Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Situation internationale (I)
M. François Patriat . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Monsieur le président, nous joignons nos voix aux propos que vous venez d'adresser à nos amis ukrainiens, que nous assurons de notre entier soutien.
Monsieur le Premier ministre, les États-Unis sont-ils encore notre allié ? Tandis que la loi du plus fort tente de s'imposer, notre continent fait face à une menace existentielle. Or l'Europe peine à exister dans la résolution de la guerre.
L'Europe que nous bâtissons depuis soixante-quinze ans est à la croisée des chemins. Jamais, depuis la fin de la guerre froide, elle n'a été à ce point mise à l'épreuve par des facteurs exogènes comme endogènes. Nous vivons la fin d'une époque, et tout ce que nous considérions comme acquis est réexaminé, révisé, voire renversé.
Hier, le président américain a affirmé que le président Zelensky aurait pu éviter la guerre. Son revirement stratégique entérine un renversement d'alliance et la mise à l'écart des Européens et des premiers concernés, les Ukrainiens. En cherchant à imposer à l'Ukraine une paix non concertée pour une guerre qu'elle n'a pas provoquée, les États-Unis renforcent la position impérialiste de Poutine.
Notre continent ne peut plus compter sur son allié américain : nous devons assurer nous-mêmes notre sécurité. Je salue les initiatives prises depuis 2017 par le Président de la République pour promouvoir le réarmement européen et créer une véritable défense européenne. Le récent sommet de Paris a marqué une étape cruciale dans ce processus. Notre protection supposera un effort inédit en faveur de la défense à l'échelle de l'Union européenne.
Face à la désunion internationale orchestrée par M. Trump et aux volontés impérialistes de M. Poutine, comment la France et l'Europe peuvent-elles incarner la défense des valeurs démocratiques et du droit ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. François Bayrou, Premier ministre . - Je me joins aux applaudissements qui ont exprimé longuement et avec ferveur l'adhésion du Sénat au soutien à l'Ukraine, si profondément agressée, physiquement et historiquement.
Il y a trois ans, la Russie de Poutine a agressé l'Ukraine de manière absolument injustifiée. Cette attaque a marqué un renversement du monde, car nous vivions depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale avec l'idée - certains diront : l'illusion - que les relations internationales seraient régies par le droit et qu'aucun grand pays ne remettrait en cause les frontières.
Poutine a été rejoint par d'autres grandes voix, dont, hélas, celle du 47e président des États-Unis, élu sur un discours que nous avons bien à l'esprit.
Nous sommes inquiets et plongés dans le désarroi. L'Ukraine semble abandonnée par l'entrée en dialogue du principal pays de l'Otan avec son agresseur pour, semble-t-il, se partager la zone.
Depuis le général de Gaulle, la France défend avec constance une ligne d'autonomie au service de l'équilibre international, dans l'idée que c'est de nous que dépendent notre liberté et notre indépendance.
Le basculement du monde que nous vivons renforce deux volontés : construire l'Europe, à peine esquissée, ce qui demandera d'importants efforts ; assumer la responsabilité de la France, la première, dans cette Europe qui se cherche. C'est de sa vitalité, de sa prospérité et de son unité que dépendent l'avenir de l'Europe, ainsi que celui de l'Ukraine, que nous aimons. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées des groupes INDEP et UC)
Situation internationale (II)
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Oui, monsieur le Premier ministre, le monde bascule. Pendant ce temps, l'Europe est en guerre, seule et divisée.
Désormais, ce que quelques-uns d'entre nous répètent depuis trois ans en prêchant dans le désert apparaît comme une évidence. Il y a quelques jours, il a suffi d'un coup de fil entre Trump et Poutine pour transformer l'Europe en paillasson et l'Ukraine en otage d'un pacte honteux.
Le prétendu maître de l'art du deal et ses copains du golf de Mar-a-Lago négocient seuls, en cédant d'emblée aux buts de guerre de l'adversaire. Les rodomontades de la paix par la force ont fait place à la pantalonnade de la paix par la reddition. Celui qui briguerait, dit-on, le prix Nobel de la paix est assuré de recevoir celui de la trahison - et de la provocation, depuis qu'il accuse Zelensky d'avoir déclenché la guerre.
À Munich, son numéro deux, le génie des Appalaches, qui a soutenu l'assaut du Capitole, a osé nous donner des leçons de démocratie. Les Européens ont répondu : rien sur l'Ukraine sans l'Ukraine ; rien sur l'Europe sans l'Europe. Belles paroles : mais comment les traduire en actes ?
Depuis des décennies, l'Europe ne cesse de repousser la construction de sa défense, malgré les exhortations françaises. En juin 2022, le Président de la République a annoncé l'entrée de la France et de l'Europe en économie de guerre : nous n'avons pas fait le moindre pas dans cette direction. Quant à la réunion d'avant-hier à l'Élysée, elle n'a pas fait l'objet d'un communiqué pour ne pas étaler les divisions...
Faute d'avoir agi, l'Europe doit en urgence réaliser des investissements massifs, utiliser les avoirs russes gelés, unir ses marchés de capitaux, sortir les dépenses militaires des critères de Maastricht.
