SÉANCE
du mardi 18 février 2025
58e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Catherine Conconne.
La séance est ouverte à 11 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
Attaques de loups en Haute-Marne
M. Bruno Sido . - On observe une recrudescence des attaques de loups en Haute-Marne : 77 bêtes tuées depuis le 26 novembre 2024, 54 en 2025 et 27 blessées. Les loups prolifèrent sans contrôle, avec des conséquences dramatiques : ovins stressés, agnelage compromis...
Les éleveurs, excédés, n'en peuvent plus. Certains veulent vendre leurs troupeaux. L'administration reste sourde à leur détresse. Les moyens de protection prévus par l'État - filets de protection, chiens, tirs de défense - sont insuffisants. Les éleveurs veulent simplement exercer leur métier dans des conditions sereines. Quels moyens l'État compte-t-il mettre en place ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - C'est un sujet très difficile. Élue d'un territoire très touché, mon action est déterminée. Pour la première fois, le plan national d'actions 2024-2029 pose une réelle ambition de protection de l'élevage. Les chiffres sont terribles : plus de 4 000 constats d'attaque par an et plus de 12 000 animaux tués.
En 2024, mon ministère a engagé 41 millions d'euros pour soutenir les éleveurs, un effort poursuivi en 2025, malgré les difficultés budgétaires. Nous avons anticipé une augmentation d'environ 50 % des indemnisations, pour 9 millions d'euros. Pour les troupeaux non protégeables, nous souhaitons faciliter la délivrance des autorisations de tirs de défense et les indemnisations, avec un arrêté pris la semaine dernière et l'article 16 du projet de loi d'orientation agricole (PJLOA).
Je suis également pleinement engagée dans le combat européen du déclassement du loup, pour passer d'une logique de défense à une logique de régulation. Parce que l'indemnisation ne résout pas tout : nous voulons moins de prédations.
En Haute-Marne, les attaques sont le fait d'un loup solitaire bien identifié. À ma demande, une brigade de l'Office français de la biodiversité (OFB) va tenter de prélever ce loup qui n'a déjà que trop causé de dégâts.
M. Bruno Sido. - Merci pour votre réponse. L'administration minimise le nombre d'attaques et les éleveurs demandent des moyens financiers d'urgence pour poser les filets de protection. Sachez que deux jeunes éleveurs sont suivis par la cellule psychologique de la Mutualité sociale agricole (MSA).
Inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières
M. Stéphane Le Rudulier . - Les services d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (Sivep) sont dans une situation préoccupante, particulièrement à Fos-sur-Mer.
Ces services, pourtant essentiels à la sécurité des consommateurs et à la protection de nos filières agricoles et agroalimentaires, manquent d'effectifs. À Fos-sur-Mer, des emplois locaux sont menacés.
Il faut enrayer le report de trafic vers d'autres ports, comme Barcelone. Que comptez-vous faire pour renforcer les moyens humains et matériels de ces services ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Il est crucial d'avoir un bouclier sanitaire à nos frontières. Notre objectif est de limiter le temps d'attente des marchandises dans les postes de contrôle, tout en garantissant la sécurité sanitaire. Chaque année, les effectifs de chaque poste de contrôle sont adaptés aux flux réels contrôlés dans les douze mois précédents.
Mais certains contrôles ne peuvent être réalisés que par des vétérinaires, ce qui est problématique en cas de vacance de poste. Depuis 2019, nous pouvons recruter des vétérinaires étrangers et, depuis 2023, proposer un CDI dès le premier contrat.
À Fos-sur-Mer, un dispositif adapté - dématérialisation et appui d'autres postes de contrôle - a permis de rattraper les retards. En outre, le PLF 2025 prévoit une dotation supplémentaire pour ce poste de contrôle.
Label « Breizhmer » et loi Égalim
M. Simon Uzenat . - L'article 24 de la loi Égalim a fixé un objectif d'au moins 50 % de produits durables et de qualité dans la restauration collective publique. Le décret n 2019-351 du 23 avril 2019 précise la liste des signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine (Siqo) entrant dans le décompte de cet objectif.
La région Bretagne souhaiterait que le label-marque « Breizhmer » soit reconnu comme Siqo Égalim. Or seuls les labels officiels ont été retenus dans le décompte de 50 %, et d'autres labels ne peuvent être ajoutés.
Cependant, les acheteurs qui exigent des produits bénéficiant du label « Pêche durable » doivent, conformément au code de la commande publique, considérer les produits « équivalents », c'est-à-dire apportant les mêmes garanties. L'appréciation de l'équivalence est laissée au jugement de l'acheteur. Or l'article 24 de loi Égalim insiste sur la satisfaction des exigences des labels concernés et ouvre donc la voie à une approche multilabels.
Le Gouvernement prévoit-il de modifier le décret du 23 avril 2019 afin de reconnaître de nouveaux Siqo comme « Breizhmer » ? Sinon, l'approche multilabels pour apprécier l'équivalence est-elle la procédure idoine ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - On compte cinq Siqo : l'appellation d'origine protégée (AOP), l'indication géographique protégée (IGP), le Label Rouge, la spécialité traditionnelle garantie (STG) et l'agriculture biologique (AB).
Ces labels répondent à une définition précise, suivent un cahier des charges exigeant et sont soumis à des contrôles réguliers, comme l'a rappelé la campagne de communication lancée par l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) en novembre dernier.
Par ailleurs, les produits durables et de qualité entrant dans le décompte des 50 % doivent répondre à l'un des onze critères précisés à l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime. Il est aussi possible de combiner certains critères, ce qui permet de sélectionner des produits locaux, y compris non labellisés Siqo. La liste est déjà à la fois exhaustive et souple, nous n'envisageons donc pas de révision des critères.
