Renforcer la protection des ressources en eau potable

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses, présentée par Mme Florence Blatrix Contat et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe SER.

Discussion générale

Mme Florence Blatrix Contat, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Évelyne Corbière Naminzo applaudit également.) L'alerte est maximale : notre eau potable est en danger. Elle est de plus en plus rare, chère et polluée par les pesticides et les nitrates. Ce n'est pas un scénario d'anticipation, mais une réalité vécue au quotidien sur nos territoires. L'eau est une bombe à retardement qu'il est de notre devoir de désamorcer.

Depuis 1980, plus de 14 300 captages ont dû être abandonnés, dont un tiers à cause de leur pollution par les nitrates et pesticides. En 2022, plus de 10 millions de Français ont été alimentés au moins une fois par une eau présentant des dépassements de normes en pesticides. Plus inquiétant encore, près de 30 % des eaux souterraines sont aujourd'hui contaminées et 40 % risquent de ne pas atteindre un bon état chimique d'ici 2027.

Mais ces chiffres ne reflètent qu'une partie du problème : les pollutions émergentes sont mal ou pas du tout mesurées. Les normes actuelles ne les prennent pas en compte, pas plus que l'effet cocktail.

Environ 12 % des substances actives des pesticides appartiennent aux PFAS, ces polluants éternels dont la persistance et les effets sont alarmants. En France, les quantités de pesticides PFAS sont passées entre 2008 et 2021 de 700 à 2 300 tonnes.

Face à cette situation critique, notre stratégie est essentiellement axée sur le traitement curatif, mais cela a des limites - elle est à bout de souffle.

Limites techniques, d'abord : les solutions les plus sophistiquées, comme l'osmose inverse ou les filtres à charbon actif, voient leur efficacité diminuer. Il faut de plus en plus de charbon actif pour capter les métabolites de pesticides : en deux ans, une nouvelle usine a dû multiplier par deux les quantités prévues.

Limites de souveraineté, ensuite. Nous dépendons de l'Asie et de l'Amérique pour obtenir ce charbon actif. En cas de crise du commerce international, notre capacité à potabiliser l'eau captée et polluée serait gravement compromise - c'est le talon d'Achille de notre sécurité hydrique.

Limites économiques, enfin. Le coût du traitement de l'eau contaminée est chaque année de 1 à 2 milliards d'euros, une dépense en hausse constante qui pèse lourdement sur les budgets des collectivités territoriales. Syndicats des eaux et agences sont en première ligne, mais cela pèse in fine sur les factures des Français.

Les experts sont unanimes et nous alertent : sans changement radical, un prix abordable pour l'eau ne pourra être maintenu. Le traitement des pesticides fait bondir de 30 à 45 % le prix de l'eau.

Nos élus locaux le disent : ils n'en peuvent plus. Cela coûterait trois fois moins cher de traiter la pollution en amont plutôt qu'en aval, selon l'Agence de la biodiversité.

Ce week-end, lors de l'inauguration d'un réservoir d'eau potable, l'ensemble des élus présents m'ont apporté leur soutien pour cette proposition de loi, quel que soit leur bord politique.

Agir à la source est donc un impératif sanitaire, une urgence absolue à laquelle répond cette proposition de loi. Son article 1er prévoit l'interdiction progressive de l'usage et du stockage de pesticides et d'engrais minéraux dans les zones de protection des aires de captage, avec une pleine effectivité au 1er janvier 2031 et des étapes intermédiaires fixées par décret. Son article 2 prévoit des sanctions en cas d'infraction.

Son exposé des motifs est sans ambiguïté : cette transition ne se fera pas contre, mais avec le monde agricole.

Les amendements de compromis proposés en commission par le rapporteur Hervé Gillé allaient dans ce sens : mise en oeuvre plus progressive, accompagnement technique et financier des agriculteurs et des gestionnaires de l'eau, entrée en vigueur dix ans après la promulgation de la loi. Ils ont tous été rejetés par la droite sénatoriale. Je les reprendrai en séance.

Nous savons ce qui arrive lorsque nous n'agissons pas à temps. Le scandale du chlordécone en témoigne : c'est une catastrophe sanitaire dont nous subirons encore longtemps les effets. (M. Hervé Gillé renchérit.) Ne répétons pas les erreurs du passé !

Au moment de voter ce texte, ayez à l'esprit les études, notamment de l'Inserm, qui mettent en valeur les risques accrus de maladies après une exposition aux pesticides, notamment chez les agriculteurs et les femmes enceintes.

Rappelez-vous que nos collectivités locales sont en première ligne : ce sont nos maires, nos intercommunalités qui doivent chaque jour assurer l'accès à l'eau potable de nos concitoyens et installer d'urgence des filtres au charbon actif ou affréter des camions-citernes, quand le puits doit être fermé.

Pensez à nos concitoyens qui voient leurs factures exploser.

Pensez aussi aux nappes phréatiques, ces réservoirs d'eau souterraine si précieux et si vulnérables.

Le Sénat ne peut pas faillir à sa responsabilité sur un sujet aussi fondamental - non pas un débat technique réservé aux experts, mais une question de santé publique, de souveraineté, d'équité territoriale.

