêchement.

Beaucoup de communes ont franchi le pas du transfert, tandis que d'autres s'y opposent, car elles disposent de syndicats qui fonctionnent très bien et à moindre coût. La course au gigantisme, à la mode dans les années 2010, a montré ses limites : l'optimisation de l'action publique et les économies n'étaient pas au rendez-vous.

En revanche, ils ont éloigné la proximité, gage d'efficacité. L'ogre intercommunal, tel Cronos, a été tenté d'avaler ses enfants municipaux, avec, à la clé, une indigestion de compétences. Il est loin le temps de l'identité intercommunale heureuse, où l'on choisissait à la carte !

En supprimant l'obligation, qui rime avec recentralisation, le Sénat, constant, est fidèle à sa vocation de défenseur des libertés des collectivités territoriales.

Vive la liberté de choix et vive la décentralisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

Mme Marie-Pierre Monier .  - Cette proposition de loi est issue d'un travail de longue haleine mené par des sénateurs de tous bords. Elle aurait dû être examinée avant l'été. Rappeler ce contexte est important : il s'agissait pour nous, cosignataires du texte, d'avancer le plus loin possible. Mais les annonces du Premier ministre changent la donne : nous espérons pouvoir aller bien plus loin désormais.

L'article 1er de la proposition de loi a vocation à évoluer ; j'ai d'ailleurs cosigné l'un des amendements déposés par Maryse Carrère et Jean-Yves Roux.

La gestion de la ressource en eau, enjeu primordial, nécessite coopération et solidarité, mais seul le libre choix des communes, cohérent avec la réalité des territoires et des bassins versants, aboutira à une mutualisation efficace.

La souplesse est cruciale : transfert de l'une des deux compétences seulement, mise en oeuvre d'outils de coopération intercommunale, les idées ne manquent pas.

En rendant aux communes leur liberté de choisir, nous favoriserons la mise en oeuvre de solutions. (Applaudissements sur les travées des groupeCRCE-K, UC, du RDSE et du groupe Les Républicains)

M. Jean-Jacques Panunzi .  - La position du Premier ministre sonne le glas de l'hérésie qui témoignait de la méconnaissance de la ruralité.

Le transfert doit tout simplement devenir optionnel.

Déjà en 2017, une proposition de loi de Bruno Retailleau le prévoyait. Plus de sept années ont été nécessaires pour que la raison l'emporte. Le Sénat, une fois de plus, était clairvoyant.

En Corse, l'obligation de transfert des compétences aurait été désastreuse pour tous les administrés et pour les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman .  - Des habitants sont en train d'être évacués de leurs maisons, à l'heure où nous parlons, à cause des inondations. J'ai une pensée particulière pour ceux de la vallée du Gier, dans mon département, la Loire.

J'ai une pensée particulière pour celles et ceux qui ne peuvent utiliser la ligne ferroviaire entre Lyon et Saint-Étienne. Certains rentreront très tardivement chez eux ce soir, car routes et autoroutes sont coupées.

La gestion de l'eau doit tous nous préoccuper. Depuis la naissance de l'humanité, la gestion de l'eau et celle du feu sont des défis permanents.

Mais la gestion de l'eau et de l'assainissement est un autre sujet. Quand l'eau déborde, elle déborde, et cela ne relève pas d'un niveau de compétences. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes SER et Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - Je remercie tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet. Merci également à la ministre.

Le Sénat a été persévérant. Dans l'immense majorité des cas, les maires veulent être libres de leur gestion. Ils sont responsables. S'ils souhaitent conserver les compétences eau et assainissement, c'est souvent parce qu'ils n'ont pas de problème pour la gestion de la ressource.

Ils pourront proposer eux-mêmes des mutualisations. Faisons confiance aux maires, qui sont attachés à cette gestion et connaissent très bien les réseaux.

Cela dit, les communautés de communes les plus modestes auront bien du mal à prendre en charge ces compétences.

Merci pour ce débat constructif. Renforçons les compétences des communes, plébiscitées par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Franck Menonville .  - Je m'associe aux propos de Cécile Cukierman relatifs à nos concitoyens victimes d'inondations.

Cette proposition de loi concrétise un engagement du Sénat, constant depuis dix ans.

