Souveraineté alimentaire et agricole (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Burgoa applaudit également.) À moins de 48 heures de l'ouverture du Salon international de l'agriculture, nous nous apprêtons à conclure une très longue séquence agricole, dont ce projet de loi est le point d'orgue.
Je remercie toutes les personnes qui se sont investies, et en premier lieu mon corapporteur Laurent Duplomb. Nous avons enrichi ce projet de loi, au point de déposer une proposition de loi complémentaire, qui sera examinée début avril à l'Assemblée nationale.
Je remercie la présidente Estrosi Sassone pour son soutien sans faille. Je remercie aussi Marc Fesneau et vous madame la ministre pour votre obstination, car le sort de ce texte était incertain au sortir de la dissolution. (Mme Anne-Sophie Romagny renchérit.) Merci aussi pour votre soutien à notre proposition de loi, qui bénéficiera de la procédure accélérée.
Je remercie les anciens et les nouveaux rapporteurs du texte à l'Assemblée nationale, Pascal Lavergne, Éric Girardin, Nicole Le Peih et Pascal Lecamp. Notre écoute mutuelle nous a permis des compromis et d'aboutir à un texte ambitieux.
Le texte qui nous est soumis reflète cet état d'esprit. Il conserve l'essentiel des apports de fond du Sénat, convergents, en réalité, avec ceux des députés. C'est ce qui explique sa très large approbation, hier soir, à l'Assemblée nationale.
Je pense aux notions d'intérêt général majeur, d'intérêt fondamental de la nation et au principe de non-régression de la souveraineté alimentaire. Nos apports pour un enseignement agricole résolument tourné vers l'entrepreneuriat ont été maintenus. Nous avons accepté de revenir à France Services Agriculture, dénomination à laquelle la ministre était très attachée. (Mme Annie Genevard le confirme.) L'aide au passage de relais et le droit à l'essai ont été conservés.
De nombreux apports de nos collègues ont également été maintenus : pas d'interdiction sans solution, grâce à Daniel Gremillet ; facilitation de la construction de bâtiments agricoles dans les communes insulaires métropolitaines, grâce à Annick Billon ; exclusion de ces bâtiments du zéro artificialisation nette (ZAN), grâce à Jean-Claude Anglars ; création d'un représentant de l'enseignement agricole indépendant, grâce notamment à Christian Bruyen.
Soyons fiers du travail accompli collectivement. Je vous invite, à la suite du large soutien des députés, à voter ce projet de loi en disant un oui franc et massif à l'avenir de l'agriculture. Nos agriculteurs nous diront merci. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - (MM. Laurent Burgoa et Patrick Chaize applaudissent.) « On marche sur la tête » : tel était le message du monde paysan du mouvement de protestation historique de l'an dernier. Nos agriculteurs nous criaient leur ras-le-bol d'une politique trop hors solution, trop en décalage avec leurs besoins. Je salue Marc Fesneau, mon prédécesseur : la dernière de ses promesses est entre vos mains.
Ce texte est une oeuvre collective qui témoigne de la capacité de notre nation à s'unir autour de notre agriculture.
Je remercie les rapporteurs pour leur travail acharné, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Je remercie également les présidentes de commission, Mmes Estrosi Sassone et Trouvé, ainsi que tous les négociateurs de la CMP, qui ont abouti à un compromis ambitieux et responsable.
À deux jours de l'ouverture du Salon, notre agriculture, notre pêche et notre forêt sont reconnues d'intérêt général majeur. L'objectif est clair : accroître le potentiel agricole de notre nation, pour nous débarrasser des dépendances inutiles.
Notre enseignement agricole va être régénéré grâce à 30 % d'apprenants supplémentaires d'ici à 2030, à une sixième mission pour former la relève au grand défi des transitions climatique et environnementale, à un effort de sensibilisation des plus jeunes aux métiers du vivant et à la création du bachelor agro.
Nous allons agir pour l'installation et la transmission grâce à un accompagnement renforcé par le réseau France Services Agriculture et grâce au diagnostic modulaire. L'essai d'association sera possible.
Nous avons renforcé l'attractivité du métier d'agriculteur, en dépénalisant les atteintes non intentionnelles à l'environnement et en réduisant le délai de recours contentieux contre les ouvrages agricoles et hydrauliques - c'est un gage de sérénité.
