Financement de la sécurité sociale pour 2025 (Suite)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution.
Discussion des articles de la deuxième partie (Suite)
Après l'article 8 quinquies
Mme la présidente. - Amendement n°11 rectifié bis de Mme Nathalie Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Nous entamons un long tunnel d'amendements sur la lutte contre la fraude. Celui-ci vise à améliorer l'échange de données avec les organismes chargés de cette mission au sein d'un autre État membre de l'Union, pour mieux lutter contre la fraude transfrontalière, objet d'une résolution de notre commission des affaires européennes en 2020. Ainsi des personnes résidant dans un pays voisin, qui perçoivent les allocations chômage en France...
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. - Vous mettez le doigt sur le problème bien connu de la fraude transfrontalière aux prestations sociales. On pourrait parler aussi du tabac.
Le système d'échange électronique d'informations sur la sécurité sociale (EESSI), mis en place en 2023, permet l'échange sécurisé d'informations. Il relie 3 400 organismes, dans 32 pays : les 27 États membres de l'Union, l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni.
La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable, au motif que ce dispositif existe. À titre personnel, j'estime que nous pouvons faire mieux, car il reste des trous dans la passoire.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Il y a effectivement une organisation européenne : votre amendement est satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Nadia Sollogoub. - Qui pénaliserions-nous en inscrivant dans la loi que cette démarche doit être renforcée et systématique ? Cette fraude est connue et massive ; nous n'arrivons pas à la juguler. Nous n'avons rien à perdre, aussi je voterai cet amendement.
L'amendement n°11 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme Nathalie Goulet. - Nos collègues qui ont des problèmes de fraude aux cotisations seront charmés...
Mme la présidente. - Amendement n°28 rectifié de Mme Nathalie Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Il s'agit de permettre aux agents habilités des conseils départementaux d'échanger des renseignements. Certaines personnes touchent le RSA dans deux départements, par exemple la Mayenne et l'Orne. Preuve que les échanges de données ne se font pas. Vu la charge pour les départements et les montants colossaux que représente la fraude, ce serait le minimum.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nombre de départements ont des conventions avec la CAF : les enquêtes sur les bénéficiaires du RSA, par exemple, se font ensemble. Donner plus de pouvoir à nos agents départementaux n'est pas opportun, car ils seraient juges et parties. Intensifions plutôt l'échange d'informations. Dans le cadre des conventions entre les départements et les CAF, on définit un périmètre, un volume d'enquêtes : impossible de tout contrôler, car cela requerrait un personnel pléthorique.
Au demeurant, la Mayenne n'est pas le département où il y a le plus de fraudes. Ciblons plutôt les départements où les bénéficiaires sont nombreux. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Les agents de contrôle qui ont une mission générale de lutte contre la fraude aux finances publiques sont assermentés, car ils manipulent les informations sensibles. Les agents départementaux, qui n'ont pas de mission générale comparable, ne peuvent avoir accès à des informations portant sur la vie privée ou la présomption d'innocence. Vous proposez une évolution majeure, qui supposerait une modification de la loi.
Il existe déjà un cadre d'échange de données : les agents départementaux ont accès au répertoire national commun de la protection sociale qui fournit des informations sur les organismes versant des prestations à un individu donné. Votre amendement est donc en partie satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. - Il y a aussi les comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf). En gros, les départements peuvent payer, mais pas contrôler. Je maintiens mon amendement.
L'amendement n°28 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°13 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Nous ajoutons les présidents des tribunaux de commerce à l'article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale, pour faciliter l'échange de données.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Cela n'entre pas dans les attributions des tribunaux de commerce. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a déjà ouvert la faculté pour les organismes sociaux d'obtenir des renseignements auprès des greffiers des tribunaux de commerce. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°13 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°103 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Il faut également associer les agents consulaires pour faciliter l'échange de données.
Les étrangers qui demandent un visa doivent justifier de leurs moyens de subsistance et conditions d'hébergement en France - mais une fois sur le territoire, certains font des demandes de prestations sociales, voire de logements sociaux ! Nos services consulaires demandent donc à être associés en cas de contrôle.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous avons parlé hier de la difficulté des consulats à remettre des certificats de vie aux Français de l'étranger, tant ils sont débordés. Ils n'auraient pas les moyens de prendre en charge cette nouvelle mission. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Vous proposez une évolution majeure du cadre législatif et réglementaire. Les agents consulaires n'ont pas de mission générale de lutte contre la fraude aux finances publiques. Il existe déjà un cadre juridique d'échange de données entre les organismes de sécurité sociale et les autorités consulaires, pour le contrôle des conditions d'ouverture des droits et le recouvrement des créances, notamment. Votre amendement est donc en partie satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. - Je maintiens mon amendement. Je suis corapporteur de la mission « Action extérieure de l'État » : le ministère des affaires étrangères a un service de lutte contre la fraude, mettons-le dans la boucle !
Il a fallu quatre ans pour interdire le versement de prestations liées à un domicile en France sur des comptes à l'étranger. Il faudra sans doute quatre ans pour associer nos consulats. Ce n'est pas grave, je suis encore là pour cinq ans. (Sourires)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je constate avec étonnement que le long tunnel d'amendements visant à lutter contre la fraude s'arrête au seuil des cotisations patronales. Selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, l'essentiel de la fraude trouve son origine dans les pertes associées aux cotisations, or 10 % seulement du travail dissimulé est redressé. Pourtant, rien dans vos amendements sur les 90 % de fraude aux cotisations des employeurs : votre obsession, c'est la fraude aux prestations ! (Murmures à droite) Intéressez-vous donc, pendant ces cinq ans de mandat restant, à la fraude des employeurs !
