Projet de loi de finances pour 2026 (Suite)
Seconde partie (Suite)
Défense
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Défense » (et article 68) du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances . - L'examen du budget de la mission « Défense » revêt un caractère particulier, du fait de la hausse des crédits et du contexte géopolitique et stratégique. Non seulement la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) est respectée, mais l'effort initial de 3,2 milliards d'euros est abondé de 3,5 milliards d'euros pour porter les crédits à 57,1 milliards d'euros, soit une augmentation de 6,7 milliards d'euros.
Mais il faut aussi parler de la façon dont le Parlement est informé. Madame la ministre, je voudrais vous faire part de nos réserves sur la méthode.
Sur la sollicitation de la commission des finances et du rapporteur général, nous avons bien reçu hier, mais hier seulement, des éléments de réponse indispensables à la bonne compréhension des enjeux de la surmarche de 3,5 milliards d'euros.
La majoration des crédits est bienvenue. Vous la justifiez par la perspective d'un projet de loi d'actualisation de la LPM.
Ces 6,7 milliards d'euros permettent d'accélérer l'effort de réarmement et d'amorcer une évolution de la programmation, mais surtout de corriger la faute originelle de la LPM : les ambitions affichées étaient insuffisamment financées. Le Sénat n'avait cessé de le dire.
La fin de gestion de 2025 et la sincérité du budget 2026 nous interrogent. Entre crédits gelés, dégelés, reportés, annulés, abondements pour financer les surcoûts du front oriental et de l'Ukraine... On n'y voit pas très clair. Surtout, le report de charges est passé à 8 milliards d'euros fin 2024. Qu'en sera-t-il en 2025 ? La perspective annoncée de 8,6 milliards d'euros en 2026 explose tous les compteurs. La sincérité budgétaire est mise à mal, et la solidité de la base industrielle et technologique de défense (BITD) menacée. On ne peut à la fois afficher des ambitions en loi de finances initiale et bricoler systématiquement la fin de gestion. Les surcoûts sont financés par des annulations de crédits et des reports de charges.
À l'opacité budgétaire s'ajoute celle de la réalité de l'état de nos forces. Madame la ministre, à qui ferez-vous croire que nos adversaires attendent la transmission de nos documents budgétaires pour connaître l'état de préparation de nos forces ? Vous ne pouvez pas limiter l'information du Parlement. Avec d'autres collègues, j'ai personnellement accès à certaines informations, certes, mais ce n'est pas satisfaisant, car je ne peux en faire état publiquement. Vous ne pouvez pas demander des efforts aux Français et cacher le degré de préparation au combat de nos forces. (M. Jean-Raymond Hugonet renchérit.)
Enfin, le service national volontaire annoncé par le Président de la République ne trouve aucune traduction dans le budget. Qu'en est-il ?
Nous adhérons à l'augmentation des crédits en raison de la hausse de la menace. Mais une augmentation de crédits ne fait pas une politique. Cela ne peut constituer un blanc-seing. Le Parlement est dans son rôle quand il contrôle l'action du Gouvernement.
Présenter la menace sans mettre en face les capacités de riposte, c'est prendre le risque de fonder l'adhésion sur la peur et non sur le raisonnement.
En donnant un avis favorable au vote des crédits, nous formons plus qu'un voeu : nous vous demandons de déposer au plus vite devant le Parlement une actualisation de la LPM, pour lever enfin les non-dits de ce budget. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)
M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.) Le programme 144, consacré au renseignement, à la prospective et à l'innovation de défense, connaîtra une hausse substantielle de ses crédits en 2026 pour atteindre 2,8 milliards d'euros en AE et 2,3 milliards d'euros en CP.
Les moyens consacrés à l'innovation s'élèvent à 1,4 milliard d'euros, en augmentation de 127 millions d'euros par rapport à 2025. Nous pourrons ainsi avancer dans des domaines clés - quantique, robotique, spatial - et dans des matériels majeurs - avion spatial Vortex, drones.
La guerre en Ukraine nous l'a montré : l'innovation doit s'inscrire dans le temps court, ce qui suppose davantage de subsidiarité dans les crédits, une simplification du code de la commande publique et une adaptation de la responsabilité pénale des acheteurs publics - cela doit figurer dans l'actualisation de la LPM.
Les crédits visent aussi à soutenir une BITD innovante. Or les PME restent sous-représentées dans les études amont, alors qu'elles portent souvent des innovations de rupture.
Nos alertes successives sur la frilosité des investisseurs privés commencent enfin à porter leurs fruits.
La Banque européenne d'investissement (BEI) continue toutefois de refuser tout financement aux entreprises d'armement. Il faudrait lever ce frein rapidement.
Autre point inquiétant : les refus d'assurance opposés aux entreprises de la BITD, point de vigilance que nous suivrons avec attention.
Les crédits du programme 144 sont à la hauteur des enjeux, compte tenu notamment du contexte stratégique mondial. Nous appelons donc à leur adoption. (M. Bruno Rojouan applaudit.)
Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) bénéficient des crédits du programme 144. Toutes deux évoquent le maintien d'un haut niveau de conflictualité, la réévaluation du risque de prolifération et la résurgence des foyers terroristes et la recrudescence des tensions. Le rapport 2024 de la délégation parlementaire au renseignement avait montré les défis du renseignement français face aux événements au Sahel, et le développement des menaces hybrides, notamment.
Même sans aucune déclaration de guerre, chaque citoyen peut être atteint par des manipulations d'informations ou attaques cyber. Ce n'est pas une notion lointaine et diffuse, mais une menace concrète.
La DRSD est chargée de l'accompagnement de notre industrie de défense. Il faut sensibiliser le tissu des TPE-PME de la BITD pour les prémunir contre les menaces : survols de drones, attaques cyber.
Les CP augmentent de 13 % pour s'établir à 569 millions d'euros, dont 30 millions pour la DRSD. Avec les crédits de personnel du programme 212, près de 1,3 milliard d'euros seront consacrés à ces deux directions.
Une attention particulière doit être accordée à la fidélisation des personnels civils, qui n'ont pas les mêmes perspectives de carrière que les militaires.
La revue nationale stratégique 2025 confirme la trajectoire de la LPM.
Nous devons protéger notre capacité autonome de renseignement, une exception au sein de l'Union européenne.
Je propose donc l'adoption des crédits du programme 144. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Cédric Perrin applaudit également.)
M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - La nation consent des efforts considérables en faveur du renforcement de notre défense. La progression de 11 % des CP du programme 178 en 2026 en témoigne. Il y a un vaste retour de balancier, après tant d'années à vivre des dividendes de la paix. Nous avions oublié que l'histoire est tragique, pour reprendre les mots de Raymond Aron.
La LPM est complétée d'une surmarche de 3,5 milliards d'euros. Mme la ministre a annoncé l'actualisation de la LPM : c'est de plus en plus nécessaire, comme le montre la menace russe croissante.
Le programme 178 tâche de répondre à ces défis, notamment le retour des combats de haute intensité sur notre continent. Hélas, on ne résout pas des années de sous-investissement d'un coup de baguette magique, même avec plusieurs milliards d'euros.
Les armées sont prises dans une course contre la montre.
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements représente la moitié des crédits du programme.
Nous le voyons en Ukraine : la guerre moderne ressemble à celle d'autrefois, en plus violente.
N'oublions pas l'essentiel : nous ne sommes pas les agresseurs, mais nous devons tenir la promesse républicaine qui prévaut depuis Valmy, à savoir la défense de notre territoire et de nos intérêts vitaux.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Cédric Perrin et Pascal Allizard applaudissent également.)
Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Au milieu de ce tourbillon guerrier, je veux rappeler que notre pays doit oeuvrer à la paix et à la désescalade. Je veux croire que les efforts budgétaires importants pour les armées sont moins une préparation à la guerre qu'une garantie de paix et de sécurité.
Les crédits consacrés à la préparation opérationnelle des forces suivent la trajectoire de la LPM. Nos soldats doivent bénéficier des meilleures conditions possibles.
Mais des sujets d'inquiétude demeurent, la reconstitution des stocks de munitions, notamment.
L'exercice d'entraînement interarmées Orion débutera en février. C'est autant un entraînement qu'une démonstration de notre détermination face à nos compétiteurs.
