TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION

DU CONSEIL DES MINISTRES

ÉTUDE D'IMPACT

PROJET DE LOI

visant à donner à la douane les moyens de faire face aux

nouvelles menaces

NOR : ECOD2306819L/Bleue-1

13 avril 2023

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION GÉNÉRALE 4

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 10

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 12

TABLEAU D'INDICATEURS 14

TITRE I - MAINTENIR LA SURVEILLANCE DOUANIERE SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE 18

Article 1er, I et article 2 - Mise en conformité du droit de visite douanière 18

Article 1er, II - Abrogation de divers articles du code des douanes en lien avec le rayon des douanes 47

Article 3 - Modification des articles 62 et 63 du code des douanes 52

Article 4 - Création d'un article 67 ter-1 du code des douanes 59

Article 5 - Modification de l'article 67 du code des douanes 71

Article 6 - Création d'une retenue temporaire d'argent liquide sur le territoire national 76

Article 7 : Création d'une réserve opérationnelle douanière 86

TITRE II - MODERNISER LE CADRE D'EXERCICE DES POUVOIRS DOUANIERS 96

CHAPITRE IER - MODERNISER LES CAPACITÉS D'ENQUÊTE 96

Article 8 - Sonorisation et captation d'images (création d'un article 67 bis-5 du code des douanes) 96

Article 9 - Création d'un article 323-11 du code des douanes 106

Article 10 - Modification des articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales 117

CHAPITRE II - MODERNISER LES CAPACITÉS D'ACTION DE LA DOUANE 131

Article 11 - Renforcer la capacité à détecter les convois de marchandises illicites 131

Article 12 - Prévention des infractions commises par l'intermédiaire d'internet 143

CHAPITRE III - ADAPTER LES INFRACTIONS ET LES SANCTIONS À LA RÉALITÉ DES FRAUDES 158

Article 13 - Moderniser le délit de blanchiment douanier 158

Article 14 I, 1° - Modification de l'article 414 du code des douanes 171

Article 14, I, 2° - Améliorer l'efficacité de la répression (création d'un article 432 ter dans le code des douanes) 177

Article 14, II - Aggravation des sanctions en matière de tabac (modification des articles 1810 et 1811 du code général des impôts) 184

TITRE III - HABILITATION DU GOUVERNEMENT A PROCÉDER À LA CODIFICATION DE LA PARTIE LEGISLATIVE DU CODE DES DOUANES 192

Article 15 - Habilitation du Gouvernement à codifier la partie législative du code des douanes 192

TITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER 198

Article 16 - Dispositions relatives à l'outre-mer 198

ANNEXES 204

Annexe 1 : Carte matérialisant le rayon terrestre (nouvelle rédaction de l'article 60 du code des douanes) 204

Annexe 2 : Cartes d'implantation des bureaux de douane (carte actuelle et carte de 2004) 205

Annexe 3 : Carte d'implantation de l'ensemble des services douaniers 207

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Administration de la frontière et de la marchandise, l`administration des douanes1(*) se situe au centre du processus de mondialisation. A ce titre, la douane remplit simultanément une mission de soutien à l'attractivité de l'économie et à la performance des entreprises et, dans le même temps, un rôle essentiel de protection de la sécurité du territoire, de la population et de gestion des crises.

Ces prérogatives s'exercent dans un cadre harmonisé à l'échelle de l'Union européenne. Ainsi, l'Union européenne impose le respect de certaines règles, dès l'importation et l'exportation des marchandises. Ces règles concernent non seulement les relations commerciales (application des droits de douane décidés dans le respect des règles définies par l'Organisation mondiale du commerce) mais également d'autres aspects (politique agricole commune).

D'une manière générale, le code des douanes de l'Union européenne confie à la douane une mission de surveillance du commerce international de l'Union. Le code des douanes national et d'autres législations y ajoutent une mission de lutte contre la fraude et les grands trafics internationaux. La douane a ainsi la charge de la protection des intérêts économiques et financiers nationaux et européens (droits de douane notamment) et participe à une mission de protection de la sécurité publique, de la santé publique et de sauvegarde de l'ordre public (lutte contre les trafics de stupéfiants ou d'armes, de contrefaçons, de médicaments, mobilisation contre les impacts des crises sanitaires). Elle concourt également à la protection de l'environnement (lutte contre les pollutions diverses et les trafics transfrontaliers de déchets) ou à celle du patrimoine culturel national et de l'humanité (contrôle des échanges d'oeuvres d'art, d'objets de collection et d'antiquités). La douane assure la vérification du respect de 350 réglementations non douanières pour les marchandises entrant sur le territoire.

A ces missions, s'ajoutent les missions de contrôle migratoire découlant du statut de garde-frontière pour l'application du code Schengen, celles de contrôle des mouvements d'argent liquide en tant qu'autorité compétente au sens du règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018, ainsi que diverses autres missions de contrôle de conformité des marchandises, à l'importation et à l'exportation, confiées à la douane, notamment en sa qualité d'autorité de surveillance du marché intérieur à l'importation, ou encore, dernièrement, le contrôle aux frontières de la bonne application du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF).

Pour l'application de cette pluralité de réglementations, le contrôle douanier est axé sur les flux de marchandises, caractérisés par des fraudes fugaces et mouvantes compte tenu des fortes capacités de dissimulation de celles-ci dans les moyens de transport, qui prennent parfois des formes sophistiquées (telles que la dissimulation de marchandises de fraude dans des « doubles fonds » de bagages ou qui utilisent des systèmes télécommandés dans des véhicules spécialement aménagés à cette fin) et par l'imprégnation croissante du fret légal par des flux illicites avec le développement accéléré de la technique de contrebande du « rip off » consistant à placer la marchandise illicite dans un chargement d'apparence légale et à l'insu des expéditeurs et destinataires, ou encore l'envoi de marchandises de fraude commandées sur internet ou le darknet et dissimulées dans les flux logistiques réguliers du commerce licite. Ce contrôle, y compris dans la recherche de droits compromis ou éludés par les entreprises dans le cadre de leurs obligations déclaratives, doit, à ce titre, impérativement conserver son caractère inopiné, également imposé par le Code des douanes de l'Union. C'est à cette condition qu'il permet à l'administration des douanes d'appréhender, voire de saisir aux fins de confiscation, des marchandises sensibles qui ne doivent en aucun cas être écoulées sur le marché de l'Union ou national pour des raisons de santé et/ou de sécurité publiques.

Par ailleurs, l'obligation de résultat imposée par les instances européennes dans la lutte contre les fraudes au budget de l'Union européenne impose aux douanes européennes de garantir l'effectivité des contrôles.

L'ensemble de ces réglementations est contrôlé au moyen des pouvoirs qui sont dévolus aux agents des douanes par le titre II du code des douanes.

La décision du Conseil constitutionnel n° 2022-2010 du 22 septembre 2022 déclarant l'inconstitutionnalité de l' article 60 du code des douanes, à compter du 1er septembre 2023 marque un tournant majeur pour le cadre juridique d'action de la douane. Elle révèle un besoin plus large d'évolution du code des douanes, dont il convient désormais de tirer toutes les conséquences, en amorçant un mouvement de modernisation du cadre d'action de la douane.

Les pouvoirs d'investigation conférés à l'administration des douanes, doivent donc évoluer afin de lui permettre de continuer à assurer avec efficacité ses missions de protection du territoire et de la population, et de lutte contre la fraude, dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par la décision précitée, face aux évolutions des menaces protéiformes et au développement des technologies qu'utilisent les fraudeurs

Dans cette perspective, la présente loi comprend diverses dispositions destinées à maintenir un haut niveau d'efficacité de l'action de la douane française dans ses missions de surveillance, de contrôle et de lutte contre les fraudes sur l'ensemble du territoire, en cohérence avec l'évaluation des menaces criminelles et les priorités d'action assignées dans le contrat pluriannuel 2022-2025 de la douane.

Si la censure par le Conseil constitutionnel, des dispositions de l'article 60 du code des douanes, implique l'élaboration d'un nouveau cadre législatif d'ici au 1er septembre 2023, assurant une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche d'auteurs d'infractions douanières et la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée, la modernisation du cadre d'action de l'administration des douanes emporte des enjeux qui vont bien au-delà de la seule mise en conformité de l'article 60 précité.

Ce besoin de modernisation s'exprime suivant plusieurs dimensions :

- Mieux garantir les droits et libertés, en mettant à jour certaines dispositions du code des douanes au regard des jurisprudences de la Cour de Justice de l'Union européenne, du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation ;

- Adapter le cadre de l'action douanière aux nouvelles réalités numériques et mieux appréhender la cyber-délinquance douanière dans ses différentes manifestations. Il s'agit en particulier de tirer les conséquences de l'utilisation désormais généralisée des crypto-actifs dans les schémas de fraude douanière et le blanchiment des produits de ces fraudes, et de recueillir des éléments de preuve numériques dont il convient de garantir l'intégrité ;

- Adapter certaines procédures et infractions douanières au regard de l'évolution des stratégies des réseaux de fraude et des réglementations de l'Union européenne. Il convient, par exemple, de tirer les conséquences de la complexification des activités criminelles détectées dans le cadre de l'action douanière, qui rendent nécessaire d'autoriser, dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution, l'exercice de pouvoirs douaniers qui ne soient pas limités par l'exigence du franchissement d'une frontière ;

- Renforcer la complémentarité entre l'action des services douaniers et la conduite des enquêtes judiciaires. Cette articulation doit être repensée afin de permettre à la douane d'apporter tous les éléments de preuve permettant de mieux documenter la commission d'infractions douanières et, par conséquent, d'assurer la répression effective de la délinquance douanière. L'articulation de l'enquête douanière avec l'enquête judiciaire doit être améliorée afin que les preuves collectées par les services douaniers dans l'exercice de leurs prérogatives puissent être actées en procédure pour être valablement exploitées dans le cadre de l'enquête judiciaire, dans un objectif d'une lutte plus en profondeur contre la criminalité organisée.

* * * *

Le titre Ier de la présente loi réaffirme la spécificité de la mission de l'administration des douanes de surveillance du territoire douanier de l'Union européenne, conduisant à la découverte et à la constatation des infractions douanières, dont l'article 60 du code des douanes constitue la pierre angulaire. Il vise à sécuriser sa capacité d'action sur l'ensemble du territoire national.

L'article 2 comporte l'ensemble des dispositions nécessaires pour rendre le droit de visite douanière pleinement conforme à la Constitution. Il encadre ainsi l'exercice de cette prérogative par plusieurs moyens. Il détermine une zone géographique (« rayon des douanes » défini à l'article 1er, ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international, etc.) où les agents des douanes peuvent procéder, à toute heure, à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes ; en-dehors de cette zone, le droit de visite douanière est conditionné à la recherche de certaines infractions douanières après que le procureur de la République en a été informé. Il peut également avoir lieu en-dehors de la zone mentionnée précédemment en cas de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction douanière.

Le cadre pour la fouille des personnes est précisé lors de la visite douanière avec l'inscription dans la loi des garanties déjà apportées par la Cour de cassation. La visite des personnes peut ainsi consister en la palpation ou la fouille de leurs vêtements, de leurs bagages, ainsi que de tous autres effets personnels, mais sans « fouille à corps » (qui peut amener la personne à se déshabiller). Il est explicitement précisé que le maintien à disposition des personnes n'est possible que le temps strictement nécessaire aux opérations de visite. Sont rappelés notamment le caractère contradictoire du contrôle et l'absence de pouvoir général d'audition du service dans le cadre du droit de visite.

Dans ce même cadre du droit de visite, il est prévu que, à l'exception de ceux réalisés dans les bureaux de douane, les dispositifs de contrôle ne peuvent être mis en oeuvre que pour une durée n'excédant pas, pour l'ensemble des opérations, douze heures consécutives sur un même lieu et ne peuvent consister en un contrôle systématique des personnes.

Lorsque la visite du moyen de transport et des marchandises est matériellement impossible ou que des investigations approfondies ne peuvent être effectuées sur place, les agents des douanes peuvent ordonner le transfert des marchandises, des moyens de transport et des personnes vers un lieu approprié. A l'issue d'un délai de quatre heures, le Procureur de la République en est informé par tout moyen.

Enfin, les modalités transposables de déroulement du droit de visite des marchandises et des personnes tel que modifié par la loi sont appliquées au droit de visite des navires (article 3).

L'article 4 organise la remise à officier de police ou de douane judiciaire, sur instruction et contrôle du procureur de la République, en cas d'infraction flagrante de droit commun. Dans ce cadre, les agents des douanes peuvent procéder à l'interpellation de l'auteur présumé sur instruction du procureur de la République dans le ressort duquel est constatée l'infraction. Ils peuvent appréhender matériellement les indices recueillis lors du contrôle, à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre à l'officier de police judiciaire ou l'agent des douanes habilité pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité. Ils peuvent enfin immobiliser le moyen de transport et les marchandises, maintenir contre son gré la personne interpellée le temps strictement nécessaire à la consignation des opérations de contrôle par procès-verbal et à leur remise à l'officier de police judiciaire ou à l'agent des douanes habilité.

L'article 5 actualise l'article 67 du code des douanes pour préciser qu'en métropole les contrôles aux frontières extérieures se font en application du règlement n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).

L'article 6 autorise la retenue temporaire des sommes d'argent liquide qui ne sont pas en provenance ou à destination de l'étranger, lors de contrôles à l'intérieur du territoire en cas d'indices en lien avec une activité criminelle. La retenue ne peut excéder une durée supérieure à trente jours, renouvelable jusqu'à un maximum de quatre-vingt-dix jours. Cette mesure doit permettre à la douane d'appréhender les circuits financiers issus d'activités criminelles à l'intérieur du territoire, mais aussi de contrôler efficacement la circulation d'argent liquide, y compris dans des situations de crise ou qui sont marquées par un afflux massif de personnes physiques, par exemple lors de l'organisation d'événements internationaux.

L'article 7 crée une réserve opérationnelle afin de permettre à la douane de faire face à des pics de charge, y compris sur demande de l'autorité préfectorale en complément des autres forces. La douane est aujourd'hui le seul corps de fonctionnaires en tenue à ne pas disposer de cette flexibilité d'organisation.

Le titre II de la loi réunit des dispositions dont l'objectif est de moderniser le cadre d'intervention des douanes afin de lutter contre la fraude.

Dans son chapitre Ier sont rassemblées des dispositions destinées à rénover le cadre d'enquête des agents de l'administration des douanes afin de leur donner davantage d'efficacité dans la recherche et la constatation des auteurs des infractions douanières et, in fine, dans la répression de celles-ci et à permettre le démantèlement effectif des réseaux et organisations criminels, y compris lorsqu'ils exploitent la technologie de la « chaîne de blocs » pour renforcer l'anonymat de leurs transactions.

L'article 8 vise à placer sous la conduite de l'autorité judiciaire les actes d'enquête douanière les plus intrusifs (sonorisation et captation d'images) lorsqu'ils poursuivent une finalité répressive. Il répond à la volonté de mieux articuler l'action des services douaniers et la conduite des enquêtes judiciaires pour une lutte plus en profondeur contre les réseaux de criminalité organisée.

Les articles 9 et 10 procèdent aux adaptations nécessaires des pouvoirs douaniers aux nouvelles réalités numériques : possibilité de geler les données hébergées sur un serveur distant au cours des visites domiciliaires douanières et sécurisation de l'exploitation et de la saisie des matériels et documents numériques. La prise de connaissance des documents et de tous autres objets en la possession de la personne retenue puis la saisie de ceux d'entre eux se rapportant au flagrant délit douanier, donne lieu au préalable à l'information du procureur de la République, qui peut s'y opposer.

Le chapitre II regroupe des mesures ayant trait aux moyens d'action dont dispose la douane pour prévenir la commission d'infractions douanières sur le territoire.

L'article 11 propose d'expérimenter sur une période de trois ans une durée de conservation plus longue (soit quatre mois au maximum) des données des lecteurs automatisés de plaques d'immatriculation (LAPI). Cette mesure de lutte contre la fraude répond à deux urgences opérationnelles : rendre le dispositif LAPI plus efficace pour identifier les convois d'acheminement des marchandises illicites et en particulier les stupéfiants sur le territoire national, et améliorer la capacité de la douane à entraver le développement de ces transports illégaux (en particulier les « go fast »).

L'article 12 vise à prévenir des infractions commises par l'intermédiaire d'internet. La procédure ne pourra être enclenchée que si ont été constatés certains délits prévus par le code des douanes ou une infraction de vente ou d'acquisition à distance de tabac. Les agents des douanes pourront inviter un « intermédiaire » (comme par exemple les opérateurs de plateformes en ligne) à leur faire connaître, dans un délai qu'ils fixent, si les services de communication au public en ligne qu'il propose, ou le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages auquel il procède, ont permis la commission de l'infraction. En cas d'absence de retrait des contenus ayant servi à commettre l'infraction, l'administration des douanes pourra demander aux opérateurs de prendre toutes mesures utiles, y compris la suspension du nom de domaine et le déréférencement pour une durée de 3 mois renouvelable une fois. Elle pourra enfin demander au tribunal judiciaire d'ordonner la suppression, en raison du caractère illicite de leurs contenus, d'un ou de plusieurs noms de domaine ou comptes de réseaux sociaux. Une mesure de publicité portant sur ces mesures pourra être mise en place.

Le chapitre III est dédié à la réforme de certaines infractions et sanctions qui s'avèrent inadaptées à la réalité des trafics illicites constatés par la douane. Le délit de blanchiment douanier doit être ainsi réformé pour assurer que l'ensemble des conséquences financières des fraudes douanières puissent être tirées et pour mieux entraver les réseaux organisés de collecteurs de fonds. Au regard du rôle désormais prépondérant que jouent les fraudes douanières dans le financement de la criminalité organisée et du terrorisme, ce chapitre matérialise notamment le renforcement de la répression annoncé en décembre 2022, dans le plan d'action 2023-2025 dédié à la lutte contre les trafics de tabacs.

L'article 13 réforme le délit de blanchiment douanier de façon à permettre à la douane d'appréhender les flux financiers illicites correspondant aux fraudes qu'elle recherche dans le cadre d'un renforcement de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme dans le champ des fraudes douanières.

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Consultations facultatives

1er

(I) et 2

Mise en conformité du droit de visite douanière

Néant

Néant

1er (II)

Abrogation de divers articles du code des douanes en lien avec le rayon des douanes

Néant

Néant

3

Modification des articles 62 et 63 du code des douanes

Néant

Néant

4

Création d'un article 67 ter-1 du code des douanes

Néant

Néant

5

Modification de l'article 67 du code des douanes

Néant

Néant

6

Création d'une retenue temporaire d'argent liquide sur le territoire national

Néant

Néant

7

Création d'une réserve opérationnelle douanière

Néant

Néant

8

Sonorisation et captation d'images (création d'un article 67 bis-5 du code des douanes)

Néant

Néant

9

Création d'un article 323-11 du code des douanes

Néant

Néant

10

Modification des articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales

Néant

Néant

11

Renforcer la capacité à détecter les convois de marchandises illicites

Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

Néant

12

Prévention des infractions commises par l'intermédiaire d'internet

Néant

Néant

13

Moderniser le délit de blanchiment douanier

Néant

Néant

14 (I, 1°)

Modification de l'article 414 du code des douanes

Néant

Néant

14 (I, 2°)

Améliorer l'efficacité de la répression (création d'un article 432 ter dans le code des douanes)

Néant

Néant

14

(II)

Aggravation des sanctions en matière de tabac (modification des articles 1810 et 1811 du code général des impôts)

Néant

Néant

15

Habilitation du Gouvernement à codifier la partie législative du code des douanes

Néant

Commission supérieure de codification (CSC)

16

Dispositions relatives à l'outre-mer

Néant

Néant

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION

Article

Objet de l'article

Textes d'application

Administration compétente

1er

Modification de l'article 44 du code des douanes et abrogation de divers articles du code des douanes en lien avec le rayon des douanes

Néant

Sans objet

2

Mise en conformité du droit de visite douanière (réforme de l'article 60 du code des douanes)

Arrêtés

Direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI)

3

Modification des articles 62 et 63 du code des douanes

Néant

Sans objet

4

Création d'un article 67 ter-1 du code des douanes

Néant

Sans objet

5

Modification de l'article 67 du code des douanes

Néant

Sans objet

6

Création d'une retenue temporaire d'argent liquide sur le territoire national

Néant

Sans objet

7

Création d'une réserve opérationnelle douanière

Décret en Conseil d'Etat

Direction générale des Douanes et Droits indirects

(DGDDI)

8

Sonorisation et captation d'images (création d'un article 67 bis-5 du code des douanes)

Néant

Sans objet

9

Création d'un article 323-11 du code des douanes

Néant

Sans objet

10

Modification des articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales

Néant

Sans objet

11

Renforcer la capacité à détecter les convois de marchandises illicites

Décret en Conseil d'Etat

Direction générale des Douanes et Droits indirects

(DGDDI)

12

Prévention des infractions commises par l'intermédiaire d'internet

Décret

Direction générale des Douanes et Droits indirects

(DGDDI)

13

Moderniser le délit de blanchiment douanier

Néant

Sans objet

14(I, 1°)

Modification de l'article 414 du code des douanes

Néant

Sans objet

14

(I, 2°)

Améliorer l'efficacité de la répression (création d'un article 432 ter dans le code des douanes)

Néant

Sans objet

14

(II)

Aggravation des sanctions en matière de tabac (modification des articles 1810 et 1811 du code général des impôts)

Néant

Sans objet

15

Habilitation du Gouvernement à codifier la partie législative du code des douanes

Ordonnance

Direction générale des Douanes et Droits indirects

( DGDDI)

16

Dispositions relatives à l'outre-mer

Néant

Sans objet

TABLEAU D'INDICATEURS

Indicateur

Objectif et modalités de l'indicateur

Objectif visé (en valeur et/ou en tendance)

Horizon temporel de l'évaluation (période ou année)

Identification et objectif des dispositions concernées

Droit de visite douanière sur la voie publique et les lieux attenants directement accessibles au public ainsi que les ports, aéroports, gares ferroviaires ou routières non ouverts au trafic international

Cet indicateur vise à mesurer la part des contentieux à enjeux réalisés par les brigades de surveillance intérieure, suite à la réforme de l'article 60 du code des douanes. Ces brigades effectuent des visites sur le fondement de l'article 60 du code des douanes sur la voie publique et les lieux attenants accessibles au public ainsi que les ports, aéroports, gares ferroviaires ou routières non ouverts au trafic international. Ces visites peuvent être réalisées selon deux modalités :

? Des raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction douanière ;

? L'information préalable du procureur de la République pour la recherche des seules infractions se rapportant à la circulation des marchandises

L'objectif est de s'assurer du maintien du nombre de contentieux à enjeux réalisés par les brigades de surveillance intérieure, suite à la réforme.

L'évaluation sera réalisée par les services centraux de la direction générale des douanes et droits indirects qui seront également chargés du suivi de cet indicateur.

Les données quantitatives seront collectées et fournies directement par les unités de surveillance qui alimenteront le système d'information de lutte contre la fraude après réalisation des constatations. Ces données alimentent un indicateur bien installé et connu de tous les acteurs. Aucune charge administrative nouvelle n'est imposée aux services déconcentrés.

