Trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), examinée à la demande du groupe Les Républicains.
Explications de vote
Mme Cécile Cukierman . - (M. Pierre Barros applaudit.) Après le rapport du groupe de suivi sur le ZAN, la proposition de loi de Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier nous permet d'ajuster et faciliter la mise en oeuvre de cet objectif. Le texte donne plus de lisibilité aux élus locaux.
Une chose est sûre et le nombre d'amendements déposés ainsi que nos échanges l'illustrent : l'artificialisation des sols est un enjeu important dont nous aurons à rediscuter, d'autant plus que des éléments centraux n'ont pas été évoqués, comme les financements et l'appui technique dont les collectivités territoriales auront besoin. Des mesures sont nécessaires aussi sur le réemploi des friches. Monsieur le ministre, nous avons besoin du rapport voté ici même pour que les bâtiments délaissés d'hier soient les opportunités économiques de demain.
Les plateformes de recyclage doivent être accueillies sans pénaliser les communes qui en prennent la responsabilité. Ces installations font partie des équipements, notamment publics, qu'il faut mutualiser pour qu'ils restent accessibles à tous.
Cette proposition de loi rassurera les élus locaux sans les exonérer de leurs responsabilités. Nous pouvons compter sur eux.
Il faut préserver et même étendre les espaces agricoles pour faire face à la concurrence étrangère et nourrir tous nos concitoyens. Nous devons aussi soutenir la filière bois, mais aussi conserver les espaces naturels, réserves de biodiversité et outils indispensables à la lutte contre le réchauffement climatique.
Il faut équilibrer le territoire : par la construction de logements et le dynamisme économique, accueillir plus d'habitants à la campagne, mais aussi désimperméabiliser les villes et rafraîchir leur atmosphère pour améliorer la qualité de vie de leurs habitants. Ce défi collectif doit être relevé sans saucissonner les enjeux.
En confiant aux collectivités territoriales la responsabilité de fixer des objectifs intermédiaires, nous donnons confiance aux élus. Certes, il est facile de dénoncer l'urbanisation des années 1980 et 1990, mais les maires d'alors n'ont agi qu'en conformité avec la loi. Ceux d'aujourd'hui la respecteront demain. À nous de la rendre lisible et efficace.
Loin des caricatures et des populismes, nous devons partager des ressources en tension. C'est un beau défi à relever, et c'est l'enjeu des renouvellements de 2026. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MM. Marc Laménie, Cédric Chevalier, Alain Chatillon et Fabien Genet applaudissent également.)
M. Ronan Dantec . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Il y a des moments dans nos vies de législateur où nous avons le sentiment de faire oeuvre utile. (Exclamations à droite)
Ce fut le cas lorsque nous avons adopté à l'unanimité la proposition de loi contre le narcotrafic, défi pour notre société. Même chose pour la loi ZAN 2, qui apportait des correctifs nécessaires à la loi Climat et résilience instaurant le ZAN. Le décompte spécial pour les projets d'envergure nationale ou européenne (Pene) était une évidence ; la création d'une enveloppe communale permettait de rassurer les élus et de ne pas pénaliser les communes ayant peu artificialisé jusqu'à présent.
Arrive la proposition de loi ZAN 3. J'aurais préféré vous dire que nous étions dans le même esprit. Mais nous avons eu affaire à une loi-posture, une loi-surenchère de la droite sénatoriale qui remet même en cause la loi ZAN 2. (Huées à droite)
Que s'est-il passé ? Est-ce le fait de la dissolution et des changements de Gouvernement ? Un effet secondaire de la course-poursuite engagée entre candidats Les Républicains pour la prochaine présidentielle ? (Les huées redoublent à droite.)
Résultat : une loi à contretemps. La plupart des régions ont intégré dans les Sraddet ou s'apprêtent à le faire l'objectif de moins 50 %, y compris des régions de droite comme la Normandie et les Hauts-de-France. Seules deux régions refusent de l'appliquer : les Pays de la Loire, dont la présidente est connue pour la brutalité de ses coupes dans la politique culturelle, et la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), dont l'ancien président était tout fier d'affirmer qu'il ne respecterait pas la loi. (M. Fabien Genet s'exclame.) C'est une loi pour les mauvais élèves, pour ne pas dire les sauvageons ! (Sourires à gauche)
La fédération des Scot, présidée par un ancien séguiniste, a été très ferme dans son opposition à ce retour en arrière. Nous avons de nombreux témoignages en ce sens, y compris d'élus de droite. (M. Olivier Paccaud s'exclame.)
