COMPTE RENDU DES PRINCIPAUX ENTRETIENS
1. Rencontre avec le Président de la Banque centrale de Lettonie
(lundi 20 avril, 9h30)
M. Ilmars Rimsevics, président de la Banque centrale de Lettonie (BCL), a souligné que la délégation sénatoriale arrivait dans un pays en pleine crise économique après cinq ans de surchauffe. Il a insisté sur le rôle de la Banque centrale, garante de la stabilité de la monnaie, et qui entendait bien assumer cette mission en toute indépendance, vis-à-vis du gouvernement notamment.
Le président Denis Badré a noté une certaine similitude dans ces propos avec ceux du président Trichet à la Banque centrale européenne ou lorsqu'il présidait la Banque de France, constatant à cet égard une grande unité de vue entre les responsables monétaires européens. Il a souhaité connaître le sentiment de son interlocuteur sur deux points : d'une part, la solidarité dont l'Union européenne avait fait preuve envers la Lettonie face aux pressions du FMI, de l'autre, les mesures envisagées par la Banque centrale pour endiguer la crise de la Banque Parex.
Il a par ailleurs rappelé que sauf « opting out » comme celui accordé au Royaume-Uni, la participation à l'euro n'était ni facultative ni laissée à la libre appréciation de chaque État, mais qu'elle était obligatoire et automatique aussitôt qu'un État-membre remplissait les conditions pour s'y qualifier : du coup, la Lettonie -qui avait presque satisfait aux critères il y a deux ans- n'aurait pas le choix de participer ou non à l'euro et qu'elle devait donc veiller à mettre son économie en conformité avec les critères de Maastricht pour accéder à l'Union économique et monétaire.
Le président de la BCL en est convenu, estimant que la Lettonie ne solliciterait aucune exception et veillerait à participer à l'euro dès que son économie le lui permettrait. Concernant la solidarité de l'Union européenne, il n'a émis aucune réserve ni aucune inquiétude, soulignant néanmoins que pour les autorités lettones, la solution à la crise passait avant tout par un assainissement interne -fût-il très douloureux- plutôt que par des aides extérieures.
En ce qui concerne la Banque Parex, le président de la BCL a reconnu que l'aide du FMI et de la Commission européenne s'étaient révélées indispensables pour faire face à un véritable risque systémique. Pour autant, il a souligné que la Parex conservait un capital important, qu'elle n'avait jusqu'à présent dû vendre que 25 % de ses actifs et que dans ces conditions, l'essentiel était simplement d'ouvrir son capital à quelques investisseurs étrangers stratégiques, parmi lesquels il espérait l'engagement d'une grande banque française.
M. Jacques Legendre, président délégué pour la Lettonie, a regretté que ce pays souffre d'un déficit d'images en France et a souhaité que les opérateurs français s'y intéressent plus activement, car toute difficulté subie par la Lettonie était au fond une difficulté subie par l'Union européenne dans son ensemble. Il a relevé les liens déjà étroits entre le Lat et l'euro, s'interrogeant par ailleurs sur la possibilité pour le gouvernement letton de faire accepter durablement par son opinion publique interne les efforts drastiques qu'imposait le maintien du cours de la monnaie nationale.
Le président de la BCL a reconnu qu'il s'agissait d'une question centrale mais s'est déclaré convaincu qu'avec un effort suffisant de pédagogie et de communication, le gouvernement parviendrait à faire comprendre -et à faire accepter- à ses compatriotes les mesures de redressement imposées par la situation.
2. Rencontre avec la direction de l'École suédoise d'économie de Riga
(lundi 20 avril, 10h30)
En introduction de son propos, M. Anders Paalzow, président de l'École Suédoise d'Économie de Riga (ESER, établissement indépendant), a indiqué que son établissement entretenait d'excellentes relations avec l'ambassade de France et qu'il avait noué des accords de coopération internationale avec plusieurs universités françaises, dont l'Institut d'Études Politiques de Paris.
Puis, s'appuyant sur un diaporama, le président de l'ESER a présenté à la délégation l'évolution de l'économie et des finances publiques lettones depuis 2008, soulignant que la crise économique récente résultait d'un ensemble de paramètres somme toute classique dans ce genre de situation : quasi doublement de l'encours total des crédits, atteignant près de 100 % du PIB, fort déficit du commerce extérieur, balance des paiement négative et taux d'inflation à deux chiffres ; du coup, le tarissement des liquidités et l'amorce d'un ample mouvement de retraits des dépôts bancaires ne pouvait qu'induire une crise de confiance.