Je salue le travail remarquable du rapporteur Alain Marc, mais aussi celui de Jean-Michel Arnaud, Mathieu Darnaud, Jean-Yves Roux, Cécile Cukierman et Marie-Pierre Monier, liste non exhaustive, bien entendu. Le travail a été transpartisan.

Les élus doivent pouvoir travailler selon une logique adaptée aux spécificités de leurs territoires, sans se voir imposer des rigidités venues d'en haut, afin de garantir à tous une eau de qualité, en quantité suffisante.

Cette proposition de loi consacre une vraie reconnaissance des libertés locales. Je salue votre action, madame la ministre, ainsi que le courage politique du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, RDSE et CRCE-K)

M. Akli Mellouli .  - J'ai également une pensée pour les sinistrés des inondations.

N'opposons pas les uns aux autres, mais donnons la possibilité de faire du sur-mesure, y compris dans les outre-mer. L'égalité n'est pas l'uniformité. Nous n'avons pas tous les mêmes réalités.

Ne déconstruisons pas ce qui existe, mais enrichissons-le, en laissant la voie à l'innovation.

Il faudra évaluer les incidences de cette proposition de loi sur les territoires. Ce n'est pas un chèque en blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur quelques travées des groupes RDSE et UC)

Mme Frédérique Espagnac .  - Les Pyrénées-Atlantiques sont sous l'eau. Je veux adresser un message de solidarité à tous les habitants, ainsi qu'aux services publics et aux élus qui leur viennent en aide.

Nous étions quelques socialistes à nous opposer à la loi NOTRe, à l'époque.

Certains combats annoncés comme perdus d'avance méritent d'être menés. Nous avions raison : dix ans plus tard, le résultat montre que nous avons réussi, grâce également à la mobilisation de beaucoup de conseils municipaux.

La proximité, dans les territoires ruraux et de montagne, est essentielle.

Nous montrons dans ce domaine de la constance dans nos convictions comme dans nos combats.

Madame la ministre, merci pour vos propos.

N'opposons pas les uns aux autres. La pluralité de nos territoires impose l'adaptation des décisions au plus près, en fonction des besoins.

Quelle incongruité de voir Paris détricoter les compétences essentielles pour gérer nos territoires !

Les communes et les syndicats de bassins versants sont des acteurs de proximité capables de réagir rapidement.

Le combat pour le pouvoir d'achat se mène lui aussi au plus près du terrain.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat .  - J'exprime ma solidarité personnelle et celle de tout le Gouvernement à l'égard des six départements touchés par des épisodes pluvieux exceptionnels. Certains disent que, de mémoire d'homme, on n'a jamais connu pareille violence... Le Gouvernement a mis en place une cellule de crise.

J'ai une pensée toute particulière pour les citoyens durement frappés, les parlementaires, les élus locaux, les services préfectoraux, les secours. Je leur adresse mes remerciements. Puissions-nous faire face ensemble, et faire de la solidarité nationale une réalité.

Je pense à l'Ardèche, à la Loire, à la Haute-Loire, au Rhône, à la Lozère et aux Alpes-Maritimes : qu'ils soient assurés de notre solidarité. (Applaudissements)

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°9 rectifié bis de Mme Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Le 16 mars 2023, le Sénat a adopté la proposition de loi de Jean-Yves Roux pour une gestion différenciée des compétences eau et assainissement.

Initialement, cet amendement visait à réintroduire ce texte. Toutefois, nous nous sommes ralliés à votre panache blanc, monsieur le rapporteur. Nous souscrivons au dispositif que vous avez proposé afin que celui-ci aboutisse.

Nous préférerons toujours l'accompagnement à la contrainte. Laissons le choix aux élus, en nous appuyant sur le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Je salue les élus locaux qui affrontent les inondations. (Applaudissements)

M. le président.  - Amendement identique n°13 rectifié ter de M. Buis et alii.

M. Bernard Buis.  - Il s'agit de rendre le transfert facultatif. Toutefois, les transferts déjà réalisés ne seraient pas remis en cause. Maire pendant 23 ans de Lesches-en-Diois, je me suis opposé au transfert dès 2015.

