III. DES INCERTITUDES POLITIQUES
A. LA DÉMARCHE DE RÉCONCILIATION ET L'ENJEU DE LA JUSTICE
Lors de l'entretien qu'a eu la délégation avec le Premier ministre, M. Daniel Kablan Duncan, celui-ci a insisté sur le travail accompli par la « Commission dialogue, vérité et réconciliation » (CDVR), présidé par l'ancien Premier ministre, M. Charles Konan Banny.
Cette commission, qui reprend le modèle sud-africain, a été créée par l'ordonnance n° 2011-167 du 13 juillet 2011 et a mené, au cours des deux dernières années, des consultations auprès de 60 000 habitants de Côte d'Ivoire environ. Son président a remis officiellement au Président Ouattara un rapport de fin de mandat, le 21 novembre 2013, dans lequel il souligne notamment que 83 % des Ivoiriens jugent possible la réconciliation et plus de 80 % d'entre eux croient en l'avenir prospère de la Côte d'Ivoire.
Ce processus de réconciliation ne vaut pas amnistie. Selon M. Charles Konan Banny, « les populations ont indiqué que le pardon des victimes doit être motivé par un repentir sincère des auteurs des violations. Selon elles, c'est la seule voie pour que la réconciliation soit effective et sincère. En outre, elles indiquent que le pardon n'exclut pas l'action de la justice, elles précisent que cette justice doit être rendue de façon équitable ». C'est un enjeu essentiel, alors même que 72 % des personnes interrogées par la commission estiment que la justice est corrompue et que 77,1 % considèrent que les forces armées et de sécurité sont corrompues et politisées 15 ( * ) .
Au cours de l'entretien qu'il a eu avec la délégation, le Premier ministre ivoirien s'est d'ailleurs prononcé contre l'application d'une loi d'amnistie générale, en prônant une « impunité zéro ». La délégation de votre groupe d'amitié ne peut que souhaiter la traduction dans les faits de cet engagement.
M. Daniel Kablan Duncan a également observé que le gouvernement a repris les échanges avec l'opposition, y compris avec le FPI, même si celui-ci n'a pas participé au séminaire de la CDVR tenu à Grand Bassam. Il a précisé que l'objectif du chef de l'État est de parvenir à une normalisation de la vie politique en 2014 ou début 2015 et qu'un statut de l'opposition était envisagé, avec notamment la mise en place d'un chef de file de l'opposition.
M. Joël N'Guessan, porte-parole du RDR, le parti du Président Ouattara, a pour sa part, estimé que le processus de réconciliation était bien avancé et a souligné la nécessité de reconstruire, notamment avec l'aide de la France dans le cadre du C2D, le système judiciaire ivoirien, tout en relevant que les enquêtes requièrent du temps.
De leur côté, les dirigeants du FPI que la délégation a rencontrés, qui ont tenu un discours général critique à l'égard du gouvernement ( cf . infra ), ont estimé que le système judiciaire agissait à charge dans la volonté d'affaiblir ce parti.
La mise en place du système judiciaire équitable constitue un enjeu essentiel pour permettre une réconciliation véritable et un apaisement des tensions au sein de la société ivoirienne. Il importe que l'ensemble des personnes ayant commis des crimes puissent être jugées, quel que soit leur camp d'origine .
* 15 Ces différentes données sont reprises de la conférence de presse donnée par M. Charles Konan Banny, président de la Commission « dialogue, vérité et réconciliation », le 30 décembre 2013.