Nous abaissons substantiellement les contraintes sur nos exploitants par la création d'un régime unique de la haie. Enfin, nos éleveurs verront leurs troupeaux mieux protégés contre la prédation lupine, grâce aux tirs de défense et aux patous.
La place des femmes en agriculture - qui me tient à coeur - sera revalorisée : l'amélioration de leur statut figure explicitement dans nos objectifs ; l'accès au statut de chef d'exploitation sera facilité ; le réseau France Services Agriculture les accompagnera.
Avec ce texte, nous réancrons les deux pieds de la France dans le socle le plus solide qui soit : l'agriculture. La parole de l'État est tenue. Un seul mot d'ordre, désormais : votez ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Article 3
M. le président. - Amendement n°6 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Rédactionnel.
M. le président. - Amendement n°1 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Rédactionnel.
M. le président. - Amendement n°8 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Nous supprimons les mots « ou aquacoles », inutiles puisque l'aquaculture fait partie de l'agriculture. Nous aurons ainsi une définition identique pour les établissements publics et privés.
M. le président. - Amendement n°7 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Les exploitations des établissements privés doivent bénéficier des mêmes aides que celles des établissements publics.
M. le président. - Amendement n°2 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Coordination juridique.
Article 5 bis
M. le président. - Amendement n°3 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Coordination juridique.
Article 10
M. le président. - Amendement n°4 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Coordination juridique.
Article 14 bis A
M. le président. - Amendement n°5 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Correction d'une erreur de référence juridique.
Article 21
M. le président. - Amendement n°9 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Nous portons de six à douze mois le délai de l'ordonnance sur l'enseignement agricole en outre-mer.
Certes, il faut aller vite, mais le délai de six mois semble trop court. Nous devons d'abord recenser toutes les dispositions à mettre en cohérence, ainsi que celles devenues sans objet.
M. Franck Menonville, rapporteur. - Avis favorable à tous les amendements.
Vote sur l'ensemble
M. Yannick Jadot . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Chers collègues de la majorité sénatoriale, votre victoire est totale, sans compromis ni nuance, avec la complaisance coupable du Gouvernement. Mais la fête risque d'être courte et les lendemains, bien sombres.
Car si votre victoire sert une minorité d'agriculteurs, les plus puissants, l'agro-industrie et l'agrochimie, elle se fait au détriment de tous les autres, qui expriment tous les jours leur colère et leur mal-être face à des revenus indignes, à l'isolement, à l'épuisement, à une bureaucratie absurde et à une nature malade.
Cette loi est un déni. De la nature, d'abord. Ignorer les impacts de l'agriculture sur la biodiversité, l'eau, les sols et le climat est irresponsable - les agriculteurs en sont les premières victimes. Tout comme rabaisser les vérités scientifiques à de l'idéologie ou de simples opinions : acter les faits, ce n'est ni insulter ni culpabiliser tous les agriculteurs.
En remettant en cause le travail de l'Office français de la biodiversité (OFB), de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et de l'Anses, vous vous êtes enfermés dans une forme d'obscurantisme. Deux administrateurs de l'Anses dénoncent dans Le Monde d'aujourd'hui l'usine à gaz que vous avez inventée pour subordonner les avis de l'agence aux intérêts économiques de certains.
Mme Annie Genevard, ministre. - Ce n'est pas dans ce texte !
M. Yannick Jadot. - Souvenez-vous de l'amiante !
Votre principe - pas d'interdiction sans solution - nous rappelle les arguments évoqués par les planteurs de bananes pour retarder la fin de l'utilisation du chlordécone dans les Antilles, malgré la catastrophe sanitaire annoncée et connue. Les scientifiques alertent sur l'explosion du nombre de cancers, notamment chez les jeunes. Chacun d'entre nous devra un jour rendre des comptes.
Cette loi est aussi un déni des attentes de la société. Le contrat entre l'agriculture et la société repose sur la reconnaissance, le respect et la confiance. Jusqu'à présent, nul ne remet en cause le financement public de l'agriculture - 200 euros par Français et par an. Mais les Français attendent en retour une agriculture nourricière, une alimentation de qualité, le respect de l'environnement et de la santé et certainement pas une zone de non-droit et d'impunité en matière d'atteinte à l'environnement. (Mme Annie Genevard le conteste.) La confiance est fragile, or cette loi l'abîme.