Il a ajouté que la menace de faillite de la banque Parex avait fait craindre un effondrement systémique total, dans la mesure où il s'agissait d'un des plus importants établissements bancaires lettons.
Dans le même temps, le président Paalzow a fait valoir l'étroitesse de la marge d'action du gouvernement, toute tentative de renflouement massif de la Parex pouvant, par contrecoup, plonger les finances publiques elles-mêmes dans le marasme, la Lettonie ne disposant pas d'assez de réserves de change ni de fonds de stabilité contrairement à, par exemple, son voisin estonien. C'est d'ailleurs ce qui avait poussé à négocier avec le FMI un accord de sauvetage, consenti néanmoins à des conditions très rigoureuses.
Le président de l'ESER a ensuite expliqué que le FMI avait déjà débloqué une première tranche de ce plan de redressement mais que les versements ultérieurs restaient suspendus à des conditions très strictes dont, notamment, des réformes structurelles auxquelles le gouvernement semblait peu enclin à l'approche des prochaines consultations électorales de juin 2009 (élections européennes et élections municipales). Il a cependant supposé que plusieurs mesures de l'ample plan de réforme seraient rapidement mises en oeuvre (dans le secteur de l'éducation, par exemple), ne serait-ce que pour convaincre le FMI de poursuivre son aide à la Lettonie.
Le président Denis Badré s'est interrogé sur les répercussions sociales du plan d'assainissement ; par ailleurs, il a souhaité savoir pourquoi la Lettonie paraissait placer plus d'espoir dans l'aide du FMI que dans celle que pouvait lui apporter l'Union européenne, d'autant que les efforts consentis pour sortir de cette crise serviraient aussi, le moment venu, à qualifier le pays à l'Union économique et monétaire.
Le président de l'ESER n'a pas sous-estimé l'aide de la Commission européenne mais a constaté qu'en tout état de cause, c'est le FMI qui disposait des ressources financières nécessaires et que, dans ces conditions, l'Union européenne devait plutôt se positionner comme facilitatrice dans la négociation entre chaque État-membre et les bailleurs internationaux, d'autant qu'un effondrement du système financier letton aurait sans doute un effet boule de neige sur plusieurs autres pays de l'Union, notamment les deux autres États baltes ou la Hongrie.
Concernant l'incidence des réformes engagées sur la situation sociale, le président Paalzow est convenu que beaucoup de mesures étaient très pénibles, surtout dans un pays dépourvu d'un véritable système de protection sociale comparable, par exemple, à celui de la France. Il a regretté, à ce propos, que certains Lettons tentent d'imputer les efforts imposés à son pays aux seules contraintes de l'adhésion à l'UEM, alors qu'ils auraient été de toute manière indispensables pour sortir de la crise actuelle. Pour autant, il a souligné que les Lettons étaient patients et dotés d'une grande capacité de résistance aux épreuves, comme ils l'avaient souvent démontré tout au long de l'histoire mouvementée de leur pays.
3. Entretien avec la direction de l'Université de Lettonie
(lundi 20 avril, 11h30)
NB : organisée sous la présidence de M. Marcis Auzins, recteur de l'Université de Riga, cette rencontre a associé de nombreux membres de l'équipe de direction et du personnel enseignant de cet établissement, notamment de la faculté de philologie et des langues étrangères.
La rencontre avec les autorités de l'Université dans la Salle du Conseil
M. Marcis Auzins, recteur, a tout d'abord présenté l'Université de Riga, plus important établissement universitaire classique des États baltes (au coude à coude avec l'Université de Vilnius), qui accueille actuellement plus de 22 000 étudiants -soit environ 1 % de la population totale du pays- répartis dans 14 facultés couvrant à peu près toutes les disciplines. Le recteur a souligné l'excellente réputation internationale et européenne de l'Université de Riga, en dépit de sa création récente (1989) puisqu'auparavant il n'existait en Lettonie que des Instituts supérieurs spécialisés.