Et que dire du monde paysan ? Le patron de la FNSEA a pris sa plus belle plume pour nous l'écrire, d'accord avec les Jeunes Agriculteurs et la fédération des Safer. Mais au risque de décevoir les élus locaux et de rester sourds au monde agricole, vous n'avez pas bougé de position. Même le Gouvernement s'y est cassé les dents : vous avez refusé le compromis proposé par François Rebsamen - que nous avons voté. Il fallait en finir avec le ZAN, point à la ligne !
M. Olivier Paccaud. - Oui !
M. Ronan Dantec. - Pourquoi s'embêter à garder une loi ZAN 3 ? L'abrogation aurait été plus simple, car plus personne n'y croit, dans sa mouture actuelle.
Vous oubliez que la France consomme beaucoup plus d'espace que ses voisins. Vous avez opportunément proposé que l'État s'engage lui aussi à réduire sa superficie, mais vous avez ajouté une telle liste à la Prévert aux Pene - jusqu'aux lycées ! - que l'on ne sait pas comment il va y arriver.
La garantie rurale bénéficie d'une deuxième décennie, jusqu'en 2044 ! On voit des droits à artificialiser reconduits pour vingt ans et les auteurs nous soutiennent mordicus que l'objectif de ZAN reste en vigueur ? Soyons sérieux ! (Protestations à droite) Cela signifie que 20 000 hectares par an seront consommés jusqu'au milieu des années 2040, puis, zéro, miraculeusement, du jour au lendemain. Personne n'y croit !
Un groupe de travail a été constitué. Nous avons l'espoir que ce texte soit revu, voire rejeté par l'Assemblée nationale, et que l'objectif à dix ans soit préservé. Nous étions prêts au compromis. (On réclame le silence à gauche.) J'avais proposé dans le cadre de la loi ZAN 2 que le décompte se fasse par les espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) ; c'est désormais le cas, mais les enveloppes sont embrouillées et l'on n'y comprend plus grand-chose. Mais vous vouliez en finir avec le ZAN...
Vous avez fait de la souveraineté alimentaire un cheval de bataille, mais cette fois-ci, vous l'avez laissé à l'écurie ! (Sourires à gauche) Pour nous, cela reste un objectif prioritaire. Nous voterons évidemment contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Didier Marie, Christophe Chaillou et Bernard Jomier applaudissent également.)
M. Christian Redon-Sarrazy . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il serait difficile de se dire satisfait du texte soumis au vote aujourd'hui, texte de détricotage et d'insécurité juridique.
Les sénateurs du groupe SER sont conscients des difficultés de mise en oeuvre du ZAN. Dès son adoption, nous avions émis des réserves sur la méthode et avons travaillé sur chaque étape de sa mise en oeuvre. Mais assouplissement ne veut pas dire révision, voire suppression de l'objectif intermédiaire chiffré. L'immense majorité des élus locaux se sont engagés dans une démarche de sobriété foncière et les trois quarts des régions ont modifié leurs Sraddet. C'est deux ans de travail et des moyens considérables. Nous voulions simplifier sans dénaturer en proposant de reculer l'objectif de moins 50 % de consommation d'Enaf au 31 décembre 2034.
Le texte conserve la période de référence 2011-2021 pour ne pas pénaliser les collectivités déjà engagées dans le processus. Mais en donnant aux communes la possibilité de s'écarter des enveloppes foncières, la proposition de loi risque de placer de nombreuses communes dans l'insécurité juridique et remet l'objectif de ZAN en cause.
Elle laissera plus de marge aux services de l'État, ouvrira la voie à des ruptures d'équité territoriale et placera de nombreuses communes dans l'insécurité juridique. Ce qu'attendent les élus, c'est un accompagnement et une adaptation de la fiscalité - un chantier laissé en friche par le Gouvernement, alors que nous n'avons eu de cesse de faire des propositions, toutes systématiquement rejetées. Ces manques ne sont pas comblés par les quelques éléments positifs arrachés en séance. Certes, les Enaf, mieux maîtrisés par les élus locaux, sont retenus mais ils ne permettent pas de prendre en compte la fonctionnalité des sols. Le groupe SER a fait adopter un diagnostic de santé des sols qui permettra aux élus de mieux évaluer la portée de leurs choix.