Evaluation de l'impact opérationnel de la réforme de l'article 60

Cible annuelle : contentieux des Brigades de surveillance de l'intérieur : 2200

Annuel

Article 2 (articles 60-2 et 60-3 du code des douanes) : définition des modalités de visite douanière à l'intérieur du territoire.

Retenue temporaire d'argent liquide

(RTAL)

Cet indicateur vise à mesurer l'application du dispositif de retenue temporaire de sommes d'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire par les services de la surveillance.

L'objectif est de s'assurer du nombre de décisions de retenue temporaire d'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire prises par les services de la surveillance.

L'évaluation sera réalisée par les services centraux de la direction générale des douanes et droits indirects qui seront également chargés du suivi de cet indicateur.

Les données quantitatives devraient être collectées et fournies annuellement par les services déconcentrés de la DGDDI. Les données seront fournies à l'administration centrale dans le cadre de l'enquête effectuée chaque année, en vue de recueillir l'ensemble des informations nécessaires à l'établissement du rapport d'activité contentieuse de la douane.

Augmentation du nombre de retenues

Cible annuelle visée : 100 RTAL nationales

Annuel

Article 6 : définition du dispositif de retenue temporaire d'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire

Evolution du nombre de contrats de réservistes

Cet indicateur vise à mesurer le nombre de contrats de réservistes conclue par la douane.

L'évaluation sera réalisée par les services centraux de la direction générale des douanes et droits indirects (sous-direction des ressources humaines) qui seront également chargés du suivi de cet indicateur.

Les données quantitatives devraient être collectées et fournies annuellement par les services déconcentrés de la DGDDI et les services à compétence nationale. Les données seront fournies à l'administration centrale.

Objectif cible : 300 pour 2025

Annuel

Article 7 : création de la réserve opérationnelle de la douane

Nombre de délits de blanchiment relevés en application de l'article 415 du code des douanes

Cet indicateur vise à mesurer l'évolution du nombre de constats d'infraction à l'article 415 par les services déconcentrés de la DGDDI.

L'objectif est de renforcer l'action des services douaniers en matière de lutte contre les flux d'argent illicites.

L'évaluation sera réalisée par les services centraux de la direction générale des douanes et droits indirects qui seront également chargés du suivi de cet indicateur.

Les données quantitatives devraient être collectées et fournies annuellement par les services déconcentrés de la DGDDI. Les données seront fournies à l'administration centrale dans le cadre de l'enquête effectuée chaque année, en vue de recueillir l'ensemble des informations nécessaires à l'établissement du rapport d'activité contentieuse de la douane

Objectif : Augmentation du nombre de constatations

Cible annuelle de 275 infractions

(+15 %)

Annuel

Article 13 : nouvelle rédaction de l'incrimination

Aggravation des peines de certaines infractions en matière de tabacs

Cet indicateur vise à s'assurer de l'application des peines aggravées pour certaines infractions en matière de tabac.

L'objectif est de s'assurer du nombre de saisine des juridictions répressives par les services déconcentrés de la DGDDI, en cas d'infractions en matière de tabac.

L'évaluation sera réalisée par les services centraux de la direction générale des douanes et droits indirects qui seront également chargés du suivi de cet indicateur.

Les données quantitatives devraient être collectées et fournies annuellement par les services déconcentrés de la DGDDI. Les données seront fournies à l'administration centrale dans le cadre de l'enquête effectuée chaque année, en vue de recueillir l'ensemble des informations nécessaires à l'établissement du bilan contentieux de la douane.

Augmentation du nombre de dossiers portés en justice

Cible annuelle de 1200 dossiers

(+10%)

Dans les trois suivant l'entrée en vigueur de la loi

Article 14, II : modification des articles 1810 et 1811 du code général des impôts (aggravation des peines d'emprisonnement).

TITRE I - MAINTENIR LA SURVEILLANCE DOUANIERE SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE

Article 1er, I et article 2 - Mise en conformité du droit de visite douanière

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'article 60 du code des douanes confère aux agents des douanes un droit de visite général applicable à toute heure aux marchandises, aux moyens de transport et aux personnes, dont la mise en oeuvre constitue la « forme la plus ostensible de l'activité des agents des douanes » (Claude J. Berr, « Douanes », in Répertoire pénal Dalloz, n° 140). Il est mis en oeuvre dans le cadre du code des douanes mais également, sur mention expresse, dans le cadre d'autres codes (code rural et de la pêche maritime, code du patrimoine, livre des procédures fiscales notamment).

Cet article est issu du décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948 portant refonte du code des douanes, lui-même pris sur le fondement de la loi n° 48-1268 du 17 août 1948 relative au redressement économique et financier. Depuis sa création, il n'a jamais été modifié.

Le rayon des douanes est un concept inhérent à l'organisation du service des douanes qui a pour objet de permettre aux agents, dans la zone frontalière jugée sensible, de disposer de prérogatives renforcées et d'imposer des sujétions supplémentaires aux opérateurs économiques. Classiquement, les pouvoirs de contrôle des agents étaient renforcés dans ce rayon et, autrefois, ils ne pouvaient être appliqués hors du rayon qu'en cas de « poursuite à vue ». Peu à peu, les pouvoirs des agents ont été modifiés afin qu'ils s'appliquent de la même manière sur l'ensemble du territoire douanier. Cette tendance s'est accentuée avec la création du marché intérieur européen en 1993 et la suppression des postes fixes de contrôles aux frontières intérieures, qui s'est traduite par une adaptation du dispositif de contrôles douaniers fondé sur la mobilité des contrôles.

C'est ainsi que l'article 60 du code des douanes est aujourd'hui applicable sur l'ensemble du territoire douanier.

La finalité de ce droit de visite général est, selon les termes de l'article 60 du code des douanes, « l'application des dispositions du présent code [soit le code des douanes] et en vue de la recherche de la fraude ». En application du principe de finalité des codes, il s'agit de la « fraude douanière », à savoir les infractions prévues par le code des douanes.

De manière dérogatoire et sous réserve d'une habilitation expresse du législateur, les agents des douanes peuvent également en faire usage dans le but de constater une infraction qui ne relèverait pas du code des douanes. Tel est, par exemple, le cas en ce qui concerne des contrôles sanitaires prévus à ' l'article L. 236-6 du code rural et de la pêche maritime.

Les conditions encadrant l'exercice dans le temps et dans l'espace de ce droit de visite, bien que faisant l'objet d'une jurisprudence nourrie, lui donnent également une portée assez générale.

D'une part, il peut être mis en oeuvre de jour comme de nuit et à l'égard de toute personne se trouvant sur place et il est susceptible de s'appliquer sur l'ensemble du territoire douanier, et non pas seulement aux frontières2(*).

Surtout, dans l'arrêt du 22 juin 2022 rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation lors de la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité concernant l'article 60 du code des douanes, ces dispositions « permettent aux agents des douanes, pour l'application des dispositions du code des douanes et en vue de la recherche de la fraude, de procéder au contrôle des marchandises, des moyens de transport et des personnes, sans accord de la personne concernée, ni autorisation préalable de l'autorité judiciaire et sans qu'il soit nécessaire de relever l'existence préalable d'un indice laissant présumer la commission d'une infraction3(*), en tout lieu public des territoires douanier et national où se trouvent des personnes, des moyens de transports ou des marchandises, à toute heure du jour et de la nuit et à l'égard de toute personne se trouvant sur place, ce qui inclut la possibilité de fouiller ses vêtements et ses bagages ».

Cette mesure « ne peut s'exercer que le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations de visite, qui comprennent le contrôle de la marchandise, du moyen de transport ou de la personne, la consignation, dans un procès-verbal, des constatations faites et renseignements recueillis, ainsi que, le cas échéant, les saisies et la rédaction du procès-verbal afférent4(*) ».

Par ailleurs, « dans ce cadre, si les agents des douanes peuvent recueillir des déclarations en vue de la reconnaissance des objets découverts, ils ne disposent pas d'un pouvoir général d'audition de la personne contrôlée5(*) ».

« En troisième lieu, les agents des douanes ne sont pas autorisés à procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant6(*) ».

« En quatrième lieu, la visite des personnes, qui peut consister en la palpation ou la fouille de leurs vêtements et de leurs bagages, ne saurait inclure une fouille à corps, impliquant le retrait des vêtements7(*) ».

« En cinquième lieu, si les agents des douanes peuvent appréhender matériellement les indices recueillis lors du contrôle, c'est à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité8(*) ».

« Enfin, la personne concernée par le contrôle, si elle fait l'objet de poursuites, dispose de la faculté de faire valoir, par voie d'exception, la nullité de ces opérations » (Cass.crim., 22 juin 2022, 22-90.008, Inédit).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Lors d'un contrôle par les agents des douanes d'un véhicule réalisé le 10 février 2022, alors que le conducteur transportait une somme d'argent d'un montant de 47 000 euros, dissimulée derrière la garniture d'une portière, une enquête judiciaire a été diligentée à la demande du procureur de la République. A la suite de cette enquête, l'intéressé a été convoqué devant le tribunal judiciaire de Bourges du chef de blanchiment de droit commun.

Dans le cadre de cette instance, l'infracteur a soulevé devant le tribunal judiciaire de Bourges une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dirigée contre l'article 60 du code des douanes, qui a été transmise par décision du 1er avril 2022 à la Cour de cassation, laquelle a, dans son arrêt du 22 juin 2022 ( n°22-90.008), jugé que cette question présentait un caractère sérieux et a renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.

La QPC était ainsi formulée : « « Le droit de visite offert aux agents des douanes par l'article 60 du code des douanes, qui ne confère aucun statut à la personne qui y est soumise contre son gré et qui n'est entouré d'aucune garantie légale, notamment quant à un contrôle de l'autorité judiciaire, est-il conforme à la Constitution, alors même que sa mise en oeuvre est susceptible d'être contraire à l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la liberté d'aller et de venir et le respect de la vie privée protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le respect des droits de la défense qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous la surveillance de l'autorité judiciaire ? ».

La Cour de cassation a considéré dans son arrêt précité du 22 juin 2022 que la QPC présentait un caractère sérieux et devait donc être transmis au Conseil constitutionnel « notamment en l'absence de tout recours par voie d'action ouvert à la personne directement intéressée par le contrôle, la question de savoir si ces garanties sont propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, la liberté individuelle, le droit au respect de la vie privée et la liberté d'aller et venir, d'autre part, la lutte contre les fraudes transfrontalières et les atteintes aux intérêts financiers de l'Etat et de l'Union européenne ».

Dans sa décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a consacré tant l'objectif de lutte contre la fraude douanière que la nature et la légitimité du droit de visite en jugeant que la « lutte contre la fraude en matière douanière, qui participe de l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, justifie que les agents des douanes puissent procéder à la fouille des marchandises, des véhicules ou des personnes » (§ 7).

Toutefois, il a estimé que :

- « les dispositions contestées permettent, en toutes circonstances, à tout agent des douanes de procéder à ces opérations pour la recherche de toute infraction douanière, sur l'ensemble du territoire douanier et à l'encontre de toute personne se trouvant sur la voie publique » (§ 8) ;

- « en ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations, tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction (souligné par nous), le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée » (§ 9).

Enfin, s'agissant de la possibilité d'effectuer des contrôles dans une zone frontalière, définie par une « bande » de 20 kilomètres ou dans des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international, le Conseil constitutionnel, dans sa décision DC du 5 août 1993 n° 93-323, a considéré que de telles zones, « précisément définies dans leur nature et leur étendue présentent des risques particuliers d'infractions et d'atteintes à l'ordre public liés à la circulation internationale ».

En revanche, le Conseil constitutionnel a estimé dans cette décision de 1993 « qu'en ménageant la possibilité de porter la limite de la zone frontalière concernée au-delà de vingt kilomètres, le législateur a apporté en l'absence de justifications appropriées tirées d'impératifs constants et particuliers de la sécurité publique et compte tenu des moyens de contrôle dont par ailleurs l'autorité publique dispose de façon générale, des atteintes excessives à la liberté individuelle ; que, de surcroît, le législateur a méconnu sa compétence en déléguant au pouvoir réglementaire le soin de fixer cette extension ; que dès lors doivent être déclarés contraires à la Constitution les mots suivants « cette ligne pouvant être portée, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, jusqu'à 40 kilomètres par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre de la justice ».

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

a) Article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)

La finalité de l'article 5 CEDH est « de protéger la liberté et la sûreté de la personne contre des arrestations et détentions arbitraires » ( CEDH, 01/07/1961, Lawless c/ Irlande, n° 332/57, point 14). A titre d'exemples, a été considérée comme une privation de liberté au sens de l'article 5 CEDH : 

- « en raison des restrictions subies », le maintien dans la zone de transit d'un aéroport, durant une vingtaine de jours, d'étrangers auxquels l'accès au territoire français avait été interdit ( CEDH, 25/06/1996, Amuur c/ France, n° 19776/92. § 49 ; CEDH, 27/11/2003, Shamsa c/ Pologne, n° 45355/99 et 45357/99, point 47 ; CEDH, 24/01/2008, Riad et Idiab c/ Belgique, n° 29787/03 et 29810/03. Point 68) ;

- l'assignation à domicile en tant qu'elle emporte interdiction de quitter celui-ci ( CEDH, 02/08/2001, Vittorio et Luigi Mancini c/ Italie, n° 44955/98 § 17 ; CEDH, 08/072004, Vachev c/ Bulgarie, n° 42987/98 point 64).

En revanche, l'interdiction de quitter son domicile de 22 heures à 6 heures du matin a été considérée comme une simple restriction à la liberté de circuler ( CEDH, grande chambre, 23/02/2017, De Tommaso c/ Italie, n° 43395/09).

Au stade de la mise en oeuvre du droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes, prévu à l'article 60 du code des douanes, il ne peut être considéré que la personne concernée par le contrôle subit une privation de liberté, sauf à admettre que tout contrôle, quel qu'il soit, est constitutif d'une privation de liberté.

L'exercice du droit de visite ne saurait être assimilé à une privation de liberté au sens de l'article 5 de la CEDH. L'arrestation » de la personne ne peut en effet intervenir qu'en cas de flagrant délit douanier passible d'une peine d'emprisonnement (en pratique après la découverte de détention irrégulière d'une marchandise frauduleuse), dans le cadre prévu et encadré par la loi, à savoir le dispositif de la retenue douanière. En effet, aux termes de l'article 323-1 du code des douanes (créé par la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011), « les agents des douanes ne peuvent procéder à l'arrestation et au placement en retenue douanière d'une personne qu'en cas de flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l'enquête douanière ».

b) Article 6 de la CEDH

Comme l'a jugé la Cour de cassation au visa de l'article 6 de la CEDH, si, aux termes de l'article 60 du code des douanes, pour l'application des dispositions du code des douanes et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des moyens de transport, « cependant, en l'absence de toute garantie posée par la loi, visant à s'assurer de l'authentification des recherches et découvertes effectuées, ces dispositions ne sauraient être interprétées comme autorisant les agents des douanes à procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant » ( Crim., 23 février 2022, n° 21-85.050).

Par ailleurs, tout accusé a le droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination ( CEDH, 29/06/2017, O'Halloran et Francis c. Royaume-Uni, n° 15809/02 et 25624/02, point 45 ; CEDH, 25/02/1993, Funke c. France, n° 10588/83, § 44). En effet, même si l'article 6 CEDH ne les mentionne pas expressément, le droit de se taire et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable consacrée par l'article 6 de la CEDH.

A cet égard, les personnes ne font pas l'objet d'auditions dans le cadre de l'article 60 du code des douanes, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation ( Cass. Crim. 13 juin 2019, n° 18-83297 et 18 décembre 2019, n° 19-81.643), ce principe ayant été complété par un arrêt de la chambre criminelle du 18 mars 2020 ( pourvoi n° 19-84.372) : « si en application de l'article 67 F du code des douanes, les agents peuvent entendre une personne suspecte dans le cadre d'une audition libre, c'est aux conditions, en partie déduites, par analogie, de l'article 61-1 du code de procédure pénale, que la personne n'a pas été conduite, sous contrainte, par les agents des douanes dans leurs locaux et qu'elle dispose du droit de les quitter à tout moment. Il s'en déduit qu'une telle audition ne peut avoir lieu au cours de l'exercice du droit de visite lorsqu'il s'accompagne d'une mesure de contrainte ».

c) Article 8 de la CEDH

Pour la Cour européenne des droits de l'homme la notion de vie privée est une notion large, non susceptible d'une définition exhaustive. Elle recouvre l'intégrité physique et morale de la personne. La notion d'autonomie personnelle est un principe important qui sous-tend l'interprétation des garanties de l'article 8 ( CEDH, 29/04/2002, Pretty c. Royaume-Uni, n° 2346/02, point 61). La Cour a affirmé que le recours à des pouvoirs légaux de contrainte imposant à quiconque de se plier à une fouille minutieuse de sa personne, de ses vêtements ou de ses effets personnels est manifestement constitutif d'une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée. Le caractère public de la fouille peut, dans certains cas, aggraver ladite ingérence du fait de l'humiliation et de la gêne qui en résultent. Des objets tels que les sacs, les portefeuilles, les carnets et les journaux peuvent de plus renfermer des éléments de nature personnelle que le propriétaire peut ne pas avoir envie de voir exposés aux yeux de ses compagnons ou du public ( CEDH, 28/06/2010, Gillan et Quinton c. Royaume-Uni, n° 4158/05).

Toutefois, le § 2 de l'article 8 de la CEDH précise qu'il peut y avoir une ingérence de l'État dans l'un des droits protégés par le § 1er lorsqu'elle est « prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Il s'en suit que l'ingérence ne se justifie au regard du § 2 de l'article 8 que si, « prévue par la loi », elle poursuit l'un ou plusieurs des buts légitimes qui y sont énumérés et si, de surcroît, elle est « nécessaire, dans une société démocratique ».

Les termes « prévue par la loi » signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base en droit interne et être suffisamment accessible et prévisible. Le niveau de précision requis de la législation interne, qui ne peut en aucun cas prévoir toutes les hypothèses, dépend, dans une large mesure, du contenu du texte en question, mais également de la manière dont la jurisprudence l'applique.

Or, la mise en oeuvre de l'article 60 du code des douanes fait l'objet d'un encadrement jurisprudentiel particulièrement important de la Cour de cassation, qui est de nature à offrir au justiciable une protection individuelle adéquate contre l'arbitraire. Sa réforme prévoit un encadrement législatif strict de nature à renforcer la protection individuelle.

Une ingérence est considérée comme « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre un but légitime si elle répond à un « besoin social impérieux » et, en particulier, si elle est proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Il appartient aux autorités nationales de juger les premières si toutes ces conditions se trouvent remplies et la Cour reconnaît à cet égard une certaine marge d'appréciation aux autorités nationales compétentes. Cette marge doit, notamment tenir compte de l'objectif à atteindre, lequel est souvent fixé par la réglementation de l'Union européenne.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Dans l'ensemble des Etats membres, les agents des douanes ont le pouvoir de contrôler ou d'inspecter les marchandises, aux fins de rechercher et de détecter les infractions douanières, pendant et après le dédouanement sur l'ensemble du territoire. Ce contrôle peut avoir lieu lors du transport sur des moyens de transport terrestres, maritimes ou aériens, à usage commercial ou privé, quel que soit le type de marchandises. Ces contrôles peuvent avoir lieu sur place ou dans tous locaux appropriés désignés par les agents. Les fonctionnaires de tous les services douaniers européens ont le pouvoir d'effectuer des contrôles sur les personnes aux fins de recherche et de détection d'infractions. Ils peuvent fouiller les personnes ainsi que leurs bagages.

Une disposition très similaire à l'article 60 du code des douanes français existe dans la loi générale sur les douanes et accises, en Belgique (art. 182), qui permet sur l'ensemble du territoire national belge la visite des marchandises, des moyens de transports ou des personnes soupçonnées de transporter des marchandises.

a) En ce qui concerne les moyens de transport

Les contrôles des moyens de transport peuvent être effectués sur l'ensemble du territoire terrestre (voie publique), maritime et fluvial. Lorsque de telles inspections sont menées dans la zone frontalière, elles ne sont généralement soumises à aucune condition.

A titre d'exemple, la « loi générale sur les douanes » néerlandaise permet aux agents des douanes d'effectuer des contrôles sur la voie publique et d'arrêter des véhicules en vue de leur visite. Ces pouvoirs ne peuvent être mis en oeuvre que dans la mesure où cela est raisonnablement nécessaire à l'accomplissement des missions des agents des douanes.

b) En ce qui concerne les personnes

Dans certains Etats membres, les personnes ne peuvent être fouillées sans aucune autorisation qu'en frontière et dans une zone frontalière (Italie, Chypre, Irlande, Grèce).

Dans d'autres Etats membres, à l'exception de la République Tchèque, du Danemark, de l'Irlande, de l'Italie, des Pays-Bas et de Malte, les agents des douanes peuvent visiter les personnes sur l'ensemble du territoire, sans l'intervention de l'autorité judiciaire. En ce cas, cette visite est effectuée sans le consentement de la personne.

A titre d'exemple, la « loi générale sur les douanes » néerlandaise permet aux agents des douanes de soumettre des personnes à une fouille corporelle (y compris la mise à nu (art. 1:28)). Le législateur néerlandais donne également aux douanes la possibilité d'inspecter les marchandises en libre circulation.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Dans sa décision n ° 2022-2010 QPC du 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a interprété l'article 60 du code des douanes comme permettant « en toutes circonstances, à tout agent des douanes de procéder à ces opérations pour la recherche de toute infraction douanière, sur l'ensemble du territoire douanier et à l'encontre de toute personne se trouvant sur la voie publique » (point 8).

Partant, il en conclut qu'en « ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations, tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. » (Point 9).

Au motif que l'abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles « entraînerait des conséquences manifestement excessives », le Conseil constitutionnel a décidé de reporter au 1er septembre 2023 la date de l'abrogation de cet article.

Dans ces conditions, l'article 60 du code des douanes doit être réformé, avant cette échéance, en assurant une conciliation équilibrée entre l'exercice des droits et libertés que la Constitution garantit et la lutte contre la fraude douanière, qui participe de l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions.

Les codes qui renvoient expressément à l'article 60 du code des douanes sont également modifiés afin de tenir compte du remplacement de l'article 60 du code des douanes par les articles 60 à 60-10.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Il importe de relever, dans la décision n° 2022-2010 QPC du 22 septembre 2022 et dans son commentaire, une insistance du Conseil constitutionnel sur l'absence, dans la mise en oeuvre du droit de visite des agents des douanes, de « condition propre à en circonstancier l'application ».

Selon le commentaire de cette décision, « saisi de dispositions qui permettent des contrôles, des fouilles ou des visites de véhicules ou de personnes, le Conseil veille à ce que le législateur opère une conciliation équilibrée entre les objectifs poursuivis et les atteintes à la liberté d'aller et de venir et au droit au respect de la vie privée résultant de telles dispositions.

S'il n'exige pas nécessairement l'intervention d'un juge judiciaire pour la conduite de ces opérations, il prend en compte la nature des moyens de contrôle conférés à l'autorité publique et s'assure que de telles dispositions, par les conditions particulières que le législateur fixe pour leur exercice (périmètre, durée, motifs de mise en oeuvre - qui peuvent être, notamment, liés à la suspicion de commission d'une infraction, recherches d'infractions particulière ou au risque de troubles à l'ordre public), ne permettent pas des contrôles généralisés et discrétionnaires ».