La guerre se rapproche et nos alliés s'éloignent : quel est le plan ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, sur de nombreuses travées du RDSE et du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. François Bayrou, Premier ministre . - Au cours des dernières décennies, la France a été constamment à l'avant-garde, souvent seule, notamment dans la dernière décennie, pour défendre l'idéal d'une Europe qui s'unirait pour exister.
Nous serons seuls, oui ; mais serons-nous nous-mêmes ? L'Europe va-t-elle choisir d'exister ? To be or not to be : c'est interrogation devant laquelle elle est placée.
Le plan, il repose en partie sur la volonté politique de construire une défense qui ne dépende pas des autres, quels qu'ils soient. Vous savez tout ce que cela implique, technologiquement et numériquement.
La force de l'Europe se joue aussi sur le plan économique. On ne peut en rester à une situation aussi déséquilibrée, avec toute la croissance outre-Atlantique, grâce à un puissant soutien de la FED, et toute la stagnation chez nous, où la BCE garde une prudente réserve. Depuis longtemps, les États-Unis organisent une captation, ajoutant une puissance monétaire sans égale à une croissance soutenue technologiquement, industriellement et fiscalement.
Ces questions sont existentielles. Le moment vient, les jours approchent, les heures peut-être, où nous aurons, en citoyens responsables, à y répondre. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP et sur quelques travées du RDSE et du groupe UC)
Conséquences du dérèglement climatique sur le littoral
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Du rapport récent de la Cour des comptes sur l'aménagement du littoral méditerranéen aux articles de la presse scientifique ou générale, les alertent se multiplient sur les conséquences du dérèglement climatique sur nos 20 000 kilomètres de côtes.
Si la tendance, avec la montée des populismes, est au déni, les villes côtières subissent déjà des bouleversements : inondations, salinisation, altération d'infrastructures, recul du trait de côte, submersion de terres agricoles. Il n'est plus temps de procrastiner : demain, ce sera trop tard, et trop coûteux.
J'associe à cette question mes collègues Jean-Marc Ruel et Philippe Grosvalet, tous deux concernés : Miquelon disparaît sous les eaux et plus de 18 000 logements sont menacés en Loire-Atlantique d'ici à 2100. Le littoral méditerranéen n'est pas épargné : le parc naturel régional de Camargue pourrait perdre une surface équivalente à quatre fois Paris, et Saintes-Maries-de-la-Mer subit un recul du trait de côte de 1 à 5 mètres par an ; déjà la majeure partie de la plage a disparu au Grand Radeau.
Quels moyens comptez-vous mobiliser pour relever ces défis ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Aucune région côtière n'est épargnée par ces enjeux majeurs. Le constat est clair : en cinquante ans, près de 30 km2 de surface ont déjà disparu.
Le recul du trait de côte est un phénomène progressif et anticipable : nous devons revoir à cette aune nos politiques d'aménagement. Les élus locaux se mobilisent en ce sens, notamment dans le cadre du Comité national du trait de côte.
Je rendrai public dans quelques jours le plan national d'adaptation au changement climatique. L'adaptation de nos zones littorales est l'une de mes priorités, au même titre que l'adaptation des zones de montagne et des communes forestières. Des solutions existent, les élus y travaillent.
Le budget 2025 nous donne des moyens pour agir. Je pense en particulier au renforcement du fonds vert, dont 200 millions d'euros devraient être fléchés vers l'adaptation au changement climatique. Dans le cadre notamment du fonds Barnier, 330 millions d'euros seront alloués à la gestion des risques, soit 100 millions d'euros de plus que l'an dernier. Un financement pérenne du suivi des politiques de trait de côte sera mis en place, comme le demandent les élus locaux.
Je travaillerai à la création d'un seul dispositif pour la submersion et le trait de côte, peut-être en mobilisant des ressources fiscales locales. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Mickaël Vallet. - Et le fonds érosion ?
Demande de débat au Parlement sur l'Ukraine
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Côté russe, trois ans de guerre, de massacres, de déplacements d'enfants ; côté ukrainien, trois ans de résistance héroïque et de courage inouï derrière le président Zelensky.
Mais nous sommes à un tournant. Insidieusement : le doute s'est installé, la mobilisation s'est essoufflée et nos alertes sont restées lettre morte.
Trop longtemps, nous avons cru que les États-Unis seraient toujours de notre côté. Le ministre des affaires étrangères lui-même déclarait, le 13 novembre dernier, en réponse à une question de M. Malhuret : Donald Trump est trop avisé pour abandonner l'Ukraine en rase campagne.
Nous devons être lucides. La démocratie américaine reste notre alliée, mais l'administration Trump est désormais un adversaire.
Mme Émilienne Poumirol. - Très bien !
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - Avant même le début des négociations, le président américain semble avoir tout lâché. Comment faire respecter nos positions ? Quelle est la stratégie de la France ? Confirmez-vous l'organisation, annoncée par la porte-parole du Gouvernement à la suite de la demande des députés socialistes, d'un débat et d'un vote au Parlement le mois prochain, en application de l'article 50-1 de la Constitution ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur des travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe INDEP)
M. François Bayrou, Premier ministre . - Je vous confirme que le Gouvernement organisera un débat en vertu de l'article 50-1 de la Constitution, pour que nous examinions ensemble les données actuelles d'une situation qui était en gestation depuis des années, après les dernières prises de position de l'administration américaine.
