Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)
Discussion de l'article liminaire
Mme la présidente. - Amendement n°I-358 rectifié de M. Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. - Cet amendement d'appel ajuste la prévision de solde structurel à moins 5,1 %, pour se rapprocher des estimations de l'OFCE, qui prévoit moins 5,3 %. Cette prévision est plus réaliste que celle du Gouvernement.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Avis défavorable, même si je comprends bien l'intention ; ces interrogations sur les prévisions de croissance, de recettes et de dépenses sont éternelles.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable. L'effet récessif des mesures prises est pris en compte.
Il s'agit d'un budget d'équilibre : il prévoit un effort, inédit, de 60 milliards d'euros, par des mesures conçues pour que l'effet récessif soit le plus limité possible. Les prélèvements obligatoires nouveaux sont ciblés et le plus souvent temporaires. Quant aux économies, elles portent sur les dépenses qui ont le plus augmenté ces dernières années, notamment pour soutenir la relance.
Je vous remercie néanmoins pour cet amendement d'appel, et votre vigilance est la même que la nôtre. Nous devrons regarder finement les réactions des différents acteurs économiques, veiller à la compétitivité de nos entreprises et maintenir notre politique de l'offre, favorable à l'emploi.
Mais si nous partageons votre vigilance, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de modifier les données de l'article liminaire.
M. Vincent Capo-Canellas. - La Commission européenne aussi prévoit un déficit de 5,3 %. Goldman Sachs s'attend à 5,4 % et d'autres économistes à un déficit plus élevé encore. Il y a un vrai questionnement, et il faudra assez rapidement faire adopter un projet de loi de finances rectificative. Le HCFP indique, en creux, que son avis a été rendu avant prise en compte de l'effet récessif. Le rendement fiscal, en particulier, reste aléatoire. Je retire mon amendement, mais il faudra ajuster la prévision au moment du PLFR.
L'amendement n°I-358 rectifié est retiré.
M. Grégory Blanc. - Je le reprends !
Mme la présidente. - Il devient l'amendement n°I-358 rectifié bis.
M. Grégory Blanc. - Il y a peu d'effet récessif, dites-vous... L'année dernière, au moment même où nous débattions, le Gouvernement avait des informations qui rendaient caduc son budget. Heureusement, notre commission des finances a travaillé pour mettre au jour ces problèmes de méthode et de gestion. Cette année, la situation est plus critique encore et, d'entrée de jeu, nous savons que les chiffres avancés sont fallacieux. Non seulement ils n'anticipent pas l'effet récessif, mais ils sont même incohérents entre eux : alors que le parc automobile s'électrifie et que le prix du pétrole devrait baisser, on prévoit une hausse du rendement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sous prétexte d'une hausse de l'activité, mais celle-ci ne se retrouve pas, par exemple, dans les chiffres de l'impôt sur les sociétés... Nous devrions débattre de chiffres étayés et sérieux.
L'amendement n°I-358 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°I-882 rectifié quater de M. Louault et alii.
M. Emmanuel Capus. - Par cet amendement d'appel, Vincent Louault attire l'attention de notre assemblée sur la nécessité de faire porter les économies prioritairement sur l'État et ses agences et comités multiples plutôt que sur les collectivités territoriales.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Avis défavorable. Il est délicat de modifier en cours de route les chiffres de la loi de programmation des finances publiques. Concentrons-nous sur le projet de loi de finances pour 2025, dont nous venons de débuter l'examen.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. - Je ne puis que vous donner raison, monsieur le sénateur. Nous disons depuis le début que les efforts doivent porter d'abord sur la baisse de la dépense. Nous devons maintenir un cap clair.
L'État est bien le premier contributeur à la baisse de dépenses : 21 milliards d'euros sur les 40 prévus. L'Assemblée nationale n'ayant pas examiné la partie du PLF relative aux dépenses, vos débats seront le révélateur de ces économies - et le Gouvernement en proposera de nouvelles par voie d'amendement.
La sécurité sociale, pour sa part, supporte 15 milliards d'euros d'économies. Quant aux collectivités territoriales, leur effort sera réduit de 5 à 2 milliards d'euros lors des débats au Sénat.
Je comprends que certains messages aient pu être brouillés du fait des votes intervenus à l'Assemblée nationale, du fait notamment du NFP, mais les deux tiers de l'effort prévu par le Gouvernement consistent bien en baisses de dépenses.
L'amendement n°I-882 rectifié quater est retiré.
M. Vincent Delahaye. - Contrairement aux années précédentes, je n'ai pas déposé mon amendement à l'article liminaire visant à en changer le titre pour parler de « déséquilibre » au lieu d'« équilibre »...
Reste que nous devons progresser en matière de compréhension des finances publiques par nos compatriotes et que cet article n'y aide guère. D'une part, il présente une situation après transferts, alors qu'il faudrait la présenter avant. D'autre part, le remboursement de la dette de la Cades figure au budget de l'État, ce qui est une anomalie. Enfin, tous les régimes de retraite ne sont pas pris en compte au sein de la sécurité sociale : une partie figure dans les charges de personnel de l'État.
Monsieur le rapporteur général, il conviendrait de s'intéresser à ces questions pour améliorer la lisibilité de cet article.
L'article liminaire est adopté.
Discussion de l'article 40
M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Michel Masset applaudit également.) Comme chaque année, il nous revient d'examiner le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. L'exercice est incertain, le montant inscrit au PLF étant prévisionnel.
Il y a quelques jours, le Conseil européen et le Parlement européen se sont accordés sur 199 milliards d'euros en crédits d'engagements et 155 milliards d'euros en crédits de paiement pour 2025. Ils ont jusqu'à la fin du mois pour approuver formellement l'accord intervenu. Comme il est d'usage, le Gouvernement devrait prochainement déposer un amendement ajustant le montant de la contribution française. Je regrette, pour la clarté de nos débats, que nous ne disposions pas cet après-midi d'une évaluation révisée. Quand cet amendement sera-t-il déposé et quel sera le montant révisé ?
Le montant actuellement prévu est de 23,321 milliards d'euros, en hausse de plus de 1 milliard d'euros par rapport à cette année. À l'avenir, une forte progression de notre contribution est à prévoir : 30,4 milliards d'euros en 2026 et 32,4 milliards d'euros en 202, selon la direction du budget. Indépendamment d'un effet cyclique au sein de la période de programmation, il y a un fait incontournable : notre contribution moyenne progresse. Elle était de 20,1 milliards d'euros par an sur la période 2014-2020 ; elle sera de 26,2 milliards d'euros par an sur la période 2021-2027. Un tel niveau de contribution est-il soutenable dans le contexte budgétaire que nous connaissons ? Quelle sera la position de la France dans les négociations portant sur le futur cadre financier pluriannuel ?
La définition de nouvelles ressources propres est indispensable. Le principe en a été arrêté dès 2020. L'engagement financier de la France au titre du plan NextGenerationEU s'élève à 75 milliards d'euros et entraînera une hausse de 2,5 milliards d'euros de notre contribution annuelle à partir de 2028. C'est une perspective préoccupante, surtout dans un contexte politique incertain - je pense notamment à la crise politique en Allemagne. Quelles sont les perspectives d'adoption de nouvelles ressources propres ?
Dans un rapport qui a fait grand bruit, l'ancien président de la BCE, Mario Draghi, alerte sur le déficit de compétitivité européenne et appelle à combler le fossé qui nous sépare de nos compétiteurs en matière d'innovation. La compétition avec la Chine et les États-Unis se fait chaque jour plus pressante. Le rapport évalue l'effort d'investissement nécessaire à 800 milliards d'euros par an et préconise une participation du budget européen mieux ciblée et plus efficace, à travers notamment l'émission d'un nouvel emprunt commun. Comment comptez-vous surmonter les contraintes politiques et économiques pour que l'Europe et la France tiennent leur rang en matière de compétitivité ?
La commission des finances recommande l'adoption sans modification de cet article. (Applaudissements sur des travées du groupe UC)
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Les bonnes nouvelles sont rares, alors saluons-les...
Nous sommes le premier pays de l'Union européenne pour la consommation des crédits du plan de relance. Depuis 2022, nous avons consommé 30 milliards d'euros, soit 76 % des fonds auxquels nous avons droit, contre 42 % en moyenne pour nos partenaires. Cette bonne performance permet le financement de chantiers comme la ligne C du métro de Toulouse ou le nouveau bâtiment de l'Ifremer à Nantes - deux exemples qui illustrent l'importance du budget européen et de ce débat.
Mais cette bonne nouvelle ne saurait éclipser deux sujets d'inquiétude.
D'abord, notre performance n'est pas du tout équivalente pour les crédits en gestion directe, ceux qui sont exécutés directement par la Commission européenne, notamment pour la rubrique n°1, visant la recherche, l'innovation et le numérique. Notre taux de retour est passé de 20 % en 2021 à 15 % en 2023. Pourquoi cette sous-consommation ? Quel bilan tirer du travail de la cellule du secrétariat général des affaires européennes (SGAE) pour la consommation des crédits européens, mise en place il y a près de deux ans ? Alors que l'argent public se fait rare, nous ne pouvons pas nous permettre de nous priver de ces crédits. D'après le SGAE, nous pourrions percevoir 2 milliards d'euros supplémentaires en optimisant nos taux de retour.
Ensuite, le remboursement de l'emprunt européen de 750 milliards d'euros commencera en 2028. De nouvelles ressources propres doivent être mobilisées afin d'éviter un ressaut des contributions nationales. Je vous ai souvent sollicité, monsieur le ministre, sur ce sujet. Il est essentiel d'avancer, car c'est une ombre menaçante sur nos finances publiques. La Cour des comptes a d'ailleurs souligné que l'absence de cet engagement au bilan de l'État constituait une anomalie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Henno . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) C'est un plaisir et une fierté de monter à cette tribune pour parler de l'Europe.
Le prélèvement sur recettes au profit de l'UE s'élève à 23,3 milliards d'euros, en hausse de plus de 1 milliard d'euros par rapport à cette année. Si on ajoute à ce montant les droits de douane versés au budget européen, notre contribution s'élève à 25,3 milliards d'euros, pour un retour de 16,5 milliards d'euros, essentiellement au titre de la PAC et de la politique de cohésion. La PAC, qui nous rapporte 9 milliards d'euros par an, doit demeurer une priorité pour la France ; souvenons-nous de la constance de Jacques Chirac en la matière.
La France est contributrice nette au budget de l'Europe, mais, sans reprendre le propos fameux de Margaret Thatcher - « I want my money back » -, je rappelle que les retombées économiques de la paix en Europe et du marché intérieur pour notre pays sont bien supérieures à notre contribution.
Je partage toutefois les inquiétudes du rapporteur spécial. Le montant de la contribution française sera de plus de 30 milliards d'euros en 2026 et de 32 milliards d'euros en 2027. Un travail d'économies sur le fonctionnement des instances européennes doit s'ouvrir.
Par ailleurs, l'utilisation par la France des fonds européens se heurte à des obstacles bureaucratiques. Il n'existe pas moins de huit fonds européens. Les maires sont nombreux à faire part de leur désarroi devant les procédures complexes et les délais de versement trop longs.
La France a un taux de certification de 35 %, loin de pays comme le Danemark ou la Roumanie, qui demandent des rallonges de crédits, alors que nous en reversons faute de les avoir utilisés. Il est essentiel de simplifier les procédures et de les rendre plus lisibles. Faciliter l'accès des collectivités territoriales aux fonds européens est un enjeu primordial pour le financement des investissements nécessaires dans les prochaines années, notamment dans le cadre de la transition écologique.
Depuis 2014, les régions ont le statut de gestionnaires de fonds européens. Mais il existe des disparités régionales importantes dans l'utilisation des fonds européens, qui traduisent des modes de gestion et des stratégies variées. Certaines régions ont surprogrammé pour se prémunir contre un risque de sous-utilisation. Le délai moyen de versement est de deux à trois ans : on peut faire mieux.
Le Gouvernement doit se saisir de ce problème et faciliter l'accès des collectivités territoriales aux fonds européens. Si le taux de certification était supérieur à 50 %, la présence de l'Union européenne et sa nécessité seraient aussi plus incarnées dans nos territoires.
Oui, l'Europe a un coût, mais il est nécessaire. Le groupe UC votera cet article. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)
M. Pierre Barros . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Le prélèvement sur recettes de la France au profit de l'Union européenne s'élèvera l'année prochaine à 23,3 milliards d'euros, un montant en hausse de 7,9 %.
Cette hausse n'est qu'un début. Dans un rapport du 25 juillet 2023, la Cour des comptes indique que, faute de nouvelles ressources propres, la France sera contrainte de relever sa contribution de 2,5 milliards d'euros par an pendant trente ans : c'est alarmant.
Les nouvelles ressources envisagées sont issues du système de quotas carbone, du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et de bénéfices de certaines multinationales. Ces ressources sont injustes, volatiles et font la part belle au capital. Pourquoi ne pas s'accorder sur la taxation des transactions financières proposée par la Commission européenne ?
Alors que la France est visée par une procédure de déficit excessif, le Premier ministre nous prépare une cure d'austérité mettant à contribution les Français et les services publics. Nous n'acceptons pas que les peuples européens paient davantage encore le prix du carcan du pacte européen de stabilité et de croissance. En 2024, d'après Eurostat, 95 millions d'Européens sont déjà menacés de pauvreté ou d'exclusion sociale. Et demain ?
Par ailleurs, la contribution de la France est majorée par les rabais accordés à d'autres pays : Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas et Suède. La France est le premier contributeur à ces rabais, à hauteur de 1,5 milliard d'euros.
Nous pouvons légitimement douter de l'efficacité de notre contribution, d'un point de vue strictement comptable. La France est le deuxième pays contributeur net, avec un solde de 9,3 milliards d'euros en 2023. Or elle n'est n'est que le vingt-deuxième bénéficiaire des dépenses européennes, avec 242 euros par habitant la même année.
Nous restons certes le premier pays bénéficiaire de la politique agricole commune. Mais en signant à tour de bras des accords de libre-échange, la Commission européenne reprend d'une main ce qu'elle donne de l'autre : nos agriculteurs en sont les premières victimes.
Dans le cadre financier 2021-2027, les crédits alloués à la protection de l'environnement ont légèrement augmenté, mais ceux consacrés au contrôle des migrations ont explosé de 700 % ! Quant aux crédits alloués aux investissements stratégiques, ils sont largement insuffisants : 7 milliards d'euros sur un budget de 147 milliards. La volonté de liquider Fret SNCF en est l'illustration.
Nous devrions investir massivement pour soutenir un développement industriel en phase avec la préservation du vivant. M. Draghi lui-même nous alerte dans son rapport sur la lente agonie économique européenne. Notre modèle est obsolète et nous mène droit dans le mur !
Le groupe CRCE-K votera contre l'article 40. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Jacques Fernique . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous n'avons pas simplement cet après-midi à entériner une contribution financière qui matérialise notre engagement européen, même si, bien sûr, le GEST confirmera par son vote sa volonté européenne.
Il ne s'agit pas simplement non plus de répondre aux critiques fondées sur une logique comptable et transactionnelle, la même qui a conduit le Royaume-Uni au Brexit, et qui lui coûte 120 milliards d'euros par an.
La contribution nette de la France en 2023 a été de 7,3 milliards d'euros. Avec l'ensemble des ressources propres, le solde net négatif est de 9,3 milliards d'euros. Oui, c'est beaucoup ! Mais c'est bien moins que les bénéfices du marché commun, de l'euro et de la mutualisation des projets de recherche et d'innovation. Seule l'UE a la taille critique pour déployer des programmes de taille comparable à ceux des États-Unis et de la Chine. C'est bien moins aussi que les bénéfices de la paix garantie par l'Union européenne.
Prenons la mesure des menaces qui pèsent sur nous et des exigences budgétaires qui en résultent : la menace de ne pouvoir faire face aux échéances de remboursement du plan post-Covid et la menace liée à la guerre russe en Ukraine.
Le rapport Draghi le confirme, nous devons intensifier notre action en matière de transition écologique, d'industrie et de sécurité commune. Il faut de nouvelles ressources propres pour ne pas être contraints de sacrifier des pans entiers de l'action européenne. Et ce n'est pas la ressource plastique qui y suffira, même si notre pays en est le triste champion, lui qui en consomme bien trop et en recycle si peu...
Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ou la taxation à 15 % des bénéfices des multinationales sont des perspectives intéressantes, mais dont la concrétisation semble encore loin. Il faut une décision unanime du Conseil, puisque chaque État approuve ces mesures selon ses propres règles. Comment réussir ce cheminement décisionnel ? Comment y gagner l'adhésion démocratique des peuples ?