Appliqué au cas d'espèce, selon le commentaire du Conseil constitutionnel, « de telles conditions auraient notamment pu consister, par exemple, à délimiter des lieux ou zones géographiques dans lesquels un tel pouvoir peut s'exercer, ou encore à déterminer des motifs particuliers justifiant que ce pouvoir puisse, sans considération de lieu, être mis en oeuvre. ». Dans ces conditions, il est envisagé de créer un droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes composé de deux branches :

- Une mise en oeuvre de l'article 60 du code des douanes, sans motifs particuliers, dans des lieux ou des zones géographiques particulièrement exposés aux fraudes, à définir dans la loi. Parmi ces lieux et zones géographiques figure notamment la zone terrestre du rayon des douanes définie à l'article 44 du code des douanes ;

- Une mise en oeuvre de l'article 60 du code des douanes sur motifs particuliers sur la voie publique sur l'ensemble du territoire.

L'article 60 du code des douanes est donc réécrit dans le prolongement de cette analyse et a pour objectif d'assurer une conciliation équilibrée entre l'exercice des droits et libertés que la Constitution garantit (tout particulièrement la liberté d'aller et venir et le droit à la vie privée) et la lutte contre la fraude douanière, qui participe de l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions douanières, ainsi que l'a affirmé le Conseil constitutionnel. Ce projet nécessite une modification des articles du code des douanes relatives à la zone terrestre du rayon des douanes et une réécriture de l'article 60 lui-même.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Il a été envisagé d'assortir la mise en oeuvre de l'article 60 du code des douanes d'un droit de recours a posteriori comme suggéré par la Cour de cassation dans son arrêt du 22 juin 2022 précité ou de soumettre l'intégralité de sa mise en oeuvre à autorisation de l'autorité judiciaire.

Ces deux options n'ont pas été retenues en l'état compte tenu de la teneur même de la décision n° 2022-2010 QPC du 22 septembre 2022 et de son commentaire, ainsi que des exigences opérationnelles de l'action des services douaniers.

Il importe en effet de relever qu'à aucun moment le Conseil constitutionnel ne reproche expressément l'absence de contrôle de l'autorité judiciaire en amont ou en aval du contrôle, ni le fait que la personne contrôlée en application de l'article 60 du code des douanes subirait une mesure de contrainte ou pourrait faire l'objet éventuel de mesures coercitives dans le cadre du droit de visite. En outre, dans son commentaire, le Conseil constitutionnel rappelle que :

- à compter de sa décision du 16 juin 1999, le Conseil constitutionnel a « recentré le champ de la liberté individuelle, au sens de l'article 66 de la Constitution, aux seules mesures privatives de liberté dont il exige qu'elles satisfassent, en substance, à une triple exigence d'adéquation, de nécessité et de proportionnalité et qu'elles donnent lieu à une intervention systématique et prompte du juge judiciaire » (pp. 10 et 11) ;

- depuis 1999, il a opéré son contrôle des mesures de contrôle d'identité, de fouille et de visite de bagages, véhicules ou personnes sur le fondement de la liberté d'aller et de venir et du droit au respect de la vie privée (et non de la liberté individuelle), comme en l'espèce dans sa décision du 22 septembre 2022.

Dès lors, le droit de visite des agents des douanes constitue, pour le Conseil constitutionnel, une mesure uniquement restrictive de liberté (et non privative de liberté) ne nécessitant pas obligatoirement le contrôle de l'autorité judiciaire.

Enfin, il a été envisagé, hors zones ou lieux particulièrement exposés à la fraude douanière tels par exemple la frontière ou les aéroports et gares ouverts à l'international, de prévoir l'application d'un champ infractionnel se limitant à la recherche de certaines infractions douanières seulement. Toutefois cette solution a été écartée et considérée comme n'apportant pas assez de garanties aux personnes contrôlées.

3.2. OPTION RETENUE

Le nouveau dispositif organisé aux articles 60 à 60-10 du code des douanes est envisagé selon les quatre parties suivantes :

- les finalités du droit de visite (article 60 du code des douanes) ;

- les conditions particulières de mise en oeuvre de ce droit dans certaines zones et lieux ou hors de ces zones et lieux, selon des critères de mise en oeuvre particuliers (articles 60-1 à 60-5 du code des douanes) ;

- le déroulement des opérations de contrôle (articles 60-6 à 60-8 du code des douanes) ;

- l'articulation du droit de visite avec le régime de l'audition libre et l'absence de nullité des constatations d'infractions incidentes (articles 60-9 et 60-10 du code des douanes).

Enfin, cette nouvelle articulation du droit de visite douanière est prise en compte dans les codes qui renvoient expressément à l'article 60 du code des douanes, soit le code rural et de la pêche maritime, le code du patrimoine et le livre des procédures fiscales.

3.2.1. Les finalités du droit de visite (article 60 du code des douanes)

Il est apparu nécessaire d'apporter des précisions dans la loi sur les finalités de la mise en oeuvre de l'article 60 du code des douanes.

Le premier alinéa reprend l'article 60 du code des douanes dans sa version actuelle, lequel précise que l'objectif du droit de visite est l'application du code des douanes et la recherche de la fraude, laquelle, par définition est « douanière », même en l'absence de précision textuelle.

Cet objectif a été complété avec la finalité liée à l'application du code des douanes de l'Union (CDU) et de ses règlements d'application, voir infra.

De plus, le deuxième alinéa de l'article 60 apporte la précision selon laquelle cette disposition peut être mis en oeuvre pour l'application des dispositions nationales et européennes relatives au contrôle de l'application du règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif au contrôle des flux d'argent liquide extra-UE, ainsi que du code monétaire et financier, lequel a harmonisé le dispositif national de contrôle des flux intra-UE sur les dispositions prévues par le législateur européen.

3.2.2. Les conditions particulières de mise en oeuvre dans certaines zones et lieux (articles 60-1 à 60-5 du code des douanes) 

Dès lors que le Conseil constitutionnel considère que l'article 60 du code des douanes ne précise pas suffisamment « le cadre applicable à la conduite de ces opérations, tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l'existence de rasions plausibles de soupçonner la commission d'une infraction », il est apparu nécessaire de limiter la mise en oeuvre de cette prérogative, sous sa forme actuelle, à certaines zones et lieux présentant des risques particuliers d'infractions et d'atteintes à l'ordre public liés à la circulation internationale des marchandises, des moyens de transport et des personnes, et de prévoir explicitement les circonstances et conditions qui président à sa mise en oeuvre.

Tel est l'objet des articles 60-1 à 60-5 du code des douanes.

3.2.2.1. L'article 60-1 du code des douanes, d'une manière générale

La définition des zones et lieux présentant des risques particuliers d'infractions douanières s'inspire, sans toutefois en reprendre l'intégralité, des dispositions de l'article 67 quater du code des douanes, relatif aux contrôles des titres de séjour que les agents des douanes sont habilités à effectuer, que l'on retrouve également aux alinéas 9 et 10 de l'article 78-2 du code de procédure pénale (CPP) concernant les contrôles d'identité réalisés par les services de police et de gendarmerie.

En effet, les articles 67 quater du code des douanes et 78-2 du CPP alinéas 9 et 10 concernent le contrôle d'identité des personnes lors du franchissement des frontières extérieures et intérieures de l'UE alors que le contrôle douanier concerne essentiellement le contrôle des marchandises, quand bien même celles-ci seraient transportées par ou sur des personnes ou dans des moyens de transport.

Plus précisément, le contrôle douanier a une double nature :

- d'une part, il vise à déterminer si les marchandises importées d'Etats tiers ou destinées à l'exportation ont fait l'objet des formalités douanières imposées par la réglementation de l'Union européenne. En outre, s'agissant de la mise en libre pratique des marchandises, l'objectif est de vérifier le respect de l'ensemble des réglementations européennes ou nationales qui s'imposent. Ce contrôle est certes effectué lors du dédouanement mais également a posteriori après que la marchandise a franchi la frontière, que ce franchissement ait été suivi ou non de l'accomplissement desdites formalités (par exemple contrebande ou importation sans déclaration). Parmi ces réglementations figurent celles définies par le CDU mais également l'ensemble des textes qui établissent une prohibition d'importation ou d'exportation (sont notamment concernés, les produits stupéfiants, les déchets, les armes et explosifs, les biens à double usage civil et militaire, les biens provenant de Russie interdits à l'importation, etc.).

Ce type de contrôle, tant en ce qui concerne le CDU qu'en ce qui concerne les marchandises sensibles intra-UE, qui n'inclut en aucune manière le contrôle d'identité, doit pouvoir être réalisé, tant en frontière tierce que sur le territoire douanier, le CDU ne prévoyant pas de limitations particulières pour un contrôle effectué après le dédouanement des marchandises ;

- d'autre part, il vise à contrôler les mouvements d'argent liquide entrant dans l'Union européenne ou en sortant.

Dans ces conditions, l'article 60 du code des douanes prévoit la réalisation de contrôles dans l'ensemble des zones des « ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international » sans se limiter aux seules « zones accessibles au public » de ces lieux comme le prévoient les articles 67 quater du code des douanes et 78-2 du CPP (alinéas 9 et 10).

En revanche, il est prévu de pouvoir appliquer le droit de visite « aux abords de ces lieux », sans distinction, alors que pour l'article 67 quater du code des douanes et l'article 78-2 du CPP, en ce qui concerne les ports et aéroports qui sont des points de passage frontaliers (PPF), le contrôle est plus étendu car il peut avoir lieu en plus dans une zone de 10 kilomètres les entourant.

Enfin, l'article 60 du code des douanes prévoit, notamment, son application dans la zone terrestre du rayon des douanes. A cet effet, il s'appuie sur l'article 44 du même code, lequel est également modifié.

En effet, à ce jour, le rayon terrestre est de 60 kilomètres à partir des frontières maritimes et terrestres (arrêté du 12 mai 1969). Pour ce qui concerne les départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, l'ensemble de leur territoire est dans le rayon (arrêté du 12 mai 1969). Il est envisagé de mettre à jour ce dispositif, d'une part, en supprimant tout renvoi du législateur au pouvoir réglementaire pour définir cette zone particulière de surveillance et, d'autre part, de ramener la zone terrestre du rayon à 40 kilomètres à compter du littoral ou de la frontière terrestre. C'est ainsi que le 3 de l'article 44 est modifié afin de déterminer, la zone terrestre du rayon des douanes, laquelle est désormais comprise entre le littoral ou la frontière terrestre et une ligne tracée à 40 kilomètres en deçà.

Une telle modification réduit de manière importante la zone terrestre du rayon de douanes, au regard de ce qu'elle représente aujourd'hui.

3.2.2.2 Plus particulièrement, sur le point 5° de l'article 60-1 du code des douanes et sur l'article 60-4 du même code

Le point 5° de l'article 60-1 du code des douanes

Ce point, relatif aux ports, aéroports, gares ferroviaires et routières ouverts au trafic international, ne prévoit pas, contrairement aux articles 67 quater du code des douanes et 78-2 du CPP, certains critères tels que l'importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité. En effet, une telle précision n'est pas pertinente pour l'organisation des contrôles douaniers.

Les articles 67 quater du code des douanes et 78-2 du code de procédure pénale prévoient que les contrôles se font « Dans un rayon maximal de dix kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens (....) (code frontières Schengen), désignés par arrêté en raison de l'importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité,. ». La raison de cette précision est due au fait que cet article ne vise que les ports et aéroports qui sont des Points de Passage Frontaliers au sens du code frontières Schengen.

Une telle limitation n'est pas compatible avec le contrôle douanier des marchandises ou de l'argent liquide, l'ensemble des ports et aéroports ouverts au trafic international sera d'ailleurs désigné par arrêté.

L'article 60-4 du code des douanes

Il s'agit ici de permettre l'accès aux lieux où sont situées des marchandises importées de pays tiers, qui demeurent sous surveillance douanière. La notion de « surveillance douanière » est ainsi définie à l'article 5 § 27 du CDU : « l'action générale menée par les autorités douanières en vue d'assurer le respect de la législation douanière et, le cas échéant, des autres dispositions applicables aux marchandises soumises à cette action ».

D'une manière générale, il s'agit de marchandises qui sont sous un régime douanier particulier, tel que le perfectionnement actif (marchandise importée en suspension de droits de douane afin de subir une transformation, pour être ensuite réexportée ou, dans certains cas, mise en libre pratique dans l'Union européenne après transformation et après n'avoir payé que les droits de douane dus sur la partie du produit fini préalablement importé).

Les régimes particuliers sont mis en oeuvre sous couvert d'une autorisation de l'administration, dans laquelle sont précisés les lieux où se trouvent les marchandises.

L'article 60-2 du code des douanes

Cet article permet uniquement en cas de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction douanière ou d'une infraction aux dispositions du chapitre II du titre V du livre 1er du code monétaire et financier, la mise en oeuvre du droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes se trouvant ou circulant sur la voie publique et les lieux attenants directement accessibles au public, ainsi que dans les ports, aéroports, gares ferroviaires ou routières et les trains autres que ceux visés à l'article 60-1 (c'est-à-dire non ouverts à l'international et qui sont situés hors du rayon des douanes), à toute heure. Ces dispositions s'appliquent également à la tentative.

Il s'agit de l'application du critère de « motif particulier » de mise en oeuvre mentionné par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 22 septembre 2022.

Par ailleurs, dans le commentaire de la décision QPC n° 2022-1010, le Conseil constitutionnel estime que « la mise en oeuvre du pouvoir de visite [n'est soumise] à aucune condition propre à en circonstancier l'application. Ainsi que l'indique la décision, de telles conditions auraient notamment pu consister, par exemple, à délimiter des lieux ou zones géographiques dans lesquels un tel pouvoir peut s'exercer, ou encore à déterminer des motifs particuliers justifiant que ce pouvoir puisse, sans considération de lieu, être mis en oeuvre. ».

L'article 60-2 du code des douanes consiste à prévoir de tels « motifs particuliers » de mise en oeuvre, hors considération de lieu, et plus précisément en cas de « raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction douanière ».

L'article 60-3 du code des douanes

L'article 60-3 permet la mise en oeuvre du droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes se trouvant ou circulant sur la voie publique et les lieux attenants directement accessibles au public ainsi que dans les ports, aéroports, gares ferroviaires ou routières et les trains autres que ceux visés à l'article 60-2 (c'est-à-dire non ouverts à l'international et qui sont situés hors du rayon des douanes), à toute heure, selon un encadrement judiciaire et infractionnel précis. En effet, il s'agit de pouvoir procéder à de telles visites douanières sous réserve de deux conditions cumulatives :

? après en avoir informé le procureur de la République territorialement compétent et sauf opposition de ce magistrat ;

? uniquement pour la recherche des seules infractions douanières se rapportant aux marchandises visées aux articles 215 à 215 ter, au 6° de l'article 427, aux marchandises expédiées sous un régime suspensif, ainsi que des délits prévus à l'article 415 lorsque les opérations financières portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions ou des infractions à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants.

Ces dispositions s'appliquent également à la tentative.

A l'instar des opérations prévues à l'article 78-2-4 du code de procédure pénale, si la personne concernée le demande, ainsi que dans les cas où la visite se déroule en son absence, un procès-verbal relatant le déroulement des opérations de contrôle doit être établi et une copie doit être remise à la personne concernée ainsi qu'au procureur de la République.

Dans le commentaire de la décision QPC n° 2022-1010, le Conseil constitutionnel estime que « la mise en oeuvre du pouvoir de visite [n'est soumise] à aucune condition propre à en circonstancier l'application. Ainsi que l'indique la décision, de telles conditions auraient notamment pu consister, par exemple, à délimiter des lieux ou zones géographiques dans lesquels un tel pouvoir peut s'exercer, ou encore à déterminer des motifs particuliers justifiant que ce pouvoir puisse, sans considération de lieu, être mis en oeuvre. ».

L'article 60-3 du code des douanes consiste à prévoir de tels « motifs particuliers » de mise en oeuvre, hors considération de lieu et hors considération de suspicion de commission d'une infraction.

À cet égard, le Conseil a indiqué dans son commentaire : « motifs de mise en oeuvre - qui peuvent être, notamment, liés à la suspicion de commission d'une infraction, recherche d'infractions particulières ou au risque de troubles à l'ordre public ».

Il est donc possible de retenir le critère de la « recherche d'infractions particulières », qui doivent être particulièrement graves et dont les éléments constitutifs doivent effectivement pouvoir être recherchés par la mise en oeuvre d'opérations matérielles de visite. Tel est le cas de certaines infractions douanières dont les éléments constitutifs sont liés à des faits de circulation de marchandises.

Le choix s'est donc porté sur la possibilité de mettre en oeuvre le droit de visite, hors le cas de zones et lieux particulièrement susceptibles de renfermer de la fraude douanière qui seront définis par la loi, à l'égard des marchandises, des moyens de transport et des personnes se trouvant ou circulant sur la voie publique et dans les lieux attenants directement accessibles au public (par exemples : autoroutes, routes, aires de service et de repos, parking ouvert), pour certains délits douaniers :

· les infractions qui portent sur des faits de circulation irrégulière de certaines marchandises de fraude, particulièrement sensibles, qui par définition, se constatent à la circulation (cf. les marchandises relevant des articles 215 à 215 ter du code des douanes), prévues à l'article 419 de ce code et passibles des sanctions de l'article 414 du même code. Il s'agit ici de de viser les seuls délits douaniers portant sur :

? « des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité ou la moralité publiques, des marchandises contrefaisantes, des marchandises prohibées au titre d'engagements internationaux ou des marchandises faisant l'objet d'un courant de fraude internationale et d'un marché clandestin préjudiciant aux intérêts légitimes du commerce régulier et à ceux du Trésor, spécialement désignées par arrêtés » (article 215 du code des douanes), ex : stupéfiants, armes, contrefaçons ;

? « des marchandises visées au 4 et au 5 de l'article 38 » (article 215 bis du code des douanes). Ici il s'agit des flux intra-UE portant par exemple sur des armes et matériels de guerre, médicaments à usage humain, précurseurs, déchets ;

? « biens culturels ou les trésors nationaux visés au 4 de l'article 38 » (article 215 ter du code des douanes) ;

· les infractions douanières portant sur les marchandises expédiées sous un régime suspensif. En effet, la mise en oeuvre des textes européens implique de pouvoir contrôler les marchandises en suspension de droits, dans une finalité de lutte contre les fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union (PIF), qui est imposé à la fois par le CDU et par la directive « PIF » (directive (UE) n° 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017) ;

· les infractions douanières portant sur les carburants bénéficiant d'un régime fiscal privilégié, notamment l'utilisation de carburants agricoles à des usages autres que ceux qui sont fixés par la loi ;

· les seuls faits de blanchiment douanier se rapportant à des fonds provenant des infractions douanières précitées ainsi que des infractions à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants. Ce point ne couvrira donc pas l'ensemble des situations incriminées au titre de l'article 415 du code des douanes.

Enfin, il a été décidé d'assortir ce « spectre » infractionnel d'un contrôle judiciaire en prévoyant une information préalable du procureur de la République, qui peut s'y opposer. Il est précisé que cette procédure existe déjà dans le code des douanes (cf. les articles 63 ter et 67 bis I qui organisent les modalités d'accès à des locaux professionnels et de mise en oeuvre des opérations de surveillance des personnes soupçonnées d'infraction et de l'acheminement de marchandises de fraude) et ne pose aucune difficulté de mise en oeuvre.

L'article 60-5 du code des douanes

Cet article reprend le principe posé aux articles 67 quater du code des douanes et 78-2 du code de procédure pénale qui permet de répondre à l'exigence du Conseil constitutionnel de ne pas permettre la réalisation de contrôles douaniers « 24 heures sur 24 » sur un même lieu ou une même zone, ni le contrôle systématique de toute personne pendant un délai légal de 12 heures.

Il est toutefois prévu une dérogation à ce principe concernant les opérations de visite réalisées dans les bureaux de douane, qui peuvent être en activité jour et nuit pour les formalités du commerce international de marchandises.

3.2.3. Le déroulement des opérations de visite (articles 60-6 à 60-8 du code des douanes)

3.2.3.1. Palpation et fouille des vêtements, bagages et autres effets personnels et réalisation d'épreuves de dépistage de substances ou plantes classées comme stupéfiant (article 60-6 du code des douanes)

· A titre général et de manière constante, la visite des personnes porte sur les effets leur appartenant mais également, sous certaines conditions, sur les personnes elles-mêmes. Comme l'a jugé la Cour de cassation, le droit de visite relevant de l'article 60 du code des douanes est applicable aux vêtements portés par les personnes contrôlées9(*), et autorise la vérification du contenu de leurs bagages et sac à main10(*) ainsi que l'examen des mentions manuscrites figurant sur un agenda qui s'y trouve11(*).

Ce contrôle s'effectue en présence de la personne.

La visite consiste parfois à pratiquer, selon le cas, une palpation ou une fouille des vêtements des personnes dans des conditions garantissant la protection de leurs droits.

La Cour de cassation a notamment pu juger que la fouille des vêtements est autorisée par l'article 60 du code des douanes. En revanche, elle ne peut être assimilée à une fouille à corps12(*) impliquant le retrait intégral des vêtements. Récemment, elle a ainsi considéré que « Il se déduit des articles 60 et 323-7 du code des douanes, que la visite des personnes à laquelle les agents des douanes peuvent procéder en application du premier, qui peut consister en la palpation ou la fouille de leurs vêtements et de leurs bagages, ne saurait inclure une fouille à corps, impliquant le retrait des vêtements, qui ne peut être mise en oeuvre, aux termes du second, qu'en cas de retenue douanière »13(*).

En pratique, il s'agit de vérifier que la personne soumise au contrôle ne porte pas sur elle, collées ou plaquées sur le corps ou dissimulées dans ses vêtements, des objets de fraude (marchandises et argent liquide notamment). Le retrait intégral des vêtements, assimilable à une fouille à corps, est proscrit.

Surtout, la Cour de cassation a validé une telle portée du droit de visite des personnes, qui sera désormais expressément précisé dans la loi, ce qui constitue une garantie certaine.

Enfin, la notion de fouille des « effets personnels » à côté de celle des bagages, existe en droit positif, notamment à l'article L. 813-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit leur fouille ainsi que celles des bagages. Il apparaît donc possible d'utiliser cette notion des « effets personnels », sans la définir plus précisément dans l'article 60 du code des douanes, à côté de celles de « bagages » et de vêtements.

· L'utilisation de tests immuno-enzymatiques de détection de produits stupéfiants poursuit deux objectifs :

? constituer un des indices sérieux prévus à l'article 60 bis du code des douanes qui autorise les agents des douanes, sous certaines conditions, de faire réaliser un examen médical aux fins de déceler la présence de stupéfiants transportés à l'intérieur de l'organisme (« visite in corpore »). Ce mode opératoire est prépondérant dans la détection par les agents des douanes des passeurs de cocaïne.

