SÉANCE
du mardi 11 février 2025
54e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nicole Bonnefoy.
La séance est ouverte à 09 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Stérilisation des chats errants
Mme Elsa Schalck . - Nuisances, risque sanitaire : la multiplication des chats errants est un problème dans de nombreuses communes.
Les maires sont contraints de mettre en place des campagnes de stérilisation, seule solution pérenne et efficace, et avouent se sentir démunis. Ce procédé est fort coûteux : entre 70 et 130 euros par acte, pour des dizaines ou des centaines de chats.
Nous avions adopté dans la loi de finances pour 2024 une aide exceptionnelle de 3 millions d'euros dédiée à la stérilisation des chats errants. Un appel à projets avait été lancé par l'ancien gouvernement ; le délai était tellement court - du 2 septembre au 10 octobre - qu'il est passé inaperçu.
Les conditions, très restrictives, exigeaient un service de fourrière, excluant de fait de nombreuses petites communes, notamment rurales. Comment les aider ? Je pense particulièrement à celles du Bas-Rhin, dont aucune ne figure parmi les lauréats. Comment utiliser les 50 000 euros de crédits restants ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - L'errance animale est un sujet de préoccupation majeure. J'ai été maire, j'en connais les enjeux.
En l'absence de fourrière, une solution consiste à capturer, identifier, stériliser, puis relâcher les chats vivants en groupe, mais cela demande un budget important. Le financement, premier frein, repose sur les mairies, avec éventuellement l'appui d'associations de protection animale. En 2024, la loi de finances avait prévu une enveloppe exceptionnelle de 3 millions d'euros.
Le ministère de l'agriculture a ouvert un appel à projets pour soutenir les projets de gestion des populations de chats errants, dans le cadre de l'expérimentation prévue par la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale, via des conventions entre l'État et les collectivités volontaires. Avec 164 communes lauréates, un bilan sera réalisé après l'échéance des conventions financières, et je veillerai à ce que le reliquat de 50 000 euros aille à ses destinataires.
Interdiction du flumioxazine en France
M. Christian Klinger . - L'herbicide Pledge est largement utilisé en viticulture et en arboriculture pour maîtriser les adventices. Malgré le renouvellement de l'autorisation de la flumioxazine par l'Union européenne jusqu'en 2037 et son autorisation continue dans d'autres pays européens, la France envisage d'interdire le Pledge dès 2025. Cette décision soulève plusieurs inquiétudes. C'est notamment une impasse technique sans alternative viable, contredisant les engagements du Gouvernement : pas d'interdiction sans solution.
Cette interdiction créerait une destruction de concurrence avec nos voisins européens, comme l'Espagne, la Grèce, l'Italie et le Portugal, qui continuent à autoriser son usage. Même l'Allemagne, initialement réticente, a finalement décidé d'autoriser le produit.
La filière viticole plaide unanimement pour le maintien de ce produit face à la décision définitive de l'Anses en décembre 2024. Quelles mesures envisagez-vous pour reconsidérer la décision de l'Anses et aligner la position française sur celle de nos partenaires européens ? Comment résoudre l'impasse technique créée par cette interdiction, particulièrement dans les régions où l'alternative mécanique n'est pas viable ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - La flumioxacine, herbicide dont l'approbation a été renouvelée par la Commission européenne en 2022 pour quinze ans, avec des réserves, est au coeur de nos préoccupations.
En France, le seul produit de référence contenant cette substance, le Pledge, était autorisé pour désherber les vignes et les vergers fruitiers. Cependant, l'Anses a conclu défavorablement à la demande de renouvellement de l'autorisation de ce produit en décembre dernier.
Je suis consciente des difficultés que ce retrait pose aux filières concernées. L'Anses pointe l'impossibilité d'exclure un risque inacceptable pour les eaux souterraines, les mammifères, les organismes aquatiques et les plantes non-cibles.
Bien que l'État membre rapporteur, la Grèce, ait délivré l'autorisation pour les autres États membres de la zone, la Commission européenne n'a pas pris position sur ce sujet. J'ai demandé à mes services d'identifier toutes les possibilités pour renforcer l'harmonisation des autorisations. Une note des autorités françaises sera envoyée à Bruxelles.
Pour pallier ce retrait, il reste plusieurs substances actives pour désherber les couverts végétaux, mais elles sont à terme menacées également. J'ai donc relancé les travaux du Comité des solutions pour identifier les produits dont peuvent bénéficier les producteurs des autres États membres et qui pourraient faire l'objet d'une autorisation en France. Une centaine d'usages sont en cours d'examen à l'Anses.
Enfin, nous devons anticiper et préparer les solutions de désherbage non chimique. Plusieurs projets ont été financés en 2024 au titre de la planification écologique dans le cadre du Plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada).
M. Christian Klinger. - L'Anses avait interrogé la Grèce, porteuse de l'étude sur la flumioxazine, sur la toxicologie. Cependant, c'est une agence européenne qui a rendu un avis positif sur cette toxicologie, répondant ainsi aux interrogations de l'Anses. Il ne devrait plus y avoir d'obstacle pour la commercialisation et la production de ce produit.
Le monde viticole et arboricole compte sur vous, madame la ministre, pour prolonger l'utilisation dans les mêmes délais que les pays européens.
Innovations culturales agroécologiques
M. Lucien Stanzione . - Jeudi 6 février, vous avez rejeté mon amendement au projet de loi d'orientation agricole, qui visait à inscrire dans la loi l'accélération et la massification de la diffusion des innovations culturelles agroécologiques, au motif qu'il existe déjà des programmes de recherche et d'accompagnement de nos producteurs aux pratiques agroécologiques.
L'existence de bases de données sur les alternatives aux produits phytosanitaires ne garantit pas que les agriculteurs s'en emparent, encore moins à l'échelle de tout le territoire. Comment passer de l'engagement de 3 000 exploitations dans le réseau Dephy à une généralisation de ces pratiques dans les 400 000 exploitations françaises, sans moyens ni pilotage ?
Vous dites ignorer le budget qui sera consacré au Parsada pour 2025. Pourtant, sans stratégie et sans moyens financiers suffisants, rien ne changera. On ne relèvera pas les défis climatiques par un engagement partiel ou des initiatives isolées.
Quels moyens comptez-vous donner à cette mobilisation, et comment l'accélérer ? Comment assurer la diffusion des données et leur prise en compte sur tout le territoire ? Quelle est votre stratégie ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Le Gouvernement déploie déjà des actions de grande ampleur pour promouvoir des solutions, dans le cadre de la programmation nationale de développement agricole et rural 2022-2027. Les programmes portés par les chambres d'agriculture, les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (Onvar), les instituts techniques et de recherche s'inscrivent pleinement dans la recherche de ces objectifs. Cette programmation constitue le cadre stratégique que vous demandez, dont l'enseignement agricole est un partenaire incontournable.
La stratégie Écophyto 2030, publiée le 6 mai 2024, traite de la sobriété d'usage en produits phytopharmaceutiques et de la massification des bonnes pratiques. Son axe numéro 1, le Parsada, vise à mieux se préparer au retrait potentiel de substances actives menacées au niveau de l'Union européenne en recherchant et déployant des alternatives chimiques et non chimiques, afin de donner de la visibilité aux agriculteurs - ce qui manque pour la viticulture.
Un financement de 143 millions d'euros a été engagé en 2024 sur des projets de recherche ; il se poursuivra en 2025. Enfin, un dispositif de France 2030 intitulé « Prise de risque amont, aval et massification visant à réduire l'usage de produits phytopharmaceutiques sur les exploitations agricoles », Praam, promeut des systèmes de protection des cultures reposant sur des combinatoires de leviers éprouvés. Enfin, des crédits alloués à la planification écologique vont aussi aux innovations culturales et à leur massification.
Délais de reversement de la taxe d'aménagement
M. Daniel Fargeot . - Depuis la réforme de septembre 2022, le reversement de la taxe d'aménagement (TA) aux communes et aux EPCI est plus long et imprévisible. Désormais géré par la DGFiP, son calendrier est complexe et l'introduction d'un nouveau fait générateur perturbe les prévisions budgétaires et la gestion de trésorerie des collectivités.
Pour un projet immobilier de moins de 5 000 m², le premier paiement intervient 90 jours après l'achèvement des travaux - au sens fiscal, à savoir lorsque le propriétaire le déclare habitable, et non plus selon la logique urbanistique. Cette déclaration peut intervenir six ans après l'octroi du permis de construire. Si la taxe dépasse 1 500 euros, un second paiement intervient six mois plus tard. Pour les grandes opérations, le versement s'étale sur trois échéances : 50 % au neuvième mois, 35 % au dix-huitième mois et le solde à la fin des travaux.
Les délais de reversement de la TA peuvent atteindre six mois entre l'encaissement par l'État et le reversement aux communes. Résultat : détention de trésorerie, incapacité d'établir un budget primitif sincère, capacité d'investissement réduite.
Avant la réforme, 50 % de la taxe était appelée à 12 mois, puis le solde 24 mois après l'autorisation d'urbanisme. Le nouveau système complique la gestion des collectivités sans garantir de meilleurs délais.
Comment mieux concilier les intérêts des collectivités et les impératifs de l'administration ? Peut-on envisager un retour à l'ancien système ? La simplification ne doit pas se faire au détriment de l'efficacité.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Le transfert de la gestion de la TA à la DGFiP s'est accompagné du report de la date d'exigibilité de celle-ci. Un système d'acompte neutralise les effets pour les collectivités.
Le décalage de calendrier évite l'émission de taxe pour des projets finalement abandonnés. La liquidation de la taxe est appuyée sur la dématérialisation du processus déclaratif, la création d'un référentiel des délibérations des collectivités locales et l'automatisation du calcul des taxes d'urbanisme.
Des dysfonctionnements opérationnels ont été observés, le système de vérification préalable freinant les envois et les paiements associés.
Un plan d'action pour améliorer la lisibilité du processus déclaratif a donc été élaboré et un parcours rénové est proposé depuis le 3 février. La DGFiP a commencé à sécuriser les déclarations 2024 et relancé les redevables. Malgré le décalage sur les reversements, les collectivités bénéficieront bien de la recette générée.
Difficultés rencontrées par les entreprises de taxis
M. Laurent Burgoa . - Les entreprises de taxis, qui répondent à de nombreux besoins de santé dans mon département du Gard, sont menacées. La concurrence des entreprises de véhicules de transport avec chauffeur (VTC), notamment celles qui opèrent sous le statut d'autoentrepreneur, met en péril leur équilibre économique. Les négociations relatives à la nouvelle convention avec la Cnam sur le transport sanitaire assis suscitent des inquiétudes, au vu du contexte budgétaire national. La société Uber, à plusieurs reprises condamnée par la justice, échappe toujours à ses obligations fiscales et sociales en France.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir la pérennité de cette profession ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - L'État veille à garantir une concurrence équilibrée, moyennant un encadrement des conditions d'accès à l'activité et de ses modalités d'exercice. Le Gouvernement est conscient du rôle indispensable des taxis pour le transport sanitaire assis.
Les dépenses liées au transport sanitaire ont atteint 6,8 milliards d'euros en 2023, soit une augmentation de 10,8 %. Les taxis en représentent 41 %, soit 2,8 milliards d'euros, contre 26 % pour les ambulances et 13,5 % pour les véhicules sanitaires légers (VSL). Ces dépenses devraient continuer à augmenter en raison du vieillissement de la population et de la hausse du nombre de patients atteints d'affections de longue durée (ALD) bénéficiant d'une prise en charge intégrale. Les discussions entre les organisations professionnelles et la Cnam doivent se poursuivre pour aboutir à un accord équilibré. Par ailleurs, un arrêté ministériel du 20 janvier dernier a réévalué la grille tarifaire applicable aux artisans taxi.
