Réforme du financement de l'audiovisuel public (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, présentée par M. Cédric Vial, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Roger Karoutchi et Laurent Lafon et plusieurs de leurs collègues.

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi organique .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon et Mme Laure Darcos applaudissent également.) Pourquoi ce texte ? Parce qu'il fallait bien trouver une solution pour l'audiovisuel public. Depuis la suppression au 1er janvier 2022 de la contribution à l'audiovisuel public - la redevance -, les médias publics vivent sous la menace de la budgétisation.

La loi de finances rectificative du 16 août 2022 a maintenu le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », alimenté désormais par une fraction de TVA. Mais ce mode de financement ne pouvait être que provisoire. Sa pérennisation nécessite une réforme de la Lolf avant la fin de cette année.

Le Gouvernement a eu trois ans pour agir, mais rien n'a été fait. Voilà comment il nous revient d'entériner, au dernier moment, une solution issue du Sénat.

Ce texte est une oeuvre collective : je salue mes collègues Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Laurent Lafon. Je rends hommage aussi à nos anciens collègues députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gautier, qui avaient pris une initiative stoppée par la dissolution.

Au coeur de l'été, j'ai repris le flambeau pour garantir l'indépendance de l'audiovisuel public au travers d'un financement affecté. Je remercie notre rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, fin connaisseur du paysage audiovisuel, ainsi que le président et le rapporteur général de la commission des finances, sans oublier le président Gérard Larcher, qui s'est engagé pour une inscription rapide du texte à notre ordre du jour. L'Assemblée nationale l'examinera à son tour le 19 novembre.

Je remercie enfin le Premier ministre, qui a très vite compris l'urgence de la situation, et vous-même, madame la ministre, car ce dossier a enfin été étudié sérieusement à compter de votre nomination. Jusque-là, toutes nos initiatives, notamment celles de M. Hugonet et de Mme Darcos, s'étaient heurtées à une absence de réponse du ministre ou à une réponse curieusement donnée « à titre personnel ».

Ce texte, déjà assez simple, a été utilement simplifié en commission. J'apporte mon soutien total à l'ensemble des modifications qui lui ont été apportées.

En particulier, la commission a supprimé l'article 2, qui prévoyait un traitement différencié pour Arte France, en raison de son fonctionnement particulier régi par un traité franco-allemand. Nous avons acquis la conviction qu'une telle différence de traitement ne se justifie pas et que l'indépendance d'Arte ne sera pas mise à mal. Votée désormais en valeur absolue, la part de TVA sera même une garantie supplémentaire par rapport au prélèvement sur recettes initialement envisagé. (M. Victorin Lurel est dubitatif.) Le Gouvernement pourrait en effet modifier les montants versés en cours d'année. Des pressions seraient alors possibles, de nature à remettre en cause ce principe que nos amis allemands appellent l'éloignement du pouvoir. C'est l'absence d'intervention du Gouvernement qui distingue, notamment à l'étranger, un média français d'un média de la France - dans certains pays, c'est tout simplement l'autorisation d'émettre qui en dépend.

Il est essentiel d'adopter ce texte. Je sais que, notamment à gauche, certains préféraient une autre solution fiscale, mais je les remercie pour leur esprit de responsabilité. Puissent-ils inspirer les députés, pour que cette loi organique s'applique dès le début de l'année prochaine.

D'autres débats suivront, à commencer par celui du montant du financement - dans le cadre du PLF. Je pense aussi au contenu des missions de service public, qui sont la contrepartie de ce financement. Sans oublier l'organisation et la gouvernance de l'audiovisuel public, avec la proposition de loi de M. Lafon dont nous souhaitons la reprise de l'examen.

Pour l'heure, garantissons la liberté et l'indépendance des médias publics, ainsi que la qualité de l'information qu'ils fournissent. Nous consoliderons ainsi un fondement de notre démocratie.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission des finances .  - Dès 2017, nous savions qu'il faudrait trouver un nouveau mode de financement pour l'audiovisuel public, du fait de la suppression programmée de la taxe d'habitation, à laquelle la redevance était adossée. Mais les gouvernements successifs n'ont rien anticipé. En 2022, le Président de la République a annoncé opportunément la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. Nous avons ainsi dû trouver, en hâte, une solution de substitution : l'affectation d'une part de TVA.

Il ne s'agit en aucun cas d'une solution miracle : le financement de l'audiovisuel public repose sur tous les consommateurs et la TVA est dispersée un peu plus encore, alors que l'État ne perçoit plus qu'une minorité de son produit.

Cette solution ne pouvait, en outre, qu'être temporaire. En effet, il résulte de la réforme de la Lolf intervenue en 2021 qu'une ressource affectée doit avoir un lien avec la mission de service public exercée, à partir du dépôt du PLF pour 2025.

L'affectation d'une part de TVA, impôt de grande consommation, ne satisfait pas à cette condition. Le financement actuel ne peut donc être reconduit sans modification de la loi organique.

Ce texte permet de sortir de l'impasse. En l'absence de solution, nous serions obligés de recourir à des crédits budgétaires, comme le prévoit provisoirement le PLF. Ce mode de financement est perçu par les médias publics comme moins protecteur et soulèverait des difficultés d'ordre symbolique à l'étranger. Il n'est donc pas souhaitable.