A cet égard, il est précisé qu'il existe une volonté politique forte d'endiguer le trafic de stupéfiants via les « mules guyanaises » (cf. le plan stupéfiant interministériel et la mise en place de procédures douanières simplifiées/aménagées avec le Parquet de Cayenne), et que les brigades des douanes sont nécessairement en première ligne pour identifier les passeurs sur de telles filières. Ce sujet présente donc une certaine sensibilité en ce qu'il est l'une des pierres angulaires de l'action des services douaniers en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants, et tout particulièrement le phénomène des passeurs (dont la vie est menacée par l'ingestion de boulettes de cocaïne).

Du point de vue de l'administration des douanes, il importe que la douane puisse continuer à pouvoir détecter de tels passeurs dans le cadre des contrôles réalisés quasi exclusivement au titre de l'article 60 du code des douanes ;

? matérialiser la consommation de produits stupéfiants et donc la potentielle détention de tels produits par la personne contrôlée, laquelle peut recouvrir une qualification douanière (cf. notamment une importation en contrebande par application des articles 215, 419 et 414 du code des douanes).

Au surplus, cette pratique a été validée par la cour d'appel de Cayenne dans différents arrêts rendus en 2015 et 2017.

3.2.3.2. Immobilisation, maintien à disposition, mise en oeuvre de mesures nécessaires et adaptées, ainsi que possibilité de transfert (article 60-7 du code des douanes)

· Sur l'immobilisation et le maintien à disposition le temps strictement nécessaire aux opérations de visite (article 60-7 du code des douanes, premier alinéa du code des douanes)

La rédaction de cet article s'inspire de l'article 78-2-2 du CPP, mais également de la jurisprudence de la Cour de cassation sur deux points :

? « [cette mesure] ne peut s'exercer que le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations de visite qui comprennent le contrôle de la marchandise, du moyen de transport ou de la personne, la consignation, dans un procès-verbal, des constatations faites et renseignements recueillis, ainsi que, le cas échéant, les saisies et la rédaction du procès-verbal afférent ».

? la Cour de cassation considère ainsi qu'à l'issue du droit de visite, en dehors de l'hypothèse où sont réunies les conditions permettant une retenue douanière, et sauf dispositions spécifiques, les agents des douanes ne sont pas autorisés à continuer à retenir la personne contrôlée contre son gré14(*) ;

? l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation avec la levée, par cette dernière, de son interdiction de l'usage de mesures coercitives au cours du droit de visite15(*). A titre d'exemple, dans un arrêt du 18 décembre 201916(*), lors des opérations de contrôle effectuées dans un entrepôt (déchargement d'un camion), les agents ont procédé au menottage des deux personnes contrôlées en raison d'un risque de fuite (après rechargement du camion, les individus ont été libérés de manière à ce que le prévenu puisse conduire son ensemble routier vers le siège de l'unité douanière aux fins de poursuite de l'enquête).

Par ailleurs, il importe de tenir compte des autres règles du code des douanes qui peuvent venir s'appliquer en fin de contrôle douanier et notamment :

? celles des articles 324 et suivants du code des douanes concernant les procès-verbaux de saisie et des procès-verbaux de constat et, notamment le fait qu'un procès-verbal de saisie doit être rédigé, lorsqu'une infraction est constatée, « sans divertir à d'autres actes et au plus tard immédiatement après le transport et le dépôt des objets saisis » et que sous peine de nullité de ce procès-verbal de saisie, les agents des douanes doivent sommer la personne en infraction d'être présente à la description des objets saisis ;

? celles de l'article 322 bis du code des douanes qui prévoit, en cas de mise en oeuvre du droit de consignation des marchandises, la possibilité de contraindre le transporteur à se rendre sur un lieu approprié.

? et enfin les règles de la retenue douanière (articles 323-1 à 323-10 du code des douanes), qui peut suivre un contrôle réalisé au titre de l'article 60 du code des douanes.

Il en résulte une rédaction concise, regroupant les notions d'immobilisation et de maintien à disposition, avec la notion d'opérations « matérielles » de visite.

· Sur la mise en oeuvre de mesures nécessaires et adaptées (article 60-7 du code des douanes, deuxième alinéa du code des douanes)

Cet alinéa s'inspire partiellement de la rédaction de dispositions relatives aux pouvoirs de surveillance en mer du code de la défense que la douane (garde-côtes) met en oeuvre, sans toutefois qualifier les mesures « de coercition » compte tenu de la nature particulière du droit de visite, cf. les articles L. 1521-11 et L. 1521-5 du code de la défense.

De telles mesures ne sont pas nécessairement et intrinsèquement des « mesures de coercition » cf. par exemple la mise sous scellé provisoire de marchandises le temps de leur transfert ou la demande adressée à la personne de se tenir à tel endroit pour favoriser la réalisation du contrôle dans des conditions de sécurité.

· Sur le transfert des marchandises, des moyens de transport et des personnes en cas de visite matériellement impossible ou d'investigations approfondies nécessaires qui sont impossibles sur les lieux du contrôle (article 60-7 du code des douanes, dernier alinéa du code des douane)

Afin de ne pas obérer les capacités de lutte contre la fraude des services douaniers, il est prévu de consacrer dans la loi, la possibilité de transférer les marchandises, moyens de transport et personnes contrôlés, dans un lieu adapté au contrôle, lorsque ce déplacement est justifié par les nécessités du contrôle.

Au demeurant, cette capacité de transfert est également prévue à l'article 62 du code des douanes qui organise les contrôles de navire en mer (notion de "déroutement ») de même qu'à l'article L. 1521-5 du code de la défense.

A titre d'exemple, en cas de contrôle d'un ensemble routier réalisé sur un axe autoroutier, il est matériellement impossible de procéder à une véritable visite du moyen de transport, tant pour des raisons techniques que de sécurité.

De la même façon, la visite d'un véhicule peut s'avérer matériellement impossible lorsque ce dernier a été transformé afin de cacher de la marchandise de fraude (création de caches aménagées sophistiquées dans les parties du véhicule). Enfin, la visite de conteneurs sur une zone portuaire peut nécessiter le déplacement de ces derniers pour pouvoir assurer leur dépotage. C'est dans cette optique purement opérationnelle que la mesure de transfert a été expressément prévue dans l'article 60 du code des douanes. Il est précisé que ce transfert devra être nécessaire et proportionné.

Surtout, il est apporté une garantie à cette modalité particulière du droit de visite douanière en ce qu'il est prévu qu'à l'issue d'un délai de 4 heures, le procureur de la République est obligatoirement informé des opérations en cours, par tout moyen.

3.2.3.3. Caractère contradictoire du contrôle et renvoi à l'article 64 du code des douanes pour le contrôle des moyens de transport spécialement aménagés à usage d'habitation et effectivement utilisés comme résidence au moment du contrôle (article 60-8 du code des douanes)

· Le caractère contradictoire du contrôle (article 60-8 premier, deuxième et quatrième alinéas du code des douanes)

Chaque visite doit se dérouler en présence de :

? la personne concernée par le contrôle (propriétaire / porteur du bagage contrôlé, conducteur ou propriétaire du moyen de transport contrôlé, sinon témoin) ;

? ou d'un représentant (par exemple le cas d'une visite de conteneur dans un port) ;

? ou d'un témoin à défaut (cas des véhicules stationnés ou abandonnés, ou encore d'un bagage non réclamé). La présence de ce témoin n'est cependant pas requise, lorsque la visite comporte des risques graves pour la sécurité des personnes et des biens.

Le contrôle repose, avant tout, sur un dialogue permanent entre l'intéressé (ou son représentant) et l'agent chargé du contrôle, qui permet à la personne contrôlée de faire valoir son point de vue dans le cadre de la contradiction, ce qui assure la garantie de ses droits.

Enfin, en cas de visite d'un véhicule en l'absence de son conducteur ou de son propriétaire, un procès-verbal relatant le déroulement de la visite est établi et, le cas échéant, signé par le témoin, lorsqu'il est présent.

· Application obligatoire de l'article 64 du code des douanes pour le contrôle des moyens de transport spécialement aménagés à usage d'habitation et effectivement utilisés comme résidence au moment du contrôle (article 60-8, troisième alinéa du code des douanes)

Concernant les moyens de transport spécialement aménagés à usage d'habitation et effectivement utilisés comme résidence au moment du contrôle, il est prévu, à l'instar de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale pour les véhicules à l'arrêt de renvoyer au formalisme protecteur de la visite domiciliaire prévue par l'article 64 du code des douanes lorsque le moyen est effectivement utilisé lors du contrôle comme résidence.

Une précision a été apportée en ajoutant les mots « au moment du contrôle », pour garantir les visites de caravanes et camping-car circulant ou même provisoirement à l'arrêt sur la voie publique (car à ce moment du contrôle, ils sont encore utilisés comme moyens de transport et non comme résidence).

· La non application de l'article 60-8 du code des douanes en cas de mise en oeuvre de l'article 189 du CDU (article 60-8, dernier alinéa du code des douanes)

Cette mesure a pour effet de préserver l'application des seules dispositions prévues par le CDU, notamment en cas de mise en oeuvre de l'article 189 du CDU et de l'article 239 du règlement n° 2015/2447. Ces dispositions prévoient en effet, pour les contrôles effectués lors du dédouanement, que le déclarant a le droit d'assister à la visite. Celui-ci doit être informé de ce qu'une visite va avoir lieu.

Cependant, le déclarant peut refuser d'être présent lors de l'examen des marchandises. En ce cas, les autorités douanières fixent un délai pour qu'il se présente et si, à l'issue du délai fixé, le déclarant n'a pas donné suite aux injonctions des autorités douanières, celles-ci procèdent d'office à l'examen des marchandises, aux risques et aux frais du déclarant, même en son absence.

Il est donc nécessaire que la visite effectuée lors du dédouanement, par exemple, dans un bureau de douane, puisse se dérouler en l'absence des intéressés, conformément aux dispositions du CDU et de ses règlements d'application, sans que les nouvelles dispositions de l'article 60 du code des douanes ne créent une contradiction ou soient opposées à l'administration des douanes.

3.2.4. Articulation du droit de visite avec le régime de l'audition libre et l'absence de nullité des constatations d'infractions incidentes (articles 60-9 et 60-10 du code des douanes)

3.2.4.1. Recueil des déclarations en vue de la reconnaissance des objets découverts lors de la visite et possibilité de recourir à l'audition libre (article 67 F du code des douanes) (article 60-9 du code des douanes)

· Recueil des déclarations en vue de la reconnaissance des objets découverts (article 60-9 premier alinéa du code des douanes)

Cet alinéa reprend un principe posé par la Cour de cassation17(*) et rappelé par le Conseil constitutionnel dans son commentaire de la décision n° 2022-2010. Ainsi, la Cour de cassation a admis que les agents des douanes peuvent, à l'occasion de l'exercice de leur droit de visite, recueillir des déclarations en vue de la reconnaissance des objets découverts, tout en jugeant qu'ils ne disposent pas d'un pouvoir général d'audition de la personne contrôlée.

· L'audition libre n'est possible qu'en l'absence de mesure de contrainte (article 60-9 dernier alinéa du code des douane)

Dans son arrêt du 18 mars 2020 précité, la Cour de cassation a jugé que si en application de l'article 67 F du code des douanes, les agents peuvent entendre une personne suspecte dans le cadre d'une audition libre « c'est aux conditions, en partie déduites, par analogie, de l'article 61-1 du code de procédure pénale, que la personne n'a pas été conduite, sous contrainte, par les agents des douanes dans leurs locaux et qu'elle dispose du droit de les quitter à tout moment. Il s'en déduit qu'une telle audition ne peut avoir lieu au cours de l'exercice du droit de visite lorsqu'il s'accompagne d'une mesure de contrainte ».

3.2.4.2. Le cas où la visite révèle des infractions qui ne sont pas mentionnées par l'article 60 du code des douanes (article 60-10 du code des douanes)

Il s'agit ici d'une reprise du IV de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, ainsi que de l'avant-dernière phrase de l'alinéa dix de l'article 78-2 du même code.

Cette disposition permet, dans l'hypothèse où la visite réalisée sur le fondement de l'article 60 du code des douanes met au jour l'existence d'une infraction autre que douanière ou autre que celles citées au 3° du I de cet article, de mettre en oeuvre une procédure incidente.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Le 3 de l'article 44 du code des douanes est modifié. L'article 60 dudit code est remplacé par les articles 60 à 60-10.

En outre, les articles L. 251-18, L. 251-18-1, L. 936-6, L. 951-18 du code rural et de la pêche maritime, l'article L. 112-24 du code du patrimoine et l'article L. 80J du livre des procédures fiscales sont modifiés.

Enfin, les articles 65B et 67bis du code des douanes sont modifiés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Le règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union fixe les règles et procédures générales applicables aux marchandises qui entrent sur le territoire douanier de l'Union européenne ou qui en sortent.

D'une manière générale, l'article 46 § 1er alinéa 2 CDU décrit les contrôles qui peuvent être faits de la manière suivante :

« Les contrôles douaniers peuvent notamment consister à vérifier les marchandises, prélever des échantillons, contrôler l'exactitude et le caractère complet des informations fournies dans une déclaration ou une notification ainsi que l'existence, l'authenticité, l'exactitude et la validité de documents, examiner la comptabilité des opérateurs économiques et d'autres écritures, contrôler les moyens de transport et inspecter les bagages et autres marchandises transportés par ou sur des personnes ainsi que mener des enquêtes officielles et procéder à d'autres actes similaires. ».

Le spectre de ces contrôles est très large et il n'est pas limité aux seules vérifications de la conformité des formalités douanières d'importation ou d'exportation, dans la perspective du recouvrement des ressources propres du budget de l'UE, dès lors qu'il touche également le contrôle des prohibitions applicables à l'importation et à l'exportation pour sécurité et la sûreté de l'Union européenne et de ses ressortissants.

Le CDU prévoit donc que des personnes peuvent être contrôlées dès lors qu'elles sont susceptibles de transporter des marchandises provenant de ou destinées à des pays tiers.

En pratique, le contrôle douanier vise à déterminer si les marchandises importées d'États tiers ou destinées à l'exportation ont fait l'objet des formalités douanières imposées par la réglementation de l'UE, y compris celles portant sur les restrictions ou les prohibitions d'importation ou d'exportation. Parmi ces réglementations, figurent celle définie par le CDU, mais également l'ensemble des textes qui établissent une prohibition ou une restriction d'importation ou d'exportation (sont notamment concernés, les produits stupéfiants, les déchets, les armes et explosifs, les biens à double usage civil et militaire, les biens provenant de Russie, interdits à l'importation, etc.).

De plus, le second alinéa de l'article 1er § 1er du CDU indique « Sans préjudice des conventions et de la législation internationales ainsi que de la législation de l'Union régissant d'autres domaines, le code s'applique de façon uniforme dans l'ensemble du territoire douanier de l'Union. ».

Dès lors que le CDU s'applique sur l'ensemble du territoire douanier de l'Union européenne (TDU), il s'applique sur l'ensemble du territoire douanier national au sens de l'article 1er du code des douanes, y compris en ce qui concerne les contrôles qu'il préconise. Or, ces contrôles peuvent être effectués lors du dédouanement (contrôles dits « contrôles ex ante ») mais également a posteriori (contrôles dits « contrôles ex post »), soit après que la marchandise a franchi la frontière, que ce franchissement ait été suivi ou non de l'accomplissement desdites formalités (par exemple contrebande ou importation sans déclaration).

A cet égard, il convient de souligner que l'article 5 § 3 du CDU donne la définition suivante des contrôles douaniers : « les actes spécifiques accomplis par les autorités douanières pour garantir la conformité avec la législation douanière et les autres dispositions régissant l'entrée, la sortie, le transit, la circulation, le stockage et la destination particulière de marchandises circulant entre le territoire douanier de l'Union et les pays ou les territoires situés en dehors de ce dernier, et la présence et la circulation sur le territoire douanier de l'Union de marchandises non Union et de marchandises placées sous le régime de la destination particulière ».

Il s'ensuit que le CDU intègre, dans la notion de « contrôles douaniers », la nécessité d'un contrôle réalisé sur le territoire douanier de l'Union, c'est-à-dire, pour ce qui concerne la France, sur l'ensemble du territoire la République française, à l'exception des pays et territoires français d'outre-mer (PTOM, auxquels le CDU ne s'applique pas), y compris à la circulation (c'est-à-dire hors les seuls cas de passage de la frontière).

Par ailleurs, s'agissant de contrôles après dédouanement, l'article 48 du CDU indique : « Aux fins des contrôles douaniers, les autorités douanières peuvent vérifier l'exactitude et le caractère complet des informations fournies dans une déclaration en douane, une déclaration de dépôt temporaire, une déclaration sommaire d'entrée, une déclaration sommaire de sortie, une déclaration de réexportation ou une notification de réexportation, ainsi que l'existence et l'authenticité, l'exactitude et la validité de tout document d'accompagnement, et peuvent examiner la comptabilité du déclarant et d'autres écritures se rapportant aux opérations relatives aux marchandises en question ou à d'autres opérations commerciales antérieures ou ultérieures portant sur ces marchandises, après octroi de la mainlevée.

Ces autorités peuvent aussi examiner ces marchandises elles-mêmes et/ou prélever des échantillons lorsqu'il est encore possible de procéder à un tel examen ou prélèvement.

Ces contrôles peuvent s'exercer dans les locaux du détenteur des marchandises ou de son représentant, de toute personne directement ou indirectement liée à titre professionnel à ces opérations ainsi que de toute autre personne disposant de ces documents et données pour des raisons professionnelles. ».

La nécessité d'une application effective du droit de l'Union, impose que tous les acteurs jouant un rôle dans cette application, notamment les autorités répressives et les administrations publiques d'un Etat, aient les capacités de remplir leur mission. Les administrations publiques doivent disposer des capacités de contrôle adéquat afin de respecter leur obligation de coopération loyale résultant de l'article 4 § 3 du TFUE.

L'obligation de réaliser les contrôles portant sur le respect des obligations issues du CDU, ne procède pas uniquement du CDU, mais également du traité sur le fonctionnement de l'Union.

L'article 46 § 1er du CDU prévoit que les autorités douanières peuvent effectuer, conformément aux conditions fixées par les dispositions en vigueur, « tous les contrôles qu'elles jugent nécessaires ». Il ajoute à cette disposition, une liste, non exhaustive, de différents contrôles douaniers auxquels les États membres peuvent recourir. Il en résulte que les autorités douanières nationales, lorsqu'elles effectuent des contrôles douaniers, disposent d'une certaine marge d'appréciation dans le choix et l'application des modalités du contrôle douanier.

Par ailleurs, l'article 310 § 6 du TFUE, prévoit que « l'Union et les États membres, conformément à l'article 325, combattent la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union ». Dès lors qu'il renvoie à l'article 325 du TFUE, toute carence d'un Etat membre à lutter contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'UE constitue une violation des dispositions du droit primaire contenues dans ce dernier article. L'article 325 du TFUE est donc une disposition centrale en matière de lutte contre la fraude au niveau du droit primaire, en ce qu'elle définit les obligations de l'Union et des États membres, ainsi que leur portée dans ce domaine qui sont elles-mêmes concrétisées, au niveau du droit dérivé, par le CDU et ses règlements d'application.

La marge d'appréciation dont disposent les autorités douanières des États membres quant au choix des mesures de contrôle douanier, est limitée par l'exigence d'assurer une protection efficace des intérêts financiers de l'Union. De plus, ainsi que cela a déjà été relevé, il incombe aux autorités douanières nationales, en application de l'article 3 § 1er sous a) du CDU d'instaurer des mesures visant à « protéger les intérêts financiers de l'Union et de ses États membres ». L'importance de cet objectif dans le CDU est soulignée par la place que cette disposition occupe tout au début de ce code.

Cette marge d'appréciation laissée aux Etats membres ne doit pas aboutir à ce que les mesures choisies soient dépourvues d'effectivité.

Dans ce contexte, l'article 325 § 1er et 2 du TFUE ne se limite pas à énoncer une obligation abstraite pour les États membres de lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, mais prescrit des exigences minimales en ce qui concerne les mesures que ces États sont tenus de mettre en oeuvre afin de lutter contre la fraude et de prévenir de telles activités. En particulier, cette disposition exige que les mesures adoptées par les États membres pour lutter contre les activités illicites soient dissuasives et effectives.

Ces exigences ont également été rappelées par la jurisprudence, dont il découle, notamment, que l'article 325 §1 et 2 du TFUE impose aux États membres une obligation de résultat précise (cf. CJUE du 8 septembre 2015, Taricco e.a. aff. C-105/14, points 50 et 51), et du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. aff. C-42/17, point 38).

Dès lors que les États membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour que les droits de douane puissent être effectivement et intégralement perçus, cela suppose que le contrôle douanier soit mis en place et s'exerce correctement et de manière efficace.

Cela implique que, dès lors que cette disposition vise à mener cette lutte par des mesures performantes, l'efficacité d'une mesure concrète ou d'un ensemble de mesures ne peut être déterminée que dans le contexte d'une situation bien circonscrite, et non de manière abstraite. En effet, la criminalité, y compris sa composante particulièrement dangereuse, à savoir la criminalité organisée dans le domaine de la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, est, par définition, un phénomène de nature évolutive qui s'adapte au fur et à mesure au contexte qui l'entoure.

Par conséquent, l'article 325 du TFUE, en tant que disposition contenant une obligation de résultat, impose aux États membres, non seulement l'adoption de mesures uniques de nature à prévenir les activités portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, mais également une évaluation et une adaptation permanentes dans le temps, afin d'assurer l'efficacité de ces mesures, parmi lesquelles figurent en bonne place une obligation de contrôle.

Il résulte donc de la combinaison de l'ensemble des dispositions ci-dessus décrites, relevant à la fois du droit UE primaire et d'un règlement UE, que l'obligation de contrôle douanier est une constante qui s'impose aux Etats membres.

C'est ainsi, que dans son arrêt du 8 mars 2022, Commission c/ Royaume-Uni, aff. C-213/19, la Cour de justice, réunie en grande chambre, a accueilli, en partie, le recours de la Commission et dit pour droit, en substance, que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l'Union en n'ayant pas appliqué des mesures de contrôle douanier efficaces afin de prendre en compte les montants corrects des droits de douane et, partant, en n'ayant pas mis à la disposition de la Commission le montant correct des ressources propres traditionnelles relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine mars.

En outre, dans la décision précitée du 8 mars 2022, la CJUE a affirmé qu'il résulte des dispositions du TFUE et du CDU qu'il incombe aux États membres d'effectuer les contrôles nécessaires en vue de l'application correcte des traités et du droit dérivé. Cette obligation de contrôle est notamment exprimée dans les attendus suivants :

- attendu 292 : « Or, conformément à l'article 13 du code des douanes communautaire et à l'article 46 du code des douanes de l'Union, lus en combinaison avec l'article 325 TFUE, le Royaume-Uni était tenu d'effectuer, aux fins d'assurer une lutte efficace et dissuasive contre la fraude, la sélection des déclarations en douane devant faire l'objet de tels contrôles ex ante sur le fondement d'une analyse de risque pratiquée à l'aide de procédés informatiques de traitement des données, ce qu'il a omis de faire durant toute la période d'infraction, sauf pour ce qui concerne la période opérationnelle de l'ODC Snake, allant du 17 février au 17 mars 2014 » ;

- attendu 322 : « En effet, il incombe aux autorités douanières des États membres de veiller à l'application du droit douanier de l'Union et, en particulier, d'effectuer des contrôles douaniers appropriés afin de protéger, de manière effective, les intérêts financiers de celle-ci. L'accomplissement d'une telle mission nécessite, de la part de ces autorités, un travail continu, cohérent et systémique qui ne peut se limiter à une participation ponctuelle à des opérations douanières dont les effets peuvent n'être que temporaires. En outre, les actions de contrôles douaniers entreprises au niveau de l'Union visent certes à soutenir les États membres, mais ne sauraient remplacer l'action de contrôle et de protection effective des intérêts financiers de l'Union qui leur incombe ».