M. Laurent Burgoa. - Merci. Le Sénat, attaché à la ruralité, reviendra sur ce sujet lors du nouvel examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Graisses animales : quelle priorité d'usage ?
M. Henri Cabanel . - La Fédération des fabricants d'aliments pour chiens, chats, oiseaux et autres animaux familiers (Facco) nous alerte sur les conséquences de l'utilisation croissante des graisses animales de catégorie 3 (C3), qui jouent un rôle essentiel dans la fabrication des aliments pour animaux de compagnie, dans la production de biocarburants : augmentation des prix, pénurie de matières premières et impact direct sur les 7 500 emplois directs et 25 000 emplois indirects liés à cette activité.
Cette évolution contrevient au principe de l'Union européenne qui accorde la priorité à l'alimentation humaine et animale sur la valorisation énergétique et fragilise une industrie clé, générant un excédent commercial supérieur à 1 milliard d'euros.
Pourquoi l'impact environnemental des graisses animales est-il considéré comme nul lorsqu'elles sont utilisées pour les biocarburants et non lorsqu'elles le sont par d'autres industries ?
Le Gouvernement entend-il protéger l'utilisation de ces graisses pour l'alimentation animale ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Pour limiter les conflits d'usage, la réglementation française et européenne favorise le développement des biocarburants avancés, issus de résidus et de matières usagées. Les carburants fabriqués à partir de graisses C3, qui n'en font pas partie, ne sont pas favorisés. Environ 25 % de ces graisses sont valorisées dans la nourriture animale, les quantités restantes étant employées dans les biocarburants et la chimie. Le marché de la nourriture animale fait bien partie des usages prioritaires, mais il ne saurait valoriser à lui seul l'ensemble de cette ressource. Les biocarburants constituent une voie d'utilisation pertinente. La France restera toutefois attentive aux conflits d'usage, pour préserver la compétitivité de l'industrie de l'alimentation animale.
M. Henri Cabanel. - Il va falloir choisir, pour éviter que les prix augmentent.
Pertes financières des communes liées à l'extension des bases aériennes
M. Hugues Saury . - L'expansion de la base militaire aérienne 123 d'Orléans-Bricy a des conséquences directes sur les communes limitrophes - Boulay-les-Barres, Coinces, Saint-Péravy-la-Colombe et Bricy - dont la situation financière est délicate. Elle compromet l'implantation d'éoliennes, source potentielle de revenus, et se fait en outre sur des terres agricoles auparavant génératrices de recettes via la taxe foncière payée par les agriculteurs, alors que les aménagements militaires en sont exonérés.
La base a vu son activité s'intensifier avec l'arrivée de 22 Airbus A400M, nécessitant la construction de nouvelles infrastructures, ce qui accentue la perte de revenus pour les collectivités territoriales concernées. Quelles mesures de compensation envisagez-vous ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Si les terrains et bâtiments utilisés par les armées pour le service public de la défense nationale et non productifs de revenus sont bien exonérés de la taxe foncière, la présence sur le ressort géographique communal de logements accueillant des familles de militaires peut générer des externalités positives pour les collectivités, notamment des retombées fiscales indirectes. Avec des milliers de militaires et des dizaines de civils, la base aérienne de Bricy est en outre un vivier d'emplois et une source importante d'activité économique.
Dès lors qu'ils font l'objet d'une amodiation autorisant la récolte des herbes ou le pacage des animaux, les terrains militaires doivent toutefois être considérés comme productifs de revenus, donc assujettis à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Il ne semble pas opportun d'instituer des mécanismes compensatoires spéciaux.
M. Hugues Saury. - J'entends vos arguments, mais nous parlons de communes rurales au budget limité. De bonnes relations financières sont essentielles pour assurer le lien entre l'armée et la nation.
Désindustrialisation dans l'Oise
M. Alexandre Ouizille . - Les plans sociaux s'accumulent dans l'Oise : chez le sous-traitant automobile Forvia à Méru, dans la machinerie agricole, chez AGCO et Gima, à Beauvais, ou encore chez le chimiste WeylChem Lamotte à Trosly-Breuil. Le site de Chemours, à Villers-Saint-Paul, qui devait accueillir 200 millions d'euros d'investissements supplémentaires dans l'année, va fermer. De même, un plan social est en cours chez AkzoNobel à Montataire, tout comme chez Stokomani, à Creil et Verneuil-en-Halatte.
Que peut le Gouvernement ? À quand une politique industrielle assortie, sur le modèle américain de l'Inflation Reduction Act (IRA), de clauses de conditionnalité territoriale ? Quand rénoverons-nous nos outils d'antidumping ? Une demande faite par WeylChem Lamotte a requis vingt-quatre mois d'instruction - l'usine aurait eu le temps de fermer trois fois... Enfin, comment mieux protéger les salariés ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Face à la situation de l'industrie dans l'Oise, le Gouvernement a obtenu de Sanofi un engagement de maintien du site de production d'Opella à Compiègne. Pas moins de 70 millions d'euros d'investissements sont prévus sur cinq ans, ainsi que des volumes de production minimaux, notamment pour le Doliprane. Bpifrance est en outre entrée au capital d'Opella. L'activation de la réglementation sur les investissements étrangers en France (IEF) n'était donc pas justifiée.
Quelque 130 000 emplois ont été créés dans l'industrie depuis 2017 et 36 usines ont été ouvertes au premier semestre 2024. Des plans d'action nationaux et européens sont déployés pour soutenir les secteurs de la chimie, de l'automobile et de l'acier. Le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), la Déléguée interministérielle aux restructurations des entreprises (Dire) et les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP) accompagnent près de 4 000 entreprises par an.
Le Gouvernement sera toujours à vos côtés pour agir au service de l'industrie.
M. Alexandre Ouizille. - Merci de vos précisions sur Opella. La question du socle social n'en reste pas moins posée.
Accès aux comptes bancaires en ligne
Mme Lauriane Josende . - L'entrée en vigueur, le 13 janvier 2018, de la directive européenne sur les services de paiement (DSP2) du 25 novembre 2015, impose aux utilisateurs une contrainte de possession et de bonne utilisation du téléphone portable. Bien que l'article L. 311-9 du code monétaire et financier dispose que « le client peut, immédiatement, et à n'importe quel moment de la relation contractuelle, s'opposer par tout moyen à l'usage d'un support durable autre que le papier et demander sans frais à bénéficier d'un support papier », cela ne s'applique pas à la consultation des comptes bancaires. De plus en plus de banques exigent donc que leurs clients aient un smartphone. Cette obligation pèse notamment sur les personnes âgées ou fragiles.
Que comptez-vous faire pour assurer l'égal accès de tous les usagers aux services bancaires ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Le Gouvernement partage le souhait que les consommateurs bancaires disposent d'un niveau d'information adéquat de la part de leurs établissements de crédit. Un client ne saurait donc voir sa documentation dématérialisée sans avoir donné son accord ni pu s'y opposer. Les clients dépourvus de smartphone ont plusieurs moyens d'accès à leurs comptes bancaires : possibilité d'appeler leur conseiller bancaire, utilisation d'un ordinateur classique, utilisation d'un guichet automatique dans le sas de leur agence. L'égalité d'accès aux informations est donc assurée.
Mme Lauriane Josende. - Dans les zones rurales, c'est une illusion. Les agences sont loin, les personnes âgées peuvent difficilement se déplacer. Les services en ligne sont difficilement joignables par téléphone. J'espère que vous prendrez des mesures pour imposer aux services bancaires une plus grande diligence à l'égard des personnes âgées.
Tarifs réglementés de l'électricité
M. Fabien Genet . - À la suite de la crise énergétique, la réforme du marché intérieur de l'électricité, adoptée par le Parlement européen en avril 2024, prévoit un dispositif d'urgence : les États membres peuvent réguler les prix en cas de crise, mais selon des conditions très restrictives, limitées dans le temps.
Les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) français sont toujours considérés comme une exception aux règles européennes et sont, de fait, menacés : la France est tenue de remettre un rapport à la Commission européenne pour justifier leur maintien. La Commission réexaminera la situation d'ici au 31 décembre 2025, avec à terme une possible date de fin pour les prix réglementés.
Dans un contexte de forte hausse du coût de l'énergie, les TRVE sont essentiels : ils protègent les entreprises, les collectivités locales et les particuliers.
Le Gouvernement défendra-t-il une position ferme pour maintenir les TRVE ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - En raison de la situation politique, la France a remis son rapport avec un léger retard. Nous nous sommes appuyés sur les évaluations menées par l'Autorité de la concurrence et la Commission de régulation de l'énergie.
Nos arguments sont les suivants : les TRVE offrent de la stabilité et de la visibilité aux consommateurs ; ensuite, en complément des boucliers tarifaires, ils ont permis d'amortir les variations de prix ; de plus, ils sécurisent les approvisionnements, grâce aux consommations en heures pleines et heures creuses ; enfin, ils ne sont pas un frein à la concurrence sur le marché de détail, car proposer des offres moins chères reste possible.
La France soutiendra le maintien des TRVE.
M. Fabien Genet. - Votre position est claire et très sage ; nous sommes nombreux à la soutenir.
Financement des territoires d'industrie
M. Jean-Jacques Michau . - À la suite du débat qui a eu lieu dans l'hémicycle du Sénat le 14 janvier 2025, le ministre a affirmé son soutien au dispositif Territoires d'industrie et sa volonté de reconduire le dispositif Rebond industriel. Cependant, j'insiste sur les besoins en financement.
Les ressources publiques sont de plus en plus limitées. Il est primordial, dans le domaine de la réindustrialisation, de concentrer les financements sur les Territoires d'industrie, sachant que l'État les a sélectionnés précisément pour leur potentiel industriel. Il faut donc soutenir les investissements des PME industrielles, en s'inspirant du dispositif Rebond industriel, qui a démontré son efficacité.
Quels financements l'État entend-il flécher vers les Territoires d'industrie, pour renforcer leur compétitivité et soutenir leur transformation industrielle durable ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Ce programme représente 2 millions d'emplois et réunit 630 intercommunalités. À ce propos, je salue l'engagement de Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France, dans la stratégie industrielle de la France.
Territoires d'industrie a financé 153 chefs de projets depuis 2023, pour 7 millions d'euros. Le programme s'appuie aussi sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour les projets complexes, grâce à un budget d'ingénierie de 2 millions d'euros. Structuration de la filière bois dans le Lot, requalification foncière à Sète, autant de projets soutenus.
La transition écologique est aussi prise en compte, avec 60 millions d'euros du fonds vert, pour des projets intéressant l'industrie biosourcée, l'économie circulaire ou le réemploi.
Ainsi, 160 projets ont été recensés, créant 780 millions d'euros d'investissements privés et 2 600 emplois. Ce programme porte ses fruits, l'État va continuer à le soutenir.
Minoration des populations lors du recensement
M. Jean-Raymond Hugonet . - Le recensement de la population est devenu une véritable préoccupation.
Pour les communes de plus de 10 000 habitants et jusqu'en 2004, il était effectué tous les dix ans. Depuis, le recensement a lieu chaque année sur un échantillon de 8 % du parc de logements, répertoriés de façon exhaustive par les municipalités. L'Insee définit la population légale en multipliant le nombre de logements par le nombre moyen d'occupants par logement de la commune. Mais le compte n'y est pas.
Les analyses de l'Insee sont très éloignées des réalités de terrain, au détriment des communes. Dans l'Essonne, les écarts sont significatifs, comme à Évry-Courcouronnes.
Administrativement, les populations municipales baissent, alors que les demandes de logement, les inscriptions en crèches ou dans les écoles vont croissant, et que les programmes urbains sont en forte expansion. Les conséquences financières sont lourdes, notamment en matière de calcul de la dotation globale de financement (DGF).