Grâce à nos amendements, les projets vertueux favorisant la transition énergétique seront valorisés dans les enveloppes foncières. L'article 4 sur le compté à part ne nous satisfait pas. Notre demande de réduire le délai à dix ans a été rejetée.
L'article 5 remet en cause le mode de gouvernance du ZAN et de la prescriptibilité du Sraddet. Il apporte de la confusion.
L'article 6 sur la mutualisation de la garantie de développement communal gagnera à être amélioré pour éviter un surgel foncier.
Nos débats ont ouvert quelques pistes, telles que l'impérieuse nécessité d'une amélioration du dialogue entre les collectivités et les services de l'État, ou le besoin d'une politique en faveur de la réutilisation ou de la renaturation des friches, notamment les friches agricoles amiantées.
Le ZAN doit être le fondement d'une nouvelle façon de penser l'aménagement - et donc le ménagement - des territoires locaux. Nier la réalité du changement climatique est irresponsable. La disparition de l'objectif intermédiaire chiffré nous interdit de voter ce texte, qui n'apporte pas de réponse aux élus locaux pour une mise en oeuvre cohérente et efficiente du ZAN. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Aymeric Durox . - La loi Climat et résilience de 2021 est un exemple de ce qu'il ne faut pas faire en matière législative : par soumission à une idéologie, imposer une logique d'uniformisation sans dialoguer avec les parties prenantes.
Même si notre pays est peu densément peuplé et qu'il fait partie des plus vertueux en matière d'émission de gaz à effet de serre, notamment grâce au nucléaire, il y a consensus pour atteindre un objectif de sobriété foncière - ce qui ne veut pas dire une interdiction. Il faut en finir avec ces ensembles datés des années 1960 et les tours de quinze étages. Remplacer une maison briarde par un bâtiment de dix logements sur deux étages, ce n'est pas l'avenir et ce n'est pas respectueux du patrimoine.
Au Rassemblement national, nous croyons que la politique du logement doit répondre aux aspirations des Français : devenir simplement propriétaire d'un pavillon avec un bout de jardin, des infrastructures de transport performantes, relocaliser les bassins d'emploi pour lutter contre le métropolisation à outrance.
La loi ZAN est issue d'une démarche descendante qui fait l'impasse sur les problématiques locales et les compensations financières. Pourquoi ne pas faire confiance à nos maires ? J'invite chacun à venir, dans mon département de Seine-et-Marne, visiter la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, où aménagement urbain rime avec qualité de vie et préservation des espaces naturels. Ils y verraient l'absurdité de détruire les tours de Beauval à Meaux, alors qu'on construit toujours plus haut à quelques kilomètres de là. Dans la vraie vie, les documents d'urbanisme prévoient déjà des compensations écologiques, des îlots verts ou le déploiement de la géothermie.
Nous préférons les encouragements de ce texte aux contraintes dignes de l'âge de pierre de la loi de 2021.
Les sénateurs du RN voteront cette proposition de loi pragmatique qui répond aux attentes des élus. (M. Stéphane Ravier applaudit.)
M. Pierre Jean Rochette . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) À l'heure où l'on s'interroge sur le nombre de maires qui ne se représenteront pas l'année prochaine, ce texte est une bouffée d'air frais. Nous nous réjouissons que le Sénat ait fait entendre sa voix et celle des élus. Je regrette cependant que nous n'ayons pas suffisamment pris en compte la situation des communes de moins de 1 000 habitants en déprise démographique. Comment peut-on dire à un maire rural qu'il ne peut plus consommer de foncier alors qu'il peine à répondre aux demandes de ses habitants ?
Ce texte est globalement bon, mais il devra être expliqué dans les territoires, en disant notamment que l'objectif de ZAN est maintenu et que ce n'est pas la porte ouverte à une consommation effrénée du foncier. Nous ne pouvons pas rester dans une logique descendante. Il faut partir des territoires, bloc communal en tête.