Il importe de souligner que, compte tenu de la carence en matière de contrôle, le Royaume-Uni n'a pas été en mesure de mettre à disposition du budget de l'UE les montants de droits dus. De ce fait, il a été condamné à verser à ce budget un montant considérable, accompagné d'intérêts de retard.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

La mesure permettra un meilleur contrôle des activités illicites qui peuvent impacter l'activité économique.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

La mesure ne crée pas d'impact sur les entreprises.

4.2.3. Impacts budgétaires

La mesure permettra d'améliorer les capacités de la douane de détection des fraudes à enjeux budgétaires, tout particulièrement s'agissant de l'identification de fraudes aux ressources propres de l'Union européenne (droits de douane notamment).

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Sans modifier la finalité du droit de visite douanière et les opérations matérielles de contrôle que ce droit induit, la mesure octroie de nouvelles garanties légales aux personnes contrôlées afin d'assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée.

En outre, comme demandé par le Conseil constitutionnel, l'article 60 du code des douanes ne permet plus, en toutes circonstances, de procéder à ces opérations de visite pour la recherche de toute infraction douanière, sur l'ensemble du territoire douanier et à l'encontre de toute personne se trouvant sur la voie publique.

Ainsi, outre la consécration dans la loi des différentes garanties apportées par la jurisprudence de la Cour de cassation pour l'exercice du droit de visite par les agents des douanes (par exemple le caractère contradictoire du contrôle, l'absence de pouvoir général d'audition du service des douanes dans le cadre du droit de visite ou encore le fait que la personne contrôlée peut être maintenue à disposition uniquement le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations de visite), les nouvelles dispositions soumettent désormais la mise en oeuvre de ce pouvoir de visite à des conditions propres à en circonstancier l'application.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

La mesure ne crée pas d'impact environnemental.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée. Cette mesure a été concertée avec le ministère de la justice (direction des affaires criminelles et des grâces).

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, sous réserve de l'adaptation suivante : le I de l'article 1er n'est pas applicable dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Enfin, l'article 60 du code des douanes, tel qu'il résulte de l'article 2 du présent projet de loi, fait l'objet des adaptations nécessaires (prévues à l'article 16 du projet de loi), pour son application à Saint-Pierre et Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Toutefois, le 1° du II de l'article 2 n'est pas applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.

5.2.3. Textes d'application

L'adoption d'arrêtés du ministre chargé des douanes est prévue par :

- le 3° de l'article 60-1 du code des douanes : les ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international, seront désignés par arrêté du ministre chargé des douanes ;

- le 5° de l'article 60-1 du code des douanes : les liaisons ferroviaires internationales, sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà de la limite de la zone du rayon terrestre des douanes, ainsi que les lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, la visite peut également être opérée entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des 50 kilomètres suivants, seront désignées par arrêté du ministre chargé des douanes, ainsi que les arrêts concernés.

Article 1er, II - Abrogation de divers articles du code des douanes en lien avec le rayon des douanes

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les articles 44, 45, 213 et 214 du code des douanes (section 5 du chapitre 1er du titre VIII du code des douanes) sont issus du décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948, lequel a été annexé à la loi n° 48-1973 du 31 décembre 1948 de finances pour 1949. Le Conseil constitutionnel a admis que cette annexion lui confère une valeur législative ( décision n° 2011-208 QPC du 13 janvier 2012).

Le 4 de l'article 44 et l'article 45 du code des douanes renvoient à un arrêté le soin de délimiter les limites de la zone terrestre du rayon des douanes. Les articles 213 et 214 du code des douanes sont dans une section intitulée « Installation de moulins et d'établissements industriels dans la zone terrestre du rayon des douanes ». Ils soumettent à autorisation du préfet toute installation ou fermeture de moulins ou établissements industriels dans la zone terrestre du rayon des douanes.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel affirme que le principe de clarté répond aux objectifs de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ( décision n° 2005-514 DC du 28 avril 2005). Ce principe a souvent inspiré des dispositifs d'abrogation de textes législatifs anciens, à l'initiative des assemblées parlementaires, dans le cadre de lois de simplification du droit.

S'appuyant sur ces principes constitutionnels, le Conseil d'Etat a, dans son avis n° 401591 du 11 février 2021, précisé que « Est regardée comme obsolète une loi dont toutes les dispositions n'ayant pas fait l'objet d'une abrogation explicite, soit ont été abrogées implicitement par des lois ultérieures posant des règles contraires, soit ont épuisé leurs effets eu égard à leur objet, soit sont désormais privées d'objet parce qu'elles visaient des situations qui, en raison de l'évolution des circonstances de droit et de fait, ne sont plus susceptibles de se présenter ».

L'abrogation du 4 de l'article 44 et des articles 45, 213 et 214 du code des douanes est réalisée dans le respect du principe ci-dessus évoqué.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Sans objet.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Sans objet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

S'agissant du 4 de l'article 44 et de l'article 45 du code des douanes

Le 4 de l'article 44 du code des douanes prévoit que la profondeur du rayon de la zone terrestre peut être portée, sur une mesure variable, jusqu'à 60 kilomètres par des arrêtés du ministre de l'économie et des finances. L'article 45 du même code prévoit que la limite intérieure du tracé rayon terrestre est fixée par arrêté du ministre chargé des douanes. Ce dernier article a été modifié par la loi n° 63-1361 du 31 décembre 1963, loi de finances pour 1964 et le 4 de l'article 44 du code des douanes qui date de 1948 ne correspondent plus aux besoins actuels .

Il convient donc de les abroger afin que le code des douanes soit conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux principes de clarté et d'intelligibilité de la loi.

S'agissant de la section V du chapitre 1er du titre VIII du code des douanes (articles 213 et 214 du code des douanes)

L'article 213 du code des douanes impose aux moulins et aux établissements industriels désireux de s'installer ou de construire dans la zone terrestre du rayon des douanes, à l'exception des agglomérations dont la population s'élève au moins à 2 000 habitants, d'obtenir une autorisation du préfet, laquelle n'est accordée que sur avis favorable du directeur des douanes.

L'article 214 du code des douanes prévoit que le préfet peut ordonner la fermeture ou le déplacement des moulins et des établissements industriels situés dans la zone terrestre du rayon des douanes lorsqu'il a été constaté par jugement que ces établissements ont favorisé la contrebande.

Outre le fait que ces dispositions sont obsolètes et ne sont plus mises en oeuvre, leur abrogation vise à la mise en conformité du code des douanes avec le principe de liberté d'établissement prévu par les articles 49 à 55 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'abrogation du 4 de l'article 44 du code des douanes et des articles 45, 213 et 214 du code des douanes vise à mettre le code des douanes en conformité avec le cadre constitutionnel et le droit de l'Union européenne, décrits ci-dessus.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Sans objet.

3.2. OPTION RETENUE

L'abrogation du 4 de l'article 44 du code des douanes et des articles 45, 213 et 214 du code des douanes vise à mettre le code des douanes en conformité avec le cadre constitutionnel et le droit de l'Union européenne, décrits ci-dessus.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Le 4 de l'article 44, l'article 45 et la section V du chapitre Ier du titre VIII du code des douanes (articles 213 et 214 du code des douanes) sont abrogés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

S'agissant de la section V du chapitre 1er du titre VIII du code des douanes (articles 213 et 214 du code des douanes) :

Le marché unique suppose la liberté pour toute personne physique ou morale, ressortissant d'un État membre, de s'établir et d'offrir ses services dans tous les États de l'Union européenne. Les discriminations fondées sur la nationalité et les restrictions à ces libertés de circulation sont interdites, à moins d'être justifiées par des motifs légitimes. Les dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services complètent le cadre réglementaire applicable à la libre circulation des personnes dans la mesure où elles concernent l'exercice d'activités non salariées.

Le principe de libre établissement, prévu aux articles 49 à 55 du TFUE garantit à tout ressortissant d'un État membre de l'Union, la possibilité de s'établir dans un autre État membre, dans les mêmes conditions que les nationaux de ce pays. Cette liberté est étendue aux personnes morales répondant à la définition de « sociétés », donnée par l'article 54 du TFUE. L'établissement suppose l'exercice d'une activité indépendante, à travers la création à titre principal ou secondaire d'une installation stable et continue dans l'État membre d'accueil. Il suppose ainsi une intégration juridique dans le pays d'accueil et, le cas échéant, le respect de certaines exigences normatives locales pour l'accès et l'exercice de l'activité concernée.

Le traité de Porto du 2 mai 1992 relatif à l'Espace économique européen étend aux États associés, soit l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège, les dispositions applicables dans l'Union européenne en matière de liberté d'établissement et de libre prestation de services.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

L'article 1er, dont le II, n'est pas applicable dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 3 - Modification des articles 62 et 63 du code des douanes

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'article 62 du code des douanes habilite les agents des douanes à effectuer des visites dans toutes les parties d'un navire (de tout type, notamment commercial ou de plaisance), y compris à usage privé ou d'habitation, ainsi que la recherche et la constatation de l'ensemble des infractions douanières. Le navire peut faire l'objet d'un déroutement vers une position ou un port appropriés uniquement dans l'une des conditions suivantes :

- soit l'accès à bord s'est trouvé matériellement impossible ;

- soit des investigations approfondies, qui ne peuvent être effectuées en mer, doivent être diligentées à bord.

Ces dispositions sont mises en oeuvre dans la zone maritime du rayon des douanes, définie à l`article 44 § 2 du code des douanes ou dans la zone contiguë mentionnée à l'article 44 bis du même code. La zone maritime est comprise entre le littoral et une limite extérieure située en mer à 12 milles marins mesurés à partir des lignes de base de la mer territoriale. La zone contiguë est l'espace maritime situé au-delà de la limite de la mer territoriale et adjacent à celle-ci, s'étendant jusqu'à une limite fixée à 24 milles marins des lignes de base.

Lorsque la visite concerne des parties du navire, affectées à un usage privé ou d'habitation, la visite doit être effectuée en présence de l'occupant des lieux. En l'absence de l'occupant des lieux, les agents des douanes ne peuvent procéder à celle-ci qu'en présence du capitaine du navire ou de son représentant.

L'occupant des locaux à usage privé ou d'habitation visités peut former un recours a posteriori contre les opérations de visite réalisées sur le fondement de l'article 62 du code des douanes. Ce recours s'exerce, dans un délai non suspensif de 15 jours à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal, devant le premier président de la Cour d'appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.

L'article 63 du code des douanes habilite les agents des douanes à effectuer des visites dans toutes les parties des navires se trouvant dans un port, dans une rade ou à quai, y compris celle à usage privé ou d'habitation, pour l'application du code des douanes ainsi que la recherche et la constatation de l'ensemble des infractions douanières.

L'article 63 du code des douanes permet de procéder à la visite des parties du navire, affectées à un usage privé ou d'habitation, en présence de l'occupant des lieux ou, en son absence, en présence du capitaine du navire ou de son représentant selon deux procédures différentes :

- si le contrôle concerne un navire qui se trouve dans un port, une rade ou à quai depuis moins 72 heures, la visite des locaux du navire, affectés à un usage privé ou d'habitation peut se dérouler dans les mêmes conditions, précitées, que les visites relevant de l'article 62 du code des douanes (opérations de visite contradictoires, droit de recours contre les opérations de visite concernant les parties du navire affectées à un usage privé ou d'habitation au bénéfice de l'occupant de ces lieux, dans un délai non suspensif de 15 jours devant le premier président de la Cour d'appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure et rédaction d'un procès-verbal de visite du navire) ;

- en revanche, lorsque la visite concerne un navire qui se trouve dans un port, une rade ou à quai depuis 72 heures au moins, la visite des locaux affectés à un usage privé ou d'habitation ne peut être effectuée, en cas de refus de l'occupant des lieux, qu'après autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.

La visite s'effectue sous le contrôle du juge qui l'a autorisée. Lorsqu'elle a lieu en dehors du ressort de son tribunal judiciaire, il délivre une commission rogatoire, pour exercer ce contrôle, au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel s'effectue la visite. Le juge peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention. A tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite.

L'ordonnance doit être notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou, en son absence, au capitaine du navire ou à son représentant, qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal de visite. Le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l'ordonnance.

L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel, dans un délai non suspensif de quinze jours. L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles du code de procédure civile.

Enfin, l'occupant des locaux à usage privé ou d'habitation visités peut former un recours a posteriori contre les opérations de visite des parties du navire, affectées à un usage privé ou d'habitation dans les mêmes conditions que celles prévues par l'article 62 du code des douanes.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Par décision n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013, le Conseil constitutionnel a censuré les articles 62 et 63 du code des douanes, relatifs au droit de visite des navires.

Plus précisément, le Conseil constitutionnel a estimé que :

- la lutte contre la fraude en matière douanière justifie que les agents des douanes soient habilités à visiter les navires y compris dans leurs parties affectées à un usage privé ou de domicile. L'autorisation du juge, à cet effet, n'est pas constitutionnellement nécessaire, compte tenu de la mobilité des navires et des difficultés de procéder à leur contrôle en mer, cf. considérant 7 de la décision n° 2013-357 précitée : « la lutte contre la fraude en matière douanière justifie que les agents des douanes soient habilités à visiter les navires y compris dans leurs parties affectées à un usage privé ou de domicile ; qu'en permettant que de telles visites puissent avoir lieu sans avoir été préalablement autorisées par un juge, les dispositions contestées prennent en compte, pour la poursuite de cet objectif, la mobilité des navires et les difficultés de procéder au contrôle des navires en mer ».

Dans son commentaire de cette décision, le Conseil précise à cet égard : « La mission de l'administration des douanes est le contrôle du franchissement des frontières par les personnes et les marchandises afin de veiller au respect des lois qui réglementent ce franchissement et de lutter contre les comportements frauduleux. En raison de la mobilité des navires et des difficultés de procéder à leur contrôle en mer, le Conseil constitutionnel a estimé que l'article 2 de la Déclaration de 1789 n'imposait pas de subordonner à une autorisation d'un juge l'exercice, par les douaniers, de leur compétence pour visiter les navires.

Le Conseil constitutionnel a donc jugé que l'absence d'autorisation juridictionnelle préalable de la visite des navires par les agents des douanes n'est pas en elle-même contraire à la Constitution ».

- toutefois, les dispositions des articles 62 et 63 du code des douanes, qui autorisent les visites en tout lieu et à toute heure, ne prévoient pas de voie de recours appropriée pour permettre un contrôle des conditions de mise en oeuvre des contrôles, cf. considérant 8 de la décision n° 2013-357 précitée : « Considérant, toutefois, que les dispositions contestées permettent, en toutes circonstances, la visite par les agents des douanes de tout navire qu'il se trouve en mer, dans un port ou en rade ou le long des rivières et canaux ; que ces visites sont permises y compris la nuit ; qu'indépendamment du contrôle exercé par la juridiction saisie, le cas échéant, dans le cadre des poursuites pénales ou douanières, des voies de recours appropriées ne sont pas prévues afin que soit contrôlée la mise en oeuvre, dans les conditions et selon les modalités prévues par la loi, de ces mesures ; que la seule référence à l'intervention d'un juge en cas de refus du capitaine ou du commandant du navire, prévue par le 2. de l'article 63 du code des douanes en des termes qui ne permettent pas d'apprécier le sens et la portée de cette intervention, ne peut constituer une garantie suffisante ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées privent de garanties légales les exigences qui résultent de l'article 2 de la Déclaration de 1789 ».

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Voir point 1.3. « Cadre conventionnel » ci-dessus, à la rubrique relative à l'article 2.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes ne dispose pas d'éléments de droit comparé sur ce sujet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les articles 62 et 63 du code des douanes n'organisent qu'un droit d'accès et de visite des navires, sans permettre expressément la visite des personnes s'y trouvant, ni même au demeurant celle des marchandises, laquelle ne pose toutefois pas les mêmes questions en termes d'atteinte aux droits et libertés, que celle des personnes.

Il est apparu dès lors nécessaire de modifier les articles 62 et 63 du code des douanes, afin d'une part de leur donner la même finalité que celle des nouvelles dispositions qui remplaceront l'article 60 de ce code et, d'autre part, de rendre applicables les modalités de la visite des personnes prévues par les articles 60-6, 60-7, 60-9 et 60-10 du code des douanes, d'autre part.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif des modifications des articles 62 et 63 du code des douanes est de rendre applicables :

- le droit de visite des marchandises et des personnes, prévu à l'article 60 du code des douanes à l'occasion des visites de navires ;

- les principes créés au futur article 60 code des douanes (ex : possibilité d'audition libre en cas de soupçon d'infraction douanière, uniquement en l'absence de contrainte au cours de la visite).

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

La seule autre option envisagée était de ne pas modifier les articles 62 et 63 du code des douanes. Toutefois, cette absence de modification aurait été de nature, en comparaison avec les nouveaux articles 60 à 60-10 du code des douanes, à susciter un doute quant à l'objectif des contrôles fondés sur ces articles.

De même, le défaut de précision, quant au renvoi aux dispositions de l'article 60 du code des douanes, concernant la question de la visite des personnes, aurait mis en exergue une lacune dans la protection de ces dernières, lorsqu'elles font également l'objet d'un contrôle dans le cadre des articles 62 et 63 du code des douanes (visite des bagages d'un équipage par exemple).

3.2. OPTION RETENUE

La modification proposée a pour objet de préciser que, de même que pour l'article 60 du code des douanes, leur mise en oeuvre a également pour objet de rechercher les manquements aux obligations prévues par le CDU et ses règlements d'application.

De même, dès lors que ces deux articles sont les « cousins maritimes » de l'article 60 du code des douanes, qui viennent organiser le droit de visite des navires, qui est une mesure spécifique dans le cadre du droit de visite des moyens de transport, compte tenu de la nature particulière des navires, il est important de prévoir que les dispositions de l'article 60 du code des douanes, concernant les marchandises et les personnes, sont applicables en cas de mise en oeuvre des articles 62 et 63 de ce même code.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les articles 62 et 63 du code des douanes sont modifiés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Voir point 4.1.2.ci-dessus, à la rubrique relative à l'article 2.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

La mesure permettra, d'une part, un meilleur contrôle des activités illicites qui peuvent impacter l'activité économique et, d'autre part, une meilleure imposition des marchandises par l'Etat et l'Union européenne.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure a vocation à s'appliquer à l'égard de navires appartenant à des particuliers et à permettre la visite des marchandises et des personnes physiques présentes à bord des navires selon les mêmes règles que celles prévues aux articles 60-6, 60-7, 60-9 et 60-10 du code des douanes.

Ainsi, les opérations de visite concernant les personnes consistent uniquement en la palpation ou la fouille de leurs vêtements, de leurs bagages et de leurs autres effets personnels, sans permettre une fouille à corps. Par ailleurs, la réalisation de tests immuno-enzymatiques de dépistage de produits stupéfiants est possible uniquement sous réserve du consentement de la personne. Ces opérations doivent être exécutées dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne, à l'abri du regard du public.

Par ailleurs, les agents des douanes ne peuvent maintenir à leur disposition les personnes que le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations matérielles de visite.

La visite des bagages doit avoir lieu en présence de leurs détenteurs ou, à défaut, d'une personne requise à cet effet par les agents des douanes et qui ne peut pas relever de leur autorité administrative.

Enfin, lorsque la personne est suspectée d'avoir commis une infraction douanière, elle peut être entendue par les agents des douanes conformément à l'article 67 F du code des douanes.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, sous réserve des adaptations nécessaires, telles que la suppression de toute référence à des textes relevant du droit de l'Union européenne prévue à l'article 16 du présent projet de loi.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 4 - Création d'un article 67 ter-1 du code des douanes

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Aux termes des articles 40, 53 et 73 du code de procédure pénale :

- toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ( article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale) ;

- est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit ( article 53 alinéa 1er du code de procédure pénale) ;

- dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche ( article 73 alinéa 1 du code de procédure pénale).

Aux termes des articles 67 ter et 323-1 du code des douanes, il est en outre indiqué :

- à l'occasion des contrôles qui relèvent de leurs attributions, les agents des douanes, lorsqu'ils ont procédé à la consultation des traitements de données à caractère personnel relatifs aux individus, aux objets ou aux véhicules signalés régis par l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, peuvent, aux fins de mise à disposition d'un officier de police judiciaire, procéder à la retenue provisoire des personnes qui font l'objet d'un signalement ou qui sont détentrices d'un objet signalé. Les agents des douanes informent sans délai le procureur de la République de la retenue provisoire. Au cours de la retenue provisoire, la personne est conduite devant l'officier de police judiciaire territorialement compétent ou maintenue à sa disposition.

La durée de la retenue provisoire est limitée au temps strictement nécessaire à l'accomplissement de ces diligences, sans pouvoir excéder trois heures à compter de la demande de l'officier de police judiciaire. A l'expiration de ce délai, la personne est laissée libre si elle n'a pu être remise à l'officier de police judiciaire territorialement compétent.

Lorsque la personne retenue est placée en garde à vue au terme de la retenue provisoire, la durée de la retenue provisoire s'impute sur celle de la garde à vue. Lorsque la personne retenue fait l'objet par ailleurs d'une retenue douanière dans les conditions prévues aux articles 323-1 à 323-10 du code des douanes, la durée de la retenue provisoire s'impute sur celle de la retenue douanière. Les agents des douanes mentionnent, par procès-verbal de constat, dont un double est remis à l'officier de police judiciaire, le jour et l'heure du début et de la fin de la retenue provisoire ; ces mentions figurent également sur le registre mentionné à article 323-8 du code des douanes ( article 67 ter du code des douanes) ;

- les agents des douanes ne peuvent procéder à l'arrestation et au placement en retenue douanière d'une personne qu'en cas de flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l'enquête douanière ( article 323-1 du code des douanes) et à l'issue de la mesure, le procureur de la République peut ordonner que la personne retenue soit présentée devant lui, par un officier de police judiciaire ou un agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale ou qu'elle soit remise en liberté ( article 323-9 alinéa 1 du code des douanes).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Aux termes de l'article 66 de la Constitution, « Nul ne peut être arbitrairement détenu. / L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Après avoir retenu une conception large de la notion de « liberté individuelle », incluant notamment la liberté d'aller et de venir et le respect de la vie privée, le Conseil constitutionnel en a resserré le champ aux mesures privatives de liberté dans sa décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999. Seules de telles mesures sont en conséquence soumises aux exigences découlant de l'article 66 de la Constitution. Pour répondre à ces exigences, elles doivent plus précisément, depuis la décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008, satisfaire à une triple exigence d'adéquation, de nécessité et de proportionnalité au sens strict : « La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ».