Déni enfin sur le revenu des agriculteurs. Vous ne vous attaquez pas au rapport brutal liant les agriculteurs à l'agro-industrie qui écrase nos paysans. Ce texte ne contient rien pour garantir des prix rémunérateurs et des revenus dignes.
En ce triste jour, nous, écologistes, gardons espoir : sur le terrain, les agriculteurs prennent plus au sérieux qu'ici les enjeux environnementaux et les attentes de la société. Ils sont plus lucides qu'ici sur le combat à mener pour obtenir des revenus dignes, particulièrement les jeunes, si maltraités par ce texte : pour eux, la souveraineté agricole et alimentaire, ce ne seront jamais les fermes usines fonctionnant au soja brésilien pour vendre de la viande à l'autre bout de la planète. Pour eux, l'agroécologie, que vous avez voulu rayer de ce texte de loi, n'est pas un grand mot : c'est la seule option sérieuse et responsable.
Nous leur devons une autre loi. Le GEST votera évidemment contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Annie Genevard, ministre. - Où avez-vous vu qu'il était question de l'Anses ? Vous vous trompez de texte...
M. Yannick Jadot. - J'ai bien écouté les débats !
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La crise agricole du printemps dernier nous oblige. Nul ne peut la nier.
Cette crise, multidimensionnelle, est d'abord sanitaire et environnementale, avec la résurgence d'épidémies. Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus visibles. Le malaise agricole est aussi la crise du renouvellement des générations : l'avenir est inquiétant. N'oublions pas qu'il n'existe pas de pays sans paysans.
Cette crise est aussi économique : les paysans veulent pouvoir vivre dignement de leur travail. Après ce texte, quelles réponses ?
Les paysans n'auront qu'une loi bavarde, programmatique, nullement à la hauteur de leurs revendications. Oui, ce texte comporte quelques avancées : le guichet unique départemental, même si ses contours sont flous ; le nouveau diplôme, mais son impact réel interroge ; le diagnostic modulaire, mais il sera facultatif et tourné vers la compétitivité.
Rien sur des thématiques centrales comme le revenu des agriculteurs, le rééquilibrage des relations commerciales, le foncier, les aides toujours liées au productivisme.
L'occasion manquée est terrible. On n'avance pas. Pis : on recule. Je déplore cette logique libérale d'allègement des charges environnementales. On recule, avec le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, avec le refus d'interdire les produits phyto : c'est la porte rouverte à la réintroduction des néonicotinoïdes. On recule avec l'abaissement des sanctions en cas de destruction illicite d'espèces, d'habitats naturels ou de sites protégés. On recule avec la dépénalisation de certaines infractions. On recule avec l'accélération des recours contre certains projets agricoles ou les mégabassines.
Nous nous rejoignons sur un point : l'agriculture française doit rester compétitive et d'excellence. Non, nous ne voulons pas réduire l'agriculture à néant. Le virage agroécologique est indispensable, alliant performances économique, environnementale et sociale.
Nous devons promouvoir tous les modes de production et un plus grand pluralisme dans les instances agricoles. Nous voulons une loi de régulation foncière contre les agrandissements incontrôlés, l'accaparement des terres et la financiarisation de l'agriculture. Nous voulons une grande réforme des aides de la PAC, pour en finir avec le modèle dominant des aides à l'hectare. Nous voulons que le rôle majeur des opérateurs de l'État - et notamment l'OFB, l'Inrae et l'Anses - soit reconnu. Nous voulons supprimer tous les reculs environnementaux.
Ceux qui voteront ce texte porteront la responsabilité de ne pas avoir engagé l'agriculture sur la voie de sa survie. Le groupe SER votera contre ce texte, il n'a pas d'autre choix. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Laure Darcos . - Nous y sommes ! Certes, in extremis, à deux jours du Salon de l'agriculture.
Présenté en réponse à la colère du monde agricole, ce texte avait l'ambition de donner un cap clair vers la souveraineté alimentaire. Simplicité et pragmatisme, voilà le cap et la méthode.
Nous nous réjouissons que la version du Sénat ait été reprise pour l'essentiel, donnant plus de souplesse à nos agriculteurs.
Mais certaines dispositions de ce texte échappent à cette logique de simplification. Les Indépendants ont été les seuls à s'abstenir sur la proposition de loi en faveur de la haie. Son intégration dans l'article 14 nous laisse perplexes : nous resterons attentifs à son application.