Prévoyez-vous enfin un mode de calcul réaliste des populations pour les communes de plus de 10 000 habitants ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme . - Dans les communes de plus de 10 000 habitants, la population est calculée par l'Insee uniquement à partir des informations recueillies par les communes : nombre de logements et nombre moyen de personnes par logement. Les nouvelles constructions sont prises en compte via le répertoire dédié au logement, mis à jour en continu.
De plus, le recensement fait l'objet d'une évaluation permanente, au sein de la Commission nationale d'évaluation du recensement de la population (Cnerp), présidée par Éric Kerrouche.
Pour assurer une égalité de traitement, la population publiée à la fin d'une année reflète la situation au milieu du cycle quinquennal de recensement, soit la situation effective trois ans auparavant. La Cnerp vient d'approuver la réduction du décalage à deux ans, avec une mise en oeuvre en 2026, sous réserve de la validation par l'Insee.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Les choses avancent, mais on se hâte avec lenteur : mettons un coup d'accélérateur.
Exploitation des ressources naturelles de Guyane
M. Georges Patient . - Nos voisins, le Suriname et le Guyana, vont connaître un essor économique fulgurant grâce à l'exploitation de leurs ressources. La Guyane, elle, reste pauvre, parce que des décisions centralisées entravent toute dynamique de développement. Elle est maintenue sous cloche, à cause de réglementations excessives, d'un accès au foncier verrouillé et de règles environnementales qui, paradoxalement, favorisent l'exploitation illégale et l'économie souterraine. Résultat : pas d'emplois, et un sentiment d'injustice qui incite à la révolte. Que dire à la population ? Combien de temps la Guyane sera-t-elle l'éternelle sacrifiée ?
Il faut repenser la position de l'État. Envisagez-vous d'abroger la loi Hulot, vécue comme un véritable boulet colonial ? C'est le seul territoire sud-américain à subir de telles règles.
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer . - Les ressources de la Guyane sont exceptionnelles. Le Gouvernement est attaché à leur valorisation. C'est un enjeu économique, d'emploi et de souveraineté.
L'État emploie plus de 300 militaires à la protection de ces ressources, pour encourager notamment l'orpaillage légal. Le sous-sol guyanais contient aussi d'autres ressources : un inventaire des ressources minérales sera lancé à la fin du premier semestre. Par ailleurs, je reste à votre disposition pour travailler ensemble à la valorisation de la pêche et de l'agriculture.
La recherche d'hydrocarbures n'est plus permise. La COP28 de Dubaï invite à s'éloigner des énergies fossiles, mais les voisins de la Guyane prospectent. J'ai demandé à mes services d'étudier la conventionnalité d'une éventuelle initiative parlementaire. Il faut un débat, y compris sur la loi Hulot.
Les territoires ultramarins nous font rayonner et ils doivent maintenant rayonner par eux-mêmes. Le débat n'est pas facile, mais ouvrons-le.
M. Georges Patient. - Je vous rencontrerai prochainement pour en discuter.
École inclusive
M. Philippe Grosvalet . - La loi de 2005 devait permettre à tous les enfants en situation de handicap de poursuivre un cursus scolaire en établissement spécialisé ou en milieu dit « ordinaire ». Les élèves handicapés scolarisés dans ce dernier sont passés de 162 000 en 2004 à plus de 470 000 en 2024, augmentation due en partie à l'insuffisance de places en instituts spécialisés.
Malgré le recrutement d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), trop d'élèves se retrouvent sans solution. Insuffisamment encadrés dans un milieu non adapté, ces enfants sont alors dans des situations de détresse pouvant engendrer de la violence contre eux-mêmes ou contre leurs camarades, comme cela s'est vu à l'école élémentaire des Halbrans, à Pont-Saint-Martin, en Loire-Atlantique.
En 2023, le Gouvernement avait lancé l'acte 2 de l'école inclusive pour revaloriser le métier d'AESH, augmenter les effectifs et créer les pôles d'appui à la scolarité (PAS). Mais les AESH travaillent encore dans des conditions dégradées. Les conditions d'apprentissage pour tous ne sont pas remplies. Les parents disent : « Donnez-nous les moyens pour une école inclusive non subie ! »
Quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour assurer à tous des conditions d'apprentissage adéquates ?
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Faire de l'école un lieu inclusif est un engagement fort du Gouvernement. Depuis 2017, nous avons créé 34 000 postes d'AESH. En septembre 2025, 2 000 nouveaux AESH seront recrutés. Nous revalorisons ce métier, nous accompagnons mieux ces professionnels et avons réduit le passage d'un CDD à un CDI de 6 à 3 ans.
Depuis la rentrée 2024, nous expérimentons les PAS dans quatre départements. Des équipes mobiles sont aussi déployées, pour prévenir les ruptures de parcours. Nous encourageons la coordination entre l'éducation nationale et le milieu médico-social. Nous prévoyons 100 nouveaux PAS cette année.
L'école pour tous n'est pas un slogan, mais une exigence. Nous sommes déterminés, avec la ministre d'État, à mener ce combat.
Concours de sixième année de médecine
M. Stéphane Sautarel . - L'examen de la sixième année de médecine détermine désormais le choix de la spécialité et le lieu d'études pour les quatre à six années suivantes.
Depuis septembre 2023, ce concours est composé d'un écrit national, d'un parcours étudiant validé par tous et d'un examen oral, l'examen clinique objectif structuré (Ecos), validant, mais aussi classant. Or les épreuves 2024 ont été marquées par plusieurs dysfonctionnements. Cet oral ne semble pas adapté : la perte d'un demi-point peut faire perdre 1 000 places dans le classement national. Dans d'autres pays, cet oral n'est que validant. Envisagez-vous de faire de même ?
Par ailleurs, le caractère national du concours renforce les déserts médicaux.
D'autres difficultés concernant les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ont également vu le jour. Plusieurs candidats auraient été arbitrairement recalés en raison d'une suppression injustifiée de postes par le jury.
L'administration joue une curieuse partition. Qu'en est-il ?
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - La réforme de l'accès à l'internat a été mise en place pour les étudiants de sixième année de médecine en 2024, en concertation avec les représentants d'étudiants. Son objectif était une évaluation des connaissances, mais aussi des compétences. Les Ecos évaluent le savoir-faire et le savoir-être des étudiants en milieu professionnel. Les évaluations, standardisées, sont réalisées par deux examinateurs. En effet, de faibles différences de note influencent significativement le classement final.
L'épreuve test d'Ecos de mars 2024 a révélé quelques dysfonctionnements corrigés pour les épreuves réelles, qui se sont déroulées sans difficultés les 28 et 29 mai 2024, pour 8 000 étudiants dans 32 facultés.
Il n'y a pas de raison de remettre en question le caractère classant de cette épreuve clinique, complémentaire des épreuves écrites. Par ailleurs, son caractère national est indispensable pour garantir un classement équitable des étudiants.
M. Stéphane Sautarel. - Je ne remets pas en cause le principe de ce concours, mais son caractère classant, défavorable à un certain nombre de territoires.
Moyens insuffisants de l'enseignement primaire en Seine-et-Marne
Mme Marianne Margaté . - En Seine-et-Marne, le taux d'encadrement des élèves de primaire était, à la rentrée 2024, de 5,56 contre 6,07 pour l'académie de Créteil et 6,03 au niveau national. Cela correspond au niveau national de 2018.
Le nombre de postes créés dans les réseaux d'aides spécialisés aux élèves en difficulté (Rased) et d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) est insuffisant.
Tout cela, combiné à la hausse de la population, a produit une rentrée particulièrement difficile. De nombreuses classes ont été fermées, y compris 14 brutalement, après la rentrée. Imaginez la colère des élus, parents et enseignants, et le désarroi des élèves.
Le maintien annoncé des 4 000 postes d'enseignants doit se concrétiser sur le terrain, en améliorant les conditions de travail et d'apprentissage. Il faut un recrutement massif d'enseignants titulaires.
En Seine-et-Marne, il faut un plan d'urgence pour porter le taux d'encadrement au niveau de l'académie de Créteil. Or les premières annonces sur la carte scolaire sont inquiétantes. Pas moins de 210 fermetures sont annoncées, contre 117 ouvertures. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que la Seine-et-Marne ne soit plus la dernière de la classe ?
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - L'éducation nationale demeure la priorité du pays : nous avons annulé la suppression de 4 000 postes d'enseignants, malgré le contexte budgétaire et la baisse du nombre d'élèves.
Depuis 2017, la Seine-et-Marne a vu ses effectifs diminuer de 2 514 élèves, soit 1,6 %. En 2017, une classe comptait en moyenne 24,2 élèves, contre 23,1 désormais.
Alors que nous nous apprêtons à célébrer les vingt ans de la loi de 2005, je mesure les attentes vis-à-vis de l'école inclusive. Nous avons progressé, mais devons aller plus loin. Aussi, nous créons 2 000 nouveaux postes d'AESH dès la rentrée prochaine et consacrerons 200 millions d'euros supplémentaires à l'inclusion scolaire.
Accompagnement des élèves en situation de handicap
M. Cédric Vial . - La loi sur la prise en charge financière par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap lors de la pause méridienne a été adoptée le 27 mai dernier à l'unanimité. Hélas, sa mise en oeuvre est entravée par la complexité excessive d'une circulaire de juillet et par un manque de moyens financiers. Il faudrait 31 millions d'euros pour 2025.
J'ai alerté les ministres de l'éducation nationale à plusieurs reprises. J'ai fait adopter un amendement de 31 millions d'euros au PLF 2025 contre l'avis du Gouvernement, mais il a été supprimé en CMP. L'ancienne ministre Anne Genetet m'avait annoncé, le 2 décembre, la publication d'un décret de simplification de la circulaire. Il devait paraître en décembre, puis en janvier. Nous sommes le 11 février et il ne l'est toujours pas. Quand le sera-t-il ? Comment comptez-vous vous assurer de la bonne application de la loi ?
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - L'inclusion scolaire doit être une réalité toute la journée ; c'est tout le sens de la loi Vial, qui confie à l'État le financement de l'accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps méridien.
Première priorité : adapter l'accompagnement aux besoins réels des élèves. L'État en est responsable. Chaque situation est étudiée en s'appuyant sur les recommandations des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), ainsi que sur l'expertise des pôles inclusifs d'accompagnement localisé et des pôles d'appui à la scolarité. Les familles sont associées.
Deuxième priorité : simplifier le dispositif. Un décret a été présenté en comité social d'administration du ministère de l'éducation nationale le 21 janvier, afin de clarifier les règles et de faciliter la mise en place de cet accompagnement. L'État assumera pleinement ses obligations d'employeur. Notre ambition est claire : que chaque élève en situation de handicap ait un accompagnement adapté à ses besoins et à son degré d'autonomie, tout au long de sa journée.
M. Cédric Vial. - Vous venez d'illustrer la différence entre potentiellement et concrètement. Potentiellement, vous avez raison. Concrètement, cela ne fonctionne pas.
Accès à certains métiers pour les personnes atteintes de diabète
M. Pierre-Jean Verzelen . - Plus de 4 millions de Français sont atteints de diabète, maladie en constante augmentation. Parmi eux, beaucoup se sont vu refuser l'accès à certaines professions. Justifiées, autrefois, par précaution, ces restrictions paraissent aujourd'hui surannées au regard des progrès de la médecine. En effet, il est désormais possible de surveiller sa glycémie grâce à des lecteurs et de maîtriser les risques.
La loi de 2021 relative aux restrictions d'accès à certains métiers prévoit la mise en place d'un comité interministériel d'évaluation. Les décrets relatifs à sa composition ont été pris très tard. Ce comité devait rendre un rapport au Gouvernement et au Parlement tous les ans. Or aucun rapport n'a été publié. Les associations ont fait part de leur déception. L'avenir des personnes concernées demeure incertain.