A sa suite, le Doyen de la faculté de philologie et des langues étrangères a rappelé que le français et la culture française avaient été enseignés en Lettonie au niveau supérieur dès la 1 ère République, ajoutant qu'actuellement, on notait un regain d'intérêt pour cette discipline, notamment grâce aux efforts conjoints de l'Université, de l'Ambassade de France et de l'Institut culturel français. Il a indiqué que 500 étudiants étaient inscrits en français en premier ou deuxième cycle, auxquels il fallait ajouter 200 autres inscrits à la faculté des langues étrangères avec le français en deuxième langue.
L'assistante du doyen a signalé que sur le plan académique, la faculté avait choisi d'aligner la philologie et la culture française dans le corpus plus général des langues romanes, de manière à mieux mettre en connexion ces enseignements avec leur contexte culturel européen.
M. Jacques Legendre, président délégué, a souligné que son profond attachement à la défense et à la promotion de la langue française allait naturellement de pair avec un grand respect de la diversité linguistique au sein de l'Union européenne, y compris pour les langues les moins pratiquées, fragilisées face à quelques grandes langues majoritaires.
Il a par ailleurs fait part d'une inquiétude et d'une interrogation :
- dans le contexte actuel de crise économique grave, n'y avait-il pas à craindre que l'enseignement de français en Lettonie subisse de plein fouet -et plus que d'autres langues- les réductions drastiques de crédits qu'impose le plan de redressement ?
- l'enseignement du français en Lettonie, au-delà de son insertion logique dans l'environnement européen, prend-il suffisamment en compte la dimension internationale de cette langue, en tant que porte d'accès à l'ensemble du monde francophone ?
En réponse, le recteur Auzins a reconnu que le maintien du niveau d'enseignement du français risquait en effet de devenir problématique, compte tenu d'une première réduction des crédits de 40 % au premier semestre et l'annonce d'une nouvelle réduction du même ordre sur les crédits restants du second semestre. Du coup, différentes mesures auraient déjà été mises en l'étude, par exemple la fusion de la faculté de philologie et celle des langues modernes, ou un léger abaissement du niveau en français requis des étudiants à l'inscription, de manière à attirer un plus grand nombre et à réaliser des économies d'échelle.
Cela étant, il a rappelé que conformément aux choix stratégiques de l'Université de Riga, l'enseignement des langues étrangères y restait principalement axé sur l'environnement européen, avec en particulier une filière plurilingue d'enseignement à l'étranger comportant l'anglais obligatoire au 1 er semestre et la langue du pays plus une autre langue européenne au second, le tout aboutissant au diplôme « Campus européen ».
En complément, l'assistante du Doyen de la faculté de philologie a considéré que son département avait été durement touché par les mesures de redressement économique, avec une forte réduction de tous les budgets d'études, l'augmentation des droits d'inscription, la suspension du programme mastère, la suppression d'un certain nombre de postes et une réduction générale des salaires. Dans cet ensemble, l'extinction de la filière mastère/doctorat lui a paru la plus préoccupante, en ce qu'elle découragerait grandement les étudiants à s'inscrire en licence de français et, à terme, tarirait le recrutement des enseignants supérieurs dans cette discipline.
De son côté, le Doyen a signalé que les frais d'inscription avaient été portés au pourcentage record de 75 % du coût total de la scolarité -le plus haut d'Europe- soit un montant atteignant, par exemple, 2 000 euros par an au niveau de la licence.
Le Président Jacques Legendre a partagé les préoccupations de ses interlocuteurs, notant en particulier que la suppression des mastères dans certaines langues se révèlerait à terme très démotivante pour les étudiants comme commençait déjà à le prouver la suppression en France, certaines années, d'un certain nombre d'agrégations en langues étrangères.
4. Audience avec le ministre des Affaires étrangères
(lundi 20 avril, 14h20)
M. Maris Riekstins , ministre des Affaires étrangères, a tout d'abord salué la visite d'une délégation du Sénat français et souligné l'excellent niveau des relations franco-lettones même si, de son point de vue, les deux pays pourraient renforcer leurs coopérations dans beaucoup de domaines. Il a en outre salué la récente décision française de réintégrer toutes les structures de l'OTAN.
En réponse à une question du président Denis Badré sur l'état actuel des relations russo-lettones, le ministre a souhaité que l'opinion publique de son pays dépasse les ressentiments encore vifs hérités de l'occupation russe pendant un demi siècle, et que les deux pays parviennent à un dialogue réaliste et mutuellement avantageux.
