ÉTATS-UNIS
Le
cinquième amendement de la Constitution des États-Unis
permet
à tout citoyen américain de refuser de témoigner contre
lui-même dans une affaire pénale. Il exclut donc en principe toute
collaboration des repentis avec les autorités judiciaires.
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1) La reconnaissance juridique des repentis
a) Les infractions visées
L'immunité légale ne vise aucune infraction en particulier. De même, les accords de renonciation aux poursuites sont applicables à toutes les infractions fédérales, et notamment celles relatives au crime organisé, au trafic de stupéfiants et au terrorisme.
b) Les personnes concernées
Il
s'agit des personnes suspectées d'avoir commis une ou plusieurs
infractions, qui invoquent le cinquième amendement de la Constitution
des États-Unis et qui n'ont pas encore été
condamnées.
L'immunité légale prévue aux articles 6001 à
6005 du titre 18 du code des États-Unis ne s'applique qu'aux
personnes contraintes de témoigner par une décision de justice.
En pratique, dans le cadre de la lutte contre la criminalité
organisée, l'accusation accorde fréquemment l'immunité
à de petits délinquants, pour les inciter à fournir des
informations sur les organisateurs des réseaux dont ils sont membres.
2) Les avantages accordés aux repentis
a) Le traitement pénal
Les repentis bénéficiant de
l'immunité
légale
S'il estime que le témoignage du suspect est d'intérêt
public,
le procureur
en charge de l'affaire peut, avec l'accord du
procureur général des États-Unis (qui est également
ministre de la justice)
demander à une cour fédérale de
rendre une décision
contraignant celui-ci à
témoigner,
sous peine de subir les sanctions applicables pour refus
de témoignage (emprisonnement pendant la durée du procès
ou de la session du grand jury
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*
))
)
ou pour outrage à la cour (amende ou peine de prison dont le quantum est
laissé à la libre appréciation de la cour).
La cour est tenue de faire droit à une telle demande. En principe,
l'offre d'immunité légale et l'accord qui en résulte
sont écrits.
L'article 6002 du code des États-Unis garantit au repenti que son
témoignage ne pourra ultérieurement être utilisé
contre lui dans aucun procès pénal
, à l'exception d'un
procès pour parjure ou pour fausse déclaration.
Le repenti
ne bénéficie cependant pas d'une
impunité totale
(14(
*
))
:
il
peut être poursuivi pour l'infraction sur laquelle il a fourni des
informations, mais les poursuites doivent reposer sur des
éléments autres que ceux qu'il a fournis.
En effet, le ministère public ne peut entamer ou recommander la
poursuite des infractions révélées ou
évoquées dans ce type de témoignage qu'avec l'autorisation
écrite du procureur général des États-Unis. Dans ce
cas, en application de la jurisprudence Kastigar de 1972, le procureur doit
transmettre au procureur général une demande expliquant comment
il établira que les preuves des infractions qu'il entend poursuivre ont
été obtenues légalement et n'ont aucun lien avec le
témoignage que le suspect a été judiciairement contraint
d'effectuer.
Les repentis bénéficiant d'un accord de renonciation aux
poursuites
Les principes régissant les poursuites fédérales laissent
une
grande liberté
au procureur
. Ils lui permettent en
particulier de conclure un
accord
garantissant à l'accusé
repenti qu'il échappera aux poursuites pour les infractions commises. En
règle générale, le procureur utilise cette
possibilité dans les cas où il n'y a pas d'autre moyen d'obtenir
le témoignage recherché et où celui-ci est
d'intérêt public.
Au préalable, le procureur doit avoir obtenu l'accord de son
supérieur hiérarchique. En outre, lorsque le procès
concerne certains domaines du droit pénal (par exemple, le crime
organisé ou la sécurité intérieure), il faut qu'il
ait l'accord de l'assistant du procureur général des
États-Unis compétent.
L'étendue de l'immunité est négociée par les
parties
. Cependant, le procureur doit éviter d'accorder une
impunité totale au repenti. Il doit essayer de restreindre
l'immunité aux poursuites fondées directement ou indirectement
sur les renseignements fournis. Il doit également la limiter sur le plan
géographique à sa juridiction.
Le procureur doit faire figurer au
dossier
un écrit mentionnant
les termes de l'accord et détaillant les obligations réciproques.
