NOTE DE SYNTHESE
Le
projet de loi français sur la détention provisoire tend à
modifier le code de procédure pénale pour :
- limiter les conditions de fond du placement en détention provisoire
grâce à une redéfinition de la référence
à l'" ordre public " ;
- réduire la durée de la détention provisoire par la
modification de ses conditions de renouvellement en matière criminelle ;
- renforcer les garanties offertes contre les détentions abusives.
Dans la perspective du prochain examen du projet par le Sénat, on a
choisi d'analyser les dispositions des législations de nos proches
voisins relatives à ces trois aspects de la détention provisoire.
On a retenu cinq pays : l'
Allemagne
, l'
Angleterre
et le
Pays
de Galles
,
la
Belgique
,
l'
Espagne
et
l'
Italie
.
En Angleterre et au Pays de Galles, s'il n'est jamais fait explicitement
référence à la détention provisoire, celle-ci peut
cependant être comprise comme une exception au droit à la
liberté provisoire dont jouit toute personne qui a été
arrêtée, et qui ne peut être refusé que dans les cas
prévus par la loi. Depuis quelques années, on note une tendance
à l'augmentation du nombre de ces cas.
*
* *
1) Seules la Belgique et, dans une moindre mesure, l'Espagne font référence à une notion comparable à l'" ordre public " pour justifier la mise en détention provisoire.
La loi
belge de 1990 sur la détention provisoire exige la réunion de
trois conditions parmi lesquelles l'"
absolue nécessité pour
la sécurité publique
". Cependant, pour
éviter le recours abusif à cet argument, le mandat d'arrêt
doit préciser les faits qui justifient la détention eu
égard au critère de l'"
absolue nécessité
pour
la sécurité
publique
".
Le code espagnol de procédure pénale exige également la
réunion de plusieurs conditions, parmi lesquelles une peine encourue
supérieure à six ans de prison. Cependant,
l'inquiétude
provoquée dans la population
par une infraction peut justifier que
son auteur présumé soit placé en détention
provisoire même si la peine qu'il encourt est inférieure ou
égale à six ans de prison.
En revanche, ni la loi anglaise sur la liberté provisoire, ni les codes
de procédure pénale allemand et italien ne mentionnent de notion
équivalente à l'ordre public pour justifier la détention
provisoire.
En Allemagne, la notion de "
trouble à l'ordre
public
", ajoutée à la législation en 1935 comme
motif de détention provisoire, a été supprimée
dès 1945. De plus, la Cour constitutionnelle, dans sa décision de
1965 consécutive à l'adoption de la loi de 1964 modifiant les
dispositions du code de procédure pénale sur la détention
provisoire, a notamment précisé que "
la prise en compte
de l'émotion suscitée dans l'opinion publique ne saurait
justifier la détention provisoire
".
2) La limitation de la durée de la détention provisoire résulte de règles très variables.
a) Il
n'y a pas de limitation absolue de durée en Allemagne et en Belgique.
En Allemagne, si l'on excepte les détentions provisoires fondées
sur le risque de récidive et expressément limitées
à un an, il n'existe aucune limitation absolue de la durée de la
détention provisoire. En effet, si celle-ci ne peut normalement pas
excéder six mois, elle peut être prolongée. Toutefois, le
principe de proportionnalité empêche la prolongation de la
détention provisoire au-delà de ce qui est strictement
nécessaire. Les prolongations de trois mois, renouvelables, ne peuvent
être prononcées que "
si une difficulté
spécifique
ou l'étendue particulière des
investigations ou un autre motif
important
" le justifient. Les
conditions de prolongation sont alors contrôlées par un tribunal
de niveau supérieur.
De même, en Belgique, il n'existe pas de limitation absolue de la
durée de la détention provisoire. Le premier mandat d'arrêt
n'est valable que cinq jours. La détention provisoire est ensuite
renouvelable par tranches d'un mois. Les prolongations doivent être
motivées par des raisons aussi importantes que celles qui ont
justifié le mandat d'arrêt initial.
b) En Espagne et en Italie, la durée totale de la détention
provisoire est expressément limitée par le code de
procédure pénale.
En Espagne, la durée maximale de la détention provisoire varie de
trois mois à deux ans en fonction de la gravité de la peine
encourue. Lorsque la peine encourue est supérieure à six mois de
prison, un doublement de cette durée maximale est cependant possible si
la durée initialement prévue est insuffisante pour permettre
l'achèvement du procès.
En Italie, la durée maximale de la détention provisoire varie en
fonction de la gravité des délits et de chaque étape du
procès. Le second paramètre tend à accélérer
le déroulement de la procédure. Des prolongations sont possibles
dans des cas énumérés par la loi, et qui concernent
essentiellement les enquêtes difficiles. Compte tenu de ces
éventuelles prolongations, la durée totale de la détention
provisoire ne saurait excéder des maxima absolus variant entre deux et
six ans selon la gravité de la peine encourue.
c) En Angleterre et au Pays de Galles, la durée de la
détention provisoire est doublement limitée.
En effet, après le premier refus de liberté provisoire, personne
ne peut être mis en détention plus de vingt-huit jours sans
être présenté de nouveau à un juge. Celui-ci peut
alors ordonner de nouvelles prolongations de la détention provisoire. En
toute circonstance, le
refus d'octroyer
la liberté provisoire
doit être motivé
.
En outre, la loi fixe des durées maximales de détention. Pour les
infractions les plus graves, la durée de détention entre la
première comparution d'un inculpé devant un juge et son jugement
par une cour d'assises ne peut excéder cent quatre vingt-deux jours,
soit six mois. Au terme de ce délai, l'accusé est
immédiatement remis en liberté.
3) Les législations étrangères sur la détention provisoire ne prévoient pas de procédures comparables au " référé-liberté " français.
Si
toutes prévoient la possibilité pour le détenu d'exercer
des recours contre les décisions de mise en détention, jamais
aucun de ces recours n'a d'effet suspensif. Tout au plus, la décision
consécutive au recours doit-elle être rendue dans des
délais brefs. Les délais les plus courts sont ceux prescrits par
le code de procédure pénale espagnol : la décision
relative à un recours de réformation de la décision de
placement en détention provisoire doit être rendue dans les
soixante-douze heures.
Par ailleurs, à l'image de l'Angleterre, l'Espagne a adopté en
1984 une loi organique sur
l'habeas corpus
, qui permet à une
personne illégalement détenue d'être remise
immédiatement en liberté.