4 juillet 2024

- LÉGISLATION COMPARÉE -

NOTE

sur

LA FINANCIARISATION DU SYSTÈME DE SANTÉ

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Allemagne - Suède

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Cette note a été réalisée à la demande de la commission des affaires sociales.

AVERTISSEMENT

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la division de la Législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

LA FINANCIARISATION DU SYSTÈME DE SANTÉ

À la demande de la commission des affaires sociales, la division de la Législation comparée a réalisé une étude sur la financiarisation du système de santé et son encadrement juridique en Allemagne et en Suède.

Le phénomène de financiarisation dans le secteur de la santé peut être défini comme « un processus par lequel des acteurs privés, non directement professionnels de santé, capables d'investir de façon significative, entrent dans le secteur des soins avec comme finalité première de rémunérer le capital investi »1(*). La financiarisation doit être distinguée de la privatisation en ce qu'elle traduit, au sein du secteur privé, un transfert de propriété entre des acteurs professionnels et des acteurs financiers non professionnels.

En Allemagne, le processus de financiarisation est apparu dans les années 2000 et s'est accéléré depuis 2015. Il se concentre sur les centres de soins ambulatoires (MVZ), créés par la loi de 2004 sur la modernisation de l'assurance maladie obligatoire. En règle générale, les investisseurs financiers étrangers au secteur de la santé acquièrent un hôpital, ce qui leur donne une compétence juridique pour acheter ou fonder des MVZ et créer de grands groupes de cabinets médicaux. Les secteurs de la biologie, de la radiologie, de l'odontologie et de l'ophtalmologie sont particulièrement concernés et, plus récemment, celui de la médecine générale.

En Suède, le phénomène de financiarisation est apparu de façon concomitante avec la privatisation des années 2010, consécutive à la réforme dite du « libre choix ».

La réforme dite du « libre choix » de 2010 marque une étape importante dans l'émergence d'une offre de soins privée : elle a ouvert à la concurrence le secteur des soins primaires et permis aux patients de choisir librement leur prestataire, qu'il soit privé ou public, à condition qu'il ait conclu un contrat avec la région et, pour les centres de soins primaires, de s'être préalablement inscrit.

Ces deux phénomènes concernent principalement le secteur des soins primaires : en 2021, 45 % des quelque 1 200 centres de soins primaires appartenaient au secteur privé et il est estimé qu'un tiers des centres de soins à but lucratif était détenu par des sociétés de capital-investissement.

L'essor des prestataires de soins privés soutenus par des sociétés de capital-investissement est tantôt controversé (en termes d'équité et de qualité des soins), tantôt considéré comme ayant eu des effets positifs, notamment sur le développement de la télémédecine et en termes d'efficacité des services fournis. Cependant, les études disponibles ne permettent pas de tirer de conclusions fermes sur l'impact global de l'actionnariat privé sur l'offre de soins primaires en Suède.

Il n'existe pas de réglementation spécifique concernant l'intervention d'investisseurs financiers dans le secteur de la santé en Suède. Cependant, la loi de 2023 sur les investissements directs étrangers, qui prévoit des obligations de notification et d'autorisation pour les investissements dans des secteurs jugés critiques, s'applique potentiellement aux entreprises suédoises du secteur de la santé.

1. En Allemagne, un phénomène de financiarisation croissant, concentré sur les centres de soins ambulatoires (MVZ)

• Le phénomène de financiarisation du système de santé est apparu dans les années 2000 et s'est accéléré depuis 2015. Il se concentre sur les centres de soins ambulatoires (MVZ), créés par la loi de 2004 sur la modernisation de l'assurance maladie obligatoire. En règle générale, les investisseurs financiers étrangers au secteur de la santé acquièrent un hôpital, ce qui leur donne une compétence juridique pour acheter ou fonder des MVZ et créer de grands groupes de cabinets médicaux. Les secteurs de la biologie, de la radiologie, de l'odontologie et de l'ophtalmologie sont particulièrement concernés et, plus récemment, celui de la médecine générale.

• Le cadre juridique des MVZ a été modifié à plusieurs reprises afin de protéger l'intégrité des médecins de toute influence étrangère et d'empêcher la création de monopoles : le cercle des personnes et entités autorisées à fonder un MVZ a été restreint (médecins, hôpitaux, services de dialyse, organismes d'utilité publique conventionnés et communes) ainsi que les formes juridiques autorisées, la notion de direction médicale a été précisée et, dans le secteur dentaire, des quotas maximaux de soins ont été introduits.

• Plusieurs propositions d'encadrement plus strict des MVZ ont été présentées, notamment par le Bundesrat dans une résolution du 16 juin 2023. En matière de transparence, une obligation d'affichage sur les plaques des cabinets et la création d'un registre spécifique précisant les structures de détention en aval sont régulièrement évoquées. Concernant les conditions de création et d'exercice des MVZ, l'obligation d'un lien géographique et professionnel entre l'hôpital fondateur et le MVZ et l'introduction de quotas maximaux de soins pour les nouveaux MVZ sont aussi mentionnées. À ce jour, dans un contexte de tensions sur l'offre de soins, le gouvernement fédéral n'a pas donné suite à ces propositions.

a) Rappels concernant le système de santé allemand

En Allemagne, la gouvernance du système de santé est complexe et décentralisée, répartie entre le niveau fédéral, les Länder, et des organismes corporatistes autorégulés, composés de représentants des caisses d'assurance maladie, des médecins et des hôpitaux.

Si le cadre général du système de santé est défini au niveau fédéral, les Länder disposent, en application de l'article 74 de la Loi fondamentale2(*), d'un pouvoir législatif concurrent dans le domaine sanitaire. Ils sont responsables de la mise en oeuvre des dispositifs établis au niveau fédéral, planifient, financent les soins hospitaliers et coordonnent les services de santé publique municipaux. Ils supervisent également les caisses régionales d'assurance maladie et les ordres professionnels de santé, notamment des médecins, dentistes, pharmaciens et psychothérapeutes3(*). Une Conférence des ministres de la santé4(*) (Gesundheitsministerkonferenz) assure la coordination des législations régionales en matière de santé.

L'offre de soins médicaux demeure assez largement cloisonnée entre, d'une part, les soins stationnaires principalement dispensés dans les hôpitaux et, d'autre part, les soins ambulatoires fournis par la médecine de ville5(*).

Il existe différentes formes d'organisation des soins médicaux ambulatoires :

- la forme d'organisation la plus courante est le cabinet individuel (Einzelpraxis) qui représentait 78 % des quelque 105 000 cabinets et centres de soins ambulatoires existants en 20216(*). Ces cabinets sont généralement des entreprises individuelles offrant une grande autonomie organisationnelle. Le médecin peut partager les locaux et équipements avec d'autres médecins, et être secondé par des assistants médicaux ou des infirmiers, tout en restant économiquement indépendant. Malgré une tendance à la baisse, 54 % des médecins généralistes exerçaient en cabinet individuel en 2021 (59 % en 2010)7(*) ;

- la deuxième forme d'organisation la plus répandue est la communauté d'exercice professionnel (Berufsausübungs-Gemeinschaft). Il s'agit d'une association de deux ou plusieurs médecins conventionnés formant une unité économique et organisationnelle. Les locaux, les installations, les appareils et le personnel, ainsi que la gestion et le traitement des patients sont mis en commun par l'ensemble du personnel médical8(*). En 2021, cette forme représentait environ 18 % des cabinets et centres de soins de ville9(*) ;

- enfin, les centres de soins ambulatoires (Medizinische Versorgungszentren - MVZ) sont des centres de santé regroupant des médecins spécialistes ainsi que des assistants médicaux, des infirmiers et des secrétaires médicaux. Prenant souvent la forme de sociétés à responsabilité limitée (Gesellschaft mit beschränkter Haftung, GmbH) ou de sociétés de personnes (Gesellschaft bürgerlichen Rechts, GbR), les MVZ permettent aux praticiens d'exercer en tant que médecins conventionnés libéraux ou en tant que salariés10(*). Ces entités sont comparables aux maisons de santé pluridisciplinaires et aux centres de santé médicaux français11(*). Il s'agit d'une forme d'exercice de plus en plus répandue : en 2022, l'Allemagne comptait 4 574 MVZ, contre 1 654 en 2010 (soit respectivement 4 % et 1,6 % de l'ensemble des cabinets et centres de soins en ville)12(*).

Les cabinets individuels, les communautés d'exercice professionnel et les MVZ sont soumis aux plans de besoins régionaux (Bedarfsplan), établis par les associations de médecins conventionnés. Ces instruments de régulation de l'offre de soins permettent d'équilibrer la répartition des médecins sur le territoire de chaque Land13(*).