Par ailleurs, depuis 1992, le Conseil constitutionnel juge avec constance « que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités différentes d'intervention de l'autorité judiciaire selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ; qu'il a la faculté de ne pas soumettre à des règles identiques une mesure qui prive un individu de toute liberté d'aller et venir et une décision qui a pour effet d'entraver sensiblement cette liberté » ( décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, point.13 ; décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, point.63).

Pour s'assurer du respect des exigences de l'article 66 lorsqu'il contrôle des mesures privatives de liberté, le Conseil constitutionnel a progressivement construit une jurisprudence qui s'articule autour de quatre axes :

1. Le Conseil constitutionnel distingue la décision de privation de liberté de l'exécution dans le temps de cette décision : il n'impose pas que l'autorité judiciaire soit saisie préalablement à toute mesure privative de liberté et admet qu'une telle mesure soit prononcée par une autorité administrative ; il exige, en revanche, que l'autorité judiciaire puisse contrôler ensuite cette privation de liberté. Ainsi, dans sa décision n° 92-307 DC précitée, le Conseil s'est prononcé sur le régime de la zone d'attente (alors dénommée « zone de transit »). Il a d'abord relevé que le maintien d'un étranger en zone de transit « n'entraîne pas à l'encontre de l'intéressé un degré de contrainte sur sa personne comparable à celui qui résulterait de son placement dans un centre de rétention » ( décision n° 92-307 DC du 25 février 1992 précitée, point 14).

Il a ensuite estimé que « le maintien d'un étranger en zone de transit, en raison de l'effet conjugué du degré de contrainte qu'il revêt et de sa durée, a néanmoins pour conséquence d'affecter la liberté individuelle de la personne qui en fait l'objet au sens de l'article 66 de la Constitution ». Il en a déduit que, « si la compétence pour décider du maintien peut être confiée par la loi à l'autorité administrative, le législateur doit prévoir, selon des modalités appropriées, l'intervention de l'autorité judiciaire pour que celle-ci exerce la responsabilité et le pouvoir de contrôle qui lui reviennent ». Dès lors, le Conseil a censuré les dispositions qui lui étaient déférées, qui « ne prévoient pas l'intervention de l'autorité judiciaire en vue d'autoriser, s'il y a lieu, la prolongation du maintien, et en lui permettant ainsi d'apprécier, de façon concrète, la nécessité d'une telle mesure ». Il a ajouté « qu'en tout état de cause, sa durée ne saurait excéder un délai raisonnable ».

De la même manière, dans sa décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020, le Conseil était saisi de dispositions portant sur les conditions de mise en oeuvre et de contrôle des mesures de placement à l'isolement et de contention des personnes hospitalisées sans consentement. Après avoir jugé que ces mesures constituaient une privation de liberté, il a d'abord rappelé que « si l'article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté ». Mais, s'attachant ensuite au délai dans lequel le juge judiciaire doit intervenir pour contrôler la privation de liberté, le Conseil a constaté que « si le législateur a prévu que le recours à l'isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n'a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles, au-delà d'une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire ». Il a donc déclaré ces dispositions contraires à la Constitution en raison du non-respect de cette autre exigence découlant de l'article 66 de la Constitution.

2. Le Conseil constitutionnel juge que, même si une mesure de privation de liberté peut être prononcée à l'initiative d'une autorité administrative, « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible » (Voir notamment la décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, point 41).

Dans sa décision n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, le Conseil constitutionnel a cependant pu admettre que le placement en chambre de sûreté, susceptible d'être ordonné par les agents de la police ou de la gendarmerie nationales en cas d'ivresse publique, puisse se dérouler en l'absence d'intervention de l'autorité judiciaire sans que soient méconnues les exigences de l'article 66 de la Constitution « eu égard à la brièveté de cette privation de liberté organisée à des fins de police administrative » par l'article L.3341-1 du code de la santé publique ( décision n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, point 8). Ce délai varie, cependant, selon la nature de la procédure à l'origine de la mesure en cause et de la justification de la privation de liberté.

3. Si le contrôle du juge judiciaire peut intervenir dans un délai variable à compter du prononcé de la mesure privative de liberté, le Conseil constitutionnel exige en revanche que ce contrôle soit systématique, c'est-à-dire qu'il ne soit pas laissé à la seule appréciation de la personne privée de liberté ou même du juge. Ainsi, dans sa décision n°2020-878/879 QPC du 29 janvier 2021, le Conseil était saisi des dispositions qui avaient prolongé de plein droit les détentions provisoires dont la durée arrivait à échéance pendant l'état d'urgence sanitaire. Si ces dispositions ne subordonnaient plus la prolongation d'une détention arrivée à expiration à la décision du juge judiciaire, elles permettaient au juge d'y mettre fin d'office ou sur demande de l'intéressé. Le Conseil les a toutefois censurées au motif notamment que « si les dispositions contestées réservent, durant la période de maintien en détention qu'elles instaurent, la possibilité pour la juridiction compétente d'ordonner à tout moment, d'office, sur demande du ministère public ou sur demande de l'intéressé, la mise en liberté, elles ne prévoient, durant cette période, aucune intervention systématique du juge judiciaire » ( décision n° 2020-878/879 QPC du 29 janvier 2021 (prolongation de plein droit des détentions provisoires dans un contexte d'urgence sanitaire), point 9).

Plus récemment, c'est également en raison de l'absence de disposition législative soumettant le maintien à l'isolement ou sous contention en établissement psychiatrique « au-delà d'une certaine durée à l'intervention systématique du juge judiciaire » que le Conseil a censuré, dans sa décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021, des dispositions organisant le contrôle juridictionnel de ces mesures.

4. Nonobstant l'intervention systématique du juge judiciaire à bref délai, le Conseil constitutionnel est attentif à ce que le contrôle exercé par l'autorité judiciaire soit, à compter de l'intervention du juge judiciaire, maintenu tout au long de la privation de liberté. Pour ce faire, il a formulé à plusieurs reprises une réserve d'interprétation (cf. décision n°2003-484 DC du 20 novembre 2003 et décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

1.3.1. Article 5 de la CEDH

La finalité de l'article 5 CEDH est « de protéger la liberté et la sûreté de la personne contre des arrestations et détentions arbitraires » ( CEDH, 01/07/1961, Lawless c/ Irlande, n° 332/57, point 14). A titre d'exemples, a été considérée comme une privation de liberté au sens de l'article 5 CEDH :

- « en raison des restrictions subies », le maintien dans la zone de transit d'un aéroport, durant une vingtaine de jours, d'étrangers auxquels l'accès au territoire français avait été interdit ( CEDH, 25/06/1996, Amuur c/ France, n° 19776/92. § 49 ; CEDH, 27/11/2003, Shamsa c/ Pologne, n° 45355/99 et 45357/99, point 47 ; CEDH, 24/01/2008, Riad et Idiab c/ Belgique, n° 29787/03 et 29810/03, point 68) ;

- l'assignation à domicile en tant qu'elle emporte interdiction de quitter celui-ci ( CEDH, 02/08/2001, Vittorio et Luigi Mancini c/ Italie, n° 44955/98 § 17 ; CEDH, 08/07/2004, Vachev c/ Bulgarie, n° 42987/98 point 64).

En revanche, l'interdiction de quitter son domicile de 22 heures à 6 heures du matin a été considérée comme une simple restriction à la liberté de circuler ( CEDH, grande chambre, 23/02/2017, De Tommaso c/ Italie, n° 43395/09).

1.3.2. Article 6 de la CEDH

Tout accusé a le droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination ( CEDH, 29/06/2017, O'Halloran et Francis c. Royaume-Uni, n° 15809/02 et 25624/02, § 45 ; CEDH, 25/02/1993, Funke c. France, n° 10588/83, § 44). En effet, même si l'article 6 CEDH ne les mentionne pas expressément, le droit de se taire et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable consacrée par l'article 6 CEDH.

1.3.3. Article 8 de la CEDH

Pour la CEDH la notion de vie privée est une notion large, non susceptible d'une définition exhaustive. Elle recouvre l'intégrité physique et morale de la personne. La notion d'autonomie personnelle est un principe important qui sous-tend l'interprétation des garanties de l'article 8 ( CEDH, 29/04/2002, Pretty c. Royaume-Uni, n° 2346/02, point 61). La Cour a affirmé que le recours à des pouvoirs légaux de contrainte imposant à quiconque de se plier à une fouille minutieuse de sa personne, de ses vêtements ou de ses effets personnels est manifestement constitutif d'une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée.

Le caractère public de la fouille peut, dans certains cas, aggraver ladite ingérence du fait de l'humiliation et de la gêne qui en résultent. Des objets tels que les sacs, les portefeuilles, les carnets et les journaux peuvent de plus renfermer des éléments de nature personnelle que le propriétaire peut ne pas avoir envie de voir exposés aux yeux de ses compagnons ou du public ( CEDH, 28/06/2010, Gillan et Quinton c. Royaume-Uni, n° 4158/05).

Toutefois, le § 2 de l'article 8 CEDH précise qu'il peut y avoir une ingérence de l'État dans l'un des droits protégés par le § 1er lorsqu'elle est « prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Il s'en suit que l'ingérence ne se justifie au regard du § 2 de l'article 8 que si, « prévue par la loi », elle poursuit l'un ou plusieurs des buts légitimes qui y sont énumérés et si, de surcroît, elle est « nécessaire, dans une société démocratique ».

Les termes « prévue par la loi » signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base en droit interne et être suffisamment accessible et prévisible. Le niveau de précision requis de la législation interne, qui ne peut en aucun cas prévoir toutes les hypothèses, dépend, dans une large mesure, du contenu du texte en question, mais également de la manière dont la jurisprudence l'applique.

Une ingérence est considérée comme « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre un but légitime si elle répond à un « besoin social impérieux » et, en particulier, si elle est proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Il appartient aux autorités nationales de juger les premières si toutes ces conditions se trouvent remplies et la Cour reconnaît à cet égard une certaine marge d'appréciation aux autorités nationales compétentes. Cette marge doit, notamment tenir compte de l'objectif à atteindre, lequel est souvent fixé par la réglementation de l'Union européenne.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes ne dispose pas d'une étude de droit comparé sur les dispositifs juridiques de remises des personnes en situation d'infraction à un service de police judiciaire sur instruction de l'autorité judiciaire.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le code des douanes organise la remise des personnes à un service judiciaire uniquement dans des situations précises qui ne couvrent pas l'ensemble des situations de contrôle. En effet, ils peuvent uniquement procéder à la remise d'une personne en situation d'infraction en fin de retenue douanière lorsqu'ils ont constaté une situation de flagrant délit douanier passible d'une peine d'emprisonnement ( article 323-9 du code des douanes), sinon en cas de contrôles de personnes faisant l'objet d'un signalement ou qui sont détentrices d'un objet signalé (cf. notamment les signalements dans le système d'information Schengen [SIS], le fichier des véhicules volés [FVV] ou encore le fichier des objets et véhicules signalés [FOVeS]) dans le cadre de la retenue provisoire ( article 67 ter du code des douanes).

Or, de telles situations ne couvrent pas l'intégralité des situations auxquelles sont désormais de plus en plus confrontés les agents des douanes, avec la constatation d'indices flagrants de commission d'infraction de droit commun pour lesquelles le placement tant en retenue douanière qu'en retenue provisoire n'est pas possible. Pour autant, la remise immédiate à un service judiciaire s'impose au regard de l'efficacité de la réponse pénale, notamment aux fins de permettre la conduite d'enquêtes judiciaires de flagrance ( article 53 alinéa 2 du code de procédure pénale).

Cette situation a fait l'objet d'une jurisprudence de la Cour de cassation. Ainsi, en 2007, la chambre criminelle a jugé qu'en dehors de toute constatation d'une infraction douanière, l'exercice du droit de visite prévu à l'article 60 du code des douanes peut amener les agents des douanes à constater la commission d'une infraction flagrante de droit commun les autorisant à procéder à l'interpellation des auteurs présumés, en vue de leur remise à un service de police judiciaire (police, gendarmerie ou service d'enquêtes judiciaires des finances), conformément aux dispositions des articles 53 et 73 du code de procédure pénale. Ils en avisent alors le procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale et agissent selon les instructions qui leur sont données par ce dernier. Les personnes interpellées peuvent être maintenues par les agents des douanes contre leur gré le temps nécessaire aux opérations de contrôle, à leur consignation par procès-verbal et à leur remise à un service de police judiciaire, sous le contrôle du procureur de la République ( cass. crim. 28 nov. 2007, n°07-86062, inédit).

Par ailleurs, de telles situations nécessitent la prise de mesures immédiates, outre pour maintenir la personne contre son gré à disposition des agents des douanes, aux fins de consigner les indices et éléments de preuve dans le respect de leur intégrité, et acter ces opérations dans un procès-verbal afin d'en assurer la traçabilité et le contrôle.

A cet égard, la Cour de cassation a jugé que les agents des douanes qui procèdent à un contrôle en application de l'article 60 du code des douanes peuvent appréhender matériellement les indices (tels des téléphones portables,) à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité ( cass. crim. 26 octobre 2016, n° 16-82.463).

Par ailleurs, quand bien même les agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires conformément à l'article 28-1 du code de procédure pénale, appelés aussi « officiers de douane judiciaire », ont les mêmes prérogatives que les officiers de police judiciaire, ils ne peuvent agir que sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire d'un juge d'instruction. Ils ne peuvent donc pas s'autosaisir. Dès lors, les agents des douanes agissant au titre du code des douanes ne peuvent pas en situation de flagrance de droit commun conduire la personne à l'officier de douane judiciaire le plus proche si ce dernier n'est pas saisi par le procureur de la République territorialement compétent, alors même que les officiers de douane judiciaire sont des partenaires privilégiés des services douaniers.

Enfin, il s'agit aussi de prendre en compte l'activité des services de police judiciaire qui ne peuvent pas assurer une disponibilité 24 heures sur 24 et préfèrent agir à la demande du procureur de la République, contacté préalablement par le service des douanes pour organiser au mieux la procédure judiciaire de flagrance.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi est de donner un cadre légal spécifique et adapté aux remises à officier de police ou de douane judiciaire en suite de contrôles douaniers faisant apparaître la commission d'un flagrant délit de droit commun, qui sont des situations relativement courantes, notamment à l'occasion de contrôles à la circulation. Pour illustration, l'affaire ayant donné lieu à dépôt de la question prioritaire de constitutionnalité ayant conduit à la déclaration de non-conformité de l'article 60 du code des douanes a porté sur des faits de droit commun révélés par la procédure douanière (cf. découverte d'une somme égale à 47 000 euros, sous forme de billets dissimilés dans les caches naturelles d'un véhicule léger circulant à l'intérieur du territoire, sans réalisation ni tentative de franchissement de frontière, avec présence d'indices apparents de la participation à un délit de blanchiment pénal), cf. décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022.

Il s'agit également de permettre aux services d'être déliés de l'obligation prévue à l'article 73 du code de procédure pénale de conduite à l'officier de police judiciaire le plus proche, qui ne correspond pas nécessairement à la stratégie d'enquête développée par l`autorité judiciaire saisie des faits.

Par ailleurs, la mesure permet aux autorités judiciaires de s'organiser, avec l'ouverture d'une enquête de flagrance décidée par le procureur de la République du lieu d'interpellation territorialement compétent en application de l'article 43 du code de procédure pénale et la désignation des officiers de police ou de douane judiciaire compétents.

Enfin, outre la gestion de la personne interpellée et des indices, il y a lieu de permettre l'immobilisation et la remise à l'officier de police ou de douane judiciaire compétent des marchandises de fraude, voire des moyens de transport.

L'ensemble de la procédure sera placé sous le contrôle du procureur de la République.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Option 1 : agir à droit constant sur le seul fondement des articles 40-53-73 du code de procédure pénale, en appliquant strictement le principe de conduite à l'officier de police judiciaire le plus proche.

Option 2 : agir à droit constant sur le seul fondement des articles 40-53-73 du code de procédure pénale, en adaptant de manière pragmatique le principe de la conduite à l'officier de police judiciaire le plus proche.

Option 3 : permettre une dérogation au principe de conduite à l'officier de police judiciaire le plus proche en cas d'infraction flagrante de droit commun passible d'une peine d'emprisonnement (article 73 du code de procédure pénale), prévoir expressément la remise tant à un officier de police que de douane judiciaire et consacrer en droit positif la jurisprudence de la Cour de cassation.

3.2. OPTION RETENUE

Il est proposé de créer dans le code des douanes, après l'article 67 ter relatif à la retenue provisoire en cas de personnes signalées dans un fichier de police, un nouvel article 67 ter-1 organisant la remise à officier de police ou de douane judiciaire, sur instruction et contrôle du procureur de la République sur la régularité de la procédure au regard notamment des droits de la personne interpellée et les suites à y donner, en cas d'infraction flagrante de droit commun passible d'une peine d'emprisonnement pour laquelle le placement en retenue douanière n'est légalement pas possible.

Plus précisément, la mesure permettra aux agents des douanes, sous le contrôle du procureur de la République, de :

- procéder à l'interpellation de son auteur présumé en vue de sa remise à un officier de police ou de douane judiciaire, sur instruction du procureur de la République dans le ressort duquel est constatée l'infraction, qui en est informé par tout moyen ;

- appréhender matériellement les indices recueillis lors du contrôle, à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre à l'officier de police ou de douane judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité ;

- immobiliser le moyen de transport et les marchandises, maintenir contre son gré la personne interpellée le temps nécessaire à la consignation des opérations de contrôle par procès-verbal et à sa [leur] remise à un officier de police ou de douane judiciaire, sous le contrôle du procureur de la République.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Un nouvel article 67 ter-1 est créé dans le code des douanes, à la section 8 du chapitre IV du titre II de ce code.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La directive (UE) n° 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relative au renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister au procès dans le cadre des procédures pénales, vise à renforcer le droit à un procès équitable dans le cadre des procédures pénales en fixant des règles minimales communes concernant certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister au procès.

Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la présomption d'innocence est expressément visée à l'article 48 de la Charte des droits fondamentaux. Aux termes du § 1er de cet article, « tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ». Cette disposition garantit un droit subjectif à être présumé innocent jusqu'à ce que le contraire soit établi. Il offre ainsi une protection à tout individu concerné par une action pénale.

Ce texte rappelle les principes classiques relatifs à la présomption d'innocence, déjà affirmés par de précédents textes internationaux : ainsi, la définition, l'objet et le champ d'application de la présomption d'innocence sont réaffirmés, ainsi que le droit de garder le silence, le droit de ne pas s'incriminer soi-même, le droit d'assister à son procès ainsi que le droit à des voies de recours.

La directive (UE) n° 2016/343 met en oeuvre une telle protection. Son article 2 précise son champ d'application personnel et matériel. La présomption d'innocence doit être garantie à toutes les « personnes physiques qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. Elle s'applique à tous les stades de la procédure pénale, à partir du moment où une personne est soupçonnée d'avoir commis une infraction pénale ou une infraction pénale alléguée, ou est poursuivie à ce titre, jusqu'à ce que la décision finale visant à déterminer si cette personne a commis l'infraction pénale concernée soit devenue définitive ». De plus, l'article 3 de la directive réitère cette signification car il formule à l'égard des Etats une obligation d'assurer « que les suspects et les personnes poursuivies soient présumés innocents jusqu'à ce que leur culpabilité ait été légalement établie ».

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

La mesure sera effectuée à effectif constant, sans besoin de créer des services spécialisés ni de recruter des agents. L'impact budgétaire sera négligeable voire nul.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure assure une conciliation équilibrée entre l'atteinte aux libertés constitutionnellement garanties (notamment la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée ou encore les droits de la défense) et la recherche des auteurs d'infractions dès lors que :

- ses critères de mise en oeuvre sont une situation de flagrante délit puni d'une peine d'emprisonnement (voire de crime) de droit commun assortie de l'information immédiate du procureur de la République sous l'autorité et la direction duquel la procédure est alors exécutée ;

- l'objectif de l'interpellation est exclusivement de procéder à la remise du mis en cause à un officier de police judiciaire ou un agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale (aussi appelé « officier de douane judiciaire ») ;

- dans ce cadre, les agents des douanes ne pourront procéder à aucun acte d'enquête (par exemple, aucune audition ne sera possible). Ils pourront uniquement, pour les besoins de la procédure judiciaire, appréhender matériellement les indices recueillis lors du contrôle, à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre à l'officier de police judiciaire ou l'agent des douanes habilité et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité ;

- seul l'officier de police ou de douane judiciaire désigné par le procureur de la République, dans le cadre de l'ouverture d'une enquête judiciaire, pourra procéder à la saisie des indices et à leur placement sous scellés.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 5 - Modification de l'article 67 du code des douanes

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'article 67 du code des douanes prévoit que les agents des douanes « peuvent contrôler l'identité des personnes qui entrent dans le territoire douanier ou qui en sortent, ou qui circulent dans le rayon des douanes ».

L'article 67-1 du code des douanes permettant aux agents des douanes de procéder à un relevé de l'identité des personnes à l'encontre desquels un procès-verbal doit être rédigé, demeure inchangé. L'objet de ces deux prérogatives est identique.

Par ailleurs, l'article 67 quater du code des douanes, relatif aux contrôles de titres d'entrée et de séjour a pour objet d'établir la situation régulière ou non d'un étranger présent en France.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

A plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a contrôlé les dispositions du code de procédure pénale relatives aux contrôles d'identité, au regard de la liberté individuelle et de l'article 66 de la Constitution. S'agissant des contrôles d'identité de l'article 67 du code des douanes, c'est la jurisprudence constitutionnelle relative aux contrôles d'identité de nature administrative, qu'il convient d'examiner.

Dans sa décision n° 93-323 DC précitée, statuant sur la constitutionnalité des dispositions contestées de l'article 78-2 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a jugé que « la prévention d'atteintes à l'ordre public, notamment d'atteintes à la sécurité des personnes ou des biens, est nécessaire à la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle ; que toutefois la pratique de contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la liberté individuelle ; que s'il est loisible au législateur de prévoir que le contrôle d'identité d'une personne peut ne pas être lié à son comportement, il demeure que l'autorité concernée doit justifier, dans tous les cas, des circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public qui a motivé le contrôle ; que ce n'est que sous cette réserve d'interprétation que le législateur peut être regardé comme n'ayant pas privé de garanties légales l'existence de libertés constitutionnellement garanties » (point 9).

Or, l'article 67 du code des douanes ne mentionne aucun objectif de valeur constitutionnelle pour lequel il autorise la mise en oeuvre de contrôles d'identité à l'encontre des personnes qui entrent dans le territoire douanier ou en sortent, ou qui circulent dans le rayon des douanes.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Sans objet.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes ne dispose pas d'une étude de droit comparé sur les dispositifs juridiques de contrôle d'identité aux frontières par les administrations douanières.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le code des douanes est principalement dédié à la mise en oeuvre de contrôles portant sur les marchandises. Toutefois, le contrôle d'une marchandise peut impliquer de contrôler la personne qui la transporte ou qui la détient. L'organisation de ces contrôles est l'objet principal de la présente loi. Mais, le code des douanes contient également d'autres mesures de contrôle des personnes. C'est notamment le cas de l'article 67-1 du code des douanes qui organise le relevé d'identité, puis le cas échéant la vérification d'identité par un officier de police judiciaire, d'une personne à l'encontre de laquelle un procès-verbal doit être rédigé alors qu'elle refuse, ou est dans l'incapacité de s'identifier.