Filière aluminium française
M. Bruno Rojouan . - De nombreuses filières industrielles, comme celle de l'aluminium, font face à des difficultés structurelles qui mettent en péril leur pérennité. Cette situation est illustrée par l'entreprise Sadillek de Montmarault, dans l'Allier, un pilier de l'économie locale spécialisé dans l'affinage.
Tout d'abord, le recyclage : la France manque d'une politique ambitieuse et d'infrastructures adaptées pour retenir ces déchets sur le territoire. Nous exportons près de 500 000 tonnes de déchets d'aluminium non traités par an. Nous privons ainsi nos affineurs de matières premières et restons dépendants des importations de métal.
Ensuite, la compétitivité énergétique : l'affinage de l'aluminium est particulièrement énergivore, ce qui pèse lourdement sur les marges et réduit la compétitivité des entreprises face aux concurrents étrangers, soutenus par des politiques énergétiques avantageuses, comme en Chine.
Toute cette filière stratégique - 10 000 emplois directs, un rôle clé dans l'aéronautique ou l'automobile - est mise à mal. Comment comptez-vous garantir la compétitivité et renforcer la souveraineté de la filière ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - La position de la France est constante : l'aluminium est un métal stratégique, indispensable pour la transition énergétique et la mobilité électrique. La France a défendu la définition au niveau européen de dix-sept métaux stratégiques, dont l'aluminium.
Nous sommes fiers de cette filière, qui représente 10 % de la production européenne, et du site de Dunkerque, le premier en Europe pour l'aluminium primaire. Notre politique de soutien à la filière nous permettra de produire 70 % de nos besoins dès cette année. Nos exportations ont été divisées par deux depuis 2020 et nous ouvrons de nouvelles usines.
Nous devons recycler les déchets au plus près de leur lieu de production, conformément au règlement européen de 2024. Les droits de douane de 25 % annoncés par Trump sonnent l'alarme. La France porte un message de fermeté : l'Union européenne doit sortir de la naïveté.
Sur le prix de l'électricité, le Gouvernement travaille avec EDF pour que notre industrie puisse bénéficier de contrats compétitifs à long terme.
Régime fiscal des chambres d'hôtes
M. Olivier Paccaud . - La loi du 19 novembre 2024 vise à répondre à un besoin légitime de régulation du marché locatif des logements. En modifiant le régime fiscal des chambres d'hôtes pour les assimiler aux meublés de tourisme, elle porte cependant un coup sévère à une activité essentielle à l'attractivité de nos territoires, notamment ruraux.
Contrairement aux meublés de tourisme, les chambres d'hôtes proposent des services associés comme le petit-déjeuner, le ménage et le linge de maison, et n'ont pas d'impact sur le parc immobilier résidentiel.
La loi diminue donc l'abattement fiscal de 71 % à 50 % et le seuil de revenus annuels de 188 700 à 77 700 euros, ce qui menace la viabilité économique des exploitants, alors que leur implication quotidienne pour satisfaire la clientèle est importante.
Ces exploitants, engagés dans la réhabilitation de bâtiments anciens, jouent un rôle clé dans le soutien de l'économie locale et du tourisme de passage.
Madame la ministre, revoir cet alignement fiscal ne serait que justice. Errare humanum est, perseverare diabolicum.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Cette modification de l'article 50-0 du code général des impôts est issue des travaux de la commission mixte paritaire sur la loi du 19 novembre 2024.
Ce seuil de 77 700 euros est très supérieur à celui des locations meublées de tourisme non classées - il est désormais de 15 000 euros, avec un abattement de seulement 30 %. Ainsi le législateur a maintenu un abattement différencié au bénéfice des meublés classés de tourisme et des chambres d'hôtes. Ce seuil de 77 700 euros semble suffisamment élevé au regard des besoins des petits propriétaires.
Par ailleurs, il est toujours possible d'opter pour le régime réel afin de déduire ses frais et charges. Le régime micro-BIC est un régime d'imposition simplifié qui ne revêt aucun caractère incitatif.
Enfin, les nouvelles dispositions de l'article 50-0 n'appellent aucun décret d'application et s'appliquent de plein droit à compter du 1er janvier 2025.
Conditions d'harmonisation de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères
Mme Agnès Canayer . - La loi NOTRe impose aux intercommunalités d'harmoniser leur taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom) dans un délai de dix ans à partir de leur création. En Seine-Maritime, la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, créée le 1er janvier 2019, a mis en place en octobre 2023 le lissage des taux de Teom sur quatre ans, avec des zones correspondant à des niveaux de services différents, pour une harmonisation totale en 2029.
Cependant, certaines communes estiment que l'on peut retenir des durées de lissage différentes entre communes, et surtout, que le délai de dix ans court à partir de la date de délibération, et non de la création de l'EPCI. Nous avons interrogé le ministre de l'économie et des finances, sans succès. Peut-on appliquer des durées de lissage différentes entre les communes ? Si oui, selon quels critères ? À partir de quelle date court le délai de dix ans ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Un EPCI ayant institué la Teom doit voter un taux unique sur l'ensemble de son territoire. Toutefois, il peut créer des zones de perception avec des taux différents : ceux-ci doivent être justifiés au regard de la réalisation du service rendu, et ne peuvent simplement correspondre aux différences de taux avant fusion.
Lorsqu'un nouvel EPCI issu d'une fusion n'institue pas immédiatement la Teom, les délibérations antérieures continuent de s'appliquer. Le Havre Seine Métropole, créé en 2019, a institué la Teom en 2023, ce qui a mis fin aux délibérations antérieures.
Un dispositif d'unification progressive des taux d'une durée maximale de dix ans est alors applicable. Dans le cas du Havre Seine Métropole, le conseil délibérant a décidé de lisser les taux de Teom sur quatre ans, à compter de 2024. Durant cette période, l'EPCI détermine librement les modalités de l'harmonisation progressive des taux, sous réserve de parvenir, à l'issue de la période de lissage, au taux cible dans chacune des zones. Cette période pourrait être prolongée sur délibération de l'EPCI, sans que la durée totale de lissage ne puisse excéder dix ans.
Mme Agnès Canayer. - Merci pour ces éclairages.
Rodéos motorisés à Compiègne
M. Édouard Courtial . - Je salue l'engagement du Gouvernement au service de la sécurité quotidienne, particulièrement l'action de Bruno Retailleau.
M. Michel Savin. - Très bien !
M. Édouard Courtial. - Pour lutter contre le fléau des rodéos motorisés, parfois à l'origine de drames, Compiègne a renforcé sa police municipale et intensifié la vidéoprotection. Elle a ainsi récupéré depuis 2020 une cinquantaine de deux-roues, abandonnés par leurs propriétaires. Mais le maire, Philippe Marini, n'a pas de baguette magique ; il a plus que jamais besoin de l'appui de l'État.
Compiègne se propose d'expérimenter l'utilisation de drones par la police municipale, ainsi que le recours au spray et au paintball de peinture codée - ce qui suppose la réquisition du procureur de la République. J'appuie cette demande. Autoriser cette expérimentation locale, c'est se donner des outils pour mieux protéger nos concitoyens.
Nous pouvons laisser les maires seuls face à ce fléau ou leur donner enfin les moyens de lutter. Quelles mesures concrètes l'État compte-t-il prendre pour appuyer les communes ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Les rodéos motorisés troublent l'ordre public et engendrent un sentiment d'insécurité. La lutte contre ce fléau s'intègre aux stratégies de partenariat et de réappropriation de la voie publique, au coeur de la restauration de la sécurité du quotidien.
À Compiègne, quatorze opérations anti-rodéos ont été organisées par la police nationale l'année dernière. Un travail est mené avec les bailleurs pour identifier les lieux de stockage des engins. Enfin, le système de vidéoprotection permet d'engager des procédures judiciaires.
Compiègne a investi dans la vidéoprotection et sa police municipale et mis en place depuis 2020 le dispositif « Stop Rodéos ». C'est un exemple à suivre. Les résultats sont là : l'an dernier, six interpellations et sept procédures judiciaires ; dans l'Oise, dix-huit opérations anti-rodéos, dix-sept interpellations, vingt-trois procédures judiciaires. La gendarmerie cible les lieux et les moments propices aux rodéos. Elle a saisi vingt-six engins en 2024.
L'emploi des sprays de produit marquant codé a été expérimenté entre 2021 et 2023, notamment pour identifier les auteurs de dégradations. La mesure, peu conclusive, a été abandonnée. Appliquée aux rodéos urbains, elle ne constituerait pas une preuve suffisante.
Le Beauvau des polices municipales reviendra sur ces sujets. Les policiers municipaux doivent avoir les moyens de répondre aux attentes des Français, dans le respect des principes constitutionnels et des prérogatives de l'autorité judiciaire.
Cessation anticipée d'activité liée à l'amiante
M. André Guiol . - Les agents exposés à l'amiante durant leur vie professionnelle bénéficient d'une cessation d'activité professionnelle et d'une allocation spécifiques, mais l'évolution statutaire de certains établissements du ministère des armées a créé des injustices quant à ces droits.
Corrigées par décret pour les anciens ouvriers d'État, elles perdurent pour les agents relevant d'autres statuts, comme les techniciens supérieurs d'études et de fabrications. Le ministère se heurte à un référentiel réglementaire interministériel.
Pourquoi l'extension du dispositif aux anciens fonctionnaires et anciens agents contractuels imposerait-elle de modifier la loi de finances pour 2016, comme je l'indiquais dans ma première question orale, alors que cela n'a pas été le cas pour les ouvriers d'État ? Quand le décret correctif relatif à l'ensemble des agents du ministère sera-t-il publié ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants . - La décision du Conseil d'État du 10 juin 2020 a étendu le dispositif de cessation anticipée d'activité aux anciens ouvriers de l'État qui ne sont plus agents publics quand ils font leur demande. Ce n'est pas encore le cas des anciens fonctionnaires et des anciens contractuels de droit public qui ne seraient plus agents publics au moment de leur demande.
Le ministre des armées s'est fortement mobilisé pour trouver une solution. Une disposition législative étant nécessaire, celle-ci a été reconduite dans la loi de finances initiale pour 2025. L'ensemble des ministères concernés travaillent de concert pour préparer le décret d'application, qui sera publié très prochainement.
Les agents et anciens agents exposés à l'amiante bénéficieront ainsi de la reconnaissance qui leur est due.
Attaques au couteau
Mme Agnès Evren . - Depuis plusieurs mois, la France enchaîne les tragédies. Thomas à Crépol, Matisse à Châteauroux, puis Philippine, Élias et Louise à Paris ont eu leur vie arrachée à coups de couteau par des barbares.
Selon l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, en 2020, cent vingt attaques au couteau ont eu lieu par jour en France. Ce sont non plus des faits divers, mais de société. Élue du 15e arrondissement de Paris, je constate que la violence explose dans notre ville : les meurtres y ont crû de 36 % en 2024.
Mme Hidalgo vit dans sa bulle déconnectée du réel et se contente de distribuer des affichettes. Comment peut-on vivre dans un tel déni ? Quelque 10 000 familles quittent Paris chaque année ; certains quartiers sont des coupe-gorges. Quelle est votre feuille de route pour lutter ces attaques ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - J'exprime ma profonde compassion envers les victimes et leurs familles. Ces attaques témoignent d'un ensauvagement qui questionne notre modèle de société. Nous avons besoin d'un continuum de sécurité.
La présence des forces de sécurité intérieure doit être visible, rassurante et dissuasive. Sur le plan interministériel, le 19 novembre dernier, le ministre de l'intérieur a demandé aux préfets d'élaborer des plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien. La réponse pénale doit être efficace et sévère ; le garde des sceaux s'y emploie. Le passage en conseil de discipline des élèves en possession d'une arme blanche et d'un signalement au parquet conforte notre volonté d'agir.
Dans l'agglomération parisienne, les vols commis avec armes blanches ont reculé de 22 % entre 2023 et 2024. La vidéoprotection a permis de retrouver l'assassin de la jeune Louise.
Mme Valérie Boyer. - Tout va bien, alors !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. - Nos policiers et nos gendarmes continueront à agir sans relâche.
Mme Agnès Evren. - On aimerait sentir davantage de détermination dans vos propos ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
?Pollution du site du CEA à Moronvilliers
Mme Anne-Sophie Romagny . - Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a exploité un site d'essais militaires et d'activité détonique à Moronvilliers dans la Marne, sujet du documentaire Polygone en 2024.
La population s'interroge sur le niveau de pollution et de contamination radioactives des sols et des nappes phréatiques. Mais les élus locaux ne peuvent répondre à ces inquiétudes en raison d'une sorte d'omerta autour de ce sujet.
Le suivi hydrogéologique, instauré depuis 2023, ne concerne que la zone périphérique du site. Or les nappes phréatiques alimentent en eau potable la majorité des habitants de Reims. L'État n'a jamais évoqué la dépollution du site fermé depuis douze ans, aussi les élus locaux cherchent-ils à la financer notamment en dédiant cet espace à la production d'énergies renouvelables.
Le Gouvernement entend-il donner des informations sur le niveau de pollution du site ? Entreprendra-t-il rapidement sa dépollution ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants . - De 1957 à 2013, aucun essai ni expérimentation nucléaires n'ont été menés sur ce site, uniquement des expériences de détonique utiles à la mise au point des armes de dissuasion françaises.
Depuis 2013, une remise en état général est en cours, sous le contrôle du délégué à la sûreté nucléaire et la radioprotection, afin de veiller à protéger la population et l'environnement. Des simulations sont réalisées sur cinq cents ans. Le suivi hydrogéologique indique des concentrations en uranium dans les eaux prélevées quarante fois inférieures à la valeur réglementaire française pour les eaux destinées à la consommation humaine.
Ce travail est fait en transparence avec les élus locaux ; une commission locale d'information créée depuis le 3 février 2017 se réunit annuellement sous la présidence du sous-préfet de Reims. Les résultats des mesures sont transmis par courrier à la préfecture de la Marne et à l'ensemble des maires concernés.
Élargissement de la procédure d'amende forfaitaire aux contraventions
M. Michel Savin . - Alors que l'intelligence artificielle fait la une des journaux, maires et policiers municipaux restent bloqués à l'âge du papier pour dresser des contraventions. Le code de procédure pénale n'a pas fait sa mise à jour 2.0 : lois et règlements interdisent d'avoir recours à une procédure informatisée pour des infractions à des arrêtés municipaux pris au titre des pouvoirs de police du maire.
Le service public perd en efficacité. Élus et policiers perdent un temps précieux à rédiger à la main procès-verbaux et rapports. Le même code impose que les contraventions soient adressées à l'officier du ministère public qui, débordé, finit par les classer sans suite. Résultat : perte de motivation des agents, perte de confiance des citoyens et renforcement de l'impunité des fauteurs de troubles, incités à récidiver - parfois plus gravement.
Allez-vous élargir la procédure de l'amende forfaitaire à ce type d'infractions ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Le ministère de la justice lutte contre les infractions du quotidien, notamment la violation des arrêtés de police des maires, réprimée par l'article R610-5 du code pénal.
L'article R48-1 du code de procédure pénale énumère les quatre premières classes pour lesquelles l'action publique peut être éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire. Il ne couvre pas toutes les infractions violant les arrêtés de police des maires, extrêmement variées.
Une telle forfaitisation n'est pas nécessaire pour bien sanctionner. Le décret du 15 février 2022 dispose que le non-respect des arrêtés de police du maire constitue une contravention de deuxième classe, et les policiers municipaux peuvent utiliser des imprimés simplifiés au lieu de dresser un procès-verbal. Sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de quatrième classe plusieurs faits, comme l'atteinte à la libre circulation sur la voie publique ou l'ouverture d'un point eau incendie. La procédure de l'amende forfaitaire est applicable à ces nouvelles contraventions.
M. Michel Savin. - Il n'est pas normal qu'un procès-verbal dressé par un policier ou un maire ne soit pas suivi d'effet. Ce sentiment d'impunité crée des tensions. Il est urgent de clarifier la situation.
Meurtre au centre pénitentiaire des Baumettes
Mme Valérie Boyer . - Le 21 septembre dernier, le jeune Robin Cota tente d'obtenir de la codéine avec une fausse ordonnance. Arrêté, il est incarcéré à la prison des Baumettes.
Les premiers jours, il est optimiste. Puis il est transféré, et son enfer commence. Il alerte trois fois par lettre, sans compter les appels à l'interphone, sur un codétenu. Le 9 octobre, un bruit d'une violence inouïe retentit. Son bourreau l'a presque décapité avec un bol cassé et lui a écrasé le visage. Comble de l'horreur, il a manipulé le corps pour accélérer l'hémorragie. Les parents apprendront les circonstances de la mort de Robin dans la presse.
J'exprime ma compassion à toute sa famille. Les Français attendent des réponses ; nous sommes dans la stupeur, le chagrin et l'incompréhension. S'il ne vous appartient pas de commenter une affaire en cours, faites la transparence sur ce drame, alors que des activités ludiques sont organisées dans certaines prisons, dont des massages gratuits. Le frère d'un détenu du Bataclan, fiché S, se balade tranquillement, assigné à résidence à Lure ; un condamné pour viol a été remis en liberté dans les Yvelines... La liste est longue !