Je fais, comme vous, la différence entre le peuple américain, notre allié, et l'administration en place, qui, au grand désarroi de beaucoup, semble s'éloigner des positions fondamentales défendues par les États-Unis depuis leur engagement dans la Seconde Guerre mondiale.
Sur le plan diplomatique, comme le ministre des affaires étrangères vous l'a régulièrement expliqué, nous entendons réunir les énergies européennes et déployer un plan commun pour notre défense.
Sur le plan intérieur, nous devons résoudre nos problèmes pour retrouver un élan sans lequel il n'y aura pas de position européenne à la hauteur de nos espérances.
De cette double nécessité, nous débattrons le mois prochain. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI, du groupe INDEP et du RDSE ; M. François Patriat, se tournant vers les membres du groupe SER, s'étonne qu'ils n'applaudissent pas.)
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - Je vous remercie pour cette réponse. Vous avez devant vous des démocrates qui feront bloc dans l'intérêt du pays. Les grands principes et les sommets ne suffisent plus : il faut cesser de subir et agir. Demain, le Président de la République et vous-même devrez convaincre la nation de consentir aux efforts nécessaires pour défendre l'Ukraine, notre sécurité et la démocratie. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur des travées du GEST ; M. Pierre Barros applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. - Très bien !
Crise démocratique et institutionnelle en France
M. Ian Brossat . - Ce matin, en commission des lois, nous avons auditionné deux candidats au Conseil constitutionnel. Ces nominations n'ont rien d'anodin, s'agissant de l'une des institutions les plus importantes de notre République, garante de la constitutionnalité des lois.
Le premier candidat, Philippe Bas, a suscité un large consensus. (Applaudissements sur l'ensemble des travées ; « bravo ! » sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains) Je le dis d'autant plus librement qu'il n'est pas issu de nos rangs - cela vient de se voir... (Sourires)
Pour le second, Richard Ferrand, le moins qu'on puisse dire est qu'il a suscité moins d'enthousiasme. (On ironise sur de nombreuses travées.) Au Sénat comme à l'Assemblée nationale, sa candidature a été rejetée par une majorité de commissaires aux lois. Elle ne doit d'échapper au couperet des trois cinquièmes qu'à une seule voix et à l'abstention complice de députés RN. (Huées à droite)
Quel est donc le deal caché, le marchandage d'arrière-cuisine, qui s'est noué avec l'extrême droite ? Je rappelle qu'une des premières audiences que Richard Ferrand pourrait présider portera sur une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité. Comme par hasard, c'est l'un des enjeux du procès pénal de Mme Le Pen.
Au regard des conditions chaotiques de cette nomination, ne pensez-vous pas qu'il serait sage que le Président de la République procède à une autre nomination, au-dessus de tout soupçon ? (Nombreux « oui ! » et « bravo ! » sur les travées des groupes CRCE-K et SER, du GEST et du groupe Les Républicains ; applaudissements particulièrement nourris sur les mêmes travées ; MM. Marc Laménie et Philippe Grosvalet applaudissent également.)
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement . - L'espace d'un instant, j'ai cru que ces applaudissements m'étaient destinés... (Nombreuses marques d'ironie)
M. Hussein Bourgi. - C'était pour Philippe Bas ! (Sourires)
M. Patrick Mignola, ministre délégué. - Je salue à mon tour la désignation du sénateur Bas.
Monsieur Brossat, nous pouvons converger sur au moins un point : l'importance du Conseil constitutionnel. (Exclamations ironiques sur de nombreuses travées)
M. Jérôme Durain. - Ça ne mange pas de pain...
M. Olivier Paccaud. - Et sa crédibilité, donc son indépendance !
M. Patrick Mignola, ministre délégué. - Je vous sais attachés au respect de la règle. En l'occurrence, les candidatures proposées sont entérinées en l'absence d'une majorité de trois cinquièmes des votants pour s'y opposer. Je ne doute pas que, en défenseurs des institutions, vous respectiez cette règle de désignation. (Protestations à gauche et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman et M. Mickaël Vallet s'indignent.)
M. Hussein Bourgi. - Aucune légitimité !
M. Yannick Jadot. - C'est de l'arrogance !
M. Patrick Mignola, ministre délégué. - Je ne doute pas non plus que, demain, le Conseil constitutionnel saura, à vos côtés, faire respecter toutes les règles de nos institutions. (Huées sur des travées du groupe Les Républicains, du GEST et des groupes SER et CRCE-K ; applaudissements sur des travées du groupe UC et du RDPI)
Défense européenne
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La sécurité de l'Europe est à un tournant, a déclaré la présidente de la Commission européenne à la suite de la conférence de Munich, dimanche dernier. Munich, tout un symbole et un électrochoc pour l'Europe : nous avons enfin compris que le monde d'après 1945 n'était plus.
Les États-Unis ne veulent plus assurer la sécurité de l'Europe, qui se retrouve livrée à elle-même. Or l'addition de nos armées nationales ne constitue pas un ensemble homogène ni suffisant face à un envahisseur qui a déjà franchi les frontières de l'Ukraine. Nous ne sommes pas structurés pour l'économie de guerre.