Les élus locaux, toujours en première ligne, sont confrontés à des injonctions contradictoires : faire preuve de sobriété foncière, mais réindustrialiser, renforcer la souveraineté alimentaire et augmenter l'offre de logements sociaux. Nous refusons de créer des règles créant des territoires à deux vitesses. Tous les territoires doivent mener des politiques de développement adaptées : pôles urbanisés ou territoires ruraux, tous doivent pouvoir mener une politique de développement adaptée. Il faut renforcer le bloc communal dans la gouvernance de la sobriété foncière. Nous avons la responsabilité d'assurer un avenir durable à nos territoires sans sacrifier leur dynamisme et leur attractivité. Le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Emmanuel Capus. - Excellent !
M. Jean-Marc Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.) Quelques chiffres : deux tiers des élus locaux sont engagés en faveur de la sobriété foncière, mais trois quarts pensent que leur point de vue n'est pas pris en compte dans les objectifs régionaux.
Cela a guidé notre travail avec Amel Gacquerre. Je remercie Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Louis Vogel applaudit également.) Grâce au travail mené par la mission qu'ils ont coprésidée, nous passons du ZAN, cet acronyme devenu un repoussoir, à cette Trace, c'est-à-dire d'objectifs imposés d'en haut impossibles à atteindre à une mise en oeuvre concertée. Ce sont des moyens d'action que nous rendons aux territoires - dont le Sénat est la voix.
Les deux objectifs - moins 30 % en 2031 et zéro en 2050 n'ont fait l'objet d'aucune étude d'impact réelle. Aussi les élus locaux y ont-ils vu une marche forcée.
Avec votre discours politicien, il n'y a que vous, monsieur Dantec, pour être sourd à leurs demandes. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
Des blocages ont été levés. Des mesures essentielles ont été adoptées, telles que le maintien de la comptabilisation en Enaf, l'exemption des dents creuses ou la possibilité de déduire de sa consommation les opérations de renaturation.
Je salue le remplacement de l'objectif de moins de 50 % de consommation des Enaf en 2031 par des objectifs à 2034 librement définis par chaque région après concertation au sein des conférences de sobriété foncière. Celles qui ont élaboré leur Sraddet n'ont aucune obligation de le modifier.
Le délai de modification des documents d'urbanisme est prolongé de deux ans, plus deux ans de plus sur décision du préfet.
Le texte prévoit l'exemption des implantations industrielles et leur raccordement électrique, les logements sociaux des communes carencées, les installations de production des énergies renouvelables, les postes électriques de tension supérieure à 63 kW, les constructions du service public d'eau et assainissement, le droit à construire de 0,5 hectare supplémentaire pour tout hectare de friche requalifié, la sortie des Pene, l'obligation de sobriété pour l'État, la sécurisation des projets autorisés avant 2021, la facilitation de la mise en oeuvre de la garantie de développement communal au sein des EPCI.
Il est essentiel d'associer les collectivités territoriales dans la fixation des objectifs régionaux. C'est pourquoi nous avons modifié la composition des conférences régionales de gouvernance. Redonner du pouvoir à nos élus est un impératif.
Ce texte est un texte d'urgence - urgence à modifier une législation qui crée des contraintes inadmissibles pour les communes. Je salue le travail de Jean-Baptiste Blanc, Guislain Cambier, Amel Gacquerre, Daniel Gueret et Dominique Estrosi Sassone. Je salue aussi votre esprit de conciliation, monsieur le ministre, au service de cette Trace de bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Une fois encore, nous avons l'occasion de démontrer l'utilité du Sénat, institution de proximité en prise avec les réalités locales. Depuis quatre ans, qui dans cet hémicycle n'a jamais été interpellé par un élu local sur le ZAN ? Sur le papier, l'intention était louable, mais la mise en place a été chaotique. Il fallait y retravailler. Je remercie les auteurs de la proposition de loi.
Le RDPI votera ce texte : sa version issue des débats fait du ZAN un outil intelligent adapté aux réalités locales. Les régions pourront désormais définir leur propre trajectoire et adapter leurs paliers en 2034. À mes yeux, cela permet une situation d'équilibre. C'est un signal important en faveur du ZAN en 2050. Il a été suffisamment question de différenciation dans cet hémicycle pour que nous le saluions.