Nous regrettons aussi que les dispositions sur les compétences eau et assainissement n'aient pas été retenues en CMP, car le Sénat y est très attaché.
Toutes ces mesures de simplification faciliteront la transmission et l'installation. Mais pour cela, il faut de la rentabilité : qui souhaiterait s'installer dans une exploitation non viable ? Les agriculteurs veulent vivre de leur métier.
Madame la ministre, ce texte n'est pas le vôtre, mais merci pour votre engagement et votre capacité à tenir vos engagements. En ce moment même, Vincent Louault échange avec vos services sur les zones humides, comme vous l'aviez promis.
Les sujets restent nombreux. Ce texte n'est qu'une première étape : la prochaine sera l'examen de la proposition de loi visant à lever les contraintes du métier d'agriculteur à l'Assemblée nationale. Ces deux textes sont les deux jambes d'un même corps.
Nous avons réaffirmé que l'agriculture est stratégique pour la souveraineté de la nation. Cette nouvelle méthode - simplification et pragmatisme - doit maintenant s'appliquer à d'autres secteurs : l'industrie, l'énergie, les PME...
Les Indépendants voteront unanimement ce texte. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Jean-Claude Anglars . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un an après son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, nous achevons l'examen de ce texte au parcours chaotique.
La colère agricole a connu plusieurs épisodes depuis un an. Les agriculteurs attendent des réponses ; le Sénat y contribue via la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.
La loi d'orientation a été améliorée et clarifiée par les commissions ; je salue le travail des rapporteurs.
Nous avons défendu notre vision lors des débats : promouvoir une agriculture compétitive et durable sur l'ensemble du territoire, capable de produire une alimentation saine, conformément au principe de la souveraineté alimentaire. Nous devons faire confiance aux agriculteurs, qui donnent tout pour leur métier.
La version finale du texte est satisfaisante, avec la conservation de nombreux apports du Sénat.
Plus que d'orientation, c'est un texte de circonstance qui ne résoudra pas tous les problèmes, mais aborde des sujets parfois plus urgents que structurants.
Certains lui reprochent d'être hétéroclite, mais il apporte des réponses ambitieuses et utiles : l'inscription de la souveraineté alimentaire comme intérêt fondamental de la nation, le droit à l'essai en agriculture, les aides au passage de relais, la présomption de bonne foi des agriculteurs lors des contrôles et la simplification de l'article sur les haies.
Je salue deux points importants retenus en CMP, issus d'amendements que j'avais déposés : l'exclusion des bâtiments agricoles du ZAN, car l'avenir de l'agriculture exige de ne pas mettre en concurrence les bâtiments pour l'élevage et les nouvelles habitations ; l'autorisation de la valorisation des produits lainiers sous forme d'engrais, jusqu'alors interdite par une surtransposition du droit européen, alors qu'elle était autorisée en Allemagne, en Italie et en Espagne.
D'autres enjeux nous attendent : la loi Trace et l'accord avec le Mercosur, sur lequel nous devons être vigilants - mais vous l'êtes, madame la ministre.
Le groupe Les Républicains votera ce texte et souhaite une promulgation rapide. Madame la ministre, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Bernard Buis . - Après un marathon budgétaire historique, voici la dernière épreuve d'un pentathlon agricole inédit.
Deux jours après la CMP, nous avons l'occasion d'apporter un point final au parcours législatif de ce texte.
Je salue les rapporteurs, tant de l'Assemblée nationale que du Sénat. Leur travail a permis d'aboutir à une CMP conclusive cette semaine, pour adopter définitivement le texte avant l'ouverture du Salon de l'agriculture.
Le RDPI votera ce texte, qui contient de nombreuses avancées. Je me réjouis de l'évolution du cadre juridique applicable à la haie grâce à la préservation de l'article 14 bis A, introduit par un amendement déposé avec Daniel Salmon pour intégrer sa proposition de loi de sauvegarde de la haie dans ce projet de loi.
Je salue la création du bachelor agro et la mise en place du réseau France Services Agriculture, ainsi que l'introduction du précepte selon lequel il n'y a pas d'interdiction sans solution.
Je salue le droit à l'erreur, qui aidera les agriculteurs de bonne foi. Ces derniers ont besoin de simplification et de bienveillance : ce texte y pourvoit.