Historique et principales caractéristiques des MVZ allemands

Les MVZ sont issus des anciennes Polikliniks de l'ex-Allemagne de l'Est. Alors qu'ils couvraient la quasi-totalité de la prise en charge de ville, leur nombre a progressivement chuté après 1989, à la suite de la réunification. Toutefois, un noyau dur de Polikliniks a subsisté et a suggéré, dans le cadre de la réforme de la sécurité sociale dite « Schröder » de 2003, de renouveler et de promouvoir ce mode d'exercice14(*).

La structure juridique des MVZ a été introduite par la loi sur la modernisation de l'assurance maladie obligatoire15(*), adoptée en novembre 2003 et entrée en vigueur en janvier 2004.

Selon l'article 95 du livre V du code social (SGB V), les principes suivants s'appliquent aux MVZ :

- les MVZ doivent être dirigés par un médecin. Le directeur médical doit lui-même travailler dans le MVZ en tant que médecin salarié ou médecin libéral conventionné. Si différents groupes de professions médicales travaillent ensemble dans un MVZ (par exemple des médecins et des psychothérapeutes), le MVZ peut également être géré en coopération ;

- des médecins libéraux conventionnés et/ou des médecins salariés peuvent travailler dans un MVZ. Tous les praticiens au sein d'un MVZ ne doivent pas nécessairement avoir le même statut16(*).

L'obligation des MVZ d'avoir des médecins d'au moins deux spécialités différentes a été supprimée en 2015.

Création d'un MVZ

Un MVZ peut être fondé par un médecin conventionné, un hôpital, un prestataire de services de dialyse non médicaux, un organisme d'utilité publique qui participe aux soins médicaux conventionnels sur la base d'une autorisation ou d'une habilitation ou par une commune.

Autorisation d'un MVZ

Pour qu'un MVZ puisse participer aux soins médicaux conventionnés, il doit détenir une autorisation. La commission d'admission de l'association de médecins conventionnés (Kassenärztliche Vereinigung - KV) statue sur la demande. Les conditions d'autorisation d'un MVZ sont notamment : la création par une personne ou entité autorisée à l'article 95 du livre V du code social, le choix d'une forme juridique adéquate, la présence d'au moins deux médecins conventionnés dans la structure et la gestion par un médecin (ou une gestion coopérative)17(*).

b) État des lieux du phénomène de financiarisation en santé
(1) Constats généraux

En Allemagne, le phénomène de financiarisation du secteur de la santé est apparu dès le début des années 2000, initialement dans le secteur des maisons de retraite médicalisées18(*). Il s'est accéléré à partir de 201519(*) avec l'augmentation du nombre de rachats de cabinets médicaux et de centres de soins par des sociétés de capital-investissement (de 12 en 2015 à 140 en 2021, selon un chercheur indépendant)20(*).

Aujourd'hui, le débat sur la financiarisation du système de santé se focalise sur les MVZ dans le secteur ambulatoire. Initialement concentrée sur la biologie, la radiologie, l'odontologie et l'ophtalmologie, d'autres secteurs moins lucratifs comme la médecine générale sont désormais concernés par la financiarisation21(*).

De nombreux médias et journaux allemands relatent comment des MVZ sont utilisés comme véhicules par des investisseurs financiers privés pour intervenir dans le secteur des soins conventionnés22(*). Dans un premier temps, l'investisseur acquiert un hôpital, ce qui lui donne la compétence juridique pour acheter ou fonder un MVZ, puis il procède au rachat de cabinets médicaux. Les cabinets médicaux acquis et les postes de médecins correspondants sont alors attribués au MVZ en tant que filiales. Il en résulte un grand groupe de cabinets médicaux, potentiellement illimité en termes de nombre de cabinets et d'implantation géographique, qui peut ensuite être revendu par l'investisseur23(*). C'est notamment le schéma suivi par les sociétés de capital-investissement appliquant une stratégie dite « buy and build »24(*). Un phénomène de concentration de l'offre de soins de ville est souvent associé à la financiarisation des MVZ25(*).

L'intervention croissante de sociétés de capital-investissement dans le secteur de la santé fait l'objet d'importantes controverses dans le débat public ainsi que dans la littérature spécialisée et parmi les professionnels de santé. D'une part, certains craignent que les investisseurs privés fassent passer le profit économique avant la pérennité de l'entreprise rachetée, les intérêts des salariés ou encore la santé des patients et, d'autre part, certains soulignent que les investissements privés sont indispensables pour combler les lacunes en matière d'offre de soins et améliorer leur efficience26(*).

Au-delà des exemples cités dans la presse et les médias, le ministère fédéral de la santé souligne le manque de données disponibles et d'informations sur la structure de détention des MVZ27(*). À la demande des autorités sanitaires des Länder, celui-ci a néanmoins remis en septembre 2022 un rapport d'expertise sur les MVZ détenus par des investisseurs n'appartenant pas au secteur médical28(*), dont on peut retenir les points suivants :

- hors chirurgie dentaire, la part des postes de médecins dans les MVZ gérés par des investisseurs par rapport au nombre total de postes de médecins de ville au niveau fédéral était estimée entre 1,4 % et 2 % en 202029(*). Au demeurant, un grand nombre de MVZ gérés par des investisseurs appartient au secteur particulier de la biologie30(*) ;

- dans la plupart des cas, les expertises disponibles nient l'existence de liens négatifs démontrables entre l'origine de la propriété et la qualité des soins dans les MVZ gérés par des investisseurs31(*) ;

- le statut des médecins salariés des MVZ s'est fortement rapproché de celui des médecins conventionnés. Les médecins salariés sont en général membres des associations de médecins conventionnés et soumis à leur pouvoir disciplinaire. Sur le plan médico-technique, les médecins salariés remplissent la même fonction que les médecins conventionnés32(*).

(2) L'exemple de la financiarisation des centres de soins ambulatoires (MVZ) dentaires

L'odontologie est l'un des secteurs où les phénomènes de financiarisation et de concentration se sont amplifiés depuis 2015, avec l'émergence de trois grandes chaînes de cabinets dentaires détenues par des investisseurs (par l'intermédiaire d'un hôpital) : Acura qui possède 96 MVZ détenus par la société de capital-investissement de Bahreïn Investcorp ; les chaînes Colosseum et Dentconnect détenues par la société suisse Jacobs Holding, qui disposent de 79 MVZ au total et la chaîne Zahneins, appartenant à la société française PAI Partners, qui dispose de 77 MVZ33(*).

En 2020, on dénombrait 793 MVZ dentaires portées par des professionnels de santé ou des structures publiques et 207 MVZ appartenant à des investisseurs financiers34(*). La part des MVZ dentaires exploités par des investisseurs était estimée à 0,5 % de l'ensemble des cabinets dentaires35(*).

La participation des investisseurs étrangers au secteur de la santé dans le secteur dentaire se poursuit à un rythme dynamique. Au 31 décembre 2023, l'association fédérale des dentistes conventionnés (Kassenzahnärtzliche Bundesvereinigung, KZBZ) recensait 468 MVZ dentaires appartenant à des investisseurs, soit environ 30 % de l'ensemble des MVZ dentaires36(*). Près de 60 % des MVZ dentaires des investisseurs se situent dans les Länder de Bavière, du Bade-Wurtemberg et de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qui possèdent une population importante et une économie dynamique. En revanche, très peu de MVZ dentaires appartenant à des investisseurs sont implantés dans des Länder d'Allemagne de l'Est (seulement 14 sur 468)37(*).

Selon la KZBZ, les MVZ dentaires portés par des investisseurs tiers ne permettent pas d'améliorer la prise en charge au niveau régional et ne contribuent pas à la coopération pluridisciplinaire38(*). Aucun des hôpitaux de rattachement de ces MVZ ne possède de services en lien avec la chirurgie dentaire. L'association considère également que la concentration qui accompagne le phénomène de financiarisation comporte un risque de lacunes régionales dans l'offre de soin, en cas de faillite ou de fermetures de certaines chaînes, comme cela a pu être observé en Espagne (iDental en 2018) et en France (Dentexia en 2016)39(*).

En ce qui concerne les prestations et honoraires pratiqués, une étude réalisée par l'institut de recherche IGES (Institut für Gesundheits- und Sozialforschung) en Bavière montre que les MVZ gérés par des investisseurs facturent des volumes de prestations plus importants pour un même cas et réalisent plus souvent de nouvelles prothèses dentaires40(*). Les MVZ dentaires gérés par des investisseurs privés ne représentent toutefois pas un danger significatif pour la qualité et la sécurité des soins, selon le ministère fédéral de la santé41(*).

c) L'introduction de mesures d'encadrement des centres de soins ambulatoires (MVZ)

Le cadre juridique des MVZ (cf. encadré supra) a été modifié à plusieurs reprises depuis 2004 afin de protéger l'intégrité des médecins contre toute influence étrangère, d'empêcher une prise de position anticoncurrentielle de certains acteurs et de garantir l'offre de soins sur tout le territoire.

