Lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur(Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, présentée par MM. Pierre-Antoine Levi, Bernard Fialaire et plusieurs de leurs collègues.
M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la proposition de loi . - C'est avec solennité que je m'adresse à vous. Cette proposition de loi dépasse le cadre législatif. C'est une question de conscience, un appel à défendre l'essence même de notre pacte républicain face à un mal insidieux qui ressurgit. L'antisémitisme, ce poison ancien, trouve aujourd'hui un écho inquiétant dans nos universités. Ces lieux, qui devraient incarner la raison, l'ouverture, deviennent, pour certains de nos concitoyens, des espaces de peur, d'exclusion et de haine.
Dans Le Monde d'hier, Stefan Zweig raconte comment, dans la Vienne du début du XXe siècle, l'antisémitisme s'insinue dans la société : « à l'université, les jeunes gens commencèrent à éviter les étudiants juifs et prirent l'habitude de les regarder avec mépris ». Cette description résonne douloureusement. Nous voyons, dans nos universités, l'étouffement progressif de nos valeurs humanistes.
La mission d'information que nous avons menée avec Bernard Fialaire a mis en lumière une situation alarmante. Nous avons entendu des étudiants raconter les insultes dans les couloirs, les affiches infamantes, le harcèlement en ligne. Ce n'est pas une accumulation d'incidents isolés, mais un climat empoisonné qui s'installe : ces comportements sont banalisés, tolérés.
Cette proposition de loi est née de la nécessité de protéger les étudiants victimes d'antisémitisme, mais aussi l'idéal même de l'université comme lieu de savoir, de débat et de tolérance.
Depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, la parole antisémite s'est libérée, notamment dans nos universités. Le nombre d'actes antisémites recensés dans les établissements d'enseignement supérieur a doublé - or ils sont sous-déclarés.
Nous ne pouvions rester les bras croisés. Les présidents d'université eux-mêmes nous disent leur désarroi. Ils peinent à distinguer ce qui relève de la critique politique légitime d'un acte antisémite, alors que l'antisémitisme avance masqué derrière des revendications idéologiques.
Les dispositifs de signalement sont hétérogènes, souvent inefficaces ; les sanctions disciplinaires trop rares. Entre octobre 2023 et avril 2024, seules six commissions disciplinaires ont été saisies, quand 67 incidents avaient été recensés. Ce fossé est inacceptable.
Le silence des victimes et des témoins engendre une sous-déclaration. Les pratiques des équipes dirigeantes sont hétérogènes. Une zone grise entoure les actes survenant dans des contextes péri-universitaires - soirées étudiantes, réseaux sociaux.
Laisser ces comportements se banaliser, c'est accepter que les valeurs de notre République soient foulées aux pieds.
Sans une action législative forte, cette situation intolérable perdurera.
Cette proposition de loi, nécessaire, est un signal fort envoyé à tous. Nos principes de liberté, d'égalité et de fraternité ne sauraient être remis en cause. Elle donnera aux universités les moyens d'agir efficacement, tout en préservant les libertés académiques.
Nous créons un cadre dans lequel chaque étudiant pourra étudier librement, sans peur ni discrimination. Nous avons pris soin de préserver l'autonomie des universités tout en leur fournissant des outils efficaces.
Cette approche équilibrée reconnaît la place singulière de la lutte contre l'antisémitisme tout en l'intégrant dans le combat plus large contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine.
Ce combat est un combat pour notre République. Il y va de notre honneur de garantir qu'aucun étudiant ne soit discriminé, menacé ou agressé en raison de sa foi ou de ses origines.
Zweig écrit : « Ce fut notre faute, à nous autres intellectuels, de ne pas avoir pris assez tôt conscience du danger et de l'avoir sous-estimé. » Ne commettons pas la même erreur. (Applaudissements)
M. Bernard Fialaire, rapporteur de la commission de la culture . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes UC et Les Républicains) Je n'aurais pas cru devoir, en 2025, présenter un tel texte. Mais les travaux que nous conduisons depuis un an ont montré qu'une intervention du législateur était nécessaire et urgente. Les conclusions alarmantes de notre mission d'information ont conduit à formuler onze recommandations, dont certaines sont reprises dans ce texte, enrichi depuis grâce à des auditions de suivi.
Ce texte répond à l'essor d'une nouvelle expression antisémite dans nos établissements, qui passe par des actes du quotidien - tags, mises à l'écart, plaisanteries douteuses - et prend également une forme politique à travers le thème ambigu de l'antisionisme. Ce climat d'antisémitisme est difficile à combattre, car difficile à repérer.
Le cadre législatif et réglementaire laisse les établissements désarmés, et la réponse apportée au phénomène est très hétérogène.
Cette atmosphère tend à s'enraciner, les discours antisémites se banalisent. Notre réponse repose sur trois piliers : l'éducation, la prévention et la sanction.
En commission, nous avons étendu le champ de la proposition de loi, initialement limité à la lutte contre l'antisémitisme associé au racisme, à la lutte contre les discriminations, les violences et la haine. Il ne s'agit pas de concurrencer les actions déjà déployées par les établissements, qui concernent souvent le racisme ou les violences sexuelles et sexistes, mais de s'insérer dans le cadre existant. D'où une rédaction d'équilibre, faisant une place particulière à la lutte contre l'antisémitisme.
