Principe de laïcité dans le sport
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, présentée par M. Michel Savin (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
M. Michel Savin, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Laugier applaudit également.) Je remercie Mathieu Darnaud et le groupe Les Républicains d'avoir inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour. Je remercie notre collègue Stéphane Piednoir pour la qualité de son travail en tant que rapporteur.
L'actualité le rappelle trop régulièrement, la conception française de la laïcité doit être protégée, alors que certains veulent faire vaciller nos valeurs républicaines. Nous constatons, impuissants, l'emprise des valeurs communautaires dans les enceintes sportives, après les écoles. Je partage les propos de Bruno Retailleau : pour lutter contre l'islamisme des Frères musulmans et leur entrisme, il faut étendre le champ de la laïcité à d'autres espaces publics, par exemple aux compétitions sportives.
Si la laïcité garantit la liberté de conscience et la liberté religieuse de chacun, elle pose un cadre à l'exercice de ces libertés, qui est de ne pas troubler l'ordre public.
Différents rapports et enquêtes se succèdent pour souligner la fragilité du sport face à la radicalisation et aux dérives contraires aux principes de la République. Pour ma part, j'ai la certitude que les valeurs de dépassement de soi, d'intégration et d'universalité inhérentes au sport permettront d'étendre son accès à tous, et ce, quelles que soient son origine, sa religion ou ses convictions politiques.
Mme Mathilde Ollivier. - C'est le contraire !
M. Michel Savin. - Autant de valeurs essentielles à l'opposé des objectifs poursuivis par les architectes du séparatisme religieux et du prosélytisme, qui cherchent à grignoter méticuleusement du terrain et à éprouver en permanence les limites de nos principes républicains. D'aucuns se réfugient derrière l'idée que ces faits demeurent marginaux. À ceux qui prônent la complaisance, je répondrai qu'un peu c'est déjà trop, et que la progression rampante de ce phénomène suscite l'inquiétude d'un nombre croissant d'acteurs des milieux sportifs.
Deux exemples : une fédération française d'art martial signale des clubs où les filles sont voilées, ont un entraîneur féminin et refusent le moindre contact visuel avec des garçons ; un match de basket féminin dans le Tarn annulé le 6 octobre 2024 en raison de la présence d'une joueuse voilée.
Le port du voile n'est pas explicitement interdit, or il ouvre la porte à l'émergence de clubs communautaires promouvant ouvertement le port de signes religieux.
Dépassés par les pressions et les menaces, les dirigeants sportifs, responsables associatifs et élus locaux pâtissent d'un flou juridique qui nourrit la confusion. Notre mobilisation doit être totale pour assurer leur protection. La loi confortant le respect des principes de la République, adoptée en 2021, a apporté quelques réponses à cette problématique, notamment grâce au Sénat. Mais tous les moyens n'ont pas été mis en oeuvre.
Certaines fédérations sont démunies face à l'absence de normes générales édictées par l'État. Chacun peut exercer librement sa religion ; mais sur un terrain de sport, lors des compétitions, la neutralité s'impose.
M. Thomas Dossus. - C'est faux.
M. Michel Savin. - Le Conseil d'État a reconnu aux fédérations sportives délégataires d'un service public la faculté d'interdire les signes religieux ostensibles lors des matchs pour prévenir tout affrontement ou confrontation sans lien avec le sport, mais cela ne suffit plus. Il est temps de sanctuariser le domaine sportif et de réaffirmer haut et fort que la République prime sur la loi religieuse. Il faut donner un vrai soutien législatif aux fédérations.
À ceux qui prétendent que ce texte interdirait à certaines femmes de pratiquer une activité sportive, je réponds que cette proposition de loi se limite aux compétitions organisées par une fédération ayant une délégation de service public - des rencontres officielles où sont représentés un club, une ville, un territoire. Ce texte n'impacte pas la pratique du quotidien.
Mme Mathilde Ollivier. - Bien sûr que si !
M. Michel Savin. - Les équipements sportifs ne doivent pas être détournés de leur destination. Le service central du renseignement territorial (SCRT) signale des prières sur les terrains de football à Perpignan, le rejet de la mixité dans certains clubs de sport, des pressions exercées sur les encadrants, des éducateurs fichés comme salafistes utilisant des tapis de prière dans les gymnases, bref un phénomène découlant d'un repli communautaire observé dans plusieurs quartiers où les fondamentalistes religieux ciblent les jeunes, mêlant sport et pratiques religieuses, notamment en transformant les vestiaires et les gymnases en salles de prière.
Autre exemple : en novembre dernier, la préfecture de l'Hérault a demandé à la fédération française de football d'adopter des mesures de suspension à titre conservatoire contre un club pour des rituels de prière accompagnés de musique religieuse diffusée par les joueurs dans les vestiaires à l'avant-match.
Il est anormal que les équipements soient utilisés à la fois pour le sport et la religion. Pratique religieuse ou sportive, il faut choisir. Les prières au sein des équipements sportifs sont incompatibles avec la neutralité exigée par l'État dans le sport.
Il convient aussi de prévoir dans la loi le respect de la laïcité dans les règlements des piscines. Le non-respect des règles communes rompt la promesse d'égalité entre les usagers et peut porter atteinte au bon fonctionnement d'un service public comme une piscine municipale.
Cette vision de la France et de la liberté d'expression n'est pas celle qui est reconnue et promue par la République française. Ces actions ne visent qu'à polariser les comportements de chacun.
Mme Mathilde Ollivier. - Ça, c'est vous !
M. Michel Savin. - Il n'est pas satisfaisant que les interdictions en matière religieuse fassent l'objet d'interprétations juridiques divergentes. Il est incompréhensible que le port du burkini soit interdit à Grenoble et autorisé à Rennes. L'absence de cadre législatif paralyse la prise de décision, expose les fédérations et limite le contrôle et les possibilités de sanction.
Ce texte a pour objet de nous doter des instruments nécessaires pour lutter contre le communautarisme et le prosélytisme, opérant un juste équilibre entre préservation des libertés individuelles et respect des principes qui unissent la République. Pour défendre les valeurs du sport au quotidien, il faut lutter contre la propagande religieuse et le repli communautaire.
Cette proposition de loi n'est pas un combat contre une religion, mais contre une idéologie politique qui défigure une religion, divise les individus et déchire une société. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Daniel Chasseing et Stéphane Ravier applaudissent également.)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport . - La proposition de loi de Michel Savin traite d'un sujet essentiel, la laïcité, un des fondements de la République inscrit à l'article 1er de la Constitution. Elle repose sur un équilibre entre la liberté de conscience dans la sphère privée et la neutralité dans la sphère publique.
Ouvrons les yeux : avec 58 % de licenciés de moins de 20 ans, dont 6,3 millions ont moins de 13 ans, le sport joue un rôle central dans l'éducation, le respect des règles communes et l'égalité. La seule différence admise sur le terrain est celle induite par le sport lui-même. Les revendications politiques ou religieuses n'y ont pas leur place, comme l'atteste la charte de l'olympisme en son article 50.2, selon laquelle « aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. »
Dès 2003, le rapport de M. Bernard Stasi signalait l'émergence d'équipes communautaires et regrettait le recul de la pratique sportive féminine dans certains quartiers. Nous ne pouvons accepter cette seule alternative : se soumettre à la nouvelle règle de quelques-uns ou s'exclure et laisser le champ libre au communautarisme. Un précédent a eu lieu à l'école à la fin des années 1980. Il a fallu attendre quinze ans et la loi du 15 mars 2004 pour avoir une réponse. Jugée inopportune et inapplicable à l'époque, elle ne souffre plus de contestations aujourd'hui.
À l'image, selon les mots de Jean Zay, de l'école, « asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas », le sport doit rester la citadelle imprenable sur laquelle les attaques contre la laïcité se fracassent. Or le sport est le nouveau terrain d'expression du séparatisme. Ce phénomène est documenté par plusieurs rapports récents, notamment celui de la commission d'enquête du Sénat de 2020 sur la radicalisation islamiste.
Les atteintes à la laïcité, variées, sont constatées par de nombreux acteurs et remettent en cause le vivre-ensemble et l'universalité du sport. Elles sont difficiles à quantifier, mais quelques chiffres illustrent le phénomène. En cinq ans, 592 alertes ont été rapportées aux cellules de lutte contre l'islamisme radical et le repli communautaire (Clir). En 2021, la ministre Roxana Maracineanu déclarait que 127 associations sportives étaient liées à une mouvance séparatiste, dont 29 tenues par l'islam radical. Seules cinq d'entre elles ont été fermées ; 122 sont encore ouvertes, soit 11 000 sportifs concernés. Comment s'en accommoder ?
Extension du port du voile, prières collectives dans les vestiaires et sur les terrains, refus de saluer l'adversaire, demande de changement des horaires, refus de la mixité sont autant de phénomènes qui ont cours. Les disciplines les plus touchées sont le football, les sports de combat, le tir à l'arc et la musculation. Nous ne pouvons pas occulter ces phénomènes ni rester indifférents à ces alertes témoignant d'une érosion du lien social.
La proposition de loi de Michel Savin est bienvenue, car les outils existants sont insuffisants. Le contrat d'engagement républicain (CER), introduit par la loi Principes de la République du 24 août 2021, trop peu mobilisé, est perçu dans les faits comme une simple formalité administrative. Un seul retrait d'agrément a été effectué au titre du non-respect de ce contrat. Les préfectures et services déconcentrés du ministère des sports manquent de moyens. En 2022 et 2023, seuls 100 contrôles ont été effectués sur la laïcité et ont identifié six cas de séparatisme ; c'est déjà trop.
Sur le plan juridique, la jurisprudence a validé l'extension ciblée du principe de neutralité, opposable dans certains cas aux usagers du service public pour un bon fonctionnement du service. Il faut garantir l'égalité de traitement des usagers. Le Conseil d'État a confirmé cette approche à deux reprises : d'abord, l'interdiction par la Fédération française de football (FFF) de « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement l'appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale » lors des compétitions. Il rappelle dans cette même décision du 29 juin 2023 l'obligation de neutralité des personnes sélectionnées dans les équipes de France, quel que soit le sport, obligation réaffirmée par la ministre Oudéa-Castéra dans la perspective des JOP.
Ensuite, dans une ordonnance du 21 juin 2022, le Conseil d'État a validé la suspension de l'autorisation du port du burkini à Grenoble.
Plusieurs fédérations, comme celles de football, de basket-ball ou de volley-ball ont adopté des règlements interdisant le port ostensible de signes religieux ou politiques en compétition. D'autres n'ont pas encore statué, et des pressions s'exercent sur elles. Il est temps de mettre en place un cadre pour tout le monde. Quelque 70 clubs de basket franciliens ont adressé une pétition à la suite de l'interdiction de la fédération de porter des signes à connotation religieuse ou politique. Des campagnes sont relayées sur les réseaux sociaux.
Je propose d'adopter la proposition de loi Savin telle que modifiée par la commission. Il s'agit d'interdire le port de signes religieux ou politiques ostensibles lors de compétitions, comme le Sénat l'avait déjà voté en 2021 et 2022. Ce texte interdit aussi tout exercice d'un culte dans les équipements sportifs et fait respecter les principes de laïcité et de neutralité dans les espaces de baignade.
Nous avons complété le texte pour autoriser des enquêtes administratives préalables à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif.
Cette proposition de loi comble un vide juridique et apporte une réponse adaptée, sans stigmatiser ni exclure. Elle rappelle que le sport est un espace d'unité et d'universalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Laugier applaudit également.) Permettez-moi d'excuser Mme Barsacq qui ne pouvait être à la tribune aujourd'hui. L'été dernier, nous avons accueilli les 33es olympiades modernes dont le succès a transcendé les particularismes. Pendant un mois, la France a accueilli près de 15 000 athlètes qui ont fait preuve de dépassement de soi, mais aussi de solidarité et d'entraide. Nous avons vu les manifestations de joie des vainqueurs et les larmes des perdants.
Le sport est beau quand il nous réunit. Pendant ces JOP, les drapeaux étaient différents, mais l'unité était célébrée.
Alors que le Sénat examine la proposition de loi Savin, gardons à l'esprit que les salles de sport et les terrains ne peuvent être le terrain d'expression du séparatisme. Le sport est un lieu de partage et de fraternité.
Malheureusement, depuis les conclusions de la commission d'enquête sur la radicalisation islamiste, un nombre croissant d'associations et de clubs sportifs sont le terrain de manifestations d'islamisme radical et de manifestations identitaires et religieuses.
De 2019 à 2024, 761 contrôles ont été réalisés et un peu plus d'une dizaine de fermetures ont eu lieu. Le séparatisme est difficile à combattre car il est sournois : il se pare de discours vantant les libertés individuelles et les droits fondamentaux. Les Hijabeuses se sont abritées derrière le principe de non-discrimination pour s'affranchir des règles. C'est le principe de l'entrisme : faire reculer, étape par étape, les garde-fous de l'universalisme pour installer progressivement une société communautarisée et divisée. Ce n'est pas notre tradition et notre histoire.
Nos convictions républicaines sont solides. L'entrisme nous menace partout. La laïcité est un combat premier à mener partout et tout le temps. Nous nous sommes dotés d'instruments. Le vote de la loi du 24 août 2021 a été un moment important. La capacité des services déconcentrés en a été augmentée. En deux ans, 56 agents supplémentaires ont été positionnés pour lutter contre les séparatismes et les violences. Un réseau de référents opérationnels a aussi été mis en place. Enfin, les contrats de délégation sont un instrument de prévention en instaurant des référents de prévention dans les fédérations.
La proposition de loi, que le Gouvernement soutient avec force, apporte une pierre bienvenue à l'édifice qu'ensemble nous devons construire depuis des années contre toutes les formes de séparatisme.
Le Gouvernement a souhaité proposer des modifications rédactionnelles aux articles 1er et 3. L'amendement du Gouvernement à l'article 1er propose de préciser que l'interdiction du port de signes ostentatoires s'impose à toutes les compétitions organisées par les fédérations délégataires de service public, car c'est au nom du service public que le principe de laïcité s'impose.
Sur l'article 3 qui codifie l'interdiction du Conseil d'État du 21 juin 2022 relatif à l'autorisation par la ville de Grenoble du burkini dans ses piscines, notre rédaction est plus conforme avec l'esprit et la rédaction du Conseil d'État et nos principes constitutionnels.
Le sport est un formidable levier d'émancipation et d'inclusion. Ces valeurs ne peuvent être transmises que dans un environnement serein exempt de barrières communautaires.
La proposition de loi Savin répond à cette exigence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Claude Kern applaudissent également.)
M. Jacques Grosperrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Oui, aujourd'hui, les clubs sportifs et associations peuvent être des endroits de prosélytisme. On a reçu des signalements et pour moi, c'est une grande inquiétude. » Ainsi s'exprimait Patrick Kanner, alors ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. (On s'en amuse à droite.)
M. Max Brisson. - Belle référence !
M. Jacques Grosperrin. - Il ajoutait : « Ma position est très claire, pas de religion dans les clubs et l'État ne reconnaîtra pas et ne versera pas un centime à ceux qui sortent du cadre. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Patrick Kanner secoue la tête.)
Depuis, la commission d'enquête de Nathalie Delattre et Jacqueline Eustache-Brinio a aussi rendu ses conclusions.
Le 1er alinéa de la Constitution de 1958 rappelle que la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Nous devons être vigilants et protéger la laïcité, principe cardinal de la République. Face à cela, Les Républicains ont toujours appelé à un débat clair. La proposition de loi Savin et le rapport de M. Piednoir en témoignent.
Notre responsabilité collective est de sécuriser le sport, espace de dépassement. Il ne faut pas que des comportements fragilisent ce lieu. Est-il possible d'accepter que des jeunes filles pratiquent leur sport voilées alors qu'elles ne portent pas ce voile à l'école ? Peut-on accepter que les piscines aient des horaires réservés pour des ressortissants d'une religion particulière ? Non.
C'est le sens de cette proposition de loi : les convictions religieuses doivent s'effacer devant la pratique sportive.
L'absence de réglementation uniforme crée des incohérences. La proposition de loi entend donc harmoniser les règles.
M. Thomas Dossus. - C'est faux !
M. Jacques Grosperrin. - Nous pourrons ainsi assurer le bon fonctionnement des services publics et éviter les atteintes à l'ordre public.
L'article 2 vise à sanctuariser les lieux de pratiques sportives.
Sénateur et professeur de judo, je me réjouis que cette proposition de loi permette des enquêtes administratives sur les éducateurs sportifs. Ces professionnels ne doivent pas faire preuve de prosélytisme auprès de nos jeunes.
L'article 3 apporte une réponse législative à la faiblesse de certains élus locaux qui acceptent des tenues aquatiques à caractère religieux dans les piscines. C'est une rupture manifeste de l'égalité de traitement des usagers susceptible de provoquer des troubles à l'ordre public et de nuire au bon fonctionnement du service public avec des créneaux réservés.
La proposition de loi Savin est indispensable pour garantir la neutralité du sport et préserver les valeurs républicaines. Elle protège les élus, les collectivités territoriales et les associations de toute forme de prosélytisme religieux.
Elle réaffirme le rôle du sport dans l'éducation, terrain de partage et non de division. Sur un terrain, on ne se fait pas remarquer par ses vêtements mais par son talent et ses performances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Kern applaudit également.)
Mme Samantha Cazebonne . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous sommes satisfaits de la tenue de ce débat, car nous sommes favorables à une évolution législative sur ce sujet. Toutefois, nous avons quelques réserves. La République garantit la liberté de conscience, dont découle la liberté de manifester ses croyances et convictions dans le respect de l'ordre public.
Le sport doit se soumettre à ces règles. L'exigence de laïcité ne doit pas être source d'exclusion mais permettre à chacun de s'épanouir au travers de la pratique sportive.
L'article 1er tel qu'initialement rédigé présente un risque d'inconstitutionnalité.
Le principe de neutralité ne s'applique qu'aux activités organisées par les collectivités territoriales ou les fédérations agréées chargées d'une mission de service public.
Le groupe RDPI a déposé un amendement de réécriture gommant le risque d'inconstitutionnalité en reprenant les termes de la décision du Conseil d'État du 29 juin 2023, selon lesquels la FFF pouvait interdire pendant le temps des matches le port de signes ou tenues ostensibles.
Les choses sont différentes pour les mineurs. Comme l'école, le sport initie nos enfants à la coopération et au respect de la règle commune. C'est un facteur de cohésion nationale. Je propose de maintenir le dispositif de l'article 1er tout en le limitant aux mineurs. La question de la laïcité dans le sport doit être l'occasion pour chacun de s'épanouir dans un environnement neutre. Il est difficilement concevable que des règles différentes s'appliquent en EPS et en club. Notre position est équilibrée, entre protection des mineurs et absence de fragilité constitutionnelle.
Nous souhaitons supprimer les articles 2, 2 bis et 3 déjà satisfaits par le droit existant.
Les jeunes grandissent dans un environnement libre de toute pression religieuse grâce à la laïcité.
Le RDPI soutiendra ce texte s'il est modifié par nos amendements ; à défaut une grande majorité d'entre nous s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Bernard Fialaire . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le RDSE, par son histoire et sa philosophie, se réjouit toujours de l'attention portée à la laïcité, trop souvent négligée.
André Comte-Sponville définit la laïcité comme la volonté de vivre ensemble, pacifiquement et librement, quelle que soit la religion ou l'irréligion de chacun.
La pratique sportive est source d'épanouissement, et apprend le respect. La laïcité dans le sport doit être le respect de celui qui croit comme de celui qui ne croit pas.
Dans sa rédaction actuelle, cette proposition de loi risque de restreindre indûment certaines libertés individuelles.
La laïcité, c'est la garantie de la liberté de conscience, l'égalité devant la loi des croyants et des non-croyants et la neutralité de l'État vis-à-vis des cultes. Le mot d'ordre doit être l'équilibre, afin de préserver chacun de ces principes.
L'article 1er généralise l'interdiction du port de signes religieux ostensibles lors des compétitions. Faisons confiance aux fédérations pour qu'elles les interdisent si elles l'estiment nécessaire. En revanche, cela me paraît pertinent pour les mineurs, comme le RDPI le propose.
L'article 2 interdit les prières collectives dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales. Or le maire, grâce à ses pouvoirs de police, peut déjà autoriser ou interdire un rassemblement religieux dans un lieu public s'il porte atteinte à l'ordre public. Cette disposition ne me paraît pas nécessaire et nous défendrons sa suppression.
L'article 3 interdit le port de tout signe ou tenue manifestant une appartenance politique ou religieuse pour la baignade. Si cela doit être le cas pour les agents du service public, cela ne s'applique pas aux usagers, au nom de la liberté de conscience. Nous proposerons de supprimer cette disposition.
Alors que les rapports parlementaires ont montré que le sport peut être le terrain du séparatisme, il est opportun de prévoir une enquête administrative préalablement à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif. Ces professionnels forment les esprits des jeunes comme les enseignants.
La visée de cette proposition de loi est de protéger le sport des atteintes à la laïcité, qui se multiplient, selon les acteurs de terrain. Mais n'oublions pas que le repli communautaire trouve son terreau dans la mise à l'écart sociale. (M. Damien Michallet s'en étonne.)
La laïcité ne stigmatise pas mais protège.
Le RDSE ne peut voter ce texte dans sa forme actuelle. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER)
M. Claude Kern . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) Ce texte va dans le bon sens. Je salue l'excellent travail de Michel Savin, son auteur, et les travaux du non moins excellent rapporteur Stéphane Piednoir.
Garantir l'égalité de traitement des usagers de l'espace sportif est essentiel pour préserver la cohésion sociale afin d'éviter toute forme de discrimination. Selon le ministère des sports, sur 3 449 contrôles en 2022, plusieurs ont révélé des signes de séparatisme.
La laïcité vise à protéger et non à exclure.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Très bien !
M. Claude Kern. - Trop souvent, laïcité rime avec interdiction chez les jeunes. Mais ce n'en est pas la définition.
Du reste, la proposition de loi Lafon portera sur l'enseignement du principe de laïcité.
Le sport doit être un lieu de rencontre et de partage.
Les incidents tels que les annulations de match montrent la nécessité de règles claires et uniformes.
Certains promoteurs d'une vision radicale et politique de la religion tentent d'imposer une pratique incompatible avec notre société.
L'interdiction du port ostensible de signes religieux ou de tenues religieuses est une bonne chose.
Cela va dans le sens du code de l'éducation et de la décision du Conseil d'État du 29 juin 2023. Nous ne comptons plus les incidents dans des stades à cause du port de tenues ou signes religieux. Plusieurs fédérations ont pris des mesures, comme la FFF ou la Fédération française de basket-ball (FFBB).
L'interdiction optionnelle engendre le risque d'une interprétation différente d'une fédération à une autre.
Autre apport : l'impossibilité de prières collectives dans les locaux sportifs mis à disposition par les collectivités territoriales.
Chacun doit pouvoir pratiquer un sport, quelle que soit sa religion.
La précision du rapporteur incluant les locaux attenants à l'équipement sportif permet d'éviter les comportements exacerbant les divisions communautaires. Ce texte donne au préfet la faculté de suspendre l'agrément d'une association sportive, et c'est une bonne chose.
L'interdiction du port de tenues à caractère religieux dans les espaces de baignade sécurisera les maires, qui se trouvent en première ligne.
M. André Reichardt. - Très bien.
M. Claude Kern. - Tout conflit entre les usagers sera ainsi évité.
Le port de vêtements religieux dans les piscines municipales n'est pas respectueux du principe de laïcité.
Il ne faut pas se cacher derrière la salubrité. Ce n'est pas un bon prétexte. Nous sommes dans une république laïque, ce principe doit prévaloir.
Je salue la mesure ajoutée par le rapporteur Piednoir sur la carte d'éducateur sportif.
Le groupe UC votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Pierre Ouzoulias . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER ; M. Francis Szpiner applaudit également.) La Charte olympique reconnaît comme principes fondamentaux le droit de pratiquer un sport sans discrimination, la neutralité politique des compétitions et la liberté d'expression des participants. Aucune démonstration ou propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée.
C'est parce que les compétitions sont neutres que la liberté d'expression est protégée - comme dans la laïcité française, qui fait de la neutralité de l'État la condition de la liberté de conscience. Certes, la loi de 1905 impose la neutralité aux agents du service public et non aux usagers - mais l'athlète en compétition n'est pas un simple usager.
L'olympisme organise un espace universel par une langue commune fondée sur les seules règles sportives. Alors que partout, l'universalisme est battu en brèche, il appartient à la France de le protéger, elle qui le promeut depuis le congrès de la Sorbonne de 1894.
Il nous faut de surcroît défendre la lex olympica contre le Comité international olympique (CIO) et certaines fédérations internationales, qui ont hélas accepté de la transgresser pour satisfaire des États qui interdisent aux femmes de se vêtir librement. Ces violations de la Charte fragilisent le combat des femmes qui s'en réclament pour se défendre.
M. Michel Savin. - Très bien !
M. Pierre Ouzoulias. - Quelle est la liberté d'une athlète iranienne de ne pas porter une tenue religieuse, si l'application du principe de neutralité olympique est laissée à l'appréciation des délégations ? (M. Gérard Lahellec le confirme ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos applaudit également.)
Je veux rendre hommage à Nawal El Moutawakel, à Hassiba Boulmerka, à Habiba Ghribi, médaillées d'or en 1984, 1992 et 2012, qui ont refusé la tenue religieuse que les hommes voulaient leur imposer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Philippe Grosvalet ainsi que Mmes Laure Darcos et Gisèle Jourda applaudissent également.) Pour défendre leur liberté, il nous faut défendre la Charte olympique.
Imposer l'obligation de neutralité pour les compétitions était une façon de protéger les fédérations françaises des pressions de ceux qui font primer l'impératif religieux sur la loi commune.
Je regrette que l'article 1er ne retienne que « le port de signes ou de tenues », alors que la charte olympique proscrit les « démonstrations », comme les saluts nazis.
Les fédérations sportives participent au service public pour l'éducation de la jeunesse par le sport. Cette mission leur était explicitement reconnue par l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 ; elle n'est plus mentionnée dans le code du sport, tel qu'issu de la loi du 2 mars 2022. C'est regrettable.
Plusieurs fédérations demandent une loi-cadre précisant les missions de service public que l'État leur confie. Travaillez-y, pour que l'héritage des Jeux ne soit pas seulement matériel, mais aussi moral et législatif. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE-K, UC, INDEP et du RDSE ; Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
Mme Mathilde Ollivier . - La laïcité s'est imposée en 1905, à l'issue d'un long processus qui plonge ses racines dans les valeurs de la Révolution française. Pour Jean Jaurès, il n'y a pas égalité des droits si l'attachement de tel citoyen à telle croyance, à telle religion, est pour lui une cause de privilège ou de disgrâce.
La laïcité, mal comprise, instrumentalisée par une partie de la classe politique, devient le terrain d'un confusionnisme ambiant. À quoi M. Savin fait-il référence, quand il parle de « neutralité » du sport ? Ce texte va à rebours du principe même de laïcité. Vous n'en êtes pas les protecteurs, mais les fossoyeurs.
La laïcité permet à chaque religion d'être pratiquée en toute liberté. Avec ce texte, vous visez frontalement, lâchement, les femmes de confession musulmane de notre pays. (Protestations à droite) Il s'agit d'exclure les musulmans. (Vives dénégations sur les travées du groupe Les Républicains)
La loi de 1905 est limpide : la neutralité concerne les agents, non les usagers.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Et l'école alors ?
Mme Mathilde Ollivier. - La laïcité ne saurait légitimer des atteintes aux libertés individuelles, à la liberté de conscience.
Ces femmes n'exercent pas d'activité de service public, elles ne demandent qu'à pratiquer un sport. Vous les stigmatisez, vous les méprisez. À aucun moment vous ne les avez même écoutées. Vous les invisibilisez dans le sport. Et demain, à l'université, au travail ?
Entendez leurs témoignages. Founé : « on me demande de choisir entre ma passion pour le football et ce qui constitue une partie de mon identité. » Hélène : « parfois je n'ai pas la force d'aller encourager mes coéquipières. C'est dur de progresser sans pouvoir jouer en match. C'est vous priver de votre passion. On se sent exclue. Tout le monde sait pourquoi vous ne jouez pas. Être renvoyée du banc aux gradins par l'arbitre, c'est une marche de la honte. » Asma : « je veux continuer à me battre parce que le volleyball m'a beaucoup aidée dans mon rapport au corps ». (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Michel Savin. - Rien ne l'empêche de jouer !
Mme Mathilde Ollivier. - « Le sport est un vecteur d'émancipation. »
M. Stéphane Ravier. - Le voile aussi, c'est bien connu !
Mme Mathilde Ollivier. - Le sport est le terrain de la solidarité et de la cohésion. Nous refusons qu'il devienne celui de la discrimination.
Le groupe de travail des Nations unies sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles a jugé l'interdiction du couvre-chef « disproportionnée et discriminatoire ».
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Ce n'est pas l'avis du Conseil d'État.
Mme Mathilde Ollivier. - L'héritage des JOP devait être de faire de la pratique sportive la priorité de nos politiques publiques.
M. Michel Savin. - C'est vrai.
Mme Mathilde Ollivier. - Or l'héritage du Gouvernement, c'est la baisse des crédits ; celui de la droite sénatoriale, exclure de la pratique sportive les femmes musulmanes. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jacques Grosperrin. - Caricature !
M. Patrick Kanner . - La question dépasse le cadre du sport. Il s'agit ici de laïcité - d'où la présence au banc du ministre des cultes et non de la ministre des sports.
Quelle laïcité voulons-nous ? Une laïcité éclairée, ou une laïcité instrumentalisée à des fins identitaires et partisanes ? Ce débat interroge notre pacte républicain, notre vision du vivre-ensemble. La laïcité n'est pas une arme mais une source d'équilibre, une architecture subtile. Elle n'impose pas le silence aux convictions personnelles : elle empêche qu'une croyance domine les autres dans l'espace public, dans une démarche prosélyte.
Avec cette proposition de loi, vous en faites un outil d'exclusion, vous travestissez son essence. Notre conception de la laïcité diffère de la vôtre, et de votre course à l'échalote avec l'extrême droite. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jacques Grosperrin. - On l'attendait ! (On renchérit à droite.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Pas ça, monsieur Kanner...
M. Patrick Kanner. - En utilisant ce principe fondateur pour servir votre récit antimusulman, vous nourrissez les stéréotypes.
Certains nous qualifieront de naïfs ou de laxistes. (On le confirme sur les travées du groupe Les Républicains.) Nul ne peut me dire, à moi qui étais ministre des sports lors des attentats de 2015 et 2016...
M. Stéphane Ravier. - Vous vous en vantez, en plus ?
M. Patrick Kanner. - ... que la gauche républicaine est laxiste. Je récuse les critiques. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Je suis un laïc de la première heure.
M. Stéphane Ravier. - L'allié de LFI !
Mme la présidente. - Taisez-vous, monsieur Ravier !
M. Patrick Kanner. - Être laïc ne signifie pas être fermé à toutes les religions, ou à une en particulier. Sous couvert de défendre la laïcité, vous tournez le dos à Aristide Briand, souvent cité par le président Larcher, selon lequel « la loi protège la foi à condition que la foi ne veuille par faire la loi ». (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Or les garanties constitutionnelles interdisent non seulement de cibler une religion plus qu'une autre, mais également de porter une atteinte excessive et disproportionnée aux libertés individuelles.
Confrontons votre vision étriquée de la laïcité avec la nôtre, qui construit non pas des murs, mais des ponts, sans angélisme ni amalgame.
Nous nous opposons à cette proposition de loi. D'abord, elle est redondante. La jurisprudence permet déjà aux fédérations de réglementer ces questions de manière équilibrée et réfléchie. Le mouvement sportif n'est d'ailleurs pas demandeur.
M. Jacques Grosperrin. - Si !
M. Patrick Kanner. - Elle porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales : la jurisprudence du Conseil d'État autorise, sous condition, la mise à disposition de locaux communaux à des associations cultuelles. L'amendement du rapporteur a beau élargir la mesure à l'ensemble des cultes, l'intention initiale est claire. Pourquoi une dérogation pour des fêtes paroissiales, quand la prière musulmane est interdite ? Cette inégalité flagrante nourrit un climat de suspicion vis-à-vis d'une partie de nos concitoyens.
Deuxièmement, ce texte est discriminatoire. En ciblant les signes religieux comme le voile, il marginalise nos concitoyennes musulmanes. On va exclure ces femmes pour qui le sport est un canal d'intégration et de bien-être physique et mental, et les pousser vers l'isolement et le communautarisme. (On ironise à droite.)
Le texte interdit le port de tout signe ou tenue manifestant une appartenance politique ou religieuse. Entendez-vous interdire les campagnes contre l'homophobie, qui se manifestent par le port d'un autocollant sur le maillot pendant les matchs ?
Troisièmement, il est potentiellement liberticide. Le Conseil d'État a souligné que de telles mesures n'étaient ni nécessaires, ni adaptées, ni proportionnées. C'est une violation des engagements internationaux de la France en matière de droits humains.
Au nom de l'attractivité de la France, ces mesures ne s'appliqueraient pas aux événements internationaux accueillis en France : l'interdiction vaut pour les compétiteurs français, pas pour les athlètes internationaux qui ne respectent pas la loi française...
En ces temps d'austérité budgétaire, comment le ministère des sports va-t-il contrôler le respect de ces nouvelles obligations ?
Je regrette l'absence de mesures de prévention, via le renforcement du rôle des éducateurs sportifs - à cet égard, nous sommes favorables à l'article 4, qui permet de passer au crible les éducateurs.
Mais ce texte purement répressif ne se soucie guère d'efficacité.
Protégeons le sport, vecteur d'intégration et de cohésion sociale, préservons cette essence. Le tout-interdiction vire très vite au tout-exclusion. Le respect de l'égale dignité de chacun est le signe de la pluriculturalité de notre société, où unité ne rime pas avec uniformité.
Nous croyons en une laïcité qui protège, qui rassemble, qui soit un bouclier, non une épée dirigée contre une partie de nos concitoyens. Au nom de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, notre groupe votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit.)
M. Max Brisson. - La gauche a bien changé !
M. Stéphane Ravier . - Karim Benzema « aime » un post Instagram d'une célébrité tchétchène célébrant la décapitation de Samuel Paty - signe de l'emprise islamiste sur le sport français. On commence avec les accommodements raisonnables sur les repas hallal, on finit avec l'apologie du terrorisme. Voilà où mène notre lâcheté face à la politique des petits pas des Frères musulmans, accompagnée des grands pas de la gauche.
La soumission islamiste commence par la victimisation, se poursuit par la revendication, s'impose par l'intimidation. Les tenues islamiques féminines sont leur nouvel étendard de conquête. Comme au judo, ils se servent de notre force pour nous renverser, de notre droit à la non-discrimination pour le retourner, et notre identité avec.
Des clubs de football professionnels se soumettent à la charia, en floutant les genoux de leurs joueurs sur les photos. L'islamisme gangrène une grande partie de la jeunesse musulmane de France. Le voile n'est qu'un prétexte : leur objectif est de nous asservir à leur code religieux, qui est aussi un code civil.
Le législateur doit faire barrage pour protéger les présidents de fédérations, les présidents de clubs et les 16,5 millions de licenciés, pris en otage par un entrisme islamiste victimaire, organisé et menaçant.
Derrière la parenthèse enchantée des jeux Olympiques se cachent les petits maîtres chanteurs qui, dans les clubs de banlieue ou de province, contraignent les arbitres à accepter le voile pour sauver leur peau. Ils prospèrent sur les ruines laissées par les déconstructeurs. Je pense au maire islamo-écolo-collabo de Grenoble... (« Oh ! » à gauche)
Mme Monique de Marco. - Il ne faut pas exagérer !
M. Stéphane Ravier. - ... qui soutient l'association des « hijabeuses » ou les créneaux pour burkini à la piscine. Ces élus plaident pour le vivre-ensemble, mais font advenir l'apartheid, la discrimination à l'égard des femmes, le face-à-face.
Même les plus hautes institutions ont capitulé. « La liberté dans le hijab » : cette sentence ne vient pas de Téhéran, mais d'une campagne du Conseil de l'Europe ! Face à ces collabos, la France ne doit rien céder. Interdire le port du voile dans les compétitions sportives est un minimum. Asséchons le courant de ces revendications dangereuses en luttant contre l'hydre islamiste et en stoppant l'immigration !
Mme Monique de Marco. - Ça suffit !
M. Philippe Grosvalet. - C'est fini !
M. Dany Wattebled . - Face au repli communautaire dans le sport, aucun renoncement n'est acceptable.
Il y a vingt ans, le rapport Stasi nous alertait sur la formation d'équipes communautaires et sur le déclin de la pratique sportive féminine. Il y a dix ans, une note du SCRT alertait sur le recrutement religieux dans certains clubs. Régulièrement, des affaires judiciaires et médiatiques éclatent : à Sète, à Grenoble, les fédérations sportives sont confrontées à des revendications communautaires croissantes.
Le renoncement n'est pas une option. En 2021, la loi Principes de la République a créé le contrat d'engagement républicain (CER), dont le non-respect peut être sanctionné par un retrait d'agrément. Ce dispositif est trop peu utilisé. Le 29 juin 2023, le Conseil d'État a validé l'interdiction des signes religieux par les fédérations de football - interdiction généralisée par la ministre des sports pour les athlètes français participant aux JOP. Il y a trois ans, j'avais déposé une proposition de loi similaire, inspirée de la loi de 2004 sur le port de signes religieux ostensibles à l'école.
Cette levée de boucliers doit se poursuivre, car le repli communautaire et le séparatisme n'ont pas leur place dans le sport.
Pierre de Coubertin disait du sport qu'il fait partie du patrimoine de tout homme et de toute femme. Le sport rassemble les Français de toutes origines sociales et culturelles ; c'est un puissant vecteur d'intégration et de cohésion. Les fédérations sportives, où sont inscrits plus de 6,3 millions de jeunes, jouent un rôle clé dans leur émancipation.
Cette proposition de loi propose des mesures concrètes : interdiction du port de signes religieux ostensibles dans les enceintes sportives ; interdiction des prières collectives dans les locaux sportifs mis à disposition par les collectivités territoriales et respect de la laïcité dans les piscines publiques ; enquêtes administratives préalables à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif.
Notre droit présente des insuffisances.
Certains dénoncent un texte d'exclusion, antiféministe, qui empêcherait la pratique sportive des femmes. Cette posture est un renoncement : cela revient à admettre la discrimination de genre imposée par certaines religions. En quoi autoriser le port du voile permettrait-il d'émanciper, d'intégrer et d'assimiler des jeunes femmes ?
M. Max Brisson. - Très bien !
M. Dany Wattebled. - On ne répond pas au prosélytisme dans le sport par le renoncement. Ne renonçons pas à faire respecter la laïcité dans le sport, restons fidèles à nos valeurs, refusons toute compromission. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Claude Kern applaudit également.)
Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pourquoi est-il urgent de légiférer pour assurer le respect de la laïcité dans le sport, alors que l'article 1er de la Constitution affirme que la France est une république laïque ? Pourquoi de si nombreux collègues ont-ils cosigné cette proposition de loi ?
Le sport, comme l'école, doit être sanctuarisé et préservé de tout entrisme religieux. Gabriel Attal avait eu un discours ferme ; la ministre des sports doit l'être tout autant. Voile, abaya, burkini, ne sont pas des vêtements culturels, mais des étendards politiques ; ils sont imposés par l'islam le plus rigoriste, qui souhaite instaurer une communauté islamique mondiale, l'oumma. Le port de l'abaya par de plus en plus de petites filles participe d'un effrayant apartheid sexuel.
M. Olivier Paccaud. - Tout à fait.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - En 1979, le premier geste des mollahs a été de voiler les femmes iraniennes. C'est l'Iran qui a imposé aux jeux Olympiques d'Atlanta une athlète voilée, au mépris de la Charte olympique. C'est en Iran que des femmes meurent parce qu'elles refusent ce voile qui étouffe leur cri : Femme, vie, liberté.
Le sport fait fi de la religion, du milieu social, de la couleur de peau ; il réunit sous un même maillot, avec un même objectif. Préservons ces saines valeurs de dépassement qui animent la jeunesse. Rappelons que les équipements sportifs n'ont pas vocation à être des lieux de culte.
M. Stéphane Ravier. - Bravo !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Lors de son discours aux Mureaux en octobre 2020, le Président de la République a appelé à s'attaquer au séparatisme islamiste, « un projet conscient, théorisé, politico-religieux, qui se concrétise par des écarts répétés avec les valeurs de la République, dont les manifestations sont le développement de pratiques sportives, culturelles communautarisées qui sont le prétexte pour l'enseignement de principes qui ne sont pas conformes aux lois de la République. » Quatre ans après, où en sommes-nous ? La situation a empiré. Les précédents gouvernements ont refusé nos amendements à la loi Séparatisme, qualifiés de « textiles », ou à la loi du 2 mars 2022.
Pour conserver ses vertus émancipatrices, le sport doit se pratiquer sans entrave religieuse. Nul ne doit subir l'hydre islamiste - l'expression est du Président de la République - à l'école ou dans ses activités sportives. L'adoption de cette proposition de loi enverra un signal de fermeté. Entre le hijab, le burkini et le sport, il faut choisir. La neutralité dans le sport est une impérieuse nécessité.
Ne soyons pas dupes : le sport est l'un des vecteurs de l'entrisme islamiste, déjà préconisé par le fondateur des Frères musulmans qui y voyait « un moyen ». Il est temps de voir loin, parler franc et agir ferme, comme le disait Pierre de Coubertin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laure Darcos et M. Claude Kern applaudissent également.)
Discussion des articles
Article 1er
M. Olivier Paccaud . - « L'important, c'est de participer »... L'essence du sport est sa capacité à rassembler autour d'une même passion des personnes venues d'horizons variés.
Dans une société de plus en plus archipélisée, bunkérisée, escargotisée, le rectangle vert, le stade ou le vestiaire sont parmi les derniers espaces de mixité sociale.
Combien de membres d'une même association sportive ne se seraient jamais rencontrés sans le sport ? Quand on porte le même maillot, les chaînes religieuses, les a priori de classe, les stigmates des quartiers s'effacent. Quand on joue ensemble, quand on perd ou gagne ensemble, on apprend à se connaître, à se comprendre. Le vestiaire peut être un lieu où tombent les préjugés, où naît la fraternité. Faire partie d'une équipe est un formidable moyen d'intégration et de cohésion.
Les clubs sportifs sont d'incomparables lieux d'échange et d'amitié, où la formule mens sana in corpore sano prend tout son sens. Le sport ne divise pas, il rassemble. Que la religion reste aux portes du stade et du gymnase, il y a assez de facteurs de division dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Jacques Lozach . - Nous serons les avocats intransigeants de la laïcité et des valeurs républicaines, dans tous les domaines de la vie publique. Il y a eu 120 clubs signalés, surtout dans le football et les sports de combat. C'est 120 de trop, mais il faut relativiser : cela représente 0,08 % des 160 000 clubs sportifs en France. Quasiment aucun signalement ne s'est traduit par une fermeture.
L'application de la loi du 24 août 2021, qui a instauré le CER, pose problème, car le ministère des sports manque de moyens. Ni le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), structure faîtière du mouvement sportif, ni les fédérations ne demandent un nouveau texte législatif. Les clubs sont en train d'assimiler le CER. Il aurait été judicieux d'attendre une évaluation de la loi avant de légiférer à nouveau.
M. le président. - Amendement n°4 de Mme Sylvie Robert et du groupe SER.
Mme Sylvie Robert. - Notre amendement supprime l'article 1er. Il convient d'apporter une réponse proportionnée, entre risques pour l'ordre public et respect des libertés constitutionnelles d'expression, de pensée et d'exercice de sa religion. La loi de 1905 et la jurisprudence du Conseil d'État sont claires. La dérogation apportée par la loi de 2004 pour les élèves, catégorie d'usagers particulière, est amplement suffisante.
Vous visez une religion donnée, quitte à empêcher de nombreuses jeunes filles de pratiquer le sport de haut niveau, pourtant facteur d'intégration. Ce n'est pas au législateur mais aux fédérations d'édicter de telles interdictions - certaines l'ont déjà fait.
M. le président. - Amendement identique n°9 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - Notre groupe s'oppose à l'interdiction générale du port de signes religieux, notamment au niveau amateur. Nous sommes ainsi fidèles à l'esprit de la loi de 1905, qui impose la neutralité aux agents et non aux usagers. L'interdiction ne résout aucun problème ; au contraire, elle alimente la stigmatisation et les tensions au lieu de favoriser un climat de respect et de tolérance. Le sport ne doit pas exclure. Fidèles à notre engagement en faveur des libertés individuelles et du vivre ensemble, nous demandons la suppression de cet article, qui ajoute des exceptions au principe de laïcité.
M. le président. - Amendement identique n°28 rectifié quinquies de M. Ouzoulias et alii.
M. Pierre Ouzoulias. - Je rends hommage à Marie-George Buffet, qui considérait que le sport est le lieu d'apprentissage de la règle unique, à laquelle on ne peut déroger pour quelque motif que ce soit.
Nous sommes insatisfaits de la rédaction de l'article 1er qui transpose à la pratique sportive la loi de 2004 sur l'école. Il n'y a pas que les signes ou tenues, mais aussi les gestes et les démonstrations qui posent problème - or ils ne sont pas visés par cet article. Je pense à ce joueur de football turc qui a fait le signe des Loups gris sur le terrain : cette proposition de loi ne permettrait pas de le sanctionner, pas plus que les saluts nazis. Les signes de croix, que je ne mets pas au même niveau, n'ont pas leur place sur le terrain. Toutes les expressions religieuses, quelles qu'elles soient, doivent être visées.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Avis défavorable à ces amendements de suppression.
Pourquoi mettre sur le même plan le sport et l'école ? Toutes les auditions confirment que ce sont les deux principaux vecteurs du séparatisme. Madame Ollivier, j'étais enseignant en 2004, lors de la loi sur la laïcité à l'école : les arguments étaient exactement les mêmes ! (M. Max Brisson le confirme.) On fermait les yeux ; heureusement, le Gouvernement de l'époque a pris le taureau par les cornes.
Marie-George Buffet, que nous avons auditionnée, est désormais très favorable à cette proposition de loi.
Au lycée, l'interdiction concerne les agents, mais aussi les usagers, les élèves mineurs comme les élèves majeurs de terminale, de BTS ou de prépa. C'est ce qu'a tranché la loi de 2004.
Les associations sportives sont délégataires d'une mission de service public : c'est à ce titre qu'on est en droit de leur imposer les mêmes obligations qu'à l'école de la République. Imaginez-vous que l'on aurait pu se satisfaire, en 2004, d'une simple possibilité laissée aux écoles d'interdire le port du voile ? Il faut une obligation, une harmonisation. C'est aussi une demande de beaucoup de fédérations sportives.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Avis défavorable aux amendements de suppression. Nous soutenons le principe de l'article 1er.
Le Conseil d'État a jugé que les fédérations sportives, chargées d'assurer le bon fonctionnement du service public, pouvaient imposer à leurs joueurs une obligation de neutralité des tenues lors des compétitions et manifestations sportives. Cet article répond à une demande des fédérations elles-mêmes, qui appellent à une clarification et une harmonisation du droit.
M. Alexandre Ouizille. - Nous aurions pu vous suivre si vous aviez voulu appliquer l'article 31 de la loi de 1905, qui vise à lutter contre les pressions, car l'inspection générale de l'éducation fait état, en effet, des pressions qui s'exercent sur certains clubs. Mais nous ne pouvons vous suivre si vous remettez en cause les fondements de la loi de 1905.
Cette proposition de loi a quelque chose d'orwellien. Vous mélangez tout : la neutralité de l'État, qui n'est pas celle de l'espace public, et la liberté de conscience. La loi de 2004 a été prise sur le fondement de la liberté de conscience, pour protéger les jeunes esprits en formation.
M. Olivier Paccaud. - Et c'est tant mieux !
M. Alexandre Ouizille. - Or cet article 1er, lui, concerne tout le monde, même les adultes. À ce rythme, pourquoi s'arrêter au sport ? Pourquoi ne pas interdire le voile à l'université, ou dans tout l'espace public, comme le propose Mme Le Pen ? On s'éloigne de la laïcité de 1905. C'est dangereux pour la République. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
M. Akli Mellouli. - Il y a une vraie confusion. Cette loi concerne tout sauf la laïcité ! Qu'entendez-vous par tenues neutres ? Si l'on pousse le raisonnement jusqu'à l'absurde, on peut dire que les couleurs du maillot d'un club ne sont pas neutres ! La loi de 1905 vise à lutter contre le prosélytisme. Or ici, il n'y a aucun prosélytisme.
M. Olivier Paccaud. - Si !
M. Akli Mellouli. - Il est faux de dire que toutes les fédérations soutiennent ce texte. Nous ne pouvons vous suivre sur ce terrain mouvant, qui ouvre la porte à des dérives. La loi de 1905 a tranché la question de la tenue vestimentaire dans l'espace public. La laïcité n'est pas le déni de la religion, mais le ciment du vivre ensemble. Elle ne saurait être dénaturée pour stigmatiser. (M. Thomas Dossus applaudit.)
Mme Mathilde Ollivier. - Qu'entendez-vous par « ostentatoire » ? À Auxerre, l'abbé Deschamps a donné son nom au stade. La loi va-t-elle interdire le maillot d'Auxerre, dont les couleurs bleu et blanc font référence à la patronne du club, Marie ? (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Stéphane Ravier. - Caricatural ! C'est la haine de soi !
Mme Mathilde Ollivier. - Quand les joueurs posaient un genou à terre en soutien au mouvement Black Lives Matter, ils envoyaient un message positif de lutte contre les discriminations. Que répondez-vous sur la neutralité politique ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Max Brisson. - Sachons raison garder. Est-ce le cas quand vous affirmez que nous mettons la République en danger ? Nous ne stigmatisons pas une religion, mais rappelons des principes. Je pense à ces jeunes filles qui tentent de refuser la soumission. (Protestations sur les travées du GEST) La puissance publique doit les aider. Depuis 1905, nous avons évolué. La législation est faite pour les temps actuels.
M. Thomas Dossus. - Et voilà !
M. Max Brisson. - Être fidèle à l'idéal des pères fondateurs de la laïcité, aujourd'hui, c'est protéger les jeunes filles qui veulent s'émanciper et refusent ces diktats religieux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Thomas Dossus. - Rien à voir !
M. Max Brisson. - Quant au sport, c'est, comme l'école, un lieu de neutralité particulier ; je serai fier que ce soit un lieu de laïcité singulière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
M. Adel Ziane. - Vous dites ne vouloir stigmatiser personne, mais ces jeunes filles seront les victimes collatérales de ce texte, qui les conduira à sortir de l'espace public.
Les éducateurs n'ont pas été entendus, les pratiquantes non plus. Elles recherchent dans le sport des lieux de socialisation, d'échange. Vous leur demandez de sortir de l'espace public. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains.) C'est du moins ainsi que c'est interprété. (M. Stéphane Piednoir proteste.)
Non, nous ne faisons pas preuve d'angélisme. Nous voulons trouver un équilibre pour accompagner des habitants à la recherche d'espaces communs pour vivre ensemble. (Marques d'approbation sur des travées du groupe SER et du GEST)
M. Pierre Jean Rochette. - Le sport, c'est l'égalité. J'ai moi-même fait du sport, même si cela ne se voit pas beaucoup... (Sourires) Au rugby, après le match, tous prenaient leur douche ensemble, les riches comme les pauvres, les intelligents comme les benêts : là était la force du sport.
Les choses ont changé ces vingt ou trente dernières années : les principes religieux ont cassé cette égalité, et, si vous n'êtes pas dans la mouvance dominante, vous êtes ostracisé.
Ne nous voilons pas la face sur l'état du pays ! Parlez avec les éducateurs et dirigeants sportifs : ils ne disent pas qu'il n'y a pas de problème. La réalité, c'est que la laïcité n'est plus respectée dans le sport ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains)
M. Jean-Jacques Lozach. - Cet article concerne les compétitions organisées par les fédérations. De votre point de vue, chers collègues de droite, il y a un paradoxe, pour ne pas dire une carence : les compétitions qui ont le plus de succès sont celles organisées par des entreprises privées.
Ce qui me gêne dans ce débat, c'est qu'on néglige ce que le sport apporte de meilleur à la société : sa capacité à intégrer des populations très diverses.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Les catholiques n'étaient pas ravis par la loi de 1905...
M. Pierre Ouzoulias. - Pour le moins !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Ils n'ont pas fait la révolution : ils se sont adaptés.
Nous refusons la mise en cause de nos règles communes, et ce n'est pas stigmatiser des jeunes filles que de vouloir faire respecter ces règles. La vie est faite de choix : que celles qui portent le voile assument ce choix.
La France de 2025 n'est pas celle de 2004 ou des années quatre-vingt : elle subit partout un entrisme qui sépare et clive.
J'avais des potes de gauche qui soutenaient la laïcité. Où sont-ils, aujourd'hui, les grands laïcs de gauche ? (Protestations sur des travées à gauche)
La laïcité ne s'adjective pas ; elle est une et s'applique partout sur le territoire.
M. Pierre Ouzoulias. - Et en Alsace-Moselle ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Que chacun assume ses choix de mode de vie, mais pas sur le dos de la France et de la laïcité.
La laïcité est une chance pour tous les jeunes Français. J'ai une pensée pour les femmes qui luttent tous les jours dans les quartiers contre les pressions islamistes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)
M. Bernard Fialaire. - Nous défendons tous la laïcité.
M. Olivier Paccaud. - Pas la même !
M. Bernard Fialaire. - Que je sache, la loi de 1905 n'a pas empêché les curés de jouer au football en soutane... Le problème est ailleurs.
Oui, depuis trente-cinq ou quarante ans, les choses ont changé. Nous avons été collectivement trop laxistes avec certaines expressions.
Mais ne nous trompons pas d'arme. Faire de la laïcité un outil de coercition et de sanction, ce serait braquer une partie de la population contre ce principe, qu'elle percevrait comme une contrainte. Sur ce sujet, il faut légiférer d'une main tremblante, pour ne pas dévoyer la laïcité. (M. Patrick Kanner applaudit.)
M. Pierre Ouzoulias. - Des grands laïcs à gauche, il en reste ! Mais vous ne voulez pas les entendre.
J'ai déposé une proposition de loi constitutionnelle pour appliquer la laïcité à tout le territoire national, y compris l'Alsace-Moselle, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon et Tahiti, sans être entendu. Vous prétendez défendre la laïcité, mais vous vous accommodez très bien de ces exceptions... (M. Hervé Gillé approuve.)
Ce que vous dites, madame Eustache-Brinio, m'encourage à représenter ma proposition. Comptez sur moi pour le faire. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Michel Savin. - Nous disons simplement que les religions ne sont pas au-dessus des lois de la République.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Très bien !
M. Michel Savin. - Si une femme veut porter un signe religieux lors d'une compétition, c'est qu'elle place la religion au-dessus des lois.
M. Yannick Jadot. - Sérieusement ?
M. Michel Savin. - On porte sur son maillot les couleurs de son club, de sa ville, mais pas de signes d'appartenance politique, syndicale ou religieuse. Il s'agit de protéger cet espace.
M. Olivier Paccaud. - Nous voyons un net clivage droite-gauche.
M. Thomas Dossus. - Extrême droite, plutôt !
M. Olivier Paccaud. - La gauche prétend que ce texte exclura. Mais l'histoire récente nous offre un précédent qui prouve le contraire : l'affaire du voile dans le bassin creillois, dans les années quatre-vingt. Lorsque nous avons voté la loi de 2004, ...
M. Patrick Kanner. - Nous l'avons votée aussi !
M. Olivier Paccaud. - ... d'aucuns affirmaient qu'elle exclurait les jeunes filles du collège. Ces jeunes filles ont-elles quitté le collège ? Non.
L'habit fait le moine et l'abaya, la nonne. (Marques d'amusement à droite)
M. Stéphane Ravier. - L'abaya fait le militant islamiste !
M. Olivier Paccaud. - Une pression s'exerce sur les terrains quand certains se livrent à l'exhibition cultuelle. Cette loi dépassionnera ces situations, qui, désormais, feront pschitt !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Considérez-vous que la laïcité soit en danger à La Réunion ? Chez nous, toutes les communautés vivent ensemble, dans le cadre des lois de la République.
La laïcité ne peut être un épouvantail brandi pour régler les problèmes de radicalisation. Fût-ce avec de bonnes intentions, vous allez abîmer le modèle de La Réunion. Lors du Vendredi saint, de la marche sur le feu hindoue, du Nouvel an chinois ou de la rupture du jeûne, les pratiquants se réunissent sur la voie publique ou des terrains de sport, et la police assure la sécurité du rassemblement.
M. Claude Kern. - Cela n'a rien à voir !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Toutes les communautés sont invitées à participer : c'est ainsi qu'on réussit le vivre-ensemble.
Ce n'est pas avec un texte de ce genre qu'on sert la cohésion sociale ! (On s'impatiente à droite, l'oratrice ayant dépassé son temps de parole.) Et comment pensez-vous qu'il puisse être appliqué à Mayotte ?
Mme Cécile Cukierman. - Oui, il y a encore des femmes et des hommes de gauche qui défendent la laïcité - et même avec intransigeance.
Cette proposition de loi percute un débat de société. Chaque sénateur de mon groupe la reçoit en fonction des réalités qu'il vit sur son territoire. Il n'y a pas les gentils d'un côté, les méchants de l'autre.
Reste qu'il n'y a parfois pas pires fossoyeurs de la laïcité que ceux qui prétendent la défendre. Je ne fais pas partie de ceux qui voient dans le port du voile une nouvelle liberté pour les femmes. (Exclamations à droite) Mais le vrai problème, c'est ce qui n'est pas visible : je veux parler du rapport à la nudité dans les vestiaires. C'est là que s'exerce une emprise religieuse.
Loin des effets d'annonce et de la stigmatisation, il s'agit de savoir comment nous continuons à faire société, notamment par le sport.
M. Yannick Jadot. - C'est la gauche qui a construit et défendu la laïcité ; c'est encore elle qui la défend aujourd'hui. (On le conteste énergiquement à droite.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Elle ne la défend plus !
M. Yannick Jadot. - Plutôt que Gilles Kepel, vous devriez lire Patrick Weil. Personne n'a écrit de manière plus intelligente sur la question. Il met l'accent sur la lutte contre le prosélytisme, qui doit tous nous rassembler.
Mais vous préférez stigmatiser une religion. Le clip de l'UEFA, diffusé avant les matchs de Champions League, s'ouvre sur une hijabeuse, au nom de la diversité. Vous êtes réactionnaires dans le débat européen !
M. Stéphane Ravier. - Tout juste ! Il est temps de réagir !
M. Yannick Jadot. - Quand la moitié des joueurs brésiliens qui entrent sur terrain se signent, cela ne vous gêne pas...
Lisez Franck Frégosi : il ne faut pas confondre visibilité du fait musulman et une France qui serait en voie d'islamisation. Vos fantasmes, gardez-les pour vous ! Nous gardons la laïcité. (M. André Reichardt s'exclame.)
M. Olivier Paccaud. - Quelle naïveté...
M. Stéphane Ravier. - Pourquoi la gauche est-elle si prompte à se mobiliser pour soutenir les femmes iraniennes et afghanes qui souhaitent se libérer du voile et, en France, si prompte à vouloir imposer le voile ? (Protestations à gauche)
M. Yannick Jadot. - (Interpellant la droite de l'hémicycle) Vous êtes d'accord avec ça ?
M. Stéphane Ravier. - Pourquoi la gauche se mobilise-t-elle autant pour priver les femmes de la liberté de se passer du voile ?
M. Akli Mellouli. - Personne ne veut cela !
M. Stéphane Ravier. - Parce qu'elle est lancée dans une course à l'échalote avec M. Mélenchon et ses amis. Dans les circonscriptions de nombre de ses élus, la pression arabo-musulmane est très forte. Elle caresse donc cet électorat dans le sens du poil.
Vous ne voulez pas reconnaître l'offensive islamiste, parce que ce serait reconnaître l'échec, pourtant flagrant, d'une politique d'immigration massive et incontrôlée qui conduit une partie de la jeunesse à se reconnaître davantage dans la religion musulmane que dans le modèle républicain et français. (M. Thomas Dossus proteste.)
M. Patrick Kanner. - Oui, nous défendons les femmes afghanes.
M. Stéphane Ravier. - C'est plus facile quand c'est loin !
M. Patrick Kanner. - Calmez-vous, monsieur Ravier - ou bien rejoignez M. Trump à Washington.
Nous défendons les femmes afghanes parce que nous combattons les régimes totalitaires.
M. Stéphane Ravier. - Et le combat contre l'islamisme ?
M. Patrick Kanner. - Vous devriez prendre un petit Tranxène...
Nous sommes dans un pays de liberté : les femmes musulmanes portent ou non le voile selon leurs désidératas.
M. Olivier Paccaud. - Et la pression des quartiers, des familles ?
M. Patrick Kanner. - Vous prétendez leur interdire l'accès aux compétitions. Pourquoi pas aussi aux entraînements ? Et pourquoi pas aux clubs de théâtre ou aux conservatoires ? (Murmures désapprobateurs à droite) Au bout de votre logique, il y a de vraies exclusions.
Tout à l'heure, M. Grosperrin m'a interpellé avec facétie : oui, j'ai été le premier ministre des sports à retirer des agréments pour salafisme. Mais je ne fais pas de confusions. Ce n'est pas parce qu'il y a une, deux, dix ou vingt femmes voilées qu'il y a une menace salafiste. C'est aux services de l'État de mener les vérifications nécessaires, et je regrette qu'ils n'aient pas les moyens de le faire systématiquement. (On s'impatiente à droite, l'orateur ayant dépassé son temps de parole.)
Je rappelle enfin que, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, les socialistes ont voté la loi de 2004. (M. Adel Ziane renchérit.)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Les temps changent...
Mme Catherine Belrhiti. - Monsieur Ouzoulias, vous avez parlé de l'Alsace et de la Moselle. Je vous rappelle que le Concordat n'est pas une dérogation : il est dans la loi, une fois pour toutes.
M. Pierre Ouzoulias. - Je vous expliquerai... (Mme Catherine Belrhiti s'exclame.)
M. Alexandre Ouizille. - Je...
M. Max Brisson. - Il a déjà pris la parole ! (M. Olivier Paccaud renchérit.)
M. Alexandre Ouizille. - Je voulais prendre la parole sur l'article, mais cela m'a été refusé. (Les protestations redoublent à droite, où l'on fait valoir que l'orateur s'est déjà exprimé.)
M. Bernard Jomier. - Respectez le président !
M. le président. - C'est à moi de présider la séance.
M. Yannick Jadot. - Ça suffit, les insoumis !
M. Olivier Paccaud. - La règle est la même pour tous !
M. le président. - Monsieur Ouizille, veuillez vous exprimer ; votre temps de parole s'écoule.
M. Alexandre Ouizille. - Le président Kanner a rappelé que l'objectif doit être de lutter contre les pressions ; nous sommes intraitables sur ce point. Ne nous caricaturez donc pas.
Nous vous rappelons aux obligations découlant de la loi.
M. Max Brisson. - Commencez par respecter le règlement ! Assez de leçons !
M. Alexandre Ouizille. - Ce que vous faites est une injustice.
M. Olivier Paccaud. - Respectez les règles !
Mme Frédérique Puissat. - Nous demandons une suspension de séance pour que le débat puisse reprendre dans le calme et le respect de chacun. (On renchérit à droite.)
La séance est suspendue quelques instants.
M. Pascal Savoldelli. - Pour ma part, j'étais déjà apaisé avant la pause... (Sourires)
J'ai étudié de près ce texte, me demandant : qu'est-ce qui entrave la démocratie dans la pratique sportive, qu'est-ce qui entrave la cohésion nationale, le vivre-ensemble ?
Je suis très attaché à la doctrine de l'intégration, mais l'intervention de M. Ravier a été un moment d'éclairage : ce texte est sous-tendu par une doctrine d'assimilation.
Je l'ai vu dans mes fonctions locales : le sport est facteur de cohésion, de socialisation, d'émancipation. Nous devons rester sur une doctrine d'intégration. C'est un fait : nous n'avons pas tous les mêmes pratiques culturelles. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio proteste.) Je suis un môme de la banlieue, je connais ces réalités. C'est pourquoi je suis totalement opposé à la doctrine de l'assimilation.
M. Laurent Somon. - Rappel au règlement, sur le fondement des articles 36 et 38. Si l'on pouvait faire respecter les temps de parole, cela contribuerait à rendre nos débats plus sereins. D'autre part, il est possible, les avis contraires ayant été entendus, que les orateurs ne puissent s'exprimer qu'en nombre limité, pour éviter que les débats ne s'allongent à l'excès. (On renchérit à droite.)
M. Patrick Kanner. - Rappel au règlement, sur la base de la sincérité des débats. Il semblerait que l'un de nos collègues, celui qui siège en haut de la montagne, m'ait lancé, pendant que je parlais, l'injure de « collabo ».
M. Thomas Dossus. - C'est vrai !
M. Patrick Kanner. - Certains de nos collègues auraient entendu cette interruption. Venant de M. Ravier, c'est un peu le monde à l'envers... Je souhaite une vérification et me réserve d'entreprendre auprès de la présidence les démarches prévues en cas d'insulte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)
M. Thomas Dossus. - Je tiens à répondre aux bêtises racistes de M. Ravier. Nous défendons la liberté des femmes afghanes et iraniennes. Nous soutenons d'ailleurs l'octroi de l'asile aux femmes qui fuient le régime des Talibans, dont l'un des premières décisions fut d'interdire la pratique sportive des femmes. (M. Yannick Jadot renchérit.)
Cette proposition de loi constitue une forme de discrimination à l'égard des femmes. L'année dernière, des femmes afghanes réfugiées ont pu participer aux JOP sous la bannière olympique. Les femmes voilées se sentent extrêmement discriminées par ce texte. Hélas, la commission n'a auditionné aucune de leurs représentantes. Les premières concernées, vous n'en avez que faire !
Votre conception de la société a été révélée par M. Ravier : vous ne reconnaissez pas qu'il y a dans notre pays des musulmanes et des musulmans, alors que l'histoire de notre pays est celle de l'assimilation de tout le monde.
Mme Laurence Harribey. - De l'intégration ! (M. Pascal Savoldelli s'en amuse.)
M. Laurent Burgoa. - Je préfère résister que collaborer : je confirme que M. Ravier a tenu le propos dénoncé par M. Kanner. (On remercie l'orateur sur plusieurs travées à gauche.)
M. Guillaume Gontard. - Je m'étonne que nos collègues de droite soient à ce point mal à l'aise qu'ils aient eu besoin de solliciter une suspension de séance.
M. Max Brisson. - Assez de provocations !
M. Guillaume Gontard. - À quoi sert ce texte ? Nous sommes tous républicains. Certains portent même ce nom, comme s'ils en éprouvaient le besoin...
M. Max Brisson. - C'est scandaleux !
M. Guillaume Gontard. - La loi de 1905 est un texte de liberté. Mais, vous, vous voulez interdire, revenir sur nos principes. Vous avez un problème avec les valeurs républicaines ! (Vives protestations à droite)
Si l'on parle de neutralité, parlons aussi de la publicité, du financement des grands clubs. Un des principaux est financé par un pays qui ne respecte pas les droits humains. Cela aussi nous pose question. Soyez cohérents avec vous-mêmes !
M. Max Brisson. - Et vous, moins présomptueux !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Si l'on pouvait rester dans le cadre de la discussion...
À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos4, 9 et 28 rectifié quinquies sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°197 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 113 |
Contre | 227 |
Les amendements nos4, 9 et 28 rectifié quinquies ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°17 de M. Dossus et alii.
M. Thomas Dossus. - Cet article marque une rupture totale avec les principes de la loi de 1905, exclut les musulmanes des terrains de compétition comme des indésirables. Il instrumentalise la laïcité pour en faire un outil de discrimination, alors que l'article L100-1 du code des sports garantit la liberté de pratique sportive.
La Constitution garantit l'égalité devant la loi et la Convention européenne des droits de l'homme prohibe toute discrimination. Au mépris de ces principes, ce texte privera certaines femmes de l'accès aux compétitions sportives au prétexte de leur tenue vestimentaire. Le sport est pourtant vecteur d'émancipation, d'inclusion et d'égalité.
Exclure au nom de la laïcité est un dévoiement, une absurdité ! C'est pourquoi nous proposons de créer un délit d'entrave à l'accès au sport.
M. le président. - Amendement n°23 de Mme Cazebonne et du RDPI.
Mme Samantha Cazebonne. - Cet amendement réécrit l'article pour corriger son fort risque d'inconstitutionnalité, lié à sa portée générale et à l'absence de démonstration d'un risque de trouble à l'ordre public. Plus précisément, il s'agit de codifier l'équilibre trouvé par le Conseil d'État dans son arrêt du 29 juin 2023 en visant les fédérations délégataires de service public. En outre, le port d'une tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse serait interdit pour les mineurs. Rappelons que près de 60 % des sportifs licenciés ont moins de 20 ans. Le sport est facteur d'intégration, de mixité et de cohésion nationale.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°17, car les textes en vigueur permettent déjà de combattre les discriminations.
L'amendement n°23 a fait débat au sein de la commission. Nous considérons qu'à l'intérieur d'une enceinte sportive, comme à l'école, il faut interdire le port de tout signe religieux. Avis défavorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Avis défavorables. Le Gouvernement a déposé un amendement d'équilibre visant les fédérations sportives qui exercent une mission de service public, afin de consolider juridiquement le texte.
L'amendement n°17 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°23.
M. le président. - Amendement n°31 du Gouvernement.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Voici l'amendement que j'annonçais : il limite le champ de l'article aux compétitions sportives organisées par les fédérations délégataires de service public. C'est, en effet, la notion de service public qui permet d'appliquer le principe de laïcité.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Cet amendement restreint l'application de l'article 1er aux fédérations délégataires, soit 86 sur les 118 fédérations agréées. Ces fédérations sont détentrices d'un monopole d'organisation des compétitions dans le cadre d'un contrat de délégation avec l'État. L'amendement ayant été déposé tardivement, la commission n'a pas pu se prononcer. Il ne me paraît pas contraire à l'esprit des auteurs du texte : à titre personnel, avis favorable.
M. Patrick Kanner. - Je suis curieux de savoir ce que penseront nos collègues de droite de cet amendement du Gouvernement qui atténue la portée du texte...
Reste que, sur le fond, rien n'est changé. L'article entre toujours en contradiction avec notre conception de la laïcité. Nous voterons donc contre l'amendement.
M. Michel Savin. - L'amendement du Gouvernement restreint le périmètre de l'article. Ne soyons pas naïfs : dans les fédérations qui seront exclues du dispositif, des problèmes se posent aussi - je pense notamment à certaines nouvelles fédérations de sports de combat, qui attirent beaucoup de jeunes. Des transferts d'athlètes pourraient se produire. Nous suivrons la position du rapporteur, mais j'appelle le Gouvernement à une grande vigilance.
M. Max Brisson. - Je comprends l'appel à la vigilance de M. Savin, mais l'amendement du Gouvernement est intéressant. Soyons pragmatiques : la laïcité, c'est la neutralité du service public. Nous avons prévu une laïcité singulière à l'école. Nous construisons une démarche de cet ordre dans le sport. Il est important qu'elle s'appuie sur la notion de service public, qui suppose un espace neutre.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Monsieur Savin, nous ne sommes pas démunis d'outils juridiques pour poursuivre des associations qui se livreraient à des pratiques séparatistes. Le dispositif que nous proposons est équilibré. Suivons la position du Conseil d'État pour consolider votre texte.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. - L'amendement du Gouvernement est tardif, mais utile - s'il avait été déposé plus tôt, peut-être qu'un certain nombre d'interventions n'auraient pas eu lieu... M. Savin a raison de nous alerter sur la nécessité d'être vigilant quant aux pratiques de toutes les fédérations, mais c'est la notion de service public qui nous permet de légiférer.
M. Alexandre Ouizille. - Le ministre l'a dit, nous avons d'autres moyens pour agir contre les pressions, notamment l'article 31 de la loi 1905. Dans les faits, cette loi ira à l'encontre des objectifs de ses auteurs : en créant des frustrations, elle fera le jeu des islamistes, comme le montre Hugo Micheron dans La Colère et l'oubli.
L'amendement n°31 est adopté.
M. le président. - Amendement n°29 de M. Piednoir, au nom de la commission de la culture.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - C'est une précision : les dispositions de l'article s'appliquent aux acteurs des compétitions.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Avis favorable.
M. Jean-Jacques Lozach. - Qu'est-ce à dire ? Le code du sport évoque les acteurs du sport, pas les acteurs des compétitions. Les arbitres sont-ils concernés ? Les remplaçants ? Les entraîneurs ? (M. Stéphane Piednoir le confirme successivement.)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - M. Lozach, qui connaît bien le monde du sport, a répondu à sa propre question. Les trois catégories qu'il a citées sont concernées, mais pas les spectateurs.
L'amendement n°29 est adopté.
M. le président. - Amendement n°8 rectifié ter de M. Levi et alii.
M. Pierre-Antoine Levi. - De nombreuses fédérations sportives prévoient déjà des sanctions en cas de non-respect du principe de laïcité - c'est le cas de la FFF. Nous proposons de généraliser cette pratique et de donner une base légale claire aux dispositifs existants, tout en respectant l'autonomie des fédérations. Le sport, vecteur de cohésion sociale, doit demeurer un espace de neutralité et de fraternité.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - En créant une interdiction, nous nous sommes interrogés sur le contrôle et les sanctions. En commission, j'avais proposé une contravention ; M. Levi nous propose une sanction disciplinaire, définie par chaque fédération. Avis favorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - De prime abord, j'aurais donné un avis de sagesse. Mais je vous propose un avis favorable, si vous précisez qu'il s'agit des fédérations délégataires de service public.
M. Pierre-Antoine Levi. - J'accepte la rectification.
L'amendement n°8 rectifié quater est adopté.
M. le président. - Amendement n°22 rectifié quater de Mme Joseph et alii.
Mme Else Joseph. - Les grandes manifestations sportives constituent un précieux moment d'unité nationale. Étrenner le maillot français, c'est porter nos valeurs. Les sportifs de l'équipe de France participent à une mission de service public, ils sont donc soumis au principe de neutralité, comme l'a confirmé le Conseil d'État dans sa décision de juin 2023 et comme cela a été rappelé lors des JOP de 2024.
Mais la loi est muette et les revendications communautaristes s'engouffrent dans ce flou juridique. Cet amendement applique donc le principe de neutralité aux personnes sélectionnées en équipe de France.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Ces athlètes participent à l'exécution du service public confié à leur fédération. À ce titre, ils doivent respecter le principe de neutralité, ce que le Conseil d'État a confirmé en juin 2023 et qu'Amélie Oudéa-Castéra a réaffirmé lors des JOP 2024.
L'article 1er ne s'appliquait qu'aux compétitions départementales, régionales et nationales. L'amendement complète donc le dispositif. Avis favorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Avis favorable.
M. Thomas Dossus. - Un des plus grands attaquants de l'équipe de France, Olivier Giroud, affirme que Jésus a joué un rôle dans sa carrière sportive - c'est même tatoué sur son corps. L'équipe de France aurait-elle dû s'en passer ?
M. Olivier Paccaud. - Il ne joue pas torse nu. (M. Thomas Dossus lève les yeux au ciel.)
L'amendement n°22 rectifié quater est adopté.
M. le président. - Amendement n°11 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - Cet amendement introduit une formation à la laïcité et aux discriminations indirectes pour les membres des instances dirigeantes des fédérations. On voit combien la laïcité est dénaturée et instrumentalisée ici !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - C'est intéressant. Mais vous laissez entendre que l'application du principe de laïcité pourrait conduire à des formes insidieuses de discrimination. Avis défavorable, donc.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Il est nécessaire de former les acteurs du monde du sport sur la laïcité. Mais le guide sur le fait religieux et la laïcité dans le sport a été actualisé et transmis aux fédérations ; leurs contrats de délégation mentionnent expressément la lutte contre le séparatisme ; le déploiement de référents est en cours. Il revient donc aux fédérations de mobiliser ces ressources. Votre amendement est satisfait : retrait, sinon avis favorable.
M. Akli Mellouli. - Avez-vous bien compris l'amendement ? Oui, il y a de la discrimination. Avec vous, la laïcité devient un outil de discrimination !
Déjà en 1905, Jean Jaurès et Aristide Briand avaient considéré que la laïcité ne s'appliquait pas à la tenue vestimentaire - il s'agissait alors de la soutane dans l'espace public. La laïcité est un outil d'émancipation et non de stigmatisation ou de discrimination. Ne portons pas atteinte à la liberté des sportifs.
Mme Mathilde Ollivier. - Les femmes musulmanes qui se présentent à l'entrée d'un club se heurtent à des personnes qui ne connaissent pas bien le principe de laïcité. Cette formation permettrait de lutter contre ces cas de discrimination. En réalité, monsieur Savin, parce que certains ne connaissent pas bien les règles, l'accès au sport de ces femmes est restreint.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - C'est une demande de rapport, destinée à connaître les conséquences réelles de cette interdiction. Cette loi risque d'avoir des effets très négatifs sur les femmes et les jeunes filles qui ont déjà du mal à accéder au sport : 49 % des femmes renoncent au sport pour des raisons financières, 46 % pour des raisons familiales et 40 % pour charge domestique. Il serait absurde d'ajouter de nouvelles barrières ! Quelques mois après les JOP, il est honteux de réduire la pratique du sport en France.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Ce bilan viendra en son temps. De plus, vous connaissez le sort que le Sénat réserve traditionnellement aux demandes de rapport. Enfin, vous proposez déjà les conclusions du rapport demandé... Avis défavorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - La pratique sportive féminine progresse, grâce notamment à la dynamique des JOP. L'an dernier, le nombre de licences a progressé plus vite chez les filles que chez les garçons - en dépit des restrictions vestimentaires déjà édictées par certaines fédérations et confirmées par le Conseil d'État. Le service public ne doit pas renoncer à la laïcité - essentielle à son bon fonctionnement - pour être attractif.
Il est trop tôt pour mener une telle évaluation. Avis défavorable.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°198 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Pour l'adoption | 223 |
Contre | 92 |
L'article 1er, modifié, est adopté.
(Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit.)
Après l'article 1er
M. le président. - Amendement n°27 rectifié quinquies de Mme Corbière Naminzo et alii.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous demandons un rapport sur les effets de cette loi sur le sport féminin. Alors que nous devrions favoriser l'accès des femmes au sport, la proposition de loi risque d'avoir l'effet inverse. Alors que 38 % des hommes sont licenciés dans un club, seulement 20 % des femmes le sont ; un tiers des licences est détenu par les femmes ; une fille sur deux arrête le sport à l'adolescence, avec les conséquences que l'on sait sur sa santé.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Demande de rapport, donc avis défavorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Laissons le texte s'appliquer pour l'évaluer utilement. Avis défavorable.
L'amendement n°27 rectifié quinquies n'est pas adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°2 rectifié ter de M. Fialaire et alii.
M. Bernard Fialaire. - L'article 2 est satisfait : supprimons-le. Il empiète sur les compétences du maire, qui peut déjà interdire un rassemblement religieux en cas de trouble à l'ordre, la tranquillité ou la sécurité publics. N'ouvrons pas la porte à des contentieux inutiles et à des décisions discriminatoires.
M. le président. - Amendement identique n°5 de Mme Robert et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Ce dispositif entre en conflit avec le principe de libre administration des collectivités territoriales, l'esprit de la loi de 1905 et la jurisprudence du Conseil d'État. Nous prenons note de la volonté du rapporteur qui, avec son amendement n°30, a amélioré une rédaction stigmatisante envers une seule religion.
M. le président. - Amendement identique n°12 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - L'article est satisfait par la jurisprudence constante du Conseil d'État. Inutile, il est symptomatique de cette proposition de loi, qui détourne le principe de laïcité à des fins politiques et discriminatoires. Pourquoi mentionner les salles de prière collective ?
M. le président. - Amendement identique n°19 rectifié de Mme Cazebonne et du RDPI.
Mme Samantha Cazebonne. - Nous demandons aussi la suppression de cet article, car le droit est suffisant. Lorsque la collectivité ne respecte pas le principe de neutralité, le déféré préfectoral permet d'y remédier. Lorsqu'une association ne respecte pas la convention de mise à disposition, la collectivité peut aussi agir.
M. le président. - Amendement identique n°25 rectifié quater de M. Ouzoulias et alii.
M. Pierre Ouzoulias. - À titre personnel, je me demande si la mise à disposition gracieuse d'un local est bien conforme à l'article 2 de la loi de 1905, qui interdit le subventionnement des cultes.
La jurisprudence du Conseil d'État du 18 mars 2024 est bien plus précise que la rédaction de l'article 2, qui évoque des « conditions préférentielles » - c'est beaucoup trop vague.
Et l'on ne vise ici que les associations, alors qu'en Alsace-Moselle, le culte est géré par des établissements publics. On imposerait donc à l'Alsace-Moselle le régime des cultes de la « France de l'intérieur », monsieur Kern. Ne traitons pas un point aussi délicat dans un texte sur le sport.
M. Max Brisson. - Belle défense du Concordat ! (Sourires)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Avis défavorable, sans surprise. Ces interventions m'étonnent : soit vous n'avez pas la bonne version du texte ; soit vous ne l'avez pas comprise ; soit vous l'avez, l'avez comprise, mais en faites un usage politicien. (Mme Sylvie Robert et MM. Bernard Fialaire et Fabien Gay protestent.)
Le texte prévoit que « la collectivité territoriale propriétaire d'un équipement sportif détermine les conditions d'utilisation de cet équipement et des locaux attenants. Leur utilisation pour la pratique sportive est exclusive de tout usage religieux, notamment comme salle de prière collective. »
Le maire pourra ainsi passer un contrat avec une association cultuelle, mais on ne souhaite pas lorsqu'un équipement est confié à une association pour y faire du sport que l'usage soit dévoyé. Nulle entrave aux pouvoirs des élus locaux. On ne veut plus qu'un match de foot s'arrête pour prier dans les vestiaires, voire sur le terrain. (Protestations sur les travées du GEST)
M. Yannick Jadot. - Mais ça n'existe pas !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Si l'équipement a été confié pour faire du sport, une association ne doit pas pouvoir y faire autre chose. Les personnes que nous avons entendues relatent des faits très précis qui confirment la pertinence de cette disposition.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Le Gouvernement reste mobilisé pour lutter contre toutes les stratégies de contournement. La loi du 24 août 2021 met à disposition des outils tels que le référé laïcité ou le contrat d'engagement républicain. Sagesse.
M. Pierre Ouzoulias. - Changeons un peu de religion, cela fera du bien... Vous le savez, étant partisan d'une application stricte de la loi de 1905, je suis hostile à la présence de crèches dans les bâtiments publics. Il existe une fédération sportive chrétienne qui développe sa pastorale par le sport. Elle dispose d'aumôniers mis à disposition par la Conférence des évêques de France. Voulez-vous leur interdire d'aller dans les vestiaires ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Pendant le match.
M. Pierre Ouzoulias. - Ah ! Précision importante.
Ne prenons pas le risque de revenir sur les conditions de mise à disposition des bâtiments publics aux cultes au détour d'un texte sur le sport.
M. Bernard Fialaire. - Je comprends l'avis de sagesse du Gouvernement. J'ai été confronté comme maire à une association sportive qui interrompait ses matchs pour faire des prières. Nous l'avons menacée de lui retirer le gymnase et elle a arrêté. Nous avons donc déjà les moyens d'arrêter ces agissements. (On le confirme à gauche ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio le conteste.)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Oui, mais ce n'est pas une obligation.
M. Bernard Fialaire. - Il n'empêche, cet article est superfétatoire.
M. Patrick Kanner. - C'est un article politicien.
Mme Sylvie Robert. - Comme toute la proposition de loi !
M. Michel Savin. - J'ai cité, tout à l'heure, les éléments inquiétants relevés par le SCRT. Ces phénomènes existent.
Rien n'empêche un maire de mettre à disposition un équipement sportif pour une manifestation religieuse. Là il s'agit de protéger la pratique sportive quand elle a lieu. Certains maires le font, d'autres ne le font pas. (M. Bernard Fialaire écarte les bras en signe d'impuissance.) Nous avons donc besoin d'un cadre législatif.
M. Claude Kern. - Cet article ne remet pas en cause le Concordat, Monsieur Ouzoulias : les lieux de culte ne sont pas des lieux de pratique sportive...
M. Pierre Ouzoulias. - Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Les amendements identiques nos2 rectifié ter, 5, 12, 19 rectifié et 25 rectifié quater ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°30 de M. Piednoir, au nom de la commission de la culture.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Nous remplaçons le terme « prière », non défini dans notre droit, par l'expression « exercice d'un culte ».
M. François-Noël Buffet, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°30 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article 2 bis
M. le président. - Amendement n°6 de Mme Robert et du groupe SER.
Mme Sylvie Robert. - Cet amendement supprime l'ajout redondant de dispositions prévoyant le retrait de l'agrément et donc de l'aide de l'État aux associations qui n'auraient pas fait respecter les interdictions de port de signes religieux. Ce retrait est déjà possible au titre du CER.
Il est paradoxal que la droite sénatoriale qui a bataillé pour imposer ce dernier et qui l'a étendu à toutes les associations sportives propose une nouvelle règle de retrait de l'agrément à ces associations... De plus, en quoi un club pourrait-il être responsable de l'utilisation à des fins de culte d'un local dont la commune, et non lui, est propriétaire.
M. le président. - Amendement identique n°13 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°20 rectifié de Mme Cazebonne et du RDPI.
Mme Samantha Cazebonne. - Les associations sportives qui méconnaissent le CER peuvent déjà voir leur agrément suspendu. La solution ne réside pas dans la création de nouvelles règles, mais dans la montée en charge des dispositifs existants. Supprimons l'article 2 bis.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Je ne comprends pas bien les arguments, parce que nous sommes d'accord : l'objet est bien de renforcer le CER, qui est ressenti comme une formalité administrative sur le terrain. Cet article crée une sanction concrète en cas de non-respect de ce texte... que le CER ne pouvait pas connaître, par définition. Avis défavorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Conformément à une jurisprudence constante du Gouvernement, sagesse. (Sourires)
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Ce CER est une simple formalité administrative - un Cerfa. Les préfets n'ont pas assez de moyens pour contrôler le respect des obligations par les associations.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Dominique Vérien et moi-même, rapporteurs de la loi confortant les principes de la République, avons constaté, lorsque nous avons évalué son application, que les contrats d'engagement républicains ne servaient à rien : on signe un papier sans savoir ce qu'il y a dedans, et tout le monde est content... (On ironise à gauche.) Renforcer le dispositif est nécessaire.
Les amendements identiques nos6, 13 et 20 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°14 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - À l'inverse de l'article 2 bis, cet amendement propose un retrait d'agrément lorsqu'une association se rend coupable de discrimination. Plutôt que de stigmatiser, plaçons la lutte contre les discriminations au centre des pratiques sportives.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Les pratiques discriminatoires sont déjà sanctionnées par le code pénal. Même chose pour les saluts nazis, qui sont des appels à la haine. Retrait, sinon avis défavorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Le Gouvernement est favorable aux retraits d'agrément aux personnes physiques et morales qui ne respecteraient pas la loi. Mais l'amendement est satisfait par l'article 225-1 du code pénal. Le CER prévoit bien que l'association s'engage à respecter les principes d'égalité, de liberté, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ce qui est incompatible avec la commission d'infraction de discrimination, et à s'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public.
Le droit positif suffit. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Yannick Jadot. - Expliquez-moi pourquoi les chants homophobes continuent dans les stades si c'est un délit. Aucun stade n'a été fermé, y compris quand les chants sont scandés par des associations reconnues par des clubs de football.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
Article 3
M. le président. - Amendement n°3 rectifié ter de M. Fialaire et alii.
M. Bernard Fialaire. - En interdisant les signes religieux aux usagers des piscines et baignades, l'article 3 crée une confusion entre la neutralité qui concerne les agents et les usagers. Supprimons cet article qui remet en cause l'équilibre de la loi de 1905, laquelle garantit la neutralité des institutions et la liberté de conscience des citoyens.
M. le président. - Amendement identique n°7 de Mme Sylvie Robert et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Cet article contredit le principe de libre administration des collectivités territoriales et a une portée plus large que la jurisprudence du Conseil d'État, en l'élargissant aux convictions politiques.
M. le président. - Amendement identique n°16 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - L'interdiction généralisée des signes religieux dans les piscines municipales va à l'encontre des principes de laïcité et de libre administration.
M. le président. - Amendement identique n°21 rectifié de Mme Cazebonne et du RDPI.
Mme Samantha Cazebonne. - L'article 3 est satisfait par le droit existant.
M. le président. - Amendement identique n°26 rectifié quater de M. Ouzoulias et alii.
M. Pierre Ouzoulias. - L'ordonnance du 21 juin 2022 est très claire : « lorsqu'il prend en compte pour l'organisation du service public les convictions religieuses de certains usagers, le gestionnaire de ce service ne peut procéder à des adaptations qui porteraient atteinte à l'ordre public ou qui nuiraient au bon fonctionnement du service, notamment en ce que, par leur caractère fortement dérogatoire par rapport aux règles de droit commun et sans réelle justification, elles rendraient plus difficile le respect de ces règles par les usagers ne bénéficiant pas de la dérogation ou se traduiraient par une rupture caractérisée de l'égalité de traitement des usagers, et donc méconnaîtraient l'obligation de neutralité du service public ».
Les principes sont forts : bon fonctionnement du service, respect des règles collectives, rupture caractérisée de l'égalité de traitement des usagers. Or dans votre article, vous oubliez le principe de « respect des règles collectives ». La loi ne doit pas être en dessous de la jurisprudence. Supprimons donc l'article.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - L'article 3 impose le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines publiques, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État de juin 2022. Il n'est pas possible de prévoir une dérogation aux règles communes. Avis défavorable aux amendements.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Retrait au profit de l'amendement n°32 du Gouvernement, qui reprend la décision du Conseil d'État ayant trait à la ville de Grenoble. Il est précisé que le gestionnaire d'un service public est tenu de veiller au respect de l'égalité : la règle doit être la même pour tous, il n'est pas possible de procéder à des adaptations, y compris pour des raisons religieuses.
Mme Frédérique Puissat. - À Grenoble et ailleurs dans l'Isère, nous vivons des fortes tensions. Le maire, pourtant d'une sensibilité politique différente de la nôtre, nous a demandé d'être clairs en la matière. Cela fera baisser la tension.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - De quoi parlons-nous ? Du burkini, disons-le. Depuis tout à l'heure, nous ne parlons que des femmes. Pourquoi ? Parce qu'elles sont l'outil majeur des islamistes dans le monde - mais personne n'en parle. Nous savons que les associations à Grenoble étaient dans les mains du collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui a été dissous en France. Ne soyons pas dans le déni : les islamistes utilisent les femmes pour construire leur oumma. Opposons-nous à ces amendements de suppression.
M. Guillaume Gontard. - C'est vous qui stigmatisez les femmes. (On s'indigne à droite.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - On les protège, monsieur.
M. Guillaume Gontard. - Je suis d'accord, on ne parle que des femmes.
M. Jacques Grosperrin. - Parce que vous les avez oubliées.
M. Guillaume Gontard. - À Grenoble, il y a un règlement des piscines, comme à Rennes. Relisez-le : il traite d'une question sportive et sanitaire. Un point c'est tout.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Un point c'est tout ?
M. Guillaume Gontard. - Il ne stigmatise pas telle ou telle religion. Ce que vous proposez est totalement absurde : la piscine sera interdite à un certain nombre de personnes, et pas celles que vous souhaitez. Vous allez interdire à certaines personnes de couvrir un tatouage religieux, par exemple...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - N'importe quoi !
M. Guillaume Gontard. - On entend beaucoup à droite appeler à faire confiance aux maires ; eh bien, faites-le ! Lorsque cela n'allait pas dans le bon sens à Grenoble, le Conseil d'État a remis de l'ordre. À quoi jouez-vous, sinon à réveiller la bête immonde, comme on l'a entendu tout à l'heure...
M. Pierre Ouzoulias. - Selon les juristes, c'est non pas la laïcité qui a motivé le Conseil d'État, mais le « respect des règles collectives » et « l'égalité de traitement des usagers du service public ». Or la notion de règle collective manque dans l'article 3. Je suis d'accord pour transposer la décision du Conseil d'État, mais intégralement.
M. Michel Savin. - Cet article est motivé par un certain nombre de situations que nous avons connues et qui ont nécessité la mobilisation des forces de l'ordre.
M. Jean-François Longeot. - Exactement !
M. Michel Savin. - Le maire de Grenoble demande que la loi puisse l'accompagner. (M. Guillaume Gontard le conteste.)
C'est à nous, législateurs, de fixer un cadre : les signes religieux ne sont pas admis dans ces lieux. Certaines associations militent pour fragiliser ce cadre. La loi doit être claire.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Très bien !
Mme Mathilde Ollivier. - C'est la dérogation pour des personnes qui souhaiteraient porter un burkini qui est évoquée dans la jurisprudence du Conseil d'État. Or à l'article 3, vous cherchez à restreindre la liberté de conscience dans un nouvel espace. Il y a une confusion entre des arguments de sécurité, hygiène et bon fonctionnement de l'infrastructure et le principe de neutralité des agents du service public, qui ne s'applique pas aux usagers.
Les amendements identiques nos3 rectifié ter, 7, 16, 21 rectifié et 26 rectifié quater ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - Mettons un terme à certaines interdictions abusives de tenues dans les piscines ou les plages. Certaines mairies interdisent le port du burkini sans fondement. Le Conseil d'État a rappelé en 2016 que ces interdictions portent atteinte à la liberté de conscience et à la liberté d'aller et venir. C'est une dérive inquiétante.
Notre amendement propose un cadre clair : les interdictions de tenues de bain ne peuvent être motivées que par des raisons d'ordre public ou d'hygiène.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement qui propose une rédaction alternative pour limiter les tenues de bain, en revenant sur la jurisprudence du Conseil d'État. Restons-en à des motifs d'ordre public et d'égalité de traitement des usagers.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Même avis. Nous nous en tenons à la jurisprudence du Conseil d'État du 17 juillet 2023.
L'amendement n°15 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°32 du Gouvernement.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Défendu.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Le Gouvernement propose « de prohiber le port de signes ou de tenues susceptibles » de contrevenir à la neutralité des services publics et à la laïcité. À titre personnel, j'émets un avis de sagesse.
L'amendement n°32 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Après l'article 3
M. le président. - Amendement n°1 rectifié de Mme Borchio Fontimp et alii.
Mme Patricia Demas. - Mme Borchio Fontimp souhaite renforcer les contraintes d'honorabilité qui pèsent sur les éducateurs sportifs en contact avec des mineurs. Il est urgent de les protéger du prosélytisme islamiste. Les personnes inscrites au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ne doivent pas pouvoir enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive auprès de mineurs.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Le FSPRT, prévu par un décret de 2015, est utilisé par les services de renseignement pour lutter contre le terrorisme. Seuls les destinataires habilités peuvent y accéder. Il a une vocation préventive ; les personnes ne sont pas condamnées. On ne peut donc priver de droits une personne inscrite sur un tel fichier préventif. Cela dit, c'est une question importante. Aussi, en reprenant la proposition des anciens députés Éric Diard et Éric Poulliat lors de leur mission d'information sur les services publics face à la radicalisation, nous souhaitons permettre la réalisation d'enquêtes administratives préalables à la délivrance de cartes professionnelles d'éducateurs sportifs. Retrait, ou à défaut avis défavorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Retrait, car votre amendement sera satisfait par l'article 4.
Mme Christine Lavarde. - Entraîneure fédérale, je n'ai pas de carte professionnelle. Ma fédération m'autorise à encadrer des groupes d'enfants, car j'ai les bonnes certifications. Cet article ne concerne que les entraîneurs ayant un diplôme d'État et non les entraîneurs fédéraux, or de nombreuses fédérations reposent sur des bénévoles.
M. François-Noël Buffet, ministre. - La référence à l'article L114-1 du code la sécurité intérieure permet de contrôler l'ensemble des fichiers. Nous profiterons de la navette parlementaire pour étudier cette précision.
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
L'article 4 est adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Sylvie Robert . - J'ai beaucoup regretté la teneur de notre débat cet après-midi. Nous sommes dans une société très polarisée. Les sujets choisis par les collègues Les Républicains ne font que nourrir des propos qui fracturent et divisent. Ils vont à l'encontre de notre vivre ensemble. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio proteste.) C'est la septième fois que l'on tente de légiférer sur le voile. On avait débattu des accompagnateurs scolaires, des CER... Cette proposition de loi est bien politique : vous instrumentalisez la laïcité pour stigmatiser une religion. (On le conteste à droite.) Pensez-vous vraiment que cette proposition de loi va régler les quelques problèmes repérés dans les fédérations ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Les quelques problèmes ?
Mme Sylvie Robert. - M. Lozach l'a dit, le mouvement sportif n'est pas demandeur. (Vives contestations à droite)
Ce n'est pas en dévoyant la laïcité que l'on fera avancer le sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)
M. Pierre Ouzoulias . - Nous regrettons vivement que la Charte olympique n'ait pas été transposée en droit français. C'est un texte attaqué, qui va l'être encore davantage. Patrie de l'olympisme, la France aurait pu s'en enorgueillir. La FFF en a repris les principes.
La mise à disposition des bâtiments publics pour les cultes doit être retravaillée, tout comme la question de l'égalité de traitement des usagers du service public, notamment dans le sport.
Il faut également revoir la délégation de service public entre l'État et les fédérations, qui ont besoin d'un cadre plus précis.
M. Max Brisson . - Il y a un clivage. Je le dis à nos collègues de gauche : vous êtes dans le déni.
M. Patrick Kanner. - Vous remettez encore une pièce...
M. Max Brisson. - Le mouvement sportif attend d'être épaulé par la loi. Je remercie Michel Savin d'avoir proposé ce texte, le rapporteur de l'avoir amélioré. Il est imparfait, mais il a le mérite de traiter un sujet important.
Mme Sylvie Robert. - Arrêtons ! C'est facile !
M. Max Brisson. - Le cadre peut être travaillé, mais il apporte des réponses. Nous avons avancé. Nous sommes fidèles aux pères fondateurs de la laïcité, à ceux qui se sont battus pour elle.
M. Thomas Dossus. - C'est de l'usurpation et du dévoiement !
M. Max Brisson. - Les jeunes filles dont nous avons parlé au cours de nos débats, nous ne les stigmatisons pas, nous les protégeons ! (Protestations sur les travées du GEST)
Vous avez oublié ce qui fut le combat de personnes qui étaient plutôt de votre côté de l'hémicycle politique, et dont le combat était de protéger ces jeunes femmes. Ce soir, c'est nous qui l'avons fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - Cette proposition de loi va à l'encontre du droit européen, du droit international, de notre Constitution, du code du sport. Alors que le sport doit être un vecteur d'apprentissage de la citoyenneté, cette proposition de loi exclut des citoyens français de la pratique sportive. Elle est discriminatoire et stigmatise les femmes musulmanes, qui portent le voile et subissent des discriminations tout au long de leur vie : en matière de logement, lors de contrôles de police ou de recherche d'emploi. Comment appliquer ce texte dans les départements majoritairement musulmans, à Mayotte par exemple ? Voulez-vous en faire des zones de non-droit ? À La Réunion, nous avons choisi le chemin du partage et refusons l'instrumentalisation de la laïcité par des lois aux relents racistes et sexistes.
Ce n'est pas en stigmatisant une communauté que nous construirons une société apaisée et laïque.
La voie assimilationniste n'est que le chemin de l'erreur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)
M. Akli Mellouli . - Nous allons voter une loi pour intégrer et émanciper les jeunes femmes, mais en commençant par leur interdire l'accès à certains espaces. On nous traite d'idéologues, mais avoir une idéologie n'est pas un problème ; le problème c'est le dogmatisme. Or nous avons affaire à des dogmatiques : où voyez-vous des matchs qui s'arrêtent pour prier ? On fait d'un fait divers la réalité de notre pays. Est-ce la visibilité qui pose problème ? Pour les aider à s'émanciper, il faut aider les femmes à être présentes dans l'espace public, et non les inciter à s'enfermer. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Bientôt, être musulman en France sera un délit...
M. Max Brisson. - Vous avez déjà capitulé !
M. Akli Mellouli. - C'est une loi xénophobe et raciste et non pas une loi laïque. (Vives exclamations indignées à droite) Vous galvaudez la laïcité ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Raymond Hugonet . - Sommes-nous à l'Assemblée nationale ? (M. Hervé Gillé écarte les bras.) La teneur des débats du jour ne m'a pas plu. Cela fait soixante ans que je fréquente les vestiaires, comme pratiquant, dirigeant et père.
Max Brisson l'a dit, c'est un point de clivage. Nos avis diffèrent radicalement ; ce n'est pas une tare, mais la démocratie. Mais je ne supporte pas que l'invective soit portée sur les uns ou les autres.
En 1957, au moment de recevoir son prix Nobel, Albert Camus disait que tout ce qu'il savait de la morale, c'était au football qu'il le devait.
Nous ne vivons pas dans le même monde ; venez assister à des matchs de football le week-end en Île-de-France, vous comprendrez le problème. (M. Akli Mellouli proteste.)
Je remercie Stéphane Piednoir et Michel Savin du travail accompli. Ne nions pas la réalité et traitons le problème ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Patrick Kanner . - Les propos de Max Brisson m'invitent à prendre la parole. Merci de ne pas nous donner de leçons sur qui seraient les vrais laïcs et ceux qui ne le seraient pas, surtout lorsque l'on vient d'un parti qui a invectivé Briand et Jaurès...
M. Max Brisson. - Ce n'est pas nous...
M. Patrick Kanner. - ... ou qui a refusé un grand service public laïc et unifié de l'éducation nationale.
M. Max Brisson. - Heureusement !
M. Patrick Kanner. - Si vous êtes cohérent avec vous-même, demandez qu'il n'y ait plus de soutane ni de crucifix dans les écoles privées ! Il faudrait que les enseignements se déroulent dans des lieux où aucun signe religieux n'est présent.
M. Max Brisson. - Très intéressant ! Les masques tombent.
M. Patrick Kanner. - Depuis 2017, le bloc central veillait à ne pas être débordé sur certains sujets. Avec l'arrivée de certains ministres au Gouvernement, la situation a changé. Je sens la main de M. Retailleau dans ce dossier (protestations à droite), que cela vous plaise ou non.
Nous vivons un évènement historique. Si cette loi devait prospérer, nous saisirions le Conseil constitutionnel pour vérifier sa constitutionnalité. (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Fialaire . - Mon engagement politique s'inspire également de nos illustres aînés qui s'étaient engagés pour le principe de laïcité. Je ne doute pas que chacun ici souhaite le défendre.
Mais l'enfer peut être pavé de bonnes intentions. Il faut combattre l'oppression, la manipulation des femmes, mais sans dévoyer le principe de laïcité, qui est un principe de protection. En en faisant un outil de contrainte, on braque une partie de la jeunesse qui ne la perçoit plus qu'ainsi. Je salue les efforts du Gouvernement pour édulcorer, voire anesthésier certains articles, mais ce texte n'est pas à la hauteur de l'enjeu et fait courir un risque. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
M. Michel Savin . - À vous entendre, certains sujets ne pourraient être débattus dans notre assemblée ! Je remercie le groupe Les Républicains d'avoir demandé l'inscription de ce texte. À force de ne pas parler de certains sujets, ...
M. Akli Mellouli. - Mais on en parle sans cesse !
M. Michel Savin. - ... la situation nous échappe et nos concitoyens reprochent aux politiques leur mutisme et leur incapacité à décider.
Sur un terrain de sport, il n'y a pas à choisir entre la religion et le sport : seul le sport a sa place. La religion relève de la sphère privée ; elle reste à la porte du vestiaire, du stade.
Beaucoup de fédérations demandent une harmonisation, un cadre juridique : certaines interdisent, d'autres autorisent, d'autres encore ne savent pas quoi faire. Le politique va-t-il se cacher derrière son petit doigt et attendre qu'un phénomène de moins en moins marginal devienne hors de contrôle ?
Je salue le travail du rapporteur et remercie le ministre. J'espère que le texte sera débattu et enrichi à l'Assemblée nationale.
Mme Oudéa-Castéra avait interdit le port de tout signe religieux aux membres de l'équipe de France. Personne ne s'y était opposé. J'espère que ce texte sera voté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport . - Quel que soit notre engagement, nous sommes tous laïcs, tous attachés à la loi de 1905 et à celle de 2004. Pourtant, dès qu'un texte réinterroge le principe de laïcité, les débats s'enflamment. Mais si on ne le réinterroge jamais, en ce début de XXIe siècle, d'autres le feront à notre place.
Avec François-Noël Buffet, alors président de la commission des lois, j'ai été rapporteur d'une mission d'information sur la laïcité à l'école. Nous avions constaté que les enseignants n'avaient plus ce principe chevillé au corps.
Ce n'est pas un hasard si nous y revenons à travers un texte sur le sport, tant celui-ci a pris une place importante dans notre société, par son effet intégrateur et parce que les jeunes prennent désormais plus pour modèles des sportifs que des savants.
Merci à Michel Savin et Stéphane Piednoir pour leur travail. Le texte a beaucoup évolué.
M. Akli Mellouli. - Heureusement !
M. Laurent Lafon, président de la commission. - Il aura fallu neuf mois pour accoucher d'un texte qui, je l'espère, poursuivra son parcours à l'Assemblée nationale. Nous comptons sur le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
À la demande du groupe Les Républicains et du GEST, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°199 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 291 |
Pour l'adoption | 210 |
Contre | 81 |
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)