L'article 1er modifie la Lolf afin d'inclure les sociétés d'audiovisuel public parmi les organismes pouvant bénéficier de l'affectation d'impôts d'État. Le système en vigueur depuis deux ans, sans difficultés particulières (M. Victorin Lurel nuance le propos), pourra ainsi être maintenu.

La commission des finances a décidé d'affecter à l'audiovisuel public un montant d'impôt et non un pourcentage, ce qui évitera des variations à la hausse ou à la baisse. Le terme de pérennisation ne s'applique évidemment pas au montant des ressources : le Parlement en votera annuellement le montant, dans le respect des garanties constitutionnelles d'indépendance des médias et de préservation du pluralisme.

La commission a supprimé l'article 2, qui prévoyait un prélèvement sur recettes (PSR) au bénéfice d'Arte. Ce mécanisme dérogatoire aux principes budgétaires est actuellement réservé à l'Union européenne et aux collectivités territoriales. Il n'est pas opportun de l'étendre à l'audiovisuel public, d'autant qu'il n'apporterait aucune garantie supplémentaire par rapport à une part d'impôt affectée, le montant d'un PSR étant évaluatif.

L'audiovisuel public doit se réorganiser très rapidement : je sais, madame la ministre, que vous partagez ce point de vue. Je regrette l'interruption des travaux sur la proposition de loi de M. Lafon, du fait de la dissolution.

Nous devons prendre nos responsabilités pour assurer à court terme le financement de l'audiovisuel public. Si la proposition de loi organique arrive à son terme rapidement, le Sénat pourra en tirer les conséquences lors de l'examen du PLF.

Le Gouvernement est conscient de l'urgence, et je remercie la ministre, avec qui nous travaillons en bonne intelligence sur ce texte très attendu par le secteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Rachida Dati, ministre de la culture .  - Je remercie Cédric Vial, Jean-Raymond Hugonet, Roger Karoutchi, dont je connais l'engagement en faveur de la pérennité de l'audiovisuel public, Catherine Morin-Desailly et Laurent Lafon.

J'ai d'emblée indiqué être tout à fait disposée à soutenir l'adoption rapide de cette proposition de loi, les travaux entrepris avant la dissolution étant restés inachevés. Dès ma prise de fonction, je me suis déclarée favorable à une réforme de la gouvernance du secteur comme à une sanctuarisation de son financement. Je suis de longue date convaincue qu'il faut renforcer l'audiovisuel public, qui ne peut pas être une variable d'ajustement budgétaire.

Le financement par une fraction de TVA ne peut durer au-delà de la fin de l'année sans intervention du législateur organique - c'est le sens de ce texte. La réforme de la gouvernance suivra ; pour la mener, je m'appuierai sur la proposition de loi de M. Lafon.

Cédric Vial l'a rappelé, il s'agit de sanctuariser le financement de l'audiovisuel public. Certains veulent le supprimer ou le privatiser. Je suis favorable à son renforcement.

Le règlement européen sur la liberté des médias prévoit que les médias publics doivent disposer de ressources suffisantes, durables et prévisibles. Pour préserver leur indépendance, leur financement ne doit pas dépendre directement de l'État.

Je remercie les auteurs du texte, à commencer par le sénateur Vial pour son travail de conviction autour d'un texte en mesure de rassembler.

L'audiovisuel public mérite cette consécration organique. Nous avons convergé sur le choix du mode de financement : non pas un nouveau PSR, mais une pérennisation du système actuel, le montant affecté étant exprimé en valeur. Les médias publics connaîtront précisément en début d'année le montant dont ils disposeront. Ils seront protégés des aléas de la conjoncture comme de la régulation budgétaire. Ce système sera aussi protecteur que la redevance, voire davantage, car le montant inscrit en loi de finances sera garanti.

Avec ce financement consolidé, l'audiovisuel sera réarmé pour relever les défis qui se présentent à lui : concurrence de nouveaux acteurs, émergence de grands groupes plurimédias, course à l'innovation.

Mais il doit aussi se réformer, rapprocher ses réseaux de proximité pour couvrir le territoire de façon plus complète, enrichir son offre d'information, réserver plus d'espace à l'investigation et à l'expertise et accélérer sa transition numérique. Pour cela, il doit regrouper ses forces. C'est le sens de la proposition de loi Lafon, et l'avenir se joue aussi là.

Notre combat, c'est le renforcement de l'audiovisuel public et la garantie de son indépendance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC)

Mme Laure Darcos .  - Le paysage audiovisuel français est riche de sa diversité. Son objectif premier n'étant pas d'être profitable, il peut explorer des champs plus étendus de la connaissance et concourir à la liberté d'expression et au pluralisme des idées.

Pour mener à bien sa mission, il doit bénéficier de moyens adaptés. Dès le départ, je me suis opposée à la suppression de la redevance, présentée habilement comme une mesure favorable au pouvoir d'achat : chaque Français doit contribuer à l'audiovisuel public, qu'il le regarde ou non.

Mme Sylvie Robert.  - Exactement !

Mme Laure Darcos.  - Je remercie les auteurs des autres initiatives législatives, qui, par sagesse, se sont ralliés au texte de MM. Vial, Karoutchi et Lafon et de Mme Morin-Desailly. Il nous permet de régulariser in extremis une situation qui contrevient à la Lolf, laquelle prévoit un lien entre l'impôt affecté les missions de service public exercées. Un PSR aurait fait dépendre l'audiovisuel public plus étroitement de l'État.