En particulier, en 2012, la loi sur l'amélioration des structures de soins dans l'assurance maladie obligatoire42(*) a :

limité le cercle des personnes et entités autorisées à fonder un MVZ à certains prestataires de santé conventionnés (médecins, hôpitaux, services de dialyse) et aux organismes d'utilité publique (qui participent aux soins sur la base d'une autorisation ou d'une convention). L'exposé des motifs de la loi justifiait l'introduction de cette nouvelle règle par le fait que les MVZ étaient de plus en plus souvent fondés par des investisseurs n'ayant aucun lien professionnel avec les soins médicaux, mais qui poursuivent uniquement des intérêts financiers43(*). Comme expliqué précédemment, cette règle a toutefois été détournée par l'utilisation des hôpitaux comme vecteurs pour fonder des MVZ ;

restreint les formes juridiques autorisées aux sociétés de personnes (Gesellschaft bürgerlichen Rechts - GbR), aux coopératives enregistrées (eingetragene Genossenschaft - e.G.) et aux sociétés à responsabilité limitée (Gesellschaft mit beschränkter Haftung - GmbH). En revanche, les MVZ ne peuvent plus prendre la forme d'une société en nom collectif (Offene Handelsgesellschaft - OHG), d'une société en commandite (Kommanditgesellschaft - KG), d'une société anonyme (Aktiengesellschaft - AG) ou d'une société en commandite par actions (Kommanditgesellschaft auf Aktien - KGaA) ;

défini la notion de « direction médicale » du MV afin de s'assurer que celle-ci est assurée par un médecin salarié ou conventionné en activité et exclure les personnes extérieures au corps médical. L'objectif était de garantir que les décisions médicales soient prises indépendamment de toute considération étrangère44(*).

La loi du 11 mai 2019 pour des rendez-vous plus rapides et de meilleurs soins (TSVG)45(*) avait également pour objectif de limiter l'influence des investisseurs financiers externes sur les soins fournis par les MVZ. Pour ce faire, elle a :

- limité la possibilité de création de MVZ par des prestataires de dialyse non médicaux en précisant que cette catégorie d'acteurs peut uniquement créer des MVZ en lien avec leur activité ;

- introduit des quotas maximaux de soins fournis par les MVZ dentaires appartenant à des hôpitaux. Ces limites varient selon chaque zone de planification des soins (Planungsbereich). L'objectif était d'éviter que certains hôpitaux n'acquièrent une position dominante sur le marché des soins dentaires.

Parallèlement, plusieurs assouplissements ou mesures facilitant le développement des MVZ ont été introduits. Ainsi, en 201546(*), l'exigence de pluridisciplinarité de l'équipe médicale a été supprimée. Depuis cette date, il est donc possible de créer des MVZ avec des médecins issus d'une seule spécialité, par exemple des MVZ purement dentaires. Par ailleurs, la faculté de créer des MVZ a été ouverte aux communes en 201547(*) et aux réseaux de cabinets médicaux reconnus par les associations de médecins conventionnés (définis à l'article 87 b paragraphe 2 du livre V du code social) en 201948(*).

Le ministère fédéral de la santé relève que le rapport d'experts mandaté en 2020 pour évaluer le cadre juridique des MVZ49(*) a critiqué les restrictions déjà en vigueur. Selon ce rapport, les risques éventuels pour la qualité des soins doivent être évités grâce à des mesures ciblées, au niveau de l'organisation interne des MVZ, et non par des restrictions du champ des propriétaires de MVZ. Il critique également les quotas maximaux de soins dans le secteur dentaire en ce qu'ils ne permettent pas d'atteindre les objectifs poursuivis par le législateur, à savoir l'ouverture des marchés et la diversité des prestataires, la protection de la santé, la rentabilité et la couverture de l'ensemble du territoire50(*).

d) Les propositions de réforme des centres de soins ambulatoires (MVZ)

Depuis plusieurs années, les associations de médecins et dentistes conventionnés51(*), ainsi que la chambre fédérale des médecins (Bundesärtzekammer)52(*), demandent une réglementation plus stricte des conditions de création et d'exercice des MVZ. L'association fédérale des exploitants de MVZ (Bundesverband der Betreiber medizinischer Versorgungszentren, BBMV) souligne quant à elle que la réglementation des MVZ est soumise à des limites constitutionnelles (cf. encadré infra), comme le principe d'égalité et la liberté d'exercice professionnel, et que des règles trop restrictives à l'égard des MVZ entraîneraient une détérioration de l'offre de soins53(*). La fédération des caisses publiques d'assurance maladie (GKV Spitzenverband) soutient l'introduction de règles plus claires et plus transparentes mais aussi plus uniformes entre les différents prestataires de soins ambulatoires (cabinets individuels, communautés d'exercice professionnel et MVZ)54(*).

Le ministre fédéral de la santé, Karl Lauterbach, s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur de mesures de restriction des MVZ afin de limiter le phénomène de financiarisation. Fin 2022, il a déclaré vouloir mettre « un frein à l'achat de cabinets médicaux par des investisseurs avides de profits absolus » et annoncé un projet de loi au premier trimestre 202355(*). Malgré les pistes avancées par le ministère fédéral de la santé dans le rapport d'experts remis aux Länder en septembre 2022 et la résolution du Bundesrat du 16 juin 2023, aucune nouvelle mesure d'encadrement des MVZ n'a été présentée à ce jour par le gouvernement fédéral. Ainsi, le projet de loi sur le renforcement des soins de santé au niveau local (Gesetz zur Stärkung der Gesundheitsversorgung in der Kommune)56(*), déposé devant le Bundestag le 2 mai 2024, entend faciliter la création des MVZ par les communes mais ne contient pas de mesure relative à la financiarisation de ces structures.

En l'absence de consensus politique sur les contours d'une réforme des MVZ, les mesures proposées à ce jour, d'une part, par le ministère fédéral de la santé au niveau technique et, d'autre part, par le Bundesrat sont présentées ci-dessous.

(1) Les pistes de réforme du rapport d'experts du ministère fédéral de la santé

Le rapport d'experts sur les MVZ gérés par des investisseurs financiers, remis par le ministère fédéral de la santé aux autorités sanitaires des Länder fin 2022 présente plusieurs mesures d'encadrement des MVZ et en écarte d'autres. Il estime que la participation d'investisseurs financiers ne présente un danger pour la sécurité de l'offre de soins que dans quelques cas « sporadiques », notamment dans le secteur de la chirurgie dentaire57(*). Dans la plupart des autres cas, les études disponibles n'établissent pas de liens de causalité négatifs entre la présence d'investisseurs financiers et la qualité des soins prodigués58(*).

Sur la base de ces constats, le rapport avance les pistes d'évolution suivantes :

introduire des mesures de restriction supplémentaires en matière de soins dentaires. Il est d'abord proposé de renforcer la réglementation des quotas maximaux de soins applicable aux MVZ dentaires appartenant à des hôpitaux. Les quotas actuels (fixés à 10 %) se réfèrent uniquement à l'hôpital individuel et n'empêchent donc pas un investisseur d'augmenter l'offre de soin de ses MVZ dentaires en acquérant plusieurs hôpitaux. Il est également suggéré d'introduire l'obligation d'un lien géographique et professionnel entre l'hôpital fondateur et les MVZ dentaires de sorte que les MVZ se trouvent dans la même zone de planification que celle de l'hôpital fondateur et que ce dernier participe effectivement aux soins dentaires dans le cadre de la planification hospitalière. Enfin, il est proposé d'introduire un « examen d'aptitude » pour les MVZ dentaires qui consiste à apprécier si un MVZ est orienté vers le rendement (au moyen d'indices tels que le transfert des bénéfices réalisés à des tiers, l'existence d'objectifs de rendement excessifs ou la formation de chaînes de cabinets)59(*) ;

préciser les dispositions législatives relatives à la direction médicale du MVZ. Il s'agirait notamment de prévoir un volume d'activité minimal afin de garantir que le directeur médical ne se contente pas de diriger formellement le MVZ, mais qu'il le fasse effectivement et de préciser que la liberté d'instruction médicale ne s'applique pas au seul directeur médical et qu'il lui incombe de protéger les autres médecins du MVZ de toute influence. Des recommandations pourraient aussi être adoptées par l'association fédérale des médecins conventionnés et la fédération des caisses d'assurance maladie afin de garantir que les accords contractuels entre le directeur médical et la société de gestion du MVZ ne contiennent pas d'incitations financières pour le directeur médical, susceptibles de porter atteinte à son indépendance médicale. L'idée d'une protection particulière du directeur médical contre la révocation et le licenciement est également mentionnée ;

renforcer la transparence des MVZ. Premièrement, il est proposé d'introduire une obligation d'affichage pour les MVZ afin d'améliorer l'information des patients. Chaque MVZ devrait indiquer sur une plaque le nom et la forme juridique de la structure, le siège et le représentant légal du responsable direct (ie. médecin conventionné ou hôpital) et l'identité du directeur médical. Deuxièmement, en vue de recenser les structures porteuses de MVZ, les MVZ autorisés devraient obligatoirement être inscrits dans les registres médicaux existants et dans le registre des prestataires de services prévu à l'article 293, paragraphe 4, du livre V du code social. Les registres devraient contenir des informations sur l'identité et le type d'organisme responsable, la forme juridique et la direction médicale des MVZ. Troisièmement, le rapport mentionne la proposition de création d'un registre distinct pour les MVZ dentaires, comportant des informations complètes sur la structure de propriété et l'actionnariat. Il indique toutefois qu'un tel registre, comportant toutes les structures de propriété en aval, serait « intrusif » et qu'il existe des doutes quant à sa compatibilité avec le droit constitutionnel et sa faisabilité en termes de charge administrative60(*).