Le statu quo n'est plus tenable ; la seule voie responsable est celle d'une action résolue, ambitieuse et créative - un sursaut. Ne manquons pas ce rendez-vous avec l'intérêt général ! (Applaudissements à gauche ; MM. Marc Laménie et Cyril Pellevat applaudissent également.)

La séance est suspendue à 13 heures.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

M. Hervé Gillé, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Notre Haute assemblée a l'opportunité de mettre fin à des décennies d'impuissance publique concernant la qualité de l'eau. Le texte de Florence Blatrix Contat prend à bras-le-corps le sujet de la pollution de l'eau et du coût de notre inaction. En commission, j'avais proposé, avec son accord, des ajustements pour mieux répartir les efforts de réduction de la pression sur la ressource et les rendre plus acceptables.

Les élus locaux attendent de nous une attitude responsable, et non des postures dogmatiques, et de la détermination pour mettre fin à la dégradation de la qualité des eaux souterraines et superficielles servant à l'alimentation en eau potable. Les économies attendues sont estimées entre 1 et 2 milliards d'euros par an. Nous mesurons l'enjeu, à l'heure où l'argent public se fait rare...

La France dispose d'environ 37 800 captages actifs destinés à la production d'eau potable, dont 96 % puisent dans les eaux souterraines. Chaque année, ce patrimoine essentiel de la résilience hydrique se réduit. Près de 14 300 captages ont ainsi été fermés entre 1980 et 2024 - soit plus d'un captage sur quatre -, dont 41 % du fait de teneurs excessives en nitrates ou en pesticides.

Malgré les alertes des élus locaux, des agences de l'eau, des associations de protection de l'environnement, le rythme des fermetures se maintient.

Un rapport des inspections sociales et environnementales de juin 2024 a montré l'échec de la préservation de la qualité des ressources contre les pesticides et les difficultés que la gestion des non-conformités de la qualité des eaux brutes pose aux acteurs de terrain : les politiques de protection des captages sont insuffisantes ; et sans mesures préventives ambitieuses et ciblées, la reconquête de la qualité de l'eau est illusoire.

Ce constat est sévère, mais lucide. Cet échec est collectif : nous nous contentons de solutions curatives, alors que les approches préventives coûtent près de trois fois moins cher.

Les solutions devront nécessairement associer tous les acteurs de l'eau, en prenant en compte les activités présentes au sein des aires d'alimentation des captages via des démarches concertées, avant tout levier coercitif.

Pour atteindre nos objectifs ambitieux, nous devrons prendre des mesures d'interdiction ou de limitation de certaines substances ou pratiques.

La dégradation de la ressource en eau n'est pas due aux seuls usages agricoles. Cette stratégie de réduction des pressions sur les captages prioritaires me paraît cependant essentielle. Elle est partagée par de nombreux acteurs et figure dans la feuille de route annoncée par la ministre Agnès Pannier-Runacher.

Les auditions que j'ai menées et les débats en commission, tout comme mon expertise dans les instances de l'eau du bassin de Haute-Garonne, m'ont convaincu que l'atteinte de cet objectif devrait être progressive et accompagnée. C'est pourquoi j'ai proposé une négociation sur objectifs dans le cadre de contrats d'engagement réciproque, initiative reprise dans des amendements du groupe SER que nous examinerons tout à l'heure.

Le cadre normatif de protection des captages d'eau potable est diffus et foisonnant. Les lois de 1964, de 1992 et de 2006 ont enrichi les périmètres de protection et instauré des zonages spécifiques, incluant interdictions et prescriptions. Plusieurs stratégies ont ensuite complété ces instruments : Grenelle de l'environnement, conférence environnementale de 2013, plan Écophyto, plan Eau de mars 2023 - jusqu'à la feuille de route susmentionnée.

Cet empilement normatif et cette superposition de stratégies sont à la fois le signe d'une prise de conscience et la marque de notre impuissance collective.

Tous les acteurs le reconnaissent : nous devons changer d'échelle, de mesures et d'outils.

Le texte interdit l'utilisation et le stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux au sein des zones de protection des aires d'alimentation des captages et des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates d'ici à 2031. Il prévoit une sanction pouvant aller jusqu'à 75 000 euros d'amende et deux ans d'emprisonnement.

Pour améliorer son acceptabilité, j'avais proposé cinq amendements visant à resserrer l'interdiction là où les pressions sont les plus fortes, différer son entrée en vigueur à dix ans après la promulgation du texte, dépénaliser les sanctions, diviser par dix le montant de l'amende et instituer un contrat d'engagement réciproque, facultatif et volontariste. Une négociation est en effet indispensable en amont de la coercition.

Mais la commission n'a pas adopté ces initiatives qui répondaient aux craintes exprimées en audition. Je le regrette, car elles tendaient à placer le Sénat à l'avant-garde de ce sujet majeur. Je salue d'ailleurs le travail et le sens du compromis de l'auteure de la proposition de loi.

Le texte que nous examinons ne tient donc pas compte du travail de ces dernières semaines, la commission ayant rejeté ces amendements constructifs pour des raisons qui ne m'ont pas convaincu.

Certains d'entre vous proposent de supprimer purement et simplement l'article 1er, ce qui revient à faire la politique de l'autruche. Circulez, il n'y a rien à voir !

Je défendrai, en tant que rapporteur, les avis adoptés hier en commission mais je serai, à titre personnel, favorable aux initiatives de mon groupe pour améliorer l'efficacité et l'acceptabilité du texte.