L'audiovisuel public aura ainsi les moyens de relever ses défis, qui sont immenses : surmonter la défiance croissante vis-à-vis des médias, donner au plus grand nombre accès à des contenus de grande qualité, améliorer leur diffusion sur les plateformes numériques.

Pour sécuriser ce financement à long terme, il faut poursuivre l'effort de pédagogie après des jeunes, qui s'informent majoritairement sur les réseaux sociaux et pour qui la gratuité devient la norme. L'enjeu n'est pas anodin.

La commission a décidé de soumettre Arte au même traitement que les autres acteurs. J'espère que ce choix ne portera pas préjudice à cette chaîne emblématique pour le service public, l'amitié franco-allemande et le projet européen. Les arguments des orateurs précédents m'ont rassurée à cet égard.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (M. Roger Karoutchi applaudit.)

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La question du financement de l'audiovisuel est ancienne : dès 1933, une taxe est créée sur les postes de radiodiffusion, qui perdurera jusqu'en 1980. Elle est étendue aux téléviseurs en 1949. Créé en 1964, l'ORTF gérait directement la redevance, sur le modèle de la BBC, avant que Valéry Giscard d'Estaing n'opte pour un pilotage par l'État.

La publicité a été autorisée sur l'audiovisuel public, non sans de grands débats, puis supprimée entre 20 heures et 6 heures, en 2009. La suppression de la redevance, en 2022, a relancé le débat sur le financement. Il s'agit de savoir quel montant est nécessaire pour garantir l'indépendance de l'audiovisuel public et d'exiger, en retour, des programmes de qualité et une objectivité journalistique qui, avouons-le, n'est pas toujours la première qualité des chaînes publiques.

Quel que soit son mode de financement, le secteur ne peut échapper à l'effort collectif, surtout dans le contexte actuel d'urgence budgétaire, pour citer Jean-François Husson. Dans la loi de finances pour 2024, nous avons proposé un maintien des ressources au niveau de 2023, afin de réaliser des économies.

Le mode de financement actuel, par une fraction de TVA, ne peut perdurer en 2025 sans modification de la Lolf, révisée en 2021, qui prévoit que les impôts d'État ne peuvent être affectés à des établissements publics qu'à la condition d'un lien direct entre l'imposition concernée et les missions exercées. Or la TVA est sans lien avec l'audiovisuel. L'article 1er étend donc le champ des bénéficiaires de taxes affectées aux sociétés d'audiovisuel public. Cette mesure satisfait au droit européen et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon lesquels l'indépendance des médias publics exclut tout financement direct par le budget de l'État.

L'article 2, relatif à Arte, a été supprimé : les prélèvements sur recettes sont réservés au financement des collectivités territoriales et du budget de l'Union européenne. France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, Arte France et l'INA seront désormais financés par une fraction de TVA, déterminée - en valeur, grâce à notre vigilant rapporteur - lors du débat budgétaire annuel. Je félicite M. Vial et remercie Mme la ministre. Le groupe Les Républicains votera ce texte.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Bernard Buis .  - Réformer le financement de l'audiovisuel public est nécessaire et urgent.

La loi de finances pour 2022 a supprimé la contribution à l'audiovisuel public - 138 euros - pour améliorer le pouvoir d'achat de 27 millions de Français et tenir la promesse du Président de la République.

Un financement de substitution provisoire a été instauré pour les sociétés de l'audiovisuel public en 2023 et 2024. Il nous faut désormais choisir entre budgétisation et pérennisation du système à travers une modification de la Lolf. Le RDPI ne croit pas à une troisième voie.

Cette proposition de loi organique privilégie la seconde option. Pour éviter des pertes ou profits, un montant de TVA sera déterminé chaque année. Cette solution permettra aux médias publics français de peser dans un contexte de forte concurrence et de continuer à soutenir la création et à concourir à la libre circulation des opinions. Le Conseil constitutionnel a déjà jugé que ce mode de financement garantit l'indépendance de l'audiovisuel public. Le temps de l'ORTF est révolu, ne créons pas des médias d'État.

Le RDPI soutient cette réforme opportune. La navette parlementaire doit devenir un TGV pour que ce texte soit adopté avant la fin de l'année... Les spectateurs de C dans l'air ou de Thalassa et les auditeurs des matinales de Radio France ou des Voix du monde l'attendent !

M. Bernard Fialaire .  - Depuis la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, le financement des sociétés de l'audiovisuel public reste en suspens. Le Sénat a alerté dès le départ sur la nécessité de sortir de cette incertitude.

En juin 2022, l'IGF rappelait qu'il faut à l'audiovisuel public une ressource pérenne et prévisible, qui assure son indépendance. La mesure décidée en 2022 ne pouvait être que provisoire. Sans compter que les engagements pluriannuels de l'État définis dans les conventions d'objectifs et de moyens (COM) n'ont que rarement été respectés... Peut-être faudrait-il donner un caractère contraignant à la trajectoire.

L'urgence est d'éviter la budgétisation. Si l'on écarte une taxe affectée, ne restent que deux solutions : l'affectation d'une fraction d'impôt existant et le financement budgétaire. Ces deux voies constituent une forme de financement budgétaire indirect. Le maintien d'une part de TVA affectée serait mieux perçu par le secteur.

