ALLEMAGNE
Il
n'existe pas en Allemagne de tribunaux spéciaux pour les affaires
litigieuses à caractère commercial
.
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I. LES TRIBUNAUX COMPETENTS
1) La composition
Les
chambres commerciales des tribunaux régionaux sont
composées :
- d'un magistrat professionnel qui préside ;
- et de deux juges consulaires, les assesseurs ;
• Le
président
est un
magistrat de carrière
appartenant au tribunal régional. Ne sont choisis pour cette tâche
que des magistrats très qualifiés.
• Les
juges consulaires
ont les mêmes droits que les juges
professionnels et sont soumis aux mêmes devoirs et à la même
discipline. Ils sont
élus
pour
quatre ans
et peuvent
être réélus. Leur candidature est présentée
par les chambres de commerce et d'industrie qui sélectionnent les
commerçants ayant une certaine expérience et une bonne
réputation.
Ils doivent avoir
au moins trente ans,
être ou avoir
été inscrits au registre du commerce
en qualité de
commerçant, de gérant d'une société à
responsabilité limitée, de président de
société anonyme ou de toute autre personne morale
immatriculée au registre du commerce. Ils ne doivent pas être
frappés d'une interdiction de gérer leur patrimoine.
Les fonctions de juge consulaire sont
incompatibles
avec certains
emplois de fonctionnaire, notamment ceux de fonctionnaires de l'ordre
judiciaire, ainsi qu'avec les fonctions de membre des cultes religieux, les
professions de notaire et d'avocat. Au niveau local, chaque Land peut
prévoir d'autres incompatibilités.
Les fonctions de juge consulaire ne sont pas
rémunérées.
2) Les compétences
La
chambre commerciale du
Landgericht
statue, en tant que juridiction de
première instance, pour les litiges dont la valeur n'excède pas
10.000 DEM, c'est-à-dire environ 35.000 F, et qui ne
relèvent pas des tribunaux cantonaux.
Seules les affaires commerciales énumérées par
l'article 95 de la loi d'organisation judiciaire peuvent être
confiées à la chambre commerciale. Il s'agit notamment les
litiges :
- concernant des affaires de traites ou de chèques ;
- relevant du commerce de devises ;
- entre associés d'une société commerciale ;
- relevant du droit des marques ;
- relatifs à une cession de fonds de commerce ;
- en matière de concurrence déloyale ;
- entre commerçants.
La qualité de commerçant est définie par le code de
commerce. Est commerçant " celui qui exerce une profession
commerciale ".
Les activités professionnelles considérées comme
commerciales sont notamment : l'achat et la revente de marchandises, le
travail à façon (à l'exception du travail artisanal), les
opérations de banque et de change, le transport de marchandises ou de
voyageurs...
Toute entreprise artisanale ou industrielle "
dont l'exploitation n'est
pas considérée comme activité commerciale
et
qui nécessite néanmoins une installation de type commercial
étant donné sa nature et son étendue, est
considérée comme une activité commerciale (...) dans la
mesure où la dénomination sociale de l'entreprise a
été inscrite au registre du commerce
". Les
dispositions relatives aux commerçants s'appliquent également aux
sociétés commerciales (SNC, SARL, SA, etc.).
Les affaires commerciales ne sont portées devant la chambre
commerciale que sur demande formelle de l'une des deux parties
. A
défaut, l'affaire est portée de plein droit devant la chambre
civile. La procédure est la même devant les chambres commerciales
et les chambres civiles.
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La création des chambres commerciales n'est pas obligatoire. Mais compte tenu de la masse et de la spécialisation des affaires à traiter, tous les tribunaux régionaux disposent d'une chambre commerciale, souvent même de plusieurs. Les jugements rendus par ces chambres jouissent partout d'une bonne renommée.
II. LE ROLE DES TRIBUNAUX DANS LA PREVENTION ET LE TRAITEMENT DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES
L'Allemagne n'a
aucun système de dépistage des
entreprises en difficulté
.
Le traitement des difficultés des entreprises est régi par la
loi sur l'insolvabilité
. Dans ce domaine, la compétence
revient au
tribunal cantonal
.
1) L'ouverture de la procédure
Les
tribunaux cantonaux reçoivent du débiteur, personne physique ou
morale, ou des créanciers, la
demande d'ouverture de la
procédure d'insolvabilité
. Cette requête peut
être faite en cas de surendettement, d'insolvabilité ou de menace
d'insolvabilité, c'est-à-dire lorsque l'on peut s'attendre
à ce que le débiteur ne soit pas en mesure de régler ses
dettes de façon imminente.
Pour la durée de l'instruction du dossier, le
tribunal peut nommer un
administrateur provisoire
de l'insolvabilité.
Si le tribunal interdit au débiteur de disposer de ses biens, c'est
l'administrateur qui est seul chargé de "
continuer l'entreprise
dirigée par le débiteur jusqu'à la décision
d'ouverture de la procédure d'insolvabilité dans la mesure
où le tribunal n'a pas autorisé la fermeture de l'entreprise pour
éviter une dévalorisation importante du patrimoine
".
2) Le déroulement de la procédure
a) Le rejet de la procédure
Si le
patrimoine du débiteur est insuffisant pour couvrir les frais de la
procédure (frais du tribunal, du liquidateur et des créanciers)
la procédure n'est pas ouverte, sauf si un créancier paie une
avance suffisante.
Le tribunal tient un registre des débiteurs dont la demande a
été rejetée pour insuffisance de patrimoine.
b) L'acceptation de la procédure
Si le
patrimoine du débiteur suffit pour couvrir les frais, la
procédure est ouverte immédiatement et le
tribunal nomme
l'administrateur de l'insolvabilité
. C'est une personne physique,
compétente en matière commerciale
et
indépendante vis-à-vis du débiteur et des
créanciers
. L'administrateur est soumis au
contrôle du
tribunal
qui fixe également sa rémunération et le
remboursement de ses dépenses.
Le tribunal peut constituer une commission des créanciers, qui assiste
l'administrateur et assure la surveillance de son activité.
Si le débiteur est propriétaire de terrains, le tribunal doit
faire inscrire dans le registre foncier l'ouverture de la procédure
d'insolvabilité.
Un
plan d'insolvabilité
prévoyant la prorogation des
délais de paiement, la réduction des créances et la
libération du débiteur de ses dettes résiduelles à
l'égard des créanciers, peut soit être
présenté au tribunal par le débiteur avec la demande
d'ouverture de la procédure, soit être élaboré par
l'administrateur à la demande de l'assemblée des
créanciers.
Ce plan peut être rejeté par le tribunal, notamment s'il n'a
aucune chance d'être accepté par les créanciers. En cas
d'acceptation par ces derniers, le plan doit être homologué par le
tribunal.
c) L'abandon de la procédure
Le
tribunal peut abandonner la procédure :
- pour insuffisance de la masse s'il s'avère que le patrimoine du
débiteur ne suffit pas à régler les dettes, voire à
couvrir les frais de la procédure.
- sur autorisation des créanciers, à la demande du
débiteur.
- pour disparition d'un motif d'ouverture. La demande doit être
déposée au greffe du tribunal et publiée officiellement.
C'est le tribunal qui statue sur l'abandon de la procédure.
3) La clôture de la procédure
En
l'absence d'un plan d'insolvabilité
C'est le tribunal qui autorise la distribution finale aux
créanciers
après réalisation du patrimoine du
débiteur. A l'issue de cette répartition, il décide de la
clôture de la procédure.
Les créanciers qui n'ont pas obtenu le remboursement complet de leurs
dettes peuvent demander au tribunal la délivrance d'une formule
exécutoire leur permettant d'exiger du débiteur le paiement des
sommes restant dues.
Avec un plan d'insolvabilité
Après l'homologation du plan et le règlement des dettes non
contestées, le tribunal décide de la clôture du plan
d'insolvabilité. Le débiteur retrouve alors le droit de disposer
librement de la masse de l'insolvabilité
S'il est prévu dans le plan la surveillance de son exécution,
c'est l'administrateur de l'insolvabilité qui en est chargé.
III. LE REGISTRE DU COMMERCE
1) La tenue du registre du commerce
Le
registre du commerce est tenu à jour par les
tribunaux cantonaux
.
Il sert non seulement à garantir les rapports juridiques dans les
affaires avec les commerçants, mais aussi à protéger les
tiers.
C'est le
greffier
qui tient le registre du commerce,
sous sa propre
responsabilité
. Il a, en cette matière, un statut de quasi
magistrat.
2) Les personnes tenues de s'inscrire au registre du commerce
Les
personnes physiques qui exercent, à titre professionnel, des
activités commerciales doivent être immatriculées au
registre du commerce. Il en est de même des personnes physiques qui, sans
exercer à proprement parler une activité commerciale, ont une
entreprise nécessitant une exploitation (par exemple les artisans).
Les sociétés commerciales (SNC, SARL, SA, etc.) doivent
être immatriculées, car c'est leur immatriculation qui
confère à leurs activités la qualité
d'activités commerciales.
Pour les entreprises individuelles, l'immatriculation n'est exigée
qu'à partir d'un certain volume d'affaires, apprécié
essentiellement par rapport au chiffre d'affaires annuel et variable selon les
Länder.
Le
Minderkaufmann
, (littéralement " commerçant de
moindre importance ") n'est pas soumis à l'obligation
d'immatriculation.
3) Le contenu du registre du commerce
Seuls
peuvent être inscrits au registre du commerce les faits
déterminés par la loi. Les mentions obligatoires sont
limitées à un strict minimum
.