Le Gouvernement travaille à une feuille de route sur la protection des aires de captage. Mais nous ne connaissons pas l'issue de ces travaux. Fort de son expertise et de son indépendance, le Sénat ne saurait laisser le Gouvernement travailler seul sur une question qui préoccupe tant les élus locaux, lesquels veulent disposer d'une boîte à outils pour résoudre leurs problèmes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Je vous prie d'excuser l'absence d'Agnès Pannier-Runacher, qui représente le Gouvernement à la conférence des Nations unies sur l'océan à Nice ; vous connaissez son engagement en la matière.

C'est toujours un plaisir de me retrouver au Sénat. Garantir une eau potable de qualité en quantité suffisante et à un coût maîtrisé pour tous nos concitoyens est une priorité du Gouvernement. Cet enjeu s'inscrit dans un contexte de dérèglement climatique qui conduit à une raréfaction de la ressource.

Près d'un tiers des eaux souterraines est touché par des pollutions diffuses et 3,3 % par des pollutions ponctuelles. Entre 1980 et 2021, plus de 12 600 captages d'eau potable ont été fermés. Quelque 33 000 captages assurent les deux tiers de la consommation en eau. La protection de ces ressources stratégiques est donc vitale, c'est pourquoi je salue l'initiative de Florence Blatrix Contat. Vous l'avez souligné, l'approche coercitive n'est pas la bonne.

Le traitement curatif est coûteux, énergivore et parfois inefficace ; il faut agir en amont. Le coût annuel du traitement de l'eau potable s'élève entre 500 millions et 1 milliard d'euros. Vous avez raison, monsieur le rapporteur : la prévention est incontournable, d'autant que l'argent public se fait, lui aussi, très rare.

Le Gouvernement s'engage dans une politique de protection à la source conforme aux exigences européennes et pensée à l'échelle des territoires, avec des mesures proportionnées et graduées, allant de la sensibilisation jusqu'aux actions réglementaires ciblées. Leur mise en oeuvre revient aux collectivités territoriales.

Fin 2024, 87 % des aires d'alimentation des captages sont délimitées, 85 % ont un plan d'action, même si seules 8 % sont couvertes par un programme zone soumise à contraintes environnementales (ZSCE) volontaire.

Notre stratégie repose sur deux piliers : la directive Nitrates, qui cible les zones vulnérables, et la stratégie Cogito 2030 qui a fait baisser de 97 % les ventes de substances CMR 1 -  les plus nocives pour la santé.

En application de la mesure 28 du plan Eau, le préfet peut prendre des mesures contraignantes immédiatement en cas de dépassement des seuils de qualité pour un produit phytosanitaire toujours utilisé.

Les concertations en cours pour l'élaboration de la feuille de route se concentrent sur deux axes : identifier les zones à traiter en priorité, et établir un guide pratique pour les préfets.

Concernant l'article 1er, les mesures affectant notre agriculture doivent être ciblées : une interdiction uniforme et générale négligerait les spécificités locales et fragiliserait l'adhésion des acteurs de terrain.

Il faut concentrer les efforts sur les zones les plus vulnérables. C'est tout l'enjeu des zones de protection des aires d'alimentation des captages, qu'il revient au préfet de déterminer.

La réglementation actuelle ne permet pas forcément de différencier selon les zones. Or il s'agit, non pas d'imposer, mais d'organiser une transition raisonnée, territorialisée, construite avec les acteurs de terrain.

L'interdiction totale des produits phytopharmaceutiques s'écarte de l'approche graduée, proportionnée, ciblée et déconcentrée que prône le Sénat et que suit la feuille de route gouvernementale, qui prévoit une montée en puissance progressive des mesures en fonction des risques et des dynamiques locales. Nous opérerons la transition avec les acteurs, et non contre eux.

L'article 2 renforce les sanctions. Nous n'atteindrons pas nos objectifs uniquement par des mesures répressives, ni efficaces ni soutenables socialement. Pour nombre d'agriculteurs, cette réponse coercitive qui ne tient pas compte des réalités de terrain est une injustice.

Nous devons faire évoluer notre modèle avec le monde agricole, par un accompagnement humain, technique et financier.

Certains critiquent l'écart entre les sanctions prévues par la loi et celles qui sont effectivement prononcées. Indépendant, le juge adapte la réponse pénale aux circonstances. Le Gouvernement a lancé une mission d'évaluation sur la proportionnalité des peines environnementales : il serait prématuré de créer de nouvelles infractions.

Je salue l'esprit de ce texte. Quoi de plus important que de protéger notre ressource en eau et accompagner la transition agricole face aux changements climatiques ? Fort de cette ambition partagée et du travail engagé, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat tant sur le texte que sur les amendements. (Mme Kristina Pluchet applaudit.)

M. Jean-Marc Delia .  - Personne ne nie l'urgence. Oui, la pollution des ressources en eau est un défi majeur. Oui, garantir l'accès de chaque Français à une eau potable de qualité est un impératif.

Je salue le travail d'Hervé Gillé, qui a cherché un compromis - conforme à l'ADN sénatorial.

Le modèle d'interdiction proposé pose néanmoins problème. Sur le papier, la solution paraît simple : il suffit d'étendre les périmètres de protection, et le problème sera réglé ! Mais après trente ans de législation, 16 % des captages n'ont toujours pas de périmètre de protection. De nouvelles obligations ne régleront donc rien.

Les collectivités ont besoin d'efficacité, de moyens humains et financiers, pas d'une nouvelle couche de normes.

Multiplier les interdictions et les contrôles sur l'utilisation des intrants agricoles, sans prendre en compte les réalités locales et les efforts engagés par les filières, fera plus de mal que de bien. (M. Daniel Salmon s'exclame.)

Cette logique de défiance fragilisera les exploitants, déjà soumis à de fortes contraintes, sans apporter de garanties supplémentaires pour la qualité de l'eau. (M. Daniel Salmon ironise.) Nous risquons de décourager les bonnes volontés.

Sur 12 500 captages fermés, seuls 34 % l'ont été pour pollution aux nitrates et pesticides.

M. Thierry Cozic.  - C'est déjà pas mal !

M. Jean-Marc Delia.  - Est-il raisonnable de cibler ainsi le monde agricole ? Les agriculteurs sont soumis à des contraintes énormes et ont besoin de soutien et de confiance, pas d'être noyés sous les normes.

Interdire sans compensation, c'est creuser encore davantage les fractures entre les territoires.

Face aux sécheresses, la communauté d'agglomération du Pays de Grasse, dans les Alpes-Maritimes, a développé un programme d'action ambitieux : lutte contre les pertes d'eau, optimisation des usages, entre autres. Résultat, la qualité de l'eau est excellente, avec une conformité microbiologique et physico-chimique à 100 %. Ce succès tient à la concertation et à la responsabilisation, pas à la contrainte uniforme. Il faut s'appuyer sur les acteurs locaux et valoriser ce qui fonctionne.

Le groupe Les Républicains reste engagé dans la protection de l'eau, mais ce texte va trop loin dans la contrainte, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Solanges Nadille .  - L'eau potable, bien vital, est menacée. En France, sa qualité se dégrade et elle devient plus rare.

Les pollutions diffuses sont dues à l'emploi d'engrais azotés ou de pesticides. On retrouve dans l'eau des PFAS issus de l'industrie. En 2020, plus de dix millions de nos concitoyens ont bu au moins une fois une eau non conforme aux normes sanitaires.

Sous l'effet du changement climatique, les sécheresses se multiplient, les débits des cours d'eau diminuent, ce qui accroît la tension sur les ressources. Les fermetures de captages renforcent la pression.

Nombre de lois se sont succédé. Depuis 2009, des zones de protection des aires d'alimentation des captages ont été créées. Mais nous devons faire plus, et prévenir les pollutions à la source - cela coûte trois fois moins cher que le traitement en aval.

Interdire l'usage des produits phytosanitaires dès 2031, comme le propose ce texte, serait une contrainte massive, susceptible de fragiliser la viabilité de nombreuses exploitations.

Soyons pragmatiques : la transformation des pratiques doit être accompagnée, le monde agricole ne saurait être seul à faire des efforts.

Dans nos territoires d'outre-mer, la situation est critique en raison des pollutions historiques telles que le chlordécone, qui laissent des stigmates profonds dans les sols et les eaux. La politique de l'eau doit s'articuler avec nos territoires, elle exige des moyens renforcés et une action de long terme.

Pour atteindre l'objectif de ce texte, il faut une approche équilibrée combinant prévention, concertation et accompagnement. Le RDPI laissera la liberté de vote à chacun. Pour ma part, je voterai cette proposition de loi, au vu de la situation en Guadeloupe et en Martinique. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les faits sont là : chaque année, plus de 100 captages sont fermés ou abandonnés. Ils s'ajoutent aux 14 300 fermés depuis 1980 - dont 4 600 pour des problèmes de pollution par nitrates et pesticides.

Devant cet échec, nous ne devons plus nous contenter du diagnostic. Il faut agir.

Ces pollutions menacent tant la qualité que la quantité de nos eaux. Protéger nos aires de captage est donc une priorité absolue. Or seuls 1 500 captages sur 33 000 sont sécurisés. Nous devons changer de méthode.

Le rapport des inspections générales de novembre 2024 intitulé Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence des pesticides et de leur métabolite dans l'eau destinée à la consommation humaine précise qu'il faut refonder la politique de protection des captages, grâce à une coordination renforcée entre les services de l'État. L'amélioration de la qualité de l'eau passe par des mesures préventives ambitieuses, notamment l'interdiction des usages de produits phytopharmaceutiques contenant des substances générant des métabolites dans les aires de captage d'eaux souterraines ou l'augmentation du taux de la redevance pour pollutions diffuses.

Je comprends que l'approche de cette proposition de loi est trop répressive et centrée sur l'agriculture, mais l'urgence est bien là. La réponse doit être collective, car chaque minute perdue augmente les coûts de traitement, entre 500 millions d'euros et 1 milliard d'euros chaque année. Ces dépenses reposent uniquement sur les collectivités locales, dont les budgets sont déjà contraints. Cela entraîne aussi une augmentation du prix de l'eau et exacerbe les inégalités territoriales, notamment en milieu rural.

Une politique proactive s'impose : elle serait plus efficace et moins coûteuse.

Nous serons attentifs à la feuille de route 2025, qui prévoit un accompagnement renforcé des collectivités, des agriculteurs et des industriels.

Quid des paiements pour services environnementaux ? Depuis plusieurs années, Henri Cabanel cherche à les développer, mais il se heurte à la rigidité de Bruxelles. Toute pédagogie sera vaine sans accompagnement financier.

En sus d'améliorer le revenu de nos agriculteurs, cela accompagnerait l'évolution des pratiques, notamment en valorisant l'agriculture biologique ou en augmentant les moyens consacrés à la réduction des pollutions par les pesticides.

En raison de leurs spécificités territoriales, certains sénateurs du RDSE voteront pour, d'autres contre. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. Alain Duffourg .  - Cette proposition de loi aborde un enjeu stratégique. Bien sûr, prévenir aurait été meilleur que guérir : les politiques curatives sont coûteuses pour les collectivités et les syndicats.

Dans mon département du Gers, on trouve du chlorure de vinyle monomère (CVM) dans les canalisations installées dans les années 1980. Or les remplacer coûterait cher : 100 000 euros par kilomètre. Pourtant, la pollution engendrée par les CVM est très importante.

Le présent texte contient des mesures ambitieuses, mais il est aussi source de difficultés. D'où les mesures d'accompagnement prévues par le rapporteur.

Le groupe UC est réservé sur ce texte, car nous ne voulons pas préempter le travail mené par le Gouvernement depuis le 28 mars dernier. En outre, une CMP se réunira bientôt sur la loi Duplomb.

M. Bernard Jomier.  - C'est sûr, ça va améliorer les choses !

M. Alain Duffourg.  - Agnès Pannier-Runacher a fait de la protection des captages une priorité. La première conférence territoriale sur l'eau s'est réunie à Bordeaux le 29 avril dernier, avec 500 intervenants.

M. Hervé Gillé.  - J'y étais.

M. Alain Duffourg.  - Le congrès des Jeunes Agriculteurs s'est tenu récemment dans mon département. Je m'attendais à un tollé contre la ministre de l'écologie, mais cela s'est finalement bien passé. (Mme Sophie Primas s'en félicite.)

Les agriculteurs sont favorables à l'écologie. Ils essaient de diminuer l'utilisation d'intrants et de tendre vers une agriculture raisonnée ou biologique. (Mme Sophie Primas renchérit.)

La question de la qualité de l'eau se joue aussi au niveau européen : la directive Eau de 2020 est en cours d'évaluation par l'Assemblée nationale. L'Union européenne a publié la semaine dernière sa stratégie pour la résilience de l'eau, centrée notamment sur les polluants éternels.

Nous ne pouvons voter ce texte en l'état. Toutefois, nous saluons cette initiative de bon sens. Nous veillerons à un juste équilibre entre la qualité de l'eau, la santé humaine et la souveraineté agricole.

M. Alexandre Basquin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Nous le savons tous : l'eau est un bien précieux, tant la ressource est fragile.

Malheureusement, 1,4 milliard de personnes sont encore privées d'eau potable dans le monde. Quelque 1,2 million de personnes meurent chaque année de maladies liées à l'eau, dont 300 000 enfants de moins de 5 ans. Près de 700 millions sont touchés par des pénuries, dans 43 pays, avec des conséquences en matière de migration. Les déficits hydriques ont en effet augmenté de 10 % les flux migratoires à l'échelle de la planète.

L'eau sera demain une source permanente de conflits, si nous n'y prenons pas garde. C'est un bien commun qu'il faut sanctuariser.

Les menaces pesant sur la gestion de l'eau sont qualitatives et quantitatives. Nous saluons le volontarisme de Florence Blatrix Contat et du groupe socialiste.

Selon le ministère de la santé, en 2022, plus de 10 millions de Français ont été alimentés au moins une fois par de l'eau non conforme. Actuellement, 30 % des eaux souterraines sont polluées par des résidus.

Certes, la loi sur l'eau de 1992 a créé des périmètres de protection des captages. Mais c'est insuffisant ; il faut aller plus loin. Cette proposition de loi va dans le bon sens, bien plus loin que la feuille de route du Gouvernement, trop timide.

Quelque 100 captages d'eau sont fermés chaque année à cause de pollutions non traitables, ou à un coût trop élevé. Abandonner des captages, c'est renforcer notre dépendance vis-à-vis des captages existants. C'est donc aussi un problème de financement.

Les coûts de prévention sont trois fois moins élevés que les coûts de traitement. Ces derniers, qui peuvent atteindre 1 milliard d'euros par an, pèsent fortement sur les comptes des collectivités gestionnaires, qui n'ont parfois pas d'autre choix que de les répercuter sur les consommateurs.

Le paradigme de la gestion de l'eau doit changer. Nous ne pouvons plus mégoter : l'eau doit être au centre de tout. Bien sûr, il faut soutenir la filière agricole et faciliter les conversions. L'un ne va pas sans l'autre : cessons d'adopter une vision binaire. Il est urgent de trouver une solution durable.

J'en appelle à nous éloigner des eaux glacées des calculs égoïstes. (M. Hervé Gillé apprécie la métaphore.) Ayons en tête les futures générations. Nous voterons très favorablement cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Yan Chantrel applaudit également.) J'avoue, je ne comprends pas : les pollutions de l'eau s'accentuent, les coûts de traitement s'envolent. Aucune politique, aucune stratégie n'a renversé cette tendance. Le réchauffement aggrave les tensions.