L'article 1er prévoit une formation obligatoire à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans les établissements publics d'enseignement, de l'école au supérieur. De tels enseignements existent déjà, mais en les inscrivant dans la loi, nous assurons leur pérennité. Il faudra s'appuyer sur la définition de l'antisémitisme fixée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA) et faire intervenir des acteurs associatifs spécialisés.
La commission a étendu l'obligation de formation aux établissements privés du supérieur et aux élus étudiants, aux référents antisémitisme et racisme et aux membres des sections disciplinaires.
L'article 2 porte sur les dispositifs de lutte et de signalement des établissements. La loi impose seulement la mise en place de missions « égalité entre les hommes et les femmes » ; en pratique, de nombreux établissements se sont dotés de missions « égalité et diversité ». Mais faute d'obligation unifiée, les disparités entre établissements sont importantes. Nous généralisons donc ces missions, avec un champ étendu à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine, et prévoyons la désignation systématique en leur sein d'un référent antisémitisme et racisme. Elles devront aussi déployer un dispositif de signalement anonyme.
La procédure disciplinaire actuelle est centrée sur la fraude académique et les « atteintes à l'ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l'université » - ce qui ne garantit pas que tous les faits d'antisémitisme font l'objet de poursuites. L'article 3 ajoute les actes d'antisémitisme et de racisme aux motifs permettant d'engager une procédure disciplinaire, et prévoit l'information des victimes. Deux amendements créant une nouvelle voie disciplinaire viendront l'enrichir.
Il faudra que les responsables d'établissements s'emparent de ces dispositifs et leur donnent les moyens de fonctionner. Nos recommandations de juin dernier restent d'actualité ; nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour les faire appliquer.
Replaçons les principes républicains au coeur des établissements d'enseignement supérieur, qui doivent redevenir le lieu du débat, de l'ouverture humaniste et du dépassement des préjugés. (Applaudissements)
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - « Des jeunes gens antisémites, ça existe donc, cela ? Il y a donc des cerveaux neufs, des âmes neuves, que cet imbécile poison a déjà déséquilibrés ? Quelle tristesse, quelle inquiétude, pour le vingtième siècle qui va s'ouvrir ! » Ainsi s'exprimait Émile Zola en 1897.
L'antisémitisme n'a pas disparu et en 2025, certains étudiants français peuvent craindre de se rendre en cours parce que juifs. Tout acte antisémite doit être condamné. Il est encore plus odieux à l'université, dont il fracasse toutes les promesses, toutes les valeurs.
L'université doit rester le lieu du débat, y compris sur les sujets difficiles, y compris sur la situation à Gaza, mais elle ne peut tolérer l'invective, l'essentialisation, l'assignation identitaire.
J'ai été alerté à de très nombreuses reprises. Si l'université est le lieu de la lutte informationnelle, je veux lutter contre son instrumentalisation à des fins politiques.
Au moins cinquante cas d'actes proprement antisémites ont été relevés : tags, insultes, voire violences physiques. Ces données sont cohérentes avec celles du ministère de l'intérieur, mais je n'ignore pas le sous-signalement. Chaque acte doit être identifié, signalé, sanctionné.
J'ai reçu les présidents d'université pour leur rappeler ma ligne : tolérance zéro. Ils partagent le constat d'une atmosphère pesante envers les étudiants juifs. Ils souhaitent être mieux accompagnés, réfléchir au dispositif disciplinaire. J'ai également reçu l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), qui attend des réponses claires.
J'ai voulu agir vite. J'ai saisi le garde des sceaux pour que les signalements faits au titre de l'article 40 soient mieux pris en compte, ce qui a été transcrit dans une circulaire de politique pénale. Nous travaillons aussi à améliorer la coordination au niveau local.
Je sais que les présidents d'université et les recteurs sont engagés. Je leur ai demandé instamment de jouer tout leur rôle.
Un programme de recherche spécifique sur l'antisémitisme sera lancé. Je souhaite une formation systématique sur le sujet. J'ai confirmé la mission confiée à Khaled Bouabdallah et Pierre-Arnaud Cresson.
Merci aux sénateurs Levi et Fialaire pour leur important rapport. Vous y appeliez à améliorer la détection des actes antisémites, à prévenir les dérives, à poursuivre et sanctionner les auteurs. Comptez sur moi.
Merci aussi pour ce texte, dont je soutiens l'ambition. Il permet de porter la voix des présidents d'université, en particulier via l'amendement du sénateur Piednoir qui renforce les moyens des sections disciplinaires.
J'espère que le Sénat soutiendra ces mesures. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - « Dire que je suis juif est devenu un risque. Je suis devenu une cible. En deux jours, j'ai reçu une centaine de messages d'insultes, de menaces. C'est dur, à 20 ans, de se faire traiter de génocidaire. » Ces mots insupportables, nous les avons entendus lors des Assises de lutte contre l'antisémitisme, la semaine dernière. Lycéens et étudiants y ont décrit un climat pesant, car une minorité d'agitateurs de haine rend l'atmosphère irrespirable. Ils nous ont raconté comment les insultes deviennent des habitudes, les blagues des agressions, les silences des complicités.
Depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, au cours desquelles quarante-deux de nos compatriotes ont été assassinés, nous constatons un regain massif d'actes antisémites, un ré-enracinement.
Car l'antisémitisme est une obsession qui traverse le temps, les régimes et les frontières. Il épouse les angoisses, les fractures propres à chaque époque, à chaque société. Il mue, il mute, il se renouvelle.
On pourrait haïr Israël sans haïr les juifs ? En réalité, c'est une obsession maladive, à mille lieues de la critique légitime d'un gouvernement, qui ne touche aucun autre pays au monde. L'antisionisme et la haine décomplexée d'Israël sont les masques modernes de la haine anti-juive, à l'heure de l'écoeurante propagande du Hamas sur le rapatriement des corps des jeunes otages. Jamais nous ne pardonnerons à ceux qui ont excusé ces actes, osé parler de « résistance », arraché les affiches de leurs visages innocents.
Nos universités n'ont pas été épargnées par cette vague de haine. Mais l'absence de système efficace de remontée des signalements rend difficile un recensement précis. Vous avez raison de faire de l'identification des actes antisémites une priorité, car les chiffres existants ne sont qu'une fraction de la réalité.
Il y a aussi un antisémitisme plus insidieux, alimenté par l'extrême gauche et l'islam radical. Un antisémitisme d'atmosphère, qui pousse les jeunes juifs à cacher leur identité, à retirer leur étoile de David, à éviter certains sujets : il vaut mieux se taire, disparaître...
Face à l'antisémitisme, aucun compromis n'est acceptable ; face à toutes les formes de haine anti-juive, aucune indifférence possible. La réponse de la République est un refus total, en bloc.
C'est le sens de l'engagement du Président de la République et du Gouvernement, des Assises, des deux groupes de travail que j'ai créés. Le premier, composé de magistrats, avocats et universitaires, proposera des évolutions de notre arsenal juridique et législatif : à chaque acte, l'État doit sanctionner. Le second, consacré à l'éducation, identifiera les leviers pédagogiques pour éduquer nos jeunes et sensibiliser leurs parents et enseignants. Ils auront deux mois pour formuler des propositions opérationnelles.
Le Gouvernement est très favorable à votre proposition de loi. Je connais l'engagement des deux corapporteurs. Ce texte et les amendements adoptés en commission apportent des réponses claires en matière de formation, de prévention, de signalement, de sanction.
Nous sommes à un moment de vérité, pour nos universités et notre démocratie. Nous ne pouvons fermer les yeux et laisser prospérer la haine. Nous devons dire que la République ne cédera pas : cette proposition de loi y contribue. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi qu'au banc des commissions)
M. Pierre Ouzoulias . - L'antisémitisme sévit depuis plus de deux mille ans : il lie la destruction du temple juif d'Éléphantine en 410 avant notre ère, l'anathème lancé par Justin de Naplouse au IIe siècle contre le « peuple déicide », l'antisémitisme racial de Drumont et Barrès et la Shoah. Selon David Nirenberg, il est un pilier de la pensée occidentale, car il offre un cadre théorique qui donne un sens au monde.
Combattre l'antisémitisme exige de regarder avec lucidité l'histoire de notre pays et ses supposées racines judéo-chrétiennes. Louis IX, dit Saint Louis, dont la statue nous regarde, organisa en 1240 une controverse publique sur le Talmud, déclaré « livre infâme » : un autodafé fut organisé place de Grève. En 1269, il imposa à tous les juifs de porter une rouelle jaune sur leur vêtement. Napoléon Bonaparte, dont le buste orne notre hémicycle, prit trois décrets pour « arracher plusieurs départements à l'opprobre de se trouver vassaux des juifs », visant des « pratiques contraires à la civilisation et au bon ordre de la société ».
L'antisémitisme n'est pas un racisme comme les autres, car, selon François Rachline, si « le racisme est un rejet de l'autre, l'antisémitisme est le refus d'une éthique ». Ses résurgences affaiblissent l'idéal républicain en réduisant l'individu à ses origines supposées. La lutte contre les discriminations n'est plus conduite au nom de l'égalité, mais par l'affirmation victimaire des identités particulières, au risque d'aboutir à une vitrification de la société.
L'université est traversée par ces conflits idéologiques, exacerbés par le pogrom du 7 octobre et la guerre de Gaza. Elle aurait dû être lieu du débat rationnel ; elle a été le théâtre d'anathèmes violents et d'ostracismes idéologiques. La hausse avérée d'expressions antisémites sur les campus est irrémissible. J'ai honte que neuf étudiants juifs sur dix se sentent menacés par un antisémitisme manifeste ou latent.
Certes, cette proposition de loi ne changera pas les mentalités, mais elle réaffirme notre soutien à tous les étudiants juifs. Chers frères et soeurs en humanité, la République ne vous oublie pas. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du RDSE et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)
Mme Mathilde Ollivier . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Notre pays fait face à une montée de l'antisémitisme, un climat de haine qui impacte notre vivre-ensemble. Entre octobre 2023 et mars 2024, France Universités a recensé 67 actes antisémites, deux fois plus que durant l'année 2022-2023. Le climat d'antisémitisme prend diverses formes, difficiles à quantifier. Face à ces actes, et à la complexité des recours disciplinaires, de nombreux étudiants juifs renoncent à dénoncer, voire à étudier dans certaines universités.