Ce document doit être signé ou paraphé par le repenti ou
par son avocat.
b) Les mesures de protection
Le
sixième amendement de la Constitution des États-Unis garantit
à tout accusé le droit d'être confronté aux
témoins à charge.
Toutefois, le repenti peut bénéficier des dispositions
introduites par
la loi de 1984 portant réforme de la protection des
témoins
et qui figurent aux
articles 3521 à 3528 du titre
18 du code des États-Unis
(15(
*
))
.
L'article 3521 prévoit que le procureur général des
États-Unis peut accorder des mesures de protection à un
témoin (ou à un témoin potentiel) appelé à
témoigner à charge dans un procès relatif à une
activité criminelle organisée ou à une autre infraction
grave, s'il estime que le témoin risque d'être victime de
violences ou de mesures d'intimidation.
Le manuel des procureurs indique qu'une telle protection est
réservée aux témoins déposant dans les
procès pour crime organisé, pour gangstérisme, pour trafic
de drogues et, d'une façon générale, dans les affaires les
plus graves.
Avant d'accorder des mesures de protection à un témoin, le
procureur général des États-Unis doit vérifier si
le programme de protection est adapté, compte tenu notamment des
antécédents criminels de l'intéressé et de sa
personnalité.
Il doit également évaluer, par écrit, la gravité de
l'affaire dans laquelle le témoin est appelé à
déposer, ainsi que les dangers que son éventuel
déménagement représente. À l'issue de cette
évaluation, s'il apparaît que les risques encourus par le nouveau
voisinage sont supérieurs à l'utilité du
témoignage, la protection doit être refusée.
En pratique, le procureur en charge du dossier transmet au service
compétent du ministère de la Justice une demande écrite de
protection qui contient les informations permettant de faire les
évaluations prescrites :
- une description de l'affaire criminelle, précisant notamment s'il
s'agit d'un crime organisé relatif à la drogue ;
- un résumé du témoignage, faisant apparaître
son importance et son caractère décisif pour le succès des
poursuites ;
- les dangers encourus par le témoin ;
- son dossier pénal ;
- le tableau des autres mesures de protection qui ont été
envisagées et qui apparaissent inadéquates.
La gestion proprement dite du programme de protection est assurée par
deux services différents, selon que le repenti est ou non
incarcéré :
- le Bureau fédéral des prisons (BOP) s'occupe des
témoins incarcérés ;
- le
U.S. Marshals Service
(USMS) est en charge de la
sécurité des autres témoins protégés (avant,
pendant et après le procès).
En outre, l'article 3521 prévoit que le procureur
général des États-Unis doit conclure un
accord avec la
personne protégée
, précisant les obligations de
chacune des parties. En pratique, c'est le BOP qui s'en charge pour les
témoins incarcérés et l'USMS pour les autres. La personne
protégée doit notamment s'engager à témoigner,
à ne commettre aucun crime, à remplir ses obligations
légales et à exécuter les jugements civils rendus à
son encontre.
La protection des repentis qui sont incarcérés est assurée
par leur détention dans des unités spéciales, tandis que
celle des autres repentis consiste en diverses mesures, et notamment en un
changement de résidence.
Il peut être décidé que la personne protégée
bénéficiera d'un logement, du déménagement de ses
biens, de documents lui fournissant une nouvelle identité, d'une somme
d'argent lui permettant de faire face à ses besoins pendant une
période en principe limitée à six mois, d'un soutien pour
obtenir un emploi à condition qu'il recherche activement du travail et
de toute aide de nature à lui permettre de devenir indépendant
financièrement. Dans certains cas, la personne protégée
peut également recevoir un accompagnement psychologique.
Les mesures de protection sont maintenues aussi longtemps qu'elles restent
justifiées et que le repenti respecte ses engagements.
La protection peut être étendue à la famille proche ou
à une personne ayant des liens étroits avec le témoin,
à condition que ces personnes soient également menacées.
Depuis 1970, plus de 7 000 témoins et plus de 9 000 proches
ont bénéficié du programme de protection et ont
été déplacés géographiquement.
3) La valeur probatoire des déclarations des repentis
Le
droit fédéral ne contient pas de règle exigeant
expressément que la condamnation ne se fonde pas sur le seul
témoignage du collaborateur de justice.
Cependant, la plupart des
cours fédérales invitent les jurés à la
prudence
dans ces circonstances.
Par ailleurs, le parquet fédéral a l'habitude de
révéler aux tribunaux les accords conclus avec les collaborateurs
de justice.