Pourtant, il faudra balayer cette proposition de loi, car il ne faudrait pas de contraintes ni de régulation, car il y a d'autres pollutions que celles issues de l'agriculture, et car le salut viendrait d'une énième feuille de route gouvernementale. Je ne vous comprends vraiment pas !

Est-il vraiment impossible de trouver une voie vers une agriculture plus durable dans les zones vitales pour l'eau potable ? Les clivages politiques verrouillent toute action sur la qualité des eaux. Au-delà de l'empilement des dispositifs illisibles et des stratégies vaines, aucune dynamique commune n'est possible.

La mission d'information sur la gestion durable de l'eau de 2023 avait pourtant établi que nous avions collectivement échoué et qu'il fallait changer de braquet pour une lutte effective et transformatrice contre les pollutions diffuses, afin d'éviter le mur d'investissement pour les élus locaux. J'avais compris que le Sénat prenait la mesure de l'urgence à agir. Eh bien, non ! Le changement de braquet, ce n'est pas pour aujourd'hui ! Quel dommage !

On sait que les traitements curatifs seront toujours plus coûteux. Qu'y a-t-il de brutal à diminuer progressivement l'utilisation de produits phytosanitaires près des aires de captage, et à substituer à cette réduction, le cas échéant, un dialogue d'accompagnement territorialisé entre l'exploitant et le gestionnaire de l'eau ? En prévoyant une durée de dix ans pour la mise en oeuvre de l'interdiction, en divisant par dix le montant des amendes, croyez-vous sérieusement que l'on mettra en péril les exploitations concernées ?

Prenez-vous la mesure de l'alerte récente des médecins sur notre contamination massive au cadmium, ce cancérogène qui empoisonne les sols agricoles et nos enfants ? Allons-nous, par notre inaction, laisser monter une logique d'affrontements contre les agriculteurs, avec des confrontations dures en réaction aux factures d'eau, aux coûts pour les collectivités ? Il est temps que le Sénat retrouve la voie du compromis constructif. Or c'est justement l'esprit du texte. Le même esprit anime celui du député Jean-Claude Raux. Nous devons aller dans cette voie ! (Applaudissements enthousiastes sur les travées du GEST ; applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)

M. Michaël Weber .  - (M. Patrick Kanner applaudit.) Le rapport conjoint des ministères de l'agriculture, de la santé et de l'environnement constate l'échec global de la protection de la ressource en eau à l'égard des pesticides. Idem pour les engrais azotés, en dépit de sept plans consécutifs et de plusieurs condamnations de la France par la Cour de justice de l'Union européenne.

Or il y a urgence : nous sommes confrontés à une situation quasi généralisée de non-conformité de l'eau destinée à la consommation humaine. Les situations les plus critiques se retrouvent dans le nord de la France.

Le lien est direct avec certaines pratiques agricoles industrielles. Dès lors, deux solutions, pour éviter un scandale sanitaire : premièrement, relever les seuils réglementaires ou déroger aux normes sanitaires : officiellement, tout s'améliorerait, mais en réalité cela ne réglerait rien.

Deuxièmement, la seule vraie solution, celle qui fait consensus : préserver en amont les zones de captage en réduisant l'usage des pesticides et des intrants. Sans mesure préventive ambitieuse, sans la généralisation des pratiques culturelles à bas niveau d'intrant près des zones de captage, la reconquête de la qualité des eaux est illusoire. C'est le sens de la proposition de loi de Florence Blatrix Contat.

Les exploitants agricoles doivent bien sûr être associés à cette réforme. S'il est injuste de faire peser sur eux le coût de cette politique, il est encore plus scandaleux de reporter le coût de la pollution sur les ménages et les collectivités en ne faisant rien. L'interdiction, depuis 2020, de pulvériser des pesticides près des habitations découle du même impératif de santé publique et est désormais bien acceptée.

Certaines pratiques agricoles polluantes devront être encadrées. En laissant faire, l'État se rend responsable des préjudices qui seront immanquablement causés par la pollution de l'eau.

Nous venons de reconnaître la responsabilité de l'État dans la pollution au chlordécone : ne laissons pas se produire une nouvelle tragédie. En tant que législateur, nous devons agir.

Pourtant, jugée trop exigeante, la présente proposition de loi a été rejetée par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Cette commission, qui devrait être le lieu où l'on débat des solutions concrètes, refuse de se saisir d'un sujet crucial pour les collectivités.

Ce faisant, la majorité sénatoriale doit comprendre qu'elle commet une faute politique, à la veille des élections municipales : combien de candidats seront interrogés par leurs habitants sur la qualité dégradée de l'eau du robinet et les risques pathologiques associés ? Quelle crédibilité accorder à la chambre des territoires, qui resterait muette sur ce sujet critique ? En flattant une part réduite de son électorat, la majorité sénatoriale commet une erreur grave.

La commission a rejeté toutes les propositions d'amélioration du rapporteur Gillé : malgré l'urgence d'agir, le pouvoir législatif procrastine et ferme les yeux. Sans émettre aucune proposition alternative, la majorité sénatoriale critique un défaut de méthode, un manque de pédagogie et d'anticipation, oubliant que les plans d'action se compilent depuis trente ans, sans résultats tangibles.

Certes, le texte présente des difficultés - l'auteure le reconnaît elle-même. C'est pourquoi le rapporteur a rééquilibré les choses. Le groupe SER reprendra à son compte ses propositions d'amélioration, qu'il juge adaptées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Cédric Chevalier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Malgré des efforts constants et l'empilement des dispositifs, la qualité de l'eau reste largement insuffisante et la préservation de la ressource ne répond pas aux enjeux. Les pollutions diffuses se propagent, les nappes phréatiques s'épuisent.

Parallèlement, nos agriculteurs sont soumis à une pression normative et administrative croissante qui les étouffe. Ils sont las, car on leur en demande toujours plus, sans moyens. S'y ajoute une inquiétude profonde : les mesures prônées par ce texte sont déséquilibrées. Élaborées sans concertation, elles risquent d'aggraver la situation du monde agricole.

Ajouter une nouvelle couche de contraintes revient à jeter de l'huile sur le feu, à alimenter le sentiment d'injustice, voire d'abandon, chez celles et ceux qui nous nourrissent. Ce sont les petites structures, les plus vulnérables, qui seront touchées les premières. Nos territoires ruraux, déjà fragiles, verront leur dynamisme s'éroder.

Toute la filière agricole est sous pression, alors que la souveraineté alimentaire devrait être une priorité nationale. Pourtant, nombre d'agriculteurs ont fait des efforts.

Il est temps de sortir d'une logique qui oppose systématiquement écologie et agriculture. La transition écologique ne réussira qu'avec les agriculteurs, jamais contre eux. Nous devons privilégier la concertation, le soutien et la valorisation des bonnes pratiques.

L'accompagnement, condition de l'adhésion des acteurs de terrain, doit devenir le fil conducteur de nos politiques. La contrainte est parfois nécessaire, mais elle risque surtout de démobiliser les agriculteurs.

Régulièrement, nous devons revenir sur des mesures d'écologie punitive, élaborées de manière brutale. Alors, associons mieux les acteurs.

Alors que le Gouvernement a entamé un travail de fond et que la crise agricole est vive, prenons le temps, sans légiférer en réaction.

Protéger l'eau est une nécessité, mais cela ne doit pas se faire contre ceux qui nourrissent la France.

Le groupe INDEP s'opposera à ce texte. (M. Marc Laménie applaudit.)

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié quinquies de M. Louault et alii.

M. Cédric Chevalier.  - C'est un amendement de suppression de l'article. Cela ne remet nullement en cause la nécessité d'agir, mais la méthode est trop radicale, coercitive et stigmatisante. N'imposons pas un nouveau changement rapide de méthode productive aux agriculteurs, sans aucune mesure d'accompagnement.

M. Hervé Gillé, rapporteur.  - L'avis de la commission est défavorable, puisqu'à la quasi-unanimité, elle a souhaité que le débat ait lieu, or cet amendement l'empêche.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, comme sur tous les autres amendements et sur la proposition de loi. (On le déplore à gauche.)

Mme Anne Souyris.  - Cet amendement se contredit : il affirme qu'il faut protéger les aires de captage, tout en s'opposant au texte...

Il fustige des méthodes « trop stigmatisantes » : mais pour qui ? Nous, nous voulons protéger la santé, en particulier des agriculteurs.

Enfin, il s'accroche à un thermomètre défaillant plutôt qu'aux preuves scientifiques. Dans l'objet de l'amendement, vous indiquez que les pesticides et les nitrates n'expliqueraient que 13,2 % des fermetures d'aires de captage, mais oubliez de dire que 30 % des eaux souterraines sont contaminées, que 12 millions de Français ont consommé une eau polluée en 2021 et qu'il n'y a pas moins de 385 millions d'intoxications graves aux pesticides chaque année dans le monde !

Nous voterons contre votre amendement et pour l'article 1er.

M. le président.  - Je vous informe que cet amendement sera mis aux voix par scrutin public.

Mme Florence Blatrix Contat.  - La discussion générale a montré que le constat et l'objectif faisaient consensus. Le rapport sur la gestion durable de l'eau d'Hervé Gillé a été adopté à l'unanimité. Pourtant, cet amendement nous dit : fermez le ban, sans solution alternative ni débat.

Les amendements du rapporteur proposaient des avancées, qui auraient permis d'aboutir. Depuis trente ans, en dépit de nos efforts, la qualité de l'eau ne cesse de se dégrader.

Je regrette cet amendement, qui entrave le débat et empêche les avancées proposées par le rapporteur.

Rappel au règlement

M. Patrick Kanner.  - Mon rappel au règlement s'appuie sur l'article 42 de notre règlement, relatif à la sincérité de nos débats.

On constate le taux de présence par groupe. Avec ce scrutin public - procédure que nous contestons -, vous flinguez un texte important qui aurait mérité un débat : n'empruntez pas cette voie ! Ce sujet essentiel reviendra lors de la campagne des municipales. Refuser le débat sans solution alternative est regrettable.

Acte en est donné.

Discussion des articles (Suite)

M. Alexandre Basquin.  - Voilà un amendement très peu courtois dans un espace réservé. Nous devrions pouvoir aller au bout du débat, afin que chacun se prononce. La commission a souhaité que le débat ait lieu, tant le sujet dépasse le pourtour de cet hémicycle et de nos nombrils respectifs.

