SÉANCE
du jeudi 20 février 2025
60e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Patricia Schillinger.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mariage en France et résidence irrégulière sur le territoire
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l'un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire, présentée par M. Stéphane Demilly et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.
Discussion générale
M. Stéphane Demilly, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Cette proposition de loi est simple, car elle relève du bon sens ; univoque, car elle clarifie la loi ; laconique, car elle tient en une seule phrase. Le chemin parlementaire et juridique l'est moins - et je remercie le rapporteur de sa disponibilité.
Elle vise à ce que le mariage ne soit autorisé qu'aux personnes séjournant de manière régulière sur notre territoire.
Mme Valérie Boyer. - Bravo !
M. Stéphane Demilly. - Cela m'apparaît logique et légitime. Les élus, les citoyens sont stupéfaits en découvrant cette incohérence : comment il est possible de marier une personne en situation irrégulière ? Est-il concevable de lire les articles du code civil, dans la maison commune, à quelqu'un qui n'a pas le droit d'être là ?
Pourtant, notre droit, en l'état, ne permet pas de s'opposer au mariage d'une personne en situation irrégulière,...
M. Thomas Dossus. - Heureusement !
M. Stéphane Demilly. - ... même faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Nous sommes beaucoup ici à avoir été maires ; certains ont été confrontés à cette situation.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Eh oui !
M. Stéphane Demilly. - Nous avons entendu le maire d'Hautmont, Stéphane Wilmotte, qui a refusé de célébrer le mariage d'un individu sous OQTF, ancien président d'une mosquée fermée pour discours haineux et apologie du djihad armé.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - C'est le summum...
M. Stéphane Demilly. - Il a reçu des menaces de mort, son domicile a dû être protégé. Et, monde à l'envers, l'individu sous OQTF a porté plainte contre lui ! Heureusement, la justice a tranché en sa faveur.
Comment laisser les maires risquer un procès alors qu'ils agissent pour le bien du territoire ? Au Sénat de répondre à ces questions.
La législation actuelle contre les mariages de complaisance place les officiers d'état civil dans des situations ubuesques.
Le maire doit rechercher une « présomption de fraude » ou examiner la « sincérité de l'union » - bref, se transformer en inspecteur Columbo ! Ce n'est pas son rôle, d'autant que les conclusions de ces investigations varient d'une mairie à une autre. Il n'y a pas d'égalité de traitement - d'où une inégalité devant la loi, en contradiction avec l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Ma proposition de loi vise à clarifier le droit pour protéger les élus. Ce n'est pas une remise en cause de nos droits fondamentaux, ni un texte teinté de ressentiment envers les étrangers, ni un texte populiste...
M. Fabien Gay. - Mais non !
M. Stéphane Demilly. - ... surfant sur l'actualité politico-juridique d'un édile de l'Hérault - je l'ai déposé en 2023, à la suite de l'affaire Wilmotte.
J'anticipe les préoccupations légitimes quant au respect des libertés individuelles.
M. Thomas Dossus. - Ah ?
M. Stéphane Demilly. - Je n'ignore pas la jurisprudence du 20 novembre 2003 du Conseil constitutionnel qui a estimé qu'une telle mesure constituerait une atteinte disproportionnée au droit fondamental du mariage. Mais, vingt ans après, le contexte a drastiquement changé.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Absolument.
M. Stéphane Demilly. - Entre 2003 et 2023, le nombre d'OQTF prononcées chaque année est passé de 20 000 à 130 000, soit six fois plus !
Le Conseil constitutionnel s'était fondé sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui consacrent la liberté personnelle - mais précisent que celle-ci a des bornes, qui « ne peuvent être déterminées que par la loi ».
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Très bien !
M. Stéphane Demilly. - Je vous propose donc de faire bouger le curseur de ces bornes, puisque c'est nous qui faisons la loi.
Quant à l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, il consacre « le droit de se marier et de fonder une famille », mais précise bien : « selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit. » C'est notre prérogative que de faire évoluer les lois. Pour la Cour européenne des droits de l'homme, les États jouissent d'une « ample marge d'appréciation » dans les restrictions qu'ils peuvent appliquer au droit au mariage, quand ils protègent les intérêts de la société. Ainsi le Danemark, membre de l'Union européenne, impose depuis 2002 la détention d'un titre de séjour valide pour se marier. Je propose la même mesure. (« Bravo ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Idem en Suisse, depuis 2011. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio approuve.)
Le mariage est une institution protégée par la loi, mais rien n'interdit de la faire évoluer, pour éviter son contournement.
J'appelle à un examen approfondi des amendements.
« Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement », dit Boileau. Il s'agit ici de prévenir les abus et de protéger les maires. Montesquieu disait que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires (M. Thomas Dossus ironise) : cette proposition de loi est utile et renforce les lois de notre République. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Hasard du calendrier, l'objet de cette proposition de loi trouve un écho dans l'actualité judiciaire et médiatique. Rappelons toutefois qu'avant le maire de Béziers, assigné en justice pour avoir refusé de célébrer le mariage d'un individu sous OQTF, il y a eu le cas du maire d'Hautmont.
Quoi qu'il en soit, la position de la commission est fondée sur une analyse juridique approfondie, non sur l'émotion.
En l'état du droit, la liberté de mariage est consacrée par quatre décisions constitutionnelles et par les traités internationaux, sans être pour autant absolue. Seul le législateur peut y apporter des limites, dit le Conseil constitutionnel : nous sommes dans notre rôle. Les rares restrictions prévues par notre législation concernent uniquement les mineurs, la polygamie, la consanguinité et l'absence de consentement. C'est sur le motif du vice de consentement que le ministère public peut s'opposer aux mariages simulés ou arrangés. Si le maire estime qu'il existe « des indices sérieux laissant présumer » un mariage blanc ou gris, il saisit le procureur, qui peut soit laisser procéder au mariage, soit s'y opposer, soit y surseoir, le temps de l'enquête, pour un mois, renouvelable une fois.
Bien que ces dispositions constituent une entrave à la liberté du mariage, le Conseil constitutionnel les a considérées comme conformes à la Constitution, réfutant l'existence d'un « droit de contracter mariage à des fins étrangères à l'union matrimoniale ».
Les bornes à la liberté du mariage sont donc dissociées de la régularité du séjour. Selon la décision du Conseil constitutionnel de 2003, le caractère irrégulier du séjour d'un étranger ne saurait faire obstacle par lui-même à son mariage. L'officier d'état civil ne peut pas demander une pièce justifiant de la régularité du séjour, et le code pénal prévoit qu'un maire qui s'opposerait à la célébration d'un mariage est passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement, de 75 000 euros d'amende et d'une peine complémentaire d'inéligibilité - peines qu'encourent actuellement les maires de Béziers et Hautmont.
Afin d'éviter les polémiques stériles de la part des opposants au texte (M. Jean-Claude Tissot proteste), l'incompatibilité du dispositif initial au regard de la jurisprudence constitutionnelle a été formalisée dans le rapport de la commission des lois, adopté à l'unanimité. Le débat ne porte donc pas sur une éventuelle marge d'interprétation que laisserait le Conseil constitutionnel sur le dispositif initial du texte.
Notre position s'est construite en deux temps. En premier lieu, consciente du caractère lacunaire du texte, la commission l'a rejeté à l'unanimité - pour des raisons différentes selon les groupes. Pourtant, la majorité des commissaires partagent les objectifs du texte : protéger les maires et renforcer la lutte contre les mariages simulés ou arrangés, qui sont, n'en déplaise à certaines associations auditionnées, une réalité.
En second lieu, nous avons déposé des amendements visant à concilier les exigences du Conseil et les objectifs portés par la proposition de loi. Travaillés en bonne intelligence avec le ministère de la justice, ces trois amendements sont détachables du dispositif initial.
La situation des maires d'Hautmont et Béziers interpelle, tout comme le peu de marge laissée au législateur par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le mariage est une institution à protéger de tout dévoiement, et la liberté matrimoniale ne doit pas être confondue avec un passe-droit. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du RDPI) Certains textes nécessitent des démonstrations juridiques fines, d'autres relèvent de l'évidence - ainsi de la proposition de loi de Stéphane Demilly, qui répond à une incohérence criante : comment peut-on permettre à une personne en situation irrégulière d'accéder à une institution aussi symbolique que le mariage, qui ouvre des droits durables ?
M. Thomas Dossus. - Et l'amour ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Par définition, l'intéressé n'a pas vocation à demeurer durablement en France.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il est en attente.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Or le mariage implique une forme de pérennité. Cette contradiction fragilise l'autorité de l'État et nourrit l'incompréhension. Les maires, premiers garants de la légalité des actes civils, sont en première ligne d'un front qu'ils n'ont pas choisi.
