Souveraineté alimentaire et agricole (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Discussion des articles (Suite)

Article 10 (Suite)

Mme la présidente.  - Amendement n°610 rectifié bis de Mme Pluchet et alii.

Mme Kristina Pluchet.  - Le Conseil d'État estime que conditionner le bénéfice des aides publiques accompagnant la transmission au respect du suivi effectif du parcours d'accompagnement personnalisé constitue une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle.

Le bénéfice des aides ne saurait être conditionné à l'accompagnement par France installations-transmissions -  ce serait disproportionné dans un pays de tradition libérale.

Mme la présidente.  - Amendement n°89 rectifié de M. Cabanel et alii.

M. Henri Cabanel.  - Nous rétablissons l'obligation pour les agriculteurs de présenter l'attestation de recours à France installations-transmissions à l'autorité administrative. Conservons une trace de ce passage. Le guichet unique doit apporter de la transparence.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°605 rectifié bis de M. Duffourg et alii.

M. Yves Bleunven.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°934 rectifié de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Franck Menonville, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - Il s'agit de lever une ambiguïté : la conditionnalité des aides ne vaut que pour les candidats à l'installation -  c'est l'état du droit  - , pas pour les cédants.

L'amendement n°611 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°70 rectifié de M. Levi et alii.

M. Vincent Louault.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°239 rectifié bis de Mme Housseau et alii.

Mme Marie-Lise Housseau.  - Défendu.

L'amendement n°648 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°752 de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - Nous instaurons l'obligation de présenter l'attestation de recours à France installations-transmissions, pour conserver l'efficience de l'outil.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Je suis favorable au maintien de la conditionnalité pour les jeunes agriculteurs, afin d'assurer un bon accompagnement de l'accès au métier, mais je n'en veux pas pour les cédants : demande de retrait de l'amendement n°610 rectifié bis.

Avis défavorable aux amendements identiques nos89 rectifié et 605 rectifié bis qui réintroduisent l'attestation. Privilégions l'incitation à la contrainte, qui a été inopérante par le passé.

Avis défavorable aux amendements identiques nos70 rectifié, 239 rectifié bis et 752.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.  - Avis défavorable à tous les amendements, sauf celui du rapporteur. Supprimer l'obligation d'attestation n'implique pas que certaines aides ne pourront pas être conditionnées. La mise en place de notre répertoire unique départemental (RUD) rend l'attestation superflue.

M. Daniel Salmon.  - Kristina Pluchet refuse la conditionnalité. Mais une bonne partie des aides publiques sont conditionnées. Que diriez-vous si les aides sociales n'étaient pas conditionnées ? (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) C'est nécessaire pour cibler les publics. Je le dis sans idéologie. (Sourires)

Mme Annie Genevard, ministre.  - L'argent public ne se distribue pas sans condition. L'alinéa 34 le prévoit explicitement. L'amendement du rapporteur supprime la conditionnalité pour le cédant, mais pas pour l'accédant. (M. Daniel Salmon le reconnaît, mais fait signe qu'il s'adressait à Mme Kristina Pluchet.)

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Ce qui est déjà le cas.

L'amendement n°610 rectifié bis n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos89 rectifié et 605 rectifié bis ne sont pas adoptés.

L'amendement n°934 rectifié est adopté.

Les amendements identiques nos70 rectifié, 239 rectifié bis et 752 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°381 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Denis Bouad.  - Les chambres d'agriculture doivent publier un bilan annuel de leurs actions en matière d'installation et de transmission.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Demande de retrait, car satisfait : ce bilan existe déjà.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Les chambres d'agriculture remettent déjà un bilan d'activité annuel au préfet de département, en vertu d'un arrêté de 2016. Votre demande est légitime, mais satisfaite.

L'amendement n°381 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°487 de M. Salmon et alii.

M. Daniel Salmon.  - Les chambres d'agriculture se voient confier une nouvelle mission de service public, sur l'installation et la transmission, avec notamment la mise en place d'un guichet unique.

Cela nous inquiète énormément, car les chambres d'agriculture manquent de pluralisme et risquent d'exclure les acteurs les plus alternatifs : petits producteurs indépendants, salariés agricoles. Le verrouillage de leurs instances ne permet pas la prise en compte des nouvelles générations qui veulent concilier production et respect de l'environnement.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Avis défavorable. Les élections dans les chambres d'agriculture viennent d'avoir lieu : les agriculteurs se sont exprimés.

Vous souhaitez une évolution du mode de scrutin. Je ne suis pas favorable à la proportionnelle stricte - souvenez-vous des conseils régionaux, devenus ingouvernables. Le mode de scrutin actuel permet une représentation pluraliste, dans les différents collèges.

Les chambres d'agriculture sont des établissements publics, dont les missions, de service public, sont encadrées par le code rural.

Les organisations ont pu être différentes par le passé -  dans le Grand Est, dans l'Aveyron. Demain, les chambres d'agriculture assureront cette nouvelle mission.

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - Bravo !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable, pour deux raisons. Tout d'abord, le mode de scrutin des chambres consulaires ne relève pas de la loi, mais du règlement. Ensuite, je remarque que les organisations professionnelles agricoles ne sont pas d'accord entre elles sur le mode de scrutin idéal. Je n'ai donc pas donné droit aux demandes de modification du mode de scrutin avant l'élection. Nous ne manquerons pas d'avoir ce beau débat politique.

M. Daniel Salmon.  - Avec la prime majoritaire, on bascule d'une chambre d'agriculture à majorité FNSEA à une majorité Coordination rurale -  c'est radical et ça écrase les minorités.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Et en Ardèche ?

M. Daniel Salmon.  - Je ne demande pas la proportionnelle intégrale, mais plus de pluralisme. Demain, lorsque les tenants de la prime majoritaire deviendront minoritaires, ils changeront peut-être d'avis... Ne perdons pas de temps : nous avons cinq ans devant nous !

L'amendement n°487 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°71 rectifié bis de M. Levi et alii.

M. Vincent Louault.  - Défendu.

L'amendement identique n°173 rectifié bis n'est pas défendu

Mme la présidente.  - Amendement identique n°197 rectifié ter de M. Genet et alii.

Mme Pauline Martin.  - Garantissons l'efficacité du dispositif France installations-transmissions. La communication et la promotion doivent être partagées entre les acteurs et non dévolues à la seule chambre d'agriculture.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°277 rectifié ter de M. Bleunven et alii.

M. Yves Bleunven.  - Défendu.

L'amendement n°649 rectifié bis n'est pas défendu.

L'amendement n°753 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°245 rectifié bis de Mme Devésa et alii.

Mme Brigitte Devésa.  - L'installation et la transmission sont des enjeux complexes nécessitant la mobilisation de tous les acteurs. La communication et la promotion doivent être partagées entre eux ; les chambres d'agriculture y contribuent, entre autres.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Nous voulons que les chambres d'agriculture portent le guichet unique et en fassent la promotion. Mais d'autres acteurs peuvent aussi en faire la promotion. Sagesse sur l'amendement n°245 rectifié bis.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable aux amendements identiques nos71 rectifié bis, 197 rectifié ter et 277 rectifié ter qui suppriment la mission de promotion. Sagesse sur l'amendement n°245 rectifié bis qui est un bon compromis.

M. Simon Uzenat.  - Nous sommes favorables à ces amendements. Les chambres d'agriculture sont un maillon essentiel, mais pas le seul. Les régions jouent un rôle primordial pour l'installation et la transmission : de nombreux rapports le soulignent, et je peux en témoigner en Bretagne. Or elles sont à peine mentionnées à l'article 10. Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que les régions seront bien associées à la définition du cahier des charges des guichets uniques, et à leur gouvernance, dans une démarche de coconstruction ? Le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, a fixé un objectif de mille installations aidées par an.