M. le président.  - Amendement identique n°14 rectifié ter de M. Marc au nom de la commission des lois.

M. Alain Marc, rapporteur.  - Il m'est pénible de discourir sur mon amendement alors que des événements climatiques graves ont cours.

Cet amendement offre un point d'équilibre, en accord avec le Gouvernement. Les communes n'ayant pas encore transféré ces compétences garderont la liberté de le faire ou non. Le principe de liberté est ainsi consacré.

Le diable est dans les détails : les communes se sont parfois lancées, contraintes et forcées, dans des études. Il ne faut pas que celles-ci soient considérées comme ayant transféré la compétence.

Celles ayant déjà opéré le transfert ne pourront revenir en arrière.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Cet amendement s'inscrit dans l'esprit du Gouvernement de non-retour sur les transferts et de respect de la liberté d'administration des élus. Je salue la précision de son écriture. Avis favorable.

À la demande du groupe SER, les amendements identiques nos3 rectifié, 9 rectifié bis, 13 rectifié ter et 14 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°17 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l'adoption 277
Contre   45

Les amendements identiques nos3 rectifié, 9 rectifié bis, 13 rectifié ter et 14 sont adoptés.

(Applaudissements)

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°8 de M. Arnaud.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Cet amendement donnait aux communes membres d'une communauté d'agglomération exclusivement composée de communes de montagne la faculté d'obtenir la restitution de tout ou partie des compétences eau et assainissement. Il y en a onze en France, dont cinq en France métropolitaine -  la communauté d'agglomération Gap Tallard Durance m'est particulièrement chère.

Nous avons subi ce transfert, qui a engendré de nombreux contentieux.

Nous venons de trouver un point d'équilibre au Sénat. Laissons un peu de travail à l'Assemblée nationale.

Le détail que je viens d'évoquer - qui n'est peut-être qu'un détail pour vous, mais qui pour moi veut dire beaucoup (sourires amusés) - devrait, je le souhaite, faire l'objet d'une discussion spécifique.

L'amendement n°8 est retiré.

(Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et INDEP)

M. Alain Marc, rapporteur.  - Je salue l'esprit de responsabilité de Jean-Michel Arnaud, qui a su, malgré les pressions potentielles de son département, faire preuve d'un esprit de compromis. (M. Loïc Hervé applaudit.)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Les sénateurs sont exigeants, persévérants, mais aussi sages. Je salue les propos de Jean-Michel Arnaud. Cette affaire de l'eau a été très longue. Je connais la situation de la communauté d'agglomération de Gap Tallard Durance.

Tous les services déconcentrés de l'État sont à la disposition des élus pour opérer les ajustements nécessaires.

M. le président.  - Amendement n°1 de M. Rochette.

M. Pierre Jean Rochette.  - Cet amendement et le suivant prévoyaient une discussion directe entre les communes et l'État pour négocier la gestion de l'eau sur le périmètre communal. L'article 1er y répond. Il faut savoir s'effacer au bénéfice du collectif. Je les retire donc, au profit de l'amendement du rapporteur. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC)

M. Akli Mellouli.  - Bravo !

L'amendement n°1 est retiré, ainsi que l'amendement n°2.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°4 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°15 de M. Marc au nom de la commission des lois.

M. Alain Marc, rapporteur.  - Cet amendement supprime l'article 2, en cohérence avec la réécriture globale de l'article 1.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Je salue la démarche de Pierre Jean Rochette. Ses amendements étaient animés par un souci de sécurisation. Savoir s'incliner devant le collectif est une caractéristique de cette maison, que je salue ! Avis favorable aux amendements nos4 et 15. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, et du RDSE)

M. Pierre Jean Rochette.  - Bravo, madame la ministre !

Les amendements identiques nos4 et 15 sont adoptés.

L'article 2 est supprimé.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°5 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°16 de M. Marc au nom de la commission des lois.

M. Alain Marc, rapporteur.  - Cet amendement supprime l'article 3, en cohérence avec la nouvelle écriture de l'article 1er.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Avis favorable.

Mme Cécile Cukierman.  - Merci !

Les amendements identiques nos5 et 16 sont adoptés.

L'article 3 est supprimé.