Parmi les dossiers pouvant déboucher sur des avancées concrètes, il a cité la résolution du contentieux territorial ou la coopération transfrontalière économique et culturelle.
Pour autant, il s'est dit préoccupé par certaines évolutions internes en Russie, craignant que les autorités russes cherchent à masquer leurs problèmes internes derrière des prétextes extérieurs. A cet égard, il a souhaité que la Russie respecte les engagements pris, par exemple le retrait de ses troupes dans le Caucase, la réaction de l'Union européenne à ce sujet ne lui ayant pas paru assez claires ni assez fermes.
Par ailleurs, il a considéré que si l'Europe pouvait légitimement être soucieuse de maintenir son approvisionnement énergétique en provenance de Russie, elle devait aussi garder à l'esprit qu'elle disposait là d'un levier d'influence envers cet important fournisseur et qu'elle pouvait en user pour faire valoir son point de vue, d'autant que la concurrence potentielle d'autres pays producteurs d'hydrocarbures -comme l'Azerbaïdjan- lui donnait des cartes supplémentaires.
Au final, le ministre a estimé que pour les États de l'Union européenne, l'essentiel était d'arrêter une politique commune envers la Russie et de parler d'une seule voix dans tous les dossiers.
5. Audience avec le ministre de l'Economie
(lundi 20 avril, 15h00)
M. Artis Kampars, ministre de l'Économie , s'est d'abord félicité de l'excellence des relations économiques bilatérales franco-lettones, tout en espérant qu'elles se renforcent encore en dépit de la crise économique et de ses incidences préjudiciables sur les échanges extérieurs. Puis, s'appuyant sur la projection d'un certain nombre de tableaux, le ministre a passé en revu les évolutions de l'économie de son pays entre 2000 et 2007, regrettant qu'en dépit d'une forte croissance, plusieurs fondamentaux annonciateurs soient restés orientés dans le mauvais sens : forte inflation, croissance des salaires supérieure à celle de la productivité moyenne, etc... Du coup, il n'a pas été surpris que la Lettonie ait connu un tel retournement de conjoncture en 2008, avec un recul brutal de 20 % de la production industrielle et une hausse considérable du taux de chômage.
Le ministre a ensuite présenté les principales mesures du plan de redressement et de relance adopté par le Gouvernement en décembre 2008, appuyé par un accord tripartite Lettonie-FMI-Union européenne de 7,5 milliards d'euros, destinés à couvrir le déficit budgétaire, à refinancer la dette publique et à réamorcer le fonctionnement du secteur financier. En outre, a été arrêté un plan de réformes structurelles, notamment dans les secteurs de la santé, de l'éducation et des administrations publiques.
M. Artis Kampars a reconnu que ces mesures pouvaient paraître pénibles dans l'opinion publique lettone, mais a souligné qu'elles avaient de toute manière été nécessaires pour qualifier la Lettonie à l'euro, spécialement en ce qui concernait le déficit budgétaire. Pour l'heure, toutefois, il ne lui a pas paru certain que ce critère puisse être rempli rapidement, les hypothèses de report ayant été élaborées sur la base d'un déficit de l'ordre de 6 % alors qu'il atteignait aujourd'hui quelque 12 %.
Le président Denis Badré a souhaité connaître l'analyse du ministre quant à l'opportunité ou pas de dévaluer le Lat.
En réponse, M. Artis Kampars a estimé que cette mesure n'aurait certainement à court terme qu'un effet bénéfique marginal, alors qu'elle compromettrait l'économie lettone à moyen terme. Par ailleurs, il a rappelé que les Lettons avaient souscrit énormément d'emprunts en euros, et qu'une dévaluation se révèlerait donc calamiteuse pour des milliers d'emprunteurs et, avec eux, pour l'ensemble du système bancaire du pays ; aussi était-ce une hypothèse que son gouvernement écartait complètement pour le moment.
A une question de M. Jacques Legendre, président délégué , le ministre a répondu que dans cette crise, l'Union européenne s'était montrée suffisamment solidaire envers son pays, contrairement à ce que pouvaient faire croire certains articles récents dans la presse française présentant une Lettonie quasi-abandonnée à elle-même par ses partenaires européens.