L'université, lieu d'apprentissage et d'ouverture, ne saurait devenir un espace de peur et d'exclusion.
Dans le contexte des attaques terroristes du 7 octobre, des otages retenus par le Hamas, des crimes contre l'humanité commis à Gaza, gare aux amalgames. « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur de ce monde », dit Camus ; ne pas les nommer, c'est nier notre humanité. Les juifs de France ne doivent pas être assimilés aux crimes du gouvernement israélien. Relativiser les crimes envers les juifs, c'est leur dénier le statut de victimes. Se battre pour un État palestinien, en reconnaissant le droit à la sécurité d'Israël, ce n'est pas être antisémite.
Le GEST soutient l'ensemble des mesures de ce texte. Nous nous satisfaisons de la suppression en commission de la possibilité pour les présidents d'université d'accéder aux messageries privées : cela doit demeurer une prérogative de l'enquête judiciaire.
Il faut aborder conjointement toutes les formes d'antisémitisme, de racisme et de discrimination. C'est pourquoi nous souhaitons modifier l'intitulé de la proposition de loi, en cohérence avec le reste du texte. Nous défendrons également un amendement visant à mieux informer les étudiants, enseignants et personnels sur les dispositifs existants.
Je remercie les rapporteurs pour leur travail et leur écoute. Les auditions ont été nombreuses et les débats sereins. Continuons ainsi, en évitant les sous-entendus envers le monde universitaire ou les étudiants engagés. Je ne reviendrai pas sur le triste spectacle offert par notre mission d'information lors de l'audition de responsables d'universités.
Le Sénat doit rappeler son attachement à la liberté académique et à la liberté d'information et d'expression des étudiants, consacrée par l'article L811-1 du code de l'éducation.
Le GEST votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
M. David Ros . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il y a une semaine, j'assistais à Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l'Essonne, au dix-neuvième anniversaire de l'assassinat d'Ilan Halimi, torturé par le « gang des barbares » parce que juif.
Cette affaire peut nous paraître lointaine, mais l'antisémitisme, lui, n'est jamais bien loin. Les attentats perpétrés du 7 octobre 2023 ont rappelé qu'il reste tapi dans l'ombre, prompt à ressurgir, alimenté par la haine, la jalousie et la bêtise. Il est aussi attisé par certaines personnes qui occupent des fonctions de premier plan, à des fins électoralistes.
L'antisémitisme est un fléau et un péril pour la République. « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille : on parle de vous », disait Frantz Fanon.
Lors de la cérémonie de la semaine dernière, les élèves et étudiants ont présenté les travaux grâce auxquels ils ont pu dépasser les préjugés et croyances véhiculées par les réseaux sociaux. Une lauréate, élève de troisième, a conclu en ces termes : si nos religions peuvent nous éloigner, le savoir doit nous réunir.
Nos universités sont le lieu de la transmission des connaissances. C'est pourquoi nous sommes choqués par la multiplication des actes antisémites dans l'enseignement supérieur.
La présente proposition de loi arrive fort à propos. Je remercie les deux rapporteurs pour leur travail, notamment dans le cadre de la mission flash. Ils ont procédé à de nombreuses auditions et pris le temps d'échanges libres et non faussés. Leur texte tient compte de ces différentes contributions : je les félicite pour cette démarche exemplaire. Cette attitude constructive a permis de retisser un lien de confiance avec les présidents d'université, qui avaient parfois le sentiment d'être injustement accusés de passivité.
Ce texte se fonde sur les onze recommandations adoptées à l'unanimité par la mission d'information en matière de formation des personnels, de prévention et de signalement des actes antisémites et de renforcement des procédures disciplinaires.
Les chefs d'établissement confirment l'intérêt du texte, même s'il n'est pas exclusif d'autres actions. Il prolonge le combat mené par les ministres successifs, avec un mot d'ordre : tolérance zéro pour les actes antisémites. L'application Dialogue, développée l'an dernier et pour laquelle l'université Paris-Saclay a été pilote, sera-t-elle pérennisée ?
Un bémol : nous regrettons que les amendements visant à étendre la formation à l'ensemble du personnel aient été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Nous espérons que le Gouvernement reprendra cette proposition à son compte dans la suite de la navette.
Malgré cette réserve, le groupe SER votera la proposition de loi, en espérant une adoption à l'unanimité. (Applaudissements à gauche)
M. Aymeric Durox . - Nous abordons ce débat avec esprit de responsabilité, les yeux grands ouverts sur l'antisémitisme qui gangrène nombre de nos universités.
Les étudiants juifs sont 91 % à avoir subi un acte d'antisémitisme dans leur université. Depuis le 7 octobre 2023, les actes et propos antisémites recensés par France Universités ont doublé. Face à la multiplication des bousculades, blagues antisémites, intimidations et même violences physiques, il est urgent d'agir.