Il est urgent de voter ce texte, car les décrets d'application doivent être publiés rapidement. Madame la ministre, je compte sur vous pour renouer la confiance avec les agricultrices et les agriculteurs, qui font la fierté de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Anne-Sophie Patru et M. Franck Menonville applaudissent également.)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.) Il y a deux jours, vous aviez conclu en déclarant que vous ne vouliez pas démarrer le Salon de l'agriculture en disant que les agriculteurs n'avaient pas été entendus.
C'est le seul engagement tenu : le texte sera voté avant le Salon. En effet, il ne répond pas aux attentes ; il fait même craindre des retours en arrière, avec des effets irréversibles, tant les agriculteurs dépendent de l'évolution des écosystèmes.
Pour autant, la sémantique a son importance : la notion de « transition climatique et environnementale » a été réintroduite, en lieu et place de celle d'adaptation. Je regrette cependant la disparition du terme d'agroécologie. Contre la nature, on ne lutte pas.
Je me satisfais du retour de l'objectif de porter l'agriculture bio à 21 % de la surface agricole utilisée (SAU) en 2031. Sa suppression par le Sénat aurait été un très mauvais signal : n'oublions pas qu'elle attire la moitié des agriculteurs qui veulent s'installer.
Idem pour le fait de circonscrire à l'agriculture la dépénalisation de certaines atteintes non intentionnelles à l'environnement. Il faut concilier non-régression environnementale et allègement des normes. Je comprends les craintes de nos collègues qui s'opposent au texte, mais nous devons changer de paradigme et faire davantage confiance aux agriculteurs.
Je me réjouis que France installations-transmissions devienne France Services Agriculture, ce qui ouvre la porte à d'autres fonctions.
Je regrette en revanche que la CMP soit revenue sur la gratuité du diagnostic modulaire. Je m'interrogeais déjà sur son effectivité, sur la base du volontariat, mais sa réalisation risque d'en devenir encore plus hypothétique. Une évaluation de l'efficacité du dispositif me semble nécessaire dans les années à venir.
Un texte cherchant à renforcer notre souveraineté alimentaire qui ne traite pas du foncier agricole est une anomalie. En 2021, lors de l'adoption de la proposition de loi Accès au foncier agricole, le Sénat avait regretté que le Gouvernement n'ait pas déposé une grande loi foncière. Quatre ans plus tard, le constat reste le même : l'éviction des agriculteurs eux-mêmes et un appauvrissement collectif. Madame la ministre, je compte sur vous pour approfondir le sujet.
Je ne peux pas raisonnablement voter contre ce texte, mais je ne peux pas non plus m'abstenir : les attentes du monde agricole nous obligent. Certes incomplet, ce texte comporte des compromis recevables qui m'amènent à voter pour, à l'instar de la majorité de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP)
Mme Marie-Lise Housseau . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Neuf mois après son adoption en première lecture à l'Assemblée nationale, nous voici au terme de l'examen de ce texte, qui répond à la détresse des agriculteurs. Malgré l'instabilité politique ambiante, ce projet de loi a pu aboutir : je salue le travail des rapporteurs, ainsi que l'implication des sénateurs, tous bords politiques confondus, dans des débats certes houleux, mais qui montrent notre attachement à l'agriculture et aux hommes et aux femmes qui nous nourrissent.
Je me réjouis que la version définitive soit proche de celle que nous avions adoptée au Sénat.
Cette loi résoudra-t-elle tous les problèmes ? Non. Les agriculteurs sont en première ligne de la qualité de notre alimentation, de notre autonomie collective, de la préservation de notre environnement. Notre principal défi ? Leur permettre de vivre dignement de leur métier. Or cette question du juste prix demeure entière.
Mais cette loi apporte quelques réponses : la souveraineté alimentaire est considérée comme relevant de l'intérêt fondamental de la nation. Alors que le libre-échange cède la place à un protectionnisme de plus en plus assumé et que des bruits de bottes se font entendre, c'est une bonne chose.
La CMP reconnaît la nécessité de favoriser les transitions climatiques et environnementales et fixe aux surfaces bio un objectif chiffré, reconnaissant tout leur intérêt.
La loi répond à la crise des vocations agricoles avec le guichet unique France Services Agriculture et propose des formations pour rendre le métier plus attractif, tout en sensibilisant à l'environnement.
