Compte rendu de la réunion du 5 mars 2003 de la section française de l'APF Audition de M. Bernard Cerquiglini, délégué général à la langue française et aux langues de France et de M. Claude Jean, délégué général adjoint à la langue française et aux langues de France
(Palais Bourbon)
La séance est ouverte à 17h35 sous la présidence de M. Michel Herbillon, vice-président de la section française puis de M. Bruno Bourg-Broc, président délégué de la section française.
M. Bernard Cerquiglini, délégué général à la langue française et aux langues de France, a tout d'abord rappelé que le rapport pour l'année 2002 sur l'application de la loi du 4 août 1995 relative à l'emploi de la langue française, était mis à la disposition de la représentation nationale dans une version plus lisible, plus resserrée et plus synthétique que l'année précédente.
Il a ensuite indiqué que la langue française n'était pas menacée dans sa vitalité mais dans ses ambitions.
En effet, autrefois langue des élites sur le territoire national, elle est désormais la langue de la République dans les faits, atteignant ainsi son principal objectif. Son potentiel de créativité est, à cet égard, particulièrement fort. Il se traduit par la production constante de nouveaux termes, dont la féminisation constitue un facteur d'accélération non négligeable.
M. Cerquiglini a dénoncé la notion communément répandue du déclin du français, en se référant à la différenciation historique de la langue des faubourgs à laquelle pourrait s'apparenter aujourd'hui le « français des banlieues ». Au-delà d'un caractère un peu désuet du purisme de la langue, il a d'ailleurs considéré que le français, loin de sombrer dans une décadence annoncée, apportait une preuve supplémentaire de sa capacité d'adaptation, et donc de sa vitalité.
En revanche, il a souligné qu'un vrai danger existait dans la préservation du français comme langue internationale. Sur ce point, il a constaté la baisse du désir de l'apprentissage du français, en tant que langue étrangère, dans de nombreux pays face à l'anglais, en particulier dans les domaines du travail et de la société de l'information. Cette situation appelle à une réelle prise de conscience, notamment sur la nécessité de renforcer l'attrait du français, dans les domaines culturel, économique et scientifique. En Europe, la généralisation d'une seconde langue étrangère obligatoire dans le système éducatif, activement soutenue par la France, a permis d'infléchir la tendance, voire de l'inverser, dans le cas de l'Espagne notamment.
M. Cerquiglini a souligné la mobilisation des autorités françaises compétentes qui a déjà porté ses fruits, notamment dans le domaine des Jeux olympiques. Il a considéré qu'aujourd'hui, l'avenir du français, en tant que langue internationale, se jouait principalement au sein des institutions européennes, où la France tente de promouvoir l'utilisation de trois « langues-pivots » (allemand, anglais, français), notamment dans la perspective de l'élargissement de l'Union. Il a enfin rappelé l'enjeu essentiel de la défense du plurilinguisme sur les autres continents et souligné l'importance de la solidarité francophone dans ce défi majeur.
Après avoir constaté le caractère réaliste de l'exposé en en regrettant toutefois son manque d'esprit conquérant, M. Georges Fenech a mis l'accent sur le risque de développement des dialectes en France.
M. Michel Herbillon s'est interrogé sur l'obligation des nouveaux pays entrants dans l'Union européenne à enseigner deux langues étrangères dans leur système éducatif. Le délégué général à la langue française a confirmé que cette disposition, actuellement en vigueur au sein de l'Union, devrait faire partie de l'acquis communautaire.
En réponse à une question de M. Jacques Brunhes, portant sur les méthodes à employer afin de redonner le désir d'apprendre le français, M. Cerquiglini a constaté le manque de clarté de la politique française sur ce sujet depuis une dizaine d'années puis a informé la section française de la signature par le Premier ministre, le 14 février dernier, d'une circulaire sur l'usage de la langue française.
M. Louis Duvernois a souligné la nécessité d'expliciter les véritables enjeux de la Francophonie et de disposer, à cette fin, de relais écrits et audiovisuels. A cet égard, il a souhaité la création rapide et nécessaire d'une chaîne de télévision d'information internationale en langue française sous-titrée en anglais. Il a par ailleurs regretté l'absence de dimension linguistique dans les travaux de la Convention européenne.
Mme Françoise Pérol-Dumont a souhaité que les ministres français s'expriment sans exception dans notre langue et a regretté, par ailleurs, le désengagement du ministère des Affaires étrangères sur le festival francophone de Limoges.
M. François Dosé s'est interrogé sur la tendance qui conduit les étudiants de l'Afrique francophone à privilégier les États-Unis au détriment de la France dans la poursuite de leurs études à l'étranger ; sur la place du français dans les colloques scientifiques réservés aux européens et sur l'évolution du nombre de mots employés pour l'apprentissage du français à l'école maternelle.
Le délégué général à la langue française a apporté les éléments de réponse suivants : tout en indiquant, sur le premier point, que cette tendance n'était pas aussi claire, il a rappelé le rôle essentiel de sensibilisation tenu par les États généraux du français dans les grandes zones, que ce soit en Afrique, en Polynésie ou en Europe centrale. Par ailleurs, il a admis la mainmise de l'anglais dans le domaine scientifique. Sur ce point, il a souligné l'ambiguïté qui en naissait du fait de son usage comme langue officielle de certains États et a déploré l'inégalité qui en résultait entre les scientifiques anglo-saxons et les autres.
M. Michel Françaix a exprimé une inquiétude nouvelle dans l'utilisation du français dans le domaine de l'image en craignant que notre langue soit reléguée du deuxième au troisième rang.
M. Michel Herbillon, revenant sur certains points évoqués par le délégué général à la langue française, s'est interrogé sur les facteurs qui avaient permis de réintégrer le français comme langue vivante aux Jeux olympiques et les moyens actuellement mis en oeuvre au soutien de la langue française.
Dans ses réponses, M. Cerquiglini a apporté les précisions suivantes :
Pour le retour du français aux Jeux olympiques, il a indiqué que l'ardeur témoignée par le comité interministériel réunissant des représentants des ministères de la jeunesse et des sports, de la culture et des Affaires étrangères ainsi que la mobilisation de nos postes diplomatiques avaient été essentielles. Il a ajouté qu'un support budgétaire permettant la formation des cadres, la création d'un lexique, d'une chaîne en français et les visites en France de certains comités organisateurs en France avait également été déterminant.
Le président Bruno Bourg-Broc a remercié M. Bernard Cerquiglini pour la clarté de ses propos.
La séance est levée à 18h45.