Deux voies s'offrent à nous : continuer à nous diviser et disparaître ou nous doter d'une vraie armée européenne pour garantir notre paix. Rêve des pères fondateurs, la défense commune s'est toujours heurtée aux vétos nationaux : celui de la France en 1954 puis, après 1989, ceux des pays de l'Est, qui préféraient le parapluie américain.
À cause de Donald Trump, les choses pourraient avoir changé. Si la sécurité de l'Europe est vraiment à un tournant, sur quels moyens industriels, humains et budgétaires pouvons-nous compter ? Pouvons-nous désormais croire à une défense européenne ? Votre réponse est attendue par nous tous, mais aussi nos collègues de la Rada d'Ukraine, que les dernières déclarations américaines ont plongés dans une sidération et une inquiétude immenses. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Émilienne Poumirol et M. Didier Marie applaudissent également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Monsieur le président, je me joins aux félicitations que vous avez adressées à Nadia Sollogoub, qui oeuvre sans relâche à cultiver les liens entre la France et l'Ukraine.
L'Europe est face à une menace existentielle. Il y a dix ans, quand la Russie a lancé sa première guerre, contre le Donbass et la Crimée, nous avons sans doute fait preuve de faiblesse en acceptant un cessez-le-feu fragile que la Russie a violé par vingt fois.
Les États-Unis ont décidé de laisser l'Europe assumer seule la charge de sa défense. Les Ukrainiens sont les sentinelles de l'Europe : ils tiennent notre première ligne de défense.
La France a heureusement pris un peu d'avance, grâce aux lois de programmation militaire, qui ont été respectées. Dans quelques années, nous aurons doublé les moyens consacrés à notre défense.
Mais, au niveau européen, certains de nos partenaires sont en retard. Le Président de la République a appelé à un réveil européen et exigé de la Commission européenne qu'elle relâche certaines des contraintes budgétaires qui limitent la capacité des États à faire les efforts nécessaires.
Rien ne sera possible sans un réveil des peuples et de leurs représentants. Je vous invite à vous saisir pleinement du débat que le Premier ministre a annoncé pour le mois prochain, car nous avons besoin d'un réarmement moral qui entraîne toute la nation. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et du RDPI)
Démission du SGPE
M. Jacques Fernique . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le Gouvernement a-t-il une volonté commune pour l'écologie ? La démission d'Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique (SGPE), marque le recul de votre volonté de porter une planification écologique ambitieuse.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes chargé de la planification écologique : mais nul ne voit plus guère la dynamique politique de la mission... C'est le backlash - le retour du bâton - pour l'écologie. Il y a trois ans, l'ambition était bien affichée, avec les slogans « France, nation verte » et « agir, mobiliser, accélérer ».
« Agir », mais comment, alors que les moyens sont sacrifiés dans le budget ?
« Mobiliser », mais comment, alors que la démarche n'est plus incarnée ? Et quand on laisse monter les velléités de saborder l'Ademe, l'Office français de la biodiversité (OFB), l'Agence bio, le ZAN (protestations sur les travées du groupe Les Républicains) et qu'on dépénalise les destructions environnementales ?
« Accélérer », mais comment, quand on décrète la pause environnementale et qu'on freine sur le Pacte vert européen ?
Quand cessera cette chronique d'un naufrage annoncé ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Je me félicite que vous vous inquiétiez du départ du SGPE, car vous étiez plus que dubitatif en 2022, à la création de cette fonction...
M. Yannick Jadot. - Bien sûr, c'est de la faute des écolos !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - ... rattachée directement à la Première ministre, Élisabeth Borne - une première en Europe. Merci de votre témoignage tardif, mais vibrant, qui prouve le succès du SGPE et de nos politiques.
Je vais vous rassurer : le SGPE continuera à travailler. Il a permis d'élaborer de solides trajectoires de décarbonation, secteur par secteur, région par région. Avec des résultats : depuis sa création, nous avons réduit nos émissions de gaz à effet de serre de plus de 10 %, soit deux fois plus que ce qui a été fait sous le quinquennat 2012-2017. (Marques de désapprobation sur les travées du GEST)
Début mars, je publierai le programme national d'adaptation au changement climatique. Nous avons voté un budget inédit.
M. Yannick Jadot. - Très inédit...
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Dans les prochains mois, avec mes collègues ministres, nous élaborerons la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
Vous avez raison : des vents mauvais soufflent sur l'écologie. Sachez choisir les bons combats. (M. François Patriat applaudit.)
M. Jacques Fernique. - Puisque vous le dites, tout va très bien madame la ministre ; on déplore juste un tout petit rien... Faisons semblant que tout se planifie au mieux. La suite de cette chronique, ce sera quoi ? Une nouvelle démission ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Hervé Gillé et Pierre Barros applaudissent également.)
Mode de scrutin pour les municipales à Paris, Lyon et Marseille
M. Mathieu Darnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.) Paris, Lyon et Marseille, les trois principales villes de France, ont un mode de scrutin spécifique depuis près de quarante ans. S'il faut y réfléchir, la précipitation du Gouvernement nous interroge.
Vous avez choisi d'inscrire une proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Or, en vertu de l'article 24 de la Constitution, le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales : il aurait donc été bienvenu que nous en débattions en premier lieu. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE-K, du GEST et sur quelques travées du RDSE) En outre, un tel sujet aurait mérité une étude d'impact.