M. Laurent Burgoa. - Vous vous croyez à l'Assemblée nationale !
L'amendement n°103 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°324 n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°832 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Rééquilibrons les choses. Cet amendement rendrait automatique l'annulation par l'assurance maladie des cotisations sociales prises en charge au bénéfice du professionnel de santé reconnu coupable de fraude.
N'en déplaise à certains, la fraude reste majoritairement patronale. Les fraudes par les professionnels et les établissements de santé représentaient 80 % de la fraude à l'assurance maladie en 2023.
Les bénéficiaires du RSA ou d'allocations familiales, eux, ne bénéficient pas de la même mansuétude en cas de fraude avérée, et ont obligation de rembourser les sommes perçues à tort.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Merci de votre vigilance sur la proportionnalité à observer en matière d'activités frauduleuses. Je salue aussi le travail remarquable de Nathalie Goulet. (Mme Raymonde Poncet Monge ironise.)
Il est vrai que la majeure partie de la fraude sociale porte sur le travail dissimulé. Il est hélas très compliqué de trouver les boîtes aux lettres des entreprises frauduleuses. Les fraudeurs sont très malins et ont un temps d'avance sur les services, même si les caisses ont embauché des cyberprofessionnels. Les fraudes se font désormais dans toutes les langues. Les choses ne sont donc pas si simples.
Avis défavorable car il faut que la sanction soit proportionnée à la situation économique du professionnel de santé concerné.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Les Urssaf travaillent beaucoup sur les fraudes patronales. Pas moins de 800 millions d'euros ont été récupérés en 2022, et 1,2 milliard d'euros en 2023.
Une sanction administrative doit respecter le principe de personnalisation de la peine : la sanction ne peut être automatique. Le directeur de caisse doit avoir une marge de manoeuvre pour apprécier l'opportunité et les modalités de mise en oeuvre. Avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. - Il faut arrêter de considérer que la fraude sociale est une indignation de droite et la fraude fiscale une indignation de gauche. C'est une fraude aux finances publiques, un point c'est tout. Je voterai votre amendement, madame Poncet Monge, car je n'ai pas d'oeillères, et qu'il faut envoyer des signaux forts. La fraude sociale n'est pas une fraude de pauvres mais une fraude en réseau organisé. J'ai remis un rapport sur ce sujet à Édouard Philippe.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les 20 % de fraude aux prestations doivent être poursuivis, bien sûr, mais il ne faut pas oublier la fraude des employeurs !
Depuis la loi pour le plein emploi, un bénéficiaire qui ne se serait pas présenté à une convocation de France Travail se voit immédiatement suspendre le RSA. Et vous me dites qu'en cas de non versement des cotisations, il faudrait prendre en compte la bonne foi du fraudeur ? Il s'agit de fraudes, dont le caractère volontaire est attesté, pas d'une erreur ! Et il faudrait considérer la situation des pauvres employeurs fraudeurs ?
Mme la présidente. - Il faut conclure.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Faites-en autant pour ceux à qui vous supprimez le RSA !
M. Pascal Savoldelli. - Je voterai l'amendement, mais il faudra réfléchir à de nouveaux mécanismes. Quand une entreprise commet délibérément une fraude aux cotisations sociales, peut-on accepter qu'elle perçoive un crédit d'impôt ?
Mme Nathalie Goulet. - Non !
M. Pascal Savoldelli. - Traitons tout le monde sur un pied d'égalité, les entreprises comme les citoyens ! (Mme Nathalie Goulet approuve.)
M. Bernard Jomier. - Je rejoins Mme Poncet Monge sur les différentes masses financières en jeu. Quand on ne parle que d'un type de fraude, on envoie un message politique. La fraude des employeurs occupe moins les discours que la fraude des assurés sociaux.
Cet amendement vise les professionnels de santé. Les plus fraudeurs ne sont pas les médecins ; je ne citerai pas la profession en tête, pour ne pas stigmatiser, mais ce qu'on qualifie de fraude découle de mauvaises cotations d'actes, la nomenclature étant complexe.
Appliquer une automaticité de peine, que je récuse d'ailleurs dans notre droit pénal, à des professionnels de santé épinglés pour fraude n'est pas juste. On ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac.
Je ne voterai donc pas cet amendement.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Le Conseil d'évaluation des fraudes, instauré par Thomas Cazenave, a réuni l'ensemble des protagonistes. Il faut communiquer autour de ce travail, pour ne stigmatiser personne. Les fraudeurs sont partout. Selon l'Insee, la fraude à la TVA représente 20 à 30 milliards d'euros.
Soyons mesurés dans nos propos. Charge au Gouvernement de demander l'évaluation des nouvelles politiques de lutte contre la fraude, pour prendre rapidement les bonnes mesures.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Les choses sont claires : il faut combattre toutes les fraudes, quelles que soient les personnes qui les commettent. Les inspecteurs du travail peuvent annuler toutes les aides versées à une entreprise en cas de travail dissimulé, par exemple.
La fraude me pose un problème éthique. Nous devons la combattre à tous les niveaux, y compris chez les professionnels de santé.
L'amendement n'est pas simple à mettre en oeuvre constitutionnellement, car il ne fixe pas de durée précise. Raffermissons notre lutte contre la fraude, c'est une question d'éthique collective.
Mme Annie Le Houerou. - Alors, c'est un avis favorable ?
M. Daniel Chasseing. - Je voterai cet amendement, comme j'ai voté tous ceux de Mme Goulet. Nous ne devons pas lésiner sur les moyens pour lutter contre la fraude.
L'amendement n°832 est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°821 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Cet amendement s'attaque à la source principale de la fraude en augmentant les sanctions pour travail dissimulé en cas de récidive. Selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, la fraude sociale serait évaluée à près de 13 milliards d'euros. Sur ce total, les falsifications d'arrêt de travail représentent 7,7 millions d'euros...