M. Vincent Louault.  - Les chambres d'agriculture, qui bénéficient d'une délégation de service public, perçoivent 800 millions d'euros de taxes affectées acquittées par les agriculteurs.

Je sais que certaines régions sont en pointe sur le sujet, mais éclater nos politiques agricoles entre de trop nombreuses collectivités -  il y a aussi les intercommunalités  - pose problème : ce ne sont pas des mini-ministères de l'agriculture. Chacun à sa place. Le point installation, c'est pour les chambres d'agriculture.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Ancienne conseillère régionale, je sais le rôle des conseils régionaux en matière agricole. Le soutien régional est souvent déterminant pour le dynamisme agricole. Le cahier des charges de l'accompagnement sera élaboré conjointement entre l'État et les régions.

Les amendements identiques nos71 rectifié bis, 197 rectifié ter et 277 rectifié ter ne sont pas adoptés.

L'amendement n°245 rectifié bis est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°937 de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Nous reportons d'un an la mise en place du réseau unique de l'installation et de la transmission, faute de pouvoir le mettre en place dans les délais initialement envisagés.

L'amendement n°937, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°604 rectifié bis de M. Duffourg et alii.

M. Yves Bleunven.  - Afin de rendre France installations-transmissions incontournable, nous proposons de faire de l'attestation de passage une pièce obligatoire du dossier de retraite.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Avis très défavorable.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°604 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

Après l'article 10

Mme la présidente.  - Amendement n°382 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Jean-Claude Tissot.  - Nous voulons donner comme objectifs à notre politique d'aménagement foncier agricole le respect de l'environnement et des paysages, l'encouragement aux projets agroécologiques, la diversification de notre agriculture et la déspécialisation de certaines grosses exploitations.

L'amendement n°382 rectifié ter, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°383 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Simon Uzenat.  - La transition vers l'agroécologie est l'une de nos priorités -  voyez le taux de succès des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) en Bretagne. C'est pourquoi nous demandons que les principes agroécologiques soient intégrés dans les projets d'installation financés par l'argent public.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Avis défavorable. Votre amendement est satisfait par le code rural qui dispose que « les candidats élaborent un projet global d'installation intégrant les aspects économiques et environnementaux ».

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°383 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°152 rectifié de M. Cabanel et alii.

M. Henri Cabanel.  - Nous demandons un rapport du Gouvernement sur le coût du réseau France installations-transmissions. C'est un amendement d'appel pour en savoir plus sur son financement, car de ses moyens humains et financiers dépendra son efficacité.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Je laisse le Gouvernement répondre à cet amendement d'appel.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable. Le guichet unique sera opérationnel au 1er janvier 2027. Nous sommes prêts, y compris sur la préfiguration, avec 20 millions d'euros inscrits en loi de finances. Le coût sera évalué avant le prochain PLF.

M. Henri Cabanel.  - Ce dispositif nécessitera des moyens humains et financiers importants qu'il serait utile de connaître.

L'amendement n°152 rectifié est retiré.

Article 10 bis A

Mme la présidente.  - Amendement n°257 rectifié ter de M. Bleunven.

M. Yves Bleunven.  - Nous voulons permettre à Vivea, le fonds d'assurance formation des non-salariés agricoles, de cofinancer la formation des candidats à l'installation, notamment via leur compte personnel de formation (CPF). Auparavant, Vivea ne pouvait intervenir qu'en l'absence de financement par un autre organisme de financement de la formation professionnelle.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°843 du Gouvernement.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Défendu.

Les amendements identiques nos257 rectifié ter et 843,acceptés par la commission, sont adoptés.

L'article 10 bis A est ainsi rédigé.

Article 10 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°619 rectifié bis de M. Gremillet et alii.

M. Daniel Gremillet.  - Plus de 40 % des exploitations agricoles sont des sociétés - groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec), exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA)...

Nous proposons de créer un statut d'associé à l'essai. Le contrat de travail serait suspendu durant la durée de l'essai. En cas d'essai concluant, l'associé intégrerait pleinement la société.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°938 rectifié de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - L'intégration dans une société n'est pas simple : c'est un projet entrepreneurial et personnel, mais qui repose aussi sur des relations humaines. Ce statut d'associé à l'essai serait sécurisant pour tous.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis favorable. Cela permettra au jeune associé de mesurer les implications de son association. On voit combien les mésententes au sein des Gaec peuvent être déstabilisantes, avec des conflits interminables...

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - C'est une riche idée. Dans les Hauts-de-Seine, les terres agricoles sont peu nombreuses, mais la moitié de l'Île-de-France est agricole. De nombreuses personnes, non issues du monde agricole, veulent se reconvertir en agriculture. Donnons-leur la possibilité d'essayer. Il faut aider davantage de jeunes à s'orienter vers les métiers agricoles, mais encourager aussi des actifs à embrasser un métier qui a du sens.

M. Jean-Claude Tissot.  - Nous voterons ces amendements par idéologie. (Sourires à gauche) Le travail collectif mérite d'être soutenu. Les jeunes qui s'installent choisissent plus souvent des structures individuelles que des Gaec. Bien sûr, l'association est parfois difficile, mais elle présente aussi des avantages.

M. Daniel Salmon.  - Nous sommes très favorables à ce droit à l'essai, notamment pour les personnes non issues du monde agricole. Même en famille, le Gaec n'est pas toujours simple.

Aux articles 1 et 8, nous avons défendu des droits à l'essai plus étendus, avec des espaces-tests. Je regrette que nos amendements n'aient pas été adoptés.

M. Gérard Lahellec.  - Ce statut est un atout pour la reprise d'exploitations agricoles. Nous voterons cet amendement.

M. Daniel Gremillet.  - Merci pour ces avis favorables. Dans les années 1980, lorsque j'étais président des Jeunes Agriculteurs des Vosges, nous avions créé le contrat installation-formation, afin d'aider des personnes non issues du monde agricole à s'installer. Les échecs sont rarement financiers, mais plus souvent dus à des mésententes.

Cet amendement est un premier pas. Il faudra y revenir, pour le consolider et l'élargir afin que chacun ait un droit à l'essai.

Pour un exploitant à quelques années de la retraite, avoir à ses côtés un jeune qui veut s'installer donne de l'enthousiasme.

Les amendements identiques nos619 rectifié bis et 938 rectifié sont adoptés.

Les amendements nos450, 132 rectifié quater, 72 rectifié, 198 rectifié ter, 217 rectifié, 240 rectifié bis, 250 rectifié quater, 650 rectifié bis et 698 rectifié n'ont plus d'objet.

L'article 10 bis est ainsi rédigé.

Après l'article 10 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°700 rectifié de M. Gremillet et alii.

M. Daniel Gremillet.  - Dans les années 1960, le statut d'associé d'exploitation, réservé au fils ou à la fille de l'exploitant, a été créé. Mais il mérite d'être toiletté : il se perdait en cas de mariage et les indemnités mensuelles sont toujours libellées en francs.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Demande de retrait. Ce statut a été peu utilisé : favorisons plutôt le nouveau statut.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Ce statut mérite certes d'être actualisé, mais il a été peu utilisé. Travaillons-y ensemble, sur la base d'une étude d'impact. Retrait.

M. Daniel Gremillet.  - Il serait dommage de s'asseoir sur ce qui a été fait dans les années 1960. Je suis prêt à y travailler.

L'amendement n°700 rectifié est retiré.

Article 11

Mme Marion Canalès .  - Les agriculteurs ont besoin de signaux sur leur protection sociale. Les retraites agricoles sont très inférieures à la moyenne des autres régimes. C'est particulièrement vrai pour les femmes, dont les carrières sont peu ou mal reconnues, et qui touchent en moyenne moins de 700 euros par mois.

Les deux lois Chassaigne ont permis des avancées, malheureusement minorées par des décisions gouvernementales - comme l'écrêtement des pensions des polypensionnés.