Le mariage n'est pas une simple déclaration d'amour : il n'est pas nécessaire d'être amoureux pour se marier, ni de se marier pour être amoureux. (Sourires)
M. Patrick Kanner. - C'est bien vrai !
M. Jean-Claude Tissot. - Mais ça dure plus longtemps !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Le mariage oblige à une communauté de vie, au secours, à l'assistance, à l'éducation des enfants - maire comme vous, j'ai souvent lu à des mariés ces articles du code civil. Comment s'engager à la communauté de vie, au secours, à l'assistance, à l'éducation des enfants, quand on doit être expulsé ?
« Mariage d'amour, mariage d'argent / J'ai vu se marier toutes sortes de gens », chantait Brassens. Les maires sont témoins de tentatives d'instrumentalisation, de situations de fraude, criante ou larvée. Même en cas d'OQTF, ils sont contraints de célébrer un mariage ouvrant la voie à une régularisation, qui fera obstacle à l'État de droit !
Ce n'est pas un hasard si cette proposition de loi émane d'un sénateur. Le Gouvernement ne peut être sourd à la volonté du Sénat, porte-parole des maires ; la société ne peut être sourde au cri d'alarme du maire d'Hautmont, quand l'État avait fermé la mosquée et prononcé une OQTF à l'encontre de l'imam !
Protéger les maires, leur donner les moyens d'agir face aux abus, restaurer l'autorité de l'État et de nos lois, remettre du bon sens dans notre droit, voilà les objectifs du sénateur Demilly.
À ceux qui objectent qu'il s'agit d'une atteinte aux libertés fondamentales, je réponds qu'en République, les droits s'acquièrent dans le respect des règles communes et pas autrement.
Mme Frédérique Puissat. - Exactement !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Ce texte rétablit une logique simple : l'accès au mariage et aux nombreux droits qu'il offre ne se conçoit pas sans le respect de nos lois sur le séjour.
Le Parlement ne pourrait pas légiférer parce que la Constitution ou la Convention européenne des droits de l'homme l'interdisent ? La Suisse ou le Danemark ont bien interdit le mariage aux personnes en situation irrégulière. Suivons donc le gouvernement danois, membre de l'Internationale socialiste européenne ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
Nul ne méconnaît la jurisprudence du Conseil constitutionnel, nul n'entend en mépriser l'autorité.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Sans blague ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Mais il s'agit d'une interprétation faite par le Conseil.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Merci Richard Ferrand !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Demander au Conseil constitutionnel de réexaminer sa position n'est pas un acte de défiance, mais de confiance dans sa capacité à s'adapter aux réalités du temps.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Mais bien sûr !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Poser deux fois la même question au Conseil constitutionnel, à vingt ans d'intervalle, n'est ni insolent ni kamikaze.
M. Patrick Kanner. - Comme son nouveau président !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - C'est reconnaître qu'il lui appartient d'accompagner l'évolution de la société, d'entendre le consentement du peuple français qui a changé sur ce sujet.
M. Franck Dhersin. - Absolument !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - On ne se marie pas en entrant dans une mairie par effraction ; on ne saurait utiliser notre droit pour escroquer non seulement le futur conjoint mais la République.
Le Gouvernement soutiendra la proposition de loi et les amendements du rapporteur qui assurent sa constitutionnalité, afin de lutter contre les mariages frauduleux, soutenir les maires de France et protéger l'autorité de l'État. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI)
Mme Anne-Sophie Patru . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Plus de 240 000 mariages sont célébrés chaque année en France - des moments de joie, au cours desquels les maires sont ravis d'exercer leur mission.
Mais il est des situations dont on parle moins, où le mariage est dévoyé. Le maire est alors bien seul face à des individus qui ne respectent pas nos valeurs, nos lois. C'est une situation ubuesque que d'être obligé de célébrer le mariage d'un individu sous OQTF, comme si de rien n'était ! Cette règle n'est plus acceptable.
Nos concitoyens ont appris récemment que la situation au regard du droit au séjour ne pouvait faire obstacle au mariage, même s'agissant d'un salafiste qui prêche la haine de notre pays...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Bravo.
Mme Anne-Sophie Patru. - Comme nous, ils sont choqués.
Cette situation inacceptable découle non de la loi mais d'une jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a placé la liberté du mariage au-dessus des règles régissant le droit au séjour. Il s'agit d'une interprétation du Conseil, qui se fonde sur la liberté personnelle, au titre des articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.
En 2025, un maire ne peut refuser de marier une personne qui ne devrait plus être sur le territoire national. Certains, dont les maires de Béziers et d'Hautmont, ont refusé cette aberration, pour ne pas être complices. Ils se retrouvent devant les tribunaux. J'ai du mal à le justifier auprès des maires de mon département...
Ne soyons pas naïfs : même si la régularisation n'est pas la seule motivation des époux, être fraîchement mariés devient un moyen supplémentaire d'échapper à une procédure d'éloignement.
Merci à Stéphane Demilly d'avoir fait preuve de détermination face aux tentatives de découragement et aux procès en inconstitutionnalité. Je salue le travail du rapporteur, ainsi que l'attitude du Gouvernement : vous ne vous êtes pas caché derrière le paravent de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. (Quelques applaudissements)
M. Stéphane Demilly. - Très bien !
Mme Anne-Sophie Patru. - J'espère que le Sénat adoptera ce texte, et que le Gouvernement veillera à son inscription à l'Assemblée nationale, comme il l'a fait pour la proposition de loi Narcotrafic. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Fabien Gay . - J'avoue avoir hésité à venir ce matin... Je suis attristé (exclamations ironiques à droite), sidéré. J'ai un peu honte. Il y a huit ans, nous n'aurions pas eu ce genre de débat.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Dommage !
M. Fabien Gay. - La question, ici, n'est pas celle du mariage entre un Français et un étranger en situation irrégulière ; c'est autre chose. Vous avez peur, vous nourrissez des fantasmes, des illusions. Nous sommes dans un moment où l'extrême droite avance partout...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Ça y est ! Le mot est jeté !
M. Fabien Gay. - ... dans une alliance avec le grand capital...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Oh là là !
M. Franck Dhersin. - Allez donc sur le terrain !
M. Fabien Gay. - Il n'y a pas de « hasard du calendrier » : remise en cause du droit du sol à Mayotte, de l'excuse de minorité, laïcité dans le sport, restriction de l'aide médicale d'État (AME) ou d'autres prestations sociales... Vous donnez le point à l'extrême droite.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - C'est vous qui lui donnez le point, avec le PS !
M. Fabien Gay. - Vous allez vous faire avaler, car les citoyens remercieront Marine Le Pen. Et vous risquez de nous faire tous avaler. On sait quand l'extrême droite arrive au pouvoir, pas quand elle le quitte, ni dans quel état elle laisse la République. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
Nous parlons ici d'amour. (Exclamations ironiques à droite) Jamais vous ne pourrez enfermer la liberté de pensée et la liberté d'aimer. Manifestement, vous ne croyez pas que les gens puissent se marier par amour. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Valérie Boyer. - On n'est pas obligé de se marier pour s'aimer !
M. Fabien Gay. - Tenons-nous en aux faits. Les mariages blancs sont interdits : le maire peut demander une enquête administrative, saisir le procureur. Mais n'allez pas dire que les gens viennent vous interpeller sur ce sujet ! Personne ne m'a jamais parlé de cette question !
Franck Dhersin. - Sortez un peu du Sénat !
M. Fabien Gay. - Revenons aux faits - nous ne sommes pas sur une chaîne de désinformation à la CNews. Combien de mariages sont concernés ? Des dizaines, des milliers ? Donnez-nous les chiffres ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie renchérit.)
M. Fabien Gay. - Ne nourrissons pas les fantasmes. Le mariage n'ouvre pas automatiquement droit à un titre de séjour !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Absolument !
M. Fabien Gay. - La question est ailleurs. (On s'impatiente au centre et à droite, l'orateur ayant dépassé son temps de parole.) Si nous continuons sur cette pente, à ne pas traiter des véritables problèmes que sont le réchauffement climatique et la question sociale, nous nous ferons tous avaler. Dans trois ans, nous serons confrontés à un autre problème - et vous en porterez la responsabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Bravo !
Mme Mélanie Vogel . - Ce texte n'est pas un moyen de lutter contre les mariages blancs ou gris. D'abord parce que le séjour irrégulier n'a rien à voir avec l'intention matrimoniale ou le consentement, sauf à considérer que la situation légale d'une personne aurait un lien avec sa sincérité ou son honnêteté. Ensuite parce que nous disposons déjà d'un arsenal juridique étoffé : les mariages blancs sont interdits (Mme Valérie Boyer s'exclame), les contrôles sont systématiques, les couples sont auditionnés, le procureur peut s'opposer au mariage - pas le maire, qui n'est pas un juge. Enfin, le mariage ne donne pas droit automatiquement à un titre de séjour, encore moins à la nationalité française. (Mme Valérie Boyer proteste.)