Le programme 178 est aussi consacré au bien-être des troupes et à la solidité de leur préparation physique et morale. Le service de santé des armées (SSA) doit passer d'une logique de guerre lointaine à une logique de guerre d'attrition. Mais nous manquons de médecins et d'infirmiers ; il reste 109 postes à pourvoir.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits. Un point de vigilance personnel : ces crédits doivent être mis au service de la protection de la nation.
M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Les dépenses de soutien aux armées s'élèvent à 25,8 milliards d'euros en AE et 25,6 milliards en CP. Elles servent à assurer la remontée en puissance de notre format d'armée. Depuis les schémas d'emplois négatifs constatés entre 2021 et 2023, il y a eu des améliorations depuis, heureusement. La trajectoire de la LPM devrait être tenue en 2026 du point de vue des recrutements.
Un des enjeux de l'actualisation de la LPM sera de desserrer l'enveloppe du titre II pour financer une trajectoire réaliste et des mesures d'attractivité ambitieuses.
Les mesures de recrutement sont correctes et les indicateurs de fidélisation sont satisfaisants. Mais la fiscalisation de certaines primes pourrait brider les revalorisations de pouvoir d'achat. L'intégration d'une partie des primes dans le calcul de la pension est, hélas, encore reportée.
Les financements des infrastructures liées aux conditions de vie et de travail du personnel et des familles, des chantiers de longue haleine, augmentent. C'est nécessaire pour améliorer le ressenti des militaires sur le terrain, alors que le nombre de logements disponibles risque de baisser en 2026.
Les efforts de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) ont fait l'objet d'un plan d'action ambitieux en 2024.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 212. (Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.)
Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.) En cas d'affrontement majeur, les 200 000 militaires ne peuvent agir seuls. Il faut de la masse combattante, disent les états-majors. Nous devons donc réorienter notre outil de défense vers la construction d'une armée hybride. Il faut mieux intégrer les réservistes et renforcer la cohésion nationale, tout en soutenant les militaires d'active, comme le fait la commission.
Il faut développer le lien armée-nation, d'abord par le renforcement de la réserve opérationnelle. Les objectifs de recrutement de 2025 ont déjà été dépassés en octobre, c'est encourageant. En outre, 319 millions d'euros sont prévus pour les réservistes en 2026.
Il faut aussi insuffler un esprit de défense chez les jeunes pour renforcer la résilience de la société. La Journée défense et citoyenneté (JDC) est devenue plus immersive, davantage tournée vers le recrutement potentiel.
Les armées ont besoin du soutien de la nation. Nous devons rompre avec l'idée que la guerre ne nous concerne plus. Nos militaires entameront dans les prochains mois un débat avec la société civile. Attention, toutefois, le chemin est étroit entre mises en garde nécessaires et propos alarmistes. La parole militaire est à manier avec précaution.
Le service militaire volontaire est souhaitable, car il renforce le lien entre l'armée et la nation. (M. Christian Cambon renchérit.) Mais cette initiative aurait nécessité une étude d'impact préalable pour éviter de commettre les mêmes erreurs qu'avec le service national universel (SNU). Il faudra un cadrage budgétaire précis et une articulation claire, nécessaire pour l'actualisation de la LPM. Nous y travaillerons. Mais son financement ne devra pas peser sur le soutien aux militaires en activité et aux unités techniques.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 212. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Cédric Perrin applaudit également.)
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le budget des armées met en oeuvre la LPM avec des moyens supplémentaires grâce aux marches et surmarches de 6,7 milliards d'euros, auxquels devraient aussi concourir les 16 milliards d'euros empruntés par la France au titre du programme Safe (Security Action for Europe).
Le budget de la défense allemande augmentera pour sa part de 32 milliards d'euros en 2026 pour atteindre 108,2 milliards d'euros. Cette disproportion croissante des moyens de chaque côté du Rhin est criante concernant l'équipement des forces.
Pour réduire cet écart de moyens, il faudrait clarifier nos choix, mais il est évident que nous ne pourrons pas tout faire en même temps.
Les programmes Stratus et Frappe longue portée terrestre (FLP-T) nécessitent, entre autres, des investissements importants, qui ne sont pas fléchés dans le PLF.
Par ailleurs, plusieurs acquisitions sont prévues : une frégate de défense et d'intervention (FDI), deux Rafale, deux Saab GlobalEye suédois, 350 Serval et de nombreux consommables, missiles antichars, munitions téléopérées (MTO) et drones, entre autres.
Quid toutefois de la répartition des crédits de la marche et de la surmarche ? Les industriels ont été confrontés en 2025 à des arrêts de paiement ou à des reports de commandes. Résultat : leurs marges de manoeuvre ont été réduites. La consultation des industriels sur l'actualisation de la LPM s'impose, donc. Une clarification des contrats permettrait aux industriels de s'engager plus sereinement, car certains développent leurs nouveaux programmes sur leurs fonds propres.
L'Assemblée nationale a apporté son soutien à la stratégie de défense nationale que vous avez présentée hier, madame la ministre.
Nous avons donné un avis favorable à l'adoption du programme 146, mais des efforts doivent encore être faits en matière de dialogue et de prévisibilité. Espérons que l'actualisation de la LPM y contribuera.
M. Hugues Saury, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Le lancement de la réalisation du Rafale standard F5 est prévu en 2026, pour une première livraison en 2033. La LPM ne mentionne pas de crédits pour le nouveau moteur T-REX de Safran. Les besoins sont pourtant estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros par le motoriste français. Or il n'y en a pas trace dans le budget.
Le porte-avions de nouvelle génération (Pang) constitue un autre programme structurant. Un premier marché sur l'ingénierie du bateau devrait être passé avant la fin de l'année. Un second marché sera attendu en 2028-2029.
Il y a des choix stratégiques à faire pour maintenir des capacités et pour combler les manques, devenus problématiques, comme le programme Stratus, conduit par la France, le Royaume-Uni et l'Italie. Un dialogue est en cours avec la direction générale de l'armement (DGA) pour en déterminer l'équilibre économique. C'est une pierre angulaire de la coopération avec le Royaume-Uni.
Le système de combat aérien du futur (Scaf) n'a pas avancé non plus dans la bonne direction. Nous sommes confrontés à un double blocage politique et économique. Il faudra une clarification définitive sur les apports de chacun et la répartition des tâches. Une levée des obstacles politiques est indispensable.
Une consultation est en cours sur les feux dans la profondeur. Nous souhaitons que les tests de démonstrateurs du printemps prochain établissent clairement les coûts afin qu'un choix éclairé soit réalisé.
Sous réserve de ces remarques traduisant un certain flou, nous avons donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 146.
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Gisèle Jourda applaudit également.) Contrairement à vos collègues, madame la ministre, vous présentez un budget en hausse, à 57 milliards d'euros - et même à 66 milliards d'euros en comptant les pensions. Le budget des armées est plus élevé que celui de l'éducation nationale. Le symbole est d'autant plus lourd que le Président de la République le plus jeune de la Ve République est celui qui a abandonné notre jeunesse.
Depuis le tri infâme de Parcoursup jusqu'à l'abandon de toute une classe d'âge pendant le confinement, rien n'a été fait pour l'épargner. Rien !
Les jeunes sont les premières victimes de l'explosion des inégalités. Le seul avenir que le Président de la République dessine pour toute une génération, c'est l'injonction à la procréation pour produire des soldats. Guerre, uniforme, soumission à l'autorité : cette vision réactionnaire s'est traduite par un SNU qui deviendra un service national volontaire, dont nous voyons encore mal l'utilité et l'articulation avec la réserve opérationnelle.
Là-dessus, le chef d'état-major a semé le trouble, évoquant la perte de nos enfants dans un discours qu'un gradé de la grande muette ne devrait pas tenir. Que de maladresses !
Mais ne nous méprenons pas. Nous partageons sans réserve le constat alarmant de l'exécutif et le commandement militaire. Depuis 2022, les écologistes, portant le pacifisme au coeur de leur histoire, consentent au rapport de force pour préserver notre sécurité et nos valeurs. Notre soutien à l'Ukraine est sans faille. Nous ne sommes pas opposés à la LPM.
Toutefois, l'ambition du Gouvernement pour notre armée nous semble déraisonnable au regard de nos moyens et de son articulation européenne, insuffisante.
Nous sommes déconcertés par votre facilité à décaisser les milliards pour nos armées, à invoquer l'économie de guerre, et de les retirer partout ailleurs, tout en refusant, de manière purement dogmatique, de faire contribuer les plus aisés de nos compatriotes. Ce, alors même que nos milliardaires sont de plus en plus nombreux à se pavaner à la Maison-Blanche ou à céder au confusionnisme russe sur les antennes et les ondes en leur possession.
Les masques doivent tomber ! Préparent-ils l'arrivée au pouvoir du Rassemblement faussement national ? (M. Joshua Hochart s'exclame.)
Vous ne pouvez pas demander au peuple de choisir entre la défense de nos derniers services publics et la réponse à une menace encore endiguée par l'héroïsme ukrainien. C'est une faute devant l'histoire.
En 1914, l'Union sacrée a eu un prix : la création de l'impôt sur le revenu. Personne ne comprendrait que notre réponse ne soit pas aussi ambitieuse.
Face à la menace hybride, le fonctionnement ensiloté de notre budget est inadapté.
Le psychologue Abraham Maslow disait : « Il est tentant, si le seul outil dont vous disposez est un marteau, de tout considérer comme un clou. » Cependant, en aucune façon, notre réponse ne saurait être uniquement militaire. Notre dépendance aux hydrocarbures, à l'uranium, aux engrais azotés de l'ennemi risque de nous tuer aussi certainement que la seringue d'héroïne tuera le corps dans lequel elle est logée. Renforcer la défense en sabrant les budgets de la transition énergétique et agricole est vain.
Voilà quatre ans que nous vous interpelons inlassablement. Faute de réponse, nous sommes obligés de nous abstenir sur les crédits de cette mission, que nous ne pouvons dissocier du reste du budget. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Joshua Hochart . - Je veux saluer nos forces armées, ces hommes et ces femmes qui portent l'uniforme et servent la France avec un courage qui force le respect. Nous voterons les crédits de cette mission en hausse. Ce n'est pas une option, mais un devoir.
Si notre soutien aux militaires est clair, notre inquiétude sur l'orientation de la politique extérieure l'est tout autant. Depuis près de dix ans, la diplomatie française, déconstruite par la macronie, ne mène plus la danse : elle suit le mouvement. Là où la France pesait, elle se contente d'accompagner la stratégie d'autres puissances ou de la Commission européenne. Nous ne sommes plus acteurs de plein droit, mais spectateurs d'une diplomatie qui n'est pas la nôtre.
En 2017, le candidat Macron disait que la famille Le Pen se réfugierait au château de Montretout pendant que nos enfants iraient au front. Maintenant, c'est le même Macron qui veut les y envoyer !
Pendant que notre diplomatie s'efface, on nous dit qu'une défense européenne intégrée serait la réponse à tout. Mais on finit par toucher ce qui ne se partage pas : la décision d'engager nos forces. Le Rassemblement national n'est pas contre la coopération européenne, mais nous refusons d'abandonner la singularité de notre défense. La France ne peut pas déléguer la décision de la guerre et de la paix ni laisser ses intérêts vitaux se dissoudre dans un compromis technocratique à vingt-sept.
Nous voterons votre budget, mais resterons vigilants : les intérêts supérieurs de la nation doivent toujours prévaloir.
M. André Guiol . - (Applaudissements sur quelques travées des groupes SER, UC et INDEP, ainsi que sur les travées du RDPI) La France navigue dans une zone de grands fonds, une mer aux courants contraires et aux vents capricieux. Nous devons donc nous assurer que le gouvernail répond.
Le contexte stratégique actuel n'est plus un horizon lointain, mais immédiat : guerre en Ukraine, montée des tensions en Méditerranée, avènement des drones, attaques hybrides.
La France veut-elle demeurer une puissance militaire crédible ou devenir une puissance spectatrice ?
La hausse des crédits permet de maintenir un modèle militaire que la plupart de nos alliés n'ont plus : une armée complète. La question est de savoir si nous dépensons assez pour conserver l'avantage.
Premier enjeu : le temps. La conflictualité se durcit bien plus vite que nos cycles capacitaires : construire un porte-avions ou former un pilote prend des années alors que la menace s'exprime en semaines ou en mois. Une hausse budgétaire sans accélération de son exécution ne change pas la réalité stratégique.
Deuxième enjeu : la souveraineté technologique. L'Europe parle de défense commune, mais reste profondément fragmentée, avec des intérêts divergents. L'Allemagne raisonne comme une puissance terrestre industrielle et la France avec sa tradition de projection et de dissuasion. D'où le retard pris par le Scaf et l'incertitude entourant le char européen. Le problème est stratégique. Peut-on bâtir une souveraineté européenne quand les visions ne convergent pas ?
Troisième enjeu : le format. La question n'est pas de savoir s'il nous faut un ou plusieurs porte-avions, mais de définir les risques et la stratégie pour y répondre. Le coût de notre dette représente cinq porte-avions par an. La valeur d'un grand bâtiment réside non seulement dans sa capacité à projeter une puissance autonome, mais aussi dans son intégration dans le dispositif européen. Cela conditionne nos investissements dans nos infrastructures - comme à la base navale de Toulon - et dans notre diplomatie de défense.
Le PLF 2026 constitue un instrument essentiel et non un aboutissement. Il consolide la dissuasion et améliore les disponibilités des matériels. Mais assurer la sécurité va au-delà d'une simple traduction budgétaire. Sans protection de nos territoires, mers et réseaux numériques, ni l'éducation ni la santé ni la continuité économique ne peuvent être garantis.
Le RDSE votera ces crédits, car le coût de l'abstention est bien supérieur. Nous voulons non pas préparer un conflit, mais empêcher son déclenchement. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe SER, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)
M. François Bonneau . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.) Si l'examen du PLF est complexe, les menaces grandissantes envers la France et l'Europe sont bien plus concrètes. Notre pays doit se préparer à un conflit armé.
Nous saluons la surmarche de 3,5 milliards d'euros qui renforce notre capacité à agir.
La commission des affaires étrangères avait appelé à rattraper notre retard sur les drones dès 2021.
Nous déplorons le manque de transparence des dépenses concrètes relatives à la surmarche. Idem pour la disponibilité des matériels et des forces. Nous comprenons que toutes les données ne puissent être rendues publiques, mais celles-ci figuraient dans la maquette de performance du programme jusqu'en 2023. La suppression de ces éléments est compréhensible, mais dommageable. Il faut les réintégrer, le Parlement doit pouvoir exercer pleinement sa mission.
Les reports de charges s'accumulent. Ils dépassaient 8 milliards d'euros fin 2024, contre 3,88 milliards d'euros en 2022. Cela pèse sur la soutenabilité des dépenses. Les intérêts moratoires augmentent, imposant une prise de risque accrue à notre BITD. Cela fragilise leur trésorerie et limite leurs capacités d'innovation.
L'actualisation de la LPM est primordiale. Nous devons revoir nos ambitions à la hausse. La dégradation internationale nous l'impose. L'époque des dividendes de la paix est derrière nous, n'en déplaise à certains admirateurs du Kremlin. Nous attendions cette actualisation pour cet automne, elle est repoussée à début 2026. Espérons qu'elle ne sera pas victime de l'instabilité chronique frappant notre pays.
Nous devons enfin avoir une vision prospective et stratégique pour nos équipements de demain. Nous devons investir dans les systèmes du futur, dans l'IA et sortir du conformisme qui nous pousse à renouveler des marchés à l'intérêt discutable. N'achetons pas sur étagère des matériels étrangers inadaptés à nos besoins.
Face à tous ces défis, être inerte, c'est être battu, disait le général de Gaulle.
M. Jean-Pierre Grand . - (Mmes Marie-Arlette Carlotti et Gisèle Jourda applaudissent.) Depuis plusieurs années, un grand nombre de responsables nous alertent sur le retour de la force brute dans les relations internationales. La réalité leur a donné raison.
La paix ne se maintient pas par des déclarations, mais par la solidité de notre outil de défense.
La décision prise au sommet de l'Otan à La Haye d'élever l'effort de défense à 3,5 % du PIB n'est pas une posture politique, mais une nécessité.
Le budget militaire de la France connaît une hausse historique. Cette accélération était incontournable. L'Europe est clairement menacée. Les multiples formes d'agressions russes nous rappellent l'importance de cette menace.
La France, seule puissance nucléaire de l'Union européenne, dispose d'une particularité stratégique qui conforte sa singularité. Nous avons le devoir de préparer nos forces, moderniser nos capacités, soutenir nos alliés.
Notre diplomatie sera d'autant plus entendue que nos forces stratégiques seront importantes.
Je suis reconnaissant au chef d'état-major des armées d'avoir réveillé les consciences populaires en s'adressant avec franchise aux maires de France.
Le budget 2026 renforce nos équipements majeurs, soutient notre dissuasion, accélère les programmes que le conflit ukrainien a rendus indispensables. Il prend en compte les nouveaux champs de confrontation - espace, cyber, renseignement, systèmes de commandement -, consolide la montée en puissance de notre industrie de défense. Mais cet outil n'est rien sans des femmes et des hommes. Les recrutements sont à saluer, tout comme le renforcement des infrastructures d'hébergement et de soutien. Pour la première fois, les créations de postes sont alignées avec la trajectoire de la LPM et les mesures renforçant l'attractivité commencent à produire leurs effets.
Chaque soldat, marin et aviateur doit se sentir soutenu et protégé par la nation. Une défense crédible repose sur une société forte. La France n'est pas assez préservée contre les ingérences destinées à fracturer l'opinion ou à miner la confiance dans les institutions.
Nous devons mieux détecter et combattre les actions hostiles.
Notre résilience dépend de la cohésion, de l'esprit civique, de la capacité à distinguer l'information fiable de la désinformation.
L'augmentation du budget est salutaire, mais des interrogations demeurent, sur la lisibilité de la surmarche ou sur les reports de charges. Le risque de guerre de haute intensité est bien là. La France doit s'y adapter.
Le budget de la défense de la France est un investissement pour notre sécurité, notre capacité à défendre nos intérêts économiques et nos valeurs universelles.
Les dictateurs ont toujours théorisé leurs funestes projets. Ne l'oublions pas.
Parce que ce budget renforce la capacité à protéger la nation, le groupe Les Indépendants votera en faveur de l'adoption des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le PLF 2026 restera comme un exercice politique et institutionnel hors normes, mais aussi comme un exercice de grammaire stratégique, pour faire concorder des temps budgétaires et militaires désynchronisés. C'est au moment où nos finances sont au plus bas que nous devons fournir l'effort de défense le plus résolu. C'est au moment où nous devons affronter les conséquences de décennies d'irresponsabilité budgétaire qu'il nous faut restaurer nos capacités, atrophiées au fil des ans.
L'an prochain, la défense sera le seul poste de dépenses à augmenter significativement - avec la charge de la dette...
Le groupe Les Républicains soutient l'adoption de ces crédits supplémentaires, qui sont nécessaires.
Mais un tel niveau d'engagement, dans un contexte budgétaire aussi dégradé, nous oblige à démontrer le bien-fondé de chaque centime engagé. Les dépenses militaires sont parmi les plus performantes : investir 1 euro dans la défense, c'est générer 2 euros de PIB. C'est soutenir des milliers d'entreprises qui représentent près de 200 000 emplois et irriguent le tissu économique. C'est investir dans une croissance solide et de long terme. C'est donc une utilisation vertueuse des deniers publics.
Reste la question de l'accès des entreprises de la défense aux financements bancaires.
L'augmentation des crédits dédiés à nos armées n'est pas un luxe, encore moins une lubie. Nous devons regarder le monde tel qu'il est, et tel qu'il advient. Nous basculons dans une nouvelle ère : durcissement des confrontations, recours désinhibé à la force, ambitions, rivalités. Les équilibres géopolitiques se redéfinissent à une vitesse parfois déconcertante. Alors que les logiques impériales dominent, le premier défi, pour nous, est le retour de la guerre de haute intensité sur notre continent et la poursuite de notre soutien à la résistance de l'Ukraine.
Le conflit en Ukraine a bouleversé nos certitudes stratégiques et remis en cause les piliers de notre architecture de sécurité. La Russie teste avec toujours plus de hardiesse nos réactions, dans les espaces cyber et informationnels, en survolant nos espaces aériens - avant, peut-être, des provocations qui iront au-delà du champ hybride.
L'ambition russe de long terme réside dans le retour des sphères d'influence et repose sur la vision d'une vassalisation naturelle des faibles par les puissants.
Cette guerre a aussi servi de matrice au renforcement d'une alliance sino-russe qui pourrait mettre en correspondance les appétits de Pékin en mer de Chine avec ceux de Moscou en Europe.
Or c'est précisément dans ce moment que l'alliance atlantique vacille. Menaces de désengagement américain, coups de boutoir commerciaux, nouvelles orientations politiques des États-Unis, exprimées brutalement dans leur stratégie nationale de sécurité...
Face à cet inquiétant tableau, nous n'avons d'autre choix que d'investir et d'innover pour anticiper la guerre de demain.
Ce qui se joue, ce n'est pas seulement notre rang sur la scène internationale, mais la sécurité des Français et la défense de notre liberté comme de notre souveraineté.
La trajectoire en nette hausse prévue par la LPM était indispensable, mais demeure insuffisante. Son exécution a mis en exergue des limites qui vont au-delà de la chronique normale d'un début de programmation.
Inflation, restes à payer croissants, lancement de nouveaux programmes, surcoûts imprévus : des rigidités sont apparues, entraînant une forte augmentation des reports de charges, une contrainte accrue sur les crédits d'équipements, et une stagnation des commandes.
Les 6,7 milliards d'euros ajoutés l'an prochain éloignent le risque de thrombose et restaurent des marges de manoeuvre. Mais s'agira-t-il d'amplifier l'effort de réarmement, ou d'un simple rattrapage ?
Les hausses de commandes sont importantes. Difficile toutefois de distinguer les investissements qui relèvent de la trajectoire initiale de la LPM de ceux qui seront rendus possibles par la surmarche. Une meilleure transparence s'impose, gage de sincérité et d'acceptabilité.
Malgré des déclarations au plus haut niveau sur le nombre insuffisant de Rafale ou de frégates, ce PLF ne pose pas les jalons de l'élargissement du format de nos forces, qui demeure modeste.
Je salue cependant les efforts sur des segments cruciaux comme les drones, les munitions complexes, la défense sol-air ou le feu dans la profondeur. L'augmentation, la diversification et la modernisation de nos capacités de frappe à distance sont urgentes.
Pour autant, ne nous précipitons pas pour combler certains trous capacitaires, notamment pour le remplacement du lance-roquettes unitaire. Suivons plutôt le sillon tracé par la LPM, en recherchant une solution efficace et si possible souveraine.
L'indispensable dronisation de nos trois armées doit aller de pair avec la lutte anti-drones, priorité stratégique absolue. Les progrès à réaliser sont immenses, et ne peuvent se résumer à des slogans : des murs anti-drones, cela n'a aucun sens !
La dimension européenne est fondamentale, mais doit respecter les souverainetés nationales et ne pas chercher à assumer des compétences que les traités lui refusent. La préférence européenne, qui reste à approfondir, peut nous aider à atteindre une autonomie stratégique indispensable. Mais la conduite de certains projets doit évoluer, notamment pour le Scaf et le système principal de combat terrestre (MGCS), toujours dans l'ornière. Il faut, de manière générale, repenser la méthode employée pour les coopérations industrielles.
Depuis les annonces du Président de la République, il est clair que la trajectoire financière de long terme devra être revue, puisque le service militaire volontaire (SMV) annoncé n'est pas financé. Il faudra rapidement actualiser la LPM.
Nous devons aussi être cohérents avec le nouvel objectif de l'Otan de 3,5 % du PIB consacré à la défense à horizon 2035. C'est considérable - mais je rappelle que durant la guerre froide, les crédits oscillaient entre 3,5 % et 6 % du PIB, et que nombre d'autres nations, amies comme compétitrices, consentent des investissements d'un niveau d'ambition comparable voire supérieur.
Sans les hommes et les femmes qui servent sous nos drapeaux, la puissance de nos armées ne serait qu'une vue de l'esprit. Ils ont fait le choix, grave et noble, de risquer leur vie pour servir la patrie. Jamais nous ne tolérerons que leur engagement soit pris à la légère ni ne considérerons leur vie comme quantité négligeable, comme le fait le Kremlin. Mais le souci de nos soldats ne peut nous conduire à ignorer la réalité de la guerre ou blâmer ceux qui nous la rappellent.
Nous devons nous y préparer, matériellement et moralement : en renforçant les moyens, et en offrant un cadre adapté et pertinent pour ceux qui souhaitent s'engager et servir.
C'est ainsi que nous demeurerons une puissance crédible, une nation libre et souveraine, et que nous conjurerons le spectre de la guerre plutôt que de hâter sa venue. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE ; Mmes Marie-Arlette Carlotti et Hélène Conway-Mouret applaudissent également.)
Mme Nicole Duranton . - Nous sommes à un tournant de notre histoire : guerre en Ukraine, instabilité au Sahel, conflit au Proche-Orient, actions de guerre hybride menées par la Russie sur notre propre continent... Nous devons regarder la réalité en face et investir dans la défense et la sécurité de notre pays.
Je salue l'action de Sébastien Lecornu en tant que ministre des armées, qui a su piloter un réarmement historique. Sous son impulsion, la France a franchi un cap décisif avec la mise en oeuvre de la LPM. Les crédits ont été préservés de toute coupe budgétaire et nos programmes d'armement sécurisés. Les commandes atteignent des niveaux jamais égalés dans l'histoire récente. C'est le fruit d'un travail acharné, poursuivi par Catherine Vautrin.
Il nous faut maintenant un budget à hauteur des enjeux. Pendant des années, le budget de la défense n'augmentait jamais. Il faut à présent réarmer, produire des munitions, innover, former nos soldats, renforcer la résilience de nos concitoyens et susciter chez les plus jeunes le patriotisme et l'esprit de défense. C'est le sens de l'annonce par le Président de la République, le 27 novembre dernier, du retour d'un service militaire volontaire, que je salue.
Le PLF 2026 traduit cette inflexion, avec près de 7 milliards d'euros de plus qu'en 2025. Nous pouvons tendre ainsi vers l'objectif fixé par le Président de la République : doubler le budget de la défense en une décennie, un effort sans précédent depuis la fin de la guerre froide.
Première priorité : l'équipement de nos forces, avec des centaines de nouveaux blindés, de nouveaux Rafale et avions de transport, sous-marins nucléaires et frégates. Les livraisons s'accélèrent, les commandes explosent. Le changement de rythme est enfin perceptible.
Deuxième priorité : la préparation opérationnelle de nos soldats. Nos forces doivent s'entraîner davantage, manoeuvrer dans des conditions réalistes. Il s'agit de passer d'une armée calibrée pour la paix à une armée préparée au combat de haute intensité. L'exercice Orion 2026 témoignera de cette montée en puissance.
Troisième priorité : l'innovation et le renseignement. Face aux drones, à l'IA, aux cyberattaques et aux menaces spatiales, il faut investir massivement dans les technologies de rupture. Parallèlement, les services de renseignement voient leurs moyens renforcés pour faire face à la guerre hybride et protéger notre industrie de défense.
Quatrième priorité : recruter, fidéliser et former. Les salaires et primes augmentent, les conditions de vie s'améliorent, les logements sont rénovés, les familles mieux accompagnées. Surtout, nous reconstruisons une véritable armée de réserve, avec l'objectif d'un réserviste pour deux militaires d'ici à 2035. Toute la nation doit se préparer.
Cet effort budgétaire irrigue aussi notre tissu industriel. Sur tout le territoire, les carnets de commandes sont pleins, des milliers d'emplois sont créés. Nous rebâtissons souveraineté industrielle et technologique.
Le défi est colossal, mais il est à la hauteur des menaces. Ce budget engage la France sur le temps long : il renforce nos capacités, soutient notre industrie et ouvre une nouvelle étape du lien armée-nation.
Notre responsabilité est de donner à nos armées les moyens nécessaires, de garantir notre sécurité et de réaffirmer la place de la France parmi les grandes puissances. Si nous n'en sommes pas capables, nous envoyons un signal de faiblesse. Notre force morale serait alors mise à l'épreuve.
Le RDPI votera les crédits de la mission. Il y va de notre avenir et de celui de la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Rachid Temal . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. André Guiol applaudit également.) Madame la ministre, c'est votre premier débat budgétaire, l'Assemblée nationale vous en ayant privée. (Mme Catherine Vautrin sourit.)
Je salue l'engagement de nos forces armées. Ces hommes et ces femmes protègent notre pays et nos valeurs, en Hexagone et outre-mer, dans le cadre de l'Union européenne, de l'ONU, de l'Otan.
Ce budget 2026 est sans doute le premier d'un nouveau cycle. Nous changeons de monde. Il y a eu le temps des deux blocs et de l'équilibre de la dissuasion ; le temps des dividendes de la paix ; nous entrons dans celui du retour des empires. Dorénavant, la France et l'Europe sont seules. Elles doivent en prendre conscience, l'assumer et agir en conséquence, sous peine de sortir de l'histoire.
Le nouveau président américain est investi en janvier 2025. Dès février, à Munich, son vice-président appelle à un changement des régimes en Europe et fait campagne pour les partis nationalistes, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni. La nouvelle doctrine est claire : les États-Unis veulent réintégrer la Russie dans le camp occidental et dominer ce camp de tout point de vue, y compris civilisationnel.
Nous pouvons imaginer soit un retrait total ou partiel, soit un affaiblissement de la présence américaine dans la défense européenne. Il nous faut assumer, financièrement et politiquement.
Je salue le courage du président Zelensky, de ses armées et de son peuple, attaqués pour la seconde fois par Poutine, qui en réalité ne cesse d'attaquer depuis son arrivée au pouvoir en 1999. N'oublions pas non plus le chantage des Américains, en privant l'Ukraine d'armes ou en stoppant leurs moyens de communication et d'information.
L'accord de défense entre la France et l'Ukraine a été annoncé en grande pompe. Depuis, plus de nouvelles ! La question des moyens prévus pour le soutien à l'Ukraine est pourtant essentielle.
La Russie sortira renforcée du combat contre l'Ukraine, disent les spécialistes. Or elle sera toujours notre voisine. Napoléon disait que nous faisons la politique de notre géographie. Il ne s'agit pas de pactiser avec Poutine, mais d'imaginer notre avenir.
Je pourrais aussi évoquer la Chine, qui a fait de la Russie son allié et son vassal, et qui développe ses visées impérialistes sur Taïwan et l'Indo-Pacifique. Je pourrais évoquer d'autres conflits, entre l'Inde et le Pakistan, entre Israël et l'Iran, ou la dronisation, le départ de la France du continent africain, Gaza, le dixième anniversaire des attentats terroristes de 2015, le Mali, le Sahel, le risque climatique, la question de l'eau.
Il nous reste l'Otan. Chacun se satisfait de l'accord de La Haye : 3,5 plus 1,5, dont chacun fera ce qu'il veut. (Mme Catherine Vautrin sourit.) Mais comment accepter le point 5, qui demande que nous retirions les barrières entre les États-Unis et l'Europe sur nos capacités industrielles ? Comment développer une industrie européenne de défense ?
Oui à l'Otan, oui aux coopérations européennes, mais la défense doit rester du domaine des États.
Nous avons quatre questions à résoudre. D'abord, la volonté politique : nous l'avons, sauf certains partis qui regardent du côté de Moscou ou de Washington, et certains médias qui sont des agents propagateurs. Je vous renvoie à notre commission d'enquête sur les influences étrangères.
Ensuite, la question budgétaire : elle est devant nous. En réalité, nous ajoutons 3,2 milliards d'euros aux 3,5 milliards d'euros déjà prévus.
Puis, la volonté industrielle. Il faut passer des commandes, mais aussi imaginer différemment les capacités, avancer sur la production.
Enfin, l'enjeu de la résilience : comment associer les habitants, non pas en les affolant, mais en leur montrant que nous sommes le camp de la paix ? Comme disait Jaurès, nous devons « Être pour la paix en étant prêt pour gagner la guerre si la France est attaquée ».
Nous devons articuler différemment l'architecture de défense. Nous devons nous interroger sur le financement du SMV, sa complémentarité avec les forces opérationnelles et les réservistes. Je plaide pour qu'ils aillent sur des théâtres d'opérations, notamment en Roumanie.
Quel rôle pour l'Otan ? Pour l'Union européenne ? Quid des accords de partenariat avec certains pays du Sud ? Nous ne gagnerions pas à nous enfermer dans une logique de l'Occident contre le reste du monde.
Le Parlement doit être mieux associé, en transparence.
Le groupe SER votera les crédits de la mission, comme il l'a toujours fait, en espérant la tenue d'un débat stratégique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE, MM. François Patriat et Olivier Cigolotti applaudissent également.)
Mme Michelle Gréaume . - La hausse inédite des crédits de la mission, de 13 %, témoigne du basculement historique à l'oeuvre. Cette accélération engage la France dans une trajectoire qui la conduira vers 100 milliards d'euros annuels à l'horizon 2030.
Dans le même temps, on supprime 4 000 postes d'enseignants, on coupe les dotations aux collectivités territoriales, on fait payer aux malades un impôt épouvantable de 3,6 milliards d'euros.
Pour faire avaler ce surarmement aux travailleurs, vous créez un climat anxiogène, en appelant même à accepter de perdre nos enfants. Ces discours servent l'obsession guerrière d'Emmanuel Macron, son dernier moyen d'exister dans un pays qui le rejette.
Pourtant, cette stratégie militariste ne se base sur aucune rationalité stratégique. Les États européens de l'Otan dépensent trois fois plus pour la défense que la Russie : 454 milliards de dollars contre 141 milliards en 2024. Ils comptent quatre fois plus de navires de guerre, trois fois plus de chars de combat, de véhicules blindés et d'artillerie que la Russie.
Nous restons constants dans notre position : oui, la France a besoin d'une armée dissuasive, solide et compétente, mais à condition qu'elle ne serve qu'à la défense stricte de notre territoire national, de nos infrastructures et de nos populations. Or ce budget de surarmement organise une logique de projection extérieure et d'escalade. Nous dénonçons cette dérive stratégique.
Les commandes et livraisons prévues montrent que nous préparons une armée de haute intensité et de projection. Dans le même temps, le volet humain ne représente que 3 % de la hausse totale. Plus de 80 % des crédits nouveaux du plan Fidélisation bénéficient en réalité aux industriels et non aux militaires ou à leurs familles.
La disparition, dans les documents budgétaires, des mots « désescalade » ou « stabilisation » témoignent de ce basculement doctrinal. Notre doctrine reposait sur trois piliers : dissuasion, prévention, projection. Nous ne parlons désormais plus que de réactivité, de puissance et de résilience. Notre pays ne cherche plus à éviter les conflits mais se préparer à les mener.
La hausse disproportionnée de la contribution à l'Otan, alors même qu'il y a eu des marchés truqués, nous inquiète. Nous voulons des comptes ! L'autonomie stratégique de l'Europe est une chimère.
Notre groupe propose une autre vision : celle d'une France souveraine, libérée de l'Otan, appuyée sur la puissance publique, tournée vers la paix, l'innovation civile et la justice sociale.
Nous voterons contre ce budget et défendrons des amendements sur la protection de celles et ceux qui portent nos armées. Nous plaiderons pour une meilleure prise en compte de la santé mentale et une revalorisation des moyens du SSA.
Une nation est comme un arbre, il lui faut de la sève pour grandir et des racines pour tenir ; la sève ce sont les services publics, nos jeunes et nos travailleurs. Les racines, notre diplomatie et notre universalisme. Or ce budget gonfle le tronc, alourdit les branches, affaiblit la sève, étouffe les racines. L'arbre risque de casser.
Nous voulons une France forte, qui construit la paix et donne des perspectives de fraternité à nos enfants.
M. Olivier Cigolotti . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Laurent Somon et Olivier Rietmann applaudissent également.) L'année 2026 marque la troisième annuité de la LPM, dans un contexte géostratégique profondément déstabilisé. La mission « Défense » devient la première politique publique de l'État en AE. Cela doit être salué, dans un contexte général d'efforts de redressement des finances publiques.
Nous sommes à un point de bascule. La menace russe, la désinhibition du recours à la force, la remise en question de nos alliances historiques et la révolution technologique modifient en profondeur la logique des champs de bataille.
Notre armée doit se tenir prête à être mobilisée à tout instant et à endurer un combat violent et d'attrition. Elle doit pouvoir s'appuyer sur une BITD solide, tant qualitativement que quantitativement : ses grandes entreprises, mais aussi ses 4 500 PME, qui génèrent un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros. Elles constituent un maillage essentiel pour notre défense comme pour nos territoires. Leur financement est un enjeu de souveraineté, et nous nous félicitons de la création du fonds Bpifrance Défense. J'espère que la proposition de loi Allizard, votée au Sénat, sera prochainement examinée par l'Assemblée nationale.
Mme Gisèle Jourda nous alerte sur la baisse des moyens des personnels de la DRSD, qui passent de 1 691 à 1 609 ETP, alors que nos entreprises ont plus que jamais besoin d'être protégées des menaces hybrides. Là encore, nos PME ont besoin de cet accompagnement.
Au sein des dépenses militaires, les dépenses d'investissement ne sont pas improductives, grâce aux technologies duales. Ces investissements sont aussi une assurance contre les risques de déstabilisation, de terrorisme ou de conflits, et leurs effets économiques. Raison de plus pour sanctuariser le budget de la défense. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre des armées et des anciens combattants . - Je vous remercie pour votre engagement sur ce budget et salue Alice Rufo qui présentera les éléments relatifs au monde combattant.
Défense de la nation, protection des Français, préservation de notre liberté : ce cap dépasse largement les sensibilités politiques.
Vous êtes nombreux à l'avoir dit, les dividendes de la paix appartiennent au passé. Nous devons être au rendez-vous. Nos partenaires, comme nos compétiteurs jugent notre endurance, notre cohésion et notre crédibilité. Chaque jour, les nations réévaluent leur niveau d'exposition et de préparation.
L'année 2022 a marqué une bascule. Nous sommes à plus de 3 milliards d'euros d'aide à l'Ukraine, entre cessions, formation, maintien en condition opérationnelle (MCO), soutien politique et stratégique. Nous avons des soldats sur le flanc est, pour les opérations Lynx et Aigle, dont les surcoûts sont couverts par la fin de gestion 2025. L'accord du 17 novembre signé entre les présidents Macron et Zelensky porte sur l'équipement de l'Ukraine, à court terme mais aussi à plus long terme, pour assurer durablement la protection de l'Ukraine quand une paix durable aura été signée.
La position du Gouvernement sur l'Otan est très claire : oui à un pilier européen de l'Otan. L'argent des Européens doit aller à la BITD européenne.
Mme Marie-Arlette Carlotti. - Bravo !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Vous savez combien la France a refusé la notion d'une BITD transatlantique.
Tous les pays se réarment, avec des efforts plus ou moins importants, notamment les pays baltes - on sait qui est leur voisin. La Russie consacre 40 % de son budget à l'effort de guerre !
La stratégie de défense de notre pays est une compétence souveraine de la nation. La France a fait des choix qu'elle est seule à conserver ; nous sommes le seul pays à pouvoir articuler une stratégie nucléaire, tant aéroportée que navale, et une stratégie conventionnelle. Cette doctrine est inchangée depuis 1964.
Notre pays est une grande puissance maritime. Je veux redire l'importance de la protection de nos territoires ultramarins. À ceux qui m'interrogent sur nos grands projets, je réponds qu'une puissance maritime est dotée d'un porte-avions.
Depuis 2017, notre pays a pris le chemin du réarmement. La première LPM était de réparation. Celle qui a été défendue par Sébastien Lecornu a pour objectif de nous réarmer.
Comme le disait le général de Gaulle à Saint-Cyr en 1959, « le Gouvernement a pour raison d'être, à toute époque, la défense de l'indépendance et de l'intégrité du territoire ». Cette phrase n'a pas pris une ride ! C'est le sens de notre engagement.
L'année 2026 sera la troisième année de mise en oeuvre de la LPM. Son actualisation découle de la décision du Président de la République qui a pris acte le 13 juillet dernier de la situation internationale. Dès 2026, nous proposons une rallonge de 3,5 milliards d'euros. Oui, le Gouvernement présentera début 2026 un texte sur les surmarches.
