NOTE DE SYNTHESE
Plusieurs études portant sur des points spécifiques de
la procédure pénale ont été réalisées
par la division des études de législation comparée. Afin
d'avoir une vue d'ensemble, il a cependant paru utile de récapituler les
principales caractéristiques de cette procédure chez certains de
nos proches voisins européens, l'
Allemagne
, l'
Angleterre
et le
Pays de Galles
, l'
Espagne
et l'
Italie
, ainsi qu'aux
Etats-Unis
.
Cet examen fait apparaître que, malgré certaines
différences, particulièrement évidentes au stade de
l'instruction, les principales caractéristiques du procès
pénal tendent à converger.
I - LES PARTICULARITES DE LA PROCEDURE D'INSTRUCTION
La
procédure d'instruction suit dans chaque pays un schéma analogue
dont les étapes sont les suivantes :
- constatation d'une infraction ;
- déclenchement des poursuites ;
- poursuites ou instruction ;
- décision de renvoi en jugement ou de classement sans suite.
Par ailleurs, chaque système prévoit l'intervention de la police,
d'un ministère public, ou tout au moins d'une personne ou d'un organisme
équivalent, et d'un juge.
Les procédures d'instruction ne sont donc pas fondamentalement
différentes, mais présentent certaines particularités qui
concernent essentiellement les compétences respectives de chacun des
acteurs de l'instruction. De plus, la procédure diffère selon que
les pays appliquent le principe de légalité ou
d'opportunité des poursuites.
1) Les compétences des acteurs de la procédure d'instruction
a) Le
rôle de la police est prépondérant en Angleterre et au Pays
de Galles
Malgré la création en 1986 d'une ébauche de
ministère public, le
Crown Prosecution Service
(CPS), service
public autonome et indépendant de la police, c'est la police qui reste
chargée de déclencher les poursuites. Le CPS a pour mission de
confirmer ou de réviser la décision de la police, et de
représenter l'accusation au procès. Nul ne peut donc contraindre
la police à engager les poursuites. Cependant, tout citoyen a
théoriquement la possibilité de saisir directement les tribunaux.
En outre, la police est seule habilitée à mener l'enquête
et donc à rassembler les preuves.
Quant au juge, il n'intervient pendant l'instruction que pour autoriser la
police à effectuer certains actes (mandats d'arrêt, de
perquisition, de saisie...).
b) L'Espagne est le seul pays à avoir conservé un juge
d'instruction
La compétence du ministère public est assez limitée :
il enregistre, comme la police ou le juge, les plaintes et doit
déclencher l'action publique dès qu'il est informé d'une
infraction. Toutefois, il ne détient pas le monopole des poursuites.
La police dépend des juges, des tribunaux et du ministère public
et doit suivre leurs instructions. C'est donc le juge d'instruction qui est
chargé des poursuites et de rassembler les preuves. Il assume un
rôle essentiel, le ministère public se limitant à un
contrôle formel.
c) En Allemagne, en Italie et aux Etats-Unis, la procédure
d'instruction est prise en charge par le ministère public
En
Allemagne
, la compétence du ministère public est
étendue : il enregistre les plaintes, déclenche les
poursuites, dont il a le monopole, et dirige l'enquête de police. La
police est chargée de l'assister. Le juge n'intervient, sur
requête du ministère public, que lorsque ce dernier ne peut
prescrire certains actes parce qu'ils touchent à la liberté
individuelle.
En
Italie
, le ministère public est chargé de
l'enquête préliminaire, pour laquelle il bénéficie
de larges prérogatives, et de l'engagement des poursuites. Bien que ce
soit la police qui enregistre les plaintes, elle est tenue d'informer et
d'assister le ministère public lors de l'enquête qu'elle
mène. Pendant l'instruction, le juge de l'enquête
préliminaire est surtout chargé du contrôle de la
légalité des investigations et des décisions restreignant
les droits fondamentaux.
Aux
Etats-Unis
, sauf dans les cas les plus graves requérant
l'intervention d'un grand jury, c'est le procureur qui est chargé
d'engager les poursuites et d'établir le dossier d'accusation, pour
lequel il détermine seul les chefs d'accusation et les faits qu'il
entend retenir. La police agit en coopération avec le procureur. Quant
au juge, il n'intervient qu'au tout début de la procédure, lors
du premier examen destiné à permettre de déterminer si les
preuves réunies justifient la détention du suspect, et pendant
l'instruction, pour délivrer les mandats d'arrestation, de perquisition,
de saisie et d'écoutes téléphoniques.