Pouvez-vous nous communiquer ces rapports ? Comment les travaux qui doivent ouvrir l'accès à l'emploi des victimes de pathologies chroniques se poursuivront-ils ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - C'est effectivement un enjeu de justice sociale et d'égalité des chances. La loi du 6 décembre 2021 a institué un comité d'évaluation des textes encadrant le marché du travail. Sa composition a été fixée par le décret du 22 avril 2022 et finalisée par l'arrêté du 29 juin 2022. Son premier rapport, sur l'année 2022, a été transmis au Parlement. Je vous le ferai renvoyer si nécessaire. Celui sur l'année 2023 est en cours de transmission. Ces rapports montrent les avancées réalisées dans l'évaluation des conditions d'accès à certains métiers, dont ceux de la police nationale.
Les évolutions des connaissances sur le diabète ainsi que les progrès technologiques ont été intégrés aux réflexions du comité. Des recommandations en découleront. Nous verrons s'il est possible de modifier la réglementation en vigueur.
Évolution de la démographie médicale
M. Hervé Maurey . - Il y a tout juste douze ans, en février 2013, nous présentions, avec Jean-Luc Fichet, un rapport intitulé Déserts médicaux : agir vraiment. Douze ans plus tard, aucun gouvernement n'ayant agi vraiment, ni même vraiment agi malgré nos interpellations régulières, la situation n'a fait qu'empirer.
L'étude réalisée en 2023 par la Drees montre que le desserrement du numerus clausus ne réglera en rien les disparités de répartition des médecins sur le territoire, ni en 2030, ni en 2040, ni en 2050. On ne peut donc qu'espérer des mesures fortes prises par un gouvernement courageux, dont une régulation de l'installation des médecins. De telles mesures ont montré leur efficacité dans d'autres pays, et même en France pour d'autres professionnels de santé.
Le Gouvernement compte-t-il changer de braquet et agir vraiment, en prenant enfin les mesures qui s'imposent pour résorber les inégalités territoriales d'accès aux soins ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - En effet, il n'y a pas eu d'anticipation de l'évolution démographique médicale. Nous comptons le même nombre de médecins qu'en 1970, alors que nous sommes 15 millions d'habitants de plus, que la population a vieilli et que le rapport au travail a complètement changé : il faut 2,3 médecins pour en remplacer un qui part en retraite.
Selon la Cour des comptes, la transformation du numerus clausus en numerus apertus est en-deçà des objectifs.
Ma proposition de loi qui sera, je l'espère, prochainement inscrite à l'ordre du jour du Sénat, supprime le numerus apertus pour former en fonction des besoins du territoire, permet le retour en deuxième cycle des étudiants français partis à l'étranger et assure une juste installation des étudiants en quatrième année. Quelque 3 600 docteurs juniors sont concernés pour novembre 2026.
En outre, j'oeuvre constamment à améliorer l'évaluation des Padhue.
M. Hervé Maurey. - Je me réjouis que vous dressiez le même constat que moi, monsieur le ministre. Malheureusement, vous n'avez pas répondu à mon souhait que le Gouvernement s'engage à plus d'audace. Toutefois, je ne suis pas étonné car depuis que je suis sénateur, j'ai l'impression de prêcher dans le désert, sans mauvais jeu de mots.
Comme à vos prédécesseurs, je vous demande un bilan des politiques incitatives entreprises en faveur de l'accès aux soins.
Convention assurance maladie-taxis
M. Hervé Reynaud . - Les chauffeurs de taxi conventionnés sont très mobilisés contre le projet de réforme de la convention-cadre entre la Caisse nationale d'assurance maladie et les organisations syndicales représentatives. À Lyon, les 2 et 3 décembre, près de 3 000 véhicules taxis étaient mobilisés. Si le statu quo devait perdurer jusqu'à fin mai, la convention impose une baisse des tarifs, le taxi partagé et l'obligation de parcourir le trajet le moins onéreux compatible avec l'état de santé du malade.
Or les taxis dans nos territoires vivent essentiellement du transport professionnalisé ; le nouveau modèle risque de mettre en difficulté ces entreprises et les patients dans nos territoires ruraux et villes moyennes.
Comment le Gouvernement entend-il prendre en compte cette situation, particulièrement en milieu peu dense ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Rapporteur général de la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, j'avais reçu les taxis lors de la manifestation de décembre. Je suis extrêmement sensible à ce sujet.
La différenciation territoriale est essentielle, car l'impact du transport n'est pas le même selon que l'on se trouve dans une métropole dotée d'un métro, d'un tramway, de bus ou dans la ruralité, comme c'est le cas dans ma circonscription. Le transport est indispensable à l'accès aux soins, notamment pour amener les patients à leur chimiothérapie, leur radiothérapie ou leur séance de dialyse.
Je pense qu'il y a de l'efficience à trouver, par la voie du conventionnement, la responsabilisation des acteurs et la lutte contre la fraude, même s'il est hors de question de déstabiliser le réseau des taxis. Le transport partagé n'est pas un problème en soi, à condition que l'état immunitaire des patients ne soit pas incompatible avec un tel voyage dans un habitacle clos.
M. Hervé Reynaud. - Il y a certainement de l'efficience à trouver, mais de manière différenciée selon les territoires.
Quatrième année d'études en médecine générale
M. Olivier Rietmann . - La médecine générale est essentielle. La loi de 2022 a prévu une quatrième année d'études pour encourager les jeunes médecins à choisir cette voie et à s'installer dans les zones les moins dotées en professionnels de santé. Cette mesure est attendue avec impatience, mais les décrets d'application, annoncés pour juin 2023, n'ont toujours pas été publiés. Le 15 mai dernier, le ministre Valletoux avait promis une publication avant la fin de l'été.
Alors que cette quatrième année doit entrer en vigueur en 2026, il y a urgence ! L'absence de décrets freine la préparation des médecins généralistes encadrants et futurs docteurs juniors, mais aussi des collectivités territoriales qui doivent anticiper des enjeux majeurs tels que la rémunération, l'accueil, les lieux de consultation ou encore les logements.
Quand ces décrets seront-ils publiés ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Je ne suis en fonction que depuis le 24 décembre, mais j'ai pris ce sujet à bras-le-corps. J'ai rencontré l'intersyndicale nationale des internes (Isni) et l'intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar), qui ont entamé un mouvement de grève.
Des engagements ont en effet été pris par mes prédécesseurs. J'ai été le quatrième ministre de la santé de 2024. Nous avons besoin de stabilité sur de tels sujets sensibles.
Avec les collectivités territoriales, les agences régionales de santé (ARS), les facultés de médecine, le collège national des enseignants de médecine générale et les doyens, nous cherchons les meilleurs lieux de stage possible : il faut 3 600 stages pour le 2 novembre. Je m'engage à prendre les décrets ne nécessitant pas d'évolution législative au printemps. Pour les autres, le PLFSS permettra de régler des problématiques de statut, de rémunération, de responsabilisation et de participation à la permanence des soins et de résoudre les questions soulevées par les internes.
M. Olivier Rietmann. - Je ne doute nullement de votre engagement. Vous avez dit ce matin sur une chaîne d'information qu'il fallait « rétablir la confiance ». Pour cela, il faut concrétiser les engagements. Nous comptons sur vous !
Centres de santé de la Croix-Rouge en Île-de-France
Mme Anne Souyris . - Chaque mois, nous découvrons avec effroi qu'un nouveau centre de santé risque de fermer. Les centres de la Croix-Rouge française en Île-de-France, qui prenaient en charge plus de 40 000 patients sans dépassement d'honoraires, ont fermé en mai dernier après cessation de paiement. Les maires concernés, les élus de Paris et les organisations syndicales se sont exprimés contre leur cession à un acteur privé à but lucratif, dont le Sénat a dénoncé la tentative d'OPA sur notre système de santé publique.
La Ville de Paris peut les accompagner dans une certaine mesure, mais sa capacité a des limites et toutes les collectivités ne peuvent pas faire face à cette catastrophe de santé publique. Leurs missions, notamment à destination des plus vulnérables, sont insuffisamment financées. La tarification actuelle est de facto antisociale.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre ? À quand un plan de sauvegarde de ces centres et un financement au forfait ? Les patients des centres Réaumur, Stalingrad, Montsouris, Haxo et Olympiades attendent une réponse concrète, particulièrement les personnes en situation de handicap prises en charge aux Olympiades.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Les centres de santé jouent effectivement un rôle majeur dans l'accès aux soins : localisation dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville, application généralisée du tiers payant intégral, actions de prévention...
L'Île-de-France en compte 1 093, dont 271 à Paris, sur un total de 2 875 en France. L'ARS les soutient depuis dix ans à hauteur de 1,3 million d'euros - 150 000 euros cette année pour les centres parisiens, mais ils font face à des difficultés structurelles : inflation, difficultés de recrutement et impact du Ségur. La fermeture que vous évoquez a été décidée le 30 juin dernier ; je suis entré en fonctions le 24 décembre. Cela illustre l'intérêt de la stabilité.
J'ai demandé à l'ARS de procéder à une évaluation de l'impact sur l'offre de soins, sur les plans quantitatif et qualitatif, permettant de mettre au point au premier trimestre de cette année un plan d'action. Je reviendrai vers vous prochainement.
Défaillances d'accès aux soins dans la Nièvre
M. Jean-Jacques Lozach, en remplacement de M. Patrice Joly . - Dans la Nièvre, les exemples de défaillances du système hospitalier, en particulier des urgences, se répètent, donnant lieu à des situations de plus en plus dramatiques. Il y a un mois, un homme de 82 ans a été transporté en urgence à l'hôpital de Cosne-sur-Loire après la fermeture des urgences à Nevers et l'incapacité de celles de Decize à l'accueillir. Il ne doit son salut qu'à la ténacité de sa famille, qui lui a fait parcourir 70 kilomètres pour atteindre l'hôpital de Moulins, où il a enfin été diagnostiqué d'un accident vasculaire cérébral (AVC) - mais trop tard pour bénéficier du traitement thrombolytique.
Cette situation n'est pas isolée. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour améliorer l'accès aux soins d'urgence dans la Nièvre et pour garantir que chaque patient puisse bénéficier d'une prise en charge adaptée, rapide et sécurisée ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - La situation que vous décrivez n'est pas acceptable. Concernant la régulation, il ne faut pas que le temps d'attente téléphonique soit trop long, car, pour certaines pathologies - AVC ou infarctus du myocarde - le délai de prise en charge conditionne le pronostic. Nous avons saisi l'ARS Bourgogne-Franche-Comté pour revoir la filière de prise en charge des AVC, pour que tout patient puisse bénéficier d'une thrombolyse, voire d'une thrombectomie.
Nous avons besoin de former plus de professionnels, mais pour former un médecin, il faut dix ans... Il faut donc plus de docteurs juniors sur les territoires, plus de praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue), il faut faire revenir pour leur internat les Français qui étudient à l'étranger... Je vous tiendrai informé de la réponse de l'ARS Bourgogne-Franche-Comté.
M. Jean-Jacques Lozach. - Il est de notre devoir de ne pas nous résigner et de trouver des solutions durables. Comme le disait Nietzsche, faire une chose de la même manière et s'attendre à un autre résultat, c'est une forme de lâcheté. Garantissons à chaque Nivernais un accès aux soins qui respectent leur dignité et, tout simplement, leur vie.
Accès aux soins psychologiques
M. Cédric Chevalier . - Le dispositif « Mon soutien psy » a facilité l'accès à des psychologues conventionnés. Toutefois, le financement est insuffisant, l'accessibilité est inégale selon les territoires, les délais d'attente sont trop longs.
La pandémie de covid-19 a laissé des séquelles sur la santé mentale des jeunes. L'isolement, les perturbations scolaires et les incertitudes professionnelles ont favorisé les troubles anxieux, dépressifs et comportementaux. Les besoins d'accompagnement psychologique n'ont jamais été aussi élevés.
Or le manque de professionnels et de structures adaptées dans certains territoires est un frein majeur. Il est impératif d'augmenter les moyens alloués, de revaloriser les consultations et d'améliorer le maillage territorial des professionnels en santé mentale.
L'adolescence et le début de l'âge adulte sont des périodes de stress et d'angoisse. Précarité économique, pression scolaire, manque de perspectives professionnelles : un suivi psychologique accessible et adapté, combiné à des politiques publiques favorisant l'insertion sociale et professionnelle, est indispensable pour prévenir les situations de détresse et garantir aux jeunes un avenir serein. Il faut également mener des campagnes de sensibilisation, dans les établissements scolaires et universitaires, afin de lutter contre la stigmatisation des troubles psychologiques et encourager les jeunes à demander de l'aide.
Quelles mesures envisagez-vous pour pérenniser ce dispositif ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - « Mon soutien psy » a amélioré la prise en charge psychologique de nos concitoyens, particulièrement des jeunes, plus touchés par la crise sanitaire.
Depuis avril 2022, 336 000 patients ont bénéficié de 1,8 million de séances prises en charge par l'assurance maladie. Pour renforcer la prise en charge, il faut former plus de médecins, donc ouvrir plus de places en formation. Certains se spécialiseront en psychiatrie. Idem pour les professions paramédicales. Nous travaillons avec les régions pour former plus d'infirmiers, et avec les universités pour former plus de psychologues.
Ce PLFSS supprime l'adressage médical préalable pour consulter un psychologue. Le rapporteur que j'étais a demandé un rapport sur ce point. Le nombre de séances prises en charge passe de huit à douze, et la séance est revalorisée à 50 euros.
Le renforcement du maillage se fera avec les élus locaux, en fonction des nouveaux professionnels que nous allons former.
Vous avez raison d'appeler à déstigmatiser. On peut aussi prévoir des référents santé mentale dans les organisations professionnelles, scolaires ou autres.
Régime indemnitaire des directeurs par intérim d'Ehpad
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Les élus et directeurs d'Ehpad de l'Yonne m'ont alerté sur la question du régime indemnitaire des directeurs d'établissement par intérim. En effet, selon un décret du 9 avril 2018, un directeur qui assume l'intérim d'un second établissement perçoit une indemnité ad hoc de 300 à 415 euros. Or les responsabilités afférentes sont importantes : cela demande du temps, une présence physique. Il faudrait à tout le moins doubler cette indemnité.
Il faut également se pencher sur le cas des directeurs adjoints qui, souvent, épaulent les directeurs par intérim. Une telle prime ne grèverait pas les finances des établissements concernés, puisqu'elle reste très inférieure à la rémunération d'un directeur de plein exercice.
Par ailleurs, ne pourrait-on imaginer une bonification à la main du conseil d'administration, en complément de cette revalorisation ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Je salue ces directeurs, par intérim ou non, qui exercent des fonctions difficiles auprès de nos aînés. Le métier est hélas peu attractif. Je me suis rendu à l'École des hautes études en santé publique de Rennes pour montrer l'engagement du ministère à former des directeurs d'Ehpad.
Sur la majoration financière, l'application des coefficients multiplicateurs représente une augmentation qui peut aller de 33 à 41 % du montant de la part fonction de la prime de fonctions et de résultats, lorsque l'intérim est assuré dans un autre établissement.
On dénombrait 1 591 directeurs d'établissements en activité au 1er janvier, contre 1 865 en 2013, soit une diminution de 14,7 %. Nous devons effectivement utiliser ces primes de fonctions et de résultats pour améliorer les conditions financières de ces intérims, mais surtout travailler à l'attractivité de cette filière.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je prends cette question comme un point de départ et non d'arrivée, puisque vous n'avez pas évoqué une modification du décret. Il faudra y travailler, pour redonner de l'attractivité à ces intérims, et, plus largement, à la mission de directeur d'établissement.
Oubliés du Ségur
Mme Amel Gacquerre . - Le complément de traitement indiciaire (CTI) issu des accords du Ségur de la Santé de 2020 vise à reconnaître l'engagement des professionnels du domaine médical, social et médico-social. Il leur donne droit à une prime de 189 euros nets mensuels.
Initialement réservée aux seuls agents des hôpitaux et Ehpad, la prime dite Ségur a été progressivement étendue. À date, l'ensemble des catégories d'agents publics y est éligible au sein des centres hospitaliers et des Ehpad, ainsi qu'une majorité des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) publics autonomes.
Toutefois, au sein de ces derniers, une exception subsiste pour les agents des filières administrative, technique et ouvrière, et pour les agents des services hospitaliers qualifiés qui n'en bénéficient pas. Entre 2 000 et 5 000 agents seraient concernés.
Quelles mesures envisagez-vous pour mettre fin à cette inégalité de traitement et garantir l'accès à la prime Ségur à tous les professionnels du secteur social et médico-social, public et autonome ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - L'augmentation de 4 milliards d'euros des rémunérations des professionnels du secteur social et médico-social est historique. Au total, près de 700 000 salariés ont bénéficié d'une revalorisation de 183 euros nets - 192 euros nets mensuels pour le secteur public - dont 500 000 au titre du Ségur et de la mission dite Laforcade.
L'article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a octroyé la prime Ségur à tous les personnels relevant des établissements sanitaires et des Ehpad de la fonction publique, en lien avec leur engagement dans la crise sanitaire.
À la suite des accords Laforcade, le CTI a été élargi aux personnels soignants des ESMS de la fonction publique hospitalière, ainsi qu'aux personnels administratifs et techniques des ESMS rattachés à un établissement sanitaire.
N'étaient pas concernés les personnels administratifs et techniques des ESMS autonomes de la fonction publique hospitalière, principalement rattachés à des établissements publics départementaux ou communaux. Il s'agissait de garantir l'unicité des statuts des personnels relevant d'un même établissement, tout en prenant en compte les spécificités des métiers, selon qu'ils s'exercent en milieu hospitalier ou sous l'autorité d'une collectivité.
Cette différence de traitement entre agents administratifs et techniques en fonction de la personnalité juridique des ESMS est à l'origine d'une question prioritaire de constitutionnalité portée par la Fédération hospitalière de France le 21 décembre 2023.
M. le président. - Monsieur le ministre, il faut conclure.
M. Yannick Neuder, ministre. - Dans sa décision du 21 mars 2024, le Conseil constitutionnel a considéré que la distinction opérée par l'article 48 de la LFSS pour 2021 était non conforme à la Constitution.
Financement du permis moto par le compte personnel de formation
M. Pascal Martin . - L'article 3 de la loi du 21 juin 2023 permet le financement par le compte personnel de formation (CPF) de la préparation aux épreuves théoriques et pratiques de toute catégorie de permis de conduire d'un véhicule terrestre à moteur - y compris le permis moto. Un amendement du Gouvernement avait renvoyé au décret le soin de préciser l'éligibilité au CPF, après consultation des partenaires sociaux.
Or selon la presse et les organisations professionnelles, le Gouvernement imposerait des restrictions : le CPF pourrait ne financer qu'un premier permis de conduire. Impossible dès lors pour les citoyens titulaires d'un permis B de financer leur permis moto grâce au CPF.
Pourtant, un décret ne saurait contredire une disposition législative ! D'autre part, restreindre le financement du permis moto via le CPF compromettrait des secteurs où la mobilité est essentielle, tels que la livraison, les soins à domicile et divers métiers commerciaux.
Les organisations professionnelles représentant les services de l'automobile ont proposé de limiter le financement par le CPF à un seul permis léger, quand bien même le titulaire disposerait déjà d'un permis B, ou encore d'instaurer un délai après l'obtention d'un premier permis financé par le CPF pendant lequel il serait impossible d'en financer un second. Quelles suites entendez-vous réserver à ces propositions ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Les droits individuels au CPF sont acquis chaque année, à hauteur de 500 euros par an ; 800 euros pour un travailleur peu ou pas qualifié. Tous les permis sont éligibles au CPF depuis la loi du 21 juin 2023. Les partenaires sociaux ont été consultés.
Aux termes du décret du 17 mai 2024, les droits CPF peuvent être mobilisés pour financer un permis véhicule léger uniquement lorsque le titulaire ne dispose pas déjà d'un permis véhicule léger en cours de validité - en effet, la valeur ajoutée d'un second permis pour se rapprocher de l'emploi est alors assez faible.
Toute personne née après 1988 peut déjà conduire une moto ne dépassant pas les 50 cm³ sans avoir besoin de passer le permis. Ce permis AM est obtenu au collège ou au lycée.
De même, les titulaires d'un permis B peuvent toujours obtenir l'équivalent du permis A1 et conduire des motos jusqu'à 125 cm³, à condition de suivre une formation de sept heures - non éligible au CPF car peu certifiante.
Pour les six premiers mois de 2024, les permis moto A1 ont représenté moins de 3 % des permis moto achetés par les droits CPF, l'essentiel concernant les motos de grosse cylindrée, comme les Harley-Davidson. En outre, les permis poids lourds et remorques restent éligibles au CPF et finançables avec les droits des titulaires.
Défense de la filière pêche
Mme Annick Billon . - En ce moment même, de nombreux pêcheurs du golfe de Gascogne sont empêchés de travailler. Derrière ces bateaux à quai, c'est toute une filière qui souffre : pêcheurs, mareyeurs, criées. Un pêcheur immobilisé, c'est trois emplois indirects qui prennent l'eau. L'addition est salée : si une indemnisation de 20 millions d'euros a été annoncée, elle ne compense qu'à court terme une interdiction qui fragilise durablement le secteur : négociations commerciales plus dures, personnel en reconversion. L'indemnisation colmate une brèche, mais la filière tangue toujours. Pourquoi la pêche est-elle rattachée à l'écologie quand l'agriculture relève de la souveraineté alimentaire ? En cette année de la Mer, comment comptez-vous défendre durablement la pêche française et éviter de nouvelles fermetures du golfe de Gascogne ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Le Président de la République et le Premier Ministre ont voulu regrouper, pour la première fois, la mer, la biodiversité et la forêt dans un même portefeuille. L'objectif ? Mieux lutter contre le dérèglement climatique en intégrant nos deux principaux puits carbone : l'océan et la forêt. L'écologie est aussi un enjeu de souveraineté : préserver nos ressources naturelles, poissons et coquillages compris, est crucial. Concrètement, je défendrai la pêche française dans les négociations européennes, notamment sur le Brexit et la politique commune de pêche. La modernisation et la décarbonation de la flotte sont aussi essentielles à sa compétitivité. Nous finaliserons le contrat stratégique de filière pour le Salon de l'agriculture afin d'aborder les défis de la pêche et de son aval, notamment les criées.
Mme Annick Billon. - Selon les débarquements, les taxes perçues par les criées varient fortement, alors qu'elles restent confrontées à des charges fixes. La criée des Sables m'a alertée sur ces difficultés ; travaillons-y ensemble.
Conséquences de l'action « mois sans pêche »
M. Max Brisson . - Le « mois sans pêche » est reconduit pour la seconde année, malgré une contestation grandissante, pour son inefficacité - selon Pélagis, il y a eu 187 échouages en 2023 contre 273 en 2024 - et pour des raisons écologiques - la France, dépendante à 80 % des importations, devra davantage importer, et de plus loin -, et pour ses effets économiques - mareyeurs, transporteurs et poissonniers sont privés de revenus, mettant en péril des milliers d'emplois. L'indemnisation de l'État ne compense pas ces pertes et fragilise toute la filière. Le Gouvernement compte-t-il mettre un terme à ce dispositif qui affaiblit la pêche française sans sauver les dauphins du golfe de Gascogne ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Coupons court tout de suite : la fermeture du golfe de Gascogne est efficace, puisque les échouages et décès précoces de dauphins ont été divisés par quatre.
Par ailleurs, c'est une décision judiciaire qui a contraint le Gouvernement à fermer pour trois ans le golfe, le temps de mettre en place des solutions alternatives, comme l'effarouchement des cétacés. En attendant, nous avons débloqué 20 millions d'euros pour indemniser les pêcheurs à hauteur de 80 % de leur chiffre d'affaires, bien au-dessus de l'aide accordée aux Espagnols. Nous compensons aussi les pertes des mareyeurs.
Bien sûr, nous ne pouvons pas en rester là : notre objectif est de rouvrir la pêche en 2027, avec des solutions testées scientifiquement pour concilier activité de pêche et protection de la biodiversité.
M. Max Brisson. - Votre réponse me surprend : en 2024, malgré le « mois sans pêche », il y a eu plus d'échouages qu'en 2023, lorsque les bateaux pêchaient. Les pêcheurs sont injustement désignés comme boucs émissaires. Ils vivent très mal cette situation, et votre réponse ne montre aucun engagement clair pour sauver la filière. Nous importons toujours plus et perdons notre souveraineté alimentaire.
Nouvelle baisse de 50 % des aides au chauffage au bois domestique
M. Daniel Chasseing . - Le Gouvernement a baissé de 50 % les aides à la rénovation pour les appareils de chauffage au bois domestique. C'est une mesure vivement contestée : le chauffage au bois, notamment aux granulés, est une énergie économique, locale, faible en émission de CO? et inscrite dans une logique d'économie circulaire. Si l'on met en regard les économies réalisées, 50 millions d'euros pour l'État, avec les fermetures d'entreprise et les baisses des recettes de TVA, il n'y aura aucun gain. De plus, de nombreux ménages modestes risquent de ne plus avoir accès à cette énergie abordable. La planification écologique encourage pourtant son développement. Le Gouvernement envisage-t-il de revenir sur son projet de révision du barème de MaPrimeRénov' pour le chauffage au bois ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Le Gouvernement soutient l'installation de chauffage au bois domestique, afin qu'il remplace les chaudières au fioul ou les vieux chauffages au bois inefficaces. Les travaux de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) montrent que nous avons besoin de deux fois plus de biomasse que ce que nous produisons. Nous avons priorisé la biomasse vers les usages les moins substituables. Aussi, Mme Létard et moi-même nous sommes battues pour ne réduire que de 30 % les aides à l'achat de chauffage bois. En 2025, les ménages les plus modestes pourront bénéficier d'un soutien financier allant jusqu'à 9 000 euros - les aides peuvent être combinées avec les certificats d'économies d'énergie (C2E).
M. Daniel Chasseing. - Je vous remercie de maintenir cette aide. Le granulé, c'est 250 entreprises, 73 usines et 20 000 emplois. Nous sommes inquiets, car le ministre de l'industrie veut supprimer les incitations à l'installation de pareils chauffages dans le prochain PLF.
Accroissement des demandes de certificat de nationalité française
Mme Hélène Conway-Mouret . - Régulièrement, des conseillers des Français de l'étranger me rapportent les difficultés administratives de nos compatriotes confrontés à un refus de certificat de nationalité française (CNF). Malgré deux instructions ministérielles en 2022 et 2024 rappelant que la présentation d'un titre valide ou périmé depuis moins de cinq ans suffit pour prouver la nationalité française, de nombreux usagers doivent encore présenter un CNF pour des démarches administratives simples, comme le renouvellement d'un titre d'identité.
Certains doivent donc entamer des démarches longues et complexes auprès du tribunal judiciaire pour obtenir ce certificat, avec un taux de refus croissant, passant de 69 % en 2018 à 80 % en 2023. Or ce refus peut avoir des conséquences dramatiques, comme la radiation du registre électoral ou le retrait d'un passeport - je pense notamment à cette mère de famille en Inde qui risque de se retrouver sans titre valable... Le ministère ne dispose pas de statistiques sur les CNF demandés par nos consulats. Ne serait-il pas temps de mettre en place un indicateur pour avoir une vision globale et éviter que des demandes systématiques de CNF causent le désarroi de nos compatriotes ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger . - Il n'existe pas de statistiques globales, mais les chiffres du tribunal judiciaire de Paris montrent une baisse significative des demandes de CNF des Français établis hors de France, passant de 20 280 en 2018 à 7 917 en 2023, quand le taux de refus a augmenté à 81 % en 2023.
Une note diplomatique, adressée le 6 décembre dernier à notre réseau, distingue désormais les usagers titulaires d'éléments de preuve de nationalité française consolidés et ceux devant fournir des documents complémentaires en cas de doute. Les postes sont invités à analyser la situation avant de demander un CNF, sauf en cas de doute sérieux. Nous avons également demandé aux élus de signaler les cas problématiques pour permettre une intervention de l'administration centrale.
Arsenal juridique concernant les squatteurs
M. Jean-Marie Mizzon . - En Moselle comme ailleurs, les médias rapportent souvent des cas de logements squattés. Ces logements, souvent très dégradés, restent difficiles à évacuer et à restituer à leurs propriétaires légitimes. Depuis 2017, une procédure d'évacuation forcée permet aux préfets, saisis dans un délai de 48 heures après dépôt de plainte, de mettre en demeure les squatteurs de quitter les lieux. Cependant, cette procédure accélérée, issue de la loi Asap de 2020, ne répond que partiellement aux attentes des victimes. Le texte ne dissuade pas suffisamment les squatteurs, qui restent nombreux, et les travaux de remise en état demeurent coûteux pour les victimes, doublement pénalisées. Pour rendre cet arsenal juridique plus dissuasif, ne faudrait-il pas envisager des peines plus sévères et de lourdes sanctions financières pour les contrevenants ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger . - La lutte contre l'occupation illicite des logements, engagement de longue date du ministère de la justice, a été renforcée par la loi du 27 juillet 2023. L'article 226-4 du code pénal porte désormais les peines de violation de domicile à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Deux nouveaux délits ont été créés : l'introduction ou le maintien illicite dans un local d'habitation, commercial ou agricole, ainsi que le maintien sans droit malgré une décision de justice. De plus, la sanction pour sous-location illicite a été alourdie et la propagande en faveur du squat pénalisée. Une circulaire du 23 novembre 2023 invite les procureurs à appliquer une politique pénale ferme. La procédure d'évacuation administrative a été étendue et simplifiée, et les délais pour quitter les lieux en cas de squat ont été supprimés. L'arsenal juridique actuel semble donc complet.
M. Jean-Marie Mizzon. - Votre réponse est intellectuellement satisfaisante, mais, en pratique, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. J'espère qu'à l'avenir la justice appliquera ces règles de manière plus efficace.
Effectifs du tribunal judiciaire de Tarascon
Mme Mireille Jouve . - Dans le cadre de la justice de proximité, le tribunal de Tarascon a obtenu des renforts entre 2021 et 2024, avec notamment le recrutement de sept contractuels, améliorant sa situation, bien que celle-ci reste tendue. Le 28 mars dernier, Éric Dupond-Moretti, alors garde des sceaux, a annoncé des effectifs supplémentaires dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, confirmant ainsi l'arrivée de quatre magistrats, deux greffiers et deux attachés de justice, renforçant une juridiction aux attentes élevées. Afin de garantir son bon fonctionnement, pouvez-vous confirmer la trajectoire budgétaire et préciser le calendrier de mise en oeuvre ? Le tribunal peut-il espérer de nouveaux postes en 2025 ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger . - Les effectifs annoncés pour 2023-2027 sont confirmés. L'objectif cible, pour le tribunal judiciaire de Tarascon, demeure de dix-sept magistrats du siège et sept du parquet, incluant les quatre créations de postes prévues. Les attachés de justice seront sept d'ici 2025, et l'effectif du greffe atteindra 54 agents, dont 28 greffiers, auxquels s'ajouteront deux greffiers supplémentaires d'ici 2027. Plusieurs postes restent vacants, mais un greffier rejoindra la juridiction en mars 2025. Ces recrutements permettent de renforcer la justice de proximité.
Mme Mireille Jouve. - Ces évolutions permettront au tribunal de Tarascon de rendre justice plus sereinement.
Prolifération des armes fantômes
M. Christophe Chaillou . - Les armes fabriquées à l'aide d'imprimantes 3D, dites armes fantômes, sont intraçables, contrairement aux armes manufacturées.
En février 2024, l'unité cyber de la gendarmerie nationale a démantelé un vaste réseau de trafic de pièces fabriquées à l'aide d'une imprimante 3D - une première en France.
L'imprimante est capable de créer, grâce à des plans disponibles gratuitement et facilement sur Internet, des pièces en plastique, mais aussi des armes lourdes. Il est très facile d'accéder aux plans de fabrication sur Telegram, puis d'envoyer les armes via Vinted : c'est très préoccupant. Des mesures d'urgence s'imposent.
Quel est le point de vue du Gouvernement ? Quels sont les moyens et les mesures que vous comptez instaurer pour endiguer ce phénomène ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Votre constat est parfaitement lucide : la fabrication de ces armes à feu est une menace extrêmement sérieuse.
La police et la gendarmerie, sans oublier la douane, sont présentes sur l'ensemble du spectre des trafics d'armes et déploient des savoir-faire qui sont reconnus sur le terrain comme dans le cyberespace.
Cela dit, le phénomène demeure contenu : d'une part, des freins technologiques limitent, à moins de gros investissements, les possibilités de fabrication ; d'autre part, il est beaucoup plus simple pour les criminels d'acquérir des armes manufacturées.
Au dispositif opérationnel déjà en place s'ajoute une réglementation stricte. Celui qui fabrique des armes sans avoir le statut d'armurier tombe donc sous le coup de la loi, que l'arme soit manufacturée ou qu'elle soit imprimée.
Nous envisageons de pénaliser la fabrication, la possession et la cession par tout non-armurier de fichiers informatiques présentant le plan de fabrication d'une arme en 3D. Une discussion est en cours entre le ministère de la justice et les instances européennes à l'occasion de la prochaine directive sur l'uniformisation des infractions pénales entre États membres.
Hausse des moyens pour la sécurité publique en Val-de-Marne
M. Pascal Savoldelli . - La baisse de la construction de logements sociaux et l'augmentation des loyers dans le secteur privé freinent l'accès au logement pour les agents de police. Que compte faire l'État ?
Ma question porte sur deux circonscriptions de sécurité publique de mon département.
Premièrement, Le Kremlin-Bicêtre. Les élus, les habitants et les agents se sont réjouis de la rénovation du commissariat. Mais la question des effectifs reste entière : quid de leur augmentation et de l'ouverture d'un second commissariat à Villejuif ?
Deuxièmement, Champigny-sur-Marne. Le commissariat actuel, situé dans le quartier du Bois-l'Abbé, est trop excentré. Là aussi, les citoyens demandent une hausse des effectifs et la création d'un deuxième commissariat. Où en est ce projet ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - La répartition des effectifs au sein des commissariats de police tient compte de la population et des enjeux de sécurité propres à chaque territoire. Le modèle spécifique d'organisation de la préfecture de police permet aux directions ou aux brigades spécialisées d'intervenir dans toutes les communes de l'agglomération parisienne, en fonction des besoins.
En 2024, la délinquance a globalement baissé dans les communes que vous citez.
À Villejuif, à Vitry-sur-Seine ou à Choisy-le-Roi, plusieurs locaux ont bénéficié d'investissements importants. Les projets de rénovation lourde ne peuvent toutefois aboutir rapidement. Cela dit, les efforts que nous menons avec les collectivités, à l'instar du nouveau commissariat de Maisons-Alfort, soulignent l'engagement de l'État pour mener à bien l'effort de rattrapage nécessaire dans votre département.
M. Pascal Savoldelli. - J'ai en ma possession les chiffres de la délinquance du 6 février : ceux-ci confirment la nécessité d'augmenter les effectifs et les moyens.
Je salue la présence en tribune d'un collectif d'habitants de Champigny-sur-Marne. Les maires ne connaissent même pas les chiffres que vous citez : pouvez-vous les leur transmettre ? Êtes-vous prête à recevoir les représentants du collectif ? (Mme Sophie Primas marque un signe d'assentiment.)
Port de couteaux de poche
M. Jean-Claude Anglars . - Ces derniers mois, une rumeur s'est propagée en Aveyron : le simple fait de porter un couteau traditionnel pourrait désormais entraîner une amende de 500 euros et une mention au casier judiciaire. Cela suscite incompréhension et inquiétude.
Le couteau pliant de poche - le Laguiole, par exemple - est non seulement un objet du patrimoine vivant, mais aussi un ustensile du quotidien. En milieu rural, avoir son couteau dans la poche est souvent plus utile que d'avoir son portable. (Sourires) Sanctionner le port d'un couteau serait totalement inopportun.
Pouvez-vous me confirmer que le port d'un couteau dans l'espace public ne sera pas automatiquement sanctionné ? Le couteau n'est pas une arme par nature, mais peut devenir une arme par destination. La sanction dépend du contexte, critère déterminant. Mais cette appréciation n'est pas toujours évidente. Le dernier paragraphe de l'article 317-8 du code de la sécurité intérieure prévoit le versement d'une amende forfaitaire.
Pouvez-vous nous rassurer ? Est-il encore possible de se promener en Aveyron avec un couteau Laguiole, un Liadou, un Sauveterre, un Larzac ou un Najac sur soi ? (Sourires)
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Merci pour ce tour d'Aveyron des couteaux.
Je réponds oui à votre dernière question ; les couteaux de poche traditionnels peuvent être appréciés comme un outil utilitaire de la vie rurale.
Seuls les poignards et les couteaux-poignards, se distinguant notamment par un tranchant sur chaque côté de la lame, sont expressément visés par le code de la sécurité intérieure et classés en catégorie D. Ils ne peuvent être vendus qu'à des majeurs, uniquement dans des commerces ayant été autorisés par le préfet. Leur port et leur transport sont explicitement interdits, sauf motifs légitimes comme la participation à une action de chasse ou à une reconstitution historique.
Les autres couteaux ne sont pas expressément classés dans cette catégorie. Ils sont toutefois susceptibles de blesser, voire de tuer, si on les détourne de leur usage. En cas de contrôle, ceux-ci peuvent être considérés comme une arme blanche présentant un danger pour la sécurité publique et relever à ce titre également de la catégorie D.
Le motif légitime est apprécié au cas par cas par le policier ou le gendarme selon les circonstances, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Le recours à la procédure expérimentale de l'amende forfaitaire délictuelle repose sur les mêmes principes et s'inscrit dans le cadre de la politique pénale locale.
Avenir des polices municipales
Mme Christine Herzog . - Créées à l'initiative du maire, les polices municipales sont un service local de proximité. Face à l'augmentation de la délinquance, des violences urbaines, de la progression du narcotrafic et de l'ensauvagement de la population, les policiers municipaux sont les premiers sur le terrain et interviennent souvent avant la police ou la gendarmerie nationale. Pourtant, la sécurité est une mission régalienne de l'État. Le maire ne doit pas suppléer ses carences.
La tendance va au remplacement des policiers et des gendarmes par des policiers municipaux. Cela coûte cher aux collectivités : en 2023, près de 4 % des dépenses de fonctionnement des communes.
Les policiers municipaux prennent des risques, faute d'équipements et de prérogatives judiciaires étendues.
L'État prévoira-t-il plus de moyens pour que les policiers et les gendarmes puissent intervenir sur tout le territoire ? Une complémentarité de leur action avec celle des policiers municipaux peut-elle être envisagée ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Je partage votre constat : plus aucune partie du territoire n'est épargnée par la délinquance, y compris les territoires ruraux. Le renforcement de la police et de la gendarmerie ne porte pas seulement sur les effectifs, mais aussi sur le maillage territorial, d'où l'annonce des 239 nouvelles brigades, dont 80 ont été créées en 2024.
Cela dit, les forces de sécurité intérieure ne peuvent agir seules ; elles doivent articuler leur action avec l'ensemble des acteurs du continuum de sécurité. Les maires sont les pivots de la lutte contre la délinquance.
Bruno Retailleau a fait de la montée en puissance des polices municipales un enjeu majeur ; il a demandé aux préfets d'en faire un axe fort de leurs plans d'action départementaux pour la restauration de la sécurité du quotidien.
Je n'irai pas jusqu'à parler d'interopérabilité, car bien des choses les distinguent, mais il faut davantage de synergies. Nous devons aussi accroître les prérogatives et les moyens des policiers municipaux, notamment leur armement et leur protection.
Les conclusions du Beauvau des policiers municipaux, menées par François-Noël Buffet, sont attendues pour début avril ; le renforcement des dispositifs de coordination figure parmi les axes de travail. La contraventionnalisation de certains délits constitue effectivement une hypothèse à étudier. La représentation nationale en sera bien sûr informée.
Création d'une BSTC au Mans
M. Thierry Cozic . - En 2022, Gérald Darmanin, alors ministre de l'intérieur, avait promis la création de 77 nouvelles unités affectées à la sécurisation des transports, dont 37 brigades de sécurisation des transports en commun (BSTC) dans les villes moyennes, notamment au Mans. Ces renforts auraient dû être mis en place au printemps 2024.
La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) ne comporte aucune mention sur les effectifs supplémentaires affectés à ces brigades, mais M. Darmanin s'était engagé à créer dix postes au Mans.
Le Mans ne dispose toujours pas de BSTC, contrairement à 14 villes, comme Nice ou Saint-Étienne. Cela suscite de vives interrogations. Où sont les dix postes promis ? Quelles sont les raisons de ce retard ? Quel est le nouveau calendrier prévu ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Le Gouvernement souhaite évidemment renforcer la sécurité des transports en commun. Bruno Retailleau a demandé aux préfets d'y être attentifs dans les plans d'action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien. Le continuum de sécurité est fondamental : les exploitants, les services de sécurité, les autorités organisatrices de transport et les polices municipales ont chacun un rôle à jouer. La proposition de loi Sûreté dans les transports offrira à cet égard de nouveaux outils.
Les moyens humains ne sauraient être la seule réponse. De nombreuses autres voies doivent être étudiées : moins de bureaucratie, moins de procédures, moins de charges indues, moins d'impunité ; autant de domaines sur lesquels nous avançons.
Les fonctionnaires de police du Mans sont pleinement mobilisés ; je leur rends hommage. Dans la Sarthe, les heures de mission des forces de gendarmerie dans les réseaux de transport ont progressé de 25 % en 2024, par rapport à 2023. Ce travail porte ses fruits : on observe une baisse du nombre de victimes et une hausse du nombre de mises en cause dans les transports en commun.
Faut-il créer une unité spécialisée au Mans ? Pragmatisme et déconcentration, voilà la ligne de conduite ; nous ne prendrons pas de décision depuis Paris. Une BSTC est toujours prévue au Mans, même s'il ne s'agit pas d'une priorité de la direction départementale de la police nationale. Soyez toutefois assuré que la lutte contre l'insécurité dans les transports est sa priorité.
Alternative aérienne à la fermeture partielle de la ligne Polt
M. Christian Redon-Sarrazy . - À partir du mois prochain, tous les trains seront supprimés sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) entre 9 h 30 et 17 h 30 en raison de travaux, jusqu'en janvier 2026. Or, ces derniers mois, le service s'est déjà fortement dégradé sur les trains du matin et du soir, sur lesquels le flux de voyageurs se reportera : depuis le début de l'année, ce que la SNCF qualifie de service normal correspond à deux à quatre allers-retours supprimés sur les dix quotidiens...
La réduction supplémentaire du nombre de trajets sera, en l'absence de mesures de substitution, catastrophique pour la dynamique des territoires desservis, dont mon département. Pour l'heure, les Haut-Viennoises et Haut-Viennois n'ont aucune autre solution de transport public : les liaisons vers le TGV Ouest sont interrompues entre Limoges et Angoulême et très fortement dégradées sur la ligne Limoges-Poitiers.
Dans ce contexte, le rétablissement des vols Limoges-Paris est-il possible ? L'État est-il prêt à compenser la rupture de desserte en finançant des liaisons aériennes de remplacement ?
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement . - Les travaux programmés d'avril prochain à janvier 2026 sont indispensables à la modernisation de la ligne Polt. Afin d'en minimiser l'incidence sur les voyageurs, le Gouvernement a veillé à maintenir les liaisons aux heures de pointe du matin et du soir.
S'agissant de l'éventuel rétablissement d'une liaison aérienne entre Limoges et Paris, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a étudié les différentes options, mais plusieurs obstacles doivent être pris en considération. En particulier, les obligations de service public devraient être entièrement redéfinies pour tenir compte des besoins spécifiques de la période de travaux. Par ailleurs, le calendrier très contraint ne permet pas de lancer une procédure classique de délégation de service public.
Une solution est toutefois à l'étude : une exploitation commerciale sans subvention, susceptible d'être mise en place plus rapidement. Nous travaillons avec les acteurs concernés pour définir un programme de vol adapté et étudier les options de soutien possibles dans le cadre du droit européen et des contraintes budgétaires actuelles.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Merci pour ces éléments de réponse. Hélas, de telles situations sont récurrentes, parce que, en Haute-Vienne comme dans d'autres territoires, le problème de l'enclavement n'a pas été résolu, en dépit des inlassables alertes des parlementaires. Le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a émis des réserves sur l'implantation d'une nouvelle école vétérinaire à Limoges en raison de la faiblesse de la desserte ferroviaire !
Hausse des tarifs de la SNCF
M. Pierre-Antoine Levi . - Les Français sont de plus en plus nombreux à choisir le rail - 3 % de voyageurs en plus entre 2022 et 2023. Mais cette aspiration se heurte à une réalité tarifaire préoccupante : le prix moyen des billets Ouigo est passé de 27,60 à 34,20 euros en quatre ans, soit une hausse de 24 %. Quant aux tarifs Inoui, ils ont augmenté de 6 % sur la seule année dernière.
Ces augmentations risquent d'exclure de nombreux Français du transport ferroviaire. La situation est d'autant plus choquante que le PDG de la SNCF a déclaré que le TGV n'était pas un service public, annonçant une nouvelle hausse pour cette année, de 1,5 %. Et que, au même moment, l'offre se réduit : le déclassement de cent rames en parfait état puis le transfert de quatorze rames duplex en Espagne ont considérablement réduit notre capacité. L'offre Inoui a baissé de 24 % en dix ans ! La SNCF a certes lancé le programme Obsolescence déprogrammée, mais la livraison des nouvelles rames TGV-M sera retardée.
Comment le Gouvernement compte-t-il garantir une politique tarifaire qui permette l'accès de tous au train ? Comment accélérer le renouvellement du parc de rames TGV et faire correspondre les choix de la SNCF avec les besoins des Français ? N'est-il pas temps de repenser le financement du réseau ferroviaire, alors que 40 % des prix actuels correspondent aux infrastructures ?
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement . - Mon collègue Philippe Tabarot porte une attention spéciale à l'accessibilité des tarifs de tous les transports publics, en particulier ceux de la SNCF.