En outre, les agents des douanes exercent la mission de garde-frontières au sens du règlement n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen). A cet effet, ils disposent d'une mission de contrôle des personnes qui franchissent la frontière. Enfin, ils sont habilités par l'article 67 quater du code des douanes, à mettre en oeuvre des contrôles des titres d'entrée et de séjour des étrangers qui circulent dans certaines zones du territoire.

Cette mission de garde-frontière s'exerce sur des points de passage frontalier situés sur la frontière extérieure Schengen. Elle s'exerce également sur des points de passage autorisé lorsque la France décide du rétablissement des contrôles à ses frontières intérieures. Enfin, sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), les agents des douanes exercent cette mission outre-mer. En effet, les dispositions du code frontières Schengen ne concernent que le territoire européen de la République française (considérant 37 du règlement n° 2016/399 précité).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est de tenir compte, dans le code des douanes, de la variété de ces situations juridiques et géographiques, tout en positionnant dans une même section VI du code des douanes, l'ensemble des prérogatives des agents des douanes relatives à l'identité des personnes.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

L'abrogation de l'article 67 du code des douanes aurait pu être proposée. Cette option n'a pas été retenue afin de conserver le cadre d'exercice de la mission de contrôle aux frontières des agents des douanes.

3.2. OPTION RETENUE

La loi modifie l'article 67 du code des douanes en précisant qu'en métropole les contrôles aux frontières extérieures se font en application du règlement n° 2016/399 précité. Cet article précise également le fondement juridique de ces mêmes contrôles aux frontières intérieures, et en outre-mer.

Ce faisant, il modifie également l'intitulé de la section VI du chapitre IV du titre II du code des douanes afin de permettre l'organisation des différentes situations, distinguant les prérogatives relatives à l'établissement d'une identité d'une personne, de celle relative au respect des règles du séjour ou de la circulation d'un étranger. Il contribue ainsi aux obligations de transparence et de clarté du droit.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'intitulé de la section VI du chapitre IV du titre II du code des douanes est modifié, ainsi que l'article 67 de ce code.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Le b) de l'article 77 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), confie à l'Union le soin d'« assurer le contrôle des personnes et la surveillance efficace du franchissement des frontières extérieures ; ».

Dans ce cadre, en ce qui concerne les ressortissants des pays tiers, l'article 6 du règlement n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), fixe les conditions qui doivent être respectées par les personnes pour franchir la frontière. Le contrôle de ces personnes se fait dans les conditions définies par ce règlement.

L'article 8 de ce règlement précise que : « Les mouvements transfrontaliers aux frontières extérieures font l'objet de vérifications de la part des gardes-frontières. ». Ces vérifications sur les personnes comportent a minima un contrôle en vue d'établir leur identité sur production ou sur présentation de leurs documents de voyage. ».

Les agents des douanes exercent la mission de garde-frontières au sens de ce règlement. Cette mission s'exerce sur des points de passage frontalier situés sur la frontière extérieure Schengen.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable en métropole. Dans les départements d'outre-mer, dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, à l'article 67 du code des douanes, les mots : « au chapitre II du titre II et au chapitre II du titre III du règlement 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) » sont remplacés par les mots : « par les titres III et VI du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que des textes réglementaires pris pour leur application ».

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 6 - Création d'une retenue temporaire d'argent liquide sur le territoire national

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

En application de l'article 7 du règlement (UE) n° 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005 et de l'article L. 152-4-1 du code monétaire et financier, lorsqu'il existe des indices que de l'argent liquide, au sens du règlement UE 2018/1672 précité (espèces, instruments négociables au porteur, marchandises servant de réserves de valeur très liquides et cartes prépayées), transporté par porteur18(*) ou faisant partie d'un envoi sans l'intervention d'un porteur, entrant ou sortant du territoire de la République française, est en lien avec une activité criminelle au sens de l'une des activités énumérées à l'article 3, point 4), de la directive (UE) n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, les agents des douanes peuvent prononcer la retenue temporaire de cet argent liquide19(*), quel que soit son montant.

Il en va de même en cas de non-respect des obligations de déclaration et de divulgation de flux d'argent liquide entrant ou sortant du territoire d'un montant au moins égal à 10 000 euros, En effet, en application des articles 3 du règlement (UE) 2018/1672 précité et de l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, les porteurs transportant de l'argent liquide d'un montant égal ou supérieur à 10 000 €, vers ou en provenance de l'étranger doivent en faire la déclaration par écrit ou par voie électronique auprès de l'administration des douanes au plus tard au moment du passage de la frontière. Par ailleurs, en application des articles 4 du règlement (UE) 2018/1672 précité et de l'article L. 152-1-1 du code monétaire et financier, lorsque de l'argent liquide d'un montant égal ou supérieur à 10 000 € fait partie d'un envoi en provenance de l'étranger, sans l'intervention d'un porteur, les agents des douanes peuvent exiger que l'expéditeur ou le destinataire ou leur représentant, selon le cas, fasse une déclaration de divulgation dans un délai de 30 jours. Les agents des douanes peuvent retenir l'argent liquide jusqu'à ce que l'expéditeur, le destinataire ou leur représentant dépose la déclaration de divulgation.

Les motifs de la retenue temporaire doivent être notifiés au porteur, à l'expéditeur ou destinataire de l'argent liquide, ou à leur représentant, selon le cas.

La décision de retenue temporaire peut faire l'objet d'un recours, exercé par la personne à laquelle la décision de retenue temporaire est notifiée, devant le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure. La décision de retenue temporaire doit mentionner les voies et délais de recours.

Ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours qui court à compter de la notification de la décision de retenue temporaire. Ce recours n'est pas suspensif.

L'ordonnance du président de la chambre de l'instruction est susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure pénale.

Au cours de l'année 2022, les services des douanes ont effectué un total de 555 retenues temporaires d'argent liquide pour un montant de 20,07 millions d'euros. Cet ensemble associe les retenues temporaires pouvant être décidées en cas de manquement aux obligations déclaratives et des retenues temporaires en cas d'indice de lien avec une activité criminelle au sens de la directive 2015/849 précitée. 55 dossiers relèvent strictement de cette dernière catégorie pour un montant de 1, 5 M€.

En 2021, du 3 juin au 31 décembre (dates d'application du nouveau règlement sur l'année), 11 recours ont été déposés devant le président de la chambre de l'instruction. Tous ont été rejetés.

Exemple de retenue significative : au débarquement d'un navire, les agents des douanes contrôlent le chargement d'un camion-remorque immatriculé à l'étranger et transportant du matériel sanitaire. Au cours de la visite, les agents découvrent deux cartons placés entre les palettes. A l'intérieur des cartons se trouvent de nombreux sachets en plastique contenant des liasses de billets de différentes valeurs faciales, en euros et en devises. Au total, ils ont dénombré plus de 800 000 €. L'argent découvert a fait l'objet d'une retenue temporaire d'argent liquide suite à un manquement à l'obligation déclarative.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel a notamment jugé que la procédure de l'article 389 du code des douanes dont les dispositions « permettent l'aliénation, en cours de procédure, par l'administration des douanes, sur autorisation d'un juge, des véhicules et objets périssables saisis ; que cette aliénation, qui ne constitue pas une peine de confiscation prononcée à l'encontre des propriétaires des biens saisis, entraîne une privation du droit de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 » ( décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011).

Il en résulte que la retenue temporaire d'argent liquide ne saurait s`analyser comme une privation du droit de propriété, dès lors que l'argent liquide ainsi retenu ne l'est que pendant un temps limité et que le droit de propriété ne s'en trouve dès lors pas violé.

Par ailleurs, s'agissant du droit à un recours effectif résultant de l'article 16 de la DDHC, l'existence d'une voie de recours effective attachée à la retenue temporaire d'argent liquide constitue une garantie suffisante, quand bien même ce recours n'est pas suspensif. A titre d'exemple, dans une décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil a considéré que le caractère non suspensif de l'appel en matière de perquisitions fiscales n'emporte pas méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, fondant son appréciation sur le fait que les dispositions assurant l'absence de caractère suspensif du recours sont « indispensables à l'efficacité de la procédure de visite et destinées à assurer la mise en oeuvre de l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale » et qu'elles « ne portent pas atteinte au droit du requérant d'obtenir, le cas échéant, l'annulation des opérations de visite » (point 9).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales contient trois normes distinctes. La première, qui s'exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété. La deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions. La troisième, consignée dans le second alinéa, reconnaît aux États le pouvoir, entre autres, de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général.

Pour être réputée compatible avec l'article 1er du Protocole n° 1, l'atteinte doit répondre à certains critères : elle doit se conformer au principe de légalité et poursuivre un but légitime par des moyens présentant un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but visé ( CEDH, 5 janvier 2000, Beyeler c. Italie, n° 33202/96).

La Cour a également précisé que les États ont un intérêt légitime et également un devoir, en vertu de divers traités internationaux, de mettre en oeuvre des mesures pour détecter et surveiller les mouvements de liquidités au travers de leurs frontières, étant donné que de grandes quantités d'espèces peuvent servir au blanchiment d'argent, au trafic de drogue, au financement du terrorisme ou au crime organisé, à l'évasion fiscale ou à la commission d'autres infractions financières graves. Les mesures de confiscation prises lorsque des individus ne déclarent pas d'argent liquide lors du franchissement des frontières sont donc conformes à l'intérêt général de la société ( CEDH, 15 octobre 2020, Karapetyan c. Géorgie, n° 61233/12, point 34).

La Cour a considéré que des mesures de confiscation imposées à titre préventif en l'absence d'une condamnation pénale ne s'analysent pas, en tant que telles, en une violation de l'article 1er du Protocole n° 1.

Une présomption que les biens de la personne soupçonnée d'appartenir à une association de malfaiteurs constituent le profit d'activités illicites, si la procédure en question offre au propriétaire une occasion adéquate d'exposer sa cause aux autorités compétentes, n'est pas interdite en soi, surtout si les juridictions ne peuvent pas statuer sur la base de simples soupçons ( CEDH, 5 juillet 2001, Arcuri et autres c/ Italie, n° 52024/99).

Enfin, pour apprécier la proportionnalité d'une mesure de saisie, la Cour tient compte de la disponibilité d'un recours effectif, notamment judiciaire, permettant au requérant de contester la mesure litigieuse ou le maintien de celle-ci ( CEDH, 2 octobre 2010, judiciaire Benet Czech, spol. s r.o. c. République tchèque, n° 31555/05, point 49).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

En application de l'article 7 du règlement (UE) n° 2018/1672 précité, les Etats membres ont l'obligation de mettre en place un dispositif de retenue temporaire de l'argent liquide entrant ou sortant du territoire de l'Union européenne en cas d'indices de lien avec une activité criminelle, quel que soit son montant (mais aussi en cas de non-respect des obligations de déclaration et de divulgation de flux d'argent liquide extra-UE d'un montant au moins égal à 10 000 euros), dans le respect des garanties prévues par le règlement (UE) n° 2018/1672 (durée de 30 jours pouvant être prolongée jusqu'à 90 jours, recours possible contre la décision de retenue temporaire).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

A ce jour, lorsqu'il existe des indices que de l'argent liquide découvert à l'occasion d'un contrôle douanier circulant à l'intérieur du territoire est en lien avec une activité criminelle (ex : détection positive aux stupéfiants sur les billets ou le contenant des billets, manoeuvres ayant pour objet ou pour effet de dissimuler l'argent liquide avec notamment utilisation de caches naturelles ou aménagées, modalité de transport connue pour être une de celles utilisées par les organisations criminelles et notamment le conditionnement des sommes ou leur répartition dans des enveloppes numérotées, des déclarations contradictoires et confuses de la personne concernée quant à l'origine, la provenance ou la destination de l'argent, etc..), aucune retenue temporaire d'argent liquide n'est possible, hors application du dispositif prévu par la réglementation UE ou le code monétaire et financier (ainsi qu'hors du champ de l'article 415 du code des douanes). Cela suppose donc qu'il faut au préalable que les agents des douanes établissent que cet argent est entré ou sorti du territoire.

Il est précisé que les agents des douanes peuvent saisir des fonds au titre du délit de blanchiment douanier dès lors que l'infracteur a, par exportation, importation, transfert ou compensation, procédé (ou tenté de procéder) à une opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds qu'il savait provenir, directement ou indirectement, d'un délit douanier, d'un délit portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne ou d'une infraction à la législation sur les stupéfiants (articles 415 et 323 § 2 du code des douanes).

En revanche, les agents des douanes ne disposent d'aucune prérogative permettant la saisie ou retenue d'argent liquide lorsqu'ils découvrent qu'une personne transporte d'un point à un autre du territoire des sommes suspectes (par exemple : cas d'un voyageur sur une liaison Orly-Cayenne avec 50 000 € dissimulés dans ses bagages et marquage de l'équipe cynophile). La seule possibilité qui leur est offerte est de dénoncer les crimes et délits au procureur de la République ( article 40 du code de procédure pénale) ou, en situation de flagrance, procéder à la remise de la personne à l'officier de police judiciaire le plus proche ( article 73 du code de procédure pénale). A défaut, les agents des douanes sont dans l'obligation de laisser l'argent liquide librement circuler.

Une telle situation obère fortement la lutte contre le blanchiment et le financement d'activités occultes. En effet, les organisations criminelles utilisent des collecteurs d'argent liquide issu de trafics illicites (contrebande de stupéfiants, d'armes, de cigarettes ou encore de contrefaçons) ou servant à les financer (notamment les activités terroristes).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La connaissance de l'environnement dans lequel les infractions sous-jacentes au blanchiment sont commises est primordiale dans la démarche de lutte contre la criminalité organisée et son corollaire la criminalité financière. Les trafics divers génèrent des gains financiers considérables, qui doivent être recyclés. L'argent issu de ces trafics est souvent traité dans le cadre d'un système bancaire parallèle qui échappe à toute régulation, ce qui rend difficile, voire impossible, la traçabilité de ces fonds.

Des réseaux spécialisés de collecte de fonds sont utilisés par les organisations criminelles pour blanchir les fonds issus de leurs trafics. Cet argent collecté, qui ne franchit pas toujours la frontière, est ensuite conservé par un « banquier » et sert à alimenter d'autres trafics, ou à financer des activités en lien avec le terrorisme.

Les dispositions proposées visent à lutter contre ces pratiques criminelles et sont complémentaires du dispositif de retenue temporaire des flux extra-UE et intra-UE d'argent liquide relevant du règlement (UE) n° 2018/1672 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de l'Union européenne et des articles L. 152-4 à L. 152-5 du code monétaire et financier, créés par l'article 13 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

Elles permettront en effet de retenir temporairement, aux fins d'enquête, de l'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire (argent transporté par un porteur dans un véhicule, argent expédié par envoi postal ou fret express depuis la métropole vers les Antilles), sans lien obligatoire avec un flux en provenance ou à destination de l'étranger.

Une telle retenue d'argent liquide :

- vise notamment les collecteurs d'argent liquide issu d'activité illicites ou destiné à les financer ;

- sera applicable quel que soit le montant d'argent liquide détenu ;

- ne sera possible que pour une durée déterminée et lorsqu'il existe des indices d'un lien entre cet argent liquide et une activité criminelle ;

- pourra faire l'objet d'un recours juridictionnel effectif.

Au cours de la retenue, les services des douanes rechercheront les éléments constitutifs d'une infraction douanière. Au terme de la retenue, l'argent liquide pourra soit être appréhendé selon les procédures et garanties prévues par le code des douanes, soit faire l'objet d'un placement sous main de justice en cas d'ouverture d'une enquête judiciaire par l'autorité judiciaire que le service des douanes aura informée, soit restitué en l'absence de caractérisation de toute infraction.

Outre le fait que les indices d'activité criminelle peuvent être en lien avec des infractions douanières (par exemple : argent issu d'un trafic international de marchandises de fraude telles les produits stupéfiants, les produits du tabac ou encore les contrefaçons), cette retenue temporaire permettra des échanges avec les procureurs de la République, aux fins de signalement de dossiers pouvant les intéresser et d'ouvertures d'enquêtes judiciaires, comme c'est déjà le cas avec les retenues temporaires d'argent liquide prononcées par les agents des douanes sur le fondement du règlement n° 2018/1672 et de l'article L. 152-4-1 du code monétaire et financier.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Seule la création d'un dispositif légal habilitant les agents des douanes, en cas d'indices de lien avec une activité criminelle, à retenir l'argent liquide circulant sur le territoire national sans lien avec l'étranger, est juridiquement envisageable.

3.2. OPTION RETENUE

La mesure, alignée strictement sur le dispositif encadrant la retenue temporaire de l'argent liquide en provenance ou à destination d'un Etat membre ou d'un pays tiers à l'Union européenne (notamment avec une durée limitée et un droit de recours contre la décision de retenue), permet aux agents des douanes, à l'occasion de leurs contrôles, de retenir l'argent liquide circulant d'un point à un autre du territoire national (sans lien avec l'étranger), lorsqu'il existe des indices d'un lien entre cet argent liquide et une « activité criminelle » au sens de la 4ème directive UE anti-blanchiment de 2016.

Il est prévu d'insérer directement cette mesure dans le code des douanes, et non dans le code monétaire et financier pour les raisons suivantes :

- à la différence des flux intra-UE et extra-UE, les flux d'un montant au moins égal à 10  000 euros ne seront pas soumis à une obligation de déclaration, selon une réglementation relevant du règlement (UE) n° 2018/1672 et du code monétaire et financier (parties législative et réglementaire) ;

- par l'application du code des douanes, les agents des douanes disposent de pouvoirs leur permettant d'appréhender des flux d'argent liquide dès lors que cet argent fait l'objet d'un mouvement transfrontalier. En outre, si le contrôle de l'argent liquide entrant ou sortant du territoire est organisé en droit national par les dispositions du code monétaire et financier, les pouvoirs de recherche, de constatation et de poursuites des infractions sont ceux prévus par le code des douanes (cf. point IV de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article 6 crée une section 7 ter au chapitre IV du titre II du code des douanes, composée des articles 67 ter B, 67 ter C et 67 ter D.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Les règles actuelles applicables aux mouvements d'argent liquide entrant dans l'Union européenne (UE) ou en sortant, sont issues du règlement (UE) n° 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 et sont venues actualiser et compléter le cadre juridique de l'Union européenne relatif à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme établi par la directive n° 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

Aux termes de son article 1er, les autorités compétentes pour sa mise en oeuvre sont les autorités douanières des États membres et toute autre autorité chargée par les États membres de l'application dudit règlement. En France, il s'agit exclusivement de l'administration des douanes.

Ce règlement (UE) n° 2018/1672 (qui a abrogé le règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de la Communauté) se place dans le contexte de la prévention et de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

En outre, aux termes du 1. de l'article 7 du règlement (UE) n° 2018/1672 précité, les autorités douanières « peuvent retenir temporairement de l'argent liquide par voie de décision administrative conformément aux conditions fixées par le droit national dans les cas suivants : (....) b) il existe des indices que l'argent liquide, indépendamment du montant concerné, est lié à une activité criminelle », au sens de l'une des activités énumérées au 4 de l'article 3 de la directive (UE) n° 2015/849 du 20 mai 2015 : activités terroristes, trafic de stupéfiants, tout délit - notamment douanier - passible d'une peine d'emprisonnement). Il est précisé que cette retenue temporaire est possible indépendamment de l'application du principe posé par ce règlement selon lequel toute personne qui entre ou sort de l'Union européenne avec au moins 10 000 euros doit en faire la déclaration aux agents des douanes sous peine d'infraction.

Le considérant 28 de ce règlement précise que l'objectif de cette retenue est de disposer du « temps minimal absolument nécessaire à d'autres autorités compétentes pour déterminer si des interventions supplémentaires sont requises, telles que des enquêtes ou la saisie de l'argent liquide sur la base d'autres instruments juridiques ».

Par ailleurs, le règlement (UE) n° 2018/1672 prévoit, dans son considérant 9, la possibilité, pour les Etats membres, d'adopter des mesures nationales visant à contrôler les mouvements d'argent liquide au sein de l'Union. Tel est l'objet des dispositions des articles L. 152-1 et suivants du code monétaire et financier, ainsi que des dispositions de ce code propres aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie (qui sont hors du champ d'application de la réglementation européenne), qui sont similaires à celles relevant du règlement (UE) n° 2018/1672.

A ce jour, il existe donc un régime juridique harmonisé de retenue temporaire d'argent liquide entrant ou sortant du territoire que seuls les agents des douanes sont habilités à mettre en oeuvre.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

La mesure ne crée aucun impact macroéconomique.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

L'impact sur les entreprises sera faible dès lors que les mouvements d'argent liquide sont essentiellement le fait de particulier.

4.2.3. Impacts budgétaires

La mesure sera effectuée à effectifs constants, sans besoin de créer des services spécialisés ni de recruter des agents.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure sera mise en oeuvre essentiellement par les agents des douanes en fonction dans des services de la surveillance (brigades des douanes). Elle viendra en complément du dispositif existant de retenue temporaire d'argent liquide applicable sur les flux avec l'étranger, avec des règles procédurales identiques.

Les nouveaux articles 67 ter B, 67 ter C et 67 ter D du code des douanes feront l'objet d'une doctrine d'emploi diffusée par voie de notes administratives avec insertion dans les programmes de formation professionnelle des agents des douanes.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure a vocation à s'appliquer aux transports d'argent liquide réalisés par des particuliers dans le cadre de réseaux criminels de blanchiment d'argent et de financement d'activités illicites. Elle permettra, en cas d'indices de lien avec une activité criminelle au sens de la directive UE 2015, de retenir temporairement l'argent jusqu'à un maximum de 90 jours, aux fins de procéder à des enquêtes ou à la saisie de l'argent liquide sur la base d'autres instruments juridiques. La décision de retenir de l'argent liquide à titre temporaire devra être notifiée au porteur qui pourra exercer un recours contre cette décision.

A l'issue de la période de retenue temporaire, en l'absence de saisie, celui-ci devrait être immédiatement restitué à la personne concernée.

Il appartiendra à l'administration de prendre contact avec la personne concernée ou son représentant pour convenir des modalités pratiques de remise de l'agent liquide restitué au terme du délai de retenue, le cas échéant renouvelé jusqu'à 90 jours.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

L'article 16 du projet de loi procède à l'adaptation de l'article 67 ter C pour son application à Saint-Pierre et Miquelon.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 7 : Création d'une réserve opérationnelle douanière

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Contrairement à la police ou à la gendarmerie nationales, l'administration des douanes ne dispose pas d'une réserve opérationnelle.

L'expression « réserve opérationnelle » est utilisée en référence à la réserve militaire, qui est elle-même constituée de deux composantes. Ainsi, la réserve opérationnelle militaire se distingue de la réserve citoyenne défense et sécurité constituée de volontaires agréés auprès des autorités militaires en raison de leurs compétences, leur expérience mais également de leur intérêt pour des questions relevant de la défense et de la sécurité nationale.