Au demeurant, ce n'est pas le sujet du texte, dont l'exposé des motifs est limpide : « que le mariage soit de complaisance ou teinté de sentiment réel, il est essentiel qu'un aspirant réside sur le territoire français de façon régulière. »
Non, il s'agit de priver d'une liberté individuelle, reconnue par la Constitution, des gens qui s'aiment, s'ils n'ont pas les bons papiers. (Mme Valérie Boyer s'exclame.) Il s'agit d'empêcher les mariages d'amour impliquant une personne étrangère en situation irrégulière. (Marques de lassitude sur les travées du groupe Les Républicains) Que cette personne acquière en se mariant des droits - fiscaux, médicaux, droit d'adopter - est insupportable à la droite. De la même façon, vous vous étiez opposés au mariage pour tous, refusant que ces droits soient accordés à des couples autres qu'hétérosexuels.
M. Laurent Somon. - Ben non.
Mme Mélanie Vogel. - Désormais, vous voulez en priver des couples binationaux : on ne pourra plus se marier du tout si l'on vient d'un pays en guerre, d'un pays où le mariage est soumis à des restrictions religieuses, ou qui criminalise l'homosexualité.
Ce texte va plus loin encore. Ce mardi - ce n'est pas un hasard du calendrier - a eu lieu l'audience de Robert Ménard, mis en examen pour avoir refusé de marier Eva et Mustafa, couple franco-algérien, au motif que Mustafa est sous OQTF. Or Robert Ménard a reconnu qu'il ne s'agissait pas d'un mariage blanc - mais d'un moyen pour lui de mettre le sujet des OQTF sur la table !
Mme Valérie Boyer. - Rien ne les empêchait de se marier en Algérie !
Mme Mélanie Vogel. - En déposant cette proposition de loi sciemment anticonstitutionnelle, nourrie du racisme et de la xénophobie, (marques d'exaspération sur les travées du groupe Les Républicains) vous lancez une nouvelle attaque en règle contre l'État de droit. (M. Thomas Dossus et Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudissent ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Roger Karoutchi. - Ça suffit !
Mme Mélanie Vogel. - En racontant qu'au fond, nos libertés fondamentales sont un obstacle à la volonté populaire, vous allez sombrer. Nous pouvons tous sombrer. (Applaudissements à gauche)
Mme Corinne Narassiguin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Selon Stéphane Demilly, il s'agirait de répondre « à un défaut d'application de notre droit civil qui met en péril nos politiques migratoires ainsi que la sécurité de nos élus ». Mais quel serait ce fléau ? Le mariage ! L'amour entre deux êtres.
Mme Valérie Boyer. - On n'est pas obligé de se marier quand on s'aime !
Mme Corinne Narassiguin. - Vous prétendez assurer la sécurité de nos élus, vous ferez tout le contraire avec ce texte ; vous exposerez les maires, car, incités à sortir de leur seule mission, célébrer le mariage, ils deviendront les acteurs du contrôle de l'immigration.
Le maire d'Hautmont est allé délibérément contre la décision du procureur.
M. Stéphane Demilly. - Incroyable !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Il a bien fait.
Mme Corinne Narassiguin. - Est-ce là le rôle du maire ? Vous allez lui imposer une charge de travail supplémentaire : la vérification de la régularité du séjour.
Sur le fond, cette mesure est contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à la Convention européenne des droits de l'homme. Dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel a reconnu que le mariage est protégé par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, avançant que le mariage ne peut être limité par la situation irrégulière d'un étranger. Vous restreignez la liberté des deux conjoints, l'étranger comme le Français. La Convention européenne des droits de l'homme, dans ses articles 12 et 14, consacre le droit au mariage.
Les socialistes et la gauche ne sont pas les seuls à être attachés au droit. Monsieur le garde des sceaux, lors de l'examen de la loi Immigration, vous avez déclaré à Mme Boyer que cet amendement était contraire à la Constitution et aux traités.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - C'est pour cela que nous voulons modifier la loi !
Mme Corinne Narassiguin. - Cela commence à devenir une habitude, sur certains bancs : chaque fois que cela sert votre agenda politique, vous bafouez notre loi fondamentale !
Monsieur le ministre, vous avez confié au Sénat le soin de trouver une voie qui serait constitutionnelle. Il n'y en a pas. Ce texte est contraire à la Constitution. La situation d'un des mariés ne peut empêcher la célébration d'un mariage.
Vous mélangez tout, mariages blancs, gris... Il serait impossible d'aimer une personne étrangère sans arrière-pensée ? Toute demande de mariage avec un étranger en situation irrégulière serait-elle frauduleuse ? Derrière votre texte, il y a des hommes et des femmes : un étudiant en attente de renouvellement de titre de séjour, ou cette jeune Kosovare qui habite à Rouen, qui parle cinq langues et qui est soumise à une OQTF. Être en situation irrégulière, ce n'est pas être un délinquant !
Vous créerez des situations ubuesques : certaines personnes sont en situation irrégulière simplement parce que leur dossier n'a pas été renouvelé en temps et en heure.
Le mariage ne conduit pas automatiquement à une régularisation.
M. Roger Karoutchi. - Oui, mais ça aide.
Mme Corinne Narassiguin. - Votre vision du mariage est bien triste. C'est un texte contre l'amour. Vous considérez que l'on choisit de qui l'on tombe amoureux.
La droite n'a plus de républicaine que le nom et se laisse dicter ses propositions de loi par l'extrême droite. Submersion migratoire, circulaire Retailleau, attaques contre l'AME, remise en cause du droit du sol : voilà le contexte de la proposition de loi - et nous examinerons prochainement un texte pour durcir l'accès aux prestations sociales.
Nous sommes les seuls garants des valeurs de la République. (M. Stéphane Demilly s'exclame.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - La belle phrase ! Vous la détruisez...
Mme Corinne Narassiguin. - Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)
M. Joshua Hochart . - Ce texte répond à une exigence impérieuse : mettre fin à une faille législative qui fragilise notre souveraineté, affaiblit notre État de droit et met en danger nos élus locaux. Quelque 230 000 mariages sont célébrés chaque année, dont un certain nombre avec un étranger en situation irrégulière. Les étrangers illégaux contournent ainsi nos règles en matière migratoire.
Le mariage ne doit pas être un moyen détourné de s'imposer sur notre territoire. Les maires et élus locaux sont en première ligne. Ils sont contraints de célébrer un mariage, même s'ils savent qu'un époux réside ici illégalement.
Prenons l'exemple du maire d'Hautmont, qui a demandé de reporter le mariage d'un ancien président d'une mosquée fermée pour radicalisation et sous OQTF. Menacé de mort, il a été poursuivi en justice et n'a bénéficié d'aucun soutien de l'État.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Ce n'est pas vrai, vous mentez !
M. Joshua Hochart. - Autre exemple : Robert Ménard, qui a pris position contre ces mariages de complaisance, qui sont devenus une véritable industrie. Faut-il rappeler qu'un tiers des OQTF ne sont jamais appliquées ? Avec ces unions, nous entretenons un système dévoyé.
Nous devons donner aux maires et élus locaux les outils pour défendre la République. Le RN soutient cette proposition de loi, car elle permet de lutter contre l'immigration incontrôlée. Nous dénonçons ces détournements du droit qui font peser une charge supplémentaire sur notre nation.
Marine Le Pen le répète : le droit au mariage ne doit pas être un passe-droit pour rester illégalement en France. À chaque fois, la même mécanique est à l'oeuvre : contourner la loi plutôt que la respecter.
Nous le savons, les Français n'en peuvent plus de cette immigration incontrôlée. Oui, monsieur Gay, en huit ans, la société a changé, merci de le reconnaître.
Cette proposition de loi est une réponse : pour se marier en France, il faut être en situation régulière en France, c'est une mesure de bon sens, d'ordre et de justice ; nous avons le devoir d'agir ; cette loi n'est pas une option, mais une nécessité ; votons-la avec la conviction qu'il est encore possible de restaurer l'autorité de l'État, et de protéger chaque jour ceux qui défendent la République.
M. Jean-Pierre Grand . - L'heureuse initiative de Stéphane Demilly s'inscrit dans un contexte unique. Je remercie les propos rassurants du ministre Darmanin.
La presse s'est fait l'écho des situations des maires Ménard et Wilmotte. En cas de refus de procéder à un mariage, le maire encourt cinq ans de prison, 75 000 euros d'amende et une peine d'inéligibilité. La sanction du TGI de Montpellier serait difficile à admettre par les maires.