Mme Cécile Cukierman. - Oui !
M. Mathieu Darnaud. - Enfin, est-il bien sage de modifier le mode de scrutin moins d'un an avant les élections ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE-K et du GEST)
M. François Bayrou, Premier ministre . - J'ai dit que le Parlement, avec moi, retrouverait toute son initiative, sans que jamais je ne le force. (On ironise à gauche.)
Voilà des années, des décennies même, que nous discutons du mode de scrutin de Paris, Lyon et Marseille et que nombre d'élus demandent qu'il soit revu. (M. Stéphane Ravier proteste.) Je me souviens des remarques de Philippe Séguin - je vois que certains membres du groupe que vous présidez acquiescent... (On s'en défend à droite.) Je me souviens aussi de la proposition de loi de Jean-Claude Gaudin.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il y a un siècle !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Je constate aussi que Lyon a moins d'habitants que Toulouse.
Il n'est pas question d'amoindrir le rôle des arrondissements.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est faux !
Mme Colombe Brossel. - Mensonge !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Il n'est pas normal qu'on ne puisse pas choisir le maire d'arrondissement indépendamment du maire de la ville.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est déjà le cas.
M. François Bayrou, Premier ministre. - L'électeur doit pouvoir choisir l'un et l'autre. Ainsi, à Paris, on peut avoir des préférences multiples... (Mme Cécile Cukierman et M. Ian Brossat protestent.) C'est le seul objet du texte : rendre aux citoyens le droit de choisir leurs élus, arrondissement par arrondissement, commune par commune.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est déjà le cas.
Mme Colombe Brossel. - Vous allez tuer les arrondissements !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Nous en discuterons lors de l'examen du texte. Le Parlement sera souverain ; nous n'avancerons pas sans un accord de l'Assemblée nationale et du Sénat. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe UC)
M. Mathieu Darnaud. - Vous trouverez toujours des collègues qui acquiescent aux noms de Gaudin et Séguin. (Sourires) Un tel texte doit répondre aux aspirations des Parisiens, des Lyonnais et des Marseillais. Prenons le temps d'expertiser un texte aussi important pour notre démocratie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE-K, du GEST et sur quelques travées du groupe UC)
Soutien à l'Ukraine
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En ces journées historiques, nous assistons à l'effondrement de l'architecture de sécurité en place depuis la fin de la guerre froide. Les générations précédentes ont consenti des efforts énormes pour recouvrer notre souveraineté. Nous le devons au général de Gaulle, qui voulait un socle de puissance militaire, reposant sur l'arme atomique. Mais en nous abandonnant aux doux dividendes de la paix, nous avons oublié les dures leçons de l'histoire.
Les masques sont tombés : Russes et Américains veulent décider du sort de l'Europe sans les Européens, désemparés devant la fuite en avant brutale et inconsidérée de l'allié américain.
Qu'allez-vous dire à nos voisins européens pour nous opposer à l'appétit américain et à la voracité russe ? Que comptez-vous dire aux Français pour appeler à l'indispensable sursaut ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Vous avez raison : nous avons longtemps vécu dans l'insouciance. En 1955, les dépenses militaires représentaient 6 % du PIB, contre 2 % aujourd'hui - c'est insuffisant.
Or la guerre est proche de nous. En Ukraine, nous avons constaté ensemble ses ravages : dans les corps mutilés des soldats, dans les esprits des enfants déportés... Nous sommes revenus avec la conviction que le soutien de la France avait été décisif, que la menace est proche et grave et qu'un sursaut est indispensable.
« Il y a un pacte deux fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde », disait le général de Gaulle. La France peut montrer la voie. Face à ces empires qui se réveillent, nous devons résister, pour ne pas laisser la Russie et ceux que vous avez cités détruire tout ce que nous avons bâti depuis la Seconde Guerre mondiale.
Grâce au débat voulu par le Premier ministre, le peuple français, au travers de ses représentants, pourra s'approprier ces sujets. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
M. Cédric Perrin. - J'étais présent avec vous sur le front en Ukraine : cela a marqué ma vie - comme la vôtre. Mais ce qui se joue dépasse le sort de la malheureuse Ukraine. Nos choix collectifs engagent l'avenir de nos enfants. (M. François Bayrou acquiesce.) Ne laissons pas l'histoire se faire sans nous, et surtout contre nous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
Réforme des retraites
Mme Monique Lubin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le Premier ministre, dans quelques heures, la Cour des comptes vous remettra son diagnostic sur la situation des comptes de notre système de retraites - même si le Conseil d'orientation des retraites (COR) aurait très bien pu le faire...
Dans votre déclaration de politique générale, vous étiez revenu sur votre théorie du prétendu déficit caché - que ne reprennent ni le COR ni la plupart des économistes. Interrogé par notre président de groupe, vous n'aviez pas répondu. En confiant cette mission à la Cour des comptes, espériez-vous la reprise de cette théorie et que les travaux des partenaires sociaux partiraient de ce constat fallacieux ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Le Premier ministre a fixé trois temps : celui de l'expertise de la Cour des comptes, d'abord ; celui de la négociation sociale entre les partenaires sociaux, ensuite ; le temps politique, enfin, puisqu'un débat se tiendra dans chacune des assemblées.