Par ailleurs, le rapport exclut catégoriquement l'introduction de nouvelles restrictions en matière de création de MVZ (autres que les MVZ dentaires), en particulier l'exigence d'un lien géographique et professionnel entre le MVZ et l'hôpital fondateur. Selon ce rapport, « la situation juridique actuelle offre déjà un niveau de protection élevé contre d'éventuelles atteintes à l'intégrité médicale, notamment grâce aux dispositions de protection relevant du droit professionnel et disciplinaire ainsi qu'à la fonction de protection du directeur médical contre une influence étrangère et aux instruments d'assurance qualité existants. Ainsi, non seulement le médecin ou le dentiste travaillant dans le centre de soins est protégé contre toute influence étrangère mais les associations de médecins et de dentistes ont également la possibilité de procéder à un contrôle intensif de la qualité par des sondages individuels et, dans certains cas, par des enquêtes complètes dans les centres de soins médicaux »61(*). En outre, une telle restriction applicable aux seuls hôpitaux et non à l'ensemble des fondateurs de MVZ est jugée discriminatoire et tendrait à favoriser les grands groupes hospitaliers disposant de nombreux sites.

(2) La résolution du Bundesrat en faveur d'une loi d'encadrement des MVZ

Le 16 juin 2023, le Bundesrat a adopté, à l'initiative des Länder de Bavière, de Rhénanie-Palatinat, du Schleswig-Holstein et de Hambourg, une résolution dans laquelle il demande au gouvernement fédéral de réglementer plus strictement les MVZ62(*). À la date de rédaction de la présente étude, le gouvernement fédéral n'avait pas donné suite à cette résolution.

Dans l'exposé des motifs, le Bundesrat évoque la croissance rapide du nombre de MVZ soutenus par des investisseurs financiers, le risque de concentration excessive et la menace que cela représente pour une prise en charge globale sur l'ensemble du territoire. « Les investisseurs ont tendance à déplacer les capacités de soins vers des zones urbaines lucratives et à se concentrer davantage sur des prestations facilement modulables et génératrices de chiffre d'affaires, avec pour conséquence possible que l'ensemble de l'éventail des traitements ne soit plus représenté »63(*).

Pour contrer ces tendances, le Bundesrat demande au gouvernement fédéral de mettre en oeuvre neuf mesures, généralement plus restrictives que celles envisagées par le ministère de la santé dans le rapport précité, et plus proches des revendications des associations de médecins et dentistes conventionnés.

En matière de transparence, la résolution du Bundesrat demande l'introduction d'une obligation d'identification pour les promoteurs et les exploitants de MVZ sur la plaque du cabinet (y compris l'identification de la forme juridique du centre) ainsi que la création d'un registre spécifique aux MVZ, dans lequel les structures de propriété en aval devraient être publiées, et d'une obligation d'inscription dans le registre comme condition d'autorisation pour les MVZ.

Concernant les conditions de création des MVZ, le Bundesrat propose une limitation géographique en vertu de laquelle les hôpitaux ne pourraient à l'avenir créer un MVZ que dans un rayon de 50 kilomètres autour de leur siège (avec des exceptions pour les zones où l'offre de soins est réduite). Cette mesure tendrait à remettre au premier plan l'objectif initial des MVZ, à savoir une meilleure imbrication entre les soins ambulatoires et les soins hospitaliers64(*).

L'introduction de quotas de soins maximaux pour tous les nouveaux MVZ créés par des organismes tiers est également proposée, mais à un niveau plus élevé que ceux applicables aux MVZ dentaires. Ainsi, dans une zone de planification, un MVZ ne pourrait avoir une part d'approvisionnement en soins supérieure à 25 % pour les médecins généralistes et 50 % pour les spécialistes. L'objectif de ces quotas de soins est d'empêcher le processus de concentration et les tendances à la constitution de monopoles, mais aussi de créer un parallélisme avec les MVZ dentaires. Des exceptions seraient possibles pour les zones sous-dotées en médecins65(*).

Enfin, la résolution contient des propositions visant à protéger l'indépendance de l'exercice de la profession médicale dans les MVZ, similaires à celles du ministère fédéral de la santé (protection particulière contre la révocation et le licenciement de la direction médicale, directives sur le volume minimal d'activité du directeur médical). En outre, la résolution demande que le code social soit modifié afin de prévoir la possibilité de prononcer des mesures disciplinaires contre les MVZ et non pas uniquement contre les médecins conventionnés y exerçant66(*).

Le cadre constitutionnel et européen de limitation de l'exercice des MVZ

En Allemagne, les mesures restrictives au niveau de l'accès au marché ou de l'entreprise constituent régulièrement des atteintes à la liberté professionnelle, protégée au titre des droits fondamentaux (article 12, paragraphe 1 de la Loi fondamentale). De telles interventions sont admises si elles poursuivent un objectif légitime et sont appropriées et nécessaires pour atteindre cet objectif.

Le législateur poursuit un but légitime lorsqu'il vise à éviter une influence étrangère à l'activité de traitement médical dans les centres de soins. En revanche, il n'y a pas d'objectif légitime lorsque des réglementations restrictives servent uniquement, en apparence, à protéger la santé et ont en fait pour but de protéger certains prestataires de soins contre une concurrence indésirable. La protection contre la concurrence pour elle-même ne constitue pas un objectif légal reconnu par la Loi fondamentale.

Pour évaluer le caractère approprié et nécessaire, le législateur dispose d'une marge d'appréciation et de pronostic. Il doit cependant établir des « prévisions de danger » sur la base de risques identifiables et réalistes. Le simple fait d'évoquer des risques, notamment par des représentants d'intérêts, ne remplit pas cette condition.

En outre, le législateur est tenu d'adapter de manière conforme à la Loi fondamentale un pronostic de danger antérieur et les restrictions prises sur cette base, dans la mesure où cela est nécessaire en raison d'une modification des conditions réelles ou d'un changement des connaissances. Enfin, le législateur ne peut pas, en raison du principe constitutionnel d'égalité (article 3, alinéa 1 de la Loi fondamentale), traiter un groupe de destinataires de la norme de manière sensiblement différente par rapport à un autre groupe, bien qu'il n'existe pas entre les deux groupes de différences d'une nature et d'une importance telles qu'elles justifient la différence de traitement67(*).

Par ailleurs, des restrictions de création des MVZ trop importantes peuvent potentiellement porter atteinte à la liberté d'établissement protégée par les articles 49 et 54 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), si elles ne sont pas justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général.

Sources : ministère fédéral de la santé et BBMV

2. En Suède, une financiarisation liée à l'ouverture à la concurrence des soins primaires

Le système de santé suédois, largement décentralisé aux régions et aux municipalités, reposait historiquement quasiment exclusivement sur des prestataires de soin publics. La réforme dite du « libre choix » de 2010 marque une étape importante dans l'émergence d'une offre de soins privée : elle a ouvert à la concurrence le secteur des soins primaires et permis aux patients de choisir librement leur prestataire, qu'il soit privé ou public, à condition qu'il ait conclu un contrat avec la région et, pour les centres de soins primaires, de s'être préalablement inscrit.

Le phénomène de financiarisation est apparu de façon concomitante avec la privatisation des années 2010. Ces deux phénomènes concernent principalement le secteur des soins primaires : en 2021, 45 % des quelque 1 200 centres de soins primaires appartenaient au secteur privé et il est estimé qu'un tiers des centres de soins à but lucratif était détenu par des sociétés de capital-investissement.