Les chercheurs soulignent la corrélation entre mode de financement des médias publics et vitalité démocratique. En particulier, des modes de financement pluriannualisés garantissent une solide indépendance des médias.

Nous regrettons que la commission ait supprimé le financement d'Arte par un prélèvement sur recettes, compte tenu de la spécificité de cette chaîne. Nous soutiendrons donc le rétablissement de l'article 2 initial, ce qui enverrait un signal positif à notre partenaire allemand.

Le financement de l'audiovisuel public doit être réformé. Face à la concurrence internationale et aux usages alternatifs, ses chaînes ont besoin de garanties pour poursuivre sereinement leurs missions.

Ce texte a le mérite de relancer le débat, nous le soutiendrons. Nous espérons que nos collègues députés pourront s'en saisir le plus rapidement possible. (Mme Maryse Carrère applaudit.)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Il est urgent de compenser les défaillances du précédent gouvernement, qui a supprimé, voilà deux ans, la contribution à l'audiovisuel public sans solution alternative pérenne. C'est à croire que Bercy voulait en venir à la budgétisation, pourtant incompatible avec le règlement européen sur la liberté des médias. Nos partenaires européens se sont d'ailleurs émus à la perspective de voir nos médias publics devenir des médias d'État.

Avec Cédric Vial, Roger Karoutchi et Laurent Lafon, je vous propose de sanctuariser le financement de l'audiovisuel public. Je regrette le caractère chaotique de ce processus, d'autant que notre commission appelle de longue date à une réforme systémique et ambitieuse pour réaffirmer les missions de l'audiovisuel public, revoir sa gouvernance et consolider son modèle financier. Il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont ce dossier a été mal traité depuis 2017.

Seule satisfaction : le chantier de la réglementation et de la régulation a abouti. Je salue à cet égard l'excellent travail de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

Je regrette que nous n'ayons pas posé la question du modèle économique de l'audiovisuel public, qui repose en partie sur la publicité, de plus en plus ciblée. Les médias publics n'ont pas à être les auxiliaires des stratégies de ciblage, voire de fichage, des marques. Nous devons construire un modèle alternatif à l'économie des plateformes, fondée sur la captation de l'attention. C'est un enjeu de culture et de civilisation.

L'audiovisuel public doit cultiver la proximité, porter la voix de la France et de la francophonie, rassembler les Français autour de moments fédérateurs, à l'image des jeux Olympiques, participer à l'éducation aux médias et à l'éveil de l'esprit critique et soutenir la création. Il doit le faire avec une vision d'ensemble, car l'heure est aux médias globaux, comme le dit Roch-Olivier Maistre.

Sans aller jusqu'à la fusion, la proposition de loi de Laurent Lafon, qui prévoit une holding inspirée du rapport Leleux-Gattolin, permettrait d'avancer autour de projets fédérateurs, comme le développement d'une l'offre numérique accessible à tous. L'échec de Salto ne doit pas nous faire renoncer à l'idée d'une plateforme qui rassemble tous les programmes du service public.

Il faudra aussi prendre en compte les conclusions des états généraux de l'information.

Pour l'heure, votons ce texte pour assurer le fonctionnement des six entreprises de l'audiovisuel public, dont je salue l'excellent travail. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Jérémy Bacchi .  - Le 31 décembre 2024 marquera la fin du système provisoire mis en place en 2022 pour remplacer la redevance audiovisuelle. Incertitude et inquiétude planent sur les acteurs et usagers du service public de l'audiovisuel.

Face à la défiance citoyenne, aux dynamiques de concentration, à la prolifération des infox, l'audiovisuel public constitue un atout. Face aux instrumentalisations des milliardaires et à l'essor de l'extrême droite, il constitue une digue. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'extrême droite souhaite sa privatisation.

Nos concitoyens soutiennent la pérennisation de l'audiovisuel public, dont le succès n'est plus à prouver. France Inter, en particulier, bat des records historiques : 7,18 millions d'auditeurs quotidiens de janvier à mars 2024.

Il nous faut un audiovisuel public fort et indépendant. Or cette proposition de loi organique ne répond que partiellement à cet enjeu fondamental pour notre démocratie.

Nous étions circonspects vis-à-vis de la solution proposée en 2022, parce que la TVA est un impôt injuste et que ce système constitue une forme de budgétisation.

Toutefois, sanctuariser un pourcentage de TVA pérennise réellement l'indépendance de l'audiovisuel public. Désormais, il est question d'un montant déterminé : nous ne sommes pas favorables à cette reprise en main par le politique des recettes affectées et soutiendrons le rétablissement de l'article 1er dans sa rédaction initiale. Nous souhaitons que la dynamique de la TVA soit par défaut affectée aux organismes de l'audiovisuel public.

Nous proposons aussi une loi de programmation pluriannuelle, de nature à rassurer les acteurs de l'audiovisuel en accroissant la visibilité sur leurs ressources.

Enfin, il nous semble important de ne pas clore dès à présent le débat sur une nouvelle recette visant à financer directement l'audiovisuel public. Afin de ne pas limiter l'initiative parlementaire, nous avons déposé un amendement visant à créer le cadre organique pour que les parlementaires puissent proposer de nouvelles recettes affectées.

Malgré ces remarques, en responsabilité, nous voterons le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cette proposition de loi organique vient opportunément au secours des indécisions du Gouvernement. J'en remercie les auteurs.