Après l'article 3

M. le président.  - Amendement n°17 de M. Marc au nom de la commission des lois.

M. Alain Marc, rapporteur.  - L'enjeu est de faire vivre un dialogue territorial au sein de la CDCI, pour traiter les problèmes relatifs à la qualité ou la salubrité de l'eau. Ce dialogue, non contraignant, pourra être prescriptif.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Avis favorable. Ce fameux dialogue territorial fera progresser les choses et optimisera l'organisation des compétences ainsi que la qualité du service public.

L'amendement n°17 est adopté et devient un article additionnel.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié ter de M. Menonville et alii.

M. Franck Menonville.  - Cet amendement aligne la rédaction de l'article 4 sur celle de l'article 18 du projet de loi d'orientation agricole, qui prévoit que les départements reçoivent un mandat de maîtrise d'ouvrage.

M. le président.  - Amendement identique n°18 de M. Alain Marc au nom de la commission des lois.

M. Alain Marc, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°11 rectifié ter, identique à celui de la commission !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Je salue la vigilance de Franck Menonville et du rapporteur sur la cohérence entre textes législatifs. Avis favorable. Le département me paraît être l'échelle pertinente. Cette maîtrise d'ouvrage est aussi un exemple d'accompagnement des communes par les départements : c'est une excellente idée !

Les amendements identiques nos11 rectifié ter et 18 sont adoptés.

L'article 4, modifié, est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la proposition de loi .  - Je salue Mathieu Darnaud, Cécile Cukierman et nos collègues de tous les groupes qui ont participé à la réussite collective de cette première lecture. Merci aussi à notre rapporteur.

Nous avons consacré de nombreux échanges au petit cycle de l'eau, mais l'actualité du jour a rappelé la nécessité de travailler sur le grand cycle de l'eau. Le dossier catastrophes naturelles, avec le fameux zéro reste à charge annoncé urbi et orbi par l'ancienne ministre Mme Faure, demeure une priorité. Au-delà de l'émotion, il faut apporter aux maires un soutien dans la durée. Dans mon département, ils sont 53, sur 162, à attendre un accompagnement opérationnel immédiat pour reconstruire, alors que leurs finances sont exsangues.

On a parlé de la solidarité territoriale par la mutualisation, mais il faudra aussi aborder le sujet du financement de la Gemapi. Pour faire face aux phénomènes pluvieux orageux, il faut du savoir-faire, des renforts de terrain - je pense aux services RTM (restauration des terrains de montagne). Je vous renvoie à la mission d'information de Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin.

Il faut une nouvelle assiette de calcul de la Gemapi, un accompagnement particulier des territoires, de plus en plus exposés aux effets du réchauffement climatique. Outre leur coût, ces épisodes pèsent sur l'engagement moral des élus, qui hésitent à se représenter. Je pense à la maire de Vallouise-Pelvoux, confrontée à trois séries de catastrophes naturelles en neuf mois, qui ne sait plus quoi faire.

Je fais confiance au Gouvernement pour trouver des voies de passage.

Mme Maryse Carrère .  - Je remercie le rapporteur Alain Marc pour son travail de haute couture.

Je salue également Mme la ministre. Les ministres se suivent et ne se ressemblent pas. Nous connaissions votre engagement sur ce dossier : vous ne variez pas, dans vos idées ni dans vos actions. (Applaudissements)

Ce texte n'est pas une petite loi, Cécile Cukierman l'a dit. Il répond à une demande insistante de nos maires et supprime un irritant. Il y en a d'autres : le ZAN, la Gemapi.

Il retisse une confiance entre les élus locaux et l'État. Il répond au principe de libre administration des communes. Il consacre aussi les nombreux syndicats qui fonctionnent très bien, sécurisent la ressource et investissent. Ainsi, le syndicat des Eaux de la Barousse offre un service parfait à ses plus de cent communes adhérentes depuis plus de quarante ans. Il était impensable de remettre la gouvernance de ces syndicats en question !