L'essor des prestataires de soins privés soutenus par des sociétés de capital-investissement est tantôt controversé (en termes d'équité et de qualité des soins), tantôt considéré comme ayant des effets positifs, notamment sur le développement de la télémédecine et en termes d'efficacité des services fournis. Cependant, les études disponibles ne permettent pas de tirer de conclusions fermes sur l'impact global de l'actionnariat privé sur l'offre de soins primaires en Suède.

Il n'existe pas de réglementation spécifique concernant l'intervention d'investisseurs financiers dans le secteur de la santé en Suède. Cependant, la loi de 2023 sur les investissements directs étrangers, qui prévoit des obligations de notification et d'autorisation pour les investissements dans des secteurs jugés critiques, s'applique potentiellement aux entreprises suédoises du secteur de la santé.

a) Le cadre général : l'organisation et la gouvernance du système de santé

Le système de santé suédois est décentralisé et organisé en trois niveaux : national, régional et local68(*).

Au niveau national, le ministère de la santé et des affaires sociales, avec le soutien de nombreuses agences69(*), est responsable de la politique générale de santé et de la supervision du système.

Les 21 régions (autrefois dénommées comtés), dont le rôle central a été reconnu par la loi de 1982 sur les services de santé, sont responsables du financement, de l'achat et de la fourniture des soins de santé primaires, spécialisés et psychiatriques70(*). Les régions collaborent au sein de six grandes zones géographiques appelées « régions de soins de santé collaboratifs », qui disposent chacune d'au moins un hôpital universitaire. En 2023, on dénombrait également 59 hôpitaux régionaux réservés aux urgences, un grand nombre de cliniques spécialisées, environ 1 200 centres de soins primaires et 4 430 cliniques dentaires71(*).

Au niveau local, les 290 municipalités sont en charge des soins aux personnes handicapées, des services de réadaptation, des soins à domicile, des soins aux personnes âgées et des soins de santé scolaire. Elles gèrent environ 25 % des dépenses de santé72(*).

Vue d'ensemble du système de santé suédois

Parliament (Riksdag)

National government

Ministry of Health and Social Affairs

6 collaborative health care regions

290 municipalities

Government agencies: NBHW, IVO, SBU, PHA, MPA,

TLV, FORTE, EHA, MFD, MFoF, AHCSA, HSAN, SIA

21 regions

7 university hospitals

Providers of health care and care to elderly and people with

functional impairments (ordinary and special housing)

59 regional emergency hospitals

1 450 pharmacies

Specialized medical clinics

1 100 -1 200 CSPs

4 430 Dental clinics

Source : Janlöv Nils et al., Sweden - Healthcare system review, European Observatory on Health and Policies (vol. 25, no. 4) , 2023, p. 19.

En raison du fort degré de décentralisation et de la tradition d'autonomie locale suédoise, il existe des disparités géographiques dans la manière dont les soins de santé sont organisés et fournis73(*). Ces inégalités ont entraîné, depuis la fin des années 1990, un mouvement de concentration et de recentralisation à l'échelle régionale, notamment à travers des fusions d'hôpitaux et la création de centres régionaux de traitement du cancer ou d'autres soins hautement spécialisés. Cette politique de recentralisation vise à maintenir la qualité des soins en concentrant les procédures peu courantes dans des centres spécialisés. Parallèlement, les régions se sont engagées à renforcer les services de santé de proximité en développant les centres de soins primaires et à améliorer l'accès aux services de santé numériques à distance74(*).

En dépit de ces efforts, une recentralisation du système de santé au niveau national est actuellement à l'étude afin d'améliorer l'efficacité et l'équité du système de santé et de réduire les délais d'attente pour les patients. Une commission spéciale a été nommée à cet effet par le gouvernement de centre-droit (dans le cadre de l'accord de Tidö) et devrait rendre ses conclusions en juin 202575(*).

Le système de santé suédois est principalement financé par l'impôt et offre une couverture santé universelle étendue, avec des tickets modérateurs relativement faibles pour les patients76(*). L'assurance santé privée est peu développée, même si elle progresse depuis 15 ans77(*).

L'assurance santé privée78(*)

En 2018, près de 660 000 Suédois possédaient une assurance santé privée (privat sjukvårdsförsäkring), soit environ une personne sur sept parmi les employés âgés de 16 à 64 ans. Bien que l'assurance santé privée devienne plus courante, elle ne représentait encore que 0,6 % de l'ensemble des dépenses de santé en 2019. En Suède, l'assurance santé privée peut être souscrite individuellement ou en tant que police de groupe, souvent par l'intermédiaire de l'employeur ou d'un syndicat. En 2018, environ 90 % des polices étaient des polices de groupe, dont environ deux tiers étaient souscrits par les employeurs. L'assurance santé privée est plus répandue dans les régions métropolitaines et dans les secteurs de la construction et des services financiers. Pour souscrire à une assurance santé, certaines conditions sont imposées par l'assureur, comme une déclaration de santé ou un examen médical, ou, dans le cas des assurances payées par l'employeur, la capacité de travailler à plein temps.

L'assurance santé privée couvre des mesures préventives, des soins spécialisés planifiés et de la rééducation, mais pas les soins d'urgence. Les services de santé proposés complètent principalement ceux du système de santé public, avec des garanties d'accès plus rapide aux soins. Les compagnies d'assurance collaborent avec des prestataires de soins privés, qui peuvent également avoir des accords parallèles avec plusieurs compagnies d'assurance et plusieurs régions. Ces accords parallèles et la possibilité que les prestataires privés privilégient les patients ayant une assurance santé privée ont suscité un débat sur le respect du principe de priorité en fonction des besoins.

Depuis juillet 2018, l'assurance santé privée payée par l'employeur est un avantage imposable pour les employés. Le gouvernement précédent a également lancé une enquête indépendante pour réglementer le marché privé de l'assurance santé et empêcher les prestataires privés de prioriser les patients ayant une assurance santé privée.

b) Une ouverture plus large à la concurrence depuis la réforme de 2010 sur la liberté de choix en matière de soins primaires

En Suède, l'offre de soins, que ce soit dans le domaine hospitalier ou celui des soins primaires, repose traditionnellement sur des établissements publics gérés par les régions ou les municipalités. En 2020, 83 % de la production de soins (en termes de dépenses) était assurée par des prestataires publics79(*).

La loi de 2008 sur le système de choix dans le secteur public80(*), obligatoire depuis janvier 2010 dans le secteur de la santé, a marqué une césure importante en ouvrant à la concurrence les soins de santé gérés par les régions et les municipalités. Cette réforme instaure, d'une part, la liberté d'établissement pour tous les prestataires de santé publics et privés remplissant les exigences fixées par les régions ou municipalités et, d'autre part, consacre la liberté des patients de choisir librement leur prestataire de soins primaires, qu'il soit public ou privé, à condition que ce dernier ait conclu un contrat avec la région81(*). Parallèlement aux soins fournis par des établissements publics, les régions peuvent conclure des marchés publics avec des prestataires privés pour la fourniture de soins de santé, financés par la puissance publique.

Les exigences fixées par les régions pour autoriser un prestataire à s'installer concernent généralement les compétences cliniques, les heures d'ouverture, l'accessibilité et le respect de certaines lignes directrices. De plus, les prestataires de santé doivent avoir passé un contrat avec la région pour obtenir des remboursements de l'assurance maladie publique. Si le prestataire de santé privé n'est pas sous contrat, le patient doit payer la totalité des traitements et soins reçus82(*).

Les soins primaires83(*)

En Suède, les soins primaires revêtent une importance de premier plan. Ils sont principalement financés et gérés par les régions, qui supervisent les centres de soins primaires (CSP), les centres d'urgence communautaires et les soins de santé maternelle. Les municipalités financent quant à elles les soins de santé pour les patients qui bénéficient de services sociaux, les soins de santé à domicile (par exemple pour les personnes âgées) et les soins de suite après une hospitalisation.

Les quelque 1 200 CSP sur le territoire suédois fournissent généralement des services de médecine générale, de réadaptation, de soutien psychosocial et d'urgence au niveau local. L'offre de services spécifiques comme les soins pédiatriques, les soins podologiques, la santé maternelle et les centres pour jeunes varie d'une région à l'autre, certains les intégrant aux services de base, tandis que d'autres les proposent en option.

Le rôle de filtre des soins primaires varie également selon les régions, permettant aux patients de consulter des spécialistes ambulatoires, localement ou dans une autre région. Les consultations en soins primaires sont assurées par divers professionnels de la santé, incluant médecins, infirmières, physiothérapeutes et psychologues. En complément des CSP traditionnels, les consultations numériques en soins primaires ont connu une expansion rapide, en particulier pendant la pandémie de Covid-19 (de 20 000 téléconsultations en 2016 à 2,3 millions en 2020).

Depuis la réforme de 2010, le système suédois se caractérise par le libre choix des patients entre prestataire de soins public et privé et une liberté d'établissement permettant aux prestataires de s'installer dans différentes régions. Les régions définissent les responsabilités des CSP, les modes de paiement (ie. paiement à l'acte, paiement par capitation, paiement à la performance) et les niveaux de rémunération, offrant ainsi une compensation aux prestataires qui respectent les critères régionaux, selon des modalités très hétérogènes.

Par ailleurs, depuis 2022, le choix des prestataires est régulé au niveau national, obligeant les patients à s'inscrire préalablement auprès d'un CSP (public ou privé) ayant contractualisé avec la région. Ils ont la possibilité de changer de prestataire deux fois par an au maximum.

La loi sur le patient de 201584(*) a amplifié la liberté de choix des patients en leur permettant de choisir un prestataire de soins primaires ou un prestataire de soins spécialisés ambulatoires dans tout le pays, quelle que soit leur région d'origine.

Cette liberté de choix du prestataire sans restriction géographique a eu des conséquences inattendues, notamment en favorisant l'émergence de nouveaux prestataires de santé numérique à travers le pays. Ces prestataires spécialisés dans les soins en ligne offrent leurs services à l'échelle nationale (par exemple les sociétés Capio AB, Nordic Healthcare, Praktikertjänst et Kry International), suscitant un débat sur l'augmentation des dépenses de santé et la nécessité d'adopter une approche davantage fondée sur les besoins.

L'ouverture à la concurrence et le libre choix des prestataires de santé permis par la réforme de 2010 ont entraîné une hausse du nombre de prestataires de santé privés et de leur part dans les dépenses de santé, en particulier dans le secteur des soins primaires (cf. encadré infra).

c) L'essor de l'offre de soins privée et le phénomène de financiarisation

La diversité des acteurs privés

En Suède, les services de santé privés comprennent à la fois des établissements à but non lucratif et des établissements à but lucratif :

- le secteur privé non lucratif se compose principalement de fondations ou de structures de type associatif. Ces organisations réinvestissent les excédents financiers dans l'amélioration des services et des infrastructures ; d'autres structures de santé fonctionnent comme des coopératives ou des associations, où les membres peuvent participer à la gestion et aux décisions. Ces établissements visent souvent à offrir des soins de qualité à des prix accessibles. Ceux-ci ont toujours été moins nombreux comparé au secteur à but lucratif. Selon l'OCDE, la croissance rapide du marché suédois des soins de santé au cours des vingt-cinq dernières années n'aurait pas été possible avec les seules entreprises à but non lucratif, qui ne souhaitent généralement pas ou n'ont pas la possibilité de se développer à la même échelle85(*). Le secteur à but non lucratif est moins étendu en Suède comparé aux pays voisins comme le Danemark, la Norvège et la Finlande86(*) ;

- le secteur privé à but lucratif se compose principalement d'établissements sous forme de filiales de grands groupes liés au capital-investissement. Ils peuvent offrir des soins de haute qualité, des temps d'attente réduits et des services supplémentaires, souvent à des coûts plus élevés ; ces établissements se concentrent souvent sur des prestations spécialisées, comme les soins dentaires, la chirurgie esthétique, et les soins de bien-être, qui peuvent ne pas être entièrement couverts par l'assurance publique. Les formes de sociétés privées de prestation de santé sont assez diverses : chaînes nationales, coopératives, groupes régionaux et centres indépendants87(*).

Les statistiques sur les structures juridiques des prestataires de soins primaires ne sont pas disponibles au niveau national, mais les données des régions de Stockholm et de Skåne indiquent que les principaux acteurs privés en soins primaires sont des entreprises ou des coopératives opérant à l'échelle nationale88(*).

Malgré la couverture universelle et de haute qualité de l'assurance santé publique en Suède, un certain nombre de Suédois optent également pour une assurance santé privée (cf. encadré supra). La motivation principale de recours à une assurance privée est de raccourcir le délai d'attente pour les consultations avec des spécialistes et pour certains traitements. Celui-ci est sensiblement plus court dans le secteur privé, notamment pour des consultations non urgentes ou des interventions électives. L'assurance privée donne généralement accès à un plus grand choix de prestataires de soins de santé, y compris des cliniques et des hôpitaux privés. En outre, ces établissements offrent souvent plus de flexibilité pour la prise de rendez-vous. Certaines assurances privées couvrent des services qui ne sont pas inclus ou qui sont limités dans l'assurance publique, tels que la physiothérapie, l'ostéopathie, la psychologie ou des traitements de bien-être spécifiques.

En Suède, le débat sur l'intervention de fonds de capital-investissement dans les établissements de santé privés existe également. Il suscite des controverses similaires à celles observées dans d'autres pays européens.

Deux enjeux principaux animent ces controverses :

· D'une part, la question de l'émergence d'un système de soins à deux vitesses, parallèlement à une possible dégradation de la qualité des soins au profit de la rentabilité.

Le marché de la santé privé en Suède a vu une augmentation significative des investissements privés et des fonds de capital-investissement. Des entreprises comme Aleris, une grande société de soins de santé privée en Scandinavie, illustrent cette tendance89(*). Les investissements privés visent souvent à améliorer l'efficacité et à réduire les temps d'attente, mais ils soulèvent également des préoccupations concernant la qualité des soins et l'équité d'accès.

La réforme de 2010 a renforcé la concurrence entre les prestataires agréés pour l'obtention de financements publics, entraînant une croissance rapide des prestataires privés. Des inquiétudes ont été exprimées quant au fait que les prestataires motivés par le profit sélectionneraient des patients présentant des risques moindres.

Le débat sur la participation des sociétés de capital-investissement dans le secteur de la santé est ainsi apparu dès les années 2010, après l'entrée en vigueur de la réforme sur le libre choix. Du côté des partisans des investissements privés, on estime généralement que ces derniers apportent des innovations et améliorent l'efficacité des services grâce à des pratiques de gestion modernes. Ils soutiennent que la participation de ces sociétés augmente la diversité et les options pour les utilisateurs des services, favorisant ainsi la compétition et l'amélioration continue. En revanche, les opposants soulignent que les bénéfices générés par ces sociétés sont souvent transférés à des actionnaires privés, parfois vers des paradis fiscaux, au lieu d'être réinvestis dans l'amélioration des services publics, tout en dénonçant une dérive dans l'utilisation des fonds publics. En outre, il est reproché à ces sociétés de trouver des moyens de minimiser leurs impôts, augmentant ainsi le coût pour les contribuables. La priorité donnée aux profits peut également conduire à des coupes budgétaires dans des domaines essentiels comme le personnel et la qualité des services90(*).

La question de la qualité des services fournis par les sociétés de capital-investissement a également été soulevée en 2013. Des incidents de mauvaise gestion et de négligence dans les soins aux personnes âgées étaient mis en lumière. Sur la question de la profitabilité du marché de la santé, les opposants soulignaient également que les sociétés de capital-investissement auraient souvent une perspective de court terme, cherchant à maximiser les profits rapidement avant de vendre, ce qui peut nuire à la durabilité des services. Les défenseurs soulignent en revanche que les entreprises privées peuvent être plus flexibles et réactives aux besoins changeants des utilisateurs, apportant des améliorations continues aux services offerts91(*).

De même, la régulation des sociétés de capital-investissement dans les secteurs de la santé et des soins était jugée insuffisante, avec des appels à des contrôles plus stricts pour garantir la qualité et l'éthique des pratiques. Les critiques proposent de renforcer les règles pour s'assurer que les entreprises respectent des normes de qualité élevées et s'engagent sur le long terme dans ces secteurs. Toutefois, un encadrement juridique souple avait été privilégié en 2010 afin de ne pas étouffer l'innovation et la diversité des prestataires92(*).

Une étude universitaire de 202193(*) a cherché s'il existait une corrélation entre de meilleurs résultats financiers, une meilleure qualité des soins et une meilleure disponibilité des services par rapport au système public. L'étude s'est basée sur les données de deux principaux fournisseurs du secteur des soins secondaires, appartenant à des fonds de capital-investissement : Capio AB et Aleris. Cette étude montre qu'il n'y a pas nécessairement de corrélation négative entre la performance financière et la qualité des soins, contredisant ainsi les critiques de certains responsables publics, selon lesquelles des marges bénéficiaires plus élevées se feraient au détriment de la qualité des soins. Les fournisseurs appartenant à des fonds de capital-investissement n'obtiendraient pas nécessairement des scores plus bas en matière de qualité et de disponibilité des soins, malgré la pression financière élevée.

