Colloque sur Chypre
Quelques domaines de la coopération franco-chypriote
Les problèmes de l'eau
Philippe GUETTIER
Adjoint responsable à la mission des Affaires internationales et communautaires au Ministre de l'Ecologie et du Développement durable
Je souhaite aborder un domaine évidemment crucial pour nos deux pays, le domaine de l'eau. Celui-ci me semble faire l'objet de peu d'actions de coopération : il y a donc là un sujet sur lequel nous pourrions réellement travailler ensemble.
Je souhaite me pencher sur la politique européenne de l'eau et sur son application en France, afin de pouvoir ensuite développer des collaborations avec Chypre. Vous savez que de nombreuses directives européennes abordent ce sujet sous différents angles. En 2000, en particulier, une directive cadre a été publiée, qui donne un cadre général aux législations européennes existantes. La législation européenne vise plusieurs objectifs :
· éviter la dégradation de la qualité des eaux ;
· promouvoir une gestion durable de la ressource en eau ;
· limiter les incidences d'événements dramatiques (inondations, sécheresses) ;
· protéger la qualité des eaux marines, en particulier dans une optique sanitaire de protection des populations.
La directive cadre pose un certain nombre de principes structurants.
· La gestion de l'eau doit se faire par bassins hydrographiques.
· Il importe de prévenir la dégradation de la qualité des eaux.
· Il faut parvenir, en 2015, à ce que toutes les eaux et tous les milieux aquatiques présentent un bon état écologique.
S'agissant des outils, il convient de rappeler que ce sont les usagers qui doivent payer pour le maintien de la qualité de l'eau. En outre, il faut procéder à une surveillance et à un état des lieux de la qualité des eaux, quelles qu'elles soient.
En ce qui concerne la participation du public, toute politique de l'eau doit être définie après consultation du public, ceci à tous les niveaux. La directive fixe un calendrier relativement serré pour l'atteinte d'un bon état écologique en 2015. En outre, des travaux sont en cours au niveau communautaire, auxquels Chypre a commencé à prendre part. Cela est nécessaire, dans la mesure où il y a là, pour vous, des enjeux essentiels.
La France applique plusieurs grands principes en matière de gestion de l'eau, ceci depuis 1964.
· Les eaux et les milieux aquatiques sont traités dans une approche intégrée.
· La gestion est conduite par bassins versants, au nombre de 13 en France. En outre, un système de financement a été mis en place, au sein des bassins mêmes, par le truchement d'agences de bassin.
· La gestion est décentralisée, dans la mesure où les responsabilités sont assurées par les communes, les industriels et les agriculteurs.
· La concertation avec les usagers est la règle.
· Les politiques de l'eau sont intégrées dans d'autres politiques.
La législation européenne est très complète dans le secteur de l'eau, elle oblige les Etats à mettre en place des politiques ambitieuses. La France dispose d'une très grande expérience dans ce domaine, au niveau des communes, des collectivités locales, des petites et des grandes entreprises. Je souhaite que nous puissions coopérer, à l'avenir, sur ce thème de l'eau.
Le domaine de la santé
Marie-Madeleine DAUTEL
Chef de mission Europe et International
Ministère de la Santé et de la Protection sociale
La santé est un enjeu important pour la France et pour l'Europe. En France, les citoyens font preuve d'une attitude consumériste, et présentent de fortes exigences en termes de sécurité, d'accessibilité et de technologies. Nous avons en outre une exigence de reconnaissance internationale pour nos sites, la réputation de notre technologie et notre savoir-faire étant établis. Ces exigences portent également sur des problèmes épidémiologiques importants, le cancer en premier lieu. Enfin, nos exigences s'expriment dans le domaine de la gestion des risques, ainsi qu'en matière financière. Nous travaillons sur la question de la nouvelle gouvernance, à la fois au niveau de l'Etat et à l'échelle régionale. Cette nécessaire gouvernance concerne également la gestion des hôpitaux. Trois lois sont parues récemment sur ces sujets. Je signale également que nous sommes en train de mettre en place un système d'information, et un dossier médical personnel et partagé.
S'agissant de l'Europe, il convient de faire face à la question de la mobilité des patients, un groupe de travail a été mis en place sur la question des sites de référence : nous en assurons la présidence. Tous les enjeux que je viens de rappeler concernent également l'Europe, c'est bien pour cela que nous travaillons sur des critères et des cartographies au niveau européen. S'agissant des sites de référence, je pense qu'une coopération peut prendre place entre la France et Chypre. Si de premières actions ont été mises en oeuvre au niveau français, le dossier évolue aussi au niveau européen : le projet doit être présenté en décembre au Conseil des Ministres européen.
En France, nous avons créé un « canceropole », à Toulouse. Il associera la recherche privée, la recherche publique et des services de très haut niveau. Sept ou huit structures de ce type seront créées en France, et qui auront vocation à travailler en réseau. L'Europe fera de même, ce qui permettra d'établir une cartographie des sites de référence. Chaque site demandera l'obtention d'un label. Avec la République de Chypre, l'approche par réseau est propice à une démarche de coopération. D'ores et déjà, nous sommes en train de mettre en place un réseau sur les pathologies présentes dans les pays méditerranéens. En outre, la question de la qualité doit être soulevée. Ce sujet est essentiel, dans la mesure où aucune norme européenne n'existe encore. Nous travaillons, avec le Royaume-Uni, pour définir des critères, et nous oeuvrons pour que l'Europe s'empare de ce dossier. Chypre peut s'associer à cette réflexion.