Je salue enfin le partage des pratiques au sein de la CDCI. Nous avons des efforts à faire. Continuons le travail ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP)

M. Loïc Hervé .  - Le Sénat va prendre une décision rationnelle et raisonnable. Nous arrivons au dixième anniversaire de la loi NOTRe. À l'époque, nous fûmes moins d'une cinquantaine à nous y opposer. Or elle a entraîné dans les territoires des difficultés majeures - je pense notamment à la compétence tourisme. Il a fallu l'opiniâtreté de nos collègues - souvent élus de la montagne - pour rappeler les réalités liées aux reliefs et aux bassins hydrographiques.

Certains hésitent encore à voter pour la proposition de loi. Je les conjure de changer d'avis. Envoyons un message de liberté aux territoires ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDSE) Les élus l'attendent, Michel Barnier l'a compris.

Si les élus veulent opter pour le transfert intercommunal, ils pourront le faire, mais ils pourront aussi choisir de garder la gestion syndicale ou communale. C'est cela la liberté, le respect des élus, le respect des agents et techniciens qui gèrent ces grandes et belles compétences. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDSE)

M. Louis Vogel .  - L'eau est un sujet essentiel, les événements récents le montrent. Nous devons trouver la manière la plus efficace de gérer ce problème.

La liberté communale, c'est la liberté des élus de transférer ou non. La disparition des compétences eau et assainissement du niveau communal a distendu le lien entre les maires et leurs administrés, ce n'est pas une bonne chose. Les communes chefs-lieux ont en outre été favorisées au détriment des communes rurales. On l'a dit, les frontières des intercommunalités ne correspondent pas aux bassins hydrographiques. Cette décision était donc une bêtise : le Sénat l'a dit dès le premier jour et a mené le combat pendant des années.

Saluons le travail de nos collègues : Mathieu Darnaud, Jean-Michel Arnaud, qui s'est battu comme un lion, Alain Marc qui a retravaillé ce texte, et Françoise Gatel, que je remercie pour sa bienveillante attention. Il est bon que les ministres en charge des collectivités locales émanent du Sénat... Vous pourrez compter sur nos votes et notre soutien à toute proposition qui ira dans le sens des libertés communales ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Stéphane Sautarel .  - Le Sénat est dans son rôle, et je remercie tous les collègues qui se sont investis pour ce résultat. Ce 17 octobre marque une étape importante.

Madame la ministre, merci d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. J'espère que celle-ci suivra la sagesse du Sénat, dans un délai raisonnable, en espérant aboutir avant la fin de l'année.

Liberté, oui, stabilité, bien sûr, grâce aux adaptations apportées lors de l'examen du texte, et responsabilité : nous ne demandons que cela.

J'espère que ce texte sera le point de départ d'une nouvelle relation entre les collectivités territoriales et l'État. C'est une victoire collective, celle des élus locaux, des présidents de syndicat, des agents de terrain, enfin reconnus. Il résulte d'un travail partenarial, ouvert et transpartisan.

Rouvrir des possibles pour nos territoires est essentiel. D'autres rendez-vous suivront - loi de finances, urbanisme... Merci à Mme la ministre et au Premier ministre, Michel Barnier, d'avoir rouvert ce débat.

« C'est avec des fissures que commencent à s'effondrer les cavernes ». Ouvrons des possibles pour nos territoires, en liberté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Salmon .  - Nous voterons cette proposition de loi. (M. Loïc Hervé s'en réjouit.) Reste qu'il est souvent pertinent de transférer ces compétences aux intercommunalités, qui font vivre la solidarité. C'est l'échelon adapté pour l'ingénierie, pour passer en régie, monter des sociétés publiques locales. À Rennes Métropole, la gestion publique a fait baisser les prix et amélioré l'entretien du patrimoine.

L'eau se moque des frontières, communales ou intercommunales.

J'ai une pensée pour tous ceux qui sont touchés par les inondations. Aujourd'hui, en une heure, 33 mm d'eau sont tombés sur le jardin du Luxembourg ! Pourtant, tout cela était écrit. Il faut enfin prendre la mesure du réchauffement climatique, lutter pied à pied et s'adapter.

Nous voterons cette proposition de loi -  mais gare à ne pas sacrifier la solidarité à la liberté. Le texte est bordé. Les communes de montagne ont des particularités dont il faut tenir compte, mais ne sabordons pas ce qui fonctionne.

