B. UN NOUVEL ÉLAN

1. La transition : un succès à confirmer

Au soir des dernières élections, en juillet 2005, le CNDD-FDD a remporté une large victoire sur l'ensemble des scrutins organisés - élections municipales, législatives, sénatoriales et présidentielles - dans des conditions de transparence jugées exemplaires par les observateurs internationaux, malgré les événements survenus dans deux provinces. Son candidat, Pierre Nkurunziza, est en conséquence élu, par le Parlement burundais, à la présidence de la République. L'aboutissement de la transition burundaise est porteur d'espoir pour l'ensemble de la région des Grands Lacs. Elle constitue également, à n'en pas douter, un succès pour l'Union africaine et les Nations-Unies qui ont fortement soutenu le processus de paix.


Les résultats des élections de 2005

- 3 juin 2005, élections communales : le CNDD-FDD1 obtient 55,5 % des sièges en jeu, le Frodebu 24,50 % et l'Uprona 8,1 % ;

- 4 juillet 2005, élections législatives : le CNDD-FDD remporte cinquante-neuf des cent sièges, le Frodebu vingt-quatre, l'Uprona dix, le CNDD cinq et le MRC4 deux. Pour atteindre la répartition fixée à 60 % pour les Hutus et 40 % pour les Tutsis et respecter le quota de 30 % de femmes, dix-huit autres députés ont été cooptés, ce qui porte à 118 le nombre actuel des membres de l'Assemblée nationale. Celle-ci compte désormais soixante-neuf Hutus, quarante-six Tutsis et trois Twas, le nombre de députés femmes s'élevant à trente-six. Le 16 août 2005, l'Assemblée nationale a élu à sa présidence Mme Immaculée Nahayo (CNDD-FDD), première femme à occuper ce poste au Burundi.

- 29 juillet 2005, élections sénatoriales : le CNDD-FDD remporte trente sièges, le Frodebu trois sièges et le CNDD un seul. Pour respecter la répartition ethnique paritaire, le quota de 30 % réservé aux femmes et la règle de l'attribution de trois sièges à l'ethnie Twa, plusieurs sénateurs ont été cooptés. Le nombre total de sénateurs s'établit donc à quarante-neuf, dont quatre anciens présidents de la République, membres de droit du Sénat, et dix-sept femmes. Le 16 août 2005, le Sénat a élu à sa présidence Gervais Rufyikiri (CNDD-FDD).

- 19 août 2005 : les deux chambres réunies en session conjointe ont élu M. Pierre Nkurunziza (CNDD-FDD) Président de la République, qui a prêté serment le 26 août.

- 29 août 2005 : le Parlement a approuvé la nomination aux vice-présidences de la République de Martin Nduwinana (Tutsi-UPRONA) et d'Alice Nzomukunda (Hutue-CNDD-FDD).

L'objectif des nouvelles autorités burundaises est, désormais, de consolider les acquis du processus de paix et d'éviter les erreurs commises au lendemain des premières élections libres de 1993, qui avaient vu la confiscation du pouvoir au profit de la seule majorité hutue.

A cet effet, l'équilibre fixé par les accords de paix a scrupuleusement été respecté lors de la formation du Gouvernement, avec la nomination de ministres hutus (60 %) et tutsis (40 %). De même, le contrôle de la Haute Hiérarchie militaire par la minorité tutsie n'a pas, dans un premier temps, été remis en cause.

Les défis de l'après-transition n'en demeurent pas moins immenses et nécessitent le maintien d'un engagement important de la communauté internationale dans le pays. Les autorités burundaises, en raison de leur inexpérience de la gestion des affaires publiques et de la faiblesse des moyens dont elles disposent, sont en effet peu préparées à y répondre.

Sur le plan sécuritaire

Les acquis du processus de paix sont, sur ce point, encore fragiles. En effet, le programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) des ex-combattants, qui a débuté le 2 décembre 2004, doit être intégralement achevé pour garantir le retour à la paix. Par ailleurs, la rébellion du FNL, principalement active dans la province de Bujumbura rural, continue la lutte armée et conserve un pouvoir de nuisance important. Elle refuse, jusqu'à présent, le processus de paix, même si les négociations en cours à Dar-es-Salam laissent espérer un règlement de cette question à moyen terme.

Un an après la fin de la transition, le premier bilan est mitigé : la poursuite du programme DDR s'est déroulée au rythme prévu et l'intensification des opérations militaires a limité le pouvoir de nuisance des FNL mais a compromis, pour le moment, les différentes tentatives de médiation.

Sur le plan économique et social

Il s'agit de relancer une économie sinistrée par dix ans de guerre civile. La stabilisation politique a permis un début de redémarrage économique et le taux de croissance s'est élevé à 5 % en 2005. Le Burundi, quatrième pays le plus pauvre de la planète, doit cependant faire face à des handicaps structurels lourds : une très forte densité démographique, qui limite le nombre de terres cultivables par ménage, une dépendance énergétique quasi absolue et une faiblesse générale des infrastructures.

Pour obtenir une aide internationale pérenne, le Burundi s'est engagé dans la normalisation de ses relations avec les créanciers extérieurs . En janvier 2004, un accord pour faciliter la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) a ainsi été signé avec le FMI pour un montant de 106 millions de dollars. Le Burundi a également obtenu, en mars 2004, un premier rééchelonnement de dette au club de Paris. Il bénéficie, en outre, de l'initiative « pays pauvres très endettés » (PPTE) pour l'allégement de sa dette, depuis l'atteinte du point de décision du programme en juillet 2005. Ces avancées devraient être confortées par la conférence des bailleurs prévue en septembre 2006 pour établir un plan de reconstruction du pays.

Mesure essentielle et symbolique, l' enseignement primaire est désormais gratuit afin d'améliorer le niveau d'éducation de la population. La conséquence logique est que les autorités doivent gérer un doublement du nombre d'élèves, la formation d'enseignants supplémentaires et la construction de locaux supplémentaires en urgence. De fait, les engagements pris dans le domaine de l'éducation ne pourront être respectés sans un soutien accru des bailleurs.

En outre, la politique de réconciliation nationale doit être poursuivie, conformément aux objectifs fixés par les accords d'Arusha.

2. Le Parlement : un élément moteur de la démocratisation

Le Burundi est désormais engagé dans une phase de consolidation , durant laquelle les institutions - et particulièrement le Parlement -, auront un rôle crucial à jouer, ainsi que le prévoit la Constitution du 18 mars 2005.

Tenant compte de la nature du conflit burundais tel que l'a qualifié l'accord d'Arusha, « un conflit fondamentalement politique avec des dimensions ethniques extrêmement importantes » , la nouvelle Constitution exprime tout d'abord le souci d'une représentation équilibrée des ethnies, des forces politiques et des sexes , opérée selon une clé de répartition contraignante. Ce principe s'applique au Parlement, comme au pouvoir judiciaire, à l'administration, aux corps de défense et de sécurité et aux conseils municipaux.

Dans la continuité des principes de l'accord d'Arusha du 28 août 2000 et de la Constitution de transition du 28 octobre 2001, le texte du 18 mars 2005 confirme également la mise en oeuvre d'une organisation bicamérale , alors que la Constitution du 13 mars 1992 et puis le décret-loi du 13 septembre 1996 portant sur l'organisation du système institutionnel de transition, devenu acte constitutionnel de transition le 6 juin 1998, confient le pouvoir législatif à une assemblée unique.

Un nombre important de dispositions constitutionnelles est commun aux deux assemblées et à leurs membres. C'est le cas pour le régime des éligibilités et des immunités, l'exercice du mandat parlementaire, le pouvoir de contrôle des assemblées et le droit d'initiative législative, même si les propositions sénatoriales sont soumises en première lecture à l'Assemblée nationale.

L'Assemblée nationale se distingue du Sénat en ce qu'elle est composée d'au moins cent députés, à raison de 60 % de Hutus et de 40 % de Tutsis, y compris un minimum de 30 % de femmes, pondération identique à celle du Gouvernement mais différente de celle du Sénat qui doit comprendre un nombre identique de sénateurs Hutus et de sénateurs Tutsis. Son régime électoral varie également : alors que les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect, les députés sont élus au suffrage universel direct, au scrutin de listes bloquées et à la représentation proportionnelle.

Avec l'instauration d'un bicamérisme différencié, le Sénat burundais, pour sa part, se voit confier, outre des compétences législatives importantes, la mission générale de « contrôler l'application des dispositions constitutionnelles exigeant la représentativité ethnique et de genre et l'équilibre dans toutes les structures et les institutions de l'Etat, notamment l'administration publique et les corps de défense et de sécurité » . Sa mission de contrôle et de régulation le place donc au coeur du processus de restauration de la démocratie. Ainsi, il est seul à :

- être saisi du rapport de l'ombudsman sur tout aspect de l'administration publique ;

- pouvoir mener des enquêtes dans l'administration publique et, le cas échéant, faire des recommandations pour s'assurer qu'aucune région ou aucun groupe n'est exclu du bénéfice des services publics ;

- être chargé de contrôler l'application des dispositions constitutionnelles exigeant la représentativité ethnique et de genre et l'équilibre dans toutes les structures et institutions de l'Etat, notamment l'administration publique et les corps de défense et de sécurité ;

- approuver les nominations aux emplois supérieurs civils et militaires proposées par le Président de la République.

Il est composé de :

- deux délégués de chaque province, élus par un collège électoral composé de membres des conseils communaux, provenant de communautés ethniques différentes et élus par des scrutins distincts. C'est donc la double règle de l'égalité des provinces et de la parité ethnique qui fonde l'élection de cette première catégorie. Le mode de scrutin est original puisqu'il s'agit d'un scrutin uninominal à trois tours ;

- trois sénateurs issus de l'ethnie Twa, la Constitution ne précisant pas leur mode de désignation ;

- des anciens chefs d'Etat, nommés sénateurs à vie de plein droit dès la cessation de leurs fonctions présidentielles.

Le Sénat du Burundi est donc une institution manifestement originale , dotée de véritables pouvoirs, mais dont le rôle et l'influence au sein des institutions seront largement conditionnés par l'usage qu'il en fera pour le service de son pays et la défense de la démocratie.

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