II. LA VIE POLITIQUE INTÉRIEURE MAROCAINE
Le Roi Mohammed VI, au pouvoir depuis 1999, a engagé la modernisation politique, économique et sociale du pays : grands plans sectoriels, réformes du code de la famille et de la protection sociale, dynamisme de la société civile et progrès dans la transparence électorale. En 2006, le rapport de l'instance « équité et réconciliation », instituée par le Roi pour faire la lumière sur les violations des droits de l'homme entre 1956 et 1999, a aussi été une étape marquante.
Le contexte régional au printemps 2011 a accéléré ce mouvement. La nouvelle Constitution, élaborée sur la base de consultations étendues (partis politiques, syndicats et société civile), a été adoptée lors du référendum du 1er juillet 2011. Le nouveau texte a clarifié la relation entre les pouvoirs et renforcé les rôles du Chef de gouvernement et du Parlement.
A. LE GOUVERNEMENT CONDUIT PAR LE PARTI PJD
Le Parti de la justice et du développement (PJD, islamistes modérés), mené par M. Abdelilah Benkirane, a remporté les élections législatives anticipées de novembre 2011 avec 27 % des sièges. Le PJD a formé un gouvernement de coalition avec l'Istiqlal (nationaliste conservateur), le Mouvement populaire (MP, berbère et conservateur) et le Parti du progrès et du socialisme (PPS, gauche). Conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution, le Roi a nommé M. Abdelilah Benkirane à la tête du gouvernement, le 29 novembre 2011, et le 3 janvier 2012 les autres membres du gouvernement de celui-ci.
En 2013, il a été procédé à un remaniement ministériel qui a permis de dénouer la crise politique ouverte par le retrait de l'Istiqlal.
En 2016, le PJD a remporté à nouveau les élections législatives. Depuis 2011, le PJD dirige donc le gouvernement marocain en formant des majorités d'alliances.
B. LES ÉCHÉANCES ÉLECTORALES DEPUIS 2011
1. Les élections locales et sénatoriales de 2015
Des élections communales et régionales se sont tenues le 4 septembre 2015. Il s'agissait de la première échéance électorale d'envergure nationale depuis les législatives de novembre 2011 et l'arrivée aux affaires du PJD en janvier 2012. Ce scrutin est intervenu après l'adoption par le Parlement, en juin, des lois organiques relatives à la régionalisation (qui renforcent les compétences des collectivités territoriales) et du redécoupage des circonscriptions (passage de 16 à 12 régions).
Le scrutin de liste proportionnel à un tour s'est soldé par une poussée du PJD, notamment dans les grandes villes (Casablanca, Tanger, Fès), au détriment des partis traditionnels de gauche et, dans une moindre mesure, du Parti authenticité et modernité, sauf en zone rurale. Le PJD sort vainqueur des élections régionales avec 25,8 % des sièges et troisième des élections communales avec 15,6 % des sièges (mais premier en nombre de voix).
L'élection des membres de la Chambre des Conseillers a eu lieu le 2 octobre 2015. Il s'agissait de la première élection de cette assemblée depuis l'adoption de la nouvelle Constitution marocaine en 2011. Le rapport des forces est resté inchangé : l'opposition emmenée par le PAM et l'Istiqlal reste largement majoritaire, même si le PJD fait son entrée à la Chambre haute. M. Hakim Benchamach (PAM) en est le nouveau président depuis le 14 octobre.
2. Les élections législatives du 7 octobre 2016
a) Les modalités du scrutin
La Chambre des Représentants compte 395 députés :
- 305 députés élus dans les circonscriptions locales (92) au scrutin majoritaire plurinominal à un tour. Le nombre de candidats par circonscription varie entre 2 et 6 selon le poids démographique de la circonscription. Les grandes villes telles que Casablanca, Fès, Rabat et Marrakech comportent plusieurs circonscriptions ;
- 90 députés élus parmi deux listes nationales, l'une réservée aux femmes et l'autre aux personnes ayant moins de 40 ans.
Un seuil de 3 % est fixé pour participer à la répartition des sièges.
b) Une large victoire du PJD et du PAM
La campagne électorale s'est déroulée entre les 24 septembre et 6 octobre et a été relativement sereine quoique marquée par des polémiques sur la neutralité et l'équité du ministère de l'Intérieur.
Au lendemain d'une journée de vote sans incident majeur, mais marquée par une participation en baisse (43 % contre 45,6 % en 2011), le Parti justice et développement (PJD) du Premier ministre Abdelilah Benkirane a obtenu 125 députés, contre 102 à son principal rival, le Parti authenticité et modernité (PAM), sur un total de 395 sièges.
Ces deux partis connaissent une forte progression de leurs voix et du nombre d'élus. Le PAM apparait comme le second vainqueur de ce scrutin ; il s'impose comme le futur pivot de l'opposition et une alternative possible au PJD.
Ce bipartisme naissant - les deux partis totalisent 57 % des sièges - domine les autres formations. L'Istiqlal obtient 46 sièges (contre 60 en 2011), le parti libéral RNI 37 sièges (contre 52) et le mouvement populaire 27 sièges (contre 32). Les partis de la gauche historique sortent très affaiblis de ce scrutin : 20 sièges pour l'Union socialiste des forces populaires (contre 39) et 12 sièges pour le Parti du Progrès et du Socialisme, ex-communiste (contre 18 sièges).
Le PJD réussit donc son pari d'un deuxième mandat à la tête du gouvernement de coalition pour « continuer la réforme », son slogan de campagne. En 2011, il avait remporté une victoire historique, quelques mois après la révision constitutionnelle transformant le régime en monarchie parlementaire. Le PJD est aujourd'hui la seule formation islamiste encore à la tête d'un gouvernement dans le monde arabe. En 2016, il conforte donc sa position dominante sur l'échiquier politique marocain, où le Roi, Chef de l'État et « commandeur des croyants », reste néanmoins le seul décideur sur les questions stratégiques: l'international, la sécurité et l'économie.
Selon l'article 47 de la Constitution, le Roi nomme le Premier ministre au sein du parti arrivé en tête des élections. Le Premier ministre Benkirane a donc été reconduit à son poste, le 10 octobre, et chargé de former un nouveau gouvernement. Le PAM a d'ores et déjà exclu toute alliance commune dans un futur gouvernement avec le PJD. Ce dernier devra donc nouer des alliances avec au moins trois partis pour former le prochain gouvernement ; en effet, il lui faudra au moins 198 voix pour être investi. C'est déjà le cas pour sa majorité sortante, qui compte des communistes, des libéraux et des conservateurs après la rupture en 2013 avec l'Istiqlal.
LES RÉSULTATS DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES 2016
Parti |
% |
Listes Locales |
Liste nationale |
Sièges |
Évolution |
|
31,65 % |
98 |
27 |
125 |
+18 |
||
25,82 % |
81 |
21 |
102 |
+55 |
||
Parti de l'Istiqlal (PI) |
11,65 % |
35 |
11 |
46 |
-14 |
|
9,37 % |
28 |
9 |
37 |
-15 |
||
Mouvement populaire (MP) |
6,84 % |
20 |
7 |
27 |
-5 |
|
5,06 % |
14 |
6 |
20 |
-19 |
||
4,81 % |
15 |
4 |
19 |
-4 |
||
3,04 % |
7 |
5 |
12 |
-6 |
||
0,75 % |
3 |
0 |
3 |
+1 |
||
0,50 % |
2 |
0 |
2 |
+2 |
||
0,25 % |
1 |
0 |
1 |
0 |
||
Parti de la gauche verte (PGV) |
0,25 % |
1 |
0 |
1 |
0 |
|
Total (taux de participation 43 %) |
100 % |
305 |
90 |
395 |
-- |
Ministère de l'Intérieur - Maroc