Cette proposition de loi vise à ne pas laisser les maires démunis face à de telles situations. En l'état actuel du droit, la liberté de mariage et la régularité du séjour sont dissociées. Le mariage est restreint par quatre critères seulement.
La liberté matrimoniale est garantie par la Convention européenne des droits de l'homme, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Nous ne remettons pas en cause ces principes.
Cette proposition de loi vise seulement à remédier à l'impossibilité pour le maire de s'opposer à un mariage quand un époux est en situation irrégulière, sous OQTF, et comme à Béziers, condamné pour violence.
Le groupe Les Indépendants partage les objectifs de lutte contre les mariages frauduleux et de protection des élus.
Cette proposition de loi se heurte à des obstacles constitutionnels. Trouvons un équilibre. Il faut renforcer la coopération entre maires et autorités compétentes, sans limiter les libertés individuelles. La commission des lois a cerné les difficultés constitutionnelles du texte et y remédie. Idéalement, le maire devrait pouvoir saisir le préfet et le parquet. Trouvons une solution irréprochable constitutionnellement. L'adoption des amendements déterminera notre vote.
Un dernier mot : de mon banc, je suis agacé d'entendre que nous sommes complaisants avec le RN et que nous ouvrons la voie à Marine Le Pen. Elle ne sera pas élue, car la France aura autre chose à penser lors des élections nationales, dans un contexte mondial très confus.
Et je n'aurais jamais imaginé de ma vie voir André Lajoinie, président du groupe communiste, voter avec le RN. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Fabien Gay en doute.)
Cela dit, j'ai de la sympathie pour les communistes, car je n'oublierai jamais ce qu'ils ont fait pendant la guerre. (M. Fabien Gay s'en félicite.)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Chaque année, quelque 900 000 étrangers seraient présents illégalement sur le sol français, selon Patrick Stefanini. Je salue l'engagement de Bruno Retailleau sur ce sujet. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie ironise.)
Parmi les étrangers illégaux, certains veulent se marier pour échapper à leur condition irrégulière, d'où des mariages de complaisance. Ce n'est pas de l'amour, mais seulement une manière d'éviter une reconduite à la frontière.
Nous ne sommes pas contre l'amour, mais contre le travestissement : personne n'est obligé de se marier pour s'aimer !
Les enjeux financiers sont tels que certains individus n'hésitent pas à menacer l'officier d'état civil. En effet, selon certains médias, les tarifs varient selon les pays d'origine : 8 000 euros pour une personne d'Afrique subsaharienne, 15 000 euros pour un Algérien ou un Tunisien et près de 30 000 euros pour un Chinois.
En 2021, un réseau de mariages blancs a été démantelé dans les Ardennes, pour des mariages franco-algériens et franco-tunisiens : 23 000 euros, dont 13 000 euros à la marieuse et 8 000 au conjoint français. Une centaine d'unions frauduleuses ont été révélées en dix ans, la face émergée de l'iceberg.
Trop souvent, les officiers d'état civil, menacés, n'osent plus dénoncer ces mariages blancs. J'avais déjà dénoncé ce droit à la fraude, comme maire des 11e et 12e arrondissements de Marseille. En 2018, à l'Assemblée nationale et sous les quolibets notamment de M. Mélenchon, j'avais proposé des amendements. Au Sénat, en 2023, j'ai déposé des propositions de loi.
En 2023, j'ai fait voter une mesure visant à renforcer les procédures d'enquête et à alléger la responsabilité des maires. Je l'ai redéposée aujourd'hui. Cet amendement avait été censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme, et non de fond.
Depuis, nous avons eu les affaires Ménard et Wilmotte. Mais rien n'a changé, et chaque silence de notre pays encourage la fraude et le trafic d'êtres humains.
Le texte de Stéphane Demilly va dans le bon sens. Actuellement, l'État oblige les maires à marier des personnes ne devant pas être en France. Nous sommes en Absurdistan !
Pour décider cette interdiction, une réforme de la Constitution ne sera pas nécessaire. Aussi, je formule de nouvelles propositions : systématiser les enquêtes du procureur lorsque la personne est en situation irrégulière - actuellement, on choisit des mairies complaisantes - ; rallonger les délais d'enquête ; considérer l'absence de réponse du procureur comme une annulation ou un report du mariage.
Comment les Français pourraient-ils avoir confiance en l'État s'il favorise la fraude ? Pire, quand l'État demande aux maires de camoufler ses insuffisances pour permettre à ces personnes d'obtenir un blanc-seing afin de rester en France ?
Comment le Conseil constitutionnel n'estime-t-il pas qu'il est plus grave de marier quelqu'un d'irrégulier plutôt que de ne pas le marier ? Comment le Conseil constitutionnel peut-il accepter l'inégalité entre ceux qui respectent la loi et les autres ?
Changeons les choses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Stéphane Demilly, Franck Dhersin et Mme Anne-Sophie Patru applaudissent également.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte soulève des questions complexes sur les plans juridique et humain. Le mariage est un acte symbolique de notre société, liant deux individus devant la loi. C'est une liberté individuelle largement consacrée par le Conseil constitutionnel, qui en fait une liberté à valeur constitutionnelle.
Cette proposition de loi propose que le mariage ne soit pas célébré faute de titre de séjour valide ou si une personne est soumise à une OQTF. Si nous partageons l'objectif, l'interdiction absolue ne satisfait pas aux obligations constitutionnelles.
En l'état du droit, le législateur ne peut systématiquement subordonner le mariage à un titre de séjour. Il faut plutôt lutter contre les mariages de complaisance, conclus dans l'unique but d'obtenir un titre de séjour. Il n'est pas acceptable que l'institution du mariage soit détournée frauduleusement à des fins administratives.
Maire, j'ai été confrontée à de futurs époux sans aucun signe d'affection. Bien sûr, on peut signaler nos doutes, mais refuser expose le maire à des menaces. Les maires ne doivent plus être en première ligne, et il n'appartient pas à l'officier d'état civil de se prononcer sur la régularité du titre de séjour.
L'irrégularité du titre de séjour n'est pas un motif suffisant. Le maire peut suspendre le mariage et saisir le procureur. Il faudrait aller davantage en ce sens, comme le propose le rapporteur.
Ce texte doit d'abord protéger les maires, alors que la France est confrontée à une crise de vocation des élus. Nous devons leur donner un cadre précis et des outils nouveaux pour qu'ils assurent leurs fonctions avec sérénité.
Il faut trouver un équilibre. N'interdisons pas à tous les couples dont l'un des membres est en situation irrégulière de se marier, de manière absolue, d'autant que l'irrégularité peut être temporaire, dans l'attente d'un titre. Le droit à la vie privée et à l'établissement d'une famille ne doit pas être mis en cause.
Le rapporteur a dégagé une voie de passage à la fois conforme à l'esprit du texte et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous voterons ses amendements. (M. Bernard Buis et Mme Valérie Boyer applaudissent.)
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi est limpide, son périmètre clairement contenu. Elle vise à répondre à deux problèmes : lutter contre les mariages arrangés ou assimilés sans véritable intention matrimoniale, et ensuite protéger le maire en cas de refus.
Sur le premier point, nous partageons l'objectif de faire barrage au détournement du mariage ; cela répond à des réalités de terrain. Sur le second point, il faut protéger les maires dans leur mission d'officier d'état civil, car ils sont souvent seuls et n'ont pas les moyens d'agir.
Nous sommes cependant étonnés par la méthode, qui consiste à débattre d'un texte dont l'inconstitutionnalité ne fait aucun doute et qui porte atteinte à la liberté du mariage, attestée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la Convention européenne des droits de l'homme. Le texte ne prévoit aucun recours.
Vous connaissez la culture de délibération du RDSE, qui promeut le dialogue plutôt que l'absence de débat. Mais il faut des règles claires pour parvenir à des décisions collégiales. En l'espèce, la discussion d'une sorte de lit de justice par la loi, à la défaveur des libertés fondamentales, fait obstacle aux conditions d'un dialogue serein. Ainsi, malgré les amendements déposés par la majorité, nous restons sceptiques sur la méthode.
Je soutiens les maires qui font face à des situations très compliquées. Le Sénat est aux côtés des élus, et est prêt à modifier le cadre législatif si cela s'avère pertinent.
Si le dispositif actuel est maintenu en l'état, les membres du RDSE, progressistes et humanistes, ne voteront pas ce texte. Nous prendrons notre décision de vote en fonction de l'adoption des amendements. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si l'on écoute l'opinion publique, allez leur dire que les OQTF peuvent aller se marier... (Rires sur les travées du groupe Les Républicains) Si vous trouvez beaucoup de monde qui est d'accord, c'est qu'on ne fréquente pas les mêmes trottoirs ! (Les rires redoublent ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Quelles que soient les positions des uns et des autres sur l'immigration, personne ne comprend qu'une personne sous OQTF puisse se marier devant un maire démuni.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il n'est pas démuni !