Le constat dressé par la Cour des comptes devra nous permettre de mesurer l'effort consenti par la nation pour financer nos retraites, privées comme publiques. Ensuite, seront dessinées les différentes pistes, en fonction des hypothèses de croissance et de productivité, notamment.
Réjouissons-nous que les partenaires sociaux se saisissent du sujet pour corriger la trajectoire financière, ainsi que certaines injustices.
Mme Monique Lubin. - On ne nous répond toujours pas sur ce fameux déficit caché... Nous voulons d'abord que cette notion fallacieuse et trompeuse disparaisse définitivement du débat, car elle remettrait en cause le financement de la retraite des fonctionnaires. Ensuite, nous souhaitons que les partenaires sociaux travaillent dans un climat serein. Enfin, une fois que les partenaires sociaux auront travaillé, un débat devra se tenir devant le Parlement. (Applaudissements à gauche)
Situation de la viticulture
Mme Florence Lassarade . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La loi Égalim vise à garantir une meilleure rémunération des viticulteurs, en imposant des prix qui reflètent les coûts de production et en instaurant des indicateurs de prix pour encadrer les négociations.
Dans le secteur viticole, son application se heurte à plusieurs obstacles : absence d'indicateurs de prix spécifiques aux vins, tensions commerciales liées à la renégociation obligatoire des contrats, manque de transparence sur les marges, etc. Sans oublier les incertitudes économiques liées à la réélection de Donald Trump, pour le vin français et le cognac - Daniel Laurent et Corinne Imbert, sénateurs de Charente-Maritime, partagent mes préoccupations.
Les viticulteurs envisagent de créer une organisation de producteurs pour mieux structurer la filière et renforcer leur poids dans les négociations. Mais cette initiative appelle des adaptations réglementaires.
Comment appliquer plus efficacement la loi Égalim dans le secteur viticole ? Allez-vous aider les viticulteurs à créer une organisation de producteurs ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - La filière vitivinicole est soumise aux dispositions de la loi Égalim et souhaite le rester.
Je connais les difficultés de la filière, qui tiennent d'abord au premier acheteur : le négociant, qui ne contractualise pas toujours et qui n'est pas soumis à la loi Égalim. En outre, le vin étant stockable, les écarts de prix d'une année sur l'autre peuvent être importants.
Pour y remédier, je prépare avec Véronique Louwagie une nouvelle loi Égalim. Nous travaillons sur l'amont - au travers notamment des organisations de producteurs - , mais aussi sur les indicateurs, qui sont trop nombreux et trop hiérarchisés. Je salue le travail d'Anne-Catherine Loisier et Daniel Gremillet, qui nous sert de base de travail.
Nous agissons aussi au niveau européen, dans le cadre de la révision du règlement portant organisation commune des marchés. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Mme Florence Lassarade. - Les viticulteurs girondins vous attendent sur le terrain, tout comme ceux des Côtes-du-Rhône ou du Languedoc. Il faut mette en oeuvre la loi Égalim. Du concret ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Bouclier tarifaire sur l'eau
M. Yves Bleunven . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Nadège Havet applaudit également.) Nouvelle mauvaise surprise pour les industriels : leur facture d'eau. Les industriels de l'agroalimentaire sont particulièrement concernés : les coûts augmentent de 250 % !
Dans le bassin Loire-Bretagne, une entreprise d'abattage a vu sa redevance passer de 7 000 à 200 000 euros, sans compter l'augmentation intrinsèque du tarif de l'eau.
Si certaines augmentations ont été décidées dans les collèges des agences de l'eau, d'autres suscitent l'incompréhension. Certains acteurs bénéficiaient d'une assiette plafonnée de 6 000 m3 par an, mais les services de l'État ont supprimé ce plafond. Il est inconcevable que cette mesure soit prise sans concertation ni étude d'impact.
Compte tenu de leur manque criant de compétitivité, les entreprises françaises ne pourront absorber une hausse si brutale, alors qu'elles doivent financer les investissements nécessaires au recyclage de l'eau - la fameuse Reut (réutilisation des eaux usées traitées) - et font face à des prix de revient élevés.
Un bouclier tarifaire sera-t-il mis en place en urgence ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Nadège Havet applaudit également.)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Vous m'alertez sur les effets cumulés de la réforme des redevances des agences de l'eau et des tarifs votés par les agences pour financer le plan Eau. Leur objectif : inciter à la sobriété des usages, optimiser les ressources, préserver la qualité. La réforme, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, crée trois nouvelles redevances sur la consommation d'eau potable, la performance des réseaux d'eau et la performance de l'assainissement collectif.
Le but : équilibrer la contribution des différentes catégories d'usagers, renforcer le signal prix et améliorer la lisibilité de la fiscalité.
L'effort demandé aux usagers est important, à l'heure d'une raréfaction de la ressource. Il se répartit sur 8 000 entreprises, que nous accompagnerons de manière ciblée. Pour certaines d'entre elles, l'impact est considérable ; nous travaillons à un bouclier, en lien avec les agences de l'eau.
Vous nous alertez sur la situation particulière de la filière agroalimentaire : le plan de sobriété hydrique adopté en février 2024 constitue notre boussole. Le Gouvernement accompagnera ces entreprises. (M. François Patriat applaudit.)