Le travail préparatoire à ce texte a mis en lumière une réalité alarmante : des présidents d'université expliquent qu'il est difficile de distinguer entre la critique politique légitime du gouvernement israélien et des déclarations antisémites ; de nombreux étudiants n'ont pas intégré l'enseignement moral et civique du primaire et du secondaire ; les mobilisations et blocages organisés par l'extrême gauche, qui essentialise le débat pour des raisons électoralistes, entretiennent l'amalgame entre la politique d'Israël et nos compatriotes juifs.
Plus ignominieux encore : les affiches réclamant la libération des otages du Hamas éhontément arrachées dans nombre d'universités. J'espère que les responsables ressentent un peu de dégoût pour eux-mêmes en apprenant cette semaine que Kfir Bibas, 9 mois, son frère Ariel, 4 ans, et leur mère sont morts, tués par le Hamas.
Notre devoir est d'imposer les lois de la République dans l'enseignement supérieur pour protéger nos étudiants. L'autonomie des universités n'est pas le séparatisme, la liberté d'expression ne peut justifier le racisme et l'antisémitisme. Elles doivent sévir chaque fois que nécessaire. À nous de mettre à leur disposition les outils législatifs nécessaires : c'est l'objet de cette proposition de loi. Elle prévoit une formation à la lutte contre l'antisémitisme, crée une mission égalité et diversité pour améliorer le suivi des signalements et renforce les pouvoirs des présidents d'université en matière d'investigation et de discipline.
Tout en déplorant qu'il soit encore nécessaire de légiférer contre l'antisémitisme dans la France de 2025, les sénateurs du Rassemblement national voteront ce texte.
Mme Samantha Cazebonne . - Ce texte est important, alors que notre pays connaît une nouvelle vague d'antisémitisme, notamment dans l'enseignement supérieur.
La mission flash menée l'an dernier par MM. Levi et Fialaire a mis des mots sur la montée de l'antisémitisme dans les universités et réaffirmé l'urgence de les doter de moyens nouveaux pour lutter contre ce fléau. En 2024, 1 570 plaintes pour actes antisémites ont été comptabilisées, contre 436 en 2022 - et ces chiffres sont probablement sous-estimés. Neuf étudiants juifs sur dix disent avoir été victimes d'actes antisémites.
Nos étudiants doivent se sentir en sécurité dans leur université. Cette proposition de loi donne aux établissements de nouveaux outils en ce sens, sans porter atteinte à leur indépendance.
Comme éducatrice, je me réjouis de l'instauration d'une formation contre l'antisémitisme pour les personnels. C'est indispensable : trop longtemps, les enseignants n'ont pas été assez accompagnés.
Le RDPI soutient aussi la création d'une mission égalité et diversité, à l'article 2, pour clarifier les obligations des établissements et renforcer les actions menées, y compris contre les violences sexistes et sexuelles. La systématisation du signalement des actes antisémites devrait remédier aux difficultés d'identification des victimes, qui, trop souvent, n'ont d'autre choix que de se taire.
L'article 3 étend les compétences des instances disciplinaires. Nous nous félicitons que la commission ait écarté le risque relatif à la protection des données personnelles.
Le RDPI votera évidemment cette proposition de loi, afin de mieux protéger nos étudiants. Chacun d'eux doit pouvoir grandir dans un climat d'ouverture, de débat et de lumières. Ne baissons pas les bras face à l'obscurantisme ! (Applaudissements)
M. Max Brisson . - Au XIXe siècle, la France était un modèle pour les juifs d'Europe centrale et orientale ; l'adage « heureux comme un juif en France » en témoigne. Depuis le Moyen-Âge, les juifs ont beaucoup apporté à l'édifice du génie français. Un lien particulier s'est noué entre la France, la République et le judaïsme français, qui se sont mutuellement nourris.
Hélas, cette exception française est aujourd'hui malmenée par un relativisme venu d'outre-Atlantique, hostile à notre universalisme républicain, et de nouvelles formes d'antisémitisme. L'audition, en avril dernier, de Guillaume Gellé, président de France Universités, et d'Isabelle de Mecquenem, membre du Conseil des sages de la laïcité, ne nous a pas rassurés, tant elle a donné l'impression d'un déni absolu des nouvelles modalités de l'antisémitisme.
Oui, il y a une spécificité intrinsèque à l'antisémitisme et il existe un lien entre wokisme, islamisme et antisémitisme : c'est une nouveauté à laquelle notre République doit faire face.
Les chiffres font froid dans le dos : 91 % des étudiants juifs sont victimes d'actes antisémites, ce qui les conduit parfois à s'interroger sur leur place dans la nation. Il est temps de réagir avec fermeté pour arrêter cet engrenage, auquel concourent des forces politiques qui se sont affranchies de toute décence et font régner la terreur sur les campus.
Je remercie MM. Levi et Fialaire pour cette proposition de loi utile.
Comme eux, je suis convaincu qu'il est indispensable de détecter systématiquement les actes antisémites. Comme eux, j'ai été interpellé par l'insupportable impuissance des autorités universitaires. Comme eux, je déplore que la discipline universitaire se borne à renvoyer vers les instances judiciaires. Comme eux, je suis fatigué de la culture de l'excuse, indécente quand il s'agit d'antisémitisme.