Mme Cécile Cukierman .  - Je suis heureuse de ce vote. Mais que de temps perdu ! Dix ans ! Si nous avions pris le temps d'écouter les territoires, dans le respect des uns et des autres, nous aurions pu aboutir plus tôt.

Le texte que nous votons ce soir n'est pas un texte contre l'intercommunalité. Ce n'est pas l'expression d'un Sénat gauchisant, criant à la liberté et à la révolution permanente : c'est un texte de raison, qui revient sur une volonté jusqu'au-boutiste, en partant des réalités. Il doit désormais poursuivre son parcours, et aboutir rapidement. La liberté ne s'impose jamais, elle se construit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)

M. Cédric Vial .  - C'est un grand jour. Nous avions déjà voté la proposition de loi de Mathieu Darnaud. Ce qui change désormais, ce sont les perspectives ouvertes par notre Premier ministre Michel Barnier. Ce n'est pas un hasard si c'est un Savoyard, un montagnard qui a pris ces engagements : il connaît les enjeux de l'eau, de l'assainissement, des risques. Mme la ministre aussi, même si son département d'origine est moins montagneux. (Sourires)

Il s'agit de liberté, de libre administration des collectivités, mais aussi de simplification des démarches.

Quel sens donne-t-on à l'intercommunalité ? Elle ne doit pas être une supracommunalité, mais un territoire avec des compétences partagées.

J'ai une pensée pour les communes de Haute-Maurienne.

Merci à tous ceux qui ont pris part au texte : le président Darnaud, le rapporteur Alain Marc, notre ministre Françoise Gatel, mais aussi Mme Cukierman. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)

M. Christophe Chaillou .  - À mon tour de dire toute ma solidarité avec les territoires touchés par les phénomènes météorologiques - qui ne tarderont sans doute pas à gagner le Loiret...

Mon engagement politique est motivé par mon attachement à la décentralisation et à la liberté des territoires, principe que j'estime fondamental. Rappelons que les lois de décentralisation ont suscité beaucoup de critiques, notamment lors de la création des intercommunalités - aujourd'hui largement acceptées sur tous les bancs. Il y avait du positif dans la loi NOTRe, qui a fait l'objet d'ajustements.

Je voterai cette proposition de loi, car j'ai dit il y a un an aux grands électeurs du Loiret que j'agirais avec pragmatisme, en m'appuyant sur mon expérience de maire. J'estime qu'il faut faire confiance aux élus.

Madame la ministre, il ne suffit pas d'accorder une liberté souhaitée par certaines communes - quand on les étouffe toutes financièrement. Le projet de loi de finances à venir inquiète les élus locaux, qui sont en pleine préparation de leur budget...

M. Mathieu Darnaud .  - Je me réjouis de ce vote quasi unanime qui vient consacrer un travail de longue haleine, porté par des élus de tous les territoires. C'est une oeuvre collective. Je salue le travail de notre rapporteur, qui a su faire preuve d'une grande agilité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, CRCE-K et du RDSE)

Ce texte devra s'accompagner de financements, notamment pour les agences de l'eau qui se sont détournées des communes isolées.

Je me réjouis de l'examen rapide à l'Assemblée nationale, car les élus ont besoin de visibilité. Madame la ministre, chère Françoise, je salue votre disponibilité, votre écoute. Les Ardéchois sont prévoyants : une proposition de loi a été déposée par Fabrice Brun à l'Assemblée nationale - il existe aussi celle de Jean-Yves Roux. Tout est prêt pour rendre aux élus la loi qu'ils attendent sur l'eau et l'assainissement. (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Nédélec .  - J'ai moi aussi une pensée pour les communes qui subissent actuellement de fortes intempéries. Je suis très attachée à la libre administration des communes, au respect du travail des maires qui, surtout dans les petites communes, se sentent dépossédés.

Je suis une élue non pas de la montagne mais de la ruralité profonde. Je suis un peu triste pour les agglomérations rurales, pour lesquelles ce transfert de compétences imposé est une calamité. J'ai longtemps espéré un retour en arrière. Néanmoins, nous avons fait un grand pas ce soir.