Il s'agit de garantir la pérennité des sociétés d'audiovisuel public. Toutefois, cette proposition de loi organique arrive après des mois de bricolage. Promesse non financée du candidat Macron, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public a été décidée, à l'été 2022, au détour d'un projet de loi de finances rectificative. Elle a été suivie de la mise en place d'un système bancal et temporaire, qui arrive à son terme en décembre prochain. Faute de solution, l'audiovisuel public sera financé directement par le budget général de l'État, ce qui le placerait sous la menace des changements politiques. Le statu quo compromettrait la production indépendante et de qualité, alors même que des milliardaires aux objectifs idéologiques assumés et les plateformes numériques modifient le paysage audiovisuel.

Suppression de recette, affaiblissement du service, aggravation de la dette : nous avons là un exemple chimiquement pur de l'amateurisme des précédents gouvernements.

C'est un repli, certes moins pire que la budgétisation. Nous n'y ferons pas obstacle, mais soulignons-en les limites : la TVA est injuste, car elle pèse sur tous les consommateurs, notamment les plus modestes. En outre, la décision annuelle du Parlement fragilise la stabilité de long terme du financement de l'audiovisuel public.

Il n'est pas question de rétablir la contribution à l'audiovisuel public, mais une redevance pérenne et progressive aurait été préférable.

Monique de Marco proposera la création d'un compte d'affectation spéciale (CAS).

L'indépendance des médias publics est un pilier de notre démocratie. Elle doit être protégée face aux ingérences politiques, aux fake news, à la précarité des journalistes, aux menaces de l'extrême droite de livrer l'audiovisuel public à son ami Bolloré. Nos médias publics doivent continuer à offrir une information fiable, diversifiée et accessible à tous.

Nous adopterons ce texte, par esprit de responsabilité, mais souhaitons rouvrir le débat en PLF pour trouver une solution pérenne. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Enfin ! Enfin nous nous penchons sérieusement sur le financement de l'audiovisuel public depuis la suppression de la redevance en 2022, réalisée dans une extrême précipitation et remplacée par l'impôt le plus injuste, la TVA, dans un tour de passe-passe budgétaire.

Nous avions pourtant alerté les gouvernements successifs sur la nécessité de trouver un mécanisme pérenne, garantissant réellement l'indépendance de l'audiovisuel public.

Nous voilà là où nous voulions éviter d'être : dans le brouillard, acculés, à deux mois de l'échéance fatidique. Cette situation aurait pu être évitée, mais la volonté politique a fait défaut.

Finalement, c'est une proposition de loi qui évitera le pire, la budgétisation. Mais ce n'est qu'un pis-aller. Nous aurions préféré une contribution à l'audiovisuel public juste et progressive, pour un audiovisuel public fort et tourné vers l'avenir.

Cet été, nous avons redéposé notre proposition de loi, car le financement et l'indépendance de l'audiovisuel public sont des intérêts fondamentaux de la nation, qui méritent une protection absolue. Malheureusement, le dogmatisme fiscal et les délais impartis nous empêchent de faire prospérer ce texte. Je le déplore, car il portait un optimum que nous continuerons à défendre.

Face au couperet, voilà l'alternative : rejeter ce texte et risquer la budgétisation ; ou le voter, sans engouement, mais en faisant montre d'esprit de responsabilité. C'est ce que nous choisirons, pour éviter de fragiliser l'audiovisuel public, au moment où son existence même est remise en cause. Notre assentiment n'est pas un chèque en blanc.

Puisque nous sommes en plein examen des contrats d'objectifs et de moyens, je veux rappeler qu'aucun ajustement infra-annuel ne doit être possible. Il eut été plus responsable d'étudier d'abord les missions, puis le modèle économique, ensuite le financement, et enfin la gouvernance. Tout a été fait à l'envers. L'État, actionnaire inconstant, doit élaborer une stratégie pour les dix prochaines années. Donnons à l'audiovisuel public les moyens d'être ce que nous voulons qu'il soit. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

M. Joshua Hochart .  - Voilà longtemps que nous dénonçons les nombreux travers de l'audiovisuel public français : manque de pluralisme, orientation idéologique biaisée, déconnexion des réalités. Les contribuables ne devraient pas avoir à le financer.

L'audiovisuel public représente un coût considérable pour les contribuables : près de 4 milliards d'euros en 2023. Voilà une source d'économies !

Cette proposition de loi va obliger à une gestion plus rigoureuse. L'audiovisuel public n'est pas la propriété d'une camarilla de journalistes militants ; il doit permettre la libre expression de toutes les opinions. Souvenez-vous du reportage totalement vide, mais à charge, contre Jordan Bardella. (M. Thomas Dossus et Mme Catherine Morin-Dessailly s'exclament.) Heureusement, les Français n'ont pas été dupes.

Le Rassemblement national plaide pour une meilleure utilisation des deniers publics et pour la rationalisation des dépenses superflues. Nous ne comprenons pas pourquoi, dans une démocratie mature, il faudrait un service public de l'information -  hormis outre-mer  - alors que les groupes privés, régulés, offrent un meilleur service. (M. Pierre Ouzoulias proteste.) Nous espérons que cette réforme ne sera que la première étape d'une transformation totale. Alors que certains proposent de nouvelles vagues de privatisations, en voilà une, toute trouvée !