M. Daniel Salmon.  - On constate un refus de débattre de la part d'une droite - en rangs serrés... - pour laquelle la protection de l'eau n'est pas un sujet. Elle a longtemps été dans le déni, prétendant que notre planète était grande et que tout se diluait. Eh bien non, les polluants s'accumulent ! En Ille-et-Vilaine, seulement 3 % des eaux brutes sont en bon état. Le coût de la dépollution est colossal pour nos collectivités territoriales. Surtout, la santé de nos habitants est en jeu, car même à doses minimes, les pesticides ne sont pas sans effet.

Ce matin, nous avons parlé du chlordécone, mais à droite, personne ne semble retenir les leçons de l'histoire.

Bien sûr, madame la ministre, on ne fait pas la loi contre les agriculteurs, mais avec eux ; en revanche, nous la faisons contre les lobbies, seulement intéressés par les profits.

M. Jacques Fernique.  - Ce qui va se passer dans quelques instants est important, car nous aurons d'autres cas similaires dans l'après-midi. Vous ne voulez pas de l'article 1er, c'est votre droit, mais permettez-nous d'examiner les amendements d'amélioration de l'article. Et respectez la volonté de la commission !

M. Michaël Weber.  - Le Sénat a souvent débattu des compétences eau et assainissement, souhaitant que les communes retrouvent un rôle dans la gestion des eaux. Mais il faut aussi donner aux élus les moyens de s'assurer de la qualité des eaux. Ce que nous proposons est très attendu dans les territoires, car l'inquiétude est là. Nous devons donc aller au bout de la discussion de ce texte.

M. Marc Laménie.  - Cosignataire de cet amendement, j'appartiens à un groupe qui s'appelle Les Indépendants. Nous évoluons, en fonction des interventions. (MM. Guillaume Gontard et Hervé Gillé applaudissent.)

L'amendement ne remet pas en cause le bien-fondé de l'indispensable protection des points d'eau et des captages d'eau.

J'ai beaucoup de respect pour les avis des uns et des autres et j'évolue souvent dans mes positions. D'où l'importance d'être physiquement présent dans l'hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

Je suivrai donc l'avis du rapporteur et ne voterai pas cet amendement. (Mme Colombe Brossel et M. Saïd Omar Oili applaudissent également.)

À la demande du groupe INDEP, l'amendement n°1 rectifié quinquies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°319 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 204
Contre 137

L'amendement n°1 rectifié quinquies est adopté.

L'article 1er est supprimé.

Les amendements identiques nos2 et 7 ainsi que les amendements nos4 rectifié, 8 et 5 n'ont plus d'objet.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié de M. Fernique et alii.

M. Jacques Fernique.  - La surveillance de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, hétérogène selon les territoires, doit être renforcée, via une liste nationale de présence des métabolites dans l'eau, associant l'Anses, les ARS et les acteurs locaux.

M. Hervé Gillé, rapporteur.  - La commission, considérant que l'établissement d'une telle liste, bien qu'intéressante pour garantir la transparence, renchérirait le coût de contrôle des eaux par les laboratoires, a émis un avis défavorable. Mais mon avis personnel est favorable.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - C'est au ministère, et non à l'Anses, d'établir une telle liste, déjà prévue par le droit européen. Le ministère de la santé a donné des instructions aux ARS.

Retrait, sinon rejet de cet amendement, satisfait.

Mme Anne Souyris.  - L'eau potable est contaminée par des métabolites dangereux. La directive européenne sur les PFAS fixe une limite à 500 nanogrammes par litre. Or l'eau de Paris est contaminée par le TFA -  non visé par la directive, mais qui provient de pesticides utilisés en agriculture - à hauteur de 2 100 nanogrammes par litre... À l'automne dernier, j'avais alerté le Gouvernement, sans réponse satisfaisante à ce jour. Heureusement, la Ville de Paris protège ses aires de captage, en accompagnant 120 agriculteurs, ce qui évite l'épandage de 55 tonnes de pesticides. C'est donc possible ! Je voterai cet amendement.

À la demande du groupe UC, l'amendement n°9 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°320 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 102
Contre 238

L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.

Article 2

M. le président.  - Après la suppression de l'article 1er, si l'article 2 n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble du texte.

Mme Florence Blatrix Contat .  - Les collectivités territoriales attendaient un signal clair du Sénat. Mais au lieu de cela, c'est la reculade, car vous avez fait le choix du blocage et du dogmatisme. Vous avez refusé d'examiner nos amendements de compromis, destinés à concilier protection de la ressource et accompagnement des exploitants agricoles. Vous n'avez aucune volonté de débattre. Vous êtes en décalage total avec les attentes des élus locaux, confrontés chaque jour à la dégradation de la qualité de l'eau.

Nous continuerons, nous, à porter cette exigence de protection de l'eau potable. C'est une urgence écologique, une priorité de santé publique, une nécessité de souveraineté et un enjeu majeur pour nos finances publiques.

Vous avez refusé d'agir, de chercher un compromis, de débattre. Ce n'est pas digne de notre mission. (Applaudissements à gauche)

À la demande du groupe UC, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. Daniel Salmon.  - C'est un dévoiement du scrutin public !

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°321 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 110
Contre 229

L'article 2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je constate qu'un vote sur l'ensemble n'est plus nécessaire.

La proposition de loi n'est pas adoptée.