Comme opérateur d'un service librement organisé, celle-ci dispose d'une autonomie de gestion pour fixer sa politique tarifaire, gérer son matériel et adapter son offre. Après avoir fortement chuté lors de la crise sanitaire, les prix des services librement organisés ont connu en 2023 un rattrapage de l'indice des prix à la consommation. Cette année, les prix des cartes Avantage et Liberté et des abonnements Max Jeune et Senior seront gelés, et la SNCF met en place un bouclier tarifaire sur les billets Inoui, limitant la hausse de tarif au niveau de l'inflation anticipée, soit 1,5 %.
Par rapport à 2019, la progression du prix moyen pour un billet grande vitesse est inférieure à 10 %, quand l'inflation générale atteint 20 %.
Par ailleurs, SNCF Voyageurs a fortement développé l'offre Ouigo, qui permet de voyager à prix bas vers plus de soixante destinations. Cette année, plus de la moitié des billets Ouigo seront à moins de 30 euros.
Le financement des mobilités sera au coeur d'une grande conférence nationale au printemps, à laquelle les parlementaires seront étroitement associés.
M. Pierre-Antoine Levi. - Nous connaissons l'opiniâtreté du ministre des transports dans le domaine ferroviaire : nul doute qu'il arrivera à convaincre de la nécessité d'une attention particulière aux prix, qui pénalisent nombre de Français.
Hausse des taux de cotisation à la CNRACL
Mme Céline Brulin . - Le Gouvernement a décidé sans concertation une augmentation de douze points du taux de cotisation employeur à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), le régime de retraite des agents territoriaux et hospitaliers.
Résultat : les collectivités territoriales devront supporter un surcoût de 1,2 milliard d'euros, au moment où l'État leur demande de baisser leurs dépenses de fonctionnement. Les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) seront aussi affectés : 4 millions d'euros de plus par an pour celui de Seine-Maritime. Les hôpitaux, en très grande difficulté, ne pourront absorber ce surcoût qu'au détriment des recrutements et des conditions de travail.
La CNRACL présentait un déficit de 3,8 milliards d'euros en 2024. Mais l'augmentation des cotisations est-elle le seul horizon du Gouvernement ? Rappelons que cette caisse pallie depuis des années les déficits d'autres régimes : la ponction subie représente 100 milliards d'euros depuis les années 1970 ; sans ces prélèvements, la CNRACL aurait des réserves suffisantes pour les dix prochaines années à taux de cotisation constant.
Le Gouvernement entend-il ouvrir un dialogue de fond avec les collectivités, les Sdis et les hôpitaux, mais aussi les organisations syndicales, pour envisager des solutions durables, au lieu de ponctions qui plongeront dans de graves difficultés ces acteurs majeurs de l'action publique ?
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement . - La situation du régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers est particulièrement préoccupante. De 2,5 milliards d'euros en 2023, son déficit devrait passer à 11 milliards d'euros en 2030. Cette dégradation s'explique, comme pour tous les régimes de retraite, par celle du ratio démographique.
Afin d'apporter une première réponse à cette situation d'urgence, le Gouvernement a décidé d'augmenter de trois points par an pendant quatre ans le taux de cotisation des employeurs. Cette hausse est importante, mais moins brutale que celle prévue initialement, comme l'a souhaité le Premier ministre.
Le Gouvernement ne perd pas de vue les autres mesures qui pourraient être prises. Les inspections générales des finances, des affaires sociales et de l'administration ont avancé des propositions qui doivent faire l'objet d'une concertation, sans tabou et en bonne intelligence avec les employeurs territoriaux et hospitaliers.
En liaison avec Catherine Vautrin, Amélie de Montchalin et Astrid Panosyan-Bouvet, François Rebsamen a proposé aux principales associations d'élus une telle concertation en vue de garantir un équilibre financier durable de la CNRACL.
Mme Céline Brulin. - Cette concertation devrait permettre de stopper les augmentations de cotisations, d'autant que la compensation promise par l'État pour la hausse de 2024 n'a pas été versée. Il faut s'interroger sur la situation des contractuels, qui cotisent au régime général, entre autres pistes.
Calcul de la surface artificialisée dans le cadre du GPSO
Mme Monique de Marco . - Dans le cadre du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), 327 kilomètres de nouvelles lignes à grande vitesse doivent être construits entre Bordeaux et Toulouse et Bordeaux et Dax.
Le document de travail sur les projets d'envergure nationale présenté à la conférence régionale du ZAN précise les surfaces consommées d'espaces naturels, agricoles ou forestiers (Enaf) pour le tronçon Bordeaux-Toulouse. Or seule l'emprise sous les rails est comptabilisée, pour 740 hectares, soit environ 3 hectares par kilomètre. À titre de comparaison, l'emprise foncière de la ligne Tours-Bordeaux représente 13 hectares par kilomètre, selon le calcul de grillage à grillage prévu par la loi Climat et résilience.
D'après le décret d'application applicable, sont artificialisées « les surfaces à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire ou d'infrastructures, notamment de transport ou de logistique, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée ». La modification non justifiée de ce mode de calcul a permis de diviser par quatre la surface artificialisée entre deux projets comparables !
Il s'agit d'une entorse majeure à la loi Climat et résilience. Allez-vous revoir le mode de calcul de la surface artificialisée par le GPSO et réévaluer l'impact environnemental de ce projet ?
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement . - La méthode actuelle de calcul de la consommation des Enaf consiste à comptabiliser les espaces effectivement urbanisés. Il n'y a donc pas lieu de se référer aux notions de surfaces artificialisée et non artificialisée, qui ne devaient intervenir qu'à compter de 2031 et pourraient être abandonnées au terme des réflexions actuelles du Gouvernement et du Parlement.
Le calcul de 740 hectares pour le GPSO correspond à une estimation du programme de travaux en Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, incluant la plateforme ferroviaire, les raccordements, les voies d'accès et les ouvrages annexes. Les surfaces végétalisées des abords ne sont pas comptabilisées, dès lors que s'applique le mode de calcul dit des ENAF. Il n'y a pas lieu à ce stade de revoir le calcul pour ce projet.
S'agissant de notre capacité à tenir le forfait de 12 500 hectares, le législateur a prévu que le Gouvernement publie annuellement des informations relatives à la consommation d'espaces par les projets d'envergure nationale ou européenne. Un rapport devrait être remis au Parlement en 2026, qui permettra d'ajuster nos estimations au vu de la consommation effective de chaque projet et de s'assurer du respect des objectifs de la loi Climat et résilience.
Dégradation des conditions de circulation sur la ligne Polt
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure . - Depuis le début de l'année, de nouvelles difficultés affectent la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), dans le Lot notamment : trains supprimés ou retardés, correspondances non assurées, halls de gare bondés. Tous les mois, la SNCF annonce de nouvelles suppressions de trains. Les locomotives ont plus de 30 ans ; les infrastructures sont mal entretenues ; le nombre d'agents de la SNCF diminue... La modernisation de cet axe d'intérêt national n'est plus une option, mais un impératif pour les quatre régions traversées et les cinq millions d'habitants concernés.
Je salue le projet de modernisation et la livraison de nouvelles rames en 2027. Mais quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il pour assurer un niveau de service acceptable d'ici là ? Cela vaut aussi pour le Paris-Clermont. Nos territoires ruraux méritent d'être respectés, or le ministre des transports annonce l'ouverture à la concurrence ! Nous ne nous résoudrons jamais à ce que le Lot et les territoires traversés par la ligne soient le bagage oublié des gouvernements.
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement . - Je vous confirme que l'État, en tant qu'autorité organisatrice, est pleinement mobilisé pour améliorer la qualité de service de cette ligne, avec un programme d'investissement sans précédent de 1,9 milliard d'euros sur 2018-2027, afin d'améliorer significativement la régularité et les temps de parcours. Nous avons aussi investi 400 millions d'euros dans l'acquisition de 28 nouvelles rames. Un plan d'action de la SNCF a permis d'augmenter la régularité de près de 8 points par rapport à 2023 - 83 % des trains arrivent à l'heure. Les travaux prévus cette année sont indispensables et nous avons veillé à maintenir des relations directes avec Paris, y compris pour Brive et Cahors. Enfin, le schéma directeur prévoit, à partir de décembre 2027, 11 allers-retours quotidiens dont deux rapides Paris-Limoges, permettant de réduire le temps de parcours à 2 h 52.
Révision du barème de MaPrimeRénov' sur le chauffage au bois
Mme Anne-Catherine Loisier . - Après une première baisse de 30 % en avril 2024, le Gouvernement a baissé de nouveau de 30 % au 1er janvier 2025 les aides à l'installation d'appareils de chauffage bois, soit une baisse de 50 % en huit mois de l'aide pour les millions de foyers se chauffant au bois, première énergie renouvelable. C'est pourtant une énergie économique, locale, vertueuse pour l'environnement et qui s'inscrit dans une logique d'économie circulaire.
Cette décision a été prise au nom du bouclage de la biomasse à horizon 2035, afin de privilégier la décarbonation des usages industriels au détriment du résidentiel, faisant fi des besoins des habitants de nos territoires ruraux. Cette stratégie sera-t-elle poursuivie ?
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement . - La décarbonation du chauffage des logements est essentielle pour atteindre nos objectifs climatiques. Et le chauffage au bois a joué un rôle important dans cette transition, notamment en zone rurale, en substitution du fioul.
Mais la ressource en biomasse est limitée et des tensions apparaîtront dès 2030. Pour garantir notre souveraineté énergétique et préserver cette ressource précieuse, nous devons prioriser les usages les plus efficaces, conformément à notre stratégie nationale bas-carbone (SNBC) : la chaleur haute température pour l'industrie et les réseaux de chaleur sont prioritaires, tandis que le chauffage résidentiel doit être développé de manière raisonnée. La construction nécessitera aussi de la biomasse.
C'est pourquoi nous avons décidé de réduire MaPrimeRénov' pour le chauffage au bois, progressivement et modérément - je me suis battue pour. Le taux réduit de TVA et l'écoprêt à taux zéro sont maintenus. Nous continuons de soutenir la filière bois-énergie et encourageons les solutions alternatives comme les pompes à chaleur, la géothermie et le solaire thermique. C'est un sujet sensible, je le sais.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je connais votre engagement, madame la ministre. Nous devons débattre de ce bouclage de la biomasse, car nous n'en aurons pas assez pour décarboner l'industrie.
Présence obligatoire d'Atsem dans les classes enfantines
M. Bernard Buis . - Le code des communes mérite d'être clarifiée : la présence d'un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem) dans les classes enfantines est-elle obligatoire ? Seules sont visées les classes maternelles, qui accueillent des enfants de 3 à 5 ans. Mais quid des classes enfantines qui, dans nos territoires ruraux, faute d'effectifs suffisants, accueillent des enfants de 4 à 7 ans ? Les Atsem jouent un rôle fondamental dans l'éducation de nos enfants.
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement . - En vertu d'un décret de 1992, les Atsem sont chargés de l'assistance au personnel enseignant pour l'accueil et l'hygiène des très jeunes enfants, ainsi que de la préparation et de la mise en état de propreté des locaux et du matériel. Le code des communes prévoit que toute classe maternelle doit bénéficier des services d'un Atsem. La classe enfantine étant le degré intermédiaire entre l'école maternelle et l'école primaire, l'obligation de présence d'un Atsem s'étend donc à ce type de classe : je vous le confirme.
Je rappelle que le recrutement et l'affectation des Atsem relèvent de la seule compétence du maire, en concertation avec le directeur d'école.
M. Bernard Buis. - Merci, madame la ministre, pour cette clarification.
La séance est levée à 12 h 40.
Présidence de Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.