Ce texte repense opportunément le ZAN à l'aune de la transition énergétique. Le décompte d'Enaf est ainsi plus adapté. Je pense à l'amendement que j'ai fait adopter en commission pour exempter du décompte les installations de production d'énergie renouvelable ou à celui de Nadège Havet qui exempte celles de production d'hydrogène vert.
Le texte permet d'exclure des décomptes Enaf les surfaces nécessaires au Pene, comme les logements nécessaires à la construction d'un réacteur nucléaire. L'article 4 quater permettra aux plateformes de recyclage des déchets d'être considérées comme des Pene. Le choix des Enaf permettra aux élus locaux de mieux piloter leur consommation.
Notre groupe votera ce texte, car il décale les dates butoirs des documents d'urbanisme. J'ai lu et entendu beaucoup d'approximations sur nos débats, résumés à tort comme un retour en arrière... (Marques d'ironie sur les travées du GEST)
M. Yannick Jadot. - Qui a dit cela ?
M. Bernard Buis. - Il ne s'agit pas de remettre en cause le ZAN, mais de l'adapter aux réalités locales. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Positif ou négatif, un vote est toujours délicat quand il s'accompagne de quelques regrets. Cette proposition de loi méritait d'être abordée avec sérénité, loin des échanges houleux au sujet de l'article 2.
Le ZAN tristement célèbre, imposé par la loi Climat et résilience, tourmente les élus locaux chargés de sa mise en oeuvre. Que n'a-t-on pas entendu ? Aberration, casse-tête, injonction contradictoire... Il faut bétonner moins, mais il faut réindustrialiser et construire des logements. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, il en faudrait 30 000 par an, mais 20 000 à peine sortent de terre.
La version initiale du ZAN était trop radicale et inadaptée aux réalités des territoires, technocratique alors qu'il faudrait du pragmatisme. Changer les habitudes en matière d'urbanisme relève d'une révolution culturelle, mais il faut prendre en compte les contraintes de chaque territoire. La loi ZAN 2 de 2023 a prévu des adaptations. Le RDSE a rappelé la nécessité de trouver un point d'équilibre, d'assouplir la trajectoire tout en gardant des repères crédibles. Sur ces deux points, le résultat n'est pas totalement satisfaisant et nous comptons sur la navette pour l'améliorer. Avec l'esprit constructif qui le caractérise, le RDSE votera le texte.
Les innombrables critiques traduisent des incompréhensions, quand élus, décideurs et habitants passent de l'ivresse du mètre carré artificialisé à l'indispensable sobriété. Le RDSE a pris garde à ne pas se laisser séduire par l'appel de la déréglementation et lui a préféré une approche territorialisée. L'article 2 est un compromis raisonnable adopté après des débats crispés. La trajectoire vers le ZAN est fragile. Il faut laisser du temps au temps pour faire les adaptations nécessaires, mais il ne faut pas renoncer à la sobriété foncière.
Il est raisonnable de permettre aux régions de fixer les objectifs pour 2024-2034 dans les Sraddet. Le rôle de la conférence régionale de gouvernance sur la sobriété foncière sera renforcé. La méthode choisie en la matière permettra aux élus de conserver de la souplesse.
Seuls deux amendements du RDSE - exemption pendant quinze ans des raccordements électriques et mutualisation des installations pour l'accueil des gens du voyage - ont été adoptés. Je m'en félicite, mais ceux qui ont été rejetés relevaient d'un pragmatisme évident : ne pas pénaliser les collectivités sans remettre en cause les ambitions de la loi. Les querelles politiques brouillent la réécriture du texte.
Si nous n'avons pas été suffisamment écoutés, je me félicite que le texte réintroduise des dispositions prenant en compte les réalités locales sans toucher à l'objectif de 2050.
En dépit de ces réserves, le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Guislain Cambier . - (Vifs applaudissements et plusieurs « Bravo ! » sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) Merci, au nom de tous les maires, ruraux et urbains, de leur avoir redonné la main, la liberté et d'avoir ébréché l'étouffoir de la norme qui asphyxie le pays. Là où les idéologues capitalisent sur la peur, vous avez choisi la confiance. (Quelques « Très bien ! » à droite) Là où les planificateurs veulent corseter le pays en lui infligeant le contrôle, vous avez opté pour le contrat. Les débats ont montré la césure entre les réactionnaires voulant préserver leur matrice intellectuelle, leur chasse gardée technocratique, leur méthode coercitive, et le camp du progrès. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)
Nous sommes de ceux qui croient en la capacité de l'homme de construire son avenir. Non, ce n'était pas mieux avant. Avec cette Trace, vous ne vous bornez pas à corriger quelques errements, vous ouvrez la voie à la réconciliation du pays en posant un discours de la méthode organisé autour du dialogue.