Mettons fin au relativisme ambiant et à la repentance forcée ! Il faut sanctionner systématiquement les auteurs, renforcer le lien entre universités et parquets et le pouvoir de sanction des établissements. Je salue l'amendement du Gouvernement qui redéfinit les motifs de poursuites disciplinaires et celui de M. Piednoir qui créé une section disciplinaire commune aux établissements d'une même région académique, pour un examen plus serein des dossiers sensibles.
Cette proposition de loi est la première pierre d'une action plus globale. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et vous nous trouverez toujours à vos côtés pour lutter implacablement contre l'antisémitisme, le pire des cancers de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Laure Darcos . - Quatre-vingts ans après la libération du camp d'Auschwitz Birkenau, nous débattons d'un texte qui inscrit la lutte contre l'antisémitisme parmi les priorités de notre nation. Comment en sommes-nous arrivés à devoir, en 2025, lutter contre la résurgence d'un passé qui fait honte à l'humanité ?
« Nous sommes en présence d'un crime qui n'a pas de nom » : ainsi parlait Winston Churchill à la BBC en août 1941, après avoir appris les premiers crimes perpétrés contre les juifs par les unités d'extermination allemandes en territoire soviétique.
Le 7 octobre 2023, le Hamas a commis un pogrom épouvantable, le pire depuis la Seconde Guerre mondiale. J'ai une pensée émue pour les otages juifs encore retenus à Gaza et pour ceux qui ont été tués, dont la famille Bibas.
La décision de l'État hébreu de traquer cette organisation terroriste sur le territoire des Gazaouis, transformés en boucliers humains, n'a pas tardé à déchaîner sur notre sol les plus vils instincts. Des cités communautarisées aux amphithéâtres chauffés à blanc par des étudiants fanatisés d'extrême gauche, le diable a ressurgi. Souvenons-nous de l'occupation de Sciences Po par des militants prétendument antisionistes, encouragés par des députés de La France Insoumise, un parti qui a fait de l'instrumentalisation de ces événements son fonds de commerce. L'antisionisme de la gauche radicale n'est qu'une façade masquant une réalité qui lui est consubstantielle.
Depuis le 7 octobre 2023, notre pays fait face à une explosion de l'antisémitisme, en particulier dans l'enseignement supérieur. Neuf étudiants de confession juive sur dix ont été confrontés à un acte antisémite, une réalité glaçante. Trop souvent, l'idéologie l'emporte sur le débat d'idées, alors que l'extrême gauche étudiante impose une forme de terreur physique et psychologique dans les universités, sous couvert de défense de la Palestine - qu'une députée LFI ne sait même pas situer sur une carte. Il est plus que temps d'agir !
Notre commission a créé une mission d'information pour déterminer les moyens d'endiguer la diffusion de l'antisémitisme à l'université. J'ai été émue par les témoignages des représentants de la communauté juive sur la haine quotidienne, dans ce qui devrait être des hauts lieux de la connaissance.
Je salue le travail remarquable de MM. Levi et Fialaire. Les mesures proposées visent à mieux détecter les actes antisémites, mobiliser les équipes dirigeantes et sanctionner. Il faut agir dès l'école primaire pour déconstruire les stéréotypes. Or l'enseignement de la laïcité et du fait religieux reste difficile, en témoignent les assassinats des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard.
Cette proposition de loi vise à sensibiliser les jeunes tout au long de leur parcours scolaire et universitaire. La généralisation de la mission égalité et diversité donnera une assise solide aux signalements. Enfin, la procédure disciplinaire est rénovée.
Face à la haine qui déferle, le temps est à l'action. Notre groupe votera ce texte avec conviction et espère son application pleine et efficace. (Applaudissements au centre et sur des travées à droite)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Il est consternant que nous devions, en 2025, légiférer contre l'antisémitisme et le racisme. Nos grands-parents et parents ont lutté contre ces fléaux et notre République s'est construite sur les valeurs d'égalité et de fraternité. Or la haine s'exprime toujours, notamment dans les établissements d'enseignement supérieur. Les mécanismes existants ne suffisent pas à la combattre.
Il n'est pas normal que des étudiants aient du mal à poursuivre leur formation en raison de leur origine, ni que des enseignants aient du mal à enseigner. Ces incidents répétés portent atteinte à la dignité des personnes et au bon fonctionnement de l'université, qui devrait être un lieu de production du savoir et d'émancipation.
La proposition de loi n'établit aucune hiérarchie entre les formes de haine et de discrimination, mais les nomme pour mieux les combattre. Antisémitisme, racisme, homophobie : sous des formes diverses, c'est le même poison qui est à l'oeuvre. Notre responsabilité est de former des esprits capables de combattre les discours toxiques.
La prévention ne peut se résumer aux signalements. Nous devons mettre en place une approche globale et coordonnée, fondée sur la formation et un continuum de l'école primaire à l'université.
Ne relâchons pas notre vigilance. Toutes les formes de violence et de haine nécessitent une mobilisation constante, pour qu'à l'avenir, nous n'ayons plus à légiférer. Le RDSE votera ce texte. (Applaudissements au centre et à droite ; M. Yan Chantrel applaudit également.)
M. le président. - Le président Lafon renonce à s'exprimer, pour que le texte puisse être voté avant le terme du délai imparti.
M. Stéphane Piednoir . - Parmi les discriminations de toute sorte, l'antisémitisme tient une place particulière. J'ai une pensée pour les otages retenus à Gaza, et la famille Bibas. La barbarie du Hamas ne sera ni pardonnée ni oubliée.
Sous couvert de positionnement politique ou idéologique, le débat s'embrase, alors que le combat contre l'antisémitisme ne saurait prêter à discussion. La France est attachée à l'universalité des droits de l'homme.
Les universités ne sont pas des citadelles : elles sont particulièrement confrontées à la résurgence de l'antisémitisme, ce péril séculaire. Depuis le 7 octobre 2023, le nombre d'actes antisémites dans l'enseignement supérieur a doublé. Nous ne tolérerons pas l'intolérable.
C'est tout l'enjeu du travail mené par MM. Fialaire et Levi, que je salue. Leur proposition de loi répond à un besoin impératif de protection.
À l'instar de ce qui a été fait pour d'autres formes de discrimination, instaurer un référent identifié pourra faciliter la dénonciation. Si le combat contre l'antisémitisme a ses spécificités, il faut une mécanique commune de lutte contre toutes les haines.
L'antisémitisme n'est pas une opinion, mais un délit. Et la liberté académique a parfois bon dos. Il faut avoir le courage de s'opposer à ceux qui prennent ouvertement des positions antisémites et ont encouragé les débordements, notamment, à Sciences Po. Ne laissons pas la gangrène antisémite attaquer notre République. Les chefs d'établissement et présidents d'université doivent être d'une fermeté absolue. Je défendrai un amendement pour des dispositions plus opérationnelles à cet égard.
Cette proposition de loi ne résoudra pas tout, mais il est de notre devoir de la voter pour garantir à tous un environnement propice à l'élévation intellectuelle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Chapitre Ier : Formation à la lutte contre l'antisémitisme dans les établissements d'enseignement
M. le président. - Amendement n°6 de M. Ros et du groupe SER.
M. David Ros. - Le travail à mener va au-delà de l'antisémitisme. Nous mettons en conformité l'intitulé du chapitre Ier avec le dispositif de l'article 1er, en visant la lutte contre le racisme et l'antisémitisme.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Comme l'a dit Pierre Ouzoulias, l'antisémitisme n'est pas un racisme comme les autres. Avis défavorable.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°13 de MM. Levi et Fialaire, au nom de la commission de la culture.
L'amendement rédactionnel n°13, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié de Mme Ollivier et du GEST.
Mme Mathilde Ollivier. - Les établissements doivent informer les étudiants, enseignants et membres du personnel de l'existence des dispositifs de lutte contre l'antisémitisme, renforcés par ce texte.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Cette disposition ne nous a pas paru nécessaire à première vue, mais nous en partageons l'objectif. Avis favorable.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Cette question relève plutôt du réglementaire. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°3 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°12 de MM. Levi et Fialaire, au nom de la commission de la culture.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Nous retirons cet amendement d'appel, mais l'appel est lancé...
L'amendement n°12 est retiré.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article 3
M. le président. - Amendement n°1 rectifié de M. Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. - Les sections disciplinaires des établissements ont parfois du mal à se saisir des actes antisémites. C'est pourquoi je propose d'instaurer une instance commune aux établissements d'une même région académique, placée sous l'autorité d'un magistrat professionnel. Elle permettra un dépaysement des affaires et allégera la charge des commissions disciplinaires d'établissement. Ses modalités de constitution et de réunion seront fixées par décret.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Cet amendement très intéressant apporte une réponse aux limites de la procédure disciplinaire actuelle, notamment l'inflation du nombre de dossiers et la fragilité des procédures. Il reprend une proposition de notre rapport d'information. Avis favorable.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°11 du Gouvernement.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Nous redéfinissons les motifs susceptibles de justifier des poursuites disciplinaires, en les élargissant. La liste prévue n'est pas exhaustive.
M. le président. - Sous-amendement n°15 de Mme Ollivier et du GEST.
Mme Mathilde Ollivier. - Nous voulons supprimer la possibilité pour les établissements de lancer des poursuites disciplinaires en cas d'atteinte aux dispositions nationales de nature législative ou réglementaire, afin d'éviter une para-judiciarisation.
M. le président. - Amendement n°4 de Mme Ollivier et du GEST.
Mme Mathilde Ollivier. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°9 de M. Ros et du groupe SER.
M. David Ros. - Nous retirerons cet amendement si l'amendement n°11, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Dans ce cas, le vôtre deviendra sans objet.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement n°11 réécrit les motifs de saisine de la commission disciplinaire. Cette rédaction a plusieurs avantages : une description objective, la suppression de la notion d'atteinte à la réputation de l'établissement, plusieurs précisions qui offriront des outils supplémentaires aux présidents d'établissement pour répondre aux faits de haine, faire respecter le règlement intérieur et assurer le bon fonctionnement de l'université. Avis favorable.
Avis défavorable aux amendements nos4 et 9, ainsi qu'au sous-amendement n°15, satisfait.
M. Stéphane Piednoir. - Je ne suis pas spécialiste en droit - cela n'empêche pas d'atteindre les plus hautes fonctions juridiques dans notre pays... (Marques d'approbation et d'ironie sur de nombreuses travées) - mais l'amendement du Gouvernement me semble poser une difficulté, liée au « notamment ». De façon générale, il faut se méfier des adverbes dans la rédaction des textes. Je crains que celui-ci ne soit source de contentieux. L'amendement du Gouvernement peut-il être rectifié ?
M. Philippe Baptiste, ministre. - Avis défavorable au sous-amendement n°15 et aux amendements nos4 et 9. Monsieur Piednoir, le « notamment » ouvre le champ : les présidents d'université auront la possibilité de se saisir de sujets plus larges.
M. David Ros. - Je me félicite de l'abandon de la notion de réputation. On nous a objecté, il y a quelques instants, qu'on voulait se concentrer sur la lutte contre l'antisémitisme. Or l'amendement du Gouvernement élargit le champ des faits visés. Je veux bien tout, mais pas tout et son contraire. Le groupe SER s'abstiendra sur l'amendement n°11.
Mme Mathilde Ollivier. - Des présidents d'université estiment que les procédures disciplinaires, dans certains cas, peuvent affaiblir la procédure judiciaire portant sur les mêmes faits.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. - L'amendement n°11 est essentiel pour renforcer l'aspect disciplinaire du texte, qui crédibilise la démarche. On pourra y retravailler dans la navette, mais il serait regrettable de ne pas intégrer cette dimension. (Mme Anne-Sophie Romagny et M. Max Brisson renchérissent.)
M. Pierre Ouzoulias. - Tout à fait !
Le sous-amendement n°15 n'est pas adopté.
L'amendement n°11 est adopté.
Les amendements nos4 et 9 n'ont plus d'objet.
L'article 3, modifié, est adopté.
Article 4
M. le président. - Amendement n°14 de MM. Levi et Fialaire, au nom de la commission de la culture.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Cet amendement prévoit l'application du texte en outre-mer.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°14 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. - Amendement n°5 de M. Ros et du groupe SER.
M. David Ros. - Un seul mot : cohérence !
M. Max Brisson. - C'est nouveau...
M. le président. - Amendement n°2 de Mme Ollivier et du GEST.
Mme Mathilde Ollivier. - Défendu.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°2.
Vote sur l'ensemble
Mme Sabine Drexler . - L'université et les grandes écoles sont censées être des lieux de débat éclairé, de respect mutuel et de promotion des valeurs républicaines.
Mais les tensions internationales, notamment le conflit israélo-palestinien, sont importées et instrumentalisées sur nos campus et sont le prétexte à la propagation de discours et d'actes antisémites. S'y ajoute l'influence croissante d'idéologies raciales d'extrême droite, d'extrême gauche et islamistes, prônant la haine de l'autre et un antisémitisme plus ou moins assumé.
Qu'en sera-t-il demain dans nos institutions, nos entreprises et nos médias, si nos futurs décideurs sont nourris par ces idéologies ? Quid des magistrats qui auraient appris à fermer les yeux sur cette haine ? Quel type de médias aurons-nous si les journalistes se forment dans un climat où la désinformation et le complotisme prospèrent ?
L'antisémitisme impose une réponse collective et déterminée. Faute de quoi, ce qui est toléré aujourd'hui sera notre quotidien demain !
M. David Ros . - Quatre mots : unanimité, bravo, mais cohérence. (Sourires)
M. Francis Szpiner. - C'est un rébus ?
M. Pierre Ouzoulias . - On combat l'antisémitisme par la connaissance. Or les études sur le judaïsme sont en pleine déshérence - six thèses sur le judaïsme contre vingt il y a cinq ou six ans. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour relancer les études dans ce domaine. (Applaudissements)
À la demande du groupe UC, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°210 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l'adoption | 344 |
Contre | 0 |
La proposition de loi est adoptée.
(Bravos et applaudissements ; plusieurs sénateurs se lèvent.)
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Je remercie le président Lafon : les six minutes qu'il a abandonnées dans la discussion générale ont été précieuses pour voter cette proposition de loi, attendue à l'université. (Applaudissements) Objectif rempli !
Nous espérons une application à la rentrée 2025. Merci également aux ministres pour leur soutien. Nous comptons sur eux pour une inscription rapide du texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements)
M. Laurent Lafon, président de la commission. - J'ai appris aujourd'hui qu'il pouvait être utile de se taire... (Sourires) Au printemps dernier, la conférence des présidents avait lancé une mission flash. Un an plus tard, nous adoptons une proposition de loi. Je remercie nos deux rapporteurs, qui ont travaillé main dans la main même si leurs regards, au départ, étaient différents. (Applaudissements)
Oui, nous envoyons un message : chacun a sa place dans l'enseignement supérieur, sans essentialisation ni ostracisme. Mais cette proposition de loi n'est pas qu'un message : elle offre un panel d'outils juridiques. Monsieur, madame les ministres, nous avons besoin de vous pour l'inscrire rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Merci pour cette belle unanimité ! (Applaudissements)
M. Philippe Baptiste, ministre. - Je remercie le Sénat pour la qualité de ses débats et ce vote. Comptez sur moi pour lutter quotidiennement contre l'antisémitisme. (Applaudissements)