En février 2023, nous avons ouvert la voie à un alignement progressif, mais des injustices demeurent, notamment pour les veufs et veuves. Cela aurait mérité de figurer dans ce projet de loi.

L'article 11 est adopté.

Après l'article 11

Mme la présidente.  - Amendement n°76 rectifié de M. Cabanel et alii.

M. Henri Cabanel.  - Nous demandons un rapport du Gouvernement évaluant l'opportunité de rétablir l'aide aux employeurs de salariés en contrat de professionnalisation pour les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (Geiq) du secteur agricole, qui en ont perdu le bénéfice en avril 2024. C'est un amendement d'appel.

M. Franck Menonville, rapporteur.  - Avis défavorable à cette demande de rapport. Néanmoins, il faut se saisir des outils à notre disposition pour évaluer les effets des dispositions prises : questions écrites, orales...

Mme Annie Genevard, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable. Les contrats de professionnalisation ne dépendent pas de mon ministère, mais de celui chargé du travail.

L'amendement n°76 rectifié n'est pas adopté.

Article 12 (Suppression maintenue)

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié de Mme Paoli-Gagin et alii.

M. Vincent Louault.  - Défendu.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable. Les députés ayant supprimé cet article, nous n'avons pas souhaité le réintroduire.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable. Cette question a longuement été débattue à l'Assemblée nationale. Nous ne voulons pas ouvrir la voie à la financiarisation des terres agricoles. Vous avez adopté hier un amendement du rapporteur limitant ce risque.

M. Daniel Salmon.  - Nous avions fait sortir les groupements fonciers agricoles d'investissement (GFAI) par la porte, et hier, ils sont revenus par la fenêtre ! C'est une brèche par laquelle le privé s'immisce dans le foncier agricole, qui devrait être protégé de toute spéculation.

M. Vincent Louault.  - Nous n'avons pas ouvert une brèche, mais dit que le privé pouvait apporter un financement quand les collectivités investissent dans du foncier. Ce n'est pas la même chose !

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Madame la ministre, je n'ai pas compris les choses comme vous... Il nous faudra être précis en CMP.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Je veux vous rassurer. Hier, vous avez inscrit dans la loi ce qui se fait déjà en matière de foncière associant fonds publics et privés. Il y a un regard de l'État - voyez Entrepreneurs du vivant ou Terres de lien, ou même la Safer.

Il y a le privé associatif, le privé investi de mission de service public... Dès lors que l'État intervient, il n'y a rien à craindre.

Nous ne pousserons pas à une modification en CMP.

L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté, et l'article demeure supprimé.

Après l'article 12 (Suppression maintenue)

Mme la présidente.  - Amendement n°79 rectifié bis de M. Cabanel et alii.

M. Henri Cabanel.  - Cet amendement associe les collectivités développant un projet alimentaire territorial (PAT) à la politique foncière afin de faciliter la mise en oeuvre de leur projet. Nous valorisons ainsi les circuits courts et contribuons à la souveraineté alimentaire.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Claude Tissot.  - Comment, concrètement, associer les collectivités ? Dans quelle instance ? Néanmoins, nous voterons l'amendement.

L'amendement n°79 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°525 rectifié de M. Masset et alii.

M. Éric Gold.  - Le schéma directeur régional des exploitations agricoles doit tenir compte des orientations des PAT, dans un objectif de résilience économique et environnementale des filières territorialisées et de souveraineté alimentaire.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°685 de M. Gontard et alii.

M. Guillaume Gontard.  - Cet amendement, travaillé avec France urbaine et AgriParis Seine, vise à assurer la bonne inclusion des PAT dans l'écosystème agricole, via une meilleure articulation avec les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (Sdrea).

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - N'alourdissons pas le Sdrea. Avis défavorable.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Même avis.

Les amendements identiques nos525 rectifié et 685 ne sont pas adoptés.

Article 12 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°916 de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Nous voulons clarifier la rédaction issue de l'Assemblée nationale, plafonner certains montants et assurer la consolidation juridique du dispositif.

Mme la présidente.  - Amendement n°258 rectifié bis de M. Bleunven et alii.

M. Yves Bleunven.  - Les sociétés civiles agricoles doivent pouvoir exercer, de manière limitée, des activités commerciales accessoires. Cet amendement clarifie le champ des activités non agricoles qui pourraient juridiquement être ouvertes aux sociétés civiles agricoles. Seules les activités connexes ou complémentaires à l'activité agricole de la structure seraient permises.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°785 rectifié de M. Gremillet et alii.

M. Daniel Gremillet.  - Défendu.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Demande de retrait au profit de la réécriture globale de l'article 12 bis présentée par la commission, qui répond à vos louables intentions.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Demande de retrait des amendements nos258 rectifié bis et 785 rectifié également au profit de l'amendement n°916 du rapporteur. Les recettes issues de ces activités seraient limitées à 40 %.

M. Jean-Claude Tissot.  - Les activités accessoires présentant un lien avec les activités agricoles incluent-elles la production d'énergie - dont la méthanisation ? Car 40 % sans plafond, c'est chaud à défendre...

Mme Annie Genevard, ministre.  - Je ne souhaite pas que les recettes tirées de la production d'énergie excèdent celles de la production agricole. L'agriculture ne doit pas devenir un sous-produit de l'énergie. Je l'ai déjà dit ici, ma position reste constante.

M. Jean-Claude Tissot.  - Nous sommes d'accord.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Nous devrions donc inclure la production d'énergie dans les activités commerciales.

M. Daniel Gremillet.  - Notre amendement étant satisfait, nous le retirons.

L'amendement n°785 rectifié est retiré.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Rendons à César ce qui est à César : les services du ministère nous ont aidés à clarifier juridiquement notre amendement.

Il serait logique de faire entrer la production d'énergie dans les activités commerciales, car elle est conçue comme le prolongement de l'activité agricole.

Je rappelle que l'article prévoit un plafond à 20 000 euros.

L'amendement n°258 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°916 est adopté.

L'article 12 bis, modifié, est adopté.

Après l'article 12 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié ter de Mme Dumont et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Les activités d'accueil touristique proposées par les agriculteurs sont assujetties à la fiscalité commerciale et non agricole, alors qu'il s'agit de leviers pédagogiques pour favoriser le manger mieux et le manger local.

Afin d'aider les agriculteurs qui le souhaitent à élargir leurs activités, nous proposons de réputer agricoles les activités de l'agrotourisme.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Retrait. Cet amendement est satisfait par l'article L. 311-1 du code rural qui inclut les activités exercées par un exploitant dans le prolongement de l'acte de production. Nous venons en outre d'adopter l'article 12 bis qui inclut ces activités, jusqu'à 20 000 euros.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°1 rectifié ter est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°154 rectifié de M. Gillé.

M. Hervé Gillé.  - Cet amendement facilite l'accès des entreprises de travaux et services agricoles, ruraux et forestiers, aux aides publiques, nationales ou européennes. Ces entreprises ne bénéficient pas d'un soutien proportionnel à leur importance dans la chaîne de valeur de l'agriculture durable.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°218 rectifié bis de Mme Loisier et alii.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Ce serait une reconnaissance utile de leur contribution à la transition écologique.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°490 rectifié quater de M. Khalifé et alii.

M. Khalifé Khalifé.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°588 rectifié de M. Buis.

M. Bernard Buis.  - Défendu.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Ces entreprises sont-elles agricoles ou non ? La jurisprudence n'est pas claire. D'un point de vue juridique, il s'agit de prestataires de marché n'ayant pas la maîtrise directe du cycle de production. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre.  - Défavorable. Le droit national distingue les activités civiles et commerciales. L'article L. 311-1 du code rural et de la pêche définit l'activité agricole et précise qu'elle a un caractère civil. Or les entreprises de travaux et services agricoles et forestiers proposent des prestations de services pour le compte de tiers : leur activité a donc un caractère commercial. Il n'est pas pertinent de les inclure dans le champ de l'article L. 311-1.

Les amendements identiques nos154 rectifié, 218 rectifié bis, 490 rectifié quater et 588 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°699 rectifié bis de M. Gremillet.

M. Daniel Gremillet.  - Nombre de magasins de producteurs voient le jour. Nous proposons qu'un Gaec puisse y participer.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Sagesse.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°699 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°702 rectifié de M. Gremillet et alii.

M. Daniel Gremillet.  - Cet amendement prévoit la mise en commun de l'assolement, qui permet des économies d'énergie et encourage les échanges entre agriculteurs. Il existe déjà une tolérance : dans les Vosges, la direction départementale des territoires (DDT) a accepté cette forme d'assolement sur un périmètre donné.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Je ne sais pas : avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre.  - J'avoue ne pas connaître ce dispositif. (Sourires) Vous nous mettez dans l'embarras ! Avis défavorable, néanmoins. (On le regrette à droite.)

Je connais bien les Gaec, nombreux dans le Doubs. Certaines DDT tolèrent l'assolement commun. Le principe du Gaec total est la mise en commun de toutes les activités de production agricole, mais le Gaec partiel permet l'assolement commun.

Avant de généraliser, étudions plus avant la question. Nous nous engageons à y travailler. Retrait ?

M. Daniel Salmon.  - L'assolement commun implique de travailler ensemble sur un même terrain qui appartient à des propriétaires différents. C'est donc une forme de remembrement déguisé...

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - C'est bien !

M. Daniel Salmon.  - ... pour obtenir de plus grandes surfaces, ce qui serait défavorable aux haies. Je ne voterai pas cet amendement.

M. Daniel Gremillet.  - Madame la ministre, je ne vous suivrai pas cette fois-ci. Nous sommes dans la vraie vie. M. Salmon et moi portons le même prénom, mais l'un voit le positif, l'autre le négatif !

Dans les Vosges, pour régler le problème des pollutions aux nitrates, on a mis les paysans autour de la table pour que tout ne soit pas en maïs, que des parcelles soient réservées en herbe. Voilà du positif !

Votons cet amendement, quitte à l'améliorer d'ici à la CMP.

M. Vincent Louault.  - Daniel Gremillet a une parole qui compte, car il parle peu, contrairement à moi... (Sourires) Je voterai cet amendement. La direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) ne comprend pas la vraie vie. L'assolement en commun est un mode de gestion moderne.

L'amendement n°702 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°791 rectifié quinquies de Mme Goulet et alii.

Mme Annick Jacquemet.  - Le régime unique de la Mutualité sociale agricole (MSA) ne retient pas les activités complémentaires des agriculteurs, à savoir les activités de valorisation et de diversification. Nous demandons un rapport sur les modalités de simplification et d'homogénéisation de l'affiliation sociale.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable à cette demande de rapport, mais nous sommes preneurs de l'éclairage de la ministre...

Mme Annie Genevard, ministre.  - Retrait sinon avis défavorable, car satisfait : les activités dites de prolongement sont rattachées au régime de protection sociale agricole.

De nombreux chantiers de simplification sont en cours, dont la dématérialisation des dépôts de dossier à la MSA. Ces sujets pourront être traités dans le cadre des rendez-vous de la simplification que j'ai lancés le 30 novembre dernier.

L'amendement n°791 rectifié quinquies est retiré.

Article 12 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°37 rectifié bis de Mme Havet et alii.

M. Yves Bleunven.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°50 rectifié quater de M. Louault et alii.

M. Vincent Louault.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°845 du Gouvernement.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Cet amendement simplifie et rend plus attractive la rémunération des parts sociales d'épargne (PSE) pour les associés coopérateurs agricoles.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis favorable. Le groupe Les Républicains avait déposé un amendement identique dans le PLF, écarté comme cavalier.

Les amendements identiques nos37 rectifié bis, 50 rectifié quater et 845 sont adoptés.

L'amendement n°36 rectifié bis n'a plus d'objet.

L'article 12 ter, modifié, est adopté.

Rappel au règlement

M. Michel Masset.  - Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 44 bis alinéa 3 du règlement.

Mon amendement autorisant les agriculteurs à installer des habitations réversibles respectant le principe de non-artificialisation des sols a été déclaré irrecevable pour une raison qui m'échappe, car il présentait un lien direct avec le texte en tant qu'aide à l'installation.

L'année de son installation, l'exploitant est souvent pris en étau entre les difficultés de logement et les contraintes réglementaires. Cet amendement simplifiait l'installation, notamment pour les maraîchers et les éleveurs. Le coût du bâti et du foncier est souvent dissuasif.

Acte en est donné.

Discussion des articles (Suite)

Après l'article 12 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°155 rectifié de M. Gillé.

M. Hervé Gillé.  - Nous proposons la création d'un groupement d'intérêt économique et environnemental (GIEE) spécifique destiné aux entreprises de travaux et services agricoles, ruraux et forestiers, afin qu'ils participent plus activement à la mise en oeuvre du plan Écophyto.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°226 rectifié bis de M. Duffourg et alii.

M. Alain Duffourg.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°492 rectifié quater de M. Khalifé et alii.

M. Khalifé Khalifé.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°517 de M. Buis et du RDPI.

M. Bernard Buis.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°219 rectifié bis de Mme Loisier et alii.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Défendu.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements.

Former des GIEE avec des entreprises agricoles les rendrait bénéficiaires de fonds provenant du compte d'affectation spécial « Développement agricole et rural » (Casdar), uniquement collecté auprès des agriculteurs.

Les entreprises agricoles peuvent d'ores et déjà entrer dans des GIEE, aux côtés d'agriculteurs.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Même avis.

Les amendements identiques nos155 rectifié, 226 rectifié bis, 492 rectifié quater et 517 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°219 rectifié bis.

Article 13

M. Michaël Weber .  - L'article 13 supprime les sanctions pénales prévues pour les destructions non intentionnelles d'espèces protégées : toutes les destructions sont présumées être non intentionnelles. Ce renversement de la charge de la preuve n'est pas conforme au droit européen et constitue une entrave à la protection de la biodiversité. S'il était adopté, cet article ouvrirait la voie à de nombreux contentieux.

Comment démontrer juridiquement le caractère intentionnel d'une atteinte à l'environnement ? Comment distinguer la négligence de la destruction voulue ?

La destruction d'espèces protégées est grave et souvent irrémédiable. Ces petites infractions, mises bout à bout, sont la cause du déclin vertigineux de la biodiversité.

Les sanctions existantes ne sont jamais appliquées en pratique. Leur rôle est surtout dissuasif.

Plutôt que de créer un mécanisme de contournement des sanctions, mieux vaudrait agir en amont en donnant aux exploitants les moyens de cartographier les espèces présentes sur leur territoire.

Mme la présidente.  - Amendement n°384 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

Mme Marion Canalès.  - Cet article est une ligne rouge pour notre groupe. Il allège le régime de répression des atteintes à la biodiversité. Il restreint les sanctions applicables à la destruction illicite d'espèces, d'habitats naturels ou de sites protégés. Il pose le principe de présomption de non-intentionnalité, source de dérives majeures. Il rend les sanctions encore moins dissuasives. Dans le contexte actuel d'effondrement de la biodiversité et de pollution des sols, de l'air et de l'eau, c'est inacceptable.

Cet article répond à une demande d'une partie bien particulière du monde agricole, qui s'estime victime de sanctions disproportionnées de la part de l'Office français de la biodiversité (OFB). Or nous savons que tout cela a été monté en épingle. Moins de 1 % des contrôles de l'OFB ont été source de conflits. Supprimons cet article.

L'amendement n°543 rectifié n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°577 de M. Salmon et alii.

M. Daniel Salmon.  - Cet article est le point d'orgue de l'offensive contre le droit de l'environnement. Nous dénonçons une régression grave et inédite : ni plus ni moins qu'un permis de détruire la biodiversité !

Cet article rend impossible l'atteinte des objectifs fixés par la France lors des COP. Il est en contradiction totale avec la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB).

Pour sanctionner, il faudrait désormais prouver que la destruction de la nature était volontaire et réfléchie, ce qui est quasi-impossible. Or une destruction d'espèce est toujours un dommage collatéral. La négligence grave est rare : ce sont les manquements à une obligation de prudence qui entraînent des poursuites.

Le périmètre est en outre très large. La présomption d'intentionnalité ne concerne pas que les travaux agricoles, mais toutes les actions humaines, dont les projets industriels et les actions des particuliers !

Mme la présidente.  - Amendement identique n°711 rectifié de Mme Varaillas et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - « Si tu portes atteinte à l'environnement, ce n'est pas grave si tu ne l'as pas fait exprès. » Voilà, traduit en langage enfantin, le sens de l'article ; c'est la négation même du droit.

Tenons-nous en à l'appréciation stricte du droit.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - S'agissant d'infractions mineures, je préfère la sanction administrative, plus rapide, plus claire et moins intrusive qu'une procédure pénale qui donne l'impression aux personnes concernées d'être de grands délinquants... Lorsque vous garez mal votre voiture, vous avez une amende. « Lorsque vous appliquez mal une procédure environnementale, vous avez une amende aussi. C'est raisonnable ». Ces mots ont été prononcés le 22 janvier 2025 par la ministre de l'écologie ! (Exclamations sur les travées du GEST) Je pense que cela répond à votre problème. (On le conteste à gauche.)

Avis défavorable à tous les amendements de suppression.

M. Jean-Claude Tissot.  - Il n'est pas si fréquent que M. Duplomb cite la ministre de l'écologie !

Mme Annie Genevard, ministre.  - On cite les bons auteurs...

L'article 13 ne délivre pas une autorisation à détruire les espèces protégées, mais soulève la question de la dépénalisation et de la réponse juridique apportée.

Nul ne commet de crime ou de délit sans intention de les commettre, c'est notre droit pénal. En matière d'environnement, il n'y a pas de raison d'y déroger. Au juge d'apprécier l'intentionnalité.

Les agriculteurs sont soumis à de nombreux contrôles usuels - fiscaux, de l'inspection du travail - mais aussi de la PAC ou de la police de l'environnement. Ils sont soumis à de nombreuses normes, complexes et souvent changeantes. De bonne foi, sans aucune intentionnalité, ils peuvent commettre des erreurs liées à la complexité de normes qui parfois se contredisent.

Le Gouvernement s'est donc engagé à reconnaître un droit à l'erreur. Il a fait adopter à l'Assemblée nationale un amendement précisant que lorsque l'agriculteur agit de bonne foi, ou avec des autorisations ou dans le cadre de procédures légales, la non-intentionnalité sera présumée et l'agriculteur ne sera plus sanctionnable ni sanctionné.

Cela évitera que des agriculteurs se retrouvent embarqués dans des procédures pénales lourdes et infamantes.

Rappelons les quantums de peine : trois ans de prison et 150 000 euros d'amende.

M. Ronan Dantec.  - Pour quelles espèces ?

Mme Annie Genevard, ministre.  - C'est pourquoi je suis défavorable à vos amendements.

Je pense au cas d'une intervention, autorisée, dans une commune forestière pour dégager du bois scolyté : l'exploitant a été verbalisé à la suite de la plainte d'un riverain au motif de présence de nids dans les arbres coupés.

Deuxième cas : une coupe et un broyage en forêt domaniale le long d'une route départementale à des fins de sécurité, sans aucun constat de destruction d'espèce. Verbalisation au motif de la protection des habitats potentiels en période de nidification !

Troisième cas : une personne débroussaille sa parcelle en application des obligations légales de débroussaillement. Elle est verbalisée au motif de la présence potentielle d'habitats.

Nous touchons là aux limites de la justice.

M. Vincent Louault.  - On vit ça tous les jours !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Cette dépénalisation n'est pas une autorisation à tout détruire. Elle est bordée.

Notre droit est en outre une surtransposition du droit européen. En droit conventionnel, les atteintes non intentionnelles à l'environnement ne font pas l'objet d'une pénalisation.

Faisons évoluer le droit en fonction du bon sens, de ce qui existe au niveau européen, et de ce qui est juste. On ne peut être sanctionné pour avoir appliqué le droit ! (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Ronan Dantec.  - Vous avez tenté de noyer le poisson, madame la ministre ! Dans les cas que vous avez cités, s'agissait-il d'une condamnation à trois ans d'emprisonnement ?

Mme Annie Genevard, ministre.  - C'est le quantum de peine.

M. Ronan Dantec.  - Soyez précise. Sans les réglementations actuelles, nous aurions perdu de très nombreuses espèces en France, à l'instar du courlis à bec grêle, première espèce eurasienne à disparaître par destruction de son habitat.

Nous pouvons être fiers de l'évolution du droit de l'environnement.

À l'entrée du Sénat, une tenture représente un héron en forêt. Pourquoi en forêt ? Parce qu'il était tant chassé qu'on en voyait plus que là ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Il y en a partout, des hérons !

M. Ronan Dantec.  - Vous allez complexifier et durcir les rapports sur le terrain, alors que nous avons besoin d'apaisement.

M. Yannick Jadot.  - Ce débat n'est ni un débat d'agriculteurs, ni un débat de spécialistes. C'est un débat d'intérêt général.

Madame la ministre, je suis surpris de vous entendre dire que la loi française n'était pas légale à cause de l'intentionnalité !

On ne peut pas être ainsi dans le négationnisme de l'effondrement de la biodiversité ! (Protestations à droite) Partout, les scientifiques nous alertent sur cette réalité. Il ne vous suffit pas de vous attaquer à l'OFB, vous vous en prenez aussi au droit français ? Ce n'est pas sérieux, de la part d'une ministre, de contester la loi. (Mme Kristina Pluchet proteste.)

L'agriculture est l'une des causes de l'effondrement de la biodiversité. (Plusieurs « Quelle honte ! » à droite)

Désormais, en l'absence d'intentionnalité, on pourra détruire des espèces (les protestations redoublent à droite) en prétendant qu'on n'était pas obligé de prendre des précautions. Tout cela n'est pas sérieux. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Vincent Louault.  - Nous sommes au coeur du problème. Roger, agriculteur qui n'a pas vu passer l'arrêté départemental d'interdiction d'arrosage, se retrouve au pénal pour avoir arrosé, et doit attendre huit mois pour voir un juge. Imaginez le stress !

Un autre agriculteur, dans l'Oise, n'arrive pas à faire un semis direct en juin, et ose labourer son champ après avoir appliqué du Roundup : i se retrouve devant la justice il y a quinze jours. C'est lunaire ; comme si la justice n'avait pas autre chose à faire ?

M. Ronan Dantec.  - Il ne s'agit pas d'espèces protégées !

M. Vincent Louault.  - Il y a toujours un lien avec les espèces protégées : c'est l'habitat.

Tous les agriculteurs protègent les nids de rapaces pendant la moisson et font attention aux écosystèmes. (Mme Kristina Pluchet le confirme.)

Les excès de vitesse en dessous de 50 km par heure relèvent du réglementaire - ce n'est pas compliqué ! Je soutiens à mort ce texte ! (M. Yannick Jadot ironise.)

M. Michaël Weber.  - Préservez-nous de la mort. Ce n'est pas la peine de pousser des cris d'orfraie dès qu'on parle de l'effondrement de la biodiversité.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques.  - C'est vrai des deux côtés...

M. Michaël Weber.  - L'activité humaine en général est la cause de l'effondrement de la biodiversité mondiale. L'agriculture a sa part de responsabilité et nous devons nous demander comment faire pour éviter une accélération.

Certains, dans cet hémicycle et ailleurs, pensent que le droit de l'environnement ne vaut pas autant que les autres, que c'est un droit au rabais. L'intentionnalité est très difficile à prouver.

Il y a quelques jours, nous avons adopté à l'unanimité une proposition de résolution européenne contre les microplastiques. Là, personne ne nous a reproché de surtransposition, alors que nous sommes allés plus loin que la réglementation européenne.

M. Daniel Salmon.  - L'heure est grave, madame la ministre. Vous continuez à colporter l'idée selon laquelle les agriculteurs seraient harcelés par l'OFB. (Mme Kristina Pluchet s'exclame.) En 2022, 136 agriculteurs ont été impliqués dans une procédure en lien avec le droit de l'environnement. Les cas particuliers que vous citez ne font pas une généralité.

Cet article est extrêmement dangereux. La biodiversité, ce sont des espèces -  comme le bouvreuil pivoine, la loutre et le hérisson  - qui sont protégées car menacés de disparition.

Exiger l'intentionnalité fragilise tout le droit de l'environnement, que vous traitez comme un droit secondaire : tant pis pour l'environnement, et après nous le déluge ! Quel sens donnons-nous à notre agriculture si elle se fait au prix de la disparition d'une multitude d'espèces, visibles comme celles que j'ai citées, ou invisibles ?

M. Jean-Marc Boyer.  - Il y en a marre des donneurs de leçon ! Il n'y a pas d'un côté, les vertueux et, de l'autre, les destructeurs. Je vis dans la nature - et j'ai l'impression que certains n'y vont pas souvent. (Protestations à gauche)

M. Michaël Weber.  - Nous aussi !

M. Jean-Marc Boyer.  - Les agriculteurs sont les meilleurs écologistes.

Une revue anglaise, The Economist, vient d'affirmer que l'agriculture française était la plus vertueuse du monde.

Pourquoi les agriculteurs manifestaient-ils il y a un an ?

MM. Ronan Dantec et Yannick Jadot.  - Les revenus !

M. Jean-Marc Boyer.  - Non, surtout contre les contraintes et les normes qui pèsent sur eux. (Certains sénateurs du groupe Les Républicains le confirment ; on le conteste sur les travées du GEST.)

Pourquoi sont-ils allés protester devant le siège de l'OFB ? Parce qu'ils subissent un poids insupportable. Les agriculteurs devraient avoir le droit à l'erreur...

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Marc Boyer.  - Épandage de lisier ? Sanction ! Enlever des branches d'un ruisseau en crue ? Sanction ! Il faut revenir au bon sens.

M. Guillaume Gontard.  - C'est un moment grave. Quel message envoyez-vous ?

M. Jean-Marc Boyer.  - Et vous ?

M. Guillaume Gontard.  - Que l'effondrement de la biodiversité n'est pas très grave !

M. Jean-Marc Boyer.  - Je n'ai pas dit cela.

M. Guillaume Gontard.  - La plupart des agriculteurs respectent la loi.

M. Jean-Marc Boyer.  - Et donc ?

M. Guillaume Gontard.  - Il n'y a que 136 agriculteurs impliqués - et pour la plupart, ils ont simplement été convoqués à l'OFB - c'est tout ! Mme la ministre a cité tous les exemples qu'elle pouvait - car il n'y en a pas tant d'autres.

Le texte que vous proposez s'appliquera aux industriels et aux chasseurs. Dans mon département, un chasseur a tué l'un des derniers aigles du département. Il a affirmé ne pas avoir fait exprès, le confondant avec un faisan. Il a été condamné à 55 000 euros - et heureusement ! Avec votre texte, ce serait 450 euros !

Lactalis déverse des eaux souillées dans les ruisseaux. Heureusement qu'il a été condamné à 100 000 euros. Il pourrait prétendre ne pas avoir fait exprès.

Mme la présidente. - Merci de conclure.

M. Guillaume Gontard.  - Ce que vous mettez en place est criminel pour la biodiversité ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jean-Claude Tissot.  - Je ne sais pas si je suis un donneur de leçons... Mais j'ai eu la chance d'être agriculteur. Mes parents aussi, et ils ont été des pollueurs, mais la différence, c'est qu'ils ne le savaient pas. On a dit aux agriculteurs qu'il fallait nourrir la France en augmentant les rendements, à grand renfort de chimie, ce qui n'était pas bon non plus pour les paysans ! Quand on traitait les maïs dans des tracteurs sans cabine, on revenait tout vert ou tout bleu...

Aujourd'hui, nous savons. Nous connaissons des solutions contre la pollution engendrée par l'activité humaine et agricole.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - En Haute-Loire, en 2024, il y a eu 1 000 contrôles sur 3 500 exploitations, dont 700 de la direction départementale des territoires (DDT), un peu moins de 300 de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) sur l'utilisation des antibiotiques et 50 de l'OFB. Sur ces 50, 49 ont fini au pénal. Voilà la réalité. Ce n'était pas le cas il y a quelques années. (M. Vincent Louault le confirme.)

Sur 50 dossiers, la Dreal - qui traite aussi l'environnement pour les entreprises - en envoie deux seulement au pénal.

Nier la réalité, c'est se condamner à revivre sans cesse ce problème.

Les agriculteurs se sentent traités comme de grands délinquants. (Mme Mathilde Ollivier s'exclame.) Ils ne méritent pas le pénal, mais une sanction administrative.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Tout cela nous ramène à un principe général du droit : la proportionnalité. Certaines décisions sont totalement injustifiées, notamment concernant des travaux forestiers.

On parle de la disparition d'espèces, mais il y a aussi la disparition de beaucoup d'entreprises, interdites de candidater à des marchés publics pendant toute la durée du contentieux.

M. Pierre Cuypers.  - Nous serons tous d'accord pour dire que la France est un beau pays.

M. Rachid Temal.  - Oui !

M. Pierre Cuypers.  - Sont-ce les agriculteurs qui le détériorent ?

Une voix à gauche. - Non !

M. Pierre Cuypers.  - Contribuent-ils à la longévité de nos concitoyens ? Ne devraient-ils pas être remerciés pour leur travail, qui est de nourrir le monde, de créer des richesses exportables, de produire des matières premières et énergies indispensables ?

Monsieur Jadot, vous devriez vous excuser de vos propos contre le monde agricole.

M. Yannick Jadot.  - Sûrement pas !

M. Pierre Cuypers.  - Je respecte ce que vous dites, mais je ne respecte pas la forme. Le monde agricole doit être félicité et remercié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; on ironise à gauche.)

Mme Mathilde Ollivier.  - Ce débat est une honte ! (Plusieurs « Oh !» à droite) On se fixe de grands objectifs en matière de biodiversité à l'échelle nationale et internationale, mais cet article fait tout le contraire. Vous attaquez la biodiversité.

Les agriculteurs ne sont pas les seuls concernés. Demain, une entreprise industrielle qui déverse des produits chimiques dans un ruisseau se verrait infliger une amende de 450 euros seulement ? Et tant pis pour les espèces qui disparaissent ?

Ce débat est catastrophique, à quelques mois du sommet des Nations unies sur la protection des océans.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Qui, ici, a dit que le respect de la biodiversité était superflu ? Vous êtes dans la caricature !

Monsieur Jadot, si vous étiez encore sur Twitter, j'aurais pensé que votre intervention était configurée pour devenir une capsule vidéo ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Yannick Jadot.  - La moitié de vos interventions sont faites pour le congrès de la FNSEA, alors arrêtez !

Mme la présidente.  - Un peu de respect, Monsieur Jadot, envers la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre.  - La non-intentionnalité est bordée : quand il s'agit d'une obligation légale de débroussaillement, quand une autorisation a été délivrée, ou quand il y a un plan de gestion validé. Remettons un peu d'ordre.

M. Guillaume Gontard.  - Parce qu'actuellement, il n'y a pas d'ordre ?

Mme Annie Genevard, ministre.  - Même si le juge ne prononce pas la peine maximale, de trois ans de prison et 150 000 euros d'amende - « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose que l'on veut défendre » disait Richelieu...

M. Guillaume Gontard.  - Vous remettez en cause la justice ?

Mme Annie Genevard, ministre.  - Même si le quantum de la peine n'est pas atteint, donc, l'agriculteur aura été mis en garde à vue, traité comme un présumé coupable, son nom cité dans le journal, livré à l'infamie publique. (M. Jean-Marc Boyer le confirme) IL comparaît en correctionnelle, doit s'acquitter de frais d'avocats et connaît deux à cinq ans de procédure, d'insécurité juridique et de stress. (Protestations sur les travées du GEST)

Mme Nadia Sollogoub.  - Exactement !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Monsieur Jadot, vous avez employé le terme de « négationnisme »...

M. Yannick Jadot.  - De la biodiversité !

Mme Annie Genevard, ministre.  - C'est une honte d'utiliser ce terme historiquement documenté. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également ; protestations sur les travées du GEST) Dans le contexte actuel de regain de l'antisémitisme, vous n'en avez pas le droit. (On s'offusque à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Yannick Jadot.  - Vous en êtes-là, madame la ministre ? C'est honteux ! (Marques d'impatience à droite)

À la demande du GEST, les amendements nos384 rectifié ter, 577 et 711 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°189 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l'adoption 107
Contre 225

Les amendements identiques nos384 rectifié ter, 577 et 711 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°874 du Gouvernement.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Nous rétablissons la rédaction de l'article 13 adoptée à l'Assemblée nationale, plus cohérente et sécurisée, en y ajoutant des éléments sur les documents de gestion forestière.

La rédaction de votre commission des affaires économiques, en élargissant le champ aux réglementations relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et aux installations, ouvrages, travaux et activités (Iota) relatives à l'eau, s'appliquerait à tous, et non aux seuls agriculteurs. Or notre objectif est d'adapter les sanctions aux circonstances des infractions, qui sont parfois liées à des activités autorisées ou résultent d'obligations légales.

Pour les infractions volontaires, nous restaurons la possibilité de transaction pénale qui existait jusqu'en 2016, éteignant l'action publique, la remise en état étant bien sûr obligatoire.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Cet amendement revient sur la rédaction de la commission, qui n'est pas moins juridiquement solide que la vôtre.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Si, sur les Iota et les ICPE.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Pour éviter que des agriculteurs se retrouvent injustement en garde à vue, il faut basculer sur la sanction administrative. (M. Vincent Louault le confirme.) Or vous restez dans le pénal. J'invite à repousser cet amendement, et à conserver la rédaction de la commission. Avis défavorable.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Si vous élargissez la dépénalisation aux ICPE, vous dépénalisez des actes qui attentent à la sécurité publique, comme des stockages industriels dont l'épandage, même accidentel, met en danger la santé humaine. Au contraire, la rédaction du Gouvernement est circonscrite à un objet particulier.

Il n'y a aucune chance que votre rédaction passe la CMP, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État. Mais vous pouvez toujours vous faire plaisir avec un effet d'annonce !

Concernant les ICPE, la question des seuils des bâtiments d'élevage est effectivement à débattre. La profession demande plus de souplesse, sans pour autant aller jusqu'à la chimère de la ferme des mille vaches. Il faudra aborder ce sujet séparément.

L'amendement du Gouvernement concerne les agriculteurs de bonne foi qui commettent une faute contre l'environnement, si celle-ci n'est ni irrémédiable ni intentionnelle. Demeure l'obligation de réparation et de stage, qui peut être utile afin d'éviter les récidives.

Rappel au règlement

M. Yannick Jadot.  - Mon rappel au règlement se fonde sur son article 33. Vous m'avez accusé de faire la promotion de l'antisémitisme. (On le conteste au banc des commissions et sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annie Genevard, ministre.  - Non !

M. Yannick Jadot.  - Nous avons un problème de négation de l'effondrement de la biodiversité...

Mme Catherine Belrhiti.  - Mais le mot négationnisme a un sens !

M. Yannick Jadot.  - Toutes les recherches scientifiques démontrent que l'agriculture contribue à cet effondrement.

En disant cela, vous m'insultez et vous insultez les victimes de la Shoah ! (Vives protestations à droite) Je vous demande de retirer ces propos. (Mêmes mouvements)

M. Jean-François Husson.  - N'importe quoi !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission.  - Quelle mauvaise foi !

Mme Annie Genevard, ministre.  - J'observe avec intérêt que, cette fois-ci, vous n'avez pas répété le mot négationnisme, mais parlé de négation ; vous auriez pu aussi parler de déni. Ce n'est pas la même chose.

M. Yannick Jadot.  - Retirez-vous vos propos ?

Mme Annie Genevard, ministre.  - Vous êtes un homme instruit : vous savez très bien ce que signifie le mot négationnisme, et vous savez très bien aussi que je ne vous ai pas accusé d'antisémitisme. (M. Yannick Jadot proteste.) Je ne me permettrai jamais cela. Je dis simplement que le mot que vous avez utilisé est totalement inapproprié.

M. Yannick Jadot.  - Regardez un Larousse !

Mme Annie Genevard, ministre.  - On ne peut pas banaliser ce terme dans la période actuelle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme la présidente.  - Les faits personnels sont examinés à la fin de la séance.

Discussion des articles (Suite)

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Concernant les ICPE et les Iota, nous ne dépénalisons que les cas soumis à déclaration et enregistrement ; les cas soumis à autorisation restent pénalisables. Les grosses entreprises chimiques ne sont donc pas concernées.

Un agriculteur qui possède 150 vaches, ce qui correspond au régime de déclaration, doit-il se retrouver devant le juge parce qu'il est passé à 152 vaches, ce qui correspond au régime d'enregistrement ?

Restons-en à la rédaction de la commission.

M. Vincent Louault.  - La ministre instille le doute. Mais au Sénat, dans ce cas, c'est la prime au rapporteur !

Passer à un régime administratif change tout. Selon la Cour des comptes, il y a eu cent mille délits constatés entre 2015 et 2019, et 350 peines de prison prononcées. Le pénal, ce n'est pas anodin ! On n'a pas créé le parquet national de l'environnement et l'OFB pour trois affaires par an. Les trois mille agents de l'Office ne sucrent pas les fraises ! Je crains que Mme la ministre de l'agriculture ait perdu ses arbitrages face au ministère de l'environnement...

M. Jean-Marc Boyer.  - On cite volontiers les études scientifiques : The Economist établit chaque année un indice de durabilité alimentaire pour 67 pays, représentant 90 % du PIB et 80 % de la population mondiale. Le système agricole français est jugé comme étant le plus vertueux. Les auteurs de cette étude saluent notre politique de lutte contre le gaspillage alimentaire et placent la France au troisième rang mondial pour la durabilité des pratiques agricoles !

M. Daniel Salmon.  - J'utiliserai un mot en « -isme » : corporatisme ! Vous défendez les agriculteurs parce qu'ils sont agriculteurs. La majorité d'entre eux fait bien son travail, malgré un système assez destructeur ; mais vous voulez protéger les brebis galeuses (protestations à droite) qui ne respectent pas la loi. Il existe une justice dans ce pays. Si cela relève du pénal, c'est que c'est grave !

Deux vaches supplémentaires ? Mais seules des atteintes importantes à l'environnement relèvent du pénal. (M. Vincent Louault proteste.) Vous organisez une quasi-impunité dont l'effet sera énorme.

L'Académie des sciences américaine a démontré que l'agriculture était la principale responsable de l'effondrement de la biodiversité. (On en doute à droite.) La protection de l'environnement n'est pas une lubie d'écologistes, mais le fondement de la pérennité de l'humanité.

Mme Annie Genevard, ministre.  - La nuit, en voiture, vous heurtez un animal protégé, loup ou lynx, qui surgit devant vos roues. Vous appelez la gendarmerie : vous êtes placé en garde à vue. (On le confirme à droite.) Cet amendement du Gouvernement remet un peu de rationalité. (« Très bien ! » à droite)

Le rapporteur, lui, élargit la dépénalisation aux ICPE non agricoles, ce qui inclut les activités industrielles, comme le stockage de produits dangereux toxiques, inflammables.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Pas en régime déclaratif !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Soyons raisonnables. Je le redis : l'amendement du rapporteur sera écarté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - On verra...

Mme Annie Genevard, ministre.  - C'est sûr et certain.

Monsieur Louault, je sais que vous suivez généralement le rapporteur, mais le débat sert à éclairer le vote. Sinon, autant passer directement à la CMP ! Je fais appel à votre bon sens.

M. Hervé Gillé.  - En Gironde, sur le port autonome de Bordeaux, nombre d'établissements sont classés ICPE. Ils sont très surveillés, car plus ou moins dangereux. L'amendement du rapporteur ouvre une brèche considérable. Songez à vos territoires, et aux ICPE qui s'y trouvent ! Imaginez comment les riverains recevraient cet amendement.

La position du Gouvernement est beaucoup plus équilibrée.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - On amalgame tous les types d'ICPE : régime d'autorisation, de déclaration et d'enregistrement !

Nous sommes soucieux de solidité juridique. À chacun de faire son travail, et nous trancherons en CMP. Le débat est enrichissant. Si seule la rédaction de l'Assemblée nationale est valable, autant supprimer le Sénat !

M. Guillaume Gontard.  - Montesquieu invitait à ne faut toucher à la loi « que d'une main tremblante ». Or vous jouez aux apprentis sorciers en modifiant l'ensemble du code de l'environnement, qui ne concerne pas que les agriculteurs ! L'impact sur nos territoires est considérable, tout cela est dangereux. Si ces dispositions sont votées, il faudra revenir dessus rapidement.

Lactalis a souvent été condamné, souvent sur de petites unités ; la non-intentionnalité pourrait aisément être invoquée. Je m'étonne qu'une ministre de la République aille dans ce sens.

Mis en garde à vue pour avoir heurté involontairement en voiture un animal protégé ? J'aimerais des exemples. Le seul cas que je connaisse, en Savoie, concernait un acte manifestement intentionnel, attesté dans une vidéo.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

M. Lucien Stanzione.  - Madame la ministre, où placez-vous le curseur ?

Mme Annie Genevard, ministre.  - Le rapporteur a évoqué les ICPE sous régime de déclaration ou d'enregistrement.

La nomenclature est claire. Le stockage d'une quantité inférieure à 500 kg d'explosifs relève de la déclaration... Ne remettons pas en cause la sécurité publique. (M. Guillaume Gontard renchérit.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Sur mon exploitation, je stocke 25 tonnes d'ammonitrate, qui est un explosif : c'est avec cela qu'AZF a explosé. À « liberté, égalité, fraternité », ne préférons pas le triptyque « peur, culpabilité, interdit ». (M. Vincent Louault renchérit.)

À la demande de la commission des affaires économiques, l'amendement n°874 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°190 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 256
Pour l'adoption   41
Contre 215

L'amendement n°874 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°259 rectifié bis de M. Bleunven et alii.

M. Yves Bleunven.  - Nous voulons dépénaliser les infractions de pollution des eaux non intentionnelles.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°794 rectifié de M. Gremillet et alii.

M. Daniel Gremillet.  - Défendu.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable. Nous avons eu le débat.

M. Yannick Jadot.  - Trop, c'est trop !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements nos259 rectifié bis et 794 rectifié sont retirés.

Mme la présidente.  - Amendement n°967 de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Rédactionnel.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°967 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°968 de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Nous alourdissons les sanctions en cas de récidive.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable. Pour qu'il y ait récidive, il faut condamnation, or la dépénalisation supprime la condamnation.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - On parle de pénalisation administrative et non pénale.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Cela n'existe pas, la pénalisation administrative...

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°968, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

Mme Annie Genevard, ministre.  - C'est n'importe quoi...

Mme la présidente.  - Amendement n°542 rectifié de M. Grosvalet et alii.

M. Philippe Grosvalet.  - Rédactionnel.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Sagesse. Supprimer « en toute hypothèse » ne modifie pas substantiellement l'article.

L'amendement n°542 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°969 de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Quand vous avez fait un écart sur une déclaration, vous pouvez être condamné à un stage de sensibilisation. C'est infantilisant. Supprimons cette possibilité.

Mme la présidente.  - Amendement n°260 rectifié bis de M. Bleunven et alii.

M. Yves Bleunven.  - Nous voulons qu'un décret prévoie les structures pouvant organiser ces stages, par exemple les chambres d'agriculture.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°260 rectifié bis.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Retrait de l'amendement n°260 rectifié bis, satisfait par les modalités actuelles d'organisation.

Sur la dépénalisation, vous avez largement adopté l'amendement du rapporteur, par solidarité sénatoriale - je crois avoir compris comment fonctionnait votre assemblée (sourires) - mais vous savez que vous n'échapperez pas à la réalité juridique...

Je comprends qu'un stage puisse être vécu comme infantilisant, mais il en existe dans de nombreux domaines. Un agriculteur qui détruit non intentionnellement une espèce protégée a besoin d'être éclairé pour ne pas recommencer. Cette pédagogie peut être faite par les pairs, par les chambres d'agriculture. Sagesse sur l'amendement n°969.

Un stage est préférable à une garde à vue, à une procédure pénale ou au fait de voir son nom exposé en place publique. (M. Pierre Jean Rochette renchérit.)

M. Vincent Louault.  - Je suivrai l'avis de la ministre. Une intervention de l'administratif, admettons. Si on envoie les agriculteurs faire un stage dans les associations qui les attaquent, ils ne seront pas près de recommencer ! (Sourires)

L'amendement n°969 est adopté.

L'amendement n°260 rectifié bis n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°970 de MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Rédactionnel.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable. Vous dépénalisez le fait de développer des activités réglementées par le régime ICPE, dont j'ai rappelé la dangerosité.

L'amendement n°970 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°386 rectifié ter de M. Tissot et du groupe SER.

M. Lucien Stanzione.  - Amendement de repli. Nous supprimons la présomption de non-intentionnalité dès lors que l'infraction est commise dans le cadre d'une obligation légale ou réglementaire, ou en application d'une autorisation administrative ou d'un plan de gestion forestière. Cela envoie un très mauvais signal d'impunité.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - Avis défavorable. Cela reviendrait à supprimer la dépénalisation.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Avis défavorable. Cela empêcherait de prendre en compte le cas d'injonctions contradictoires entre réglementations, ou la commission involontaire des faits.

Le Gouvernement veut adapter les sanctions aux circonstances de l'infraction. Avis défavorable.

M. Daniel Salmon.  - Le Sénat se fourvoie en adoptant cet article, non conforme au droit de l'Union européenne, à la convention de Berne, à la directive Habitats-Faune-Flore, à la directive relative à l'évaluation des incidences sur l'environnement (EIE), à la directive du 11 avril 2024 relative à la protection de l'environnement, à la Charte de l'environnement qui consacre le principe de précaution.

Cette non-intentionnalité va couvrir énormément d'infractions. Le rapporteur estime que le sujet est bordé, car il ne concerne pas les ICPE sous régime d'autorisation. Pourtant, la plupart des méthaniseurs sont en dessous du seuil d'autorisation, or on constate souvent des pollutions de l'eau liées à des négligences parfois graves.

L'amendement n°386 rectifié ter n'est pas adopté.

À la demande du groupe SER, l'article 13, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°191 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 206
Contre 108

L'article 13, modifié, est adopté.

La séance, suspendue à 17 h 45, reprend à 17 h 55.