Laissons les maires choisir la solution la plus pertinente pour eux ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Olivier Bitz .  - Je salue le travail de Jean-Michel Arnaud et du rapporteur. Madame la ministre, nos territoires savent qu'ils peuvent compter sur votre engagement, votre connaissance fine des réalités de nos communes, notamment rurales.

Le travail de rationalisation de la gestion des compétences eau et assainissement se poursuivra sur le territoire, sur la base du volontariat. Dans l'Orne, un important travail a été mené par notre ancien collègue Jean-Claude Lenoir.

Le moment est opportun car de nombreux maires hésitent à se représenter en 2026. Nous leur adressons un beau message de confiance. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois .  - Je salue l'esprit collaboratif qui a présidé à nos travaux, auxquels tous ont participé. Certains ont été facilitateurs, ils se reconnaîtront. La collaboration avec le Gouvernement a été fructueuse, grâce à la ministre Françoise Gatel. Nul doute que ce texte prospérera.

On le sait, d'autres dispositions posent problème aux territoires, notamment ruraux, et appellent des corrections. Je pense notamment au ZAN. Nous comptons sur cet esprit de coopération entre le Sénat et le Gouvernement pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat .  - Cela faisait dix ans que nous parlions de ce sujet. Nous vivons un moment fort. Dès sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Michel Barnier a exprimé sa détermination à prendre en compte la réalité et la diversité des territoires, à écouter les élus et à construire des solutions qui fonctionnent.

Le Premier ministre vient de la montagne...

M. Loïc Hervé.  - De la Savoie !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - ... mais il y a aussi des montagnes en Bretagne : les monts d'Arrée, qui culminent à 385 mètres d'altitude ! (Rires et applaudissements)

Comme à son habitude, le Sénat ouvre de nouvelles portes, celle du ZAN - le Premier ministre en a parlé également.

Dans cet hémicycle, nous sommes encouragés par Portalis, selon qui « les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois ». Ne l'oublions pas, quand nous légiférons !

Le travail de correction qui aboutit aujourd'hui témoigne de la persévérance, de l'obstination du Sénat. J'ai travaillé en binôme avec Mathieu Darnaud sur les lois Engagement et proximité et 3DS : à peine avait-il salué la ministre qu'il lui parlait eau et assainissement !

M. Mathieu Darnaud.  - C'est la persévérance !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée.  - Je salue l'esprit transpartisan et constructif du Sénat. Nos élus locaux doivent avoir le sentiment d'adhérer à une communauté.

Michel Barnier a annoncé une conférence nationale sur l'eau. C'est un homme de parole, on peut lui faire confiance. Ce soir, le dispositif de gestion des risques a déjà été enclenché.

J'étais dans les Hautes-Alpes la semaine dernière pour le congrès des élus de la montagne. J'ai rencontré et écouté les maires de petites communes isolées par l'effondrement de routes. Je salue l'engagement du préfet auprès des communes. Nous travaillons activement aux réponses à leur apporter. Je vous en informerai, cher Jean-Michel Arnaud.

Nous n'avons pas détricoté l'esprit de solidarité de l'intercommunalité. L'intercommunalité, c'est un espace de coopération où l'on fait ensemble ce qu'on ne peut faire seul. (M. Loïc Hervé le confirme.) Dans la mienne, j'ai travaillé sur l'assainissement avec une commune qui n'appartenait pas à la communauté de communes mais à la métropole. Question de bon sens, et d'efficacité !

Enfin, je salue une oeuvre collective. Jean-Yves Roux, qui était au congrès des maires de son département ce matin, a pris l'avion pour être présent au Sénat à 17 heures. Je salue le travail du rapporteur Alain Marc, qui a fait du cousu main.

Parlera-t-on du 17 octobre des libertés, comme on parle du 4 août des privilèges ? (Sourires) Je l'ignore. Mais en partant des réalités, les choses fonctionneront mieux, chacun sera à sa place.

Comme aurait pu le dire Michel Blanc, nous avons conclu ce soir. (Sourires)

Quarante départements sont touchés par les intempéries, dont six en vigilance rouge. Nous sommes aux côtés des maires et leur exprimons notre reconnaissance. Ils sont à la fois libres et responsables.

À la demande des groupes Les Républicains et SER, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°18 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 282
Contre   44

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements)