Questions d'actualité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Violences faites aux femmes (I)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.) Chaque année, entre 120 et 130 femmes sont tuées par l'homme dont elles partageaient ou partagent la vie. Ce chiffre, tristement stable, est déjà révoltant, mais loin de la vérité. Car il faut y ajouter les 800 tentatives de suicide de femmes victimes de harcèlement moral ou de violences répétées - un tiers d'entre elles vont mourir. Ce n'est pas une femme tous les trois jours, mais une femme chaque jour qui meurt en raison de la violence de l'homme !

Le harcèlement moral est un crime depuis 2020, mais qu'avons-nous fait depuis ? Pas de circulaire spécifique, pas de formation des professionnels, pas d'enquête systématique.

Et que fait-on pour le demi-millier de femmes qui ont survécu à leur tentative de suicide ? On les sauve, ou on attend ? Que comptez-vous faire, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du groupe INDEP et du RDSE)

Mme Salima Saa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes .  - Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre l'a dit : il n'y aura aucune tolérance. Paul Christophe et moi-même sommes engagés à lutter contre ces violences. En témoignent nos annonces ambitieuses de ce lundi : augmentation de 10 % des crédits de l'aide universelle d'urgence ; renforcement de la formation des forces de l'ordre ; simplification des démarches.

En 2023, 250 femmes auraient été poussées au suicide par leur conjoint. Yael Mellul défend leur comptabilisation dans les féminicides. Le comptage des suicides forcés - notion introduite dans le code pénal en 2020 - dans le nombre de féminicides fait sens. Certains accusent l'État de nier volontairement ces violences pour diminuer le nombre de féminicides : en 2023, on compte 94 féminicides sans les suicides forcés, mais 344 avec.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Salima Saa, secrétaire d'État.  - Ce lundi, nous avons annoncé l'évolution de la grille d'évaluation du danger et du masque de plainte pour prendre en compte toutes les formes de violences. (On s'impatiente sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous engageons une formation massive sur l'accueil des victimes et le soutien psychologique. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Laurence Rossignol.  - En vingt-cinq ans, tous les Premiers ministres ont dit leur détermination à lutter contre les violences faites aux femmes, mais les chiffres restent affreusement stables.

Ma question concernait l'accompagnement des femmes ayant déjà fait une tentative de suicide. Vous nous avez juste redonné les chiffres déjà connus. Ce n'est pas ce que j'attendais. Nous voulons des actes ! (Applaudissements à gauche)

Violences faites aux femmes (II)

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - Alors que les réquisitions du procès des viols de Mazan résonnent dans le tribunal d'Avignon, le monde entier regarde Gisèle Pélicot avec admiration. Toutes les femmes le savent : si l'ampleur de ces violences est sans précédent, le geste est commun. Ce n'est pas un fait divers, mais un fait de société. En 2023, 3 millions de femmes ont été victimes de violences sexuelles - seulement 6 % ont porté plainte. À La Réunion, 15 % des femmes sont victimes de violences conjugales. Où en est la grande cause nationale du Président Macron ?

Selon la Fondation des femmes, il faudrait y consacrer non pas 171,7 millions d'euros, mais 5,4 milliards d'euros - ces violences nous coûtent 3,9 milliards d'euros chaque année. À quand le retour à un ministère de plein exercice ?

Quelque 94 % des plaintes pour viol sont classées sans suite et nous manquons de personnels titulaires et formés dans tous les territoires. À quand une loi-cadre pour lutter efficacement contre ces violences systémiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Salima Saa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes .  - Tout le Gouvernement est engagé dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Mon budget a augmenté de 10 %, mais c'est une politique interministérielle, dotée de plus de 540 millions d'euros. Nous ne ferons pas des économies sur cette politique-là : voilà la preuve que c'est une priorité pour nous.

En 2025, on pourra déposer plainte dans tous les hôpitaux dotés d'un service d'urgences ou d'un service gynécologique et de nouveaux pôles VIF (violences intrafamiliales) seront créés dans les tribunaux.

Je suis secrétaire d'État, certes, mais nous avons un ministre chargé de l'égalité hommes-femmes, Paul Christophe, sous la tutelle du Premier ministre. Tout le Gouvernement est engagé. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Allez sur le terrain. Les délégations aux droits des femmes sont sous-dotées ; les associations sont épuisées ; tout repose sur les militants et les bénévoles. (On s'impatiente sur les travées du groupe Les Républicains, l'oratrice ayant épuisé son temps de parole.)

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Et dans les prisons et les services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip), les personnels sont embauchés en CDD. (Applaudissements sur les travées du GEST ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Arrestation de Boualem Sansal (I)

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 16 novembre dernier, alors qu'il arrivait à Alger, l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été arrêté et emprisonné. Pendant dix jours, aucune information. Hier, il a été placé sous mandat de dépôt pour atteinte à la sûreté de l'État, à l'intégrité du territoire, aux institutions et aux symboles de la nation et de la République. Il risque la peine de mort, probablement commuée en prison à perpétuité.

Que lui reproche-t-on ? Sa liberté de penser et ses critiques tant vis-à-vis du pouvoir que de l'islamisme qui gangrène la société. Boualem Sansal est peut-être aussi victime des tensions diplomatiques entre la France et l'Algérie. Il en va de même pour Kamel Daoud, interdit de se rendre au salon international du livre d'Alger.

Cette arrestation est inacceptable, car cet écrivain incarne la défense des droits de l'homme et de la femme en Algérie. C'est la liberté d'expression et la culture qu'on emprisonne.

En France, les intellectuels et les médias se mobilisent. Quid des autorités politiques et diplomatiques françaises pour venir en aide à notre compatriote ? (Vifs applaudissements)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Nous avons été choqués par l'inculpation de notre compatriote. Je partage votre émotion, à l'instar de beaucoup de Français, qui estiment l'homme et admirent son oeuvre, comme son courage. Il est une sentinelle de la liberté.

La détention sans fondement sérieux d'un citoyen français est inacceptable. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudit également.)

Nous ne transigeons pas sur nos valeurs de liberté et d'expression. Vous pouvez compter sur la pleine mobilisation des services de l'État : il peut bénéficier de la protection consulaire. Merci pour votre mobilisation. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Aide au développement

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER) Mis à part quelques accords techniques, la COP29 de Bakou est un échec, car les pays riches n'ont pas voulu financer les actions climatiques des plus pauvres.

Participant de cet égoïsme global, la France va non simplement raboter, mais tronçonner son aide publique au développement, d'un tiers ! C'est pourtant notre politique la plus impactante contre le changement climatique.

En Argentine, le Président de la République a déclaré qu'il ne voulait pas aller au-delà de la copie budgétaire initiale. Allez-vous abandonner le deuxième coup de rabot de 641 millions d'euros prévu par le Sénat ?

Envisagez-vous d'augmenter la taxe sur les transactions financières mise en place par Nicolas Sarkozy ? Son taux est plus faible à Paris qu'à la City... (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER, CRCE-K et du RDPI)

M. Thani Mohamed Soilihi, secrétaire d'État chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - En 2024, le ministère des affaires étrangères a réalisé 880 millions d'euros d'économies. Le budget pour 2025 prévoit une économie supplémentaire de 200 millions d'euros sur l'aide publique au développement. Au total, c'est 1 milliard d'euros de moins qu'en loi de finances pour 2024.

L'effort sera réparti sur l'ensemble de nos dispositifs. Nous voulons préserver l'aide humanitaire et les outils bilatéraux, mais des choix devront être faits parmi nos engagements multilatéraux -  climat, environnement, santé, éducation, égalité hommes-femmes.

Nous devons aussi réduire le plan de charge de l'Agence française de développement, qui est mise à contribution comme les autres opérateurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Ronan Dantec.  - À ce niveau, ce n'est plus de l'effort, mais du zèle. Le Sénat fait de l'agriculture française sa priorité. Or l'Afrique contribue plus que l'Europe au réchauffement climatique en raison de l'effondrement de ses puits de carbone. Attention, bientôt nous n'aurons plus ni agriculture ni vignes ni élevage ! Nous vivons dans un seul monde. (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Abrogation du délit d'apologie du terrorisme

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 19 novembre, j'ai cru à une fake news : la présidence de l'Assemblée nationale enregistre une proposition de loi visant à abroger le délit d'apologie du terrorisme, déposée par un député LFI-Nouveau Front populaire.

Ce délit a été inscrit dans le code pénal en 2014, à la suite d'attentats que l'on ne peut ni oublier ni pardonner. En ce triste mois anniversaire des attentats terroristes islamistes du 13 octobre, dix ans après les attentats de janvier 2015 et en plein procès Samuel Paty, cette proposition de loi est ignoble ; j'imagine l'effroi des familles.

LFI cherche toujours à faire le buzz, rarement pour promouvoir la cohésion de notre pays, souvent pour le fracturer. C'est du clientélisme électoral. Sa dangereuse marque de fabrique, c'est le mensonge, le communautarisme, la victimisation et la réécriture de l'histoire.

Alors que le terrorisme islamiste nous menace tous, cette proposition de loi de la honte est une faute. Un parti politique suscitant la haine et le séparatisme ne peut-il pas être condamné ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et sur quelques travées du RDPI)

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je partage votre émotion. Je ne puis qu'être résolument contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI, et des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; M. Serge Mérillou et Mme Laurence Harribey applaudissent également.)

M. Jacques Grosperrin.  - C'est abject !

M. Didier Migaud, garde des sceaux.  - La liberté d'expression ne justifie pas tout. Si le législateur a souhaité inscrire une telle incrimination dans le code pénal, c'est pour disposer d'un outil opérationnel de lutte contre le terrorisme. Tout retour en arrière serait ignoble et scandaleux.

La menace islamiste est toujours très prégnante. Nous devons mener ce combat tous ensemble. Je vous redis mon opposition la plus résolue à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; Mmes Marie-Arlette Carlotti, Laurence Harribey et M. Claude Raynal applaudissent également.)

Violences faites aux femmes (III)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le courage de Mme Pélicot force l'admiration. En gardant la tête haute, elle aide de nombreuses femmes. Oui, il doit y avoir un avant et un après-Mazan, un continuum dans la lutte contre le continuum des violences. Nous devons amplifier nos actions.

Lundi, le Gouvernement a annoncé de nouvelles mesures, notamment sur la soumission chimique, avec l'expérimentation de kits de détection. Soyons vigilants pour nos adolescents lors des soirées.

Le maillage de proximité est indispensable. Depuis 2022, la Maison des femmes du Finistère offre un accompagnement à toutes les étapes, que vous proposez de généraliser. Oui également au dépôt de plainte dans un hôpital doté d'un service d'urgence ou gynécologique.

Entre juillet et octobre, 1 564 femmes ont été victimes de violences intrafamiliales dans le Finistère, dont 60 % de violences conjugales.

Un rappel : le 3919, numéro de référence pour l'écoute et l'orientation des femmes victimes de violences. Soyons à la hauteur de leur détresse. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du GEST et du groupe CRCE-K ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)

Mme Salima Saa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes .  - Je salue le courage de Gisèle Pélicot, une femme remarquable. Cette affaire, au retentissement international, suscite l'incompréhension, la colère, le dégoût. Oui, il y aura un avant et un après-Mazan.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé, avec de nouvelles mesures. Le dépôt de plainte dans un hôpital doté d'un service d'urgence ou gynécologique sera possible fin 2025 ; 236 conventions ont déjà été signées, nous en espérons 377 d'ici à la fin de l'année, outre-mer compris.

Le 3919 est ouvert 24 heures sur 24. Il accueille la parole de femmes en détresse, parfois en situation de survie. Le Gouvernement s'est engagé à le déployer outre-mer.

L'engagement du Gouvernement est sincère et territorial.

Le Premier ministre a confié à Sandrine Josso et Véronique Guillotin une mission parlementaire sur la soumission chimique, nouveau fléau de notre société ; nous attendons ses recommandations en mai pour prendre de nouvelles mesures courant 2025. Comptez sur l'engagement du Gouvernement sur ce sujet prioritaire, qui nous concerne tous, dans tous les territoires et tous les milieux. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Difficultés économiques du Coq sportif

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le Coq sportif vient d'être placé en redressement judiciaire. C'est un coup de tonnerre - pour les 330 salariés et les centaines d'emplois indirects, pour l'Aube, où la désindustrialisation a fait tant de mal. Le mythe funeste d'une France sans usines a laissé des plaies béantes que nous tentons de recoudre en conservant nos fleurons, notamment dans le textile.

Marque iconique, le Coq sportif a brillé lors des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Nos athlètes ont accompli leurs exploits en arborant le fameux coq tricolore. Mais les nuées s'accumulaient déjà à l'horizon. En octobre, la société cherchait des solutions de financement. Les mauvais résultats de 2023 se sont confirmés au premier trimestre.

Le vent mauvais des fermetures d'usines souffle sur le pays. Il faut poursuivre la réindustrialisation - le Coq sportif avait rapatrié sa R&D en France - non seulement en ouvrant de nouvelles usines, mais en trouvant des solutions de financement et de reprise. Nous l'avons fait à Romilly, ville du Coq, grâce au groupe Rebirth, qui reprend Cycleurope.

Comment comptez-vous soutenir le Coq sportif et préserver notre outil industriel et nos savoir-faire ? Le Coq sportif compte sur l'élan des JOP pour se relancer ; j'espère que la France pourra compter sur le Coq pour poursuivre sa réindustrialisation. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - Merci de votre engagement en faveur de l'industrie dans votre territoire, éprouvé par des vagues de désindustrialisation - même si, depuis 2017, la France crée plus d'emplois industriels qu'elle n'en détruit. (M. Fabien Gay ironise.)

Marque emblématique, le Coq sportif emploie 330 personnes en France, 410 dans le monde. Elle s'est vu accorder un prêt garanti par l'État (PGE) de 10 millions d'euros en 2023, et un prêt du fonds de développement économique et social en 2024.

Malheureusement, même les JOP n'ont pas permis un sursaut. En septembre, la société a demandé une procédure collective, pour qu'un nouveau cadre plus sécurisé accompagne les salariés.

Le Gouvernement est mobilisé pour trouver des solutions : de nouveaux repreneurs ; une sécurisation des compétences, car un emploi industriel signifie aussi des emplois de proximité dans les territoires ; un accompagnement personnalisé de chaque salarié. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Merci pour ces actions concrètes, nous veillerons à leur application. Le Premier ministre a évoqué un livret pour financer l'industrie : je vous renvoie à ma proposition de loi de 2021 visant à drainer l'épargne des Français vers le financement du tissu industriel dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Allocations chômage des travailleurs frontaliers

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) En vertu de l'accord conclu entre syndicats et patronat, un frontalier licencié pourrait voir son indemnité chômage divisée par deux. Cela créerait une rupture d'égalité entre deux salariés français à même niveau de salaire.

Le droit européen prévoit que les travailleurs frontaliers cotisent à l'assurance chômage dans le pays où ils travaillent, mais que l'indemnisation est versée par leur pays de résidence. Une compensation entre États est bien prévue, mais elle est loin de la réalité. Pour l'Unédic, l'indemnisation des travailleurs frontaliers représente un surcoût de 800 millions d'euros.

Nos collègues Jacquemet et Pellevat vous ont déjà alertés.

Le Gouvernement a annoncé saisir la présidence du Conseil européen en vue d'un nouveau règlement ; au niveau national, il veut redéfinir l'offre raisonnable d'emploi.

Je propose une troisième voie. Êtes-vous prêts à négocier sans délai des accords bilatéraux avec les pays voisins pour une compensation d'État à État plus juste, qui ne fasse pas porter la charge sur les seuls travailleurs frontaliers ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC et du RDSE)

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi .  - Le surcoût pour l'Unédic est de 800 millions d'euros...

M. Loïc Hervé.  - Chaque année !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - ... pour 77 000 allocataires. Depuis 2011, la dépense cumulée liée aux frontaliers atteint 11,2 milliards d'euros. C'est dû au règlement européen : un travailleur frontalier licencié perçoit l'assurance chômage dans son État de résidence. Le différentiel d'indemnisation est de 1 500 euros entre la France et la Suisse, de 500 euros entre la France et le Luxembourg - sachant que les transfrontaliers ont tendance à consommer plus de droits que la moyenne : 41 % épuisent leurs droits, contre 37 %.

M. Loïc Hervé.  - Bien sûr !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Je vois plusieurs pistes. D'abord, renégocier le règlement 883 - je serai à Bruxelles début décembre pour en parler. Sur le plan national, faire évoluer l'offre raisonnable d'emploi pour qu'à offre égale, le référentiel se fasse sur le salaire en France et non sur le salaire genevois ou maastrichtien (M. Loïc Hervé approuve), et mieux accompagner les demandeurs d'emploi frontaliers par France Travail.

Enfin, des discussions bilatérales vont commencer, en particulier avec le Luxembourg et la Suisse. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. François Patriat et Loïc Hervé applaudissent également.)

Mme Véronique Guillotin.  - Il faut privilégier la solution bilatérale. Les pays voisins ont besoin de nos travailleurs frontaliers. Nous sommes en position de force pour négocier. L'argent cotisé chez eux doit être rétrocédé en France, pour un juste équilibre. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Arrestation de Boualem Sansal (II)

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'écrivain Boualem Sansal est emprisonné en Algérie pour actes terroristes ou subversifs, rappelant le sort de Soljenitsyne ou de Václav Havel.

Pour Alger, tous les prétextes sont bons pour nuire à la France. Que représente Boualem Sansal sinon le bouc émissaire des tensions entre nos deux pays ? Il incarne le courage, lui qui a dénoncé les ravages de l'oppression islamiste. Son crime, aux yeux du pouvoir algérien, serait d'être devenu français et, pire, d'aimer la France.

L'Algérie ne cache pas son mépris envers les juifs, les harkis, les Européens, à commencer par les Français. Que dire des traitements discriminants qu'elle inflige aux Berbères, aux Kabyles, aux femmes ?

La France défend la liberté et l'universalisme. Hélas, nous ne sommes pas unanimes : une grande partie de la gauche est muette, plus préoccupée par la suppression du délit d'apologie du terrorisme que par la défense de notre compatriote.

M. Mickaël Vallet.  - Pas ici. (Mme Marie-Arlette Carlotti renchérit.)

Mme Valérie Boyer.  - Pire, les dérives victimaires de l'Algérie ont trouvé un écho complice dans certains médias du service public. Comment accepter de tels propos qui desservent notre pays et la démocratie, alors qu'un homme de 75 ans est emprisonné arbitrairement et encourt la peine de mort ? (M. Max Brisson renchérit.)

Comment accepter que cette haine de la France trouve un écho dans nos médias, jusque sur les chaînes du service public ? Comment comptez-vous agir pour libérer Boualem Sansal ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Merci de cette question, qui illustre l'engagement de cet hémicycle, mais aussi l'émotion et la stupéfaction de tous les Français à l'annonce de l'inculpation de notre compatriote.

La France est toujours du côté de l'universalisme, de la liberté d'expression et de la liberté d'opinion. (M. Bruno Sido renchérit.) Rien dans les activités de Boualem Sansal n'accrédite les accusations portées contre lui. La détention sans justification d'un citoyen français, d'un grand écrivain, est inacceptable. Les services de l'État sont mobilisés pour que Boualem Sansal bénéficie des services consulaires auxquels il a droit en tant que citoyen français. Comptez sur notre mobilisation.

Mme Valérie Boyer.  - Et le service public ?

Outre-mer

M. Victorin Lurel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La vie chère est structurelle dans les économies d'outre-mer - je crois que depuis deux mois, monsieur le ministre, vous en avez pris la mesure. Toutes les analyses ont été faites sur les mécanismes de formation des prix. On sait tout... mais on fait peu.

Du protocole signé en Martinique, vous ne retenez - pour le moment ? - que la baisse temporaire partielle de TVA sur une liste de produits, en contrepartie d'efforts des collectivités territoriales.

M. Bruno Sido.  - La question ?

M. Victorin Lurel.  - Vous nous répondez médiation, concertation... que des instruments reposant sur la bonne volonté des entreprises. Vous disposez pourtant de tous les outils réglementaires. On peut douter de la détermination du Gouvernement.

De nombreuses propositions parlementaires sont sur la table : la mienne, celle de la délégation sénatoriale aux outre-mer et du président Larcher, ou encore à l'Assemblée nationale.

Quelle est votre feuille de route ? Sommes-nous « tous unis contre la vie chère », comme le dit le célèbre slogan ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer .  - Il n'y a que quelques mois que nous sommes aux affaires, et la crise de la Martinique nous a beaucoup occupés. Nous réduirons de 20 % les prix de 6 000 produits de première nécessité, soit 69 familles de produits, à la suite d'un accord local entre la collectivité de Martinique et les entreprises, sous l'égide de l'État. Est-ce suffisant ? Non, évidemment. Certaines mesures du PLF 2025 permettront d'agir sur la TVA en Guadeloupe, mais il faut faire mieux.

Il existe de nombreuses propositions de loi, dont l'une sera débattue à l'Assemblée nationale en décembre. La vôtre est enregistrée.

Sur cette question, certaines prises de parole sont vraies, d'autres... incomplètes. Nous devons engager un instant de vérité, rapidement, pour sortir de ce climat anxiogène.

De nombreux territoires d'outre-mer sont dans cette situation, à l'instar de la Martinique.

Nous avons tous les outils, et nous nous mettons au travail dès que le budget sera voté. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat applaudit également.)

Incendie d'une entreprise vendéenne par Stop Mégabassines

Mme Brigitte Hybert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.) Voilà des années que les oppositions aux mégabassines se radicalisent. On se souvient de Sainte-Soline... En Vendée, comme à Nalliers ou Pouillé en août 2022 ou au Bernard à l'été 2023, les dégradations se font de plus en plus régulières, pour un coût qui avoisine à chaque fois le million d'euros. Des zones sont protégées par des sociétés privées pour éviter les intrusions.

À L'Oie, dans le bocage, un cap a été franchi : neuf poids lourds et engins de chantier ont été incendiés volontairement dans une entreprise de BTP. Un collectif a revendiqué cet acte et menace désormais de s'en prendre aux salariés : « toute personne qui s'associera au futur chantier de mégabassine en subira les conséquences. »

Le chef d'entreprise est scandalisé et vit dans la crainte. Nous n'avons plus affaire à des opposants, mais à des groupuscules aux méthodes mafieuses.

Le communiqué mentionne Sainte-Soline ; à l'époque, des élus d'extrême gauche n'avaient pas condamné la violence inouïe de ces manifestations. J'espère que ce sera différent aujourd'hui : puissent les élus de tous bords condamner ces actes criminels. Nous comptons sur votre fermeté sans faille. Ces groupes extrémistes menacent la paix sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur .  - Vous avez raison : cet incendie n'est pas un accident, mais un acte de vandalisme, de sabotage revendiqué par le groupuscule Stop Mégabassines, qui a proféré des menaces vis-à-vis de l'entreprise et de ses salariés. C'est insupportable. J'espère que nous sommes tous d'accord sur ces bancs. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Les réserves de substitution, qui, vertueusement, consistent à stocker l'eau quand elle est abondante l'hiver et à la restituer l'été quand elle manque, ont eu d'excellents résultats économiques, sociaux et environnementaux en Vendée. (Bravos à droite ; protestations sur les travées du GEST ; M. Yannick Jadot écarte les bras.)

Cette violence est terrible. Elle traduit la radicalisation de certaines mouvances qui intimident, incendient, cassent. Pour elles, Notre-Dame-des-Landes a été un creuset fondateur, où elles ont constaté la faiblesse de l'État. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; M. Yannick Jadot s'exclame.)

C'est terminé ! Nous mettrons tous les moyens du ministère de l'intérieur, sous le contrôle des procureurs et des juges, pour retrouver les coupables. (M. Ronan Dantec s'exclame.) Nous prendrons le temps nécessaire, et ils seront déférés et punis sévèrement. (Applaudissements vifs et prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC)

Aides publiques à l'industrie

Mme Anne-Sophie Romagny .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) J'associe mes collègues marnais Cédric Chevalier (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe INDEP) et Christian Bruyen à ma question. Le nombre de faillites d'entreprises bat des records ; les PME perdent 1 279 emplois en moyenne chaque semaine. Deux usines Michelin et des dizaines de magasins Auchan sont aussi touchés.

Dans la Marne, ArcelorMittal doit fermer un site, Boiron est menacé, et Reims Aerospace est en liquidation judiciaire - sans parler, dans l'Aube, du Coq Sportif. Cela fait beaucoup : 550 emplois supprimés ou menacés en quelques jours.

On ne peut pas mettre toutes les entreprises dans le même panier : certaines sont en difficulté, mais d'autres en bonne santé, comme ArcelorMittal, font le choix stratégique de licencier alors qu'elles perçoivent des aides.

Monsieur le ministre, nous sommes sur le fil du rasoir. Le Gouvernement doit demander des comptes sur les aides perçues. Vous l'avez fait pour Auchan et Michelin, mais sans aucune sanction.

Mme Cécile Cukierman.  - On a eu ce débat hier soir !

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Allez-vous prendre des sanctions financières envers les entreprises qui ne jouent pas le jeu ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. David Ros.  - Bravo !

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - Nous sommes à un moment pivot de l'économie. Des emplois se créent et d'autres disparaissent, mais le solde est positif (Murmures à gauche) - cela n'enlève rien à la dureté des plans sociaux.

À Sanofi, Auchan ou Michelin, nous avons demandé des comptes sur les aides perçues, notamment pour les emplois liés à la recherche et à l'innovation. La priorité du Gouvernement est de trouver des repreneurs aux usines fermées et de maintenir les compétences. Mais il faut aussi, sur le long terme, assurer aux entreprises les bonnes conditions pour investir dans notre pays.

Oui, il faut être vigilant sur les aides ; mais qui investirait dans le pays au taux de prélèvements obligatoires le plus élevé du monde si ce pays interdisait les licenciements économiques et ne soutenait plus les entreprises ? (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

Nous devons soutenir l'emploi, la croissance et donc les entreprises. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Éducation à la sexualité

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La semaine dernière, le Gouvernement indiquait que le futur programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle n'était pas figé et que l'idéologie de genre n'y figurait pas. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)

Un programme était-il nécessaire ? Que pensez-vous de son contenu ? Assurez-vous que le contenu sera adapté à l'âge des élèves et que toute référence à l'identité de genre et au wokisme sera retirée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; murmures à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - C'est une obsession ! (M. Mickaël Vallet renchérit.)

M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel .  - Les parents sont et doivent toujours rester les premiers éducateurs de leurs enfants. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Mickaël Vallet.  - Quand on voit certains parents...

M. Alexandre Portier, ministre délégué.  - Mais nous ne pouvons rester inactifs face aux violences sexuelles, aux violences intrafamiliales et à la prolifération des images pornographiques dans le quotidien de nos enfants.

Mme Laurence Rossignol.  - Très bien !

M. Alexandre Portier, ministre délégué.  - L'école a-t-elle un rôle à jouer ? Oui ! (Mme Laurence Rossignol renchérit.)

Je me suis investi pour l'interdiction du téléphone portable, parce que je ne me résous pas à ce que la première image de la sexualité que nos gamins découvrent soit sur le téléphone portable d'un copain dans la cour de récréation. (Mmes Laurence Rossignol et Marie-Pierre Monier applaudissent.)

Il faut donc un programme, mais sans laisser faire tout et n'importe quoi. Je le dis comme élu et comme père de famille : ce programme, en l'état, n'est pas acceptable et doit être revu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé et Mme Annick Jacquemet applaudissent également.)

J'ai trois réserves : premièrement, je m'engagerai personnellement pour que la théorie du genre ne trouve pas sa place dans nos écoles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; MM. Loïc Hervé, Bernard Fialaire, Mmes Annick Jacquemet et Véronique Guillotin applaudissent également.)

Mme Laurence Rossignol.  - Qu'est-ce que c'est ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cela n'existe pas !

M. Xavier Iacovelli.  - C'est la ligne gouvernementale ça ?

M. Alexandre Portier, ministre délégué.  - Deuxièmement, le militantisme n'a pas sa place à l'école : je veux un encadrement strict de tous les intervenants. (Marques d'impatience à gauche)

Troisièmement, je veux mieux prendre en compte le développement de nos élèves pour décider, avec les académies des sciences et de médecine, ce qui est le plus approprié. (Tumulte à gauche)

M. Mickaël Vallet.  - La messe est dite.

M. Hussein Bourgi.  - Vous ne savez même pas ce que sont les études de genre ! Vous lisez des fiches de la Manif pour tous !

M. Max Brisson.  - Oui, en ces temps où les enfants sont exposés à la pornographie, l'éducation sexuelle est utile et des programmes nécessaires. Vos propos me rassurent. (Marques d'ironie à gauche)

J'espère que vous serez suivi. Ce texte a été malmené par une vision qui impose à l'école de devenir le remède à tous les maux, malmené par le zèle militant d'associations qui ne poursuivent que le triomphe de leurs thèses sans jamais s'intéresser au bien-être des enfants -  ces mêmes associations qui prônent le bisexualisme et le polyamour et qui banalisent les transitions de genre.

Mme Laurence Rossignol.  - Vous êtes les représentants de Poutine et Orbán dans l'hémicycle !

M. Max Brisson.  - Elles en ont le droit, mais doivent-elles être accréditées par le ministère de l'Éducation nationale ?

Celui-ci ne doit pas s'éloigner de ce qui fait sa force : un, ne pas imposer aux élèves des contenus qui ne respectent pas leurs rythmes (Mme Laurence Rossignol s'exclame) ; deux, ne pas importer les querelles des adultes (M. Mickaël Vallet proteste) ; trois, l'éducation est d'abord la mission des parents. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Difficultés de l'industrie en France

M. Rémi Cardon .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER) Michelin, Watts, Valeo : derrière ces noms d'entreprise, il y a des familles brisées, un avenir angoissant et un sentiment d'impuissance dangereux. Des soudeurs, chaudronniers, dessinateurs industriels ou électriciens voient la noblesse de leurs métiers essentiels balayée. Ils méritent notre protection.

Face à la mondialisation du libre-échange à tout va, vous avez laissé faire et vous vous êtes laissé faire. En pleine guerre économique avec les États-Unis et la Chine, notre solde des ouvertures et fermetures d'usines est redevenu négatif cet été. Vous avez péché par orgueil ou par imprudence.

Ces deux géants ont bien compris que le libre-échange n'apporte pas de liberté s'il n'est pas régulé. Nous devons, nous aussi, passer à l'action. Hélas, pas d'ambition industrielle claire au niveau européen, le ministre de l'industrie demande un nouveau rapport alors que celui d'Olivier Lluansi est déjà sur la table et rien ne bouge sur les prix de l'électricité, en dépit de nos propositions. Aucune convergence des règles d'achat public en Europe et vous rabotez de plusieurs millions d'euros le fonds Territoires d'industrie...

Monsieur le Premier ministre, quand et comment allez-vous agir pour enrayer ce déclin industriel que vous avez laissé faire ? (Applaudissements les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet Monge et M. Guillaume Gontard applaudissent également.)

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie .  - Je n'ai pas besoin de vous rappeler quand a été nommé le Premier ministre. (On ironise à gauche.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et le précédent ?

M. Mickaël Vallet.  - Il n'était pas de chez vous ?

M. Antoine Armand, ministre.  - Ce gouvernement n'a aucune difficulté à assumer ses responsabilités, mais ne lui en attribuez pas d'autres.

Face aux difficultés industrielles, nous avons besoin de sortir d'une forme de naïveté européenne, que vous avez décrite avec vos mots -  nous ne pouvons que vous rejoindre sur ce point. Des États, des continents, agissent avec une vitalité, une ampleur et un degré d'offensivité sans équivalent du côté européen.

Nous agissons avec une stratégie claire. Je pense en particulier aux tarifs douaniers de 35 % en matière automobile, pour contrer la concurrence déloyale de certains pays asiatiques. Je pense aussi au plan que nous défendons au niveau européen en matière de sidérurgie et d'automobile, avec des politiques sectorielles ambitieuses.

Nous sommes prêts à prendre des mesures de sauvegarde pour préserver certaines industries menacées et défendons une stratégie pour mieux financer l'industrie de demain. Le Premier ministre a annoncé dans cette perspective un livret Industrie, qui financera des emplois durables dans les territoires.

Mais évidemment, si des dizaines de milliards d'euros d'impôts supplémentaires sur les entreprises sont votés, il y aura des conséquences... (M. François Patriat applaudit ; Mmes Audrey Linkenheld et Raymonde Poncet Monge s'exclament.)

M. Rémi Cardon.  - Votre semblant de réponse le confirme : vous n'avez aucune vision d'ensemble pour la réindustrialisation. En 2017, notre balance commerciale était déficitaire de 62 milliards d'euros ; aujourd'hui, c'est pire. Ce n'est pas vous, peut-être, qui étiez aux affaires entre-temps ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER)

École en milieu rural

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si Marianne exerçait un métier, elle serait probablement professeur, tant République et école sont liées depuis 1880. Probablement aussi serait-elle chagrinée par l'annonce de 4 000 suppressions de postes...

L'école assure l'égalité des droits et des chances pour tous, sur l'ensemble du territoire. Or la ruralité sera saignée, supportant les trois quarts de ces fermetures. Avec 4 000 postes en moins, pensez-vous que nous puissions relever les défis éducatifs et surtout territoriaux du pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur des travées du groupe SER ; MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Michel Masset et Mme Raymonde Poncet Monge applaudissent également.)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel .  - Malgré une situation budgétaire extrêmement difficile, nous proposons pour l'école le budget le plus élevé de l'histoire. C'est un effort très important de la nation.

Certes, tout n'est pas parfait. Mme Genetet et moi-même travaillerons jusqu'à la dernière minute pour améliorer ce budget, au service de la réussite de tous les élèves. Nous en débattrons lundi.

Une fois les moyens définis, il faudra arrêter leur juste organisation territoriale. Vous connaissez mon engagement pour l'école rurale : il est hors de question qu'elle soit l'éternelle sacrifiée ! (Marques d'approbation à droite et sur certaines travées au centre) L'école, c'est de la pédagogie, mais aussi de l'aménagement du territoire -  tous les élus ruraux le savent.

Les efforts doivent être équilibrés et tenir compte de l'objectif de solidarité nationale. Je m'assurerai personnellement que, dans les répartitions intra-académiques, les décisions soient mesurées et prises avec l'accord des élus. Car il y va de la vie -  et parfois, de la survie  - de nos communes.

Le Gouvernement engage d'ailleurs des moyens supplémentaires pour consolider l'école rurale : je pense aux 3 000 places d'internat supplémentaires, ainsi qu'aux 300 territoires éducatifs ruraux. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Paccaud.  - Les territoires éducatifs ruraux, parlons-en : ils sont dotés de 6 millions d'euros, à comparer aux 2,4 milliards d'euros prévus pour l'éducation prioritaire. Que vous le vouliez ou non, la ruralité est maltraitée !

Nous proposerons de réduire de 4 000 à 2 000 les suppressions de postes : c'est la sagesse sénatoriale... Le coût de cette mesure - 75 millions d'euros  - pourrait être financé sur la hausse, étonnante, des crédits du pacte enseignant, dont les enseignants ne veulent pas. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

Avenir du cursus d'études médicales de l'université de Corse

M. Jean-Jacques Panunzi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La convention tripartite relative au fonctionnement de l'université de Corse pour 2023-2027 comporte une annexe financière prévoyant un versement complémentaire de 500 000 euros par an, soit 2,5 millions d'euros sur cinq ans, pour couvrir les charges liées à la masse salariale. Pour l'heure, cet engagement n'a pas été respecté.

Un des axes prioritaires de cette convention est la construction du premier cycle complet d'études médicales à Corte. Or seule la première année a été ouverte. L'ouverture de la deuxième, prévue pour 2025, est bloquée, car soumise à l'accréditation du diplôme par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), elle-même conditionnée à l'octroi de la masse salariale nécessaire, donc au versement des deux fois 500 000 euros non reçus en 2023 et 2024.

Bref, le non-respect de l'annexe de la convention entrave la mise en oeuvre d'un axe pédagogique stratégique dans une île déjà sous-dotée en infrastructures sanitaires -  pas de PET-scan, par exemple.

Quelles sont les intentions de l'État ? Reculer sur les études médicales à l'université de Corte serait une régression sans précédent ! Pour mettre en place la deuxième année en 2025, il faut agir vite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)

Mme Clara Chappaz, secrétaire d'État chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Patrick Hetzel, retenu à l'Assemblée nationale.

L'accès aux soins et la formation en santé en Corse sont des questions primordiales, pour que la Corse reste ouverte sur le monde comme le monde est ouvert sur la Corse.

Le Gouvernement entend être facilitateur pour l'accès aux soins de tous les Corses. Nous accompagnons l'hôpital de Bastia à hauteur de 10 millions d'euros, après avoir reconstruit celui d'Ajaccio.

Il faut un parcours de formation médicale en Corse et des lieux de stage plus proches, par exemple en Paca, comme l'engagement en a été pris en 2024. L'université de Corte doit consolider le premier cycle complet d'études médicales, avec une deuxième et une troisième années. La demande d'accréditation doit encore être complétée avant son examen par le CNESER.

Pas de recul sur la convention tripartite 2023-2027. Le versement de 2023 et celui de 2024 -  1 million d'euros  - seront réalisés à la fin de l'exercice 2024. Le ministère travaille en liaison étroite avec l'université de Corte sur le programme pédagogique, les conventions avec les établissements de santé et les moyens nécessaires.

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 30.