6. Audience avec le Président de la Saeima
(mardi 21 avril, 09h30)
La délégation sénatoriale aux
côtés de M. Gundars Daudze, Président de la
Saeima
(à gauche, S. Exc. M. Pascal Fieschi, ambassadeur de France en
Lettonie)
M. Gundars Daudze , président de la Saeima, a chaleureusement remercié la délégation sénatoriale française de sa visite, se félicitant des excellents liens interparlementaires entre son assemblée et le Sénat français, attestés notamment par l'adhésion du tiers des députés lettons au groupe d'amitié Lettonie-France. Il a par ailleurs évoqué le soutien très apprécié de la France à l'adhésion de son pays à l'Union européenne.
Le président Denis Badré s'est lui aussi réjoui de la qualité du dialogue interparlementaire franco-letton, ajoutant qu'il y voyait un facteur très encourageant, les liens personnels établis entre élus de différents pays dans le cadre de la diplomatie parlementaire contribuant à faire vivre l'Europe au quotidien. Il a également rappelé que les parlementaires des deux États avaient aussi des contacts fréquents dans des instances européennes multilatérales comme la COSAC, le Conseil de l'Europe, etc...
M. Gundars Daudze a partagé ce point de vue, soulignant qu'en outre, la Lettonie était devenue membre observateur de l'Assemblée parlementaire de la francophonie et que plusieurs villes lettones étaient jumelées avec des grandes villes françaises.
Il a noté que ces bonnes relations avaient pour la plupart été initiées alors que la Lettonie appartenait encore à l'URSS et qu'avec le temps, elles avaient évolué d'un lien plutôt politique à une véritable amitié.
Dans cette optique, la crise économique lui a paru offrir aux deux pays une occasion nouvelle de renforcer leurs échanges bilatéraux et de défricher de nouvelles aires de coopération.
Le président Denis Badré a pleinement souscrit à cette approche optimiste, estimant que « la crise est le temps des opportunités pour préparer l'avenir » ; il s'est en outre déclaré très admiratif de l'ampleur des efforts acceptés par les Lettons, dont il n'était pas sûr que la France serait prête à consentir les mêmes.
M. Jacques Legendre, président délégué , se référant à ses nombreuses visites en Lettonie depuis 1994 au moment de l'évacuation des troupes russes, a souligné l'importance de maintenir des liens étroits entre les parlementaires européens, surtout en période de crise. Dans la même perspective, il a exhorté les députés lettons à participer le plus activement possible aux travaux de l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie, où la Saeima avait statut d'observateur depuis octobre 2008.
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La tribune du Président et la salle des séances de la Saeima
7. Réunion de travail avec le Président et plusieurs députés de la commission de l'Économie nationale, de la Politique agraire, environnementale et régionale
(mardi 21 avril, 10h10)
Après avoir présenté à la délégation sénatoriale sept de ses collègues participant à cette réunion, M. Guntis Blumbergs, président de la commission de l'Économie nationale, de la politique agraire, environnementale et régionale , a détaillé les attributions de sa commission en précisant qu'elle venait de prendre en charge les problèmes d'environnement relevant précédemment d'une autre commission de la Saeima. Décrivant les modalités du travail en commission, il a souligné qu'en général, sa commission tentait d'aborder les sujets de manière pragmatique et en se détachant le plus possible des considérations partisanes.
Il a indiqué qu'au sein de sa commission avait été créée une sous-commission sur les questions énergétiques, chargée de réfléchir, en particulier, aux ressources renouvelables et à l'indépendance énergétique de la Lettonie, à l'introduction d'un pourcentage (environ 5 %) de biocarburants dans les carburants issus du pétrole à compter de juillet 2009, et enfin au renforcement de l'efficacité et du rendement des consommations d'énergies. Il a conclu sur les opportunités qu'offraient la crise économique, les difficultés actuelles poussant à rechercher des solutions innovantes pour y faire face dans de bonnes conditions.
Le président Denis Badré a partagé ce point de vue, la situation critique à laquelle les États de l'Union étaient aujourd'hui confrontés imposant d'établir de concert de nouvelle solidarités et une nouvelle gouvernance. S'agissant de l'indépendance énergétique de l'Union européenne et de chaque État-membre vis-à-vis des producteurs de l'Est, il a estimé indispensable d'engager un nouveau dialogue avec la Russie. Par ailleurs, il a souhaité connaître, si possible, l'avancement de la réflexion sur l'éventuelle construction en Lettonie d'une nouvelle centrale nucléaire.