Les entreprises sont majoritairement à l'origine de la fraude sociale. Sanctionnons de manière dissuasive les employeurs fraudeurs récidivistes.
Mme la présidente. - Amendement identique n°941 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - La fraude aux cotisations patronales coûte chaque année entre 7 et 25 milliards d'euros aux caisses de la sécurité sociale. Augmentons la majoration en cas de récidive dans les cinq ans après un premier redressement : si le taux était de 25 % à la première infraction, nous le portons à 90 % ; s'il était de 40 %, nous le portons à 120 %.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La proportionnalité est essentielle. Le précédent amendement équivaut à prononcer la mort sociale et économique des professionnels de santé. Pour une simple erreur de cotation, les redressements sont colossaux !
Mme Raymonde Poncet Monge. - On parle de récidivistes !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - C'est dire l'efficacité des services de l'assurance maladie ! Attention au message que nous envoyons à la profession.
Votre amendement est trop dur. Les majorations sont déjà très importantes. Ce monde de répression n'est pas celui dans lequel j'ai envie de vivre. Avis défavorable. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Je rejoins les propos de la rapporteure générale sur la proportionnalité. Une augmentation du montant de la majoration en cas de récidive est déjà prévue par le code de la sécurité sociale : quand la première majoration était de 25 %, le taux est porté à 45 %, et à 60 % quand la majoration était de 40 %.
Votre amendement aurait en outre pour conséquence d'abroger le dispositif prévu à l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale qui annule les réductions et exonérations de contributions en cas de constat d'une infraction à l'interdiction de travail illégal. Avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. - Je voterai cet amendement. Nous faisons du droit, mais aussi de la politique. Il faut envoyer un signal fort aux fraudeurs. Il n'y a jamais assez de sanctions !
Le travail dissimulé doit s'arrêter, comme les entreprises éphémères, visées par mon excellent amendement n°325 rectifié. C'est un danger pour les salariés et un danger pour les caisses.
Les amendements identiques nos821 rectifié et 941 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°772 rectifié bis de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Remplaçons le mot « prestations » par le mot « sommes » dans le code de la sécurité sociale pour le recouvrement des indus.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Lorsqu'une personne a bénéficié de prestations sociales indues, les organismes de recouvrement peuvent délivrer à leur encontre des contraintes, comme des saisies sur des comptes bancaires ou se tourner vers le tiers détenteur. En pratique, ce sont souvent les employeurs qui prélèvent l'indu sur le salaire pour le restituer à l'organisme de recouvrement.
La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'amendement, mais j'y suis, à titre personnel, favorable, dans la mesure où il élargit le spectre des indus susceptibles de recouvrement.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°772 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°325 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Les entreprises éphémères sont un danger pour les entreprises régulières, car elles pratiquent le dumping. Nos voisins belges les détectent grâce à des signaux faibles : création depuis moins de douze mois, siège social à l'étranger, brusque augmentation du nombre de salariés... Autant d'indices que l'on est peut-être face à une entreprise qui va planter ses fournisseurs, et nos caisses de sécurité sociale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La lutte contre le travail dissimulé est un exercice difficile. Les entreprises aussi en sont victimes. Moi-même, dans le monde économique, j'ai été victime de boîtes aux lettres fictives, d'impayés.
Mme Nathalie Goulet. - Voilà !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je partage votre objectif, et il faudra y travailler. Avis défavorable toutefois, car l'amendement n'est pas opérant.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Je partage l'objectif, mais tel qu'il est rédigé, l'amendement n'est pas opérant. Je vous propose de le retirer, nous pourrons y travailler ensemble. Sinon, avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. - Je demande le bénéfice de la jurisprudence Duplomb : adoptons l'amendement, quitte à l'améliorer au cours de la navette.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je voterai l'amendement. Les fournisseurs sont pénalisés, les salariés aussi. Le travail dissimulé prive les travailleurs de droits.
L'amendement n°325 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°21 rectifié de Mme Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Une décision de suspension de droit doit être communiquée à l'ensemble des organismes de sécurité sociale. C'est une mesure de bon sens.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Les 42 régimes de caisses de retraite différents ont déjà mutualisé la gestion du contrôle annuel. Votre amendement est satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°21 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°909 rectifié bis de M. Canévet et alii.
M. Michel Canévet. - Avec Jean-Luc Fichet, nous avons rencontré l'Urssaf de Bretagne récemment, et constaté que le travail dissimulé a encore cours dans notre pays. Or si l'Urssaf a émis pour 1,1 milliard d'euros d'amendes l'année dernière, le recouvrement est limité à 10 % du montant des amendes. Pourquoi ? En cas de redressement, il y a recours devant les tribunaux : pendant ce temps, les entreprises s'organisent pour organiser leur insolvabilité.
Je propose que l'Urssaf puisse prendre des garanties pour que le recouvrement soit opéré, comme le fait le Trésor public.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - De nombreuses personnes de bonne foi peuvent contester les créances, car les erreurs de calcul sont possibles. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Même avis. La non-délivrance de l'attestation de vigilance existe déjà pour le travail dissimulé. Pour le reste, il faut attendre la fin du contentieux.
Mme Nathalie Goulet. - Le temps judiciaire n'est pas le temps des escrocs ou des fraudeurs ! On ne parle pas ici de droit à l'erreur, de personnes de bonne foi, mais bien de fraude ! Le temps judiciaire leur permet d'organiser leur insolvabilité. Je voterai l'amendement de Michel Canévet.
M. Jean-Luc Fichet. - Nous ne demandons des garanties que si l'Urssaf constate une fraude. Faisons en sorte que les fraudeurs n'organisent pas leur insolvabilité. Je voterai l'amendement de M. Canévet.
Mme Annie Le Houerou. - Le temps du contentieux n'est pas celui des fraudeurs. Nous voterons l'amendement.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous aussi. Seulement 10 % des sommes sont recouvrées ! Face à une telle impuissance, je m'étonne que le Gouvernement ne prenne pas d'autres dispositions.