En ajoutant les surmarches au budget initial, l'effort est porté à 6,7 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale de 2025.
Premier objectif : consolider le socle de nos capacités militaires, l'entraînement, la gestion des effectifs, le soutien logistique.
Le rapport pour avis de M. Cigolotti et Mme Gréaume souligne l'importance pour les armées de durcir leurs conditions d'entraînement.
Deuxième objectif : protéger nos forces et territoires, par la défense sol-air, la lutte contre les drones, la lutte anti sous-marine, notamment.
Troisième objectif : développer nos capacités offensives, avec des approvisionnements suffisants en munitions et des moyens de frappe en profondeur.
Quatrième objectif : renforcer nos capacités de renseignement, avec des drones d'observation et le spatial.
De commandes pour plus de 30 milliards d'euros seront passées pour nos grands programmes, hors dissuasion. Madame Conway-Mouret, les frégates, Rafale, drones et blindés ne sont nullement négligés.
Monsieur de Legge, il n'y a eu ni gel ni annulation en 2025. Notre exécution dépasse la loi de finances initiale de 1 milliard d'euros. Le report de charges est en baisse par rapport à 2024, à 20 %.
Le total des commandes passées par la DGA s'élève à 40 milliards d'euros en 2025, pour 24 milliards d'euros de paiements. Élue de terrain comme vous, je suis bien sûr préoccupée par la question des délais de paiement. Nous devons veiller au ruissellement des financements. Les entreprises nous le disent : la DGA paye, mais il faut continuer à travailler avec les sous-traitants. Je sais combien c'est important pour les territoires que vous représentez.
Les surmarches permettront d'aller au-delà ce qui était prévu : commande de milliers de munitions supplémentaires, triplement des livraisons d'obus d'artillerie de 155 mm, doublement des livraisons des missiles de croisière, etc. Monsieur Perrin, j'ai bien en tête le successeur du lance-roquette unitaire (LRU) : il n'est pas question de brader quoi que ce soit ; nous déciderons une fois les essais achevés. Je cite également les missiles balistiques terrestres, les systèmes de défense sol-air, les kits de protection contre les drones, les munitions téléopérées pour le char Leclerc rénové, les brouilleurs de la marine, les satellites...
Les surmarches financeront également la réserve, avec 52 000 contrats en 2026, contre 40 000 en 2024 : madame Carlotti, nous ne sacrifions rien.
S'agissant du service militaire volontaire, avec 100 millions d'euros, nous prévoyons 3 000 pax en 2026. Un budget de 2,3 milliards est prévu sur 2026-2030, dont 1 milliard pour les infrastructures. Ces jeunes volontaires seront ensuite réservistes pendant cinq ans. Notre armée devient hybride, avec l'active, la réserve et le service militaire volontaire.
Nous devons aussi travailler à l'amélioration des conditions de vie des femmes et des hommes qui composent notre armée, après des décennies de baisses de crédits et de suppressions de postes. Élue, je me souviens des fermetures de bases. Les temps ont changé et nous devons améliorer la fidélisation, avec 159 millions d'euros, sans oublier la question du logement.
Le SSA est doté d'1,8 milliard d'euros. Pour améliorer l'attractivité, nous alignons les rémunérations sur celles de la fonction publique hospitalière.
Des outils existent pour financer l'innovation et créer des synergies public-privé, notamment Definvest et le fonds Innovation défense. Notre base industrielle de défense représente 220 000 emplois et 4 000 entreprises. Nous avons été capables de remettre de la poudre sur les territoires ; nous devons accompagner d'autres entreprises.
Ce budget de la première armée d'Europe n'est pas un budget de circonstance, c'est un budget de responsabilité.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Notre souveraineté et notre modèle de civilisation sont en jeu. Pour nos soldats et pour la France, je vous demande d'approuver ce budget. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, ainsi que sur les travées des groupes INDEP et UC)
Examen des crédits de la mission et de l'article rattaché
Article 49 - État B
Mme la présidente. - Amendement n°II-1736 rectifié bis de M. Canévet et alii.
M. Michel Canévet. - Je n'aurais aucun état d'âme à soutenir les crédits de la défense si la situation de nos comptes publics n'était pas si dégradée. En 2023, nous avons décidé d'une trajectoire d'évolution des dépenses militaires jusqu'en 2030, et deux ans après, voilà qu'on la revoit, parce qu'elle a été sous-estimée...
Nous serions au Parlement, le doigt sur la couture du pantalon, prêts à voter ce que le chef a décidé ? Pour tenir compte de la dégradation de nos comptes publics, diminuons les crédits de 1,7 milliard d'euros.
M. Christian Cambon. - C'est irresponsable !
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Cela fait soixante ans que ce budget participe aux efforts budgétaires, et largement.
En 1960, il représentait 5,43 % du PIB ; aujourd'hui c'est à peine 2 %. Si nous revenions au niveau de 1980, nous serions à plus de 110 milliards d'euros de dépenses. Le ministère a donc déjà beaucoup contribué, je dirais même beaucoup trop. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)
Tous les autres pays augmentent leurs dépenses militaires. Alors qu'entre 2022 et 2024, notre budget de la défense a progressé de 10 % en euros constants, c'était 119 % en Russie, 93 % en Pologne, 47 % en l'Allemagne et 14 % au Royaume-Uni.
Avis très défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. André Guiol, Rachid Temal et Mme Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Nous serons l'an prochain en troisième année de LPM, respectée à l'euro près. Entre 2009 et 2015, un régiment sur deux a été fermé et 50 000 postes ont disparu. Oui, le ministère a déjà largement contribué : avis très défavorable.
M. Rachid Temal. - Je salue les propos de François Bonneau. Imaginez que dans trois à cinq ans, à cause d'un tableur Excel, nous soyons en difficulté... Monsieur Canévet, retirez cet amendement qui n'est pas à la hauteur des enjeux. Si ces économies de bouts de chandelle sont réalisées, on sabrera le champagne au Kremlin. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Si vis pacem para bellum.
Certaines interventions en discussion générale m'ont sidérée. Nous ne vivons manifestement pas sur la même planète ! Mais lisez donc les rapports de la CIA et les plans quinquennaux chinois. Réveillons-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Jocelyne Guidez et M. François Bonneau applaudissent également.)
M. Akli Mellouli. - Nous pouvons avoir des désaccords sur la stratégie, les enjeux, la souveraineté. Si on ne pense pas la même chose, cela ne veut pas dire qu'on a tort.
Nous voulons discuter de la stratégie : augmenter le budget de la défense, quand on réduit celui des affaires étrangères nous interpelle.
Nous voterons contre l'amendement, qui va à l'encontre de la stratégie de protection des territoires et des populations.
Mme Michelle Gréaume. - Le groupe CRCE-Kanaky votera pour. Mais je voudrais que l'on respecte toutes les positions ! Marchés truqués de l'Otan, argent détourné dans des villas : parlons-en ! (M. Claude Malhuret proteste.)
M. Cédric Perrin. - L'auteur de cet amendement, multirécidiviste sur le sujet, est évidemment dans son droit. On pourrait effectivement adopter un raisonnement d'expert-comptable, mais cela ne va pas dans le sens de l'histoire.
De Gaulle disait que l'aveuglement d'une nation qui refuse de voir monter la menace prépare toujours les défaites les plus lourdes.
Nous appliquerions les décisions du chef sans en avoir débattu ? Nos auditions démontrent clairement l'état de la menace. Diminuer le budget des armées serait une ineptie totale - sans injure pour l'auteur de l'amendement, dont je comprends la logique d'expert-comptable.
Je ne voudrais pas que nous soyons mis en cause pour n'avoir pas fait les bons choix et vous invite tous à voter contre cet amendement.
M. Michel Canévet. - (Alors que l'orateur s'apprête à prendre la parole, M. Mickaël Vallet crie : « Retrait ! ») Monsieur le président Perrrin, je vous rassure : ma logique n'est pas celle d'un expert-comptable. Mais si je suis multirécidiviste, c'est parce que nous nous sommes engagés au niveau européen à rétablir l'équilibre de nos comptes publics. Oui, il faut faire un effort pour notre défense, mais celui-ci doit être mesuré. (M. Christian Cambon proteste.)
Je trouve beaucoup de gens courageux pour augmenter les dépenses, j'en trouve moins pour faire des économies ! (M. Patrick Kanner s'exclame.)
Résultat : dans cinq ans, la charge de la dette devenue insoutenable, nous devrons réduire tous les budgets, y compris celui de la défense !
M. Mickaël Vallet. - Et augmenter les recettes ?
L'amendement n°II-1736 rectifié bis n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°II-1729 de M. Gontard et alii.
M. Guillaume Gontard. - Nous avons accueilli avec circonspection l'annonce présidentielle sur le service militaire volontaire. Nous craignons que ses financements n'obèrent ceux de la réserve opérationnelle, déjà insuffisants.
Il faut revaloriser la réserve, symboliquement et financièrement, et améliorer son pilotage humain - qualité des entraînements, débouchés, compatibilité avec la vie professionnelle et familiale.
Le rapport Gassilloud-Girard a montré combien la réserve est indispensable pour soulager nos militaires et épauler la sécurité civile.
D'où ces 800 millions d'euros supplémentaires, via un redéploiement des crédits du SNU et de l'opération Sentinelle que nous souhaitons faire évoluer.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - La réserve opérationnelle est intégrée dans les objectifs de la LPM. Il sera toujours possible de rectifier le tir en cas de difficulté, via l'actualisation annoncée par la ministre. Retrait.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Le nombre de réservistes atteindra 52 000 en 2026. La norme d'activité va également augmenter, à 45 jours par an. Le budget passe de 220 millions à 318 millions d'euros : les moyens sont suffisants. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°II-1729 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°II-1730 de M. Gontard et alii.
M. Guillaume Gontard. - Une partie de l'avenir de l'Europe se joue en Ukraine. L'Europe doit rester actrice, malgré les visées impérialistes américaines et russes qui voudraient l'exclure. Nous saluons l'initiative du Président de la République et des chefs de gouvernements allemand et britannique pour associer leurs forces à celles de Volodymyr Zelensky et trouver une issue au conflit autre que la capitulation honteuse proposée par Donald Trump.
L'aide à l'Ukraine, qui diminue de 57 % chaque mois depuis juillet, doit augmenter, pour montrer que l'Ukraine n'est pas à vendre à la découpe et que l'Europe ne faiblira pas. Notre soutien doit se renforcer, via nos fonds bilatéraux et notre contribution à la Facilité européenne pour la paix. Nous ajoutons près d'un quart de milliard d'euros supplémentaires.
Malheureusement, la Lolf ne nous permet pas de gager cet amendement sur les avoirs russes gelés en France, mais c'est notre demande, d'autant que cette perspective semble effrayer Poutine.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - L'aide à l'Ukraine concernant différents programmes, l'amendement est techniquement inopérant. Par ailleurs, aller plus loin ne se décidera qu'en lien avec nos partenaires. Retrait ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - L'aide à l'Ukraine a pris la forme de cessions de matériels - nous arrivons au bout du processus -, mais aussi de formations et d'actions de maintien en condition opérationnelle - que nous poursuivons.
Notre soutien est aussi politique et diplomatique, avec la coalition des volontaires et le G7. Cette question excède largement le PLF : retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°II-1730 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°II-2031 de M. Ouizille.
M. Alexandre Ouizille. - Notre ambitieuse LPM finance la BITD. Or cette dernière est trop souvent réduite à une dizaine de grands groupes. En réalité, il s'agit de 4 500 acteurs sur tout le territoire, qui sont à près de 85 % des TPE, PME et ETI.
Créons un fonds pour les accompagner vers cette « coopétition » dont parle la ministre, car les retards de paiement fragilisent leurs trésoreries et pénalisent leur innovation et leur montée en puissance.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Mieux vaut payer ses dettes en temps et en heure. D'où mon combat pour limiter au maximum les reports de charges. Avis défavorable.
Madame la ministre, quand l'excellente proposition de loi de Pascal Allizard sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Le Gouvernement est très vigilant à ce que les 4 000 entreprises de la BITD soient effectivement payées. Des outils de financement existent : Definvest, le fonds French Tech Souveraineté, prêt Def'Fi. Retrait, sinon avis défavorable.
Nous allons demander rapidement l'inscription du texte sur les surmarches à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
L'amendement n°II-2031 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°II-1102 de M. Hochart et alii.
M. Joshua Hochart. - Défendu.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Avis défavorable. Il n'est pas raisonnable de diminuer les crédits d'équipement des forces.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°II-1102 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°II-2046 de Mme Gréaume et M. Xowie et du groupe CRCE-K.
Mme Michelle Gréaume. - Nous prévoyons 30 millions d'euros pour recruter 150 agents médicaux et paramédicaux et moderniser les équipements des centres médicaux des armées. Je rappelle que seulement 76 % des postes de médecins militaires sont pourvus et que trois hôpitaux militaires sur huit sont en déficit chronique.
Mme la présidente. - Amendement n°II-2015 de M. Mellouli et alii.
M. Akli Mellouli. - Amendement de repli par rapport au précédent. La LPM ne résorbera pas le retard déjà pris. Nos soldats doivent se sentir soutenus, c'est important pour leur moral.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Le SSA n'échappe pas aux difficultés du secteur sanitaire. Mais l'effort significatif de la LPM est respecté, tant en emplois qu'en crédits. Retrait. Nous en reparlerons au moment de l'actualisation de la LPM.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je rappelle que le budget du SSA sera de 1,8 milliard d'euros l'an prochain : augmentation du recrutement dans les écoles, alignement des rémunérations sur la fonction publique hospitalière, création d'un hôpital de rôle 3 pour stabiliser les blessés. Avis défavorable.
L'amendement n°II-2046 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-2015.
Mme la présidente. - Amendement n°II-2052 de Mme Gréaume et M. Xowie et du groupe CRCE-K.
Mme Michelle Gréaume. - Défendu.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Même avis, pour les mêmes raisons que précédemment.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°II-2052 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°II-2047 de Mme Gréaume et M. Xowie et du groupe CRCE-K.
Mme Michelle Gréaume. - Nous prévoyons 5 millions d'euros pour le recrutement de psychologues cliniciens, le déploiement de cellules d'écoute dans les bases et le développement de formations à la détection précoce des signaux de détresse. Cet amendement devrait transcender les clivages.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Les psychologues cliniciens relèvent du SSA. Retrait.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Retrait. La prise en charge médicale, paramédicale et préventive est un axe majeur de notre action, avec la généralisation de visites médicales post Opex, les formations premiers secours en santé mentale en opérations et le renforcement de la coopération avec le milieu civil, notamment.
L'amendement n°II-2047 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°II-2054 rectifié de Mme Guiol et alii.
M. André Guiol. - Défendu.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Les travaux de la piste d'atterrissage de la base aérienne de Cayenne ne peuvent être engagés dès 2026. Il faut un état des lieux préalable. En outre, les projets visés ne sont pas financés par le programme 212, mais par les programmes 146 et 178. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°II-2054 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°II-2033 de M. Ouizille.
M. Alexandre Ouizille. - C'était un amendement d'appel pour parler de notre marine nationale, mais compte tenu du temps d'examen limité, et du fait que nous reparlerons prochainement de la LPM, je le retire.
L'amendement n°II-2033 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°II-2048 de Mme Gréaume et M. Xowie et du groupe CRCE-K.
Mme Michelle Gréaume. - Un quart des logements militaires sont insalubres ou dégradés, ce qui affecte le moral, la fidélisation et la capacité opérationnelle des unités. Nous prévoyons 10 millions d'euros pour rénover les logements en garnison. Sans parler du service militaire volontaire qui arrive...
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - J'avais rendu il y a quelque temps un rapport sur le parc immobilier du ministère. C'est l'occasion pour le Gouvernement de faire un point sur la question.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Nous allons prochainement faire un premier bilan de la convention signée avec Nové en 2022, et qui concerne 20 % des logements. J'ai pris langue avec Action Logement pour voir comment aller plus loin. Pour les célibataires géographiques, de plus en plus nombreux, tout un chantier reste à ouvrir. Nous y travaillerons, à la lumière de l'excellent rapport du rapporteur spécial.
L'amendement n°II-2048 n'est pas adopté.