En réponse, M . Arnaud Krauklis, président de la sous-commission de l'énergie , a indiqué qu'un accord de principe avait été conclu entre les trois pays baltes et la Pologne, mais que la concrétisation lui semblait piétiner pour différentes raisons (situation politique interne en Lituanie, ambigüité de certaines prises de position de la Pologne...).
Le Président Denis Badré et le Président de la commission, M. Guntis Blumbergs
8. Réunion de travail avec le Président et plusieurs députés de la commission du Budget et des Finances
(mardi 21 avril, 11h00)
M. Guntis Berzins, président de la Commission du Budget et des Finances , a indiqué que sa commission était actuellement en discussion avec le Gouvernement pour arrêter les réductions sur la deuxième partie du budget 2009 rendues nécessaires par le plan d'assainissement, de manière à pouvoir les appliquer à partir de juillet 2009. il a regretté que la Lettonie ait imprudemment laissé se créer une bulle immobilière à la veille de la crise économique mondiale, ces deux facteurs cumulatifs ayant dès lors violemment impacté l'économie lettone en 2008.
Le président Denis Badré a concédé que si des éléments spécifiques avait provoqué une crise d'une ampleur particulière en Lettonie, tous les autres pays de l'Union européenne étaient frappés à divers titres, chacun en fonction de ses fondamentaux propres (l'immobilier en Europe, les services financiers au Royaume-Uni, l'excédent commercial en Allemagne fédérale, etc...).
Il a noté que la Lettonie avait dans une certaine mesure subi le contrecoup de ses efforts pour se mettre à niveau de ses partenaires européens, car il en avait résulté une forte inflation qui, pour l'heure, la disqualifiait à l'accession à l'Union économique et monétaire. Il a constaté que la crise faisait malencontreusement plonger les recettes fiscales juste au moment où, au contraire, l'État avait besoin d'importantes disponibilités pour amorcer la relance, d'où un ensemble de mesures de rigueur budgétaire sans équivalent ailleurs.
Cela étant, le président Denis Badré a remarqué que si la Lettonie aurait peut-être quelques difficultés à rejoindre l'UEM en 2012, d'autres États -dont la France- risquaient quant à eux d'être en position délicate pour s'y maintenir, faute d'avoir consenti à temps les efforts nécessaires. Sans préjuger les solutions qui seraient alors à mettre en oeuvre, il a au moins souhaité que la France prenne en considération l'exemple remarquable de la Lettonie.
D'une manière plus générale, il a estimé que la sortie de crise et la reprise du chemin de la croissance passaient inévitablement par une plus grande solidarité de tous les États de l'Union européenne.
Le président Berzins a approuvé ce point de vue, soulignant que si la Lettonie avait dû prendre des mesures aussi drastiques, elle s'était en revanche gardée de toute tentation isolationniste ou protectionniste, les réactions unilatérales ne pouvant qu'aggraver la situation d'ensemble. Dans cette ligne de conduite, il a vivement souhaité que les États membres de l'Union européenne accroissent et privilégient leurs exportations mutuelles.
M. Bertrand Auban a constaté que tous les responsables politiques et économiques lettons semblaient s'accorder sur l'analyse et les remèdes à la crise actuelle, mais que restait à s'interroger sur la manière dont ces mesures pouvaient être ressenties par les partenaires sociaux, compte tenu du chômage et des multiples difficultés auxquelles la population était déjà confrontée.
En réponse à une observation du même ordre d'une députée de l'opposition -inquiète des répercussions sociales des mesures de rigueur décidées par l'actuel Gouvernement letton- le président Denis Badré a rappelé qu'en France aussi, la controverse demeurait vive entre les partisans de la relance par l'offre ou la demande, et par la consommation ou l'investissement. A titre personnel, il s'est déclaré favorable à la conjonction des deux méthodes, à condition que les mesures prises demeurent temporaires et qu'elles soient assorties de compensations sociales pour les populations les plus fragiles.
Le président Badré a par ailleurs exprimé sa vive inquiétude face à l'accroissement d'année en année de la dette publique, conséquence mécanique de l'accumulation des déficits budgétaires : déjà difficile à gérer tant que le financement de la dette pouvait s'opérer à des taux acceptables, la question deviendrait totalement insupportable pour peu que les taux viennent à déraper.