M. Thomas Dossus.  - On n'en cherche pas !

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos applaudit également.) En ces temps de crise, rares sont les secteurs qui font recette. C'est pourtant le cas de l'audiovisuel public français : France Télévisions, avec plus de 23 millions de téléspectateurs pour la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques ; Radio France, qui compte 14 millions d'auditeurs quotidiens ; la plateforme numérique France TV, et ses 34 millions de visiteurs mensuels. Mais qui pourrait se douter que cet ambassadeur de la culture française est menacé d'extinction d'ici à la fin de l'année ? Ubuesque !

Depuis la suppression de la contribution à l'audiovisuel public en 2022, rien n'a été envisagé par le Gouvernement pour assurer son financement pérenne. Pourtant, le temps presse. Le mécanisme actuel ne peut perdurer au-delà de 2025. Les six sociétés de l'audiovisuel public craignent d'être ballottées chaque année, au gré des fluctuations budgétaires et politiques. C'est inacceptable, dans un État de droit.

Ce texte, qui sécurise un budget fixe et pérenne pour le secteur, constitue le meilleur compromis à court terme. En prévoyant une révision annuelle par le Parlement, il offre des marges de manoeuvre, nécessaires à son développement. Je salue le travail de Cédric Vial.

Alors que les atteintes à notre souveraineté se multiplient, il s'agit aussi d'enjeux démocratiques et culturels. Nous devons repenser le modèle économique de l'audiovisuel public et la question de la fusion reviendra nécessairement. Nous devons renforcer ce secteur stratégique pour préserver l'influence de la France à l'international.

Comme l'indiquait le président de l'Arcom lors de son audition la semaine dernière, l'heure est dorénavant au média global. L'audiovisuel public français semble prêt à franchir ce pas décisif. La majorité sénatoriale sera à ses côtés pour accompagner sa transformation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Lafon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Cédric Vial applaudit également.) Je me félicite de l'examen de ce texte, qui mettra un terme aux incertitudes.

Près de trois ans après l'adoption du collectif budgétaire supprimant la contribution à l'audiovisuel public, il y avait urgence à rassurer les acteurs du secteur et les partenaires étrangers d'Arte et de France Médias Monde.

Nous aurons à débattre du montant de ce financement, mais ce texte montre le soutien du Sénat à ce secteur dont le rôle démocratique est essentiel.

Madame la ministre, nous sommes d'accord : ce n'est qu'un premier pas vers la nécessaire réforme de l'audiovisuel. Pour le Sénat, la réforme du financement et celle des structures doivent aller de pair. C'était le sens des travaux de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin en 2015 et de ceux de Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi. La gouvernance de l'audiovisuel public doit être réformée en créant une holding qui définirait une stratégie d'ensemble.

Nous devons aussi réduire les asymétries de concurrence qui pénalisent nos acteurs privés par rapport à leurs concurrents délinéarisés, essentiellement américains.

La réforme de l'audiovisuel, que le Sénat appelle de ses voeux, pourrait être menée à terme dans les semaines à venir, par l'adoption de ce texte et de notre proposition de loi, déjà examinée en commission à l'Assemblée nationale. Reporter à nouveau la réforme de la gouvernance serait prendre un risque, alors que les téléspectateurs vieillissent et que le modèle économique est menacé.

Madame la ministre, nous avons entendu votre volonté de mener cette indispensable réforme à son terme et connaissons votre détermination. Vous pouvez compter sur nous. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. Victorin Lurel .  - Tout a été dit. Sylvie Robert a exposé la position du groupe SER : nous voterons ce texte faute de mieux, face à l'urgence et à l'impréparation.

Madame la ministre, vous vous êtes engagée à sanctuariser l'indépendance de l'audiovisuel public, autant que possible. Le mécanisme proposé devrait permettre d'éviter la régulation infra-annuelle. Mais ma sérénité n'est pas totale...

S'agissant du fameux programme 383 et de ses 69 millions d'euros, dont 45 millions pour France Télévisions, ce qui reste à verser le sera-t-il avant la fin de l'année ?

Le ministre des comptes publics a déclaré que 6 des 12 milliards non consommés seraient annulés. Pouvez-vous nous garantir que ce qui est inscrit au titre de 2024 sera préservé ?

Pour éviter la régulation infra-annuelle, vous engagez-vous à transférer tous les crédits du programme aux dotations de base des six entreprises de l'audiovisuel public ?

Madame la ministre, vous engagez-vous à reprendre par amendement gouvernemental ce que l'Assemblée nationale aura décidé, afin d'éviter l'écueil de l'entonnoir ?

M. Jean-François Husson.  - Oui bien sûr !

M. Victorin Lurel.  - Je voudrais l'entendre de la bouche de la ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°3 de M. Dossus et alii.

M. Thomas Dossus.  - Cet amendement ouvre le débat sur un autre mode de financement, via une redevance progressive. Le recours à la TVA, qui pèse davantage sur les ménages les plus modestes, est socialement injuste. Nous avions défendu cette solution, qui s'appuie sur les travaux de l'économiste Julia Cagé, lors de l'examen du PLFR 2022, afin de garantir des ressources stables, justes et suffisantes à l'audiovisuel public.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Vous recréez une redevance, ce qui relève d'une loi de finances. Nos délais sont contraints. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Même avis. Le débat a été tranché en 2022. Vous recréez une taxe, après avoir dénoncé une injustice fiscale.