M. Roger Karoutchi. - Est-ce en prenant des mesures qu'on fait monter l'extrême droite...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - C'est l'inverse !
M. Roger Karoutchi. - ... ou parce que l'opinion publique se dit qu'on ne l'écoute pas ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Bravo !
M. Roger Karoutchi. - Pour Les Républicains, quelle que soit leur coloration, ce n'est plus possible. Oui, l'opinion publique, ça compte !
Nous sommes le Parlement. Nous ne sommes l'annexe ni du Conseil d'État ni du Conseil constitutionnel ! (L'orateur frappe le pupitre ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Mélanie Vogel proteste.)
Mme Valérie Boyer. - Bravo !
M. Roger Karoutchi. - On invoque la jurisprudence... mais elle évolue, et parfois dans un sens qui vous arrange ! Le Conseil constitutionnel, suivant l'évolution de la société et des forces politiques, suivant les réalités sociétales, change, et c'est tant mieux ! (Mme Anne-Sophie Patru renchérit.) Car s'il n'évoluait jamais et faisait que les textes du Parlement ne soient jamais appliqués, alors la démocratie serait bloquée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Cher Fabien Gay, ce n'est pas une question de gauche ou de droite, mais de bon sens ! (M. Olivier Paccaud approuve.)
Soutenons nos maires, qui, soumis aux critiques, sont parfois dans une situation extrêmement difficile. L'opinion publique ne peut se tromper sur tout, même si je ne suis pas populiste.
Cette proposition de loi n'est pas la révolution. C'est un bon texte que je voterai volontiers. Je suis sûr, monsieur le ministre d'État, que vous pourrez faire mieux. Mais faisons la loi sans être bloqués systématiquement par nos propres concessions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)
Mme Anne-Sophie Patru. - Bravo !
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°1 de Mme Margaté et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté . - Le CRCE-K a déposé cette motion, car cette proposition de loi est inconstitutionnelle. Vous l'avez acté lors de la réunion de la commission des lois.
Dans sa décision du 20 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a rappelé que la liberté de mariage est protégée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le caractère irrégulier du séjour d'un des époux ne peut faire obstacle en lui-même au mariage. Cette liberté du mariage est aussi protégée par la Convention européenne des droits de l'homme, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
La liberté de mariage n'est cependant pas absolue. Le législateur peut fixer des conditions, dans le respect de la Constitution. Le code civil prévoit quatre limitations : en cas de minorité, de polygamie, de consanguinité et d'absence de consentement libre et éclairé.
Ces bornes sont justifiées par la protection des individus. Le mariage est une institution juridique qui révèle qui nous sommes en tant que société. Ces limites sont peu nombreuses, car nous touchons à l'intime. Si la République s'insère dans le couple, c'est pour protéger les individus.
Si vous souhaitez nous prémunir des mariages forcés et arrangés, la loi permet déjà la prévention et l'interdiction.
Plongeons-nous dans le code civil : en cas de doute sérieux sur la légalité du mariage, l'officier d'état civil saisit le procureur de la République, qui enquête et peut trancher par décision motivée. Il y aurait quelques centaines de cas, chaque année, d'oppositions au mariage formulées par le procureur de la République.
Certains trouvent ces chiffres insuffisants. Correspondent-ils à un agenda politique, une estimation personnelle plus arrangeante ?
En donnant au procureur la possibilité d'interdire le mariage, nous protégeons les maires ; ce n'est pas anodin en cette période de violences croissantes. Cependant, si le maire ne respecte pas la loi, il sera sanctionné, car chacun est égal devant la loi. (M. Roger Karoutchi ironise.) La peine peut atteindre cinq ans de prison, 75 000 euros d'amende et une peine d'inéligibilité.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - J'espère que les maires écoutent...
Mme Marianne Margaté. - Nous ne sommes pas derrière l'extrême droite, mais derrière ceux qui défendent les valeurs de la République. (M. Stéphane Demilly manifeste son agacement.)
Les maires sont bien loin de ces débats stériles. Les difficultés de la fonction ne sont pas liées à ces mariages. Il faut plutôt les accompagner au quotidien dans leurs missions. Qu'avez-vous à gagner à soutenir un texte aussi bancal juridiquement ? Pensez-vous protéger la France en piétinant un droit fondamental ?
Cette proposition de loi est un leurre, un écran de fumée faisant oublier l'absence de réponse sur des sujets cruciaux : emploi, logement, santé, éducation... On évite de parler des politiques sociales en échec ou des causes profondes des flux migratoires.
Cela révèle une soumission aux logiques électoralistes les plus cyniques. À qui donnez-vous des gages ? Notre assemblée mérite mieux que des calculs partisans au mépris de l'État de droit.
L'irrégularité du séjour ne constitue pas un défaut de consentement systématique. Ensuite, notre droit n'est pas exempt d'absurdités. S'il n'est pas possible d'embaucher un étranger sans autorisation de travail, le salarié étranger peut demander un titre de séjour s'il présente des bulletins de salaire, pourtant illicites, et il sera protégé. C'est heureux. Ce sont des êtres humains : la précarité administrative ne peut être la condition d'une vie sans droits.
À l'inverse des autres pays européens, la France délivre systématiquement une OQTF quand une personne est présente depuis plus de trois mois sur le territoire national en situation irrégulière. Nous avons le taux le plus important d'OQTF, et donc le taux d'exécution le plus bas. Avoir une OQTF ne fait pas de vous quelqu'un de dangereux, mais de précaire.
M. Roger Karoutchi. - Et en infraction.
Mme Marianne Margaté. - Quelle direction voulons-nous prendre ? Monsieur le garde des sceaux, en 2023, vous vous opposiez à des amendements similaires, ironisant sur le fait qu'il faudrait modifier la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ne cédons pas aux sirènes de l'extrême droite : le piège est trop grand, et les conséquences si graves. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
M. Stéphane Demilly. - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Il est important de mener le débat à son terme, de discuter sereinement, sans contrevérités, et d'examiner les amendements. Ce texte laconique met un véritable sujet sur la table. Je suis ouvert à un travail collectif afin de trouver une voie de passage.
Que l'on ne se méprenne pas, mon objectif est de protéger les maires ; nous le leur devons, tout particulièrement ici. Beaucoup d'entre nous ont été maires. Dès le dépôt de ce texte, de nombreux maires m'ont apporté leur soutien - d'ailleurs, la proposition de loi est soutenue par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF). (Mme Valérie Boyer félicite l'orateur.) Ne pas débattre, ce serait les ignorer.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel n'empêche pas d'adapter la loi, car le contexte a changé. La décision du Conseil constitutionnel citée date de 2003, quand 20 000 OQTF avaient été prononcées, contre 130 000 en 2023. Le législateur doit tenir compte de ces évolutions. Le Conseil constitutionnel ajuste sa jurisprudence au regard notamment de l'évolution de la société. Son pouvoir d'interprétation lui permet de garder une Constitution vivante, qui s'adapte aux évolutions de la société.
En 2003, le Conseil constitutionnel s'est appuyé sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pour protéger le mariage, alors que ce dernier n'y est pas mentionné. Il précise aussi que les libertés individuelles peuvent être encadrées par la loi.
Le mot égalité est inscrit au fronton des mairies, alors comment expliquer que selon les mairies des enquêtes aient lieu ou pas ? Valérie Boyer l'a bien dit : la situation n'est ni claire ni égalitaire.
J'ai invité tous les groupes à échanger avec moi ; Mme Cukierman ne m'a pas répondu. Non, monsieur Gay, je n'ai pas peur. Quand vous dénoncez, avec Mme Vogel, le calendrier, vous êtes de mauvaise foi : ma proposition de loi date de fin 2023. Vous dites que nous courons après l'extrême droite, mais c'est vous, à force de porter vos oeillères, qui faites son lit ! (« Bravo » et applaudissements à droite et au centre)
Je voterai naturellement contre cette motion. Comme l'a dit Roger Karoutchi, nous ne sommes pas au Conseil constitutionnel, mais au Sénat.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Nous avons évoqué la fragilité constitutionnelle du dispositif, néanmoins nous devons débattre, compte tenu des affaires Ménard et Wilmotte. Les amendements de la commission ne sont pas constitutionnellement fragiles.
En outre, en 2012, la position du Conseil constitutionnel a évolué : la liberté du mariage est issue de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais cela « ne restreint pas la liberté du législateur qu'il tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage ».
Avis défavorable. (M. Stéphane Demilly applaudit.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Si le statut du citoyen et celui de la personne en situation irrégulière sont les mêmes, plus rien n'a de sens. On ne pourrait pas signer un contrat de travail, mais un contrat de mariage, si ? Si l'on considère qu'il n'y a que des humains sur le territoire national, soit on remet en cause la citoyenneté, soit on régularise tout le monde - ce que vous n'avez pas osé dire...
Pas de leçons de morale : je ne vous ai pas ressorti les propos de Georges Marchais ! Le Parti communiste dénonce depuis bien longtemps le lien entre capitalisme et immigration. Je m'étonne qu'il s'érige désormais en défenseur du mariage petit-bourgeois. (M. Fabien Gay sourit ; on s'en amuse sur les travées du groupe Les Républicains)
La façon dont Mme Narassiguin a attaqué le courageux maire d'Hautmont est inacceptable. (Applaudissements à droite) Les trois premiers orateurs du groupe Nupes n'ont jamais été maires (Applaudissements à droite) - je le dis sans attaque personnelle, contrairement à ce qui a été dit me concernant, à la tribune.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'était la vérité !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Les maires sont pragmatiques. Ils rencontrent aussi des personnes qui ne peuvent donner leur consentement libre et éclairé et cherchent les moyens de les aider, en faisant appel au procureur de la République.
Madame Narassiguin, vous dites que le maire n'est pas un juge, mais le procureur de la République non plus. En tant qu'officier d'état civil, le maire agit au nom du procureur de la République. Il est représentant de l'État, à la différence des autres élus.
Le maire a aussi un rôle en matière de contrôle de l'immigration. (On renchérit à droite.) La loi le prévoit depuis plus de cinquante ans - voyez les certificats d'hébergement. Rien de nouveau sous le soleil. Vous avez dit beaucoup d'inepties, me semble-t-il.
Le maire divers droite d'Hautmont est éminemment républicain - nous sommes plusieurs à le connaître. M. Hochart a menti à la tribune : ministre de l'intérieur, je l'ai protégé et l'ai dit publiquement. (M. Joshua Hochart le conteste.) D'ailleurs, vous m'avez dit, en redescendant : « Oui, c'est vrai. » Excuse privée, insulte publique, cela ne marche pas. (M. Joshua Hochart proteste.) J'ai expulsé la personne. Vous, vous avez voulu faire de la démagogie, comme d'habitude. Vous non plus n'êtes pas maire - vous êtes croyant, mais pas pratiquant. J'ai soutenu le maire d'Hautmont qui a refusé de marier un imam radicalisé, fiché S, et dont la mosquée a été fermée. N'importe quel maire aurait refusé de le marier !
Si les gens sont très amoureux, ils peuvent se marier dans leur pays d'origine. (M. Thomas Dossus et Mme Mélanie Vogel lèvent les bras au ciel ; applaudissements à droite). La vie privée et familiale est possible dans le pays d'origine, trois jurisprudences du Conseil d'État l'attestent.
Si je me suis opposé aux amendements de Valérie Boyer dans la loi Immigration, c'est qu'il s'agissait de cavaliers législatifs. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste.) J'ai dit que la proposition de loi de M. Demilly posait une bonne question et que le rapport de M. Le Rudulier apportait une bonne réponse. C'est ainsi que nous aurions dû écrire la loi Immigration. (Bravos et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous voterons cette motion.
Le problème du ministre, c'est qu'il confond souvent stand-up et séance au Sénat ! (On s'en offusque à droite.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Ne soyez pas jalouse, tout le monde n'a pas de talent...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il est vrai, je n'ai pas votre talent, mais j'ai célébré des mariages... (M. Gérald Darmanin s'exclame.) On a découvert qu'il y avait plusieurs catégories de sénateurs et qu'il fallait avoir célébré des mariages pour avoir le droit de s'exprimer.
Ne ronchonnez pas ainsi, monsieur le ministre, cela prouve que ce que je dis vous atteint !
Nous sommes totalement d'accord avec les arguments qui étaient les vôtres lors de la loi Immigration, quand vous étiez ministre de l'intérieur. Vous étiez opposé aux mêmes amendements de Mme Boyer non pas parce que c'étaient des cavaliers, mais parce qu'ils étaient contraires à nos engagements internationaux et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Manifestement, vous êtes assez plastique : vous pouvez dire aujourd'hui le contraire de ce que vous disiez hier. (Mme Valérie Boyer s'exclame.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Attaque personnelle !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Affirmer que rien n'encadre les mariages n'est pas exact : il y a des circulaires.
Nous souscrivons aux propos de Fabien Gay. Vous avez voulu faire un tract, le premier d'une série. Comme Bruno Retailleau n'a pas de projet de loi, il aura des propositions de loi. Vive Bruno Retailleau !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. - Vive Bruno Retailleau !
M. Olivier Paccaud. - Stéphane Demilly a un art subtil du calendrier : même si sa proposition de loi date de fin 2023, elle tombe à point nommé, la semaine où les Français ont appris que leur doit nuptial est bancal, voire kafkaïen. Des maires, dont le seul crime est de vouloir faire respecter la loi, deviennent des délinquants... C'est une proposition de loi de bon sens et de clarté. Évitons de noyer Marianne dans les tourbillons de la contradiction. Comment comprendre qu'une personne obligée de quitter un territoire puisse s'y marier ? Je voterai contre cette motion, évidemment.
Cette proposition de loi clarifie la situation, protège les édiles et évite que les mairies deviennent des bureaux d'aide à la régularisation de hors-la-loi et de sans-papiers.
M. Thomas Dossus. - Des chiffres ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie renchérit.)
M. Olivier Paccaud. - L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen décline les quatre droits naturels et imprescriptibles de l'homme : liberté, sûreté, propriété, résistance à l'oppression. On n'y parle pas de mariage !
M. Fabien Gay. - Nous avons un débat gauche-droite.
M. Olivier Paccaud. - Droite-gauche !
M. Fabien Gay. - Gauche-droite, assumez. On est là pour débattre des idées, des faits. Monsieur le garde des sceaux, combien de faits ?
M. Francis Szpiner. - Un suffit !
M. Fabien Gay. - On m'avait dit qu'au Sénat, on légiférait sur l'essentiel...
Je fais attention aux mots : je n'ai pas dit que vous étiez d'extrême droite, mais que vous courriez après l'extrême droite.
M. Olivier Paccaud. - Jésuitisme.
M. Fabien Gay. - Nous vivons un moment d'inversion des valeurs - certains défendent la liberté d'expression pour autoriser les propos racistes...
Mais moi, je ne fais pas partie d'un gouvernement qui est tenu en laisse par Mme Le Pen !
M. Francis Szpiner. - Vous avez voté la censure avec elle !
M. Fabien Gay. - Nous nous battons contre les idées racistes du RN, alors que vous leur passez les plats.
C'est vrai, je n'ai jamais célébré de mariage. Mais nous sommes tous des élus ; nous légiférons à égalité.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Fabien Gay. - J'ai été dix ans au Smic, je comprends mieux pourquoi beaucoup d'entre vous ne parlent jamais de salaire ni de Smic : c'est qu'ils ne l'ont pas vécu ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Ne vous inquiétez pas, je l'ai vécu.
À la demande du groupe UC, la motion est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°206 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 100 |
Contre | 243 |
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Discussion de l'article unique
Avant l'article unique
M. le président. - Amendement n°10 de M. Le Rudulier, au nom de la commission des lois.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Nous cherchons une voie de passage pour concilier les objectifs de la proposition de loi et la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il s'agit de s'appuyer sur une pièce justifiant la régularité du séjour pour autoriser le mariage. Cette pièce, qui aurait un caractère obligatoire, ne suffirait pas à la saisine automatique du procureur de la République. Elle alimenterait le faisceau d'indices dont disposerait le maire pour repérer un mariage frauduleux.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Avis favorable.
Mme Corinne Narassiguin. - Nous doutons de la constitutionnalité de cet amendement. (Mme Valérie Boyer s'exclame.) Ceux qui ne pourraient apporter la preuve de la régularité de leur séjour ne pourraient donc pas se marier ; mais le Conseil constitutionnel considère que le caractère irrégulier du séjour du futur époux ne saurait faire obstacle à son mariage.
Ensuite, un étranger en situation irrégulière risquerait d'être dissuadé de se marier, par crainte d'une mesure d'éloignement. Il renoncerait ainsi à une liberté garantie par la Constitution.
Mme Valérie Boyer. - C'est l'inverse !
Mme Colombe Brossel. - Ce texte ne fait qu'exposer encore plus les maires.