Dans un tel contexte, il s'est interrogé sur le sens même de l'objectif de développement durable, vidé de contenu s'il devait avoir pour corollaire de laisser aux générations futures une dette irréversible.
9. Rencontre avec la Présidente et les députés du groupe d'amitié Lettonie-France
(mardi 21 avril, 12h10)
La délégation
sénatoriale,
Mme Sandra Kalniete, Présidente du groupe
d'amitié Lettonie-France
et plusieurs de ses collègues de la
Saeima
Mme Sandra Kalniete, présidente du groupe d'amitié Lettonie-France de la Saeima , a très chaleureusement salué la visite de la délégation du groupe homologue du Sénat français, puis a évoqué successivement cinq points sur lesquels elle a invité les membres des deux groupes à réfléchir de concert :
- la contribution des grands pays de l'Union européenne -dont celle de la France- à une entrée rapide de la Lettonie dans l'Union économique et monétaire, étant entendu que la crise économique actuelle n'était pas née en Lettonie mais aux Etats-Unis, qu'elle s'était propagée dans toute l'Union européenne et que, dans ce contexte, il lui semblait logique que les grands pays de l'Union apportent leur soutien actif aux plus petits, comme par exemple les États baltes ;
- l'hypothèse que la non ratification du Traité de Lisbonne continuait de faire peser sur l'Union, handicapant l'Europe dans ses efforts pour jouer un rôle économique majeur au plan mondial ;
- les insuffisances d'une politique énergétique commune au sein de l'Union européenne ;
- le rythme des prochains élargissements de l'Union européenne, la montée de l'islamisme radical en Turquie lui semblant plaider pour qu'à terme, ce pays doive y adhérer ;
- les effets, à ses yeux positifs, de la réintégration de la France dans l'ensemble des structures de l'OTAN.
M. Jacques Legendre, président délégué pour la Lettonie , a pris acte du souhait très clair que la Lettonie rejoigne rapidement l'Union économique et monétaire et a assuré Mme Kalniete que, pour ce qui le concernait, le groupe d'amitié du Sénat plaiderait activement la cause lettone auprès des pouvoirs publics français ; il a rappelé qu'en son temps, une demande de même nature avait dû être relayée en faveur de l'entrée de la Lettonie au Conseil de l'Europe et qu'à force d'insistance, il y avait finalement été fait droit avant-même l'adhésion de la Russie.
En revanche, il s'est montré réservé sur la perspective d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, dans un contexte où l'entrée récente de dix nouveaux États avaient déjà montré toutes les difficultés d'intégrer dans de bonnes conditions des pays aux structures nettement moins avancées que celles de leurs autres partenaires.
Le président Denis Badré a considéré que l'Europe avait trouvé sa vraie dimension à la chute du Mur de Berlin et que dans ces conditions, il n'était guère surprenant que les plus chauds partisans d'une vraie Union européenne soient précisément les anciens pays de l'Est, « véritable sang neuf lui permettant de mieux structurer son discours dans le monde ». Concernant la crise économique, il a considéré qu'à partir du moment où elle touchait tout le monde, il était indispensable d'y rechercher des remèdes en commun au niveau européen.
Sur la Turquie, M. Denis Badré a souhaité que l'Union européenne et ses États-membres renforcent leurs liens bilatéraux avec ce grand pays, mais estimé qu'à ce stade, il était préférable d'approfondir la construction européenne plutôt que la ralentir par l'entrée d'un nouveau membre démographiquement et économiquement aussi considérable : « faisons d'abord l'Europe, et on y réfléchira le moment venu ».
Plusieurs députés du groupe d'amitié Lettonie-France sont alors intervenus tour à tour sur différents sujets comme la position française -jugée très constructive- dans le conflit entre la Géorgie et la Russie, les fragilités de l'agriculture lettone face à la Politique agricole commune et à l'Union européenne, les perspectives d'accès à l'Union européenne de la Géorgie et de l'Ukraine, les prochaines élections municipales en Lettonie et les projets de réforme de la structure territoriale française, etc.
En conclusion de cette réunion de travail, la présidente Sandra Kalniete s'est félicitée de la concordance de vues sur de nombreux points des députés lettons et des sénateurs français, et a souhaité que le dialogue se poursuive activement entre les deux groupes interparlementaires.
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