M. Thomas Dossus.  - Nous voulons une nouvelle contribution plus juste, assise sur les revenus. J'ai relu les débats de 2022 : nous avions, sur de nombreux bancs, alerté sur les conséquences pour le budget de l'État. Je regrette l'indigence de la réponse de la ministre, qui tire le débat vers le bas.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je comprends l'idée de Thomas Dossus, mais ne voterai pas son amendement. Pendant plus de quinze ans, nous avons été plusieurs à tenter de réformer la contribution à l'audiovisuel public. Les gouvernements de droite comme de gauche, parce que Bercy s'y opposait (M. Jean-François Husson le confirme), ont écarté nos propositions. Même François Hollande n'a pas fait la réforme, alors qu'il s'y était engagé.

Il est inexact de dire que la contribution à l'audiovisuel public était injuste -  plus de 4,5 millions de foyers ne la payaient pas. La fracture numérique, surtout, posait un problème, car la contribution à l'audiovisuel public ne reposait pas sur l'ensemble des écrans.

M. Jean-François Husson.  - Suite au prochain épisode.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.

M. Jérémy Bacchi.  - Nous préférions la rédaction initiale, avant modification par la commission des finances. Les montants affectés à l'audiovisuel public seraient modifiables chaque année, ce que nous regrettons.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Fraction dynamique versus montant fixe. Mais une fraction dynamique peut être dangereuse ; nous préférons un montant clair. Avis défavorable.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

Mme Rachida Dati, ministre.  - Même avis. C'est plus prévisible et plus protecteur.

M. Cédric Vial.  - Monsieur Bacchi, vous défendez la position de Bercy ! (M. Jérémy Bacchi lève les bras au ciel en souriant.)

M. Jean-François Husson.  - Il aime bien Bercy !

M. Cédric Vial.  - Un montant en valeur absolue est plus protecteur, car la dynamique d'une taxe peut être à la hausse ou la baisse. Bercy souhaitait une fraction avec un plafond et un plancher, ce qui revient à une budgétisation. Nous proposons que le Parlement sanctuarise le montant, conformément au souhait des sociétés d'audiovisuel public.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°1 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.

M. Jérémy Bacchi.  - L'audiovisuel public est un service public essentiel pour notre démocratie. Un audiovisuel public fort améliore la connaissance des citoyens des affaires publiques grâce à une couverture de l'actualité critique et diversifiée, à condition qu'il soit suffisamment financé et protégé. Or le dispositif proposé rend l'audiovisuel public tributaire de la fluctuation des recettes. D'autres solutions existent, à l'instar d'une taxe sur le foyer fiscal. Mais il est contraire à la Lolf de proposer une recette autre que la fraction d'une recette déjà existante. Aussi, cet amendement nous offre la possibilité de débattre en PLF d'autres propositions de recettes.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Cet amendement a le même effet que l'amendement n°2 à l'article 1er. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Cet amendement crée un CAS pour l'audiovisuel public, afin de garantir son indépendance budgétaire et de l'abonder par d'autres recettes. Je crains que l'affectation d'une fraction de TVA ne soit pas compatible avec les exigences du règlement européen du 11 avril 2024.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - C'est une redevance déguisée ; faute d'entrer par la porte, elle revient par le vasistas. (Mme Rachida Dati sourit.) Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Le compte de concours financiers existe déjà. Avis défavorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Article 2 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°6 de M. Dossus et alii.

M. Thomas Dossus.  - Il s'agit de rétablir l'article 2. La chaîne culturelle européenne Arte occupe une place originale dans notre paysage audiovisuel. Fruit d'un partenariat franco-allemand, son financement repose sur un équilibre délicat. Nous proposons un financement sécurisé et spécifique pour Arte France, via un PSR.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Une nouvelle fois, un PSR n'est pas davantage protecteur que la fiscalité. Ensuite, ne serait-il pas déséquilibré de mettre Arte France sur le même plan que les collectivités et l'Union européenne ? Enfin, l'État est actionnaire à 100 % d'Arte France. L'audiovisuel public doit être un et indivisible. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Excellente réponse ! Il n'y a pas de raison qu'Arte soit traitée différemment : l'audiovisuel est un et indivisible.

M. Jean-François Husson.  - Elle est d'accord !

Mme Monique de Marco.  - Pas du tout convaincue... M. Patino a expliqué que le PSR serait plus conforme au traité, car Arte est spécifique par sa gouvernance et son financement.

Proposé à l'Assemblée nationale, défendu par Cédric Vial, le PSR ne donnerait pas assez de garanties selon M. Hugonet ? Pourtant le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a émis un avis défavorable à la solution que vous proposez.

M. Jean-François Husson.  - D'accord, mais ici on est au Sénat...

M. Cédric Vial.  - Madame de Marco, je vous cède les droits d'auteur sur mon texte initial ! J'avais d'ailleurs repris la rédaction de nos collègues députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier.

J'ai été favorable à la modification à une condition : que cela ne pose pas de problème diplomatique, politique ou d'organisation à Arte. J'en ai l'assurance. Nous avons aussi la certitude que la fraction de TVA en valeur absolue est la solution la plus protectrice.

M. Victorin Lurel.  - Le traité franco-allemand qui a créé Arte prévoit une parité de financement. Comment être sûr que cette parité sera respectée ? Nos partenaires allemands auront-ils confiance dans la solution retenue ? Mme la ministre ne m'a pas répondu. (Mme Rachida Dati proteste.)