Doivent être mentionnés :
- la raison sociale ;
- le lieu d'implantation ;
- les nom, prénoms, profession et domicile du commerçant en nom
propre ;
- le cas échéant, la délivrance d'un pouvoir.
Le tribunal contrôle toujours les conditions formelles de la mention
à inscrire
(présence de tous les documents
nécessaires, régularité de la déclaration,
recevabilité...). La loi prescrit en effet que : "
Les
déclarations à fin d'inscription au registre du commerce ainsi
que des spécimens de signatures qui seront déposées
auprès du tribunal doivent être présentés au
tribunal personnellement et sous forme authentifiée
".
Lors de la première immatriculation d'une SA ou d'une SARL, le tribunal
vérifie également que la société est
régulièrement constituée.
Il procède à des
inscriptions d'office
de sa propre
initiative : nomination ou révocation de membres du comité
de direction, de gérants ou de liquidateurs.
Il procède également à des inscriptions d'office sur avis
d'autres autorités : ouverture, suspension et clôture de la
liquidation des biens ou du redressement judiciaire, radiation d'office d'une
société qui a cessé d'exister ou d'une
société commerciale pour absence d'actif.
Le registre comporte deux sections :
- la section A pour les entreprises individuelles, les sociétés
en nom collectif et les sociétés en commandite simple ;
- la section B pour les sociétés de capitaux
(sociétés à responsabilité limitée,
sociétés anonymes, sociétés en commandite par
actions, sociétés mutuelles d'assurance).
4) La publicité légale
Pour
chaque entreprise immatriculée, il est créé deux
volumes :
- un volume particulier contenant des documents accessibles au public,
- un volume principal dont le contenu ne peut être consulté que
si le demandeur peut justifier d'un intérêt particulier.
Toutes les inscriptions et immatriculations au registre du commerce sont
intégralement publiées au Bulletin officiel fédéral
et au moins dans un autre journal désigné chaque année par
le tribunal.
Une copie des inscriptions et immatriculations est adressée à la
chambre de commerce et d'industrie
territorialement compétente,
qui tient un double du registre du commerce.
Il n'existe pas de registre central du commerce.
Des particuliers ne peuvent demander que des copies de ces documents leur
soient envoyés.
Les registres sont seulement consultables sur
place
.
Toutefois, le tribunal doit communiquer à titre gratuit, à toute
personne qui en fait la demande, les informations suivantes relatives à
une entreprise : nom commercial, siège, objet, exploitant ou
associés, gérants, fondés de pouvoir.
5) Le dépôt de documents au registre du commerce
Le
greffier reçoit en dépôt, en vue de leur conservation, les
statuts et autres actes des sociétés, ainsi que les comptes
annuels des SA et des SARL.
En janvier de chaque année, les gérants ou les liquidateurs des
SARL doivent déposer la liste des associés comprenant les nom,
prénoms, situation, domicile et montant des apports sociaux de chacun
des associés. Cette liste n'est pas publiée au registre du
commerce.
La transposition des directives des Communautés européennes sur
la coordination des droits des sociétés s'est traduite par
l'obligation, pour toutes les sociétés de capitaux, de
déposer au registre du commerce les résultats annuels.
L'administration judiciaire permet le dépôt des actes par tout
moyen informatique.
Pour les sociétés de capitaux de petite et moyenne importance, le
bilan doit être déposé au registre du commerce. Le
directoire ou les gérants ont l'obligation de publier ensuite au
Bulletin officiel fédéral la mention du registre et le
numéro sous lequel ces actes ont été
déposés. Les grandes sociétés de capitaux doivent
d'abord publier ces documents au Bulletin officiel fédéral,
l'information étant ensuite déposée au registre du
commerce avec, en annexe, les actes publiés.
La loi prévoit la radiation d'office des sociétés de
capitaux qui ne respectent pas, pendant trois années
consécutives, les obligations de dépôt et de publication de
leurs résultats annuels.
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En
l'absence d'un registre central, l'information est éparpillée
dans les nombreux tribunaux cantonaux.
De nombreuses sociétés ne déposent pas leurs
comptes
, car les sanctions prévues par la loi sur la dissolution et
la radiation de sociétés et coopératives (amende et
possibilité de radiation d'office) ne sont pas appliquées.
En 1997, la Commission européenne a d'ailleurs traduit l'Allemagne
devant la Cour de justice des Communautés européennes pour
non-respect des directives sur l'information légale.
Pour combler ces lacunes, les chambres de commerce allemandes ont
créé une société dont l'objectif est de constituer
une base de données sur les entreprises allemandes -ECOFIS-, à
partir des données du registre du commerce complétées par
d'autres sources. Elle est consultable sur Internet.
Le ministère fédéral de la Justice vient d'élaborer
un projet de loi visant à transférer la tenue du registre du
commerce aux chambres de commerce, pour un essai de quelques années,
avant transfert éventuel définitif.