Je me prête aussi au jeu des confessions : je n'ai pas été maire de Paris - pas encore - (sourires), mais j'ai célébré quelques mariages. Ce que vous proposez relève du rôle du procureur, pas du maire. Vous mettez les maires en première ligne.
Mme Valérie Boyer. - C'est l'inverse !
Mme Colombe Brossel. - Le rôle des maires et de leurs adjoints est de vérifier le consentement. Lors de son audition, l'AMF l'a rappelé, à plusieurs reprises. Elle n'a recensé que peu de cas. Vous voulez nous faire croire que c'est la priorité des maires ; mais c'est faux.
Mme Valérie Boyer. - Au contraire, demander systématiquement ce papier protège les maires, qui sinon sont soumis à des pressions. Il faut une égalité de droit entre les territoires. Ce dispositif permet de faire baisser la pression, mais aussi de mettre l'État face à ses responsabilités. (M. Thomas Dossus s'exclame.)
M. Stéphane Demilly. - Maire pendant trente ans, je soutiens bien sûr cet amendement de bon sens, qui complète utilement ma proposition de loi. Le mariage est un contrat juridique : pourquoi ne pas vérifier que ceux qui se marient respectent les règles de droit ?
Présenter un titre de séjour lors de la constitution du dossier de mariage est une démarche simple, et c'est une garantie pour le maire, qui n'a plus à jouer les enquêteurs conjugaux.
L'exigence d'un titre de séjour protège le maire. Le mariage ne doit pas être un stratagème pour contourner nos lois. Le garde des sceaux l'a dit : le mariage est un droit et non un passe-droit. (Mme Valérie Boyer renchérit.)
L'amendement n°10 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié de Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. - L'absence de justification sur la régularité d'un des époux entraînera la saisine automatique du procureur. C'est une façon de protéger les maires, d'éviter les différences entre les mairies, et que ne se forment des filières.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Cet amendement va moins loin que l'article unique. Retirez-le, d'autant plus que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel est limpide sur le fait que l'irrégularité du séjour ne peut constituer à elle seule un motif de saisine du procureur. Mais le Conseil constitutionnel peut être saisi sur le fondement de l'article 61 de la Constitution - certains ne manqueront pas de le faire - et faire connaître sa position sur la solution de l'article unique.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Valérie Boyer. - Je porte ce sujet depuis 2018. Je maintiens donc mon amendement ; cela n'empêchera pas le Conseil constitutionnel de se prononcer - et de changer d'avis.
Mme Corinne Narassiguin. - Le rapporteur l'a dit : la jurisprudence est limpide...
Mme Valérie Boyer. - On n'est pas au Conseil Constitutionnel, ici !
Mme Corinne Narassiguin. - Je m'inquiète que le rapporteur espère obtenir une décision différente. Cela reviendrait à dire que toute personne en situation irrégulière veut frauder.
Mme Valérie Boyer. - Non !
Mme Corinne Narassiguin. - Cela créerait une présomption de fraude. Cela nourrit tous les fantasmes. C'est faire de la politique contre notre loi fondamentale.
Mme Mélanie Vogel. - Je n'ai pas été maire, mais beaucoup de maires combattent cette idée. Beaucoup d'entre nous sont élus par des maires...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je ne connais pas beaucoup de maires français de l'étranger... (On s'en amuse à droite.)
Mme Mélanie Vogel. - Les maires qui se plaignent sont ceux qui ont des problèmes avec la jurisprudence du Conseil Constitutionnel... (On ironise à droite.) Aujourd'hui, les maires doivent saisir le procureur quand ils doutent de la sincérité de l'intention matrimoniale. Par cet amendement, même s'ils n'ont aucune suspicion de mariage blanc, de mariage arrangé, de mariage gris, ils saisiraient le procureur. Pourquoi ? Eh bien, parce que vous voulez contourner, par tous les artefacts possibles, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui vous empêche de légiférer comme vous voulez - Roger Karoutchi l'a dit assez librement...
M. Roger Karoutchi. - Vous n'avez rien compris !
Mme Mélanie Vogel. - Si, j'ai bien compris : vous voulez une décision qui aille cette fois-ci dans votre sens.
M. Roger Karoutchi. - N'importe quoi !
Mme Mélanie Vogel. - Vous avez un problème avec la Constitution, les engagements internationaux de la France et la jurisprudence constitutionnelle !
M. Roger Karoutchi. - Et vous, vous avez un problème avec le Parlement !
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié de Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°11 de M. Le Rudulier, au nom de la commission des lois.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Cet amendement reprend le dispositif que le Sénat avait voté, avec l'avis favorable du ministre de l'intérieur de l'époque, en novembre 2023. Il consiste en deux mesures : doubler le délai pendant lequel le procureur peut demander de surseoir à un mariage soupçonné d'être frauduleux ; instaurer le principe selon lequel le silence vaut sursis. Cet amendement est compatible avec l'article unique.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié de Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. - Amendement de repli. Je remercie la commission d'avoir repris l'amendement que j'avais fait voter en novembre 2023.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'amendement n°7 rectifié est moins ambitieux que les deux premiers. Retrait ?
L'amendement n°7 rectifié est retiré.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sagesse.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je voterai cet amendement, que j'aurais aimé avoir cosigné, identique à un amendement que j'avais moi aussi déposé en novembre 2023.
Les amendements identiques nos6 rectifié et 11 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
Article unique
Mme Marie-Do Aeschlimann . - Le maire de Béziers, Robert Ménard, a été poursuivi en justice pour avoir refusé de célébrer le mariage d'une personne sous OQTF ; idem pour le maire d'Hautmont alors que le futur époux, non content d'être sous OQTF, faisait l'apologie du djihad armé. Il est inacceptable que des maires soient poursuivis par la justice de notre pays pour avoir refusé de se rendre complice d'une fraude manifeste. C'est ubuesque !
Cette proposition de loi, excellente, supprime les injonctions contradictoires que reçoivent les maires d'un État schizophrène : ils doivent vérifier scrupuleusement les documents des futurs mariés, mais l'absence de titre de séjour ou l'OQTF ne suffisent pas à empêcher l'union - c'est une aberration !
Le Sénat doit défendre le travail des maires et des agents municipaux qui signalent le contournement de la loi. Le mariage n'est pas un instrument de régularisation administrative. Il ne s'agit pas de stigmatiser, mais de vérifier la réalité de la volonté matrimoniale. Rendons aux maires les moyens de faire respecter la loi.
M. Jean-Claude Tissot . - Je m'exprime non parce que j'ai été maire, élu et réélu...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Bravo !
M. Jean-Claude Tissot. - ... mais parce que je suis l'un des 348 sénateurs - tous aussi légitimes pour s'exprimer.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Merci !
M. Jean-Claude Tissot. - Je suis effaré : cette proposition de loi va à l'encontre de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La commission des lois a rappelé que la liberté de mariage avait valeur constitutionnelle. La proposition de loi est donc inconstitutionnelle, comme en témoigne la jurisprudence.
En interdisant à un Français et un étranger sans papiers de se marier, vous faites de la démagogie. Mes chers collèges centristes, je vous avais connus plus modérés... (Protestations sur quelques travées du groupe UC)
Le maire, qui devrait juger de la légalité d'un mariage, deviendrait un acteur du contrôle de l'immigration ? (M. Gérald Darmanin le confirme.)
Les mariages blancs sont déjà interdits par l'article L823-11 du Ceseda. Cette proposition de loi est donc inutile et immorale. (Mme Anne-Sophie Romagny s'insurge contre ce mot.) Que tous les républicains de cet hémicycle s'élèvent contre cette mascarade. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.)
M. Fabien Gay. - Très bien !
M. Joshua Hochart . - Je m'attendais à un débat animé ce matin. Cette proposition de loi, en luttant contre l'immigration, défend les intérêts de la France - vous devriez vous y essayer, mesdames et messieurs de la gauche, c'est un beau combat ! Elle permet aussi de protéger les élus d'une situation inconfortable - cela devrait nous rassembler !
Monsieur le garde des sceaux, vous avez détourné mes propos. J'ai dit que les policiers avaient protégé le maire d'Hautmont, mais que très peu d'autorités l'avaient soutenu, notamment le procureur de la République.
Étant ministre de l'intérieur, vous avez effectivement protégé un maire, c'était un minimum. Mais pourquoi n'avez-vous pas déposé de projet de loi, alors que vous aviez la majorité à l'Assemblée nationale, comme le font les élus Les Républicains aujourd'hui ?
Grand diseux, petit faiseux, comme on dit chez moi.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Quel rapport avec le texte ?