M. Thomas Dossus.  - Nous sommes attachés à la spécificité d'Arte. La ministre m'inquiète en insistant sur l'unicité de l'audiovisuel public.

M. Laurent Lafon.  - Le groupe UC est attaché à la spécificité d'Arte, à son positionnement, à son lien avec l'Allemagne.

Nos questions étaient les mêmes que celles de M. Lurel : quid notamment de la réaction de nos partenaires allemands ? En l'absence d'obstacles, nous suivrons l'avis du rapporteur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Depuis 2022, le financement d'Arte par une fraction de TVA ne pose pas de problème. Nous prolongeons donc un dispositif qui ne pose aucune difficulté...

Le traité de 1990 est muet sur le financement, et l'interlocuteur de l'État français, actionnaire à 100 %, c'est Arte France.

Je suis membre du groupe d'amitié France-Allemagne. Nous avons reçu l'ambassadeur Steinlein aujourd'hui et accueillerons une délégation du Bundesrat au Sénat la semaine prochaine.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Monsieur Dossus, nous avons travaillé étroitement avec Bruno Patino et ses équipes : l'essentiel est de préserver la dotation budgétaire. Pourquoi ne pas faire une exception aussi pour TV5 Monde, cofinancée par plusieurs pays ? Restons pragmatiques.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Monsieur Lurel, le versement des crédits est décalé, en raison du report de la réforme : les crédits de 2024 seront versés en 2025, ceux de 2025 en 2026. Et je suis favorable à leur intégration dans la dotation de base.

Les textes devront être adoptés dans les mêmes termes. Nous avons déclenché la procédure d'urgence, ne l'oubliez pas.

M. Victorin Lurel.  - Merci.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°8 du Gouvernement.

Mme Rachida Dati, ministre.  - Le Gouvernement lève le gage. (Marques de satisfaction à droite)

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°8 est adopté.

L'article 3 est supprimé.

Vote sur l'ensemble

Mme Monique de Marco .  - Le manque d'anticipation est inexcusable : c'est une gouvernance de procrastination !

Je remercie tout de même les auteurs de ce texte, qui est un moindre mal. Mais attention, car la TVA est un impôt indirect qui n'épargne pas les plus modestes...

J'ai entendu dire que la gouvernance de l'audiovisuel public devait être réformée. Aboutirons-nous à une holding ou une fusion ?

Nous voterons ce texte, mais cela ne doit pas nous empêcher de rechercher d'autres solutions à l'avenir.

Mme Sylvie Robert .  - Nous voterons cette proposition de loi organique pour éviter la budgétisation. Nous regrettons la précipitation de nos travaux. Si l'initiative sénatoriale n'avait pas existé, nous aurions été inquiets pour l'audiovisuel public.

Madame la ministre, nous attendons une vision stratégique du secteur de l'audiovisuel public : quelles missions et quel modèle économique ? Nous devrons travailler à une redevance modernisée -  un impôt juste, ça existe, madame la ministre ! - et qui recrée le lien entre l'audiovisuel public et nos concitoyens. Le Sénat y est prêt. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi organique .  - Merci à tous nos collègues, y compris Mme Robert et M. Kanner, qui n'ont pas exactement la même position que nous. Nous étions face au mur et il fallait prendre nos responsabilités.

Au-delà de notre débat technique, nous apportons une réponse politique : nous affirmons que nous souhaitons préserver l'indépendance de l'audiovisuel public. Ce texte court est très attendu par les sociétés de l'audiovisuel public et leurs 16 000 salariés.

Je remercie l'ensemble des collègues, issus de tous les groupes politiques, ainsi que nos collègues de l'Assemblée nationale.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Le Sénat s'est impliqué pour la défense et la promotion de l'audiovisuel public depuis très longtemps.

Quand on consulte nos travaux sur les ingérences étrangères et quand on lit les conclusions des états généraux de l'information, on mesure combien un audiovisuel public de qualité est plus que jamais essentiel. Nous sommes dans une guerre de l'information ; nous devons disposer des outils pour la mener.

Cédric Vial l'a dit, les entreprises de l'audiovisuel public sont soulagées. Donnons du sens à cette réforme.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission des finances .  - S'il y a bien un endroit où l'on ne procrastine pas, c'est au Sénat, madame de Marco ! J'en profite pour remercier les services de Mme Dati et ceux de la direction du budget, ainsi que ceux du Sénat.

N'oublions pas qu'il existe des principes budgétaires intangibles, notamment l'annualité. Il ne faut pas croire que l'audiovisuel public est une bulle, qui aurait droit à un financement ad vitam aeternam. Chaque année, nous aurons à le voter, et heureusement !

Ce qui rend vraiment anxieux, c'est l'état de nos finances publiques, et personne ne pourra s'exonérer des efforts à faire.

La proposition de loi organique est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°23 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 339
Contre    1

La proposition de loi organique est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du GEST et du groupe CRCE-K)

Prochaine séance, mardi 29 octobre 2024, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 35.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 29 octobre 2024

Séance publique

À 14 h 30

. Proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, présentée par Mme Christine Lavarde et plusieurs de ses collègues (n°612, 2023-2024) (demande de la commission des finances)

=> En outre, de 14 h 30 à 15 heures : Scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République (Ce scrutin secret se déroulera, pendant la séance, en salle des Conférences.)