II. LES CONTRAINTES ET DIFFICULTÉS
A. LES CONTRAINTES GÉOGRAPHIQUES
D'après un rapport de la Commission européenne (ECHO), 315 000 personnes se trouvent dans des zones non accessibles par la route et 75 000 dans des endroits inaccessibles même par hélicoptère.
1. Les difficultés d'accès
Les districts les plus affectés sont des districts de collines ou de montagnes. De nombreux villages ne sont pas accessibles par la route et il faut plusieurs heures, voire plusieurs jours de marche, pour s'y rendre. Bien que les hélicoptères des compagnies privées aient été réquisitionnés pour les opérations humanitaires, leur nombre est très insuffisant. De plus, tous les villages ne sont pas accessibles par hélicoptère, faute d'endroit pour atterrir ou pour d'autres raisons géographiques (altitude, relief accidenté).
a) La dispersion de l'habitat
En milieu rural et notamment à cause des contraintes liées au relief, l'habitat est souvent très dispersé. Chaque district compte généralement un seul gros « bourg » (qui fait office de chef-lieu) et des centaines de villages comprenant entre 10 et 500 foyers pour les plus importants d'entre eux. Même les plus grands des villages sont souvent divisés en « groupements de foyers » distants de quelques kilomètres.
La dispersion de l'habitat est un facteur de ralentissement important des actions de première urgence.
b) L'aggravation des conditions d'accessibilité
Outre les facteurs géographiques inhérents aux caractéristiques géographiques du pays, les répliques quotidiennes et les pluies abondantes aggravent les conditions d'accessibilité. Certains ponts ont été détruits, de nombreux glissements de terrain ont enseveli routes et sentiers. Le terrain est fortement fragilisé et il devient même parfois risqué d'entreprendre des déplacements, véhiculés ou non.
Fig. 4. Chautara, Sindhupalcok, après le
séisme.(c)IOM 2015.
2. Les contraintes logistiques
Outre les contraintes géographiques, les contraintes logistiques sont elles aussi nombreuses.
a) L'acheminement au Népal de l'aide internationale par voie aérienne
L'aéroport international de Katmandou ne compte qu'une piste d'atterrissage et seulement quelques places pour les avions au sol. Faute de capacité, nombre d'avions apportant de l'aide humanitaire mettront plusieurs jours avant de pouvoir se poser sur le sol népalais.
b) L'acheminement de l'aide vers les zones non accessibles par la route
Comme déjà mentionné, le nombre d'hélicoptères disponibles ne suffit pas pour répondre à tous les besoins. De plus, les hélicoptères des compagnies privées sont souvent de petits appareils ne pouvant acheminer que 300 à 400 kilos de matériel à chaque voyage.
Certains gros hélicoptères de type MI-12 pouvant transporter jusqu'à 3 tonnes de matériel sont mis à disposition par l'armée et les gouvernements de certains pays (Inde, Etats-Unis, Chine). Néanmoins, ils sont très peu nombreux, et parfois, les enjeux géopolitiques prennent le pas sur les besoins de terrain.
c) L'absence de réseau téléphonique dans beaucoup de régions isolées
Le dysfonctionnement des réseaux téléphoniques dans les régions isolées constitue aussi une entrave au bon déroulement des opérations. Ainsi, dans beaucoup d'endroits, il est impossible de conduire une évaluation des besoins humains et matériels avant de se rendre sur place.
3. La disponibilité des matériaux et l'inflation
Face à des besoins très importants, et croissants au fil des jours, certains matériaux deviennent quasiment introuvables sur le marché népalais. On assiste ainsi à une pénurie de bâches en plastique (indispensables pour que les victimes puissent se construire des abris) et le peu qui reste disponible se vend à prix d'or (600 roupies en temps normal - 2 000 roupies dix jours après le séisme). A un certain moment, il devient aussi difficile d'acheter du riz en quantité importante.
Fig. 5. Arrivée de l'aide humanitaire dans un village reculé - (c) EU/ECHO/Pierre Prakash
4. Les contraintes politiques, légales et administratives
a) L'absence des représentants gouvernementaux locaux dans certaines communes (village development committee - VDC)
Les maires des communes « village development committee » (VDC) sont les premiers interlocuteurs des organisations nationales et internationales pour ce qui concerne les mécanismes de coordination des opérations humanitaires. Or, ceux-ci ne sont pas toujours présents dans les communes dont ils ont la charge. Les organisations se retrouvent donc face à des situations où leurs seuls interlocuteurs seront les habitants, avec tous les risques d'interférences politiques et sociales que cela représente.
b) Le manque de connaissance du terrain de certains maires
En certains endroits, la présence des maires ne constituera pas non plus un facteur de facilitation des opérations humanitaires. Certains maires ne sont jamais allés dans les communes qu'ils administrent et sont incapables de fournir des informations précises sur le nombre de foyers, l'étendue des dégâts causés par le séisme et les besoins en termes d'aide humanitaire.
Ceci s'explique par deux raisons principales : les maires sont parfois cantonnés dans les chefs-lieux et ne jugent pas utile de se rendre en personne dans leurs communes et certains d'entre eux ne sont pas originaires des régions qu'ils administrent et vivent parfois à plusieurs centaines de kilomètres.
c) Les politiques relatives aux taxes à l'importation, à l'enregistrement des organisations internationales et à l'obtention d'un visa de travail pour les étrangers
Après maintes négociations et l'agacement des organisations internationales, le Gouvernement du Népal finira, après plusieurs jours, par lever les taxes à l'importation sur tous les matériaux livrés par l'aide humanitaire. Sa mise en place prendra néanmoins plusieurs semaines.
De même, les organisations internationales et leurs travailleurs ne seront « légalement » autorisés à intervenir que pour une durée de 30 jours. A ce jour (octobre 2015), ces organisations opèrent dans une semi-légalité tolérée par le Gouvernement du Népal.
d) De fréquents changements dans les déclarations du gouvernement central
Le Gouvernement du Népal a multiplié les déclarations sur l'aide prévue pour les victimes (aide financière en espèces, don de tôles ondulées pour la construction d'abris semi-temporaires). Les organisations développent ainsi leurs projets tout en tenant compte de l'aide gouvernementale annoncée, afin de mettre en place des activités « complémentaires » plutôt que « similaires ». Or, ces déclarations changent jour après jour, obligeant les acteurs de l'aide à modifier leurs projets et activités, et ce, parfois plusieurs fois par semaine, ralentissant le processus d'implantation sur le terrain.
5. Les contraintes budgétaires et financières
a) Évaluation des besoins financiers par secteurs d'intervention
SECTEURS D'INTERVENTIONS |
BESOINS EN DOLLARS USD |
Sécurité alimentaire |
78 |
Habitat |
74 |
Santé |
45 |
Eau/hygiène/sanitations |
24 |
Logistique |
30 |
Éducation |
13 |
Protection |
8 |
Santé maternelle et infantile |
5 |
Gestion et coordination des camps |
9 |
Coordination |
3 |
b) Estimation besoins / financements reçus au 18 juin 2015
Fig. 6. Les besoins du Népal après le
séisme.
Source : Office de Coordination Humanitaire des Nations Unies (OCHA)