Fonds territorial climat
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vous le savez, depuis que je suis dans cet hémicycle, j'essaie de rendre la fiscalité plus lisible, d'adapter notre société et notre économie au changement climatique et de rendre l'action publique plus efficiente, donc plus simple.
Dès 2017, je plaidais, dans mon tout premier amendement, pour l'attribution d'une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux collectivités territoriales.
L'année dernière, comme rapporteure spéciale, j'ai porté la création d'un fonds climat territorial pour simplifier le financement des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET).
En 2025, nous avons récidivé. La mesure a survécu à la CMP : elle implique la création d'un fonds climat territorial de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) dans le programme 380. Sa création n'a aucune conséquence sur le solde de la mission.
Ma question est simple : quand allez-vous créer ce fonds de 200 millions d'euros ? J'entends dire que les textes réglementaires seront publiés d'ici à la fin du mois... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Les sénateurs ont très bien travaillé, de manière transpartisane. En 2025, une enveloppe budgétaire est consacrée au financement des PCAET. Le principe est le suivant : si les intercommunalités ont déjà travaillé, elles n'auront pas à justifier à nouveau leurs projets.
M. Jean-François Husson. - On le sait.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Je vous remercie de votre travail en tant que rapporteure spéciale. Comme je m'y étais engagée au banc, pour la première fois en 2025, une enveloppe de crédits de l'État sera spécifiquement dévolue à ce fonds.
Mme Christine Lavarde. - Combien ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Vous serez un peu déçue, c'est 100 millions d'euros sur le programme 380, qui porte le fonds vert (Mme Christine Lavarde manifeste son agacement) ; ils seront répartis entre les intercommunalités ayant suivi un PCAET, sans qu'elles n'aient à redéposer un dossier en préfecture. L'attribution se fait de manière directe. C'est un pacte de confiance avec les collectivités territoriales. Si cette enveloppe de 100 millions d'euros n'est pas exclusive de l'accès à d'autres financements, elle constitue un accélérateur.
Quelque 1 300 projets de PCAET ont bénéficié de crédits du fonds vert en 2024. Ses moyens ont été recentrés en 2025, avec 1,15 milliard d'euros, contre 1,6 milliard l'année dernière.
M. Jean-François Husson. - Autant de millions gagnés !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Vous pouvez compter sur moi pour préserver cette enveloppe de 100 millions d'euros.
Mme Christine Lavarde. - Vous m'avez dit tout ce que je savais déjà et n'avez absolument pas répondu à ma question... (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du GEST) La CMP s'est prononcée : le Parlement a voté 200 millions d'euros ! Voilà qui interroge ce que nous faisons ici. (Marques d'approbation) Nous avions même voté 250 millions d'euros pour les fonds climat territorial dans le PLF pour 2024.
M. Jean-François Husson. - Il ne s'est rien passé.
Mme Christine Lavarde. - Voilà deux fois que le Parlement vote de manière souveraine, et deux fois que le Gouvernement fait l'inverse. Le fonds vert était pourtant fait pour créer de la confiance avec les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du GEST, du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K)
Revenu des agriculteurs
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'année 2025 est marquée par un moment parlementaire agricole intense : proposition de loi levant les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, proposition de loi Démocratie agricole, projet de loi d'orientation agricole.
On a compris que c'était votre laissez-passer pour le Salon de l'agriculture. Cela dit, une loi doit répondre à un intérêt général et non à un événement particulier... (M. Laurent Duplomb proteste.) Mais l'objectif d'une loi d'orientation, c'est bien de définir des perspectives.
Vous avez mal compris la mobilisation du printemps 2024. Les paysans malmenés par la guerre des prix sont cantonnés au rôle de perdants. Ils souhaitent vivre dignement de leur travail. Qu'est-ce qui, dans votre texte, apportera du revenu aux agriculteurs ?
Vous vous êtes servie de la frustration des paysans pour servir les intérêts des agro-industriels. En cédant à ces lobbies, vous allez à l'encontre des revendications des agriculteurs.
Quand allez-vous mettre en place des mesures pour que les agriculteurs puissent vivre dignement de leur travail ?
Allez-vous modifier le plan stratégique national (PSN) pour mieux répartir les aides de la PAC ? Que proposez-vous pour que les agriculteurs aient un revenu décent ? Et, entre nous, madame la ministre, souhaitez-vous vraiment un nouveau modèle agricole ? (« Bravo ! » et applaudissements nourris à gauche)
Mme Laurence Rossignol. - Jean-Claude Tissot ministre de l'agriculture !
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - La CMP sur le projet de loi d'orientation agricole a été conclusive. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Ce texte a été examiné il y a plusieurs mois à l'Assemblée nationale : c'est un engagement que j'honore, non une occasion que j'ai saisie pour m'en servir de blanc-seing en vue du Salon de l'agriculture. C'est la continuité du travail parlementaire (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)
Vous caricaturez : le texte n'est pas celui des lobbies... (Protestations à gauche) La fonction première des agriculteurs, la plus noble et la plus essentielle qui soit, est de nourrir la population. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Je renie le terme de productivisme, je pense qu'il faut réhabiliter la notion de production : nos agriculteurs travaillent dur pour nous nourrir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)
L'activisme parlementaire dont vous me tenez rigueur, je m'en félicite : plus on débat de l'agriculture, plus elle est au centre de l'actualité, tant mieux.