Pourquoi ce jeune homme non dangereux, sans casier judiciaire et qui travaillait, a-t-il été incarcéré ? D'autres solutions n'auraient-elles pas pu être envisagées pour garantir sa sécurité et sa vie ? Pourquoi l'installer dans la cellule d'un détenu ultraviolent ? Qui est son bourreau, et quelles étaient ses motivations ? Pouvons-nous retenir le crime raciste ? Pourquoi les alertes de Robin n'ont-elles pas été prises en compte ? Faut-il avoir des relations pour être protégé en prison ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Je compatis également à la douleur de la famille. La justice et l'inspection générale de la justice ont été saisies. Les deux procédures, administrative et judiciaire, sont toujours en cours et je ne peux m'exprimer sur celles-ci. Lorsque les conclusions seront rendues, le garde des sceaux en tirera toutes les conséquences pour qu'un tel drame ne se reproduise pas.
Mme Valérie Boyer. - C'est trop facile !
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. - Vous savez que je ne puis répondre autre chose.
Mme Valérie Boyer. - Pas du tout ! Pourquoi a-t-il été en prison ? Répondez au moins sur ce point !
Détachements dans le réseau d'enseignement français à l'étranger
M. Yan Chantrel . - Depuis le 1er septembre 2019, les enseignants détachés dans le réseau français à l'étranger ne peuvent plus être maintenus en détachement au-delà de six années scolaires consécutives, ou neuf en cas de dérogation.
Pour nombre d'entre eux, la période de détachement arrive à échéance à la rentrée prochaine.
La mesure a été prise pour encourager la mobilité du plus grand nombre, mais elle perd largement de son sens aujourd'hui alors que l'éducation nationale fait face à une crise de recrutement et que les rectorats découragent les détachements à l'étranger pour limiter la pénurie de personnel dans l'Hexagone. En outre, le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) fait aussi face à de grandes difficultés de recrutement.
Dans mon rapport sur la francophonie, j'ai constaté que cette pénurie d'enseignants affaiblissait le rayonnement de notre pays.
Je vous demande de revenir sur cette limitation du détachement à l'étranger à six ans au profit des reconductions tacites qui prévalaient auparavant.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - La rentrée 2025 marquera le retour des premiers enseignants qui ont atteint la durée maximale de six ans. L'objectif est clair : que le maximum d'enseignants puisse vivre une expérience internationale. Après ces six années, un retour en poste en France pendant trois ans est requis. Une prolongation jusqu'à neuf années est possible exceptionnellement.
Environ 170 enseignants, dont 5 de l'AEFE, devraient rentrer, sur plus de 800. La règle n'a pas entamé l'attractivité du réseau. Dans le premier degré, le nombre de détachés se maintient à 3 300. Dans le second degré, il est en hausse, à 4 946 en 2024 contre 4 442 en 2023 et 4 263 en 2022. La légère baisse de 2022 était due à un gel temporaire des recrutements de l'AEFE.
Il faudra établir un bilan global avec tous les acteurs concernés. En 2024, un accompagnement spécifique a été lancé, avec un guide du retour et des conseillers RH spécialement formés.
M. Yan Chantrel. - Je me rends disponible pour échanger plus en détail sur ce sujet.
Animateurs et AESH
Mme Pauline Martin . - Nous constatons une vraie difficulté à recruter des AESH : ces postes sont peu attractifs car rarement à temps complet. Les communes peinent aussi à recruter des animateurs de centre de loisirs. Pourquoi ne pas créer un système de vases communicants permettant aux animateurs d'exercer sur le temps scolaire et aux AESH d'intervenir sur le périscolaire ?
Le Loiret est volontaire pour l'expérimentation d'un module de formation agile et efficace. Afin que les animateurs puissent exercer comme AESH, j'ai déjà sollicité le recteur et le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) qui, sous réserve de votre accord, sont prêts à relever ce défi. Bref, il faut du pragmatisme et de l'efficacité de terrain pour répondre à un besoin criant.
Un autre sujet : je suis régulièrement sollicitée par le réseau Espérance banlieues qui souhaite être associé aux actions menées par l'éducation nationale. Où en sommes-nous ?
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - La formation des AESH est un enjeu central. Dès leur prise de poste, ils bénéficient d'une formation obligatoire de 60 heures par an. Des formations départementales et académiques leur sont également accessibles.
Depuis 2021, 25 heures de formation initiale des professeurs sont consacrées à l'école inclusive, et les plateformes Magistère et Cap École Inclusive proposent des formations en libre accès aux enseignants et aux AESH. Ces derniers peuvent aussi compter sur les professeurs ressources et les conseillers pédagogiques.
Dans le cadre de la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, un professeur ressource sera déployé dans chaque département d'ici à 2027.
Depuis la rentrée 2024, les pôles d'appui à la scolarité (PAS), expérimentés dans quatre départements, interviennent auprès des enfants. Dès 2025, plus de 200 PAS supplémentaires seront créés afin d'offrir à chaque enfant de France un accompagnement à la hauteur de ses besoins.
Mme Pauline Martin. - Vous n'avez pas répondu à ma question : pouvons-nous réaliser cette expérimentation avec les animateurs de nos centres de loisirs ?
Accompagnement des élèves en situation de handicap
Mme Sonia de La Provôté . - Depuis la loi du 27 mai 2024, l'État prend en charge l'accompagnement des élèves en situation de handicap durant la pause méridienne. Or la mise en oeuvre de la loi rencontre de gros problèmes. Dans le Calvados, la mairie de Verson a dû pallier à l'absence de dispositif pendant trois mois dans une de ses écoles qui accueille pourtant une unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis). Sans nouvelles de l'État, elle a recruté un agent périscolaire, pour un coût de 3 000 euros. Tardivement, le 18 novembre, l'Education nationale a affecté une personne - qui n'est présente qu'entre 11 h 50 et 12 h 40, alors que la pause s'étend de 11 h 30 à 13 h 30. La commune doit donc recourir à un agent périscolaire pour couvrir le reste de la pause. À quel coût et pour combien de temps ?
Ces décalages dans la mise en oeuvre sont inacceptables. Les enfants ont besoin d'être accompagnés et ce, dès la rentrée. Quelles mesures prévoyez-vous pour compenser les carences ?
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - La loi Vial est une avancée majeure. L'un des enjeux de sa mise en oeuvre repose sur la l'évaluation du besoin d'accompagnement des élèves. C'est l'État qui en décide, en s'appuyant sur une analyse fine des besoins de chaque élève.
Un décret du 21 janvier précise que l'État assume pleinement ses responsabilités d'employeur, y compris sur le temps méridien.
Nous avons fait le choix d'un déploiement renforcé des pôles d'appui à la scolarité : aménagements pédagogiques et éducatifs ; mise à disposition de matériel pédagogique spécifique ; accompagnement renforcé par des professionnels de l'éducation nationale et du secteur médico-social.
L'objectif est de garantir à chaque élève les meilleures solutions et d'éviter aux familles des démarches administratives complexes.
Médecine de montagne
Mme Sylviane Noël . - Les stations de Haute-Savoie accueillent des millions de visiteurs, dont la pratique sportive génère jusqu'à 140 000 traumatismes par an. Les médecins y assurent une mission vitale, dans des zones isolées. Pourtant, la nouvelle convention avec la Cnam leur impose des contraintes inadaptées : recours obligatoire au centre 15 pour administrer des antalgiques intraveineux, absence de valorisation financière des actes d'urgence et de traumatologie, baisse des majorations MN et MM, limitant leur rémunération malgré des gardes la nuit, les week-ends et les jours fériés.
Ces contraintes menacent la pérennité de l'offre de soins en Haute-Savoie, où les coûts d'exercice sont bien supérieurs à ceux en milieu urbain. Si rien n'est fait, les cabinets fermeront, accentuant la désertification médicale et surchargeant les hôpitaux déjà saturés.
Quelles mesures concrètes et immédiates comptez-vous prendre pour alléger ces contraintes et garantir aux médecins de montagne les moyens d'exercer leur mission dans des conditions adaptées au terrain ?
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - La convention signée en juin 2024 entre l'assurance maladie et les médecins libéraux doit améliorer l'accès aux soins. Les soins non programmés ont été réorganisés pour éviter les dérives tarifaires et préserver nos ressources médicales, grâce à la régulation par le service d'accès aux soins (SAS) et par la permanence des soins ambulatoires. Désormais, les cotations d'urgence non régulées seront réservées aux cas justifiant une hospitalisation. Il faut privilégier la pédagogie.
Depuis 2015, le dispositif de labélisation en Auvergne-Rhône-Alpes a financé 54 cabinets, à hauteur de 2 millions d'euros. La nomenclature prévoit un supplément pour les actes de radiologie en montagne. L'article 15 bis de la loi de financement de la sécurité sociale permettra de labelliser les centres de soins non programmés, dont les cabinets.
Stratégie pour l'avenir du Cambrésis
M. Guislain Cambier . - Belle mission que celle d'aménager le territoire : c'est permettre le développement de chacun, tout en assurant la cohésion nationale. Pourtant, si des dispositifs ont été mis en place pour panser les plaies du bassin minier ou pour combler les retards de l'Avesnois, le Cambrésis reste oublié. Or son taux de chômage avoisine les 18 %, les troubles du langage touchent un enfant sur cinq, et je ne parle pas des violences intrafamiliales, de l'accès aux soins et de la mobilité...
Pour y remédier, les élus, l'État et le département ont élaboré la stratégie pour l'avenir du Cambrésis 2027, qui a été signée par le préfet en 2020. Depuis, rien. Quand l'État honorera-t-il sa parole, afin que le Cambrésis puisse se développer ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - L'État n'est pas resté inactif dans le Cambrésis : environ mille emplois y ont été créés ; quatorze entreprises ont été accompagnées via une enveloppe de 3 millions d'euros ; le site e-Valley a été installé sur l'ancienne base aérienne ; près de 600 000 euros ont été alloués pour faciliter l'accès à l'emploi ; six communes rurales bénéficient du programme Villages d'avenir. Un troisième poste d'intervenante sociale a été créé pour lutter contre les violences intrafamiliales.
L'État, en lien avec les collectivités territoriales, est mobilisé pour le développement du Cambrésis. Chaque territoire doit avoir une espérance, et chaque citoyen une chance, comme l'a dit François Bayrou.
M. Guislain Cambier. - Le territoire vous en remercie, mais il faut une stratégie coordonnée et de long terme - ce que permettait la stratégie pour 2027, malgré les aléas de l'engagement politique. Dans le Cambrésis, nous ne demandons pas mieux que de travailler avec vous.
Opération « 1 000 cafés »
Mme Else Joseph . - Lancée en 2019, l'opération « 1 000 cafés », initiative privée bénéficiant d'un soutien public, visait à recréer du lien social, à redonner de l'âme à nos petites communes. Le bilan est hélas mitigé, notamment dans les Ardennes. Sur les mille cafés prévus, seuls 80 auraient vu le jour.
Certaines communes se sont heurtées à des retraits inopinés de la part d'opérateurs peu scrupuleux, voire à des pressions injustifiées sur les gérants, alors qu'elles avaient financé et soutenu ces projets. Des cafés promis, elles ne voient ni la couleur, ni l'odeur !
Comment le Gouvernement compte-t-il soutenir ces communes victimes de démarches à la limite de la malveillance, et les aider à poursuivre ces projets ? Je ne voudrais pas conclure, comme Mme du Barry disant à Louis XV : « La France, ton café fout le camp ! »
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Je sais les efforts déployés par les communes pour accueillir dans leur centre-bourg un lieu social chaleureux comme un café. J'ai récemment reçu la présidente de l'association « 1 000 cafés » ; il existe aussi d'autres initiatives.
Il est délicat de réintroduire des commerces dans les centre-bourgs, car il faut trouver un modèle économique viable. D'où l'essor des cafés associatifs, qui développent des activités annexes, musique, lecture, etc. L'État soutient ces initiatives, et 434 commerces ont été réouverts.
Je suis prête à discuter avec vous de la situation particulière que vous évoquez.
Mme Else Joseph. - L'association est soutenue par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et par le fonds de soutien au commerce rural. Soyons vigilants sur l'argent public dépensé !
Encadrement des services de sous-location
M. Jean-Michel Arnaud . - Des entreprises proposent des services de sous-location aux propriétaires de biens immobiliers : en contrepartie d'un loyer assuré, elles sous-louent les biens pour de courtes ou moyennes durées, souvent via des plateformes en ligne.
Ce nouveau procédé, qui vise majoritairement une clientèle touristique, réduit l'offre de logements permanents pour la population locale ; alors que la France pâtit d'un grave manque de logements, il aggrave encore le déséquilibre entre l'offre et la demande. En outre, les sous-locataires ne bénéficient pas des mêmes garanties que les locataires. Pourtant, les entreprises concernées bénéficient d'un régime fiscal avantageux.
Le développement dérégulé de la sous-location concourt à une forme d'ubérisation de la gestion locative. Résultat : dans le Briançonnais comme dans d'autres territoires, les prix du logement sont inaccessibles aux locaux et aux travailleurs saisonniers. Des difficultés se posent aussi en matière de diagnostic de performance énergétique.
Allez-vous assouplir la loi Climat et résilience et encadrer les nouveaux procédés de sous-location ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Vous connaissez la vive attention que Valérie Létard porte à ces enjeux, qui concernent de nombreux territoires.
La loi Le Meur, adoptée en novembre dernier avec le soutien du Gouvernement, instaure de nouveaux outils pour préserver les résidences principales et éviter les distorsions que vous signalez à juste titre. La procédure de déclaration avec enregistrement en mairie est généralisée. Les fausses déclarations et le non-respect par une plateforme d'une injonction de retrait sont sanctionnés.
Par ailleurs, les communes peuvent définir des quotas d'autorisations de meublés touristiques et délimiter des secteurs réservés à la construction de résidences principales. Elles peuvent aussi limiter à 90 jours par an, au lieu de 120, la durée de location.
Enfin, le régime fiscal des meublés touristiques a été rapproché de celui de la location nue.
Ces éléments sont de nature à répondre, certes partiellement, à la situation que vous décrivez. Le Gouvernement est conscient de l'enjeu très fort qui s'attache à l'accès au logement des habitants des territoires concernés, mais aussi des travailleurs saisonniers.
M. Jean-Michel Arnaud. - Merci pour ces précisions. L'ubérisation dont j'ai parlé, liée à des sociétés qui louent les biens comme des tranches de saucissons, dénature le marché. Il en résulte de graves problèmes en zone urbaine et dans les territoires de pression touristique, notamment en montagne. Nous devrons en rediscuter.
Occupation de la Gaîté Lyrique par des jeunes en attente de recours
M. Rémi Féraud . - Depuis plus de deux mois, la Gaîté Lyrique est occupée par plusieurs centaines de jeunes qui n'ont pas été reconnus mineurs mais contestent cette décision devant le juge des enfants. Il faut sortir de cette impasse.
Les pouvoirs publics se montrent impuissants à répondre à une détresse bien réelle, l'État n'assumant pas sa responsabilité.
À Paris, plus de 9 000 jeunes sont évalués chaque année, contre 1 300 il y a dix ans - la situation est la même dans bien d'autres départements. Les jeunes reconnus mineurs sont évidemment pris en charge par la Ville de Paris au titre de la protection de l'enfance, mais les autres se retrouvent à la rue, sans ressources ni perspectives.
La Ville ne peut remplir seule une mission dont la responsabilité incombe à l'État, mais est prête à l'accompagner comme elle l'a toujours fait. Avec plusieurs de mes collègues sénatrices et sénateurs de Paris, j'ai écrit au Premier ministre à ce sujet il y a quelques semaines, sans obtenir de réponse à cette heure.
Quels moyens l'État compte-t-il mobiliser pour proposer rapidement à ces jeunes un hébergement digne et pérenne et pour leur assurer une meilleure protection juridique, le temps que la justice se prononce sur leur minorité ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Vous soulevez une question importante et délicate, qui doit être traitée dans le cadre plus général de l'accueil des étrangers.
L'État est très actif : les capacités d'hébergement ont été accrues de 40 % ces six dernières années en Île-de-France, et 120 000 places sont proposées chaque jour dans la région, dont 46 800 à Paris. Le budget correspondant est de 1,6 milliard d'euros pour la seule région francilienne.
S'agissant des jeunes migrants évalués majeurs mais ayant formé un recours, l'État déploie les moyens nécessaires. Le tribunal administratif vient d'ordonner l'expulsion de la Gaîté Lyrique. Nous sommes dans un pays de droit, où ces procédures doivent être respectées. La préfecture prévoit des orientations vers des hébergements en région. Ces jeunes bénéficieront d'un hébergement jusqu'au jugement de leur demande de recours. En cas de décision défavorable, ils devront quitter le territoire en application du droit.
L'État a répondu présent pour accompagner la collectivité de Paris dans sa mission de prise en charge : en novembre dernier, la préfecture a signé une convention avec la Ville pour l'appui à l'évaluation de la situation, afin de protéger l'enfance et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers d'étrangers. Ce soutien représente 500 euros par jeune pour l'évaluation et 90 euros par jour pour sa mise à l'abri.
M. Rémi Féraud. - Une expulsion ne peut avoir lieu sans solution d'hébergement pour ces jeunes. Il y a urgence à agir !
Soutien à la mytiliculture
Mme Sylvie Robert . - J'associe à ma question mon collègue député Jean-Luc Bourgeaux.
Les mytiliculteurs bretons font face à l'augmentation du nombre de prédateurs : oiseaux, daurades et araignées de mer s'attaquent aux moules. Le phénomène prend de l'ampleur en Ille-et-Vilaine, déstabilisant la filière. Or les moyens de lutte contre les prédateurs sont limités et le cadre réglementaire est inadapté : hors pêches expérimentales, la filière ne dispose d'aucun instrument de régulation. Les entreprises sont doublement pénalisées, car la production baisse alors que leurs charges augmentent.
Les aides de l'Union européenne, du conseil régional et des collectivités ne peuvent être débloquées qu'à l'occasion d'opérations collectives ; en outre, elles ne couvrent pas les dépenses engagées par les producteurs.
Le Gouvernement doit réagir avant le mois d'avril, début de la période de prédation de l'araignée de mer. Le cadre réglementaire évoluera-t-il, notamment pour autoriser les effarouchements ? L'État créera-t-il un volet assurantiel pour soutenir la filière et aller au-delà des aides de minimis, qui ne sont toujours pas perçues par les entreprises ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Sous l'effet du réchauffement climatique, les espèces invasives se multiplient. La destruction des naissains et des moules adultes fragilise les entreprises concernées.
Le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (Feampa) finance le matériel contre la prédation. Il pourra contribuer au fonds de mutualisation aquacole, qui doit être constitué par les professionnels ; l'État est prêt à lui apporter son soutien.
Le Feampa prévoit aussi des financements destinés à améliorer nos connaissances sur ces espèces invasives, à l'instar du projet Spider, doté de 1,4 million d'euros. Ce dernier a débuté en 2024 par une campagne de marquage des araignées de mer.
Mme Sylvie Robert. - Le cadre réglementaire est inadapté : vous pouvez le faire évoluer rapidement.
Chasse au gibier d'eau
M. Mickaël Vallet . - Fin 2024, le monde de la chasse au gibier d'eau a été sidéré par des recommandations inattendues de la Commission européenne instaurant des moratoires ou des réductions de prélèvements pour certains anatidés, comme le canard souchet ou le fuligule milouin.
Ces conclusions se fondent sur des données partielles, voire biaisées, excluant la Sibérie, zone d'habitat majeur pour ces espèces. Or les chasses au gibier d'eau réalisées dans le cadre de plans de gestion adaptative contribuent à la préservation des espèces.
Quelles démarches le Gouvernement compte-t-il engager auprès des instances européennes pour garantir la fiabilité des données servant de base aux décisions futures ? Nous défendons la gestion adaptative reposant sur des partenariats solides avec les acteurs locaux, plutôt que des moratoires décidés dans l'urgence. Nous avons bien sûr pris contact avec le ministère de la transition écologique, mais tout cela reste confus.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Agnès Pannier-Runacher est consciente de l'impact social, économique et culturel de ces recommandations.
La France est une halte de migration pour de nombreuses espèces, dont certaines sont très vulnérables. Or la préservation des écosystèmes de migration joue un rôle central pour leur conservation.
Le ministère suit de près la dynamique des populations : le bilan du comptage Wetlands est plutôt encourageant.
Le Gouvernement plaide pour une prise en compte rigoureuse des données scientifiques disponibles, tout en étant attentif aux impacts sociaux et culturels que vous évoquez. Il défend une approche équilibrée : garantir la conservation des espèces tout en permettant une pratique durable et responsable de la chasse.
M. Mickaël Vallet. - Je ne suis pas plus éclairé. Si les recommandations européennes sont appliquées, c'est la fin de la chasse au gibier d'eau en France. Cette question ne devra pas faire l'objet d'un marchandage lors des négociations européennes.
Recyclage des cartouches et bonbonnes de protoxyde d'azote
Mme Michelle Gréaume . - Le protoxyde d'azote, deuxième drogue la plus consommée en France, est un fléau sur le plan sanitaire ; nous en débattrons prochainement.
C'est aussi un fléau sur le plan environnemental : le caractère explosif des contenants implique une prise en charge par des entreprises spécialisées, d'où des dépenses considérables pour les collectivités. Les contenants, jetés avec les ordures ménagères ou dans l'espace public, sont rarement entièrement vidés de leur contenu. Résultat : ils explosent dans les centres de valorisation énergétique (CVE), causant de sérieux dégâts, mettant en danger le personnel, et engendrant des coûts, tant en réparation qu'en baisse de production induite.
Les restrictions de ventes devraient être renforcées, et les industriels être incités à modifier les valves des contenants pour prévenir les explosions. Pourquoi ne pas instaurer une écocontribution ou une filière à responsabilité élargie du producteur (REP), pour ne plus faire peser le coût de traitement de ces déchets sur les structures publiques, et donc sur les contribuables ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité . - Ce problème est commun à tous les pays européens. Plusieurs propositions de loi visant à restreindre la vente du protoxyde d'azote et à prévenir les risques associés seront prochainement examinées par le Parlement. L'une prévoit d'intégrer les bouteilles et cartouches contenant ce gaz à l'actuelle filière REP pour les produits chimiques ; cela semble plus pertinent que de créer une nouvelle filière.
La mise en place d'une soupape de sécurité est une piste intéressante, mais relève de la réglementation internationale relative aux équipements sous pression transportables : son adoption est conditionnée à l'avis favorable de la majorité des pays signataires.
Soyez toutefois assurée de l'attention que porte Agnès Pannier-Runacher à ce dossier.
La séance est suspendue à 12 h 40.
Présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 30.