Dans une étude publiée en octobre 202394(*), l'Association européenne de santé publique (Eupha) a analysé les marchés publics conclus entre les régions et les prestataires de soins privés, tout en examinant les stratégies employées par les collectivités compétentes afin d'éviter la sélection des patients selon le risque. Selon cette étude, en 2020 :

- plus de 270 nouveaux centres de soins primaires privés avaient été créés, la plupart d'entre eux étant à but lucratif ;

- 40 % des quelque 1 200 centres de soins primaires étaient privés ;

- environ un tiers des centres de soins privés à but lucratif étaient détenus par des sociétés de capital-investissement en 2018.

L'étude montre que les collectivités se sont appuyées principalement sur trois stratégies pour éviter la sélection des patients selon le risque : l'ajustement des remboursements financiers en fonction de l'état de santé et/ou du statut socio-économique des patients inscrits sur la liste, la conception de systèmes d'inscription des patients et les exigences réglementaires concernant l'étendue et le contenu des services qui doivent être offerts par tous les prestataires. Si certaines collectivités étaient plus enclines que d'autres à adopter des stratégies d'ajustement des risques au début de la réforme, ces différences se sont atténuées avec le temps. L'étude conclut enfin que, faute de recherche systématique, aucune conclusion ferme ne peut être tirée sur l'impact global de l'actionnariat privé sur l'offre de soins primaires en Suède95(*).

L'offre de soins de la société Aleris

Aleris est une entreprise privée de soins de santé qui opère en Suède, en Norvège et au Danemark. Elle est l'un des leaders sur le marché de l'offre de soins de santé en Scandinavie. Depuis 2019, la société appartient à la société Triton, un fonds d'investissement qui compte une centaine d'actionnaires, dont des fonds de pension, des fonds souverains, des compagnies d'assurance et des fondations96(*).

Depuis 2020, Aleris s'est développé en rachetant d'autres prestataires. À l'issue de ces rachats, Aleris en Suède enregistrait un chiffre d'affaires de 694 millions de couronnes suédoises en 2023 (environ 61 millions d'euros) et employait près de 4 000 personnes97(*).

Aleris gère une centaine de centres de santé et cliniques en Suède, en Norvège et au Danemark, qui couvrent une offre de services très large (soins primaires, télémédecine, nombreuses spécialités, bilans de santé, urgences, orthopédie, chirurgie plastique, psychiatrie...)98(*).

· D'autre part, la protection de la fourniture de soins de santé contre des investissements étrangers susceptibles de menacer la sécurité nationale.

Le gouvernement suédois et les autorités de régulation ont récemment renforcé les mesures de surveillance pour s'assurer que les investissements étrangers ne compromettent pas les intérêts nationaux. Cela inclut des obligations de notification et d'autorisation pour les investissements dans des secteurs jugés critiques. La mise en oeuvre de cette législation vise à protéger les infrastructures et les services essentiels contre des influences étrangères potentiellement nuisibles. Ainsi, en septembre 2023, le Parlement suédois a adopté la loi n° 2023:560 sur l'examen des investissements directs étrangers99(*), entrée en vigueur le 1er décembre 2023.

Le texte a pour objet « d'empêcher les investissements étrangers directs dans des activités suédoises dignes de protection qui peuvent avoir un effet préjudiciable sur la sécurité de la Suède ou sur l'ordre public ou la sécurité publique en Suède » (article 1er).

Aux termes de l'article 2, « la loi s'applique aux investissements dans des activités dignes de protection qui sont menées par une société à responsabilité limitée, une société européenne ou une société de personnes, ou par une association économique ou une fondation ayant son siège social en Suède ». L'objectif, qui dépasse très largement le secteur de la santé, est de mieux contrôler et surveiller les investissements d'origine étrangère afin de protéger les intérêts nationaux.

Bien que la liste des activités concernées soit limitée à ces sept catégories100(*), la formulation est très large et, dans la pratique, les règles devraient couvrir un large éventail d'entreprises, y compris des activités dans des secteurs liés aux soins de santé101(*). En effet, les travaux préparatoires du texte indiquent que « les investissements dans des entreprises suédoises qui remplissent des fonctions sociétales particulièrement importantes, tels que (...) les soins de santé (...) peuvent présenter des risques pour la sécurité de la Suède ou pour l'ordre public ou la sécurité publique102(*) ».

Statistiques sur les services fournis par les établissements de santé privés103(*)

Selon les chiffres de la Fédération des prestataires de soins de santé privés (Vårdföretagarna) :

- en 2018, les prestataires privés de fourniture de soins, tous statuts confondus, employaient 184 000 personnes. Dans les centres de soins primaires, 40 % des salariés travaillaient pour un établissement privé.

- en 2021, pour l'ensemble des services de santé (primaire, spécialisé...), 39 % des consultations dans les services de soins ambulatoires sont effectuées auprès de prestataires de soins de santé privés, comptabilisant 18 millions de patients ; pour les soins primaires, le ratio est de 50 %.

Dans les premières années ayant suivi la réforme sur le libre choix, le nombre global de centres de santé (publics et privés) a augmenté de près de 20 %, tandis que la part des centres de santé gérés par le secteur privé a augmenté de 80 %. Le nombre de centres de santé s'est stabilisé dans les dernières années.

La proportion de centres de soins primaires gérés par le secteur privé varie sensiblement d'une région à l'autre : c'est à Stockholm que la proportion de centres de soins primaires privés est la plus élevée (69 %), alors que dans certaines régions plus reculées elle ne dépasse pas 15 %. En 2021, 530 centres de soins primaires du pays étaient gérés par le secteur privé, soit 45 %.

Plus de 400 000 patients supplémentaires ont choisi de s'inscrire dans des centres de santé privés de 2016 à 2022, soit une augmentation de 11 %, tandis que les centres de soins primaires publics ont connu une stagnation, voire une diminution du nombre de patients.

Nombre de visites de patients à des prestataires de soins de santé privés 2011-2021


* 1 Yann Bourgueil et Daniel Benamouzig, La financiarisation dans le secteur de la santé : tendances, enjeux et perspectives, Sciences Po Chaire santé, juillet 2023, p. 5.

* 2  Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland, article 74.

* 3  https://www.bundesgesundheitsministerium.de/themen/gesundheitswesen/staatliche-ordnung/bundeslaender

* 4  https://www.gmkonline.de/Die-GMK.html

* 5 Katharina Schöneberg et Katrin Vitols, Workingpaper Forschungsförderung Branchenanalyse Medizinische Versorgungszentren, Nummer 288, Mai 2023, Hans Böckler Stiftung, p. 15.

* 6 Deutscher Bundestag, Antwort der Bundesregierung auf die kleine Anfrage der Fraktion der CDU/CSU, Auswirkungen investorengetragener Medizinischer Versorgungszentren auf das Gesundheitssystem in Deutschland, Drucksache 205166, 2023. Anlage, p. 3.

* 7 Sarah Minery et Zeynep Or, Comparaison des dépenses de santé en France et en Allemagne, Irdes, Rapport, n° 590, 2023, p. 16.

* 8 Katharina Schöneberg et Katrin Vitols, op. cit., p. 15.

* 9 Sarah Minery et Zeynep Or, op. cit., p. 16.

* 10  https://www.kbv.de/html/mvz.php

* 11 Claire Imbaud et François Langevin, Chapitre 32, L'organisation des Medizinische Versorgungszentren (MVZ) allemands, dans : François Langevin éd., Architecture et ingénierie à l'hôpital. Le défi de l'avenir, 2018, pp. 241-250.

* 12  https://gesundheitsdaten.kbv.de/cms/html/17021.php

* 13  https://www.kbv.de/html/bedarfsplanung.php

* 14 Claire Imbaud et François Langevin, op. cit., p. 242.

* 15  Gesetz zur Modernisierung der gesetzlichen Krankenversicherung, (GKV-Modernisierungsgesetz - GMG).

* 16  https://www.kbv.de/html/mvz.php

* 17 Ibid.

* 18 Rainer Bobsin, Private Equity im Bereich der Gesundheits- und Pflegeeinrichtigungen in Deutschland : Grundlagen, Entwicklungen und Kontroversen, 2021.

* 19 Il s'agit en effet de la date à laquelle la possibilité de créer des MVZ d'une même spécialité a été créée.

* 20 Rainer Bobsin, Arztpraxen und Medizinische Versorgungszentren: Private-Equity-Gesellschaften forcieren Konzentrations-,Internationalisierungs- und Digitalisierungsprozesse, avril 2022.

* 21 Aurora Li, Uwe Zöllner et Michael Peters, Profite vor Patientenwohl. Private-Equity-Beteiligungen an Artzpraxen in Deutschland, Finanzwende, mai 2023, p. 20.

* 22 Voir par exemple : https://www.tagesschau.de/investigativ/panorama/investorengefuehrte-arztpraxen-101.html, https://www.zeit.de/2023/03/geld-operationen-ambulant-arztpraxen-umsatz, https://www.sueddeutsche.de/projekte/artikel/politik/arztpraxis-investoren-lauterbach-gesundheitssystem-patient-e230593/?reduced=true,

https://www.zdf.de/nachrichten-sendungen/heute-sendungen/arztpraxen-finanzinvestoren-versorgung-rendite-patienten-video-100.html.

* 23 Aurora Li, Uwe Zöllner et Michael Peters, op. cit., p. 13.

* 24 Ibid.

* 25 Katharina Schöneberg et Katrin Vitols, op. cit., p. 40.

* 26 Ibid.

* 27 Deutscher Bundestag, Drucksache 205166, op. cit.

* 28 Bericht des Bundesministeriums für Gesundheit an die Arbeitsgemeinschaft der Obersten Landesgesundheitsbehörden - Gutachten zu medizinischen Versorgungszentren (MVZ) mit Investorenbeteiligung, 2022. Ce rapport a été publié en annexe de la réponse du Gouvernement fédéral à une question écrite parlementaire du groupe politique CDU/CSU en 2023 (Deutscher Bundestag, Drucksache 205166). Il se fonde sur les douze études sur les MVZ publiées par des instituts de recherche et des universitaires entre 2020 et 2022.

* 29 Bericht des Bundesministeriums für Gesundheit, op. cit., p. 3.

* 30 Ibid.

* 31 Ibid., p. 11.

* 32 Ibid.

* 33 Kassenzahnärtzliche Bundesvereinigung (KZBZ), Fremdinvestoren in der vertragszahnärztlichen Versorgung, 2024, p. 21.

* 34 Bericht des Bundesministeriums für Gesundheit, op. cit., p. 2.

* 35 Ibid., p. 2.

* 36 KZBZ, op. cit., p. 6.

* 37 Ibid.

* 38 Ibid., p. 5.

* 39 Ibid.

* 40 Bericht des Bundesministeriums für Gesundheit, op. cit., p. 9.

* 41 Ibid., p. 10.

* 42  Gesetz zur Verbesserung der Versorgungsstrukturen in der gesetzlichen Krankenversicherung, GKV-Versorgungsstrukturgesetz - GKV-VStG, 22. Dezember 2011.

* 43 Katharina Schöneberg et Katrin Vitols, op. cit., p. 25.

* 44 Ibid., p. 26.

* 45  Gesetz für schnellere Termine und bessere Versorgung (Terminservice- und Versorgungsgesetz - TSVG), 6. Mai 2019.

* 46 Gesetz zur Stärkung der Versorgung in der gesetzlichen Krankenversicherung (GKV-VSG).

* 47 Ibid.

* 48 Gesetz für schnellere Termine und bessere Versorgung.

* 49 Andreas Ladurner, Ute Walter et Beate Jochimse Stand und Weiterentwicklung der gesetzlichen Regelungen zu medizinischen Versorgungszentren, 2020.

* 50 Bericht des Bundesministeriums für Gesundheit, op. cit., p. 13.

* 51 Voir notamment : https://www.kzbv.de/versorgungsfremden-investoren-den-riegel.1816.de.html# et https://www.kzbv.de/zahnmedizinische-versorgungszentren.1280.de.html

* 52 Voir notamment : https://www.bundesaerztekammer.de/presse/aktuelles/detail/mvz-regulierung-rechtlich-moeglich-und-dringend-geboten

* 53  https://www.bbmv.de/2023/03/30/mvz-regulierung-kassen-und-landesgesundheitsminister-gehen-unterschiedliche-wege/

* 54  https://www.gkv-spitzenverband.de/gkv_spitzenverband/presse/pressemitteilungen_und_statements/pressemitteilung_1595456.jsp

* 55  https://www.tagesschau.de/inland/innenpolitik/gesetz-gegen-aufkauf-arztpraxen-101.html

* 56  https://www.bundesgesundheitsministerium.de/service/gesetze-und-verordnungen/detail/gvsg.html

* 57 Bericht des Bundesministeriums für Gesundheit, op. cit., p. 9.

* 58 Ibid., p. 10.

* 59 Ibid., p. 16-17.

* 60 Ibid., p. 21-22.

* 61 Ibid., p. 19.

* 62 Bundesrat, Entschließung des Bundesrates Schaffung eines MVZ-Regulierungsgesetzes“, 16 juin 2023, Drucksache 211/23.

* 63 Ibid.

* 64 Ibid.

* 65 Ibid.

* 66 Ibid.

* 67 Bericht des Bundesministeriums für Gesundheit, op. cit., p. 12.

* 68 Janlöv Nils et al., Sweden - Healthcare system review, European Observatory on Health and Policies (vol. 25, no. 4) , 2023, p. 10.

* 69 Dont en particulier le Conseil national de la santé et du bien-être (Socialstyrelsen), qui est l'agence centrale du gouvernement pour les services de santé et sociaux.

* 70 OECD, European Observatory on Health and Policies, State of Health in the EU, Sweden Country Health Profile 2023, p. 9.

* 71 Janlöv Nils et al., op. cit., p. 25.

* 72 Ibid.

* 73 Ibid., p. 18.

* 74 Ibid., p. 25.

* 75 https://www.euractiv.com/section/health-consumers/news/sweden-explores-increased-state-control-over-healthcare/

* 76 Janlöv Nils et al., op. cit., p. 51.

* 77 OECD, European Observatory on Health and Policies, State of Health in the EU, op. cit., p. 10.

* 78 Janlöv Nils et al., op. cit., p. 79.

* 79 Ibid., p. 18.

* 80 Lag om valfrihetssystem 2008:962

* 81 Janlöv Nils et al., op. cit., p. 45.

* 82 Ibid., p. 74

* 83 Janlöv Nils et al., op. cit., p. 111 et suiv.

* 84  Patientlag (2014:821)

* 85 OCDE, Groupe de travail n° 2 sur la concurrence et la réglementation, Concevoir des marchés de soins de santé financés par des fonds publics - Note de la Suède, novembre 2018, p. 4.

* 86 Janlöv Nils et al., op. cit., p. 114.

* 87 Ibid.

* 88 Ibid.

* 89 Voir infra.

* 90 Riksdag, compte rendu intégral des débats, débat du 23 janvier 2013 sur le capital-investissement dans l'éducation, la santé et l'aide sociale, Prot. 2013/14:59, pp 16 et suiv.

* 91 Ibid.

* 92 Ibid.

* 93 Christoffer Lindbom et Noah Jost, Private equity ownership in the Swedish secondary healthcare sector and its impact on financial performance, availability and quality of care, Lund University, School of Economics and Management, 2021.

* 94 European Public Health Association, Private equity investment in Sweden's primary care sector and regulatory responses to avoid risk selection, in European Journal of Public Health, Volume 33, Issue Supplement_2, octobre 2023.

* 95 Ibid.

* 96  https://www.aleris.se/bolagsstyrning

* 97  https://www.bolagsfakta.se/5567431951-Aleris_Narsjukvard_AB B

* 98  https://www.aleris.se/om-aleris/

* 99  Lag (2023:560) om granskning av utländska direktinvesteringar

* 100 L'article 3 de la loi définit ainsi les « activités dignes de protection » : 1. les activités importantes pour la société ; 2. les activités sensibles sur le plan de la sécurité (...) ; 3. la prospection, l'extraction, l'enrichissement ou la vente de matières premières critiques ou de métaux ou minéraux d'importance stratégique pour l'approvisionnement de la Suède ; 4. le traitement à grande échelle de données personnelles sensibles ou de données de localisation dans ou par le biais d'un produit ou d'un service ; 5. la fabrication ou le développement, la recherche ou la fourniture de matériel de guerre (...) ou la fourniture d'une assistance technique liée à ce matériel de guerre ; 6. la fabrication ou le développement, la recherche ou la fourniture de biens à double usage ou la fourniture d'une assistance technique liée à ces biens ; et 7. la recherche ou la fourniture de produits ou de technologies dans le domaine des technologies émergentes ou d'autres technologies à valeur stratégique, ou les activités ayant la capacité de fabriquer ou de développer de tels produits ou de développer de telles technologies.

* 101  https://www.whitecase.com/insight-our-thinking/foreign-direct-investment-reviews-2024-sweden

* 102  https://www.regeringen.se/contentassets/ab453b2fde624fe9ae9caed6cddd5956/ett-granskningssystem-for-utlandska-direktinvesteringar-till-skydd-for-svenska-sakerhetsintressen.pdf (p. 25)

* 103 Vårdföretagarna, Privat Vårdfakta 2022, Fakta och statistik om den privat drivna vård- och omsorgsbranschen.

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