M. Laurent Duplomb. - Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre. - Les revenus des agriculteurs, ce sont trois choses : un demi-milliard d'allègements de charges ; l'accès aux moyens de production - la terre, l'eau (Mme Laurence Rossignol ironise) ; des prix rémunérateurs, c'est ce que nous ferons avec Véronique Louwagie via la loi Égalim. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Daniel Chasseing et Bernard Buis applaudissent également.)
M. Jean-Claude Tissot. - Vous avez tout fait pour que la CMP soit conclusive hier, au forceps !
Mme Annie Genevard, ministre. - Bien sûr !
M. Jean-Claude Tissot. - Nous avons travaillé n'importe comment, avec des textes arrivant sur la table au dernier moment.
Oui, la mission première d'un paysan est de nourrir les gens - ça a été mon métier pendant trente ans - et non de les empoisonner. (Applaudissements à gauche)
Commerce en ligne de produits textiles
Mme Sylvie Valente Le Hir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot et Mme Annick Billon applaudissent également.) Le commerce en ligne connaît de profonds bouleversements, après l'apparition d'enseignes asiatiques - Shein, Temu. Ces dernières se sont imposées aux yeux des Français. Le poids de ces acteurs est de plus en visible : ils représentent 22 % des colis traités selon La Poste.
Nombreux sont les professionnels du secteur textile en grande difficulté : ils demandent une régulation. Avec 50 000 salariés contre 600 000 dans les années 1990, nous assistons à une hécatombe : désertification de nos centres-villes, pertes de savoir-faire, conséquences sociales et environnementales. Les filières de seconde main sont submergées par des vêtements de mauvaise qualité, non recyclables. Des plateformes dites sociales rendent des consommateurs addicts, surtout les jeunes.
Je suis rapporteure d'une proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile. Il est plus que temps de passer aux actes. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)
Au Sénat, nous sommes prêts, malgré le retrait de cette proposition de loi de l'ordre du jour du 26 mars. Quelle est votre position ? Soutenez-vous cette démarche ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe SER et du GEST)
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . - La proposition de loi Fast fashion n'a pas été retirée : son examen par le Sénat est décalé.
L'objectif est clair : avec Agnès Pannier-Runacher, nous travaillons à rendre cette proposition de loi plus robuste, pour éviter les effets de bord. Nous nous assurons que ce texte cible bien toutes les plateformes, sans créer d'échappatoires.
Nous devons en effet prendre en compte les profonds bouleversements du e-commerce. Nous devons relever des défis en matière environnementale, sociale et économique. Ces entreprises ont capté une grande part du marché, avec plus de 7 000 nouveaux modèles par jour. Les prix sont très bas, mettant en difficulté nos entreprises et nos emplois et créant de nombreux problèmes en matière de recyclage.
M. Yannick Jadot. - Castaner !
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. - Nous sommes prêts à agir. Le Gouvernement a une position claire : nous défendons des règles plus strictes en matière d'affichage environnemental, d'écoconception des produits et de gestion des déchets. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Dépistage de l'amyotrophie spinale
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 28 février prochain aura lieu la journée mondiale des maladies rares. Nous souhaitons attirer votre attention sur un enjeu majeur : le dépistage de l'amyotrophie spinale. Première cause de mortalité infantile en France, il s'agit d'une maladie neuromusculaire rare, entraînant souvent un décès avant l'âge de 2 ans.
Pourtant, des avancées permettent de stopper la maladie et un dépistage néonatal simple existe, à partir d'une goutte de sang. Plusieurs pays européens pratiquent ce test systématique, expérimenté en Nouvelle-Aquitaine et dans la région Grand Est.
La Haute Autorité de santé (HAS) a rendu un avis en juillet dernier : elle préconise sa généralisation avant le 30e jour de vie pour un traitement précoce. Mais huit mois après, aucune décision n'a été prise, alors que des nourrissons continuent de mourir faute de dépistage.
Pour la première fois en vingt ans, le taux de mortalité infantile en France est désormais supérieur à 4 pour 1 000, faisant passer la France de la troisième à la vingtième place parmi les pays européens.
Selon quel calendrier ce dépistage sera-t-il organisé pour que chaque enfant ait les meilleures chances de survie et de développement ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Les maladies rares touchent 3 millions de Français. Nous avons des dépistages pour 13 maladies néonatales. Trois nouvelles maladies sont apparues, qui feront l'objet de dépistages rapides pour lutter contre la mortalité infantile. Nous l'annoncerons la semaine prochaine. L'amyotrophie spinale concerne 120 ou 130 enfants par an ; ils seront dépistés et pourront bénéficier d'une thérapie génique.
Le PLFSS a été adopté lundi. Nous avons travaillé avec Amélie de Montchalin pour définir les moyens nécessaires à ces actes de prévention qui sauveront des vies, éviteront des pathologies lourdes et coûteront moins cher, à terme, à notre système de santé. Nous allons déployer ce dépistage le plus vite possible. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
La séance est suspendue à 16 h 25.
Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président
La séance reprend à 16 h 35.