2) L'opportunité ou la légalité des poursuites
a)
L'Espagne et l'Italie restent attachées au principe de la
légalité des poursuites
Ces deux pays n'acceptent pas d'exception à ce principe. Toutefois, en
Italie, pour certaines infractions mineures il est possible d'abandonner la
poursuite.
b) En Angleterre et au Pays de Galles ainsi qu'aux Etats-Unis, la
décision d'engager les poursuites est appréciée en toute
opportunité
Si le procureur américain jouit d'une liberté quasi absolue pour
prendre sa décision, en Angleterre et au Pays de Galles, l'obligation de
poursuivre peut s'imposer lorsqu'il s'agit de préserver
l'intérêt public. Un code de conduite et un document
définissant les critères de la poursuite ont d'ailleurs
été établis afin d'aider la police et le CPS dans leurs
décisions.
c) En Allemagne, si la légalité des poursuites demeure un
principe fondamental, des exceptions sont désormais possibles
Le code de procédure pénale prévoit la possibilité
du classement sans suite en pure opportunité pour les affaires les moins
importantes, ainsi que le classement sous conditions pour tous les
délits, lorsque la faute de l'accusé est mineure et que le
classement n'est pas contraire à l'intérêt public.
II - LA TENDANCE A L'UNIFORMISATION DES CARACTERISTIQUES DU PROCES PENAL
1) La clôture de l'instruction lors d'une audience intermédiaire
Aux
Etats-Unis, l'audience préliminaire est consacrée à la
déclaration publique des chefs d'accusation, l'accusé devant
indiquer le mode de défense qu'il entend employer. S'il plaide coupable,
le juge doit alors déclarer la culpabilité et fixer la peine.
Dans les autres pays, cette audience permet d'établir s'il y a ou non
lieu d'ouvrir le procès.
En Angleterre et au Pays de Galles, cette procédure n'est toutefois
applicable qu'aux infractions graves, les autres étant jugées
selon une procédure sommaire.
En Allemagne et en Espagne, c'est le tribunal du jugement qui est chargé
de cette audience, alors qu'en Italie et en Angleterre, il s'agit du juge qui
intervient pendant l'instruction.
2) Les caractéristiques de la procédure de jugement sont les mêmes
Le
procès pénal est de type accusatoire : l'accusation et le
jugement ne relèvent pas du même organe, les débats sont
publics et la procédure est orale et contradictoire.
En revanche, les pays restent divisés sur le statut
conféré à la victime. Ainsi, en Allemagne, en Angleterre
et au Pays de Galles et aux Etats-Unis, la victime n'est pas
considérée comme une partie au procès, mais comme un
témoin. Toutefois, en Allemagne, elle peut faire valoir son droit
à indemnisation devant le tribunal pénal, même si ce
dernier peut rejeter sa demande sans que la victime ait de recours. En
Angleterre et aux Pays de Galles, le procureur peut demander que des
dommages-intérêts soient versés à la victime, mais
le juge peut refuser. Aux Etats-Unis, la victime peut engager une action en
responsabilité civile personnelle et séparée.
En Italie et en Espagne, la victime peut se constituer partie civile.
3) Tous les pays ont mis en place des procédures simplifiées
En
Angleterre et au Pays de Galles, en Italie et aux Etats-Unis, il s'agit
essentiellement de procédures de jugement sommaire, pour les infractions
les moins graves, ou de transactions pénales, lorsque l'accusé
accepte de plaider coupable. L'Italie envisage d'ailleurs d'instaurer une
nouvelle forme de transaction pénale afin d'élargir cette
pratique à une majorité d'affaires et de désengorger les
tribunaux.
En Allemagne, l'ordonnance pénale permet qu'environ 30 % des
affaires soient jugées au moyen d'une procédure écrite.
Par ailleurs, les solutions négociées informelles sont de plus en
plus utilisées.
Le code de procédure espagnol prévoit la possibilité d'un
accord sur la peine. Toutefois, cette procédure est très rarement
utilisée.