M. Laurent Burgoa. - Je suis un peu gêné par ce débat... Je voterai l'amendement de M. Canévet (« Ah ! » à gauche), sans quoi nous semblerions cautionner la fraude.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je suis gênée également. Je veux lutter contre la fraude, mais il faut veiller à respecter l'exigence de proportionnalité.
Prendre l'argent avant que le jugement n'ait été rendu, c'est arbitraire ! (Protestations à gauche) Vous préparez un monde tellement dur que les personnes ne pourront plus prouver leur bonne foi.
M. Michel Canévet. - Le constat des Urssaf est sans appel. Nous ne demandons des garanties que si la fraude est manifeste.
L'amendement n°909 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°771 rectifié bis de Mme Nathalie Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Cet amendement suspend les délais de prescription et de recouvrement des cotisations et majorations pendant la période de dialogue et de conciliation. ?uvrons à une unicité de traitement des procédures.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - L'avis de la commission est défavorable, mais à titre personnel, j'y suis favorable. C'est une avancée intéressante.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - La suspension des délais pendant cette période évite un risque de prescription. Avis favorable.
Mme Nathalie Goulet. - Alléluia !
L'amendement n°771 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°326 rectifié de Mme Nathalie Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - Cet amendement conditionne la signature de la convention avec des gestionnaires d'établissement - comme ceux qui accueillent des personnes âgées - à la vérification du respect de leurs obligations sociales et fiscales. Voilà une mesure utile de prévention, après le scandale des Ehpad.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je partage vos intentions ; en l'espèce, il est préférable de conserver la procédure existante. Conditionner cette signature au respect des obligations fiscales et sociales introduirait de la rigidité dans l'organisation des services, sans garantie de résultat. Avec un boulet au pied, on avance moins vite ! Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Même avis.
L'amendement n°326 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°12 rectifié de Mme Nathalie Goulet et alii.
Mme Nathalie Goulet. - C'est un rattrapage de l'amendement sur la fraude transfrontalière retoqué tout à l'heure. Je me tourne vers le très honorable président Rapin (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains), sous l'autorité duquel une proposition de résolution d'André Reichardt, rapportée par Pascale Gruny et Laurence Harribey - éminentes signatures (sourires) - a été adoptée.
Un rapport sur la fraude transfrontalière serait bienvenu, il nous faut un état des lieux.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avis défavorable aux demandes de rapport.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Même avis.
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.
Mme Nathalie Goulet. - La flatterie ne paie pas !
Article 9
Mme Émilienne Poumirol . - Y a-t-il encore un pilote dans l'avion ? Le Gouvernement annonce une augmentation du ticket modérateur de 10 % pour les consultations, puis recule et annonce 5 %. Il prévoit une augmentation de 5 % sur les médicaments, puis, surprise, fait marche arrière. Idem pour la franchise sur les dispositifs médicaux. Avez-vous une stratégie en matière de médicaments, face aux Big Pharma ?
M. Patrick Kanner. - Non !
Mme Émilienne Poumirol. - Les dépenses liées aux dispositifs médicaux et aux médicaments sont considérables. Il nous faut une politique claire !
Vos décisions entraînent une financiarisation du système de santé et une inégalité dans l'accès aux soins, au détriment des plus précaires. Je regrette aussi votre manque de vision sur la prévention.
Mme la présidente. - Amendement n°965 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Cet amendement module le montant M, qui conditionne l'assujettissement à la clause de sauvegarde, en fonction des aides et financements publics reçus.
Le rapport de Laurence Cohen et Sonia de La Provôté a montré l'opacité des aides publiques aux entreprises pharmaceutiques.
Celles-ci perçoivent de nombreuses subventions sans forcément contribuer suffisamment aux investissements ni favoriser les relocalisations. Ainsi de Sanofi, qui renforce sa rentabilité nette, distribue des dividendes records, voire supprime des postes de chercheurs !
Pour dégager des moyens et empêcher le dérapage des dépenses de médicaments, faisons ce choix plutôt que de dérembourser.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Votre regard sur les mécanismes de régulation est intéressant. La France est le plus gros consommateur de médicaments, nous devons donc réguler.
Le montant M, qui porte sur l'ensemble des médicaments, constitue le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde, corde de rappel budgétaire devenue véritable outil fiscal. La mission Borne a souligné la nécessité d'une réforme.
La clause de sauvegarde porte sur un montant collectif. Votre amendement n'est pas opérationnel car il met tout le monde dans le même panier. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Madame Poumirol, la politique est simple : nous avons 5 milliards d'euros d'économies à réaliser. (Protestations sur les travées du groupe SER) Il était prévu 1,14 milliard d'euros de transferts aux assurances complémentaires ; j'ai tout fait pour les limiter à 900 millions. Nous avons besoin de cinq points supplémentaires sur la consultation du médecin et de cinq points sur le médicament. (Protestations à gauche)
M. Patrick Kanner. - Ce n'est pas une politique, mais une punition !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Je ne souhaitais pas 10 % d'augmentation du ticket modérateur pour les consultations.
Mme Émilienne Poumirol. - 16 milliards !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Sont exclus les médicaments remboursés à 100 % par la sécurité sociale et ceux qui traitent des affections de longue durée.
Mme Émilienne Poumirol. - Encore heureux !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Moins de médicaments, cela suppose plus de prévention. Je suis là depuis seulement six semaines, mais on va le faire !
Mme Annie Le Houerou. - Ça fait sept ans que ça dure !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - La rapporteure générale l'a dit : le montant M et la clause de sauvegarde, très complexes, ne sont pas les bons vecteurs. Pour faire revenir les industries sur notre territoire, le bon vecteur, c'est le prix du médicament. Avis défavorable.