Du village de montagne à la métropole côtière, les élus portent des projets et savent ce qui est utile chez eux. Le travail collectif a permis de poser un diagnostic honnête. Je remercie les membres du groupe de suivi. Avec Jean-Baptiste Blanc, mon cher binôme (applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC), nous continuons cette itinérance sur le territoire.
De l'Aveyron à la Meuse, du Morbihan au Gers, du Nord au Jura en passant par la Corse (divers sénateurs crient le nom de leur département), de partout monte une aspiration. Les élus locaux ont intégré les contraintes et les aspirations de leurs concitoyens.
Venant des différentes travées, trente-cinq amendements ont nourri le texte - preuve que, au Sénat, nous savons construire ensemble. Nous avons perfectionné l'outil de calcul. La loi ne pouvant être rétroactive, nous démarrons le compteur en 2024 avec une clause de revoyure en 2034 ; prétendre que nous détricotons l'objectif final serait donc malhonnête et mensonger. L'État doit assurer l'équilibre du territoire ; il doit donc s'appliquer les mêmes règles pour les Pene et la consommation d'espaces. Les priorités que sont la transition énergétique, le logement social et la réindustrialisation sont exemptées jusqu'en 2036.
Nous offrons un système incitatif de compensation pour les friches agricoles, comme en Bretagne. La proposition de loi Trace est un texte de solutions.
Les conférences régionales sont revisitées. Chacun y retrouvera sa place. Trace est un texte de dialogue.
Il offre des sources de progrès. Pompidou déjà dénonçait les lourdeurs administratives. (On ironise sur les travées du GEST.) Le Premier ministre Bayrou, le 14 janvier, a annoncé une remise en cause de la pyramide de normes.
Passons des paroles aux actes. Avons-nous tout réglé dans le domaine de l'urbanisme ? Nous n'en avions pas la prétention. Comment simplifier le droit de l'urbanisme pour éviter les contentieux oiseux ? Comment éviter la concurrence fiscale et financière entre territoires ? Par quels moyens l'État assure-t-il l'accès de tous à l'ingénierie nécessaire ?
La loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; mais c'est la compréhension de la loi qui permet l'acceptation par chacun et donc fortifie la République. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
Scrutin public solennel
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°231 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 277 |
Pour l'adoption | 260 |
Contre | 17 |
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - Je vous remercie pour la qualité de nos débats, qui fait honneur au Sénat. Ils ont permis d'assouplir le dispositif et de l'enrichir de perspectives variées. La recherche du compromis est essentielle pour l'acceptation des lois. Comme le disait Churchill, si deux hommes ont toujours la même opinion, l'un est de trop.
J'ai eu plaisir à porter la voix du Gouvernement dans cette discussion. Je remercie les sénateurs Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc pour le travail accompli. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du RDPI)
Le Gouvernement est attaché à tenir l'objectif de zéro artificialisation nette en 2050. (On ironise sur les travées du GEST.) C'est essentiel pour préserver notre foncier agricole comme notre biodiversité, et pour renforcer nos capacités collectives d'adaptation aux effets du changement climatique.
Nous n'avons pas partagé toutes vos orientations, mais les avons soutenues dès lors qu'elles tendaient à simplifier. Je suis très attaché à la nécessité de simplifier nos dispositifs, dans l'intérêt de nos territoires. Le ZAN doit être perçu non comme une entrave à un développement harmonieux, mais comme un levier pour bâtir des politiques d'aménagement plus durables.
Je ne doute pas que ce texte sera encore enrichi par l'Assemblée nationale, puis en CMP, au service de la préservation des espaces naturels et agricoles et d'un aménagement urbain en phase avec les grands défis actuels. (Applaudissements sur des travées du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
La séance est suspendue à 15 h 35.
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente