- 1. Synthèse
- 1. 2. Tableau de synthèse
- 1. 3. Australie
- a) Le contexte et la répartition des
compétences
- b) Les instruments juridiques en faveur de la
protection des terres privées
- (1) Les accords de conservation prévus
l'EPBC Act (Conservation agreements)
- (2) Les servitudes environnementales (Conservation
covenants)
- (3) Les accords de gestion de la
biodiversité (Biodiversity stewardship agreements) en Nouvelle-Galles du
Sud
- c) Les instruments économiques
- (1) Les crédits carbone
- (2) Les fonds renouvelables (Revolving
funds)
- d) Statistiques, coût et évaluation
des dispositifs
- (1) Données statistiques
- (2) Coût pour les finances publiques
- (3) Évaluation
- a) Le contexte et la répartition des
compétences
- 4. Canada
- a) Le contexte et la répartition des
compétences
- b) Le cadre juridique des servitudes de
conservation
- c) Les objectifs, la nature et le contenu du
contrat de servitude
- (1) Les objectifs
- (2) La nature et le contenu du contrat de
servitude
- d) Les avantages pour les propriétaires
- (1) Les crédits d'impôt sur le
revenu
- (2) La réduction des gains en capital
imposables
- (3) Exonérations de taxes
foncières
- (4) Le principe du fractionnement des reçus
(split receipting)
- (5) La programme des dons
écologiques
- (6) Critères d'évaluation et
suivi
- e) Statistiques, coût et évaluation
des dispositifs
- (1) Étendue et caractéristiques des
servitudes de conservation
- (2) Coûts pour les finances publiques
- (3) Évaluation
- a) Le contexte et la répartition des
compétences
- 5. États-Unis
- a) Le contexte et la répartition des
compétences
- b) Le cadre juridique des servitudes de
conservation
- c) Les objectifs, la nature et le contenu des
accords de servitude
- (1) Les objectifs
- (2) La nature et le contenu des accords de
servitude
- d) Les avantages pour les
propriétaires
- (1) La déduction de l'impôt
fédéral sur le revenu (Federal Tax Deduction)
- (2) Les réductions de droits de
succession (Estate Tax Incentive)
- (3) Les incitations fiscales au niveau
fédéré : l'exemple du Colorado
- (a) Le crédit d'impôt sur le
revenu
- (b) Les fonds spéciaux
- e) Statistiques, coût et évaluation
du dispositif
- a) Le contexte et la répartition des
compétences
- 6. Suisse
2025
- LÉGISLATION COMPARÉE -
NOTE
sur
LES OUTILS JURIDIQUES DE PROTECTION DES TERRES PRIVÉES
_____
Australie - Canada - États-Unis - Suisse
_____
Cette note a été réalisée en janvier 2025 à la demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
AVERTISSEMENT
Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la division de la Législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.
LES OUTILS JURIDIQUES DE PROTECTION DES TERRES PRIVÉES
À la demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, la division de la Législation comparée a réalisé une étude sur l'équivalent des obligations réelles environnementales dans quatre pays : l'Australie, le Canada, les États-Unis et la Suisse. Cette étude analyse successivement le cadre juridique, les objectifs, le contenu, les avantages, notamment financiers, pour les propriétaires des différents instruments juridiques volontaires en faveur de la protection des terres, ainsi que leur coût et les évaluations disponibles.
1. Synthèse
La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a introduit la notion d'obligations réelles environnementales (ORE) en droit français. Cette loi permet aux propriétaires fonciers de protéger volontairement la biodiversité via un contrat juridiquement contraignant avec une entité publique ou privée. Ces contrats, flexibles et durables (jusqu'à 99 ans), incluent des obligations passives (abstention) et actives (actions concrètes) pour préserver ou restaurer des écosystèmes. Ils offrent des avantages fiscaux, comme une éventuelle exonération de taxe foncière, et facilitent la compensation écologique pour les aménageurs.
Le modèle français d'ORE s'inscrit dans une tendance internationale plus large de dispositifs juridiques visant à protéger les terres privées, que ce soit par des engagements volontaires, des incitations fiscales ou des mécanismes contractuels adaptés aux contextes locaux et aux défis écologiques mondiaux.
Les outils juridiques de protection des terres privées, inégaux selon les contextes nationaux, convergent dans leurs principes fondamentaux et dans leurs objectifs. Ces dispositifs combinent des mécanismes juridiques innovants, des incitations économiques et fiscales et une participation active des propriétaires privés pour protéger des écosystèmes, des paysages et des ressources naturelles souvent menacés.
L'approche repose principalement sur des accords volontaires, tels que les servitudes de conservation (conservation easements, parfois aussi traduits par le terme « servitude environnementale ») utilisées aux États-Unis et au Canada, les accords de conservation en Australie ou encore les contrats environnementaux en Suisse. Ces mécanismes permettent d'imposer des restrictions sur l'utilisation des terres afin d'en préserver les valeurs écologiques, agricoles ou culturelles, tout en maintenant les droits des propriétaires. La durée de ces engagements varie selon les juridictions : ils sont souvent perpétuels, comme aux États-Unis, ou assortis de limitations temporelles dans certains cas. En Australie, les servitudes de conservation garantissent la pérennité des objectifs de conservation en liant juridiquement les propriétaires actuels et futurs.
Pour encourager l'adoption de ces outils, des incitations économiques et fiscales significatives ont été mises en place. Aux États-Unis, les propriétaires peuvent bénéficier de déductions fiscales importantes, jusqu'à 100 % de leur revenu imposable pour les agriculteurs, avec la possibilité de reporter ces avantages sur plusieurs années. Au Canada, les crédits d'impôt pour dons de terres écosensibles et l'exonération des gains en capital offrent des avantages comparables. En Australie, les propriétaires peuvent générer des revenus via des marchés environnementaux, notamment par la vente de crédits biodiversité (pour les accords de gestion de la biodiversité en Nouvelle-Galles du Sud) ou de crédits carbone, tout en bénéficiant d'avantages fiscaux.
Dans les quatre États fédéraux étudiés, les cadres juridiques des instruments de conservation relèvent généralement essentiellement des États fédérés, même s'il existe certains fondements communs. L'Uniform Conservation Easement Act aux États-Unis propose un modèle harmonisé pour la création de servitudes. Au Canada, les dispositifs relèvent exclusivement des législations provinciales. En Australie, l'Environment Protection and Biodiversity Conservation Act fournit un cadre solide au niveau fédéral, tout en reconnaissant le rôle des États dans la mise en oeuvre. En Suisse, des outils, tels que le cadastre des restrictions de droit public, apportent une transparence essentielle en matière d'utilisation des sols et de protection environnementale.
Le rôle des organisations non gouvernementales et des fiducies foncières (sociétés à but non lucratif détenant des terrains pour le compte de tiers) est souvent déterminant dans la mise en oeuvre et le suivi de ces outils. Aux États-Unis, les land trusts gèrent une grande partie des servitudes et collaborent étroitement avec les propriétaires. Au Canada, les fiducies foncières locales et nationales jouent un rôle similaire en assurant l'expertise technique et la pérennité des accords. En Australie, des entités comme le Biodiversity Conservation Trust en Nouvelle-Galles du Sud travaillent directement avec les propriétaires pour garantir une gestion active et durable des terres, en favorisant l'échange de connaissances et la mise en place de solutions de financement innovantes.
Cependant, ces dispositifs comportent des limites. Les évaluations disponibles soulignent les coûts élevés des transactions, la complexité administrative et la réticence de certains propriétaires face aux restrictions imposées comme des obstacles récurrents.
1. 2. Tableau de synthèse
Australie |
Canada |
États-Unis |
Suisse |
|
Cadre légal et structure de gouvernance |
· Compétence partagée entre le niveau fédéral et les États. · EPBC Act. |
· Législations provinciales prédominantes, soutenues par des incitations fiscales fédérales. |
· L'UCEA (1981) fournit un cadre modèle. Régulation mixte fédérale/étatique. |
· Code civil et lois fédérales spécifiques (LAT, LPN). Coordination fédérale /cantonale. |
Types d'outils juridiques |
· Accords de conservation au niveau fédéral ou au niveau des États, servitudes environnementales. |
· Servitudes de conservation, dons écologiques, accords pour terres écosensibles. |
· Servitudes de conservation, perpétuelles ou limitées, adaptées localement. |
· Contrats environnementaux, restrictions cadastrales, paiements directs agricoles. |
Incitations économiques et fiscales |
· Avantages fiscaux fédéraux, crédits carbone, crédits biodiversité et fonds renouvelables dans certains États. |
· Crédits d'impôt fédéraux et provinciaux, exonération des gains en capital. |
· Déductions fiscales jusqu'à 100 % pour les agriculteurs, crédits d'impôt transférables dans certains États, réductions de droits de succession. |
· Paiements directs pour prestations écologiques. · Absence d'incitations fiscales. |
Implication des parties prenantes |
· Rôle central des administrations locales et entités comme le Biodiversity Conservation Trust. |
· Fiducies foncières locales/nationales · Rôle important des organismes de conservation. |
· Rôle clé des land trusts et fiducies foncières, soutenus par des fonds publics. |
· Collaboration entre propriétaires, cantons et associations environnementales. |
Objectifs et priorités |
· Biodiversité, habitats critiques, zones humides/marines. |
· Biodiversité, bassins versants, prairies indigènes, habitats critiques. |
· Biodiversité, espaces agricoles, paysages ouverts, patrimoine historique. |
· Biodiversité, paysages protégés, zones agricoles. |
Mécanismes de suivi et transparence |
· Suivi par des entités comme le ministère de l'environnement, audits réguliers. |
· Registres provinciaux pour les servitudes, suivi assuré par les titulaires. |
· Base nationale des servitudes, audits réguliers par les détenteurs. |
· Cadastre des restrictions de droit public. |
Échelle et impact |
· Env. 100 000 km² de zones protégées privées couvertes par des accords ou des servitudes de conservation en 2022 |
· 1 290 km² sous servitudes en 2011, augmentation continue. |
· Env. 154 000 km² en 2024. |
N.d. |
Enjeux et limites |
· Coût élevé des programmes, disparité entre juridictions étatiques, complexité administrative. |
· Réticence des propriétaires face aux restrictions, coûts administratifs élevés. |
· Risques d'abus fiscaux, hétérogénéité des cadres légaux entre États. |
N.d. |
1. 3. Australie
En 2022, le gouvernement fédéral australien a fixé l'objectif de classer au moins 30 % des surfaces terrestres et marines du pays en tant que zones protégées à l'horizon 2030.
Le droit australien prévoit divers instruments juridiques en faveur de la protection des terres, en particulier des terres privées :
- au niveau fédéral, les accords de conservation (conservation agreements) prévus par l'Environment Protection and Biodiversity Act (EPBC Act) sont conclus entre l'État fédéral australien et des autorités locales ou des propriétaires fonciers privés afin de préserver des terrains publics ou privés ou des aires marines, riches en biodiversité ou hébergeant certaines espèces ou habitats spécifiques. Ils peuvent prévoir des mesures de prévention, d'atténuation ou de restauration ainsi que des aides financières et techniques de la part de l'État fédéral. Contraignants pour les signataires et leurs successeurs, ces accords sont modifiables ou révocables. 25 accords de conservation de ce type sont actuellement en vigueur ;
- régies par le droit des États fédérés, les servitudes de conservation (conservation covenants) sont conclues entre un propriétaire foncier privé et une entité à but non lucratif (agence ou collectivité locale) et sont inscrites sur les titres fonciers. Juridiquement contraignantes pour les propriétaires actuels et futurs, elles permettent une protection de long terme en limitant l'utilisation des terrains pour préserver leur valeur écologique, scientifique ou culturelle. Sous certaines conditions, elles ouvrent droit à des avantages fiscaux au niveau fédéral, voire à d'autres incitations fiscales dans certains États. On dénombre plus de 2 600 servitudes environnementales dans les seules zones protégées et bien plus à l'échelle de l'Australie ;
- en Nouvelle-Galles du Sud, des accords de conservation d'un type particulier, dénommés accords de gestion de la biodiversité (Biodiversity stewardship agreements), intègrent un système de crédits biodiversité, dont la vente a vocation à financer les efforts de conservation des propriétaires fonciers, sur le long terme. En 2022, il existait environ 230 accords de gestion de la biodiversité en vigueur dans cet État.
Par ailleurs, d'autres instruments incitatifs en faveur de la protection des terres privées existent, tels que la possibilité pour les propriétaires fonciers protégeant des zones forestières ou humides d'obtenir des crédits carbone ou, dans certains États, des fonds renouvelables ayant pour mission d'acheter des terrains, d'inscrire une servitude de conservation sur leur titre de propriété puis de les revendre à des particuliers s'engageant en faveur de la protection des terres.
a) Le contexte et la répartition des compétences
En Australie, le droit de l'environnement relève de la compétence de droit commun des États fédérés1(*). Dans les faits, bien que cette matière ne figure pas à l'article 51 de la Constitution énumérant les domaines relevant de la compétence d'attribution de l'État fédéral2(*), l'environnement constitue une compétence concurrente entre l'État fédéral et les États fédérés. La législation fédérale a notamment vocation à intégrer dans le droit interne les dispositions issues des traités internationaux et encadre les questions environnementales « d'importance nationale »3(*). Chaque État et territoire demeure responsable de la gestion de ses ressources naturelles mais la manière dont ces responsabilités sont exercées varie considérablement d'une juridiction à l'autre4(*).
Conformément au cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, le gouvernement fédéral australien s'est fixé en décembre 2022, l'objectif de classer au moins 30 % des surfaces terrestres et marines du pays comme zones protégées à l'horizon 2030 (30 by 30 target). Cet engagement est soutenu par les États et territoires australiens5(*).
En 2022, les zones protégées représentaient 22 % du territoire, soit 170 millions d'hectares, marquant une progression d'environ 2,5 % par rapport à 20206(*). Pour atteindre l'objectif de 30 %, il est nécessaire de protéger 60 millions d'hectares supplémentaires, soit une superficie équivalente aux trois quarts de l'État de la Nouvelle-Galles du Sud.
Au niveau fédéral, le principal texte législatif en matière de préservation de la biodiversité est la loi n° 91 de 1999 sur la protection de l'environnement et la conservation de la biodiversité (Environment Protection and Biodiversity Conservation Act, EPBC Act)7(*). Celle-ci procède notamment à l'identification des sites relevant du patrimoine mondial, liste les espèces menacées et les questions d'importance nationale pour l'environnement (par exemple, les zones humides d'importance nationale et le parc marin de la Grande Barrière de Corail) et met en oeuvre les obligations de l'Australie en vertu des traités internationaux8(*). L'EPBC Act encourage également une approche collaborative à travers la conclusion d'accords avec les États fédérés et territoires, la reconnaissance du rôle des populations autochtones ainsi que l'introduction d'accords de conservation (conservation agreements), conclus sur une base volontaire entre l'État fédéral et des propriétaires fonciers privés9(*).
Le droit australien met un accent particulier sur la protection des terres privées. De multiples instruments juridiques et mécanismes incitatifs ont été mis en place par le gouvernement fédéral, les États fédérés et les administrations locales afin d'encourager les propriétaires fonciers privés à participer à des actions de conservation de la biodiversité10(*). Par ailleurs, dans le cadre du système de réserve nationale (National Reserve System), un réseau de zones protégées à l'échelle nationale, leurs propriétés peuvent être reconnues comme réserves naturelles officielles11(*).
La présente étude se concentre sur les trois principaux instruments juridiques volontaires en faveur de la protection des terres privées :
- les accords de conservation (conservation agreements) prévus par l'EPBC Act et relevant de l'échelon fédéral. Ces accords entre l'État fédéral et des propriétaires privés ou d'autres parties prenantes sont contraignants pour les signataires et leurs successeurs mais restent modifiables, voire révocables sous certaines conditions. La législation de certains États fédérés prévoit également des accords de conservation, sous différentes dénominations (conservation agreements, wildlife refuge agreements ou encore nature conservation trust agreements)12(*). En l'absence de liste exhaustive, ni de comparatif de ces divers dispositifs, l'étude a retenu uniquement l'exemple le plus significatif, à savoir les accords de gestion de la biodiversité en Nouvelle-Galles du Sud ;
- les servitudes de conservation (conservation covenants), régies au niveau fédéré par les lois des États et territoires et ouvrant droit à certains avantages fiscaux au niveau fédéral. Ces outils prévoient des engagements juridiquement contraignants, comme des restrictions d'usage ou des pratiques de gestion durables, inscrits sur les titres fonciers et assurant une protection de plus long terme des terres ;
- et, enfin, les accords de gestion de la biodiversité (Biodiversity stewardship agreements), mentionnés ci-avant, mis en place par l'État de Nouvelle-Galles du Sud en 2016. Ceux-ci présentent la spécificité de reposer sur une approche de marché régulée, permettant aux propriétaires de générer et de vendre des « crédits de biodiversité ».
b) Les instruments juridiques en faveur de la protection des terres privées
(1) Les accords de conservation prévus l'EPBC Act (Conservation agreements)
Encadrés par la partie 14, chapitre 5 de l'EPBC Act13(*), les accords de conservation (conservation agreements), ont pour objectif de renforcer la gestion durable et la protection des ressources naturelles et culturelles australiennes.
Ils sont conclus entre l'État fédéral australien - plus précisément le ministre fédéral en charge de l'environnement - et des tierces parties qui peuvent être des propriétaires fonciers privés, des entreprises ou des autorités locales14(*).
Ils peuvent concerner des terrains privés ou publics ou des aires marines15(*) afin de protéger ou de conserver tout ou partie des éléments suivants : la biodiversité, les sites classés au patrimoine mondial, national ou du Commonwealth australien, des zones humides importantes (Ramsar), des ressources en eau menacées par des projets miniers ou gaziers ou encore des zones marines et terres appartenant au Commonwealth16(*). En revanche, ces accords ne peuvent s'appliquer aux zones déjà classées comme réserves du Commonwealth, qui relèvent d'autres mécanismes de protection17(*).
Les accords de conservation au titre de l'EPBC Act peuvent prévoir des actions favorables à la protection de la biodiversité et des actions de prévention ou d'atténuation des impacts négatifs sur les habitats critiques, les espèces menacées et les écosystèmes fragiles. Afin d'atteindre leurs objectifs, les accords de conservation peuvent exiger des propriétaires ou gestionnaires fonciers diverses mesures : l'obligation d'exercer des activités favorisant la protection de la biodiversité, de limiter ou de s'abstenir de mener des actions nuisibles à l'environnement ou à la biodiversité ou encore de contribuer aux frais de mise en oeuvre de l'accord18(*).
En contrepartie, les accords de conservation peuvent engager l'État fédéral à fournir aux propriétaires des aides financières, techniques ou d'une autre nature pour les soutenir dans la réalisation des objectifs définis19(*). Ces aides visent à garantir une mise en oeuvre efficace des actions de conservation, tout en assurant une collaboration étroite entre les parties concernées. Elles doivent être utilisées par les propriétaires exclusivement aux fins prévues par l'accord20(*). Jusqu'en 2023, la plupart des subventions fédérales étaient versées dans le cadre du programme national de protection des terres (National Landcare Program, cf. infra)
En complément des subventions, les propriétaires fonciers peuvent bénéficier d'une assistance technique pour gérer leurs terres de manière durable. Les Landcare Networks, qui fonctionnent dans le cadre du National Landcare Program, regroupent des communautés locales, des agriculteurs et des experts environnementaux pour fournir des conseils pratiques adaptés aux besoins spécifiques de chaque propriété21(*). Ces réseaux offrent une assistance technique sur divers projets, notamment le reboisement, la lutte contre les espèces envahissantes, la stabilisation des sols pour réduire l'érosion et la gestion des ressources hydriques22(*). Les Landcare Networks organisent également des ateliers, des formations et fournissent des outils technologiques pour surveiller les progrès des initiatives de conservation23(*).
L'État fédéral, à travers les services du ministère en charge de l'environnement, doit veiller à ce que chaque accord contribue de manière substantielle à la protection de la biodiversité et qu'il s'intègre dans les cadres stratégiques existants, tels que les plans de récupération d'espèces ou de gestion des écosystèmes.
Les accords de conservation sont juridiquement contraignants pour l'État australien, toutes les autres parties signataires et « tout successeur à la totalité ou à une partie des droits détenus par les signataires au moment de la conclusion de l'accord, sur les lieux couverts par celui-ci »24(*). Un accord peut être modifié ou résilié par consentement mutuel entre l'État fédéral et l'autre partie concernée, ou selon les conditions prévues dans l'accord lui-même. Cependant, si les services du ministère compétent estiment qu'un accord ne parvient pas à atteindre ses objectifs, ils sont habilités à le modifier ou à y mettre fin unilatéralement par un arrêté publié au Journal officiel25(*).
En cas de manquement à un accord de préservation par l'une des parties, les autres parties peuvent demander une injonction auprès de la Cour fédérale. Cette injonction peut obliger la partie fautive à cesser les actes violant l'accord ou à entreprendre des actions pour réparer ou atténuer les dommages environnementaux causés par ces actes ou omissions26(*).
À ce jour, l'État fédéral australien est partie à 25 accords de conservation, dont cinq avec des propriétaires fonciers privés, onze avec des entreprises et le reste avec des entités publiques (collectivités locales ou État fédéré). Conformément à l'EPBC Act, ces accords sont publiés sur le site internet du ministère de l'environnement27(*).
Exemples d'accords de conservation conclus au titre de l'EPBC Act
Nouvelle-Galles du Sud
Accord de conservation avec le conseil du comté d'Eurobodalla pour la protection et la conservation du renard volant à tête grise (Pteropus poliocephalus) à Batemans Bay.
Accord de conservation avec les propriétaires fonciers (B. et M. Blunden) pour la protection d'espèces ou de communautés écologiques menacées répertoriées en vertu de l'EPBC Act à Myrtle Creek, Bungawlbyn.
Queensland
Accord de conservation avec les propriétaires fonciers (S. et J. Singh) pour retirer toutes les bananes dans deux zones riveraines identifiées à Bingil Bay, Queensland, et restaurer l'état naturel de ces zones.
Tasmanie
Accord de conservation avec le gouvernement de Tasmanie pour la protection et la conservation des zones de forêt domaniale séparant la zone du patrimoine mondial de la nature sauvage de Tasmanie des coupes de production de bois adjacentes.
Source : Australian Government, Department of Climate change Energy, the Environment and Water - https://www.dcceew.gov.au/environment/epbc/permits-and-regulation/conservation-agreements#western-australia (consulté le 7 janvier 2025)
(2) Les servitudes environnementales (Conservation covenants)
Les servitudes environnementales ou littéralement « conventions de conservation » (conservation covenants) sont des engagements volontaires inscrits sur le titre de propriété foncière, qui lient juridiquement le propriétaire actuel ainsi que les propriétaires futurs. Les lois qui encadrent cet outil juridique varient selon les États et territoires (par exemple, le Biodiversity Conservation Act de 2016 en Nouvelle-Galles du Sud ou le Victorian Conservation Trust Act 1972 dans l'État de Victoria28(*)).
En règle générale, ces servitudes sont conclues entre un propriétaire foncier et une autorité compétente, telle qu'une organisation à but non lucratif, une agence gouvernementale ou une collectivité locale, sous réserve d'agrément par le ministère fédéral de l'environnement (Covenant Scheme Provider). Contrairement à d'autres dispositifs, elles assurent une protection de long terme des terrains concernés grâce à leur inscription sur le titre foncier, ce qui les rend juridiquement contraignants pour tous les propriétaires ultérieurs29(*).
Ces servitudes établissent des limitations, des conditions ou des restrictions sur l'utilisation des terres, afin de préserver et d'améliorer leurs valeurs naturelles, culturelles ou scientifiques. Le propriétaire conserve la jouissance de son terrain, tout en collaborant avec l'autorité compétente pour protéger les caractéristiques écologiques ou culturelles de la zone30(*).
Sous réserve d'être conclues dans le cadre de programmes approuvés par le ministère fédéral de l'environnement31(*), les servitudes environnementales ouvrent droit à des avantages fiscaux au titre de la loi sur l'impôt sur le revenu au niveau fédéral32(*). En particulier, les propriétaires fonciers peuvent bénéficier de déductions fiscales pour certaines dépenses de conservation. Par exemple, la section 31-5 de la loi précitée permet des déductions pour les dépenses liées à la gestion des terres dans un cadre de préservation, tandis que la section 40-755 offre des déductions pour les travaux de conservation visant à protéger l'environnement.
Certains États, comme le Victoria, proposent des programmes incitatifs supplémentaires. Le programme de la Fondation pour la nature (Trust for Nature), par exemple, offre des réductions de taxes foncières pour les propriétaires signant des servitudes environnementales33(*). Ces incitations sont souvent établies dans le cadre d'accords conclus entre les propriétaires fonciers et des organismes de conservation reconnus, comme le Biodiversity Conservation Trust en Nouvelle-Galles du Sud.
(3) Les accords de gestion de la biodiversité (Biodiversity stewardship agreements) en Nouvelle-Galles du Sud
La plupart des États fédérés australiens proposent aux propriétaires fonciers leurs propres accords de conservation - distincts des accords de conservation prévus par l'EPBC Act au niveau fédéral - dont les noms et le fonctionnement varient. L'État de Nouvelle-Galles du Sud promeut tout particulièrement ce type d'instrument, en particulier les « accords de gestion de la biodiversité » (Biodiversity stewardship agreements, BSA).
Les accords de gestion de la biodiversité de Nouvelle-Galles du Sud sont établis dans le cadre du système de compensation de la biodiversité (Biodiversity Offsets Scheme) et prévus par la loi sur la conservation de la biodiversité de 2016 (Biodiversity Conservation Act)34(*). Ils sont conclus entre des propriétaires fonciers et le gouvernement de Nouvelle-Galles du Sud, et gérés par la Fondation pour la conservation de la biodiversité (Biodiversity Conservation Trust, BCT). Leur objectif est de protéger la biodiversité tout en encourageant une gestion active et durable des terres35(*).
La Fondation pour la conservation de la
biodiversité
(Biodiversity Conservation Trust) de
Nouvelle-Galles du Sud36(*)
Le Biodiversity Conservation Trust (BCT) de Nouvelle-Galles du Sud a été créé en vertu de la Partie 10 du Biodiversity Conservation Act de 2016 (NSW). Géré par un conseil d'administration directement responsable devant le ministre de l'environnement de l'État et un comité exécutif, le BCT collabore avec les propriétaires fonciers pour préserver et valoriser la biodiversité. Il est financé par le gouvernement de Nouvelle-Galles du Sud, les promoteurs immobiliers et d'infrastructures et les dons privés.
L'objectif principal du BCT est de développer des zones de conservation sur des terres privées. À ce titre, le BCT gère plusieurs programmes, notamment le Biodiversity Offsets Scheme, les accords de gestion de la biodiversité (BSA) et les accords de conservation précédemment administrés par d'autres entités. À ce jour, le BCT gère au total 2 476 accords de conservation de terres privées sur plus de 2 millions d'hectares, dont 545 accords qu'il a lui-même conclus depuis 2017 (représentant 316 992 hectares).
Pour la période 2021-2025, le BCT a pour ambition de conclure 400 accords de conservation avec des propriétaires privés, de sécuriser 200 000 hectares de nouvelles zones de conservation et de protéger 50 paysages sous-représentés.
Source : BCT, https://www.bct.nsw.gov.au/leadership et https://www.bct.nsw.gov.au/private-land-conservation-outcomes (consulté le 10 janvier 2025).
Les propriétaires signataires d'un accord de gestion de la biodiversité s'engagent à entreprendre des actions spécifiques, telles que la prévention des incendies, le contrôle des mauvaises herbes ou encore l'élimination des déchets. En contrepartie, ces engagements permettent de générer des « crédits biodiversité » (biodiversity credit)37(*), qui représentent l'amélioration ou le gain escomptés en termes de biodiversité. Le nombre de crédits obtenus dépend des espèces et des écosystèmes du site, de l'état écologique de ce dernier au moment de la conclusion de l'accord et des mesures de gestion prévues dans l'accord. Des évaluateurs accrédités sont chargés d'appliquer la méthode d'évaluation de la biodiversité pour déterminer le nombre de crédits obtenus sur chaque site.
Ces crédits biodiversité peuvent ensuite être vendus sur un marché spécifique à des promoteurs immobiliers ou d'autres acteurs souhaitant compenser l'impact d'un projet sur l'environnement, ou encore à des organisations de protection de l'environnement. Ce mécanisme constitue une approche de marché régulée, où les propriétaires fonciers jouent un rôle central dans la fourniture de solutions de compensation environnementale38(*).
Les revenus issus de la vente de ces crédits offrent une incitation financière directe aux propriétaires pour mettre en oeuvre les actions prévues dans l'accord de gestion de la biodiversité39(*). Tout d'abord, les propriétaires doivent reverser une partie des crédits à un fonds de dépôts (Total Fund Deposit, TFD), qui garantit les ressources nécessaires à la mise en oeuvre des actions de gestion prévues par les accords sur le long terme40(*). Le montant du TFD est calculé en fonction de la valeur actuelle des actions nécessaires à la conservation, assurant ainsi la durabilité financière des initiatives41(*). L'argent supplémentaire provenant de la vente des crédits de biodiversité, au-delà du montant reversé au fonds de dépôt, peut être conservé en tant que bénéfice par le propriétaire foncier42(*). Une fois les crédits biodiversité reversés au TFD, les propriétaires reçoivent de la part du BCT des paiements annuels.
Chaque accord de gestion de la biodiversité est préparé sur la base d'un modèle standard43(*) et comprend le nombre et le type de crédits générés, un calendrier de paiement pour les versements annuels au propriétaire foncier et un plan de gestion du site pour améliorer la biodiversité. L'accord de gestion est enregistré sur le titre de propriété. Tous les cinq ans, la méthode d'évaluation de la biodiversité est à nouveau appliquée pour réviser l'évaluation des crédits et le plan de gestion peut être mis à jour à l'issue d'une période de 20 ans. Les propriétaires fonciers peuvent faire l'objet d'audits ou d'actions de contrôle de la conformité de la part du BCT ou du ministère de l'environnement de Nouvelle-Galles du Sud44(*).
Selon le BCT, le paiement annuel médian aux propriétaires ayant conclu des accords de conservation avec l'État de Nouvelle-Galles du Sud est de 99 dollars australiens (environ 59 euros) par hectare, avec un montant annuel type s'élevant à 45 000 dollars (environ 27 000 euros)45(*).
c) Les instruments économiques
(1) Les crédits carbone
Les propriétaires fonciers qui protègent des terres forestières ou des zones humides ayant une capacité de séquestration du carbone sont également éligibles à l'obtention de crédits carbone en vertu du Carbon Credits (Carbon Farming Initiative) Act de 201146(*). Cette loi fédérale encourage la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la séquestration du carbone grâce à des pratiques durables de gestion des terres. Elle permet aux propriétaires de générer des crédits carbone, appelés Australian Carbon Credit Units (ACCUs), pour des projets, tels que la restauration de forêts, la gestion des zones humides ou la régénération naturelle des écosystèmes.
Les crédits carbone obtenus peuvent être vendus sur le marché volontaire ou dans le cadre du fonds de réduction des émissions (Emissions Reduction Fund, ERF), un programme géré par le gouvernement australien pour soutenir financièrement les projets de réduction des émissions47(*). Cette faculté offre une opportunité de revenus significative pour les propriétaires de grandes surfaces boisées ou de zones humides, en particulier dans les régions où ces écosystèmes jouent un rôle clé dans la séquestration du carbone et la préservation de la biodiversité.
Les servitudes de conservation peuvent faciliter la participation des propriétaires fonciers à cette initiative de marché, en ce qu'elles garantissent que les terres restent protégées sur le long terme, ce qui est une condition essentielle pour s'engager dans des programmes de crédits carbone.
(2) Les fonds renouvelables (Revolving funds)
Quatre États fédérés (Nouvelle-Galles du Sud, Australie du Sud, Tasmanie et Victoria48(*)) ont également mis en place des « fonds renouvelables » (revolving funds) afin de protéger la biodiversité sur les terres privées49(*).
Un fonds renouvelable est un fonds créé dans le but d'acheter des terrains ayant une valeur naturelle ou culturelle, de faire inscrire une servitude de conservation sur le titre de propriété de ces derniers et de revendre les terrains à des personnes soucieuses de leur protection. Le produit de la vente des propriétés est réutilisé pour acheter d'autres propriétés et les vendre avec une servitude de conservation50(*).
d) Statistiques, coût et évaluation des dispositifs
(1) Données statistiques
Selon les données du ministère fédéral de l'environnement, en 2022, l'Australie comptait 6 270 zones protégées privées, couvrant plus de 100 000 km2, soit environ 6 % de l'ensemble des territoires protégés et 1,3 % du territoire australien51(*). Au sein de ces 6 270 zones protégées privées, on dénombrait 2 617 servitudes de conservation (conservation covenants), 798 accords de conservation (conservation agreements) et 230 accords de gestion de la biodiversité en Nouvelle-Galles du Sud52(*).
Le nombre total de servitudes et d'accords de conservation est toutefois bien plus élevé puisque ces instruments juridiques concernent également des terres qui ne sont pas classées en tant que zones protégées.
(2) Coût pour les finances publiques
Au total, les dépenses des administrations publiques australiennes (tous niveaux confondus) liées à la protection de l'environnement se sont élevées à 21,5 milliards de dollars australiens (environ 12,8 milliards d'euros) pour l'année budgétaire 2022-2023, soit 2,4 % des dépenses publiques53(*).
Entre 2014 et 2023, les actions en faveur de la gestion durable des terres et la préservation de la biodiversité ont été financées au niveau fédéral par le programme national de protection des terres (National Landcare Program), pour un montant total de 2,1 milliards de dollars australiens (environ 1,3 milliard d'euros)54(*). Depuis juin 2023, ces actions sont directement financées par la Fondation pour le patrimoine naturel (Natural Heritage Trust)55(*). Les recherches n'ont pas permis d'identifier le coût global lié aux seuls accords et servitudes de conservation.
Dans l'État de Nouvelle-Galles du Sud, le Biodiversity Conservation Trust a versé près de 20 millions de dollars australiens (12 millions d'euros) de paiements annuels au titre des accords de gestion de la biodiversité, à 171 propriétaires fonciers lors de l'exercice 2023-2024. Le gouvernement de Nouvelle-Galles du Sud s'est engagé à verser plus de 350 millions de dollars australiens (210 millions d'euros) entre 2020 et 2025 pour financier les programmes de conservation des terres privées du BCT56(*).
(3) Évaluation
Les recherches n'ont pas permis de trouver des sources abordant l'efficacité globale des accords de conservation (conservation agreements) et des servitudes de conservation (conservation covenants).
En revanche, le service d'audit interne de l'État de Nouvelle-Galles du Sud a publié en août 2022 un rapport sur l'efficacité du système de compensation de la biodiversité (Biodiversity Offsets Scheme) en Nouvelle-Galles du Sud57(*).
Le rapport souligne des lacunes majeures dans la conception et la mise en oeuvre de ce programme, menaçant son efficacité. Il critique l'absence d'un plan stratégique clair. En effet, le ministère de la planification et de l'environnement (Department of Planning and Environment - DPE) n'aurait pas défini d'objectifs précis, ni mis en place des indicateurs de performance mesurables. Les priorités environnementales du BOS semblent mal alignées avec ses règles et ses pratiques, limitant sa capacité à remplir sa mission de conservation.
Par ailleurs, l'insuffisance des crédits biodiversité constituerait un problème majeur. Environ 90 % des demandes de crédits restent insatisfaites, notamment pour des espèces et des habitats menacés. Ce déficit complique la compensation des impacts des projets de développement. De plus, le manque de transparence dans le registre public des crédits, associé à des mécanismes de suivi faibles, minerait la confiance dans le système.
Le faible engagement des propriétaires fonciers constituerait un autre obstacle. Les coûts initiaux élevés et la complexité des règles dissuaderaient de nombreux propriétaires d'établir des sites de conservation via des Biodiversity Stewardship Agreements (BSA). Enfin, les fonds alloués à la gestion des sites pourraient être insuffisants pour garantir leur durabilité à long terme, tandis qu'une proportion significative des sites reste en gestion passive, compromettant les gains de biodiversité attendus.
4. Canada
Au Canada, les servitudes de conservation (conservation easement) sont des outils juridiques essentiels pour préserver les terres privées à des fins environnementales. Inspirées du modèle américain, elles reposent sur des accords volontaires entre des propriétaires fonciers et des bénéficiaires, qu'il s'agisse de fiducies foncières ou des organismes gouvernementaux. Ces servitudes imposent des restrictions sur l'usage des terres afin de protéger leurs valeurs écologiques, patrimoniales ou esthétiques. Une fois enregistrées, elles deviennent attachées au titre foncier, garantissant leur pérennité.
Les objectifs des servitudes varient selon les provinces, mais convergent vers la conservation de la biodiversité, des ressources naturelles et des paysages agricoles. En 2023, 50 % des servitudes existantes ciblaient la protection de la biodiversité, 38 % la préservation des ressources hydriques et 2 % des terres agricoles menacées.
Les incitations fiscales jouent un rôle clé dans l'adoption de ces servitudes. Au niveau fédéral, des crédits d'impôt pouvant atteindre 100 % des revenus pour les dons de terres écosensibles et l'exonération complète de la plus-value imposable incitent les propriétaires à participer. Certaines provinces, comme le Québec, proposent des crédits d'impôt supplémentaires. Des exonérations de taxes foncières peuvent également être accordées par les municipalités.
En 2011, 1 359 servitudes couvraient environ 1 290 km² au Canada, principalement dans les Prairies et en Colombie-Britannique. Ces zones protégées jouent un rôle central dans la préservation des écosystèmes, notamment des habitats critiques et des bassins versants. Malgré leur efficacité, des obstacles persistent, tels que la réticence des propriétaires face aux restrictions ou des incitations jugées insuffisantes.
a) Le contexte et la répartition des compétences
Au Canada, la protection de l'environnement s'appuie sur des politiques publiques menées par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Si l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 186758(*) permet au gouvernement fédéral de réglementer les activités environnementales ayant des impacts économiques ou commerciaux au-delà des frontières provinciales59(*), l'article 92 confère aux provinces le contrôle sur les questions de portée locale ou privée, notamment en matière de propriété et droits civils dans la province et d'exploitation des ressources naturelles.
Dans le domaine de la conservation des terres privées, les provinces canadiennes disposent presque toutes d'un outil juridique inspiré du droit américain : les servitudes de conservation (conservation easements). Ce mécanisme, largement utilisé, permet de préserver des terres privées à des fins environnementales en impliquant divers acteurs publics et privés. Ils reflètent une approche décentralisée de la protection environnementale, selon laquelle les propriétaires fonciers, les organismes à but non lucratif et les organismes publics locaux collaborent en vue d'atteindre des objectifs communs de préservation.
b) Le cadre juridique des servitudes de conservation
Au Canada, il n'existe pas de loi fédérale spécifique qui encadre directement et uniformément les servitudes de conservation60(*) sur l'ensemble du territoire. La création et la gestion de ces servitudes relèvent des compétences provinciales et territoriales en matière de propriété foncière, de ressources naturelles et d'environnement. Bien que le gouvernement fédéral soutienne les servitudes de conservation par des incitations fiscales (cf. infra), la mise en oeuvre repose essentiellement sur des lois provinciales. Ces lois établissent les règles concernant la création, l'enregistrement et la gestion des servitudes.
C'est le cas de l'Ontario avec la loi sur les terres protégées de 199061(*), de la Nouvelle-Écosse avec la loi sur les servitudes de conservation de 200162(*) ou encore du Nouveau-Brunswick avec la loi sur les servitudes écologiques de 201163(*).
Les législations provinciales ayant intégré ce dispositif n'ont pas formellement la même définition de la servitude de conservation. Il s'agit généralement d'outils juridiques conçus pour préserver des terres en limitant leur usage afin de protéger leurs valeurs écologiques, patrimoniales ou esthétiques. Formellement, une servitude est un accord juridique volontaire entre un propriétaire foncier et une fiducie foncière ou un organisme gouvernemental qui limite de façon permanente l'utilisation du terrain afin de protéger ses valeurs de conservation.
Une fois enregistrée, une servitude est attachée au titre foncier et lie les propriétaires actuels et futurs, garantissant ainsi la pérennité des objectifs de conservation. Ces accords permettent d'imposer des restrictions ou des obligations spécifiques sur l'utilisation des terres, tout en respectant les droits d'usage des propriétaires64(*).
À titre d'exemple, l'article 4 de la loi sur les servitudes de conservation de la province de Nouvelle-Écosse65(*) définit une servitude de conservation comme « un accord conclu entre un propriétaire et un organisme éligible qui (a) accorde au titulaire de la servitude des droits et des privilèges sur la terre du propriétaire qui se rapportent aux fins pour lesquelles la servitude de conservation est accordée ; (b) peut imposer des obligations, positives ou négatives, au propriétaire ou au titulaire de la servitude, ou aux deux, à l'égard de la terre du propriétaire qui se rapportent aux fins pour lesquelles la servitude de conservation est accordée ; (c) elle est établie dans le but de protéger, de restaurer ou d'améliorer une terre principalement consacrée à la protection de la biodiversité et des processus naturels (...) ».
c) Les objectifs, la nature et le contenu du contrat de servitude
(1) Les objectifs
Généralement, les législations provinciales fixent comme objectif principal de préserver, restaurer et protéger les caractéristiques naturelles et agricoles des paysages. Les servitudes de conservation visent à limiter certaines utilisations des terres afin de conserver leur valeur écologique, agricole et environnementale à long terme66(*). Ces objectifs varient légèrement selon les provinces, mais partagent des lignes directrices communes, inscrites dans leurs législations respectives.
En Ontario, la législation permet aux propriétaires fonciers de conclure des accords visant à protéger des habitats naturels, des espèces menacées ou des paysages d'importance. Le cadre législatif de l'Ontario Heritage Act67(*) offre également la possibilité de protéger des caractéristiques historiques ou architecturales par des servitudes de conservation. Cela inclut des accords visant à préserver les bâtiments patrimoniaux ou les sites historiques ayant une valeur culturelle ou esthétique68(*).
Au Québec, la loi sur la conservation du patrimoine naturel69(*) prévoit l'établissement « d'ententes de reconnaissance » environnementales pour protéger des terrains reconnus comme réserves naturelles (section IV de la loi). Ces servitudes, souvent conclues entre un propriétaire et un organisme de conservation, doivent être approuvées par le ministère de l'environnement et enregistrées au registre foncier. Les objectifs de ces servitudes incluent la préservation des caractéristiques biologiques, écologiques et paysagères des terres concernées70(*).
Au Nouveau-Brunswick, les objectifs incluent la conservation des terres écosensibles, la protection des sols, de l'air et de l'eau, ainsi que la restauration des écosystèmes naturels. La loi prévoit également la préservation de caractéristiques biologiques et géologiques importantes71(*).
En Saskatchewan, sont mises en avant la protection des habitats pour les espèces rares, menacées ou en voie de disparition, la restauration des prairies indigènes et des zones humides, et la préservation des caractères botaniques et zoologiques des terres agricoles72(*).
L'Alberta, à travers l'Environmental Protection and Enhancement Act73(*), élargit les objectifs des servitudes en intégrant la protection des paysages esthétiques et pittoresques, la gestion durable à des fins récréatives et éducatives, et la préservation des valeurs écologiques74(*). Cette approche reflète une reconnaissance de la valeur intrinsèque et utilitaire des espaces naturels.
Les objectifs visés effectivement par les servitudes existantes varient aussi en fonction des priorités des organismes de conservation et des cadres législatifs provinciaux. Une enquête menée en 2023 auprès des principaux détenteurs de servitudes montre que 50 % des servitudes visent principalement la protection de la biodiversité. Cela inclut des habitats critiques pour des espèces en péril et des zones écosensibles, telles que les milieux humides et les prairies75(*). Environ 38 % des servitudes de conservation ont pour but de préserver les ressources hydriques, notamment en protégeant les bassins versants, les sources d'eau potable, et les zones riveraines. Enfin, seulement 2 % des servitudes sont spécifiquement consacrées à la protection des paysages agricoles productifs, souvent situés dans des zones menacées par l'expansion urbaine ou industrielle76(*).
(2) La nature et le contenu du contrat de servitude
Formellement, les servitudes sont conclues entre un propriétaire foncier, appelé concédant, et un bénéficiaire, ou titulaire, responsable de leur mise en oeuvre et de leur suivi. Leur cadre juridique, contenu et modalités varient selon les provinces, compte tenu des législations propres.
Les parties impliquées dans un contrat de servitude de conservation jouent des rôles distincts et définis par la loi. Le concédant, souvent le propriétaire foncier, accepte volontairement de restreindre certains droits sur sa propriété pour atteindre des objectifs de conservation. Le titulaire peut être de différente nature ; il s'agit très souvent d'organismes à but non lucratif dédiés à la conservation. Ces organisations, souvent des fiducies foncières, se consacrent à l'acquisition de terres ou d'intérêts fonciers à des fins écologiques77(*). Une fiducie foncière peut acquérir une servitude selon trois modalités : par don de bienfaisance, par achat ou par achat à prix réduit, la valeur restante étant considérée comme un don78(*). Cette diversité permet d'adapter les servitudes aux objectifs locaux et aux capacités des parties impliquées.
En 2011, il existait 170 organisations habilitées à détenir des servitudes de conservation pour des biens attestés écosensibles. Parmi celles-ci, six organisations étaient d'envergure nationale, telles que Conservation de la nature Canada et Canards Illimités Canada. Ces organisations jouent un rôle central dans la gestion et l'acquisition des servitudes, collaborant avec des fiducies foncières régionales et d'autres organismes79(*).
Les législations provinciales prévoient des modalités précises pour assurer la validité des servitudes de conservation. Une étape essentielle est l'enregistrement de la servitude dans le bureau d'enregistrement des biens-fonds (équivalent des services de publicité foncière en France) compétent. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, une servitude n'a aucun effet tant qu'elle n'a pas été enregistrée, ce qui garantit qu'elle s'applique aux propriétaires successifs80(*). Ces servitudes peuvent être conclues pour une période déterminée ou à perpétuité, selon les objectifs des parties81(*). En outre, elles peuvent être modifiées ou transférées par accord écrit entre les parties et enregistrées de nouveau pour préserver leur validité82(*). Enfin, les titulaires des servitudes ont le droit d'exiger que les propriétaires respectent les conditions, ce qui garantit une protection durable pour la durée convenue83(*).
Le contenu des contrats de servitude de conservation est souvent conçu pour répondre à des objectifs spécifiques et variés (cf. supra). Ces accords permettent une flexibilité considérable dans la rédaction des termes et conditions, afin de s'adapter aux caractéristiques écologiques et aux objectifs des parties84(*) . Par exemple, un propriétaire foncier peut accorder une servitude protégeant uniquement certaines zones sensibles de sa propriété tout en continuant à utiliser le reste pour des activités compatibles85(*). Les finalités incluent la protection des habitats d'espèces menacées, la conservation de terres agricoles sensibles, la restauration de milieux dégradés86(*), l'interdiction du défrichage ou du drainage, ou encore la limitation des activités agricoles ou de développement urbain87(*). Les restrictions peuvent viser l'interdiction de subdivisions, la limitation des activités industrielles ou encore des exigences spécifiques concernant la gestion durable des forêts et des terres agricoles88(*). Enfin, ces servitudes peuvent inclure des obligations positives, telles que la restauration de milieux naturels ou l'entretien de structures historiques.
d) Les avantages pour les propriétaires
Les restrictions liées aux servitudes, souvent perpétuelles, sont compensées par un ensemble de mesures fiscales prévues à la fois au niveau fédéral et dans les provinces. Ces incitations prennent différentes formes : crédits d'impôt, exonérations de taxes foncières et réduction des gains en capital imposables, et elles s'appliquent sous des conditions spécifiques selon la nature des dons.
(1) Les crédits d'impôt sur le revenu
Le crédit d'impôt sur le revenu fédéral constitue le principal levier d'incitation. Pour les dons de servitudes de conservation, un crédit non remboursable de 15 % est accordé en deçà de 200 dollars canadiens (environ 135 euros), de 29 % au-delà89(*). Ce crédit peut être utilisé dans l'année du don et reporté sur une période maximale de six ans. Les terres classées comme « écosensibles » ou « ecological gifts » reçoivent des avantages encore plus significatifs. Ces dons bénéficient d'un crédit d'impôt pouvant atteindre 100 % du revenu net imposable, sans limitation sur le montant déclaré, ainsi que d'une exonération complète de la plus-value imposable (taxable capital gain)90(*).
Au niveau provincial, des crédits d'impôt supplémentaires s'ajoutent à ceux offerts par le gouvernement fédéral. Par exemple, au Québec, un crédit d'impôt de 20 % est appliqué en deçà de 200 dollars canadiens et de 24 % au-delà pour les montants supérieurs91(*). Ce dispositif permet d'augmenter l'attrait financier des dons pour les contribuables québécois. Le crédit d'impôt québécois est également reportable sur une période de cinq ans.
(2) La réduction des gains en capital imposables
Une des principales contraintes liées aux servitudes de conservation réside dans la perte de valeur marchande des terrains soumis à ces restrictions. Afin de compenser cette diminution, le Canada prévoit une réduction des gains en capital imposables pour les dons de servitudes. Pour les dons classiques, 50 % de la plus-value réalisée sur la propriété est exonérée d'impôt92(*). Cette mesure permet de refléter la perte de valeur réelle subie par le propriétaire. Cependant, dans le cadre des terres écosensibles, l'exonération est portée à 100 %. Cela concerne notamment les terrains jugés écologiquement significatifs, tels que les habitats d'espèces menacées ou des zones ayant une importance environnementale prioritaire93(*).
La valeur d'une servitude est calculée en évaluant la différence entre la valeur marchande du terrain avant et après l'imposition des restrictions. Ce calcul tient compte des activités interdites ou restreintes, comme la construction, l'exploitation forestière ou certaines activités récréatives94(*).
(3) Exonérations de taxes foncières
Certaines municipalités canadiennes offrent des exonérations de taxes foncières pour les terrains soumis à des servitudes de conservation. Ces exonérations visent principalement les taxes sur le foncier non bâti et peuvent atteindre jusqu'à 100 % dans certaines juridictions. Ces mesures, bien qu'optionnelles et dépendant des politiques locales, permettent de réduire la charge fiscale annuelle des propriétaires fonciers tout en incitant à la mise en place de mesures de protection environnementale95(*). Cependant, cette exonération n'est pas automatique : elle doit être demandée par le propriétaire et acceptée par la municipalité compétente.
(4) Le principe du fractionnement des reçus (split receipting)
Lorsque le donateur reçoit un avantage en contrepartie de son don, comme un repas ou une participation à un événement, la méthode du fractionnement des reçus est utilisée pour calculer la part du don éligible au crédit d'impôt. D'après l'Agence du revenu du Canada (ARC), si la valeur de l'avantage reçu est inférieure au moindre des deux montants suivants : 10 % de la valeur totale du don ou 75 dollars canadiens (environ 50 euros), cet avantage peut être ignoré dans le calcul96(*). Ce mécanisme permet d'assurer une répartition juste et équilibrée des dons dans le cadre des incitations fiscales, tout en tenant compte des avantages obtenus par les donateurs.
(5) La programme des dons écologiques
Le programme des dons écologiques (Ecological Gifts Program) est un autre dispositif clé pour encourager la protection des terres sensibles au Canada. Ce programme s'adresse spécifiquement aux dons de terrains ou de servitudes qui répondent à des critères stricts de sensibilité écologique. Ces critères incluent la présence d'espèces en péril, des habitats rares ou des écosystèmes jugés essentiels à la biodiversité. En plus des avantages fiscaux mentionnés précédemment, les terrains écosensibles bénéficient d'une protection juridique renforcée, qui interdit leur conversion à d'autres usages sans l'autorisation du gouvernement fédéral97(*).
Ce programme, qui repose sur une évaluation rigoureuse des terres par des organismes accrédités, assure que les incitations fiscales soutiennent des objectifs environnementaux prioritaires. Il permet également de reporter le bénéfice du crédit d'impôt jusqu'à dix ans, offrant ainsi aux donateurs une flexibilité accrue pour optimiser leurs avantages fiscaux98(*).
(6) Critères d'évaluation et suivi
Pour être admissibles aux avantages fiscaux, les servitudes de conservation doivent répondre à des critères nationaux et provinciaux, notamment en ce qui concerne la sensibilité écologique et l'importance environnementale des terres concernées. Ces critères sont définis dans le cadre de programmes comme celui des dons écologiques et supervisés par des coordonnateurs régionaux. Les terres protégées sont également soumises à des mécanismes de suivi afin de garantir le respect des conditions de conservation établies99(*).
e) Statistiques, coût et évaluation des dispositifs
(1) Étendue et caractéristiques des servitudes de conservation
En 2008, 1 359 servitudes de conservation étaient répertoriées au Canada, couvrant une superficie totale de 318 807 acres (environ 1 290 km²)100(*). Parmi celles-ci, 45 % avaient été obtenues sous forme de dons, 54 % résultaient d'un achat direct par des organismes de conservation et 1 % utilisait un modèle de fractionnement de reçu, combinant un don et une compensation financière partielle101(*). Ces servitudes étaient particulièrement concentrées dans les Prairies et la Colombie-Britannique, où elles ciblent principalement des écosystèmes critiques, tels que les milieux humides, les prairies indigènes, et les bassins versants102(*). Les recherches n'ont pas permis de trouver des chiffres plus récents à l'échelle de l'ensemble du pays.
En 2023, le Canada avait conservé 13,7 % de sa superficie terrestre, comprenant terres et eaux douces, dont 12,8 % se trouvaient dans des zones officiellement protégées. Parallèlement, 14,7 % de son territoire marin étaient également conservés, dont 9,1 % en zones protégées. Ces pourcentages témoignent d'un effort soutenu pour atteindre les objectifs de conservation nationaux, fixés à 25 % pour 2025 et 30 % pour 2030103(*).
Au niveau national, la conservation des terres a connu une progression remarquable. Au cours des 20 dernières années, la superficie terrestre préservée a augmenté de 101 %, reflétant une intensification des efforts de protection des écosystèmes. Cette évolution s'est accélérée au cours des cinq dernières années, avec une hausse de 22 %, bien que la progression soit plus modeste sur la dernière année, se limitant à 1 %104(*).
(2) Coûts pour les finances publiques
Les crédits d'impôt pour dons continuent de jouer un rôle important dans le financement des servitudes de conservation. Pour l'année fiscale 2024, le crédit d'impôt fédéral pour dons - tous types de dons confondus - a représenté une dépense fiscale estimée à 3,8 milliards de dollars canadiens (environ 2,6 milliards d'euros), avec plus de 5 millions de particuliers ayant bénéficié de ce crédit en 2021105(*).
Sur le plan des finances publiques, les servitudes de conservation représentent un coût jugé élevé pour les organismes de conservation. En 2023, les coûts administratifs moyens étaient estimés à 19 000 dollars canadiens par servitude (environ 12 800 euros), bien que ce chiffre varie considérablement en fonction des provinces et des spécificités des accords106(*).
La mise en place d'une servitude de conservation s'accompagne de coûts importants, qui varient considérablement selon la parcelle, le propriétaire foncier et l'organisation responsable. Ces coûts incluent l'identification des terres, les négociations, la collecte de fonds, ainsi que la surveillance à long terme pour garantir le respect des restrictions. Bien que certaines fiducies foncières s'appuient sur des bénévoles pour réduire les dépenses, la majorité des organisations, y compris les municipalités, emploient du personnel rémunéré pour coordonner ces tâches. Cela reflète la complexité et l'investissement nécessaires pour garantir l'efficacité des servitudes de conservation107(*).
(3) Évaluation
Selon une étude du ministère de l'agriculture et de l'agroalimentaire canadien de 2008, les servitudes jouent néanmoins un rôle important dans la préservation des écosystèmes critiques. Elles protègent des habitats essentiels, tels que les prairies indigènes, les milieux humides et les forêts riveraines, qui fournissent des services écosystémiques vitaux comme la régulation hydrique, la séquestration du carbone et le maintien de la biodiversité108(*). Ces zones protégées contribuent également à atténuer les impacts négatifs de l'urbanisation et de l'agriculture intensive, tout en offrant des avantages socio-économiques, tels que la protection des ressources hydriques et la préservation des sols agricoles109(*).
Malgré leur efficacité, les servitudes de conservation rencontrent plusieurs obstacles. De nombreux propriétaires fonciers hésitent à adopter ces accords en raison des restrictions imposées et des craintes liées à la perte de valeur de leurs terres. En outre, les incitations fiscales offertes, bien que significatives, sont parfois jugées insuffisantes pour compenser ces limitations, en particulier dans les zones agricoles110(*).
5. États-Unis
Les conservation easements (servitudes de conservation) constituent un outil majeur de la conservation privée aux États-Unis. Ces accords juridiques permettent aux propriétaires fonciers de restreindre l'utilisation de leurs terres afin de préserver leur valeur naturelle, agricole ou historique, tout en conservant leur titre de propriété. Elles offrent une alternative aux modes traditionnels de conservation en offrant un équilibre entre protection des ressources et utilisation durable.
Le cadre juridique des servitudes repose sur une combinaison de lois fédérales et étatiques. L'Uniform Conservation Easement Act (UCEA) de 1981 propose un modèle standard pour faciliter leur adoption. Il définit les servitudes comme des droits imposant des limitations ou obligations positives visant des objectifs précis : protéger les habitats naturels, préserver les paysages ouverts, garantir des terres disponibles pour l'agriculture ou les loisirs, ou encore conserver des ressources historiques ou architecturales. Ces servitudes, perpétuelles ou temporaires, sont détenues par des entités qualifiées, telles que des organismes gouvernementaux ou des fiducies foncières, responsables de leur gestion et de leur suivi.
Les incitations fiscales ont largement contribué à leur succès. Le code fédéral des impôts (IRC) permet aux propriétaires de bénéficier de déductions fiscales sur la valeur de leur don de servitude, pouvant atteindre 50 % de leur revenu imposable, voire 100 % pour les agriculteurs. Ces déductions sont cumulables sur 15 ans. À l'échelle de l'État fédéré, certains programmes, comme au Colorado, offrent des crédits d'impôt transférables, permettant aux propriétaires de vendre ces crédits pour mobiliser des fonds tout en protégeant leurs terres. Les servitudes réduisent également les droits de succession en diminuant la valeur imposable des propriétés. L'IRC autorise une exclusion pouvant atteindre 40 % de la valeur de la terre, avec un plafond de 500 000 dollars, à condition que les terres soient engagées dans un objectif de conservation.
En 2024, plus de 154 000 km² de terres étaient protégés par plus de 221 000 servitudes de conservation, reflétant leur rôle central dans la protection des ressources naturelles.
a) Le contexte et la répartition des compétences
Aux États-Unis, le droit environnemental repose sur une collaboration entre le gouvernement fédéral et les États fédérés. Le premier fixe les standards, surveille l'application des lois fédérales et soutient les États grâce à une assistance technique et financière. De leur côté, les États mettent en oeuvre ces lois, conçoivent des programmes spécifiques, effectuent des inspections et collaborent avec les autorités fédérales et locales pour atteindre des objectifs communs111(*).
Les États peuvent aussi adopter des réglementations plus strictes que les normes fédérales pour répondre à des défis locaux ou renforcer la conservation. Certains vont plus loin en instaurant des mesures supplémentaires pour mieux protéger leur environnement et améliorer la qualité de vie de leurs citoyens.
En matière de protection de la biodiversité, les conservation easements (servitudes de conservation) sont des accords juridiques volontaires permettant à un propriétaire foncier de restreindre l'utilisation de sa propriété afin de protéger ses valeurs naturelles, agricoles ou historiques.
Le concept de servitude de conservation a émergé dans les années 1950, avant de se développer à une plus grande échelle dans les années 1970-1980, notamment grâce à des incitations fiscales fédérales112(*).
Aujourd'hui, les servitudes de conservation constituent un outil majeur de la conservation privée aux États-Unis, avec plus de 38 millions d'acres de terres protégées sous ce statut (soit environ 154 000 km²)113(*).
b) Le cadre juridique des servitudes de conservation
Les servitudes de conservation reposent sur une mosaïque complexe de lois étatiques et fédérales. Ce cadre juridique évolutif, fruit de plusieurs décennies d'adaptations législatives, vise à garantir la durabilité de ces instruments tout en répondant aux intérêts publics de conservation. Ces servitudes sont devenues une alternative majeure aux modes traditionnels de conservation. Ils permettent aux propriétaires de limiter le développement tout en conservant leur titre de propriété114(*).
Au niveau fédéral, la loi uniforme sur les servitudes de conservation (Uniform Conservation Easement Act) de 1981 (UCEA)115(*) a été élaborée par la Conférence nationale pour l'harmonisation des lois des États (Uniform Law Commission)116(*) pour fournir un cadre commun aux États souhaitant adopter des législations facilitant la création de servitudes. Bien que l'UCEA ne soit pas une loi fédérale stricto sensu, elle a servi de modèle pour de nombreux États.
L'UCEA définit la servitude de conservation comme « un droit sans dépossession d'un détenteur sur un bien immobilier imposant des limitations ou des obligations positives (...)117(*).
Dans les années 1970, pour contrer des obstacles juridiques issus de la common law qui limitaient la création et la durée des servitudes de conservation, tous les États ont adopté des statuts d'habilitation (enabling statutes) autorisant explicitement la création de servitudes de conservation perpétuelles. Ces lois définissent non seulement les objectifs valables pour lesquels une servitude de conservation peut être créée, mais également les entités habilitées à les détenir. Elles établissent que les servitudes de conservation peuvent imposer des obligations à un propriétaire foncier pour protéger les valeurs naturelles, historiques ou agricoles des terres tout en étant détenues par des entités qualifiées. L'UCEA vise ainsi, en partie, à supprimer les restrictions issues de la common law associées aux servitudes. L'UCEA n'impose pas lui-même de restrictions ou d'obligations positives. Il permet simplement aux parties de le faire dans le cadre d'un accord consensuel libéré des obstacles de common law, si les conditions de la loi sont respectées118(*).
Au niveau fédéré, la Californie a été pionnière en adoptant dès 1959 des lois autorisant l'utilisation des servitudes de conservation à des fins de protection des terres119(*). En 1979, 40 États avaient mis en place des législations similaires. En 2023, selon la National Conservation Easement Database, l'ensemble des 50 États ont enregistré des servitudes. Ces lois étatiques définissent surtout les modalités de création, de durée et de transfert des servitudes de conservation.
c) Les objectifs, la nature et le contenu des accords de servitude
(1) Les objectifs
En vertu de la section 1(1) de l'UCEA, les servitudes de conservation ont pour objectif principal de protéger ou de conserver les ressources naturelles, paysagères et les espaces ouverts. Elles assurent également la disponibilité des terres pour des usages agricoles, forestiers, récréatifs ou comme espaces ouverts. En outre, elles visent à protéger les ressources naturelles tout en maintenant ou améliorant la qualité de l'air et de l'eau. Ces servitudes peuvent aussi avoir pour but de préserver les aspects historiques, architecturaux, archéologiques ou culturels des propriétés immobilières concernées.
(2) La nature et le contenu des accords de servitude
Une servitude de conservation est un contrat juridique perpétuel ou limité dans le temps permettant de conserver des terres privées tout en imposant des restrictions spécifiques sur leur utilisation actuelle et future. Ces restrictions peuvent aller de limitations simples, comme interdire le drainage des eaux, à des interdictions majeures d'activités non naturelles120(*).
L'UCEA définit le détenteur d'une servitude comme un organisme gouvernemental habilité à détenir un intérêt dans un bien immobilier en vertu des lois de cet État ou des États-Unis (i) ou bien une société caritative, une association caritative ou un trust caritatif (ii)121(*). Le titulaire d'une servitude est donc une entité à but non lucratif ou gouvernementale qui détient le droit d'appliquer les dispositions relatives à la servitude. L'accord permet ainsi au propriétaire foncier de conserver la propriété et au détenteur de la servitude de restreindre le développement qui affecte négativement la conservation.
Les servitudes de conservation sont considérées comme des droits de propriété plutôt que des droits contractuels, car leurs conditions « courent avec la terre »122(*). Cela signifie concrètement que les propriétaires fonciers successifs (et parfois les détenteurs de servitudes successifs) sont généralement liés par les termes convenus entre les parties initiales. En pratique, lorsqu'un propriétaire accorde une servitude de conservation, tous les futurs propriétaires du terrain sont contraints par ces dispositions. Si un propriétaire renonce à son droit de lotir et autorise l'accès public, tous les futurs propriétaires devront respecter ces obligations123(*).
Les détenteurs de servitudes doivent disposer des ressources nécessaires pour surveiller et appliquer les restrictions imposées par les servitudes de conservation. Cette responsabilité inclut non seulement la gestion courante des servitudes, mais aussi la capacité à résoudre les conflits potentiels avec les propriétaires ou les tiers. En cas de manquement, des tiers, tels que le procureur général dans certains États, peuvent être autorisés à intervenir pour faire respecter les clauses prévues par les servitudes. Cette intervention est essentielle pour préserver la confiance du public et garantir que les objectifs de conservation soient atteints à long terme124(*). De plus, le cadre juridique s'efforce d'équilibrer le besoin de surveillance stricte avec les droits des propriétaires fonciers, ce qui n'est pas sans créer des tensions juridiques et administratives.
Les land trusts, organisations à but non lucratif dédiées à la conservation des terres, jouent un rôle central dans la gestion et la surveillance de ces servitudes. Elles collaborent avec les propriétaires pour élaborer des accords adaptés, garantissant la protection à long terme des ressources naturelles et culturelles125(*).
Le cadre juridique impose également des responsabilités de surveillance aux détenteurs de servitudes de conservation, mais leur capacité à exercer cette charge est souvent contestée. Le manque de ressources pour le suivi et l'application des restrictions peut entraîner des problèmes de conformité, en particulier face à des propriétaires ultérieurs. Ces derniers peuvent ne pas partager les mêmes valeurs ou priorités de conservation que leurs prédécesseurs, ce qui peut compliquer l'application des restrictions126(*). Certains États ont répondu à ces préoccupations en introduisant des registres obligatoires pour les servitudes de conservation, comme dans le Maine et le Montana, afin d'améliorer la transparence et la planification. Ces registres permettent une meilleure coordination entre les parties prenantes et une vue d'ensemble sur les terres protégées, mais soulèvent également des questions sur la confidentialité des données foncières127(*).
Le rôle actif des organisations non
gouvernementales (ONG)
dans le cadre des servitudes de
conservation
Parmi les organismes chargés de contractualiser des servitudes et d'en contrôler le respect, les ONG jouent un rôle important aux États-Unis, selon des modalités assez variées d'un État à l'autre. Dans l'État du Maine, par exemple, plus de 70 % des terres protégées par des servitudes de conservation sont gérées par des ONG, soulignant leur importance comme gestionnaires principaux128(*). Ces entités, souvent des fiducies foncières locales, disposent d'une expertise technique et d'une proximité avec les propriétaires fonciers, ce qui facilite la création d'accords et leur mise en oeuvre sur le long terme129(*).
Un aspect clé de la gouvernance des servitudes de conservation est l'exigence de surveillance régulière imposée par la législation de certains États, comme le Maine. La loi de cet État oblige les détenteurs de servitudes à effectuer des inspections au moins tous les trois ans et à produire des rapports écrits détaillés pour garantir la conformité des propriétaires fonciers130(*). Ces obligations visent à pallier les lacunes potentielles de gestion à long terme, mais elles soulèvent également des défis en matière de ressources pour les ONG, en particulier celles de petite taille. Bien que les rapports améliorent la transparence, leur mise en oeuvre dépend souvent de la capacité organisationnelle et financière des ONG impliquées131(*).
Cependant, le rôle des ONG n'est pas sans controverses. L'absence d'un cadre national harmonisé pour les servitudes de conservation peut entraîner des disparités dans leur application et leur surveillance132(*). De plus, les inquiétudes concernant la transparence et la responsabilité des ONG ont été soulignées, notamment en ce qui concerne l'utilisation de fonds publics et les avantages fiscaux accordés aux propriétaires fonciers.
Par ailleurs, en application du § 2(c) de l'UCEA, une servitude de conservation est d'une durée illimitée, à moins que l'instrument qui la crée n'en dispose autrement. Les législations des États diffèrent dans la durée par défaut des servitudes de conservation. Par exemple, la Pennsylvanie et la Virginie-Occidentale imposent un minimum de 25 ans, tandis que la Californie, la Floride et Hawaï exigent que les servitudes de conservation soient perpétuelles.
Les contrats de servitude présentent une grande diversité dans leurs clauses. Ils peuvent simplement interdire des actions contraires à la conservation ou détailler précisément les caractéristiques naturelles protégées, les usages autorisés et leurs conditions. Le propriétaire décide des usages qu'il conserve ou limite, tandis que le détenteur de la servitude garantit le respect des objectifs de conservation en surveillant régulièrement les terres, en collaborant avec les futurs propriétaires pour leur expliquer les restrictions, et en s'assurant de leur application133(*).
Les servitudes de conservation peuvent être résiliées ou annulées uniquement si des conditions exceptionnelles rendent leur objectif initial impossible ou impraticable. Ces modifications doivent être approuvées par un tribunal en vertu de la doctrine de cy-près, issue de la common law, qui assure que les fonds ou bénéfices tirés de la modification servent des objectifs similaires à ceux prévus initialement134(*).
d) Les avantages pour les propriétaires
Les incitations fiscales ont joué un rôle essentiel dans le développement des servitudes de conservation. Même si tous les projets de servitudes de conservation ne bénéficient pas nécessairement de ces avantages fiscaux, ils influencent largement la structure et de nombreux aspects de la législation sur ces servitudes135(*). Trois types d'avantages sont proposés aux propriétaires fonciers contractualisant une servitude de conservation : les déductions fiscales au titre de l'impôt fédéral sur le revenu, les réductions sur les droits de succession et les incitations au niveau des États fédérés.
(1) La déduction de l'impôt fédéral sur le revenu (Federal Tax Deduction)
La section 170(h) du code fédéral des impôts (Internal Revenue Code, IRC)136(*) offre des déductions fiscales importantes pour les dons de servitudes de conservation, à condition que celles-ci soient perpétuelles et servent des objectifs de conservation bien définis137(*).
Les propriétaires fonciers qui contractualisent une servitude de conservation avec un organisme qualifié, conformément aux règlements énoncés à l'article 170(h) de l'IRC, peuvent être admissibles à une déduction de l'impôt fédéral sur le revenu égale à la valeur de leur don. Cette valeur, déterminée par un évaluateur qualifié, correspond à la différence entre la juste valeur marchande de la propriété avant et après l'entrée en vigueur de la servitude138(*).
Les personnes physiques peuvent déduire jusqu'à 50 % de leur revenu imposable, tandis que les entreprises sont limitées à 10 %. Les propriétaires dont plus de 50 % des revenus proviennent de l'agriculture peuvent déduire jusqu'à 100 % de la valeur de la servitude. En outre, cette déduction peut être reportée sur une période de 15 ans si le montant déductible n'est pas atteint dans l'année fiscale en cours139(*).
Pour être admissible à une déduction, une servitude de conservation doit répondre aux critères suivants140(*) :
- perpétuité : le terrain doit être engagé à des fins de conservation, indépendamment des changements de propriétaire ;
- organisme qualifié : la servitude doit être détenue par un organisme gouvernemental ou à but non lucratif reconnu, comme les fiducies foncières locales, les départements d'État pour la pêche et la faune, le National Park Service, ou les gouvernements tribaux amérindiens. Ces organisations doivent être capables de protéger les objectifs de conservation et de faire respecter les restrictions ;
- objectif de conservation : la servitude doit viser la protection des habitats naturels, la préservation historique, la préservation des espaces ouverts, ou la préservation des terres pour les loisirs ou l'éducation du public.
Selon le service de recherche du Congrès (Congressional Research Service), les déductions pour ces dons ont significativement augmenté ces dernières années141(*). En 2018, le montant total déduit était de 6,5 milliards de dollars (environ 6,34 milliards d'euros), soit près de six fois plus qu'en 2013. Cette même année, un peu moins de 10 000 contribuables ont demandé une déduction pour des contributions à la conservation, et un total de plus de 14 000 servitudes ont été déduites142(*).
Cependant, des inquiétudes existent concernant l'augmentation du recours abusif aux déductions fiscales dans le cadre des servitudes de conservation. En 2016, le service fédéral des impôts (Internal Revenue Service, IRS) a identifié ces transactions comme des formes d'évasion fiscale, notamment lorsqu'elles promettent des déductions représentant 2,5 fois l'investissement initial143(*). En réponse, l'IRS a élaboré des stratégies pour limiter ces abus et a soutenu des contestations judiciaires. Une loi fédérale de 2021144(*) a tenté de limiter ces abus en plafonnant les déductions à 2,5 fois le montant investi, avec certaines exceptions145(*).
(2) Les réductions de droits de succession (Estate Tax Incentive)
Une servitude de conservation peut réduire les impôts successoraux de deux façons : en diminuant la valeur de la succession et/ou en excluant une partie de la valeur de la propriété de l'assiette imposable146(*).
Lorsque la servitude est conclue, la valeur de la succession du défunt est diminuée du montant équivalent à celle de la servitude, entrainant une diminution de l'impôt dû dans le cadre de la succession. Les héritiers ne paient des droits de succession que sur la valeur restante de la propriété. Dans certains cas, cette diminution peut même faire passer la valeur totale de la succession en dessous du seuil d'imposition, éliminant ainsi complètement les droits de succession.
Il est également possible d'exclure une partie de la valeur de la propriété de l'assiette imposable grâce à une disposition spécifique de l'IRC, prévue par l'article 2031(c). Cette exemption permet de soustraire jusqu'à 40 % de la valeur d'un terrain protégé par une servitude de conservation des droits de succession, avec un plafond fixé à 500 000 dollars (environ 488 000 euros). Toutefois, cette exemption est réduite si la servitude n'a pas diminué la valeur de la propriété d'au moins 30 % au moment de sa donation. De plus, seuls les membres de la famille du donateur initial, tels que les conjoints ou les descendants, peuvent prétendre à cette exemption. Cette mesure s'ajoute à la réduction de la valeur de la propriété due à la servitude, permettant ainsi une économie fiscale supplémentaire.
Pour bénéficier de ces avantages fiscaux, la servitude doit être transmise aux héritiers, ce qui peut se faire de différentes façons. Elle peut être cédée de manière anticipée, de son vivant, ou bien par testament ou à titre posthume. Cependant, dans ce dernier cas, la famille perd la possibilité de demander une déduction au titre de l'impôt fédéral sur le revenu.
(3) Les incitations fiscales au niveau fédéré : l'exemple du Colorado
(a) Le crédit d'impôt sur le revenu
Lorsqu'un propriétaire foncier choisit de protéger une propriété en faisant don d'une servitude de conservation à une fiducie qualifiée, cet acte lui donne droit à un crédit d'impôt sur le revenu de l'État sous forme d'un certificat transférable147(*). Cet engagement est enregistré dans les archives publiques et son respect est assuré par l'entité détentrice de la servitude148(*).
Le programme de crédit d'impôt pour servitudes de conservation du Colorado permet aux propriétaires fonciers de transformer une partie de la valeur de leur terrain en un crédit d'impôt commercialisable149(*). Contrairement à une déduction fiscale, ce crédit constitue une réduction nette de l'impôt sur le revenu dû à l'État150(*).
L'un des aspects les plus innovants de ce programme est la transférabilité des crédits d'impôt. Si la valeur d'un crédit excède l'impôt dû par un propriétaire foncier, celui-ci peut vendre tout ou partie de son crédit à un autre contribuable ayant une charge fiscale plus élevée151(*). Les contribuables souhaitant réduire leur charge fiscale peuvent acheter ces crédits auprès des propriétaires fonciers, leur offrant ainsi une opportunité financière tout en soutenant des projets de conservation152(*). Cette caractéristique permet non seulement d'augmenter les revenus des propriétaires ruraux, mais aussi de mobiliser les ressources financières des contribuables urbains pour soutenir la conservation des terres153(*). Elle doit favoriser une plus grande sensibilisation à l'importance des servitudes de conservation et contribuer à élargir significativement la superficie des terres protégées au Colorado154(*). Les transferts de crédits d'impôt doivent être signalés à la Division of Conservation155(*), qui en assure le suivi et certifie la propriété des crédits. Une nouvelle certification est émise pour le nouvel acquéreur, garantissant ainsi la validité des transactions156(*).
Avant qu'un certificat de crédit d'impôt ne soit délivré, la donation de servitude doit répondre aux critères stricts définis par la section 170(h) de l'IRC157(*) (cf. supra).
Le 20 mai 2024, l'Assemblée générale du Colorado (Congrès de l'État) a adopté le projet de loi n° 24-126 du Sénat158(*), élargissant le programme de crédit d'impôt pour servitudes de conservation. Ce texte augmente le plafond annuel global des certificats de crédit d'impôt à 50 millions de dollars à compter de 2025 (environ 48,9 millions d'euros)159(*). Les propriétaires fonciers pourront ainsi demander un crédit d'impôt correspondant à 90 % de la juste valeur marchande de la servitude donnée, tout en respectant les plafonds et tranches annuels déjà en place160(*).
Ce programme est présenté comme une approche novatrice qui allie conservation et incitations économiques. Il doit offrir une opportunité financière tangible aux propriétaires fonciers, tout en mobilisant les ressources des contribuables pour protéger les paysages et habitats essentiels du Colorado161(*).
(b) Les fonds spéciaux
Dans l'État du Colorado, des fonds dédiés soutiennent les propriétaires fonciers souhaitant protéger leurs terres en établissant des servitudes de conservation. Ces fonds sont répartis en deux programmes principaux162(*) :
- le programme d'aide aux coûts de transaction (Transaction Cost Assistance Program) qui accorde des subventions à des fiducies foncières à but non lucratif travaillant avec des propriétaires volontaires pour préserver leurs terres. Ces subventions permettent de couvrir une partie des coûts élevés liés aux transactions163(*). Cela rend la conservation accessible à des propriétaires fonciers qui, autrement, seraient freinés par des obstacles financiers. En facilitant ces projets, ce programme accélère la protection des habitats essentiels pour la faune et la flore ;
- le programme d'avancement organisationnel (Organizational Advancement Program) : ce volet vise à renforcer la capacité des organismes de conservation du Colorado. Il finance des initiatives stratégiques, notamment en matière de renforcement des compétences, d'amélioration de la gestion des terres et de promotion des principes de diversité, d'équité, d'inclusion et de justice (DEIJ).
Ces initiatives s'intègrent dans la feuille de route stratégique intitulée « Conserving Colorado », qui définit des objectifs ambitieux pour la prochaine décennie en matière de préservation des terres, des habitats et des paysages emblématiques de l'État.
e) Statistiques, coût et évaluation du dispositif
Sur les 11 millions de km² de terres du pays, environ 28 % appartiennent au gouvernement fédéral (soit environ 2,6 millions de km²)164(*). Le gouvernement fédéral a fixé un objectif ambitieux en matière de conservation. Le décret exécutif n° 14008, signé le 27 janvier 2021165(*), a établi l'objectif de préserver au moins 30 % des terres et des eaux américaines d'ici 2030. Cette initiative repose en grande partie sur la participation des propriétaires privés166(*).
Au cours des dernières décennies, la conservation des terres privées a significativement augmenté. En 1980, seulement 431 fiducies foncières locales, étatiques et régionales opéraient aux États-Unis et géraient des servitudes couvrant 128 001 acres (environ 518 km²). En 2003, ce nombre était passé à 1 526 fiducies, avec des servitudes couvrant plus de 5 millions d'acres (environ 20 234 km²)167(*).
En 2024, la base de données nationale des servitudes de conservation (National Conservation Easement Database) indiquait qu'il existait 221 256 servitudes de conservation (perpétuelles ou non), couvrant près de 38 millions d'acres, soit environ 154 000 km². Cependant, cette base reconnaît que ses chiffres sous-estiment probablement la réalité en raison du caractère volontaire de l'enregistrement des servitudes168(*).
Pour la seule année 2021, les programmes de conservation ont permis la conclusion de 589 nouvelles servitudes couvrant environ 106 700 acres (environ 432 km²), avec des dépenses publiques dépassant les 183,7 millions de dollars (environ 179,8 millions d'euros)169(*).
6. Suisse
Le code civil suisse ne prévoit pas explicitement de mécanisme de « servitude écologique ». Les servitudes, définies aux articles 730 et suivants170(*), sont des charges imposées sur un immeuble (fonds servant) en faveur d'un autre immeuble (fonds dominant), obligeant le propriétaire du fonds servant à tolérer certains actes d'usage ou à s'abstenir d'exercer certains droits inhérents à la propriété.
La doctrine distingue généralement les servitudes naturelles, les servitudes légales et les servitudes conventionnelles. Les servitudes naturelles découlent de la situation des lieux, comme l'écoulement des eaux pluviales. Les servitudes légales sont imposées par la loi pour l'utilité publique ou privée, telles que le droit de passage. Enfin, les servitudes conventionnelles résultent d'un accord entre propriétaires171(*).
Si le code civil ne mentionne pas expressément les servitudes à des fins écologiques, il est toutefois possible, par le biais de conventions entre propriétaires, d'établir des servitudes visant la protection de l'environnement. Ces accords peuvent imposer des restrictions d'usage ou des obligations particulières pour préserver la biodiversité ou les paysages naturels.
D'autres lois, comme la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT) et la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN), encadrent la protection des zones sensibles. Ces dispositifs, renforcés par des contrats environnementaux et des outils, tels que le cadastre des restrictions de droit public (CRDP), forment un cadre cohérent pour concilier usage des sols et préservation des écosystèmes.
a) La compensation des restrictions en zones protégées
La loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT)172(*) régit l'utilisation du sol pour concilier développement durable, protection des ressources naturelles et besoins économiques. Elle impose des obligations aux propriétaires, notamment dans les zones protégées, agricoles ou non constructibles, tout en prévoyant des compensations pour limiter l'impact sur les droits de propriété.
Les « zones à protéger », définies à l'article 17, comprennent notamment cours d'eau, lacs, paysages remarquables, biotopes et monuments naturels ou culturels. Elles interdisent les constructions et activités nuisibles à leur intégrité pour préserver les écosystèmes et la biodiversité. Les « zones agricoles » (article 16) visent à garantir l'approvisionnement national et l'équilibre écologique, limitant les constructions à celles liées à l'agriculture. Les installations non conformes doivent être supprimées ou réaffectées.
L'article 5 de la LAT fixe les règles relatives à la compensation et à l'indemnisation dans le cadre des mesures d'aménagement du territoire. Il vise à répartir équitablement les avantages et les inconvénients résultant de ces mesures, tout en tenant compte des droits des propriétaires fonciers. Dans les situations où des mesures d'aménagement imposent des restrictions au droit de propriété équivalant à une expropriation, l'article 5 garantit une juste indemnisation des propriétaires affectés. Les cantons ont également la possibilité de demander l'inscription au registre foncier des indemnités versées à la suite de ces restrictions. Ce mécanisme assure une traçabilité et une transparence dans les droits liés à la propriété173(*).
Bien que la LAT n'inclue pas d'incitations fiscales pour la biodiversité, des mécanismes similaires existent dans certaines lois cantonales, comme les mesures pour les biotopes ou la gestion forestière.
b) Les contrats environnementaux
Les contrats de droit public ou privé sont des outils juridiques importants pour encourager la conservation de l'environnement en Suisse. Encadrés par la loi fédérale sur l'agriculture (LAgr)174(*), ces contrats permettent d'établir des obligations entre propriétaires fonciers et autorités publiques ou associations.
Le titre 3 de la loi fédérale sur l'agriculture (articles 70 à 77) établit des paiements directs pour les prestations écologiques fournies par les agriculteurs. Ces paiements sont accordés sous réserve que les bénéficiaires respectent des pratiques favorisant la biodiversité (détention des animaux de rente conforme aux besoins de l'espèce, part équitable de surfaces de promotion de la biodiversité, protection appropriée du sol, sélection et utilisation ciblées des produits phytosanitaires, etc.). Ces engagements sont formalisés dans des conventions d'exploitation spécifiques signées entre les agriculteurs et les cantons (article 74, alinéa 2).
c) Le cadastre des restrictions de droit public à la propriété foncière (CRDPPF)
Le cadastre des restrictions de droit public à la propriété foncière (CRDPPF) est un outil central pour la gestion transparente des limitations d'usage du sol en Suisse. Prévu par l'article 16 de la loi fédérale sur la géoinformation (LGéo)175(*), ce cadastre recense les restrictions imposées par le droit public sur les biens-fonds. Il vise à garantir la transparence et la sécurité juridique pour les propriétaires et les investisseurs.
Parmi les informations répertoriées dans le CRDPPF figurent les zones de protection des eaux souterraines et les périmètres soumis à des risques naturels176(*). Ces restrictions sont inscrites dans le cadastre officiel, assurant leur opposabilité à tout tiers. Il permet ainsi de localiser les terrains situés dans des zones protégées ou dans des zones agricoles, où les constructions et les activités humaines sont strictement réglementées.
Le CRDPPF contribue à la planification durable en fournissant une vue d'ensemble des contraintes environnementales et d'aménagement du territoire. Il est accessible au public177(*), garantissant que les acheteurs, investisseurs ou promoteurs immobiliers puissent prendre des décisions éclairées concernant les terrains.
* 1 https://www.senat.fr/ga/ga-031/ga-0313.html (consulté le 2 janvier 2025)
* 2 Australian Constitution, article 51.
* 3 https://soe.dcceew.gov.au/overview/management/legislation-policy-and-international-obligations#national-state-and-territory-legislation-and-policy (consulté le 2 janvier 2025).
* 4 Ibid.
* 5 Australian Government Department of Climate Change, Energy, the Environment and Water, Achieving 30 by 30, https://www.dcceew.gov.au/environment/land/achieving-30-by-30
(consulté le 21 novembre 2024).
* 6 Australian Government, Department of Climate Change, Energy, the Environment and Water, Ownership and governance of protected areas, 2023, https://www.dcceew.gov.au/environment/land/nrs/about-nrs/ownership (consulté le 21 novembre 2024).
* 7 Environment Protection and Biodiversity Conservation Act ( EPBC Act) 1999.
* 8 https://soe.dcceew.gov.au/overview/management/legislation-policy-and-international-obligations#national-state-and-territory-legislation-and-policy- (consulté le 2 janvier 2025).
* 9 EPBC Act, article 3.
* 10 https://www.dcceew.gov.au/environment/biodiversity/conservation (consulté le 2 janvier 2025).
* 11 https://www.edo.org.au/wp-content/uploads/2020/06/171211_Conservation_on_private_land2.pdf (consulté le 15 janvier 2025).
* 12 Boonrueang & Reid, Conservation agreements and environmental governance: The role of
nongovernmental actors, Review of European, Comparative and International Environmental Law, 30(1), p. 118-127, 2021.
* 13 EPBC Act, Chapter 5, Part 14, articles 304 à 308.
* 14 https://www.dcceew.gov.au/environment/epbc/permits-and-regulation/conservation-agreements
* 15 EBPC Act, article 304.
* 16 Ibid.
* 17 À l'échelle nationale, l'Australie a mis en place des plans de récupération, de réduction des risques et de conservation de la flore et de la faune ainsi que des principes de gestion du patrimoine et des zones humides Ramsar.
* 18 EPBC Act, article 306.
* 19 EPBC Act, article 306.
* 20 Ibid.
* 21 Landcare Australia, 2020 Annual Report, pp. 6-7.
* 22 Ibid., pp. 16-20.
* 23 Ibid., pp. 12 et 27.
* 24 EPBC Act, article 307.
* 25 EPBC Act, article 308.
* 26 EPBC Act, article 476.
* 27 https://www.dcceew.gov.au/environment/epbc/permits-and-regulation/conservation-agreements#western-australia (consulté le 28 décembre 2024).
* 28 Legislation - Income Tax Assessment Act 1997.
* 29 Department of Climate Change, Energy, the Environment and Water (n.d.), Conservation covenants, https://www.dcceew.gov.au/environment/biodiversity/conservation/covenants (consulté le 12 novembre 2024).
* 30 Ibid.
* 31 https://www.dcceew.gov.au/environment/biodiversity/conservation/covenants/approved-programs (consulté le 12 novembre 2024).
* 32 Income Tax Assessment Act 1997.
* 33 Trust for nature - Resources for landholders.
* 34 Biodiversity Conservation Act 2016 No 63, article 6.2.
* 35 Site internet du Biodiversity Offsets Scheme (consulté le 7 janvier 2025).
* 36 https://www.bct.nsw.gov.au/leadership (consulté le 10 janvier 2025).
* 37 Biodiversity Conservation Act 2016 No 63, article 6.3.
* 38 Article 6.4.
* 39 Article 6.6.
* 40 Article 6.7.
* 41 Total Fund Deposit and discount rate.
* 42 https://www2.environment.nsw.gov.au/topics/animals-and-plants/biodiversity-offsets-scheme/biodiversity-stewardship-agreement/generate-sell-credits (consulté le 7 janvier 2025).
* 43 Voir : https://www.environment.nsw.gov.au/-/media/OEH/Corporate-Site/Documents/Animals-and-plants/Biodiversity/biodiversity-stewardship-agreement-template-april-2023.pdf?la=en&hash=5BD634406626DF670C37CD12EA231B75795D9F4E
(consulté le 10 janvier 2025)
* 44 https://www2.environment.nsw.gov.au/topics/animals-and-plants/biodiversity-offsets-scheme/biodiversity-stewardship-agreement/generate-sell-credits (consulté le 7 janvier 2025).
* 45 Biodiversity Conservation Trust, Private land conservation outcomes, 2024, https://www.bct.nsw.gov.au/private-land-conservation-outcomes (consulté le 2 décembre 2024).
* 46 Carbon Credits (Carbon Farming Initiative) Act 2011.
* 47 Australian Government Clean Energy Regulator - Australian Carbon Credit Unit Scheme.
* 48 Voir par exemple le site internet du Trust for nature de l'État de Victoria : https://trustfornature.org.au/what-we-do/revolving-fund (consulté le 10 janvier 2025).
* 49 https://www.dcceew.gov.au/environment/biodiversity/conservation/revolving-funds
(consulté le 10 janvier 2025).
* 50 Ibid.
* 51 Australian Government, Department of Climate Change, Energy, the Environment and Water, Ownership and governance of protected areas, 2023, https://www.dcceew.gov.au/environment/land/nrs/about-nrs/ownership
(consulté le 21 novembre 2024).
* 52 Collaborative Australian Protected Areas Database (CAPAD) 2022.
* 53 Australian Bureau of Statistics, Government Finance Statistics 2022-2023.
* 54 https://www.agriculture.gov.au/about/reporting/obligations/government-responses/national-landcare-program (consulté le 2 janvier 2025).
* 55 https://www.dcceew.gov.au/environment/land/natural-heritage-trust (consulté le 2 janvier 2025).
* 56 https://www.bct.nsw.gov.au/what-we-do (consulté le 10 janvier 2025).
* 57 Audit Office of New South Wales, Effectiveness of the Biodiversity Offsets Scheme, août 2022.
* 58 Loi constitutionnelle de 1867.
* 59 La « réglementation du trafic et du commerce » fait partie des matières entrant dans l'autorité législative exclusive du Parlement du Canada.
* 60 Au Canada, le terme de « servitude de conservation » (conservation easement) ne doit pas être confondu avec celui d'accord de conservation (conservation agreement). Les servitudes constituent des documents enregistrés sur le titre foncier qui imposent des restrictions ou conditions sur l'utilisation et la gestion des terres. Les accords de conservation ne sont pas liés au titre foncier et portent généralement sur des mesures de gestion spécifiques, comme la restauration de prairies ou de zones humides, ou l'amélioration de l'habitat pour certaines espèces.
* 61 Loi sur les terres protégées, L.R.O. 1990, chap. C.28.
* 62 Conservation Easements Act of 2001.
* 63 Loi sur les servitudes écologiques, déposée le 13 mai 2011.
* 64 North American Wetlands Conservation Council (Canada), Conservation Easements, Covenants and Servitudes in Canada, A Legal Review, 2004, pp. 7-9.
* 65 Conservation Easements Act of 2001.
* 66 Ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, Résumé de l'expérience canadienne en ce qui a trait aux servitudes de conservation et de leur application éventuelle à la politique agroenvironnementale, 2008, p. 11.
* 67 Ontario Heritage Act, R.S.O. 1990, c. O.18.
* 68 North American Wetlands Conservation Council (Canada), op. cit., pp. 36-39.
* 69 Loi sur la conservation du patrimoine naturel, notamment les articles 12 et 58.
* 70 North American Wetlands Conservation Council (Canada), op. cit., pp. 43-45.
* 71 Ibid.
* 72 Ibid.
* 73 Environmental Protection and Enhancement Act.
* 74 Ibid.
* 75 Ibid., p. 22.
* 76 Ibid.
* 77 Ibid., p. 8.
* 78 Ibid., p. 10.
* 79 Ibid., p. 16.
* 80 Loi sur les servitudes écologiques, article 6.
* 81 Loi sur les servitudes écologiques, article 2.
* 82 Loi sur les servitudes écologiques, article 8.
* 83 Loi sur les servitudes écologiques, article 11.
* 84 North American Wetlands Conservation Council (Canada), op. cit., p. 9.
* 85 Ibid.
* 86 Loi sur les servitudes écologiques, article 3.
* 87 Ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, op. cit., pp. 23-24.
* 88 North American Wetlands Conservation Council (Canada), op. cit., p. 9.
* 89 Loi de l'impôt sur le revenu, article 118.1.
* 90 Ibid., p. 13.
* 91 Université de Sherbrooke, Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP), Brochure Crédit d'impôt pour dons, p. 8.
* 92 Loi de l'impôt sur le revenu, article 118.1.
* 93 Fondation pour la recherche sur la biodiversité, « Comment développer les Obligations réelles environnementales (ORE) en France ? », p. 4.
* 94 Ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, op. cit., p. 42.
* 95 Fondation pour la recherche sur la biodiversité, op. cit., p. 4.
* 96 Université de Sherbrooke, Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP), Brochure Crédit d'impôt pour dons, p. 3.
* 97 Ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, op. cit., p. 44.
* 98 Université de Sherbrooke, Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP), Brochure Crédit d'impôt pour dons, p. 3.
* 99 Ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, op. cit., p. 45.
* 100 Ibid. p. 2.
* 101 Ibid.
* 102 Site internet Conservation Easements in Alberta, section 4 (consulté le 8 janvier 2025).
* 103 Environment and Climate Change Canada Canadian Environmental Sustainability Indicators: Canada's conserved areas, 2024, p. 5.
* 104 Ibid.
* 105 Université de Sherbrooke, Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP), op., pp. 1-2.
* 106 Ibid., p. 3.
* 107 Ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, op. cit., pp. 26-28.
* 108 Ibid., p. 11.
* 109 Ibid., p. 39.
* 110 Ibid., p. 26.
* 111 La Clause de Commerce (Article I, Section 8 de la Constitution américaine) confère au Congrès le pouvoir de réglementer les commerces inter-états. Elle est utilisée comme fondement pour l'adoption de lois environnementales fédérales, notamment lorsque les activités ou les impacts environnementaux affectent le commerce entre les États. Des lois majeures, comme le Clean Air Act (CAA), le Clean Water Act (CWA) et le Resource Conservation and Recovery Act (RCRA), établissent des standards nationaux tout en laissant aux États une latitude importante pour les mettre en oeuvre.
* 112 https://conserveopenspace.org/history-of-conservation-easements(consulté le 24 décembre 2024).
* 113 Ibid.
* 114 F. Cheever et N. McLaughlin,An Introduction to Conservation Easements in the United States: A Simple Concept and a Complicated Mosaic of Law, University of Denver, 2015, p. 112.
* 116 https://www.uniformlaws.org/aboutulc/overview (consulté le 15 janvier 2025).
* 118 UCEA, Commissioners' Prefatory Note.
* 119 Ibid.
* 120 James Vercammen, A Welfare Analysis of Conservation Easement Tax Credits, University of British Columbia, juin 2016, p. 1.
* 121 UCEA, § 2.
* 122 Dominic P. Parker et Walter N. Thurman, Private Land Conservation and Public Policy: Land Trusts, Land Owners, and Conservation Easements, in Annual Review of Resource Economics, juin 2019, p. 340.
* 123 Dominic P. Parker et Walter N. Thurman, op. cit., p. 341.
* 124 F. Cheever et N. McLaughlin, op. cit., p. 140.
* 125 Ibid.
* 126 F. Cheever et N. McLaughlin, op. cit., p. 184.
* 127 F. Cheever et N. McLaughlin, op. cit., p. 171.
* 128 S. Boonrueang et C. Reid, Conservation agreements and environmental governance, University of Dundee, in Review of European, Comparative and International Environmental Law, 2021, p. 10.
* 129 Ibid., p. 12.
* 130 Ibid., p. 13.
* 131 Ibid., p. 16.
* 132 Ibid., p. 14.
* 133 M. Kibler et K. Radney, Uses And Abuses Of Conservation Easements, in Palisade Hudson Financial Group LLC, juillet 204.
* 134 F. Cheever et N. McLaughlin, op. cit., p. 146.
* 135 F. Cheever et N. McLaughlinAn, op. cit., p. 119.
* 136 Internal Revenue Code, section 170 (h).
* 137 F. Cheever et N. McLaughlin, op. cit., p. 120.
* 138 Congressional Research Service, The Tax Deduction for Conservation Easement Contributions, novembre 2022, p. 1.
* 139 Ibid.
* 140 Ibid.
* 141 Ibid., p. 2.
* 142 Ibid., p. 2.
* 143 Ibid., pp. 3 et 4.
* 144 S.2256 - Charitable Conservation Easement Program Integrity Act of 2021.
* 145 Ibid., pp. 4 et 5.
* 146 Land Trust Alliance Resource Center, Estate tax incentives for land conservation, , 2015.
* 147 Keep It Colorado, The Conservation Easement Tax Credit: 20 Years of Conservation Success in Colorado (page consultée le 20 décembre 2024).
* 148 State of Colorado, Department of Regulatory Agencies, Tax Credit Certificates
(page consultée le 20 décembre 2024).
* 149 Ibid.
* 150 Ibid.
* 151 Ibid.
* 152 Ibid.
* 153 Ibid.
* 154 Ibid.
* 155 Service de l'État du Colorado sous la tutelle du ministère des agences de régulation.
* 156 State of Colorado, Department of Regulatory Agencies, Tax Credit Certificates
(page consultée le 20 décembre 2024).
* 157 Ibid.
* 158 Colorado General Assembly, SB24-126 Conservation Easement Income Tax Credit.
* 159 Kaplan Kirsch, Recent Legislation Expands Conservation Easement Tax Credit Program in Colorado, mai 2024 (page consultée le 20 décembre 2024).
* 160 Ibid.
* 161 Ibid.
* 162 Keep It Colorado Receives Over $1.5 Million to Advance Conservation
(page consultee le 20 décembre 2024).
* 163 Ces coûts de transaction se réfèrent principalement aux dépenses associées à la conclusion et à l'établissement de la servitude de conservation, et non à l'achat direct d'un terrain (frais juridiques, évaluations foncières, études environnementales...).
* 164 Sarah A. Brown et al., Conservation easements: A tool for preserving wildlife habitat on private lands, in Wildlife Society Bulletin, janvier 2023.
* 165 Executive Order 14008 of January 27, 2021 - Tackling the Climate Crisis at Home and Abroad
* 166 Sarah A. Brown et al., op. cit.
* 167 Dominic P. Parker et Walter N. Thurman, Private Land Conservation and Public Policy: Land Trusts, Land Owners, and Conservation Easements, in Annual Review of Resource Economics, juin 2019.
* 168 National Conservation Easement Database (page consultée le 20 décembre 2024).
* 169 Sarah A. Brown et al., op. cit.
* 170 Code civil suisse, articles 730 et suivants.
* 171 C. Convers, Les servitudes et les charges foncières, Registre foncier du Jura, Canton de Vaud, novembre 2005.
* 172 Loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire.
* 173 Code civil suisse, article 5.
* 174 Loi fédérale du 29 avril 1988 sur l'agriculture.
* 175 Loi fédérale du 5 octobre 2007 sur la géoinformation.
* 176 Ordonnance du 2 septembre 2009 sur le cadastre des restrictions de droit public à la propriété foncière (OCRDP), annexe 1.