Mme Céline Brulin. - On argue de la complexité des dispositifs pour ne rien faire. Or les fonds publics ne peuvent servir à casser notre industrie et délocaliser des emplois. Le Premier ministre a lui-même reconnu - même s'il ne l'a pas dit dans ces termes - l'opacité des aides publiques accordées à Sanofi. Je regrette que l'on balaye ce sujet d'un revers de la main.
M. Bernard Jomier. - Ne nous noyons pas dans la complexité. Il va falloir mettre davantage de transparence dans le mécanisme de fixation des prix. Les prix des médicaments augmentent car l'innovation coûte cher. Mais la progression des prix est déconnectée des efforts de recherche. Les entreprises pharmaceutiques nous font payer plus cher, en fonction de l'économie supposée. Un peu comme si un plombier faisait payer non pas 100 euros pour la réparation d'une fuite, mais 10 000 euros pour avoir empêché l'inondation de la maison !
Les États sont faibles face à une industrie pharmaceutique financiarisée et internationalisée. L'Union européenne est en difficulté avec le paquet pharmaceutique, et a cédé beaucoup de terrain à cette industrie, dont les taux de rentabilité n'ont rien à voir avec la réalité économique.
Vous refusez tous les amendements sur la transparence des médicaments !
L'amendement n°965 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°76 rectifié de M. Milon et alii.
M. Alain Milon. - Les médicaments génériques étaient exonérés de la clause de sauvegarde, à l'origine, car ils favorisent un accès durable à des traitements à un coût raisonnable. Les génériques génèrent 2,5 milliards d'euros d'économies chaque année. En 2019, ils ont été inclus à l'assiette de la clause de sauvegarde, entraînant une chute de la rentabilité du secteur, passée à moins 1,5 % en 2023.
La clause de sauvegarde remet en cause l'existence du premier contributeur aux économies. L'amendement corrige cette incohérence.
Mme la présidente. - Amendement n°684 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Comme celui d'Alain Milon, mon amendement exclut de la clause de sauvegarde les médicaments génériques, hybrides et biosimilaires, dont la faible rentabilité n'intéresse pas les entreprises de Big Pharma. En revanche, les petites entreprises qui les fabriquent sont menacées. La clause de sauvegarde est une sanction normale pour les Big Pharma, mais doit épargner nos PME.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La commission propose de plafonner cette année encore la contribution des médicaments génériques et des spécialités de référence soumises à un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR).
L'exclusion de ces médicaments de la clause de sauvegarde ne paraît pas soutenable dans le contexte actuel. Avis défavorable sur ces deux amendements, mais la commission aura un amendement n°129 sur le plafonnement de la contribution pour les médicaments sus-cités.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Retrait au profit de l'amendement n°129, sinon avis défavorable.
La clause de sauvegarde a été élargie à tous les médicaments par la LFSS 2019.
Mme Émilienne Poumirol. - Plafonner ? Vous vous attaquez à des médicaments moins chers, qui font faire des économies à la sécurité sociale. Si vous cherchez des recettes, nous vous avons fait beaucoup de propositions !
Sanofi vend le Doliprane à un fonds de pension américain ; aucune réaction. Et vous proposez maintenant d'inclure les génériques dans la clause de sauvegarde ! C'est illogique. Il faut les en exclure, il y va de la survie de nos PME.
Mme Laurence Harribey. - Je voterai ces deux amendements.
Madame la rapporteure générale, vous dites que nous ne pouvons pas nous le permettre dans le contexte actuel. Mais prenons de la hauteur. Ce que nous ne pouvons pas nous permettre, c'est de mettre encore plus en difficulté les fabricants de génériques. Il s'agit le plus souvent de PME françaises en grande difficulté. En repoussant sans arrêt une telle mesure, nous leur faisons prendre des risques énormes.
La commission d'enquête du Sénat, dont j'étais membre avec Mme Poumirol et M. Milon, avait souligné la nécessité de diversifier la politique pharmaceutique en fonction des différents types de médicaments et d'étudier attentivement la question des génériques produits en France.
M. Alain Milon. - J'adhère à ces propos. Nous avons incité pendant des années les médecins et les patients à utiliser des génériques, pour faire faire des économies à la sécurité sociale. On incite aussi les entreprises à s'installer sur le territoire national ou européen. Pourquoi instituer des impôts supplémentaires sur une production qui ne génère presque pas de bénéfices ?
Je maintiens mon amendement. La France est le pays où les médicaments sont les moins chers. N'aggravons pas la situation.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - L'avis de la commission est défavorable.
La régulation des médicaments est d'une immense complexité. Ce n'est pas pour autant qu'il ne faut rien modifier ! D'ailleurs, la clause de sauvegarde évolue tellement qu'elle en a perdu son objet initial.
Moins on consomme de médicaments, mieux on se porte. Si l'on exclut les génériques de l'assiette comptable de la clause de sauvegarde, on fait porter cette dernière uniquement sur les médicaments les plus coûteux,...
Mme Émilienne Poumirol. - Pas nécessairement !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - ... à savoir ceux qui sont les plus innovants, qui soignent les cancers ou les maladies rares. Restons modérés.
Mme Émilienne Poumirol. - On en reparlera, du prix des médicaments innovants...
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Monsieur Milon, vous avez parlé d'imposition. La clause de sauvegarde est un stabilisateur, qui tient compte de la dynamique des paiements de l'assurance maladie.
Heureusement que nous avons les génériques. Néanmoins, la consommation est très dynamique. Le secteur a vu son chiffre d'affaires augmenter de 5 %.
En 2024, l'effort demandé était plafonné à 100 millions d'euros. Cela ne représente rien d'impossible pour les entreprises concernées, et peut-être que des amendements viendront diminuer un peu ce montant. Nous faisons attention aux génériques, soyez-en sûr.