M. le président. - Amendement n°2 de Mme Mélanie Vogel et alii.
Mme Mélanie Vogel. - Nous venons d'avoir la démonstration - s'il en fallait une - que cette proposition de loi est parfaitement alignée avec le projet défendu par l'extrême droite : M. Hochart, qui en est le représentant, vient de s'en faire l'ardent défenseur. Prenez conscience de ce glissement, chers collègues de l'Union centriste. (M. Fabien Gay renchérit.)
Monsieur Hochart, on ne défend pas la France en s'attaquant aux principes fondamentaux qui ont fait la force de sa démocratie. La Constitution garantit le respect de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, laquelle fait du mariage une liberté fondamentale. Le Conseil constitutionnel dit que faire du séjour irrégulier un obstacle à l'exercice de cette liberté est contraire à la Constitution. Y a-t-il plus français que la Constitution ?
Cette proposition de loi ne lutte pas contre les mariages blancs, mais contre ce qui a fait de la France une grande démocratie, défendant les libertés fondamentales. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; on ironise sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. - Amendement identique n°8 de Mme Narassiguin et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - On prétend que le texte repose sur le bon sens ? Ce n'est rien d'autre que le faux-nez du populisme (Exclamations à droite), puisque certains nous expliquent que ce bon sens aurait désormais une valeur supérieure à la Constitution, à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à la Convention européenne des droits de l'homme...
Il y aurait une contradiction entre deux prérogatives du maire : celle d'officier de police judiciaire du maire, qui fait de lui le garant de la protection de l'ordre public dans sa commune, et celle d'officier d'état civil. Mais quel est le lien ? Est-ce à dire qu'il serait impossible d'expulser un étranger au motif qu'il est marié avec un Français ? C'était déjà faux avant la loi Immigration, et ça l'est encore plus depuis !
S'il y a un lien, il faudrait pousser la logique jusqu'au bout, en refusant le mariage aux Français qui troublent l'ordre public, quitte à imposer un casier judiciaire vierge pour pouvoir se marier ! (Protestations à droite)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - C'est tellement gros !
Mme Corinne Narassiguin. - Seul le procureur a autorité pour s'opposer à un mariage. Dès lors, de quoi les maires seraient-ils protégés, s'ils doivent faire face demain à une multitude de recours et qu'ils doivent vérifier la régularité du séjour de leurs administrés ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. le président. - Amendement identique n°9 de Mme Margaté et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - Le texte est inconstitutionnel.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Absolument !
Mme Marianne Margaté. - De quoi parle-t-on, précisément ? Quels sont les chiffres ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il n'y en a pas !
Mme Marianne Margaté. - On les attend depuis le début. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
M. Thomas Dossus. - Cela ne sert à rien !
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Avis défavorable. En 2012, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a été infléchie. Rien ne dit qu'il n'y aura pas de nouveau revirement si vous sollicitez le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61.
Monsieur Hochart, le maire d'Hautmont, qui a été entendu par notre commission, nous a dit avoir été soutenu par les services de l'État, notamment le préfet de région.
Madame Vogel, ce n'est pas parce que le Rassemblement national dit que le soleil est jaune qu'on est obligé de dire l'inverse. Il y a des questions de bon sens dont chacun doit se saisir.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Vous pensez que je ne vous réponds pas, car je vous cacherais des choses... (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le confirme.) La réalité, c'est qu'on ne peut pas connaître les chiffres, puisqu'on ne peut pas demander les documents prouvant la régularité du séjour. (Applaudissements à droite) Aujourd'hui, il y a 30 000 mariages entre Français et étrangers, mais on ne connaît pas la proportion d'illégaux.
Mme Mélanie Vogel. - Et on légifère quand même ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Bien sûr, notamment pour pouvoir le mesurer ! (Franche hilarité sur les travées du GEST)
M. Fabien Gay. - Vous êtes notre maître à tous ! (Sourires)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Vous êtes de mauvaise foi : le mariage est une voie d'accès à la régularité du séjour et à la nationalité, même si ce n'est pas automatique, bien sûr.
Ne faites pas semblant de vous intéresser au nombre ; M. Szpiner a eu raison de le dire : un seul cas suffirait - celui, par exemple, du maire d'Hautmont, qui a refusé de marier un imam radicalisé étranger sous procédure d'expulsion après la fermeture de sa mosquée radicalisée.
Je suis d'ailleurs étonné que des républicains comme vous trouvent scandaleux ce qu'il a fait, alors que cela devrait tous nous réunir.
Monsieur Gay...
M. Fabien Gay. - Je n'ai rien dit ! Vous êtes obsédé par moi, c'est sentimental !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - C'est important, les sentiments ! (Sourires)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cela devient ridicule !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Vous savez que dans mon département du Nord, une grande partie des électeurs communistes a voté RN. Il est regrettable qu'un homme aussi respectable que M. Roussel ait ainsi été battu à Saint-Amand-les-Eaux. Mes grands-parents ont voté communiste, car ils étaient attachés aux conditions du prolétariat. Or les conditions du prolétariat, cela ne justifie pas qu'on doive marier des imams radicalisés dans les mairies de la République.
M. Fabien Gay. - J'aurais dit cela ? C'est une vérité alternative ! Qui a dit cela ?
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Que les groupes socialiste et CRCE-K ne soutiennent pas le maire d'Hautmont, car il a refusé de marier un imam radicalisé, c'est cela qui fait monter le RN. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Fabien Gay. - C'est du trumpisme !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains) Nous voterons ces amendements. Depuis le début de la séance, la droite fait comme si c'était cela ou rien ; mais il existe bel et bien actuellement des possibilités. Je peux citer une circulaire de Michèle Alliot-Marie, ministre de votre ancien parti, monsieur le garde des sceaux...
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Je n'avais pas encore le bac !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - ... ou encore une circulaire de Manuel Valls, qui demande aux préfets d'évaluer les fraudes au consentement à un mariage.
D'après le garde des sceaux, il faudrait légiférer pour savoir ? C'est particulier...
Lorsque vous avez défendu la loi Immigration, vous vous êtes opposé à cette proposition...
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - C'était un cavalier.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vous n'avez pas non plus proposé d'aménagement pour régler la situation de ces maires qui sont, si je compte bien, au nombre de deux...
Ne nous racontons pas d'histoires : vous étiez LR, vous êtes devenu macroniste, mais vous avez compris récemment que ce n'est pas une étiquette porteuse...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Socialiste non plus !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vous avez donc décidé de vous rapprocher à nouveau des LR. (M. Jean-Claude Tissot applaudit.)
À la demande du groupe UC, les amendements identiques nos2, 8 et 9 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°207 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 113 |
Contre | 230 |
Les amendements identiques nos2, 8 et 9 ne sont pas adoptés.
À la demande du groupe UC, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°208 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l'adoption | 229 |
Contre | 113 |
L'article unique est adopté.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. - Amendement n°12 de M. Le Rudulier, au nom de la commission des lois.
M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Nous mettons en adéquation le titre avec nos votes en incluant le ministère public.
Dans le rapport, nous avons pu avancer des chiffres : il y aurait 507 mis en cause au titre de l'article L. 823-11 du Ceseda en 2024 et plus de 700 en 2019. (Mme Mélanie Vogel ironise.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Sagesse
L'amendement n°12 est adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Stéphane Demilly . - Simple, univoque et laconique, cette proposition de loi n'a pour objet que de sécuriser les maires et d'égaliser les pratiques. L'AMF la soutient. Dans cette maison des élus qu'est notre assemblée, trouvons un large consensus en leur faveur. Nous avons mis le sujet sur la table. Puisse le vote des autres groupes être dicté par le bon sens, pour protéger ces fantassins de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; marques d'ironie à gauche.)
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Ah, le bon sens...
Mme Corinne Narassiguin . - Nous sommes ici nombreux à avoir été maires ou à être élus par des maires. Beaucoup nous disent qu'ils sont inquiets de cette proposition de loi.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Lesquels ?
Mme Corinne Narassiguin. - Nous saisirons le Conseil constitutionnel, car cette proposition de loi les expose à des situations plus difficiles. Vous ne faites qu'encourager des polémiques politiques.
Monsieur le garde des sceaux, vous prétendez lutter contre l'instrumentalisation du mariage... Mais c'est vous qui l'instrumentalisez. Il y a une douzaine d'années, c'était au détriment des homosexuels... (Plusieurs « Oh » à droite)
Mme Mélanie Vogel. - Mais oui !
Mme Corinne Narassiguin. - En 2023, vous avez regretté votre position sur le mariage pour tous. J'espère que vous reconnaîtrez être, une nouvelle fois, du mauvais côté de l'histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE-K ; vives protestations à droite)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Et vous, encore une fois dans le déni !
À la demande du groupe UC, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°209 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l'adoption | 227 |
Contre | 110 |
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
La séance, suspendue à 13 h 05, reprend à 14 h 35.