Enfin, la loi réduit la pression coercitive et punitive sur l'agriculteur, qui ne peut plus être un bouc émissaire. On a fait peser sur ses épaules - comme Atlas - des exigences toujours plus lourdes, mais impossibles à atteindre - comme Sisyphe. Il était temps de rééquilibrer cette situation pour rassurer la majorité de bonne foi sans pour autant cautionner l'indéfendable. (Mme Anne-Sophie Romagny renchérit.)
Je salue l'intégration de la proposition de loi Romagny obligeant les aménageurs à mettre en place des zones de non-traitement en limite des zones agricoles quand il y a des habitations. Pour une fois, tout ne repose pas sur les agriculteurs.
Cette proposition de loi noue un nouveau contrat social. Elle constitue une première marche en cohérence avec les annonces faites hier par l'Union européenne sur la réciprocité des normes.
Le groupe UC restera engagé et à l'écoute du monde agricole. Il votera les conclusions de cette CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDPI ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Gérard Lahellec . - L'élan populaire que suscite, chaque année, le Salon de l'agriculture, risque de supplanter assez vite les suites discrètes de cette petite loi d'orientation agricole. On nous avait promis une grande loi, mais la montagne accouche d'une souris. Nous ne devons pourtant pas perdre de vue la crise structurelle de l'agriculture.
Ce texte devrait être un compromis, mais il est quasiment aligné sur celui du Sénat. Le rôle de la CMP change de nature : ce sont onze parlementaires sur 925, soit 1,9 % de la représentation nationale, qui décident du contenu du texte...
Mme Anne-Sophie Romagny. - C'est la procédure !
M. Gérard Lahellec. - Certes, la procédure est parfaitement légale. (Mme Anne-Sophie Romagny et M. Antoine Lefèvre apprécient.) Mais ce texte souffrira d'un manque de légitimité ; il ne faudrait pas que cela devienne une habitude.
Nous sommes loin de la véritable loi d'orientation agricole dont nous aurions besoin pour nourrir durablement notre population et assurer le renouvellement des générations : la moitié des agriculteurs partiront à la retraite d'ici à 2050. Chaque jour, deux paysans se suicident, tandis que les actionnaires de l'industrie agroalimentaire captent la moitié de la valeur ajoutée : nonobstant les lois Égalim, celle-ci va vers l'aval et non vers la ferme, qui en est pourtant la source de production.
Ce système, faisant baisser la part de l'alimentation dans le budget des ménages et poussant les prix vers le bas, enserre les travailleurs paysans dans un étau : ils sont les extracteurs d'un minerai, comme si l'alimentation était une marchandise comme une autre, et non un bien commun. Toutes les filières sont touchées.
Dans les Côtes-d'Armor, entre 2021 et 2023, nous avons perdu la production de 10 millions de litres de lait. Dès 2027, il n'est pas impossible que nous importions du lait en France !
Plutôt que de remettre en cause ce système, on nous parle des normes... Certes, il y a de la paperasserie, mais ce n'est pas ce qui fait baisser le revenu paysan. Le jour où les normes auront disparu, nous n'aurons plus d'arguments pour nous opposer aux traités de libre-échange ou défendre nos AOP.
Cette loi d'orientation agricole ne traite pas du foncier agricole. En ignorant ce sujet délicat, nous prenons le risque d'une privatisation des terres où le propriétaire ne sera plus paysan.
La pêche est l'autre grande absente du texte, alors qu'elle a besoin d'être soutenue.
Il y a loi d'orientation et loi d'orientation. Ici, on nous propose de continuer à faire comme avant, mais en allant plus vite - c'est-à-dire de continuer à marcher sur la tête. C'est pourquoi nous nous y opposons. (Applaudissements à gauche)
À la demande de la commission des affaires économiques et du GEST, le projet de loi, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°211 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 236 |
Contre | 103 |
Le projet de loi, modifié, est adopté définitivement.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et du RDSE)
Prochaine séance, mardi 4 mars 2025, à 16 h 30.
La séance est levée à 17 h 10.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 4 mars 2025
Séance publique
À 16 h 30, 18 h 30 et 21 h 30
Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente
Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Patricia Schillinger
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, portant sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe
2. Débat sur les accords franco-algériens dans le domaine de l'immigration et de la circulation des personnes (demande du groupe Les Républicains)
3. Proposition de loi relative à la consultation du Parlement sur la nomination de membres français dans certaines institutions européennes, présentée par M. Jean-François Rapin (texte de la commission, n°358, 2024-2025) (demande de la commission des affaires européennes)