L'amendement n°76 rectifié est adopté.
(Marques de satisfaction à gauche)
L'amendement n°684 n'a plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°1240 rectifié bis Mme Schillinger et alii.
M. Frédéric Buval. - Notre système de régulation est dépassé et fragilise l'accès aux médicaments. La clause de sauvegarde, devenue taxe systématique, en est un parfait exemple. L'amendement prévoit d'intégrer dans le plafonnement de la contribution le montant des baisses de prix déjà consenties par les entreprises. Cela invitera à conclure plus rapidement des accords avec le Comité économique des produits de santé (CEPS).
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Votre amendement est satisfait. Les remises et les conventions passées avec le CEPS sont déjà prises en compte. En revanche, le système est devenu opaque. Toutefois, le CEPS et les entreprises pharmaceutiques nous rappellent que les négociations sont régulières. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Même avis.
L'amendement n°1240 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°37 rectifié de M. Milon et alii.
M. Alain Milon. - Modifions le calcul de la contribution de chaque entreprise redevable au titre de la clause de sauvegarde. La formule actuelle ne tient pas compte du lieu de production des médicaments, critère pourtant déterminant pour la sécurisation de l'approvisionnement. C'est un enjeu crucial de souveraineté sanitaire.
Il faut inciter à la relocalisation des médicaments, sans menacer la survie du secteur.
Mme la présidente. - Amendement n°610 rectifié de M. Masset et alii.
M. Michel Masset. - Cet amendement prévoit de tenir compte du lieu de production des médicaments en créant une troisième tranche dans le calcul de la répartition individuelle de la clause de sauvegarde.
Indolore financièrement, cet amendement a déjà été voté par l'Assemblée nationale, mais n'a pas été repris par le Gouvernement, alors même qu'il s'inscrit dans la lignée de France 2030 et dans la continuité de la loi relative à l'industrie verte. Je propose que le Sénat le reprenne à son compte. Prononçons-nous en faveur de l'industrie pharmaceutique nationale !
Si la mesure est adoptée, j'espère qu'elle survivra à un éventuel 49.3...
Mme la présidente. - Amendement n°889 rectifié de Mme Bonfanti-Dossat et alii.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Chacun plaidant pour sa chapelle, je vous informe qu'Upsa produit 18 boîtes de paracétamol en France par seconde. Relocaliser le paracétamol est une priorité. Encourageons ces entreprises !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Comment produire en France les médicaments dont nous avons besoin ? Le sujet est crucial, il nous a sauté à la figure pendant la crise sanitaire. La situation ne peut se rétablir du jour au lendemain, car il nous manque des principes actifs en Europe.
Ce n'est pas parce qu'on défend sa chapelle qu'on défend toute l'Église ! Ce sujet dépasse le cadre d'un amendement. Les communes n'ont pas forcément envie d'avoir sur leur territoire des usines fabriquant des produits polluants.
Les amendements concentreraient excessivement l'effort sur les médicaments produits à l'étranger, dont certains sont pourtant indispensables, notamment pour traiter le cancer. (M. Émilienne Poumirol proteste.)
La souveraineté sanitaire doit se penser à l'échelle européenne. Le législateur a en outre déjà introduit la prise en compte de la sécurité de l'approvisionnement.
Avis défavorable aux amendements nos37 rectifié, 610 rectifié et 889 rectifié.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Dans le cadre de France Relance, plus de 800 millions d'euros d'aides ont été déployés pour le secteur de la santé, et 188 projets soutenus. Un plan de relocalisation des médicaments essentiels a été lancé en 2023 : vingt-cinq projets ont été traités et d'autres sont en cours d'instruction.
Travaillons effectivement à l'échelle européenne, car tout ne sera pas possible en France.
La localisation de la production est par ailleurs déjà prise en compte dans la fixation des prix du médicament. Le prix du médicament est le bon outil de régulation, je le disais plus tôt. L'assurance maladie finance aussi des investissements grâce aux crédits dits CSIS (Conseil stratégique des industries de santé).
Vos mesures seront inapplicables, compte tenu des nombreuses étapes de fabrication des médicaments, qui impliquent la mobilisation de plusieurs usines dans plusieurs pays. Elles fragiliseraient en outre la clause de sauvegarde. Retrait, sinon avis défavorable, même si je suis d'accord avec la philosophie.
Mme Émilienne Poumirol. - Si la crise du covid nous a appris une chose, c'est bien notre dépendance nationale et européenne, notamment pour les matières premières des médicaments !
Le paracétamol figure dans la liste des médicaments stratégiques publiée par le Gouvernement en juillet 2023, justifiant un soutien renforcé de l'État à la relocalisation de sa production. Le Président de la République s'y était d'ailleurs engagé, en disant que certains biens et services devaient être placés en dehors des lois du marché. Il déclarait ainsi que « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie ». Pourtant, vous avez accepté la vente d'Opella à un fonds américain.
La chaîne de production est certes complexe, et relocaliser en Europe signifie accepter la présence d'industries chimiques et polluantes. Mais nous devons faire preuve de ténacité sur ce sujet.
Mme Corinne Imbert. - Nous sommes tous attachés à la restauration de notre indépendance sanitaire. Lors d'une précédente LFSS, juste après le Brexit, nous en avions déjà parlé. Le CEPS applique la prise en compte de la localisation de la production du médicament uniquement pour les nouvelles demandes d'aide. Je rappelle qu'il ne s'agit pas de bonbons au chocolat enrobés de couleurs joyeuses ! Et certains coûts de revient sont supérieurs au montant remboursé par l'assurance maladie.
J'aimerais que le CEPS tire les conséquences de l'amendement voté à l'époque au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Michel Canévet. - Je voterai ces amendements. Nous devons affirmer notre souveraineté. Les seules aides ne suffisent pas, une politique volontariste doit accompagner le développement des entreprises sur notre sol. Des filières économiques sont en difficulté, notamment la filière chimie, il convient donc d'agir.