Je parle d'adhésion démocratique, alors que le scrutin européen a donné à l'extrême-droite près d'un tiers de l'hémicycle et qu'un vice-président de la commission est issu du néo-fascisme et du même groupe que Marion Maréchal.
Ce n'est pas avec des nationalistes réactionnaires, pro-Poutine, anti-sociaux, anti-migrants, sourds à la biodiversité et climato-sceptiques (M. Joshua Hochart proteste.) que l'Union européenne répondra aux menaces grandissantes et donnera corps aux propositions du rapport Draghi. Le Gouvernement est-il déterminé à raviver en Europe une ligne démocrate et pro-européenne ? Saurons-nous réactiver l'espoir européen ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Luc Brault applaudit également.)
Mme Florence Blatrix Contat . - La contribution de la France à l'Union européenne s'établit à 23,3 milliards d'euros pour 2025, soit 1 % de notre revenu national brut. Son augmentation notable, de près de 8 %, s'explique par la faiblesse de la contribution de 2024, due à des retards de paiement des fonds de cohésion.
Notre contribution, qui était d'environ 20 milliards d'euros dans les années 2010, s'établit désormais autour de 25 milliards d'euros. Le Brexit a augmenté mécaniquement notre part dans le budget européen, de 15 % à 17 %. Des crises d'une ampleur inédite - crise climatique, Ukraine, pandémie, tensions commerciales - ont exigé une révision à la hausse du cadre financier pluriannuel, mettant en lumière les limites du modèle de financement de l'Union européenne, basé quasi exclusivement sur les contributions nationales. Pour la France, ce sont 75 milliards d'euros supplémentaires à horizon 2058, soit 2,5 milliards d'euros en plus chaque année.
Les taux de retour sont décevants : les dépenses européennes en France représentaient 16,5 milliards d'euros en 2023, dont 60 % pour la PAC. La France n'est que le 22e bénéficiaire par habitant. Est-ce satisfaisant ? Non, nous devons faire mieux, notamment sur Horizon Europe.
L'Europe a-t-elle les moyens de son ambition ? Les défis sont immenses. Un budget limité, assis sur les contributions nationales, est une impasse. Le rapport Draghi le dit : il faut un choc d'investissement, financé par des ressources autonomes. L'extension du marché carbone européen, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et la taxation des multinationales sont des solutions concrètes, mais donc l'adoption est bloquée par la logique d'examen par paquets.
Il faut aussi un nouvel emprunt européen, reposant sur des ressources propres pérennes, pour financer la défense européenne, des infrastructures décarbonées, les transports du quotidien, etc. Nous défendons une Europe qui prend son destin en main et qui investit pour créer des actifs durables et renforcer sa souveraineté.
Nous sommes à un moment charnière. Alors que les États-Unis et la Chine avancent à grands pas, l'Europe reste empêtrée par ses limitations financières. Notre capacité à construire un avenir prospère est menacée.
La révision du cadre financier pluriannuel a conduit à une augmentation de notre contribution, mais nos budgets nationaux ne peuvent tout porter.
Le groupe SER votera cet article 40, mais appelle à un sursaut pour une Europe écologique, souveraine, compétitive et protectrice. Tels sont les enjeux du cadre financier pluriannuel présenté en 2025.
À nous parlementaires de faire en sorte que l'Europe soit toujours un moteur de paix, une force de progrès et un espace de prospérité partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La participation de la France au budget de l'Union européenne en 2025 est en hausse de 4,79 % par rapport à 2024. Cela s'explique par la reprise des paiements de cohésion et par la faible augmentation des ressources propres traditionnelles. Notre contribution devrait augmenter plus fortement en 2026 et 2027, notamment au titre du financement de Next Generation EU.
La France est toujours la deuxième contributrice au budget de l'Union européenne, derrière l'Allemagne. N'oublions pas ce que l'Union nous apporte, directement et indirectement. L'Union n'a jamais été une option, elle l'est de moins en moins.
Nous devons lui donner les moyens de répondre aux enjeux de transition, de défense, d'innovation, etc. Plus que jamais, l'Union européenne doit être solidaire et puissante.
Des chantiers sont devant nous : la rationalisation des instruments existants, la révision du prochain cadre financier pluriannuel, la création de nouvelles ressources propres.
Mais l'Union européenne doit aussi se penser et se considérer comme puissance, les conflits en cours à nos portes nous y obligent. Si nous n'acceptons pas de contribuer, quels Européens décidons-nous d'être ?
Nous devons suivre les recommandations de Mario Draghi et d'Enrico Letta : démocratie, marché commun, climat, défense, autonomie stratégique. Comme Julia Kristeva, je pense que sans l'Europe, ce sera le chaos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Michel Masset applaudit également.)
M. Alain Cadec . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec un transfert de plus de 23 milliards d'euros, auquel il faudra ajouter au moins 2 milliards de ressources propres traditionnelles, notre contribution au budget de l'Union européenne sera de près de 26 milliards d'euros l'an prochain. C'est considérable : 7 % des recettes fiscales nettes de l'État. Ce serait l'une des missions budgétaires les mieux dotées.
Si l'on tient compte des retours, le solde passe sous la barre des 10 milliards d'euros. N'oublions pas que nous bénéficions également d'au moins120 milliards grâce au marché unique, soit 4 points de PIB !
Ce transfert est un geste financier fort auquel nous souscrirons en votant l'article 40. C'est aussi un engagement politique sans équivoque.
Car face à la menace russe, à la concurrence chinoise et à la prise de distance des États-Unis, l'Europe est la bonne échelle pour relever les défis du temps. Pour cela, elle devra voir le monde tel qu'il se dessine et livrer des batailles, notamment économiques. Enrico Letta et Mario Draghi l'ont rappelé : l'Europe doit accélérer sa transformation économique, face notamment aux politiques commerciales agressives chinoise et américaine. L'Union européenne doit intégrer de nouveaux concepts comme celui de la réciprocité - voyez l'exemple douloureux de l'accord UE-Mercosur.
La performance des entreprises passe par l'efficacité réglementaire et la retenue bureaucratique. Elle passe aussi par des prix de l'énergie maîtrisés - avec une réforme du marché de l'électricité et le soutien à la filière nucléaire. Des réformes fondamentales devront être mises en oeuvre, mais seront insuffisantes si l'Europe n'investit pas massivement et vaines si les technologies de demain ne sont pas soutenues.
Les besoins financiers colossaux relancent le débat sur la taille de budgets européens et surtout sur l'emprunt. Mais comment s'engager plus avant, alors que seulement un tiers des fonds de relance post-covid ont été consommés et que le financement du plan Next Generation EU n'est toujours pas bouclé ?
La question des nouvelles ressources propres reste en suspens. Certes la commission a fait des propositions en 2021 et 2023, mais les divergences entre États membres sont fortes. Or chaque jour la question devient plus urgente. Le remboursement du principal de l'emprunt européen commencera dans trois ans. Il faudra alors trouver a minima 15 milliards d'euros supplémentaires chaque année. Sans nouvelles ressources propres, cela se traduira par un ressaut de la contribution française de 2 milliards d'euros. Nous devons donc aboutir sur les nouvelles ressources propres et mettre en place l'union des marchés des capitaux pour mobiliser l'épargne inexploitée.
Nous devons aussi exiger la fin des rabais financés par la France à hauteur de 1,4 milliard d'euros par an, au bénéfice d'États membres plus riches qu'elle. Les retombées des politiques communautaires sur le territoire français sont passées de 17 % il y a une vingtaine d'années à 11,5 %. Certes, l'Europe s'est élargie, mais il existe des gisements financiers sous-utilisés, que nous devons capter, car l'efficacité doit être le maître-mot de la France comme de l'Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Georges Patient . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Pour 2025, la contribution française à l'Union européenne sera de 23,3 milliards d'euros, en augmentation de 1,7 milliard d'euros par rapport à 2024.
La France est le deuxième contributeur, mais surtout le premier bénéficiaire en volume des financements de l'Union européenne, pour 16,5 milliards d'euros dont 9,5 milliards au titre de la PAC.
La contribution française nette à l'Union européenne sera de plus de 7 milliards d'euros l'année prochaine. S'y ajoutent 2 milliards d'euros issus des ressources propres traditionnelles - principalement les droits de douane - ce qui porte la contribution nette totale à 9 milliards d'euros.
Le prélèvement sur recettes augmentera significativement en 2026, à 30,4 milliards d'euros, et en 2027, à 32,4 milliards d'euros ; il faut donc impérativement prévoir de nouvelles ressources propres, notamment pour rembourser l'engagement de la France au titre de l'emprunt NextGenerationEU qui avoisine les 75 milliards d'euros.
En 2023, la Commission européenne a proposé plusieurs mécanismes pour un financement durable : 30 % des recettes du système européen d'échanges de quotas de CO2 ; un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, pour 1,5 milliard d'euros annuels, et la taxation des bénéfices des multinationales, pour 2,5 à 4 milliards d'euros annuels. La commission propose aussi une ressource temporaire assise sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises, pour 16 milliards d'euros annuels entre 2028 et 2030.
Le RDPI sera attentif à ce que nous nous accordions sur de nouvelles ressources propres et votera bien sûr l'article 40. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Pour 2025, notre prélèvement sur recettes s'établit à 23,3 milliards d'euros.
La relance économique post-covid a conduit les États membres à lancer le plan NextGenerationEU, doté de 750 milliards d'euros. Mais son remboursement ne doit pas peser sur les États membres : cherchons plutôt de nouvelles ressources propres. Le RDSE propose ainsi de taxer le carbone et les géants du numérique.
Le soutien européen à l'Ukraine nous a conduits à financer notre indépendance énergétique vis-à-vis du gaz russe.
L'Assemblée nationale a rejeté cet article 40. Le Sénat va l'adopter, mais cela ne doit pas nous exonérer d'une réflexion sur l'état de l'Union européenne et ses perspectives d'évolution. Face à la défiance, renforcer le parlementarisme européen est indispensable pour légitimer les nouvelles dépenses européennes. Le renforcement de notre souveraineté politique et budgétaire est urgent au regard de l'actualité américaine : saurons-nous nous défendre sans l'aide des États-Unis ?
Selon la Commission européenne, le défi climatique va nous imposer 3 600 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2050. Pour être soutenables, cet effort doit être mutualisé.
La France bénéficie de son adhésion à l'Union européenne. Sans la PAC, notre agriculture n'aurait pu faire sa mue pour la transition écologique ni relever les nouveaux défis.
La contribution française renforce notre capacité à faire face aux enjeux contemporains. Le RDSE votera très majoritairement l'article 40. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Frédéric Buval applaudit également.)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Je vous remercie pour la qualité de nos échanges.
Notre contribution au budget européen est un enjeu d'influence dans les débats budgétaires européens, à la veille de la négociation d'un nouveau cadre financier pluriannuel. Vous avez rappelé les priorités qu'y portera la France, dans un contexte marqué par l'agression de l'Ukraine par la Russie, les élections américaines, les enjeux d'investissements du rapport Draghi, entre autres. Voter ce prélèvement sur recettes, c'est continuer à porter la voix de la France.
Vous avez été nombreux à souligner la contribution nette de la France au budget de l'Union européenne. MM. Rapin et Patient ont aussi rappelé que la France est le deuxième bénéficiaire des fonds européens : NextGenerationEU bénéficie à nos territoires et la PAC à nos agriculteurs.
Messieurs Fernique et Cadec, on ne peut pas avoir une approche purement transactionnelle de cette contribution. Le budget de l'Union européenne n'est pas un bilan comptable avec des entrées et des sorties. Les bénéfices pour nos entreprises, nos agriculteurs, dépassent largement les subventions, sans parler des étudiants et des touristes.
L'augmentation du prélèvement sur recettes pour 2025 n'est pas une surprise, car elle s'inscrit dans la trajectoire du cadre financier pluriannuel, mais elle s'explique par des retards de décaissement du fonds de cohésion. Il y a un effet de rattrapage.
Monsieur le président Rapin, vous avez évoqué l'amélioration de la mobilisation des fonds européens - la maximisation des retours, en langage technocratique. Oui, nous sommes sous-performants, notamment sur la recherche et l'outre-mer. Notre responsabilité est collective : nous devons mieux communiquer sur ces dispositifs et accompagner les acteurs.
Sur la recherche, on constate un biais culturel, un déficit de communication et un manque de coordination entre les centres de recherche et les entreprises. Nous avons l'occasion de solliciter davantage de fonds européens. Patrick Hetzel et moi-même réunirons les acteurs dès le début de l'année 2025 pour élaborer une stratégie. Il en ira de même pour l'outre-mer. Allons chercher l'argent de Bruxelles, là où il est !
La France plaide pour le développement de nouvelles ressources propres, pour rembourser NextGenerationEU, mais aussi pour faire face aux nouvelles priorités européennes - le rapport Draghi évoque un déficit d'investissement de 800 milliards d'euros sur le continent, qui nécessitera des fonds privés et publics.
Le Président de la République a évoqué plusieurs pistes de nouvelles ressources propres, dans son discours Sorbonne II : taxation des transactions financières, taxe carbone aux frontières, entre autres. Reste à établir un consensus avec nos partenaires.
Le cadre financier pluriannuel sera l'occasion de faire entendre nos priorités : augmentation des moyens pour l'Europe de la défense, émergence d'une Europe puissance sur le plan commercial, soutien à l'innovation, etc.
La France bénéficie de son appartenance à l'Union européenne et elle est plus forte lorsqu'elle est influente en Europe.
Le Brexit a été évoqué : en entrant dans une logique transactionnelle, on glisse vers une politique du rabais, jusqu'à la sortie de l'Union européenne, avec les conséquences économiques et diplomatiques que l'on sait. Le Royaume-Uni est aujourd'hui appauvri et isolé.
Le Gouvernement est mobilisé pour défendre l'influence française à Bruxelles.
Mme la présidente. - Amendement n°I-566 de M. Hochart et alii.
M. Joshua Hochart. - Nous souhaitons réduire la contribution de la France à l'Union européenne, de 23 à 18 milliards d'euros. Notre pays est le dernier grand contributeur net à ne bénéficier d'aucun rabais, contrairement à l'Allemagne et aux Pays-Bas. C'est incompréhensible, surtout en ces temps de crise budgétaire.
Pis, cette contribution a vocation à augmenter - plus de 30 milliards d'euros en 2027. Il faut stopper la folie de l'Union européenne ! Et comme l'Union européenne ne comprend que la force, il faut envoyer un signal fort à Bruxelles. L'Union européenne doit apprendre à faire mieux avec moins, en se recentrant sur ses missions premières.
Cet ajustement financier financerait nos priorités nationales, comme la réduction de la dette.
Mme la présidente. - Amendement n°I-172 de Mme Goulet.
Mme Nathalie Goulet. - Je suis bien ennuyée que mon amendement soit en discussion commune avec le précédent : les deux n'ont pas grand-chose à voir. Sur l'Union européenne, je partage ce qu'a dit Olivier Henno.
Monsieur le ministre, rien n'y fait : ni les rappels de Gérald Darmanin, ni les travaux de Nathalie Loiseau ou de François-Xavier Bellamy, ni mes rappels au règlement, interventions à la tribune ou questions d'actualité. Les financements européens au profit d'entités liées aux Frères musulmans ou à l'islam radical se poursuivent, dans une opacité parfaite.
J'ai fouillé dans le budget de l'Union européenne, et c'est affolant ! On finance l'université islamiste de Skopje ou des associations qui promeuvent le port du voile et l'antisémitisme. Alors qu'hier vous étiez au Crif pour lutter contre l'antisémitisme, des No-Jew Zones font leur apparition à Berlin !
Il faut arrêter de financer les ennemis de la République au nom de la diversité. C'est pourquoi je propose de baisser la contribution française de 80 millions d'euros, jusqu'à ce que l'Europe entende raison.
M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial. - Monsieur Hochart, un rabais ne se décide pas tout seul ! Cela se négocie, sinon c'est un coup d'État. (M. Joshua Hochart ironise.) Avis défavorable.
Madame Goulet, je suis d'accord : l'argent européen ne doit pas financer de structures liées à l'islam radical. Mais il s'agit ici d'un exercice budgétaire : votre amendement réduirait unilatéralement notre contribution à l'Union européenne, ce qui ne serait pas acceptable dans un État de droit. Retrait ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué. - Je partage les arguments du rapporteur spécial sur les deux amendements.
Madame Goulet, je vous remercie pour votre combat. Avec Bruno Retailleau, nous nous sommes engagés pour demander l'arrêt des financements en direction de l'université de Gaziantep.
L'Union européenne est une union des valeurs : les fonds européens n'ont pas à soutenir des organisations liées à l'islam radical, aux Frères musulmans ou qui prônent l'antisémitisme. Nathalie Loiseau et François-Xavier Bellamy ont permis de mettre fin à un certain nombre de financements et je les en remercie. Nous serons intraitables pour défendre nos valeurs.
Avis défavorable aux deux amendements, pour les raisons comptables indiquées par le rapporteur spécial.
L'amendement n°I-566 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°I-172.
À la demande du RDPI, l'article 40 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°79 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 322 |
Contre | 21 |
L'article 40 est adopté.
Discussion des articles de la première partie
L'article 1er est adopté.
Après l'article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°I-1930 rectifié bis de M. Sautarel et alii.
M. Stéphane Sautarel. - On compte 474 dispositifs de dépenses fiscales dans le PLF 2025, pour plus de 85 milliards d'euros. Ces niches sont sous-estimées : certaines ont été déclassées depuis 2006 et elles sont mal évaluées. Alors que l'inspection générale des finances (IGF) avait pointé leur faible efficacité en 2011, elles ont toutes été maintenues, faute de volonté politique.
Je propose d'en supprimer 40, dont le fait générateur est éteint, pour 351 millions d'euros.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Avis du Gouvernement ? Ce n'est pas aussi simple qu'il y paraît. Certes, le fait générateur est éteint, mais certaines peuvent avoir encore des effets. Attention à ne pas faire plus de mal que de bien.
M. Antoine Armand, ministre. - Votre intention est louable. J'ai là le rapport 2025 sur les dépenses fiscales. (L'orateur brandit le rapport.)
Oui, elles sont nombreuses et insuffisamment évaluées, c'est pourquoi je vous proposerai d'y travailler dans les prochains mois. Mais ce n'est pas parce que le fait générateur est éteint que la dépense fiscale ne produit plus d'effets.
De plus, supprimer une dépense fiscale, ce n'est pas supprimer une dépense publique, c'est augmenter un impôt.
Retrait, sinon avis défavorable.
M. Stéphane Sautarel. - Merci au rapporteur général pour sa bienveillance. La réponse du ministre ne me surprend pas ; il s'agissait d'un amendement d'appel.
Cela dit, chaque année, nous nous donnons rendez-vous l'année prochaine... Faisons une vraie revue de ces dépenses fiscales, dont la suppression aura un effet sur le solde public.
Un autre amendement, déclaré irrecevable, visait à limiter les dépenses fiscales dans la durée, car il est étrange de s'interroger sur la pertinence d'une mesure dix-huit ans après son adoption...
L'amendement n°I-1930 rectifié bis est retiré.
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°I-1666 de M. Grégory Blanc et du GEST.
M. Grégory Blanc. - Avec la fin de la crise du covid et de la crise inflationniste, nous entrons dans un nouveau cycle : nous allons devoir rembourser. D'où une hausse de la fiscalité, que l'on constate dans tous les pays occidentaux. Le débat est le suivant : qui paie ? Selon quelle justice ?
À nos yeux, l'impôt sur le revenu est le plus juste, même s'il est perfectible. Nous proposons de créer quatorze tranches, avec une progressivité plus forte pour épargner les classes populaires.
Chacun doit avoir le sentiment de payer de manière juste et progressive, dans un objectif de renforcement la cohésion sociale.
Mme la présidente. - Amendement n°I-652 rectifié de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.
M. Pascal Savoldelli. - Monsieur le ministre, avec M. Laurent Saint-Martin, vous nous avez appelés à un effort de redressement, partagé.
On vous prend au mot : sur qui faire porter l'effort ? Sans caricature.
Nous baissons l'impôt des contribuables gagnant moins de 60 000 euros annuels et augmentons celui des autres, selon un barème à dix tranches Ainsi, plus de 26 millions de foyers fiscaux seront gagnants, car nous demanderons plus d'efforts aux 14 % des foyers qui gagnent la moitié des revenus. Nombre de travailleurs au Smic aimeraient gagner 60 000 euros...
Nous voulons mettre fin à la troisième tranche fleuve, qui regroupe les revenus compris entre 29 000 et 83 000 euros. Comment accepter que l'imposition soit de 30 % pour tous ces revenus ?
Voilà une proposition responsable... et acceptable.
Mme la présidente. - Amendement n°I-902 de M. Cozic et du groupe SER.
M. Thierry Cozic. - Le débat est lancé !
Nous proposons d'instaurer un barème en dix tranches, pour une réelle progressivité de la contribution citoyenne.
La dégressivité de notre système fiscal est bien documentée : en témoignent les travaux de Thomas Piketty et le rapport « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? » de l'Institut des politiques publiques. Ils soulignent une injustice flagrante, car les impôts proportionnels - cotisations sociales ou CSG - pèsent beaucoup plus lourdement sur les salaires modestes.
L'échec de la politique de l'offre menée depuis 2017 a créé un fossé socio-économique : les milliardaires ne s'acquittent que de 2 % sur leurs revenus économiques, tandis que les contribuables ordinaires acquittent en moyenne un impôt à hauteur de 50 % de leurs revenus.
Une réforme s'impose, pour rétablir l'équité fiscale et garantir la justice sociale.
Mme la présidente. - Amendement n°I-653 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.
M. Pierre Barros. - Comme chaque année, le barème de l'impôt sur le revenu est revalorisé à hauteur de l'inflation. Cette indexation concerne toutes les tranches - c'est égal -, mais les plus aisés en profitent davantage - ce n'est pas équitable. Le seuil d'imposition de la première tranche est décalé de 226 euros ; celui de la dernière, de 3 542 euros...
Cette injustice est scandaleuse. Nous proposons de récupérer une partie des 3,27 milliards d'euros de pertes de recettes.
Mme la présidente. - Amendement n°I-913 rectifié de M. Cozic et du groupe SER.
M. Thierry Cozic. - Il s'agit de l'une de nos vingt propositions de recettes : la désindexation des deux tranches les plus élevées du barème de l'impôt sur le revenu.
Selon l'Insee, moins de 1 % des Français sont concernés par ces très hauts revenus, et ils bénéficient déjà de maintes mesures avantageuses. Leur demander un effort supplémentaire n'est pas déraisonnable, après sept ans de cadeaux fiscaux macronistes. Selon le simulateur Lex Impact, cela rapporterait 200 millions d'euros, sans impact sur 99,99 % des contribuables. Ceux qui seront touchés s'acquitteront d'au plus 322 euros supplémentaires, soit moins de 0,2 % de leur revenu fiscal.
Mme la présidente. - Amendement identique n°I-1095 rectifié de Mme Pantel et alii.
M. Jean-Yves Roux. - Nous voulons nous aussi améliorer la progressivité de l'impôt sur le revenu, en supprimant l'indexation sur l'inflation des deux tranches les plus élevées du barème, qui concernent 2 % des contribuables.
C'est un amendement de bon sens : les plus hauts revenus doivent contribuer davantage à l'effort pour redresser nos finances publiques, pour 200 millions d'euros.
Mme la présidente. - Amendement identique n°I-1433 rectifié de M. Buval et alii.
M. Bernard Buis. - Il a été excellemment défendu !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Pas de suspense : avis défavorable.
Plus de 70 % du produit de l'impôt sur le revenu pèse sur 10 % des Français. Le PLF contient en outre une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
Rappelons que la France a déjà le niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé d'Europe. Pierre Moscovici, alors ministre, dénonçait un ras-le-bol fiscal. Restons prudents, les cendres sont encore chaudes...
M. Antoine Armand, ministre. - Le débat sur l'impôt sur le revenu est intéressant. Le rapporteur général l'a dit : 10 % des Français paient 75 % de l'impôt sur le revenu.
Les premiers amendements risquent d'être censurés par le Conseil constitutionnel, car on s'approche de la confiscation fiscale.
Cela dit, au-delà du taux facial, c'est la multiplication des niches qui conduit à ce que les plus riches paient moins d'impôts que les plus modestes en pourcentage de leurs revenus.
Le Gouvernement a choisi de ne pas taxer le travail. Imposer aussi lourdement le travail des Français, à la limite du confiscatoire, revient à sortir de la logique d'équité, alors que l'impôt est déjà très progressif.
Avis défavorable à tous les amendements.
M. Grégory Blanc. - L'an dernier, le dogme, c'était la stabilité fiscale, parce qu'il fallait de la visibilité pour les acteurs économiques. Oui, il faut de la visibilité, mais avec sérieux !
À juste titre, l'État est intervenu au moment de la crise du covid et de la crise de l'inflation. Maintenant, il faut rembourser. Vous dites que vous allez taper la sécurité sociale, que vous allez mettre à contribution les riches ou les entreprises qui gagnent le plus, de manière symbolique. Et vous mettez l'accent sur la baisse de la dépense. Mais soyons sérieux : la hausse de la fiscalité est inévitable ! Beaucoup parlent d'ailleurs déjà de la hausse de la TVA...
Les baisses d'impôts coûtent 50 à 60 milliards d'euros par an. On a soutenu les entreprises pendant les crises. Et la hausse de la fiscalité ensuite, pour qui ? Une hausse de la TVA ce sera une hausse de la fiscalité pour tous, alors que la progressivité conduit à une juste répartition de l'effort.
L'impôt sur le revenu, c'est une déclaration fiscale remplie par tous. Il faut davantage de progressivité.
M. Thierry Cozic. - Je note la constance des propos : l'impôt sur le revenu est payé à 75 % par 10 % des foyers les plus riches, d'après le ministre. Mais la progressivité n'est pas là ! La TVA, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la taxe foncière ne sont pas des impôts progressifs, mais régressifs. Plus les gens sont modestes, plus la TVA pèse dans leurs revenus !
Pascal Savoldelli l'a dit : on a, au milieu du barème, une tranche pour les revenus de 29 000 euros à 84 000 euros. Où est la redistribution ?
Le Gouvernement dit que l'impôt sur le revenu est redistributif et progressif, mais entre 2017 et 2023 le rendement de la TVA a progressé de 36,8 %, quand les recettes de l'impôt sur le revenu n'ont augmenté que de 23 %. On a donc pris davantage d'argent dans la poche des Français qui paient la TVA que dans celle de ceux qui paient l'impôt sur le revenu !
M. Pascal Savoldelli. - J'espérais que le rapporteur général et le ministre allaient chiffrer le coût de nos amendements - M. Cazenave l'avait fait en son temps. Le rapporteur général avait refusé tous les amendements ayant trait à la progressivité, avec la même cohérence.
Monsieur le ministre, ne le prenez pas mal, mais il faut être cohérent. L'année dernière, sur la loi Immigration, le Gouvernement a déposé des amendements qu'il savait anticonstitutionnels. Alors, ne nous sortez pas l'argument de l'anticonstitutionnalité !
Mme Nathalie Goulet. - Bravo !
M. Pascal Savoldelli. - Des millions de gens voudraient payer l'impôt, mais ne le peuvent pas, alors qu'ils travaillent. Je ne pensais pas qu'un jour on aurait une discussion sur une catégorie de Français qu'on appelle désormais les bas salaires.
L'amendement noI-1666 n'est pas adopté, non plus que les amendements nosI-652 rectifié, I-902, I-653, I-913 rectifié, I-1095 rectifié et I-1433 rectifié.
L'article 2 est adopté.