En ce qui concerne les systèmes d'information, nous sommes en train de travailler sur le dossier de la télé-médecine. Cette réflexion se matérialisera en France dès 2007, mais cela représente une préoccupation européenne également : un groupe de travail se réunit actuellement sur ce sujet, dont l'Allemagne assure la présidence.
D'autres objectifs peuvent donner lieu à une collaboration entre la France et Chypre. Par exemple, la question des urgences demeure problématique en France, et les défis sont nombreux. Nous travaillons ainsi avec d'autres pays pour réfléchir à la meilleure organisation dans ce cadre ; signalons que ce travail est conduit avec certains pays extra-communautaires, la Chine et le Brésil notamment. Avec ces deux pays, nous réfléchissons à une meilleure prise en charge des urgences lors de grandes catastrophes.
Les risques majeurs
Colonel Philippe NARDIN
Chef de mission Relations internationales
Direction de la Défense et de la Sécurité civiles
Dans ce domaine des risques majeurs, la Direction de la Défense et de la Sécurité civiles n'a abordé la question de la collaboration avec Chypre que lors de son entrée dans l'UE. Pour autant, nous étions néanmoins en relation depuis plusieurs années à propos des risques sismiques.
Au plan opérationnel, nous intervenons actuellement dans le cadre du mécanisme européen, comme cela est d'ailleurs le cas avec les autres Etats membres. Cela concerne certes les risques sismiques, les inondations, mais aussi les feux de forêt. A ce propos, un rapprochement entre deux bataillons de pompiers de nos deux pays est à l'étude.
La Direction de la Défense et de la Sécurité civiles, plus généralement, est ouverte aux partenariats bilatéraux. Nous pouvons donc envisager de collaborer avec la République de Chypre dans nombre de domaines, la formation ou la planification des secours par exemple. Dès cette année, d'ailleurs, des échanges ont eu lieu : un général chypriote nous a rendu visite et à cette occasion, nous lui avons présenté nos dispositifs en matière de lutte contre les risques majeurs. Encore une fois, la Direction de la Défense et de la Sécurité civiles est résolument ouverte à un ensemble d'actions de coopération bi ou multilatérales avec Chypre.
La culture et la communication
Frédéric BOUILLEUX
Chef du Département des Affaires européennes et internationales
Ministère de la Culture et de la Communication
Dans les deux secteurs de mon ressort, nous ne pouvons que constater l'excellence de la collaboration entre nos pays. Ces relations existaient bien avant l'entrée dans l'UE de Chypre : j'en veux pour preuve les nombreuses expositions organisées à Chypre (les expositions Picasso et Debré, par exemple), les concerts de musique classiques, les représentations théâtrales... Signalons à ce titre que de nombreuses nouvelles manifestations, présentant des artistes français, prendront encore place en 2005.
En France, de nombreuses manifestations culturelles chypriotes sont organisées. Nous pouvons ainsi citer l'exposition Chypre, berceau d'Aphrodite , qui sera présentée chez nous l'année prochaine. Le programme culturel franco-chypriote est extrêmement riche. Notre coopération porte également sur la recherche, dans le domaine des sciences sociales et en archéologie par exemple. Chypre est en fin de compte le pays dans lequel notre investissement est le plus important en Europe.
Par ailleurs, par le biais du tourisme et des industries culturelles (architecture, livre, cinéma et musique), notre coopération est forte. Dans le domaine architectural, Chypre exerce une action importante : certaines des expositions organisées en France sont ensuite présentées à Chypre. Dans le domaine de l'édition, si les exportations françaises ont marqué une légère baisse en 2003, nous constatons néanmoins une progression de 30 % au cours des quatre dernières années. S'agissant de la promotion de la littérature chypriote en France, nous devons rappeler que la mairie de Lodève a été aidée à ce titre. Pour le cinéma, Chypre participe à certains programmes communautaires dédiés. Malheureusement, il n'existe pas encore d'accords de coproduction entre nos deux pays. S'agissant de la télévision, Arte est tout à fait prêt à accueillir des programmes chypriotes.
Le Ministère de la Culture et de la Communication oeuvre plus généralement pour l'accueil d'artistes en France : les demandes émanant de ressortissants chypriotes seraient favorablement accueillies. Nous pouvons en outre répondre à des demandes spécifiques dans le domaine culturel, où nous pouvons apporter notre coopération.
En ce qui concerne le rayonnement de la langue française à Chypre, je vous rappelle qu'il s'agit de la deuxième langue apprise, derrière l'anglais. Les effectifs d'apprenants français sont en croissance régulière. Nous avons en outre, depuis l'adhésion de Chypre à l'UE, pu mener à bien des mastères de traduction. En revanche, peu d'étudiants chypriotes viennent faire leurs études en France. Nous pourrions travailler à redresser cette tendance.
En ce qui concerne la défense et la promotion de la diversité culturelle, une convention est en cours de négociation devant l'Unesco. Monsieur Loos avait pris à ce titre l'initiative d'inviter l'ensemble des Ministres du Commerce extérieur de l'UE sur cette question. Nous nous étions d'ailleurs félicités de constater la convergence de vue entre la France et Chypre. J'espère que votre pays soutiendra avec nous, nos points de vue lors de la prochaine Conférence générale de l'Unesco, en octobre prochain.