Nous avons tous les atouts pour développer des filières d'excellence.
Les subventions sont-elles vraiment pertinentes ? Mieux vaudrait des prêts garantis par l'État.
M. Alain Milon. - Je suis d'accord avec Corinne Imbert. Voilà des années que nous travaillons sur ce sujet. Il y a une différence entre les décisions prises par les ministres et leur application par l'administration, notamment par le CEPS. C'est pourquoi nous devons remettre sur le tapis ce sujet déjà débattu il y a quatre ans.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Voilà des propositions excessives, qui auront des conséquences terribles. Je vous mets en garde : il ne faudrait pas que le Sénat donne l'impression d'agir à la légère, même s'il existe effectivement une injustice. Le taux de 20 % est énorme ! Je le redis, les médicaments fabriqués à l'étranger sont souvent des médicaments innovants, notamment contre le cancer.
L'amendement n°37 rectifié est retiré.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°610 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°57 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 220 |
Pour l'adoption | 34 |
Contre | 186 |
L'amendement n°610 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°889 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°628 rectifié de Mme Guillotin. et alii
Mme Maryse Carrère. - Cet amendement vise à prendre en compte la date effective de changement d'exploitant et non la date de publication de l'arrêté au Journal officiel, afin d'imputer au bon exploitant la contribution due au titre de la clause de sauvegarde.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous savons Mme Guillotin attentive à cette question et partageons son objectif. Difficile cependant de retenir la rédaction proposée qui mentionne dans la loi le tableau d'un arrêté. Interrogeons les parties prenantes pour trouver une meilleure solution dans la suite de la navette.
Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Même avis.
L'amendement n°628 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°77 rectifié de M. Milon et alii.
M. Alain Milon. - Cet amendement précise que les montants relatifs aux spécialités acquises sont établis, pour déterminer l'assiette de la contribution due, à périmètre constant. Cette proposition ne diminuera pas les recettes globales, car elle intervient après le calcul de la contribution pour le secteur, au stade de la répartition entre laboratoires.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Le code de la sécurité sociale prévoit déjà qu'en cas de scission ou de fusion d'entreprise, le calcul de la part croissance de la clause de sauvegarde s'effectue à périmètre constant. Il n'est cependant pas souhaitable d'étendre ce mécanisme à toutes les acquisitions de spécialités.
Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Même avis.
L'amendement n°77 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°694 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Émilienne Poumirol. - Il s'agit une nouvelle fois du Doliprane. Nous devons être cohérents et envisager des sanctions.
Cet amendement prévoit qu'en cas de transfert d'une spécialité à un fonds étranger, l'entreprise a l'obligation de respecter la procédure d'autorisation préalable, sous peine de sanctions : les sommes remboursées par l'assurance maladie seraient assujetties à la clause de sauvegarde et le plafonnement du montant de la contribution ne s'appliquerait plus.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Comme vous, nous avons été choqués par les récentes cessions réalisées par Servier et Sanofi. Mais les entreprises concernées pourraient contourner ces mesures en intégrant le montant de la sanction encourue dans le prix de cession... Il me semblerait plus adapté de recentrer ce mécanisme sur les médicaments critiques d'un point de vue industriel ou thérapeutique.
Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Même avis.
Concernant la cession d'Opella par Sanofi, nous tenions à avoir la certitude d'un approvisionnement suffisant pour notre pays. C'est acté.
Lors d'un transfert, l'investisseur étranger est déjà soumis à une procédure d'autorisation préalable, au titre du contrôle des investissements étrangers en France. Si la demande d'autorisation préalable n'a pas été faite, le ministre de l'économie dispose de pouvoirs de sanction et de police dissuasifs.
Votre mécanisme imposerait à l'entreprise cédante une pénalité pour le non-respect d'une obligation par l'acquéreur... Alors que la clause de sauvegarde s'impose à l'entreprise exploitant la spécialité.
L'amendement n°694 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°528 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Cet amendement tend à supprimer le plafonnement de la contribution M pour 2025. La clause de sauvegarde a été conçue comme une corde de rappel budgétaire quand les dépenses remboursées par l'assurance maladie dépassent un certain montant. C'est un mécanisme efficace pour faire contribuer les entreprises pharmaceutiques au financement de la sécurité sociale.
Mais depuis 2023, le Gouvernement a instauré un plafonnement exceptionnel et dérogatoire, reconduit en 2025. C'est, de fait, un cadeau aux entreprises pharmaceutiques. Au-delà de ce montant, plus de régulation ! Ce plafonnement est un non-sens. Supprimons-le !
Mme la présidente. - Amendement identique n°951 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Défendu.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Il s'agit d'un système complexe de remises et d'accords de prix. Une inspection s'est penchée sur le sujet. Le plafond pour chaque entreprise est nécessaire afin de maîtriser l'effet de la clause de sauvegarde, dont le rendement est déjà jugé excessif - c'est devenu un outil fiscal !
Le plafonnement en améliore en outre la prévisibilité, notoirement insuffisante. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Même avis. Tout cela ne doit pas devenir confiscatoire ! Il s'agit de modérer les dépenses de santé, mais le montant acquitté doit rester soutenable et proportionné, sinon nous risquons de ne plus avoir d'implantations d'entreprises et de subir des pénuries de médicaments.
Le rendement attendu est de 1,6 milliard d'euros en 2025, comme en 2024. C'est une participation nécessaire, mais nous devons rester attentifs à la santé de nos entreprises.
Les amendements identiques nos528 et 951 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°53 rectifié de M. Milon et alii.
M. Laurent Somon. - Entre 2019 et 2023, les pénuries de médicaments ont principalement concerné les spécialités aux prix les plus bas. Il s'agit de médicaments dits matures, d'intérêt thérapeutique majeur, mais délaissés par les multinationales pharmaceutiques. Nous proposons une répartition de la clause de sauvegarde favorisant les entreprises qui commercialisent ces médicaments.
Mme la présidente. - Amendement n°767 rectifié bis de Mme Canalès et alii.
Mme Marion Canalès. - Cet amendement n'aura pas d'effet sur le rendement global de la clause de sauvegarde, mais il favorisera les médicaments anciens et de première nécessité, en plafonnant la contribution des entreprises qui produisent des médicaments matures dont le prix est inférieur à 5 euros hors taxes.
Nous sommes attentifs à la santé de nos entreprises, mais aussi des Français - souvenez-vous des collyres indiens aux États-Unis... Le prix de certains médicaments n'a pas été revalorisé depuis vingt ans. Dans le Puy-de-Dôme, le laboratoire Théa mérite ainsi d'être soutenu.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je suis d'accord avec vous. Je vous invite à retirer vos amendements au profit de l'amendement n°129 de la commission.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Même avis.
L'amendement n°53 rectifié est retiré, ainsi que l'amendement n°767 rectifié bis.
Mme la présidente. - Amendement n°435 rectifié ter de M. Milon et alii.
M. Alain Milon. - De nombreux rapports - Cour des comptes, rapport Draghi - soulignent les injonctions contradictoires auxquelles l'industrie pharmaceutique est soumise, entre préservation de la souveraineté sanitaire et régulation du prix des médicaments.
Cet amendement vise à protéger les entreprises privilégiant une fabrication européenne, tout particulièrement les PME.
Mme la présidente. - Amendement n°611 rectifié de M. Masset et alii.
M. Michel Masset. - Les grandes puissances mondiales soutiennent leur industrie de produits de santé : la France doit elle aussi se doter d'un dispositif adapté.
Réduisons la pression fiscale sur les entreprises qui produisent ou sous-traitent tout ou partie de leur production en Europe et en France. C'est bon pour le tissu économique local et pour notre souveraineté, et ce sera essentiel en cas de crise sanitaire ou géopolitique.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - On comprend l'intention. Toutefois, la formulation « au moins une étape majeure de production » réalisée en Europe est trop floue. Le conditionnement constitue-t-il une étape majeure ? Qui décidera ?
Ces abattements concernent déjà les entreprises qui consentent des baisses de prix : c'est un critère pertinent.
Attention aux effets de bords : la contribution serait concentrée sur les médicaments fabriqués hors Europe, néanmoins indispensables à certains patients. Nous risquons des tensions sur les approvisionnements.
Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Avis défavorable. L'assurance maladie finance déjà les investissements des laboratoires sur le territoire via les crédits du Conseil stratégique des industries de santé (Csis) - 300 millions d'euros en 2024.
Les éléments détaillés de production ne sont pas connus pour tous les produits, ce qui rendra complexe le calcul de la contribution, alors que les laboratoires aspirent à une stabilité du cadre financier.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°435 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°58 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l'adoption | 51 |
Contre | 287 |
L'amendement n°435 rectifié ter n'est pas adopté.
L'amendement n°611 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1026 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
M. Pascal Savoldelli. - Nous proposons la création d'une nouvelle contribution de solidarité pour les entreprises pharmaceutiques qui délocalisent leur siège social, leur site de production industrielle ou de recherche. Le principe est simple : l'argent public appartient aux Français ; il doit servir à préserver leur santé, leur emploi et leur avenir, non à enrichir les actionnaires. Sanofi, entreprise massivement subventionnée par le crédit d'impôt recherche, à hauteur de 1,5 milliard d'euros en dix ans, en est un exemple : elle a décidé de fermer ses centres de recherche en oncologie dans deux villes de mon département, Vitry-sur-Seine et Gentilly, ainsi qu'à Montpellier. La vente d'Opella va fragiliser 1 700 emplois en France, 11 000 dans le monde.
Cet outil évite de démanteler la recherche et de mettre en péril notre souveraineté sanitaire. L'État n'est pas un guichet ouvert, qui agirait aveuglément. Nos valeurs républicaines imposent des contraintes.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Après les montants M et Z, vous inventez la contribution S.
Je partage votre indignation. Mais les entreprises pharmaceutiques ont des filiales partout dans le monde. Votre proposition n'est pas le bon outil et risque même d'être contre-productive en dissuadant les entreprises étrangères d'investir en France. Nous sommes pourtant bien contents d'avoir des entreprises étrangères sur nos territoires, je le vois dans mon département. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. - Même avis.
Mme Raymonde Poncet Monge. - L'amendement n'a pas pour objet de faire venir des entreprises mais de pénaliser les entreprises aidées qui quittent la France. Comment ne pas penser à Sanofi qui a engrangé des milliards grâce au crédit d'impôt recherche ? Nous vous avions pourtant alertés sur les suppressions d'emplois au profit du rachat de petites entreprises innovantes.
M. Pascal Savoldelli. - Sanofi est implantée à Gentilly depuis cent ans ! Tous les élus, de tous bords, sont rassemblés contre la fermeture du site, qui emploie 3 700 salariés, mais nous n'avons plus d'outil pour nous faire respecter, faute de fiscalité économique locale. Les dirigeants rigolent quand nous nous rassemblons. Nous avons pourtant mis des moyens considérables de l'État et des collectivités pour être attractifs - voyez la ligne 14. Oui, il faut un contrat avec l'entreprise, appuyé sur nos valeurs républicaines - ce n'est pas ça qui mettra en péril l'esprit d'entreprendre.
Madame la ministre, Sanofi, qui reçoit des milliards d'euros, a décidé de se retirer de la recherche en oncologie, mais quelles sont vos orientations stratégiques ?
L'amendement n°1026 n'est pas adopté.