Créée par décret n° 2016-1364 du 13 octobre 2016, la garde nationale rassemble à ce jour les réservistes des ministères de l'Intérieur et des Armées. Elle compte 77 000 hommes et femmes qui ont fait le choix de s'engager dans les réserves des armées, de la gendarmerie nationale ou encore de la police nationale pour protéger les français et renforcer la cohésion de la nation. Compte tenu de son rôle aux frontières du pays et de sa mission de protection des citoyens, la réserve opérationnelle douanière aura vocation à intégrer la garde nationale le moment venu.

Le projet s'inscrit dans un premier temps dans la logique qui a conduit à la création de réserves propres à certains ministères comme, par exemple, au sein du ministère de la justice avec la réserve de l'administration pénitentiaire et la réserve de la protection judiciaire de la jeunesse.

Cette réserve serait une force complémentaire indispensable à l'administration des douanes sur le modèle des autres réserves existantes déjà pour l'ensemble des autres forces de souveraineté. Ainsi, la réserve opérationnelle douanière serait constituée de citoyens volontaires et de douaniers retraités. Un contrat d'engagement formaliserait les liens entre l'administration et le réserviste qui serait indemnisé pour ses formations et missions réalisées.

La création d'une réserve opérationnelle en douane permettrait de faire face à des missions de renfort temporaire comme par exemple les contrôles douaniers ou migratoires sur les frontières extérieures et intérieures du territoire métropolitain durant la période estivale ou les opérations de maintenance des navires et des avions par du personnel expérimenté et qualifié. Il s'agit également de respecter le schéma d'emplois20(*) prévu par le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens 2022-2025, signé entre le secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la relance, la direction du budget et la direction générale des douanes et droits indirects le 1er décembre 2021.

La démarche de création d'une réserve opérationnelle se veut dynamique compte tenu de l'objectif ambitieux de former les premiers réservistes au printemps 2024 afin qu'ils soient opérationnels pour être déployés lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

La création de la réserve opérationnelle douanière sera une force complémentaire susceptible de contribuer à la montée en puissance de la douane notamment sur les frontières dans un contexte de succession de crises et de prise en compte des impératifs de sécurité du territoire et des populations.

Les principaux objectifs de la création de cette réserve opérationnelle sont :

- renforcer ponctuellement l'exercice des contrôles migratoires qui peuvent présenter des variations d'activité importantes liées notamment à la mise en place de nouveaux systèmes d'information européens. Le système d'information européen d'entrée et de sortie (EES) qui vise à enregistrer électroniquement les mouvements de ressortissants des pays tiers en court séjour, entraînera une augmentation de la charge de travail pour les garde-frontières, dont la douane, liée à la prise en charge des données biométriques des voyageurs. Le déploiement de ce système d'information conduit à renforcer les effectifs des garde-frontières durant la période estivale pour limiter le temps d'attente des voyageurs aux aubettes. La direction centrale de la police aux frontières a engagé une démarche similaire ;

- renforcer les services douaniers connaissant un pic d'activité intense ou pour faire face à des situations de crise. Il s'agit notamment de la lutte contre le terrorisme, les crises sanitaires, les évènements internationaux comme les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ;

- permettre à la douane de disposer d'un vivier de spécialistes, en mesure d'effectuer des tâches très spécifiques qui ne sont pas disponibles en douane, notamment dans les domaines des fonctions support, de fonctions techniques ou dans le domaine spécifique de l'aéromaritime.

Il est prévu de recruter 300 réservistes pour 30 jours de mobilisation par année, avec une montée en charge, laquelle dépendra du niveau de volontariat enregistré et des capacités d'accueil au sein des services de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Sans objet.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Sans objet.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Sans objet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

A la différence des autres forces de souveraineté (Armées, Gendarmerie, Police), la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ne possède pas de réserve opérationnelle.

L'augmentation des sollicitations liées pour certaines aux situations de crise que nous connaissons (gestion de la COVID, guerre d'agression russo-ukrainienne, rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, FRONTEX21(*)) mobilise fortement le capacitaire douanier. A cela s'ajoutent les grands événements que la France organise dans les deux années qui viennent tels que la Coupe du monde de Triathlon, la Coupe du monde de Rugby et les jeux Olympiques et Paralympiques qui demanderont un renforcement des capacités de la douane.

Loin d'être une simple ressource d'appoint, la réserve opérationnelle douanière participera pleinement aux missions opérationnelles de renfort, principalement dans le cadre de la lutte les trafics aux frontières terrestres et maritimes. Même si la loi le prévoit, la réserve opérationnelle n'a pas vocation à répondre à des besoins de renfort ponctuel sur les missions douanières liées au dédouanement des flux commerciaux de marchandises ou encore à la fiscalité, aux contributions indirectes, ou à la viticulture.

Les réserves existantes ont été créées par la loi. A titre d'exemple, la réserve de la police nationale  résulte de l'article 12 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure et la réserve de l'administration pénitentiaire des articles 17 à 21 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. En conséquence, la réserve opérationnelle douanière relève de la loi. Le cadre législatif sera complété par diverses dispositions réglementaires (notamment un décret en Conseil d'État) afin de préciser les modalités de recrutement, les conditions d'exercice des fonctions et l'indemnisation des agents des douanes réservistes.

L'ouverture de cette réserve offre à la douane l'opportunité de disposer d'un vivier diversifié, expérimenté et susceptible d'enrichir l'accomplissement de ses missions tout en valorisant des compétences rares et recherchées. Cette réserve permettra de disposer de personnels spécialement formés dans les fonctions budgétaire, logistique ou informatique mais également de recruter des experts dans le domaine de la maintenance aérienne et navale pour renforcer les cellules de maintenance des états-majors. En outre, ces personnels expérimentés pourraient assurer des fonctions d'entraînement opérationnelles des unités navales. Plus que le vivier des retraités des douanes employables par nature sur une période courte, la douane entend recruter et fidéliser de jeunes adultes, sur une longue durée, et recourir également à des militaires en activité, en miroir des pratiques actuelles où de nombreux douaniers sont réservistes dans l'armée (en 2021, 274 agents des douanes étaient réservistes dans l'armée).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Il s'agit de faire face à des besoins de renfort conjoncturels liés à la nécessité d'assurer la présence de la douane notamment pour réagir à des situations de crise qui tendent à se multiplier depuis plusieurs années, avec une acuité particulière dans la perspective des prochains grands événements sportifs précités.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

L'administration des douanes dispose d'un service dénommé « Paris-Spécial », composé d'agents mobiles, en tant qu'outil pérenne d'appui à l'ensemble de ses missions. Ce service est amené à renforcer les services confrontés à des pics d'activité dans les différents services opérationnels. Il est mobilisé pour faire face à un accroissement de la charge de travail (hausse conjoncturelle d'activité, trafic à forte variation saisonnière (par ex : tenue des points de passage frontaliers, prise en charge d'une nouvelle mission), une situation de sous-effectif (congés bonifiés, postes non pourvus dans le cadre des mouvements de personnels), des dysfonctionnements internes (défaut de compétences managériales, absence de qualifications spécifiques).

Le service « Paris-Spécial » intervient également dans la constitution d'équipes dédiées visant à assurer :

? le bon fonctionnement de nouvelles structures lors de leur création et dans l'attente de l'affectation pérenne de personnels ;

? la prise en charge d'une nouvelle mission confiée à la DGDDI.

Le service « Paris-Spécial » est composé d'environ 300 agents des deux branches d'activité douanière (opérations commerciales et surveillance) dont 25 cadres supérieurs. Un peu plus d'un tiers (120) des agents affectés dans le service exercent leurs fonctions dans la branche de la surveillance.

Cependant, ce service n'a ni la dimension, ni la vocation à être mobilisé pour faire face à des événements d'ampleur ou aux pics d'activité, lors de la gestion de situations de crise ou d'évènements internationaux qui se déroulent en France.

3.2. OPTION RETENUE

La réserve opérationnelle douanière est destinée à l'exercice de missions de renfort temporaire. Elle est composée de retraités de l'administration des douanes et de personnes volontaires.

Les réservistes ont vocation à intervenir, selon les besoins, en administration centrale, ainsi qu'au sein des services déconcentrés de la DGDDI. Les réservistes peuvent aussi être affectés dans les directions interrégionales et régionales des douanes des services à compétence nationale ou au sein des sites scolaires relevant de la direction nationale du recrutement et de la formation professionnelle.

Les réservistes volontaires ont vocation à assurer des missions de soutien notamment sur les missions douanières suivantes :

- agents qui exercent les métiers de la surveillance en tenue d'uniforme : garde-frontières, moniteurs de tirs, moniteurs des techniques professionnelles de contrôles et d'intervention (TPCI), remplacer les agents qui sont mis à disposition de l'Agence Frontex durant une période de quatre mois. L'Agence Frontex a demandé aux Etats membres de l'Union européenne de mettre en place une force d'intervention rapide constituée d'agents volontaires pour assurer des missions de courte durée pour le contrôle des flux migratoires sur les frontières. L'Agence sollicite de plus en plus cette force d'intervention durant la période estivale alors que la douane doit face à des pics d'activité durant cette même période sur son territoire. Aussi, les réservistes permettraient de se substituer aux agents des douanes qui assurent une opération à l'extérieure sous l'égide de Frontex ;

- experts dans le domaine de la maintenance aérienne et navale pour renforcer les cellules de maintenance des états-majors, assurer la fonction d'entraînement opérationnelle des unités navales, réaliser les tâches administratives et de gestion des unités aéromaritimes ;

- agents qui exercent des fonctions support (en appui de projets : budget, logistique, informatique).

Les agents des douanes réservistes souscrivent un contrat d'engagement d'une durée comprise entre un an et cinq ans. Ce contrat définit leurs obligations de disponibilité et de formation initiale et continue. Le contrat confère à l'agent des douanes réserviste la qualité de collaborateur occasionnel du service public. Au titre de cette activité occasionnelle, ils perçoivent une rémunération fixée par des dispositions législatives ou réglementaires ou par décision de justice.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article 7 créé dans le titre II du code des douanes, un chapitre II bis comportant les articles 52 bis à 52 undecies.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Pour faciliter le recrutement de réservistes issus de la société civile, le contrat de travail de l'agent des douanes réserviste salarié est suspendu pendant les périodes d'emploi et de formation dans la réserve opérationnelle de l'administration des douanes. Cette période est considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales.

L'agent des douanes réserviste qui suit une formation au titre de l'article L. 6313-1 du code du travail durant ses activités au sein de la réserve opérationnelle de l'administration des douanes n'est pas tenu de solliciter l'accord de son employeur prévu au premier alinéa du présent article.

En outre, lorsque que l'employeur maintient tout ou partie de la rémunération de l'agent des douanes réserviste pendant son absence pour une formation suivie dans le cadre de la réserve opérationnelle de l'administration des douanes, la rémunération et les prélèvements sociaux afférents à cette absence sont admis au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue prévue à l'article L. 631-1 du code du travail.

S'agissant des droits à congés, le code du travail prévoit des dispositions particulières pour les salariés engagés dans une réserve opérationnelle ( articles L. 3142-89 à L. 3142-94-1) :

? autorisation d'absence de huit jours par an (cinq jours pour les entreprises de moins de 250 salariés) ;

? délai de prévenance, accord de l'employeur au-delà de huit jours ;

? période de réserve considérées comme des périodes de travail effectif en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés pays et de droits aux prestations sociales.

L'article L. 4221-4 du code de la défense encadre également les relations entre le réserviste et son employeur (accord de l'employeur demandé au-delà de cinq jours de réserve par an).

Afin de faciliter l'engagement de réservistes à la douane, les dispositions du code du travail devront être adaptées pour s'appliquer à l'identique aux salariés rejoignant la réserve douanière.

Le réserviste salarié qui souhaite bénéficier de cette autorisation d'absence doit présenter sa demande par écrit à son employeur au moins un mois à l'avance, en indiquant la date et la durée de l'absence envisagée. Au-delà de cette durée de cinq jours, le réserviste doit demander l'accord de son employeur avec un préavis d'un mois, en précisant la date de son départ et la durée de la période qu'il souhaite accomplir. L'employeur qui refuse sa demande, doit motiver sa décision et la notifier au salarié et à l'autorité dans les quinze jours à compter de la réception de la demande.

Un salarié réserviste peut donc s'absenter plus de cinq jours, au cours d'une année civile, avec l'accord de son employeur, dans la limite de 60 jours. Cette limite peut être repoussée à 210 jours en cas de circonstances exceptionnelles.

Par ailleurs, durant cette période d'absence, le contrat de travail sera suspendu et le salarié ne sera plus sous l'autorité de l'employeur. Ce dernier sera libre de maintenir ou non la rémunération de son employé mais sera dans l'obligation de le réintégrer à son emploi à son retour. 

4.2.3. Impacts budgétaires

a) Impact budgétaire global

En retenant la répartition par catégorie et en tenant compte du fait que les réservistes sont rémunérés pendant leur formation, le montant global est de 1 267 047 euros.

Agent/Corps concernés

Coût (HCAS)22(*)

Nombre de réservistes

Catégorie A et A+23(*)

423 681 €

78

Catégorie B

527 432 €

132

Catégorie C

315 934 €

90

Coût total

1 267 047 €

300

b) Impact budgétaire formation et équipements

La durée de formation initiale est fixée à 4 semaines, y compris la formation au tir et l'habilitation au port du pistolet semi-automatique, soit un total de 128 heures de formation. Les réservistes sont rémunérés durant la formation. Pour les 300 réservistes, cela correspond à un montant global de 845 640 euros, soit un coût moyen de 2 818,8 euros par réserviste et 141 euros par jour de formation24(*).

Durant ces quatre semaines de formation, l'administration prend en charge le trajet aller et retour à l'école nationale des douanes de La Rochelle, ainsi que le logement et le repas de midi, soit 300 euros par réserviste pour la période de formation, soit pour 300 réservistes, un coût de 90 000 euros.

Les agents réservistes seront dotés d'un équipement de base comprenant un vestiaire adapté ainsi que l'arme de service. Le coût s'élève à 1 824 euros TTC par réserviste, soit un coût total pour 300 réservistes 547 200 euros.

Compte tenu des capacités d'accueil de l'école à La Rochelle, une montée en charge de 150 recrutements la première année (2024) et 150 l'année suivante apparaît réaliste.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La mesure n'a aucun impact sur les collectivités territoriales.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

L'impact prépondérant réside dans les modalités de formation. Dans le cadre d'une analyse réalisée par la direction nationale du recrutement et de la formation professionnelle (DNRFP) de la DGDDI, les besoins en formation ont été estimés à quatre semaines ; chaque semaine offrant un volume utile de 32 heures, soit un total de 128 heures de formation.

Si certaines formations académiques peuvent potentiellement être assurées de façon asynchrone par les outils numériques (module sur l'organisation de la DGDDI, la déontologie, la laïcité, etc.), d'autres étapes du cursus nécessitent une présence sur les sites des écoles des douanes, notamment celle de la Rochelle (moniteur de tir, moniteur des techniques professionnelles de contrôle et d'intervention, garde-frontière, reconnaissance des faux documents d'identité).

Aussi, la préparation des réservistes s'articulera avec le calendrier des formations initiales, continues et techniques.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

La perspective des grands évènements que la France organise dans les deux années qui viennent avec la Coupe du Rugby en 2023 et les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024, constitue une opportunité d'une part, pour inciter les jeunes à s'engager dans la réserve opérationnelle de l'administration des douanes ; d'autre part, au travers de la réserve opérationnelle, l'administration pourrait identifier des profils pouvant l'intéresser de manière pérenne.

Dans le cadre de la démarche visant à améliorer son attractivité, la douane pourrait effectuer une étude attentive des profils des personnels composant la réserve opérationnelle, mais aussi des candidats écartés ou en attente d'intégration.

Il s'agirait essentiellement d'identifier des compétences spécifiques recherchées par l'administration (qualifications maritimes, analyse en renseignement...) et qui ne sont pas mises en valeur dans le cadre des concours généraux de la fonction publique. Ces réservistes disposant d'une compétence particulière pourraient dès lors, sous réserve qu'ils en expriment le souhait, être intégrés en douane sous contrat ou, en fonction de leur statut, par la biais d'un détachement ou d'un placement en position normale d'activité (PNA) au sein de la douane.

Pour les personnels ne disposant pas de compétences spécifiques, il pourrait leur être proposé d'intégrer la douane par la voie d'un concours adapté à leur niveau d'étude et, le cas échéant, de les accompagner dans leur préparation aux épreuves.

Les jeunes volontaires recrutés après avoir été sélectionnés et après avoir suivi une formation qualifiante au port de l'arme pourront remplir pleinement des missions opérationnelles de renfort temporaire dans le cadre de la lutte contre les trafics aux frontières terrestres et maritimes mais également assurer une présence douanière forte pour la gestion des crises qui tendent à se multiplier depuis plusieurs années, avec une acuité particulière dans la perspective des grands évènements sportifs. De même que les conditions de santé particulières (aptitude physique), le port de l'arme, tout comme celui de l'uniforme, est inhérent à l'exercice de fonctions en surveillance qui implique par nature des risques particuliers et des sujétions.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les citoyens souhaitent être protégés des trafics de marchandises illicites ou dangereuses pour la santé publique avec une douane fortement présente sur les frontières.

Le dispositif de réserve en l'ouvrant davantage à la société civile devrait permettre aux citoyens de participer plus activement à la lutte contre la fraude douanière. Ce dispositif permettrait également à la douane de mieux faire connaître ses missions au public et de pouvoir recruter des réservistes avec des profils diversifiés. Ces personnels sont susceptibles de contribuer à l'évolution des méthodes de travail et de contrôles des agents des douanes.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Pour l'application du chapitre II bis du titre II du code des douanes dans les îles de Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle Calédonie, l'article 16 du projet de loi prévoit que l'article 52 septies du code des douanes n'est pas applicable et que les références au code du travail et au code de la sécurité sociale sont remplacées par les références aux dispositions en vigueur localement ayant le même objet.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application du chapitre II bis du titre II du code des douanes.

TITRE II - MODERNISER LE CADRE D'EXERCICE DES POUVOIRS DOUANIERS

CHAPITRE IER - MODERNISER LES CAPACITÉS D'ENQUÊTE

Article 8 - Sonorisation et captation d'images (création d'un article 67 bis-5 du code des douanes)

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

En application des articles 67 bis à 67 bis-4 du code des douanes, des agents des douanes spécialement habilités à cette fin dans les conditions prévues par le décret n° 2004-976 du 15 septembre 2004 modifié fixant les conditions d'habilitation des agents des douanes visés aux articles 67 bis à 67 bis-4 du code des douanes peuvent avoir recours à des procédures spéciales d'enquête douanière similaires à des prérogatives prévues par le code de procédure pénale, sous le contrôle de l'autorité judiciaire (procureur de la République et dans certains cas, le juge des libertés et de la détention).

Ainsi, des agents des douanes spécialement habilités peuvent procéder, sous le contrôle de de l'autorité judiciaire, à des opérations de surveillance appelées couramment « livraisons surveillées » ( article 67 bis § I du code des douanes), qui peuvent être définies comme une procédure de contrôle consistant à laisser entrer ou circuler sur le territoire national des marchandises prohibées afin de constater une infraction, de les saisir et, surtout, de permettre d'identifier l'ensemble des personnes participant à la fraude. Dès lors, elles peuvent donner lieu à des dispositifs de « libre passage » (article 67 bis-3 du code des douanes), voire à des « livraisons contrôlées » avec rôle actif des agents des douanes ( article 67 bis-4 du code des douanes).

A l'instar du droit d'infiltration, le législateur a encadré les conditions dans lesquelles la douane peut mettre en oeuvre la livraison surveillée par des agents habilités, s'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner des personnes d'être les auteurs d'un délit douanier, sur information préalable du procureur de la République qui peut s'y opposer. A ces premières conditions de validité, viennent s'ajouter celles dégagées par la jurisprudence de la Cour de cassation qui rappelle que l'information préalable judiciaire a seulement pour objet d'exonérer les agents de leur responsabilité pénale, sans avoir une incidence sur la régularité de la procédure. L'autorité judiciaire contrôle ainsi l'absence de provocation à l'infraction à des fins de loyauté des preuves.

Dans les mêmes conditions d'information préalable du procureur de la République, ils peuvent également réaliser des enquêtes sous pseudonyme sur internet (article 67 bis-1 A du code des douanes).

Par ailleurs, des agents des douanes spécialement habilités peuvent, sur autorisation du procureur de la République, procéder à des « coups d'achat » de marchandises de fraude ( article 67 bis-1 du code des douanes) ou encore mettre en oeuvre des dispositifs de géolocalisation ( article 67 bis-2 du code des douanes), et réaliser des opérations d'infiltration ( article 67 bis § II à IX du code des douanes).

Actuellement, il existe dans le code de procédure pénale d'autres types de techniques spéciales d'enquête telles les interceptions de correspondances, la captation de données informatiques et la sonorisation et des fixations d'images de certains lieux ou véhicules ( articles 706-96 à 706-98 du code de procédure pénale), qui ne sont pas mises en oeuvre par les agents des douanes agissant sur le fondement du code des douanes.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

a) Sur la nécessité de prévenir les atteintes à l'ordre public et de rechercher les auteurs d'infractions pour la sauvegarde des droits et principes à valeur constitutionnelle

Dans sa décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022 relative au droit de visite des agents des douanes, le Conseil Constitutionnel a rappelé que la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions étaient toutes deux nécessaires à la sauvegarde des droits et principes à valeur constitutionnelle.

b) Sur la conformité de la sonorisation et de la captation d'images (CPP) à la Constitution

Le Conseil constitutionnel, dans sa d écision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, s'est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice des « conditions du recours aux techniques spéciales d'enquête, parmi lesquelles l'utilisation d'un dispositif de sonorisation et de captation d'images, éventuellement installé dans un lieu privé », sur le fondement du code de procédure pénale, dans le cadre des enquêtes pénales portant exclusivement sur les infractions d'une particulière gravité et complexité de nature à justifier le recours à de telles mesures.

En effet, des considérants 161 à 165, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution, les dispositions prévoyant le recours à ces techniques spéciales dans le cadre des enquêtes de flagrance ou préliminaire, pour tout crime, et non pour les seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées.

En outre, le Conseil constitutionnel a rappelé la nécessité dans le cadre du recours à ces techniques de prévoir la garantie d'un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulement.

En conséquence, le dispositif de sonorisation et de la captation d'images peut être mis en oeuvre dans le cadre de la criminalité et de la délinquance organisées.

c) Sur la conformité de la sonorisation et de la captation d'images (CSI) à la Constitution

Par décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 sur la loi relative au renseignement, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 6 de la loi, dans ses dispositions relatives à la « sonorisation de certains lieux et véhicules et à la captation d'images », conforme à la Constitution, considérant que le législateur avait « entouré la mise en oeuvre des techniques prévues aux articles L. 853-1 et L. 853-3, lorsqu'elles imposent l'introduction dans un lieu privé à usage d'habitation, de dispositions de nature à garantir que les restrictions apportées au droit au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile ne revêtent pas un caractère manifestement disproportionné ».

d) Sur la conformité du dispositif envisagé

Le dispositif envisagé s'inscrit dans les limites posées par le Conseil constitutionnel dans ses précédentes décisions concernant les dispositifs prévus par la loi.

Son champ d'application sera limité aux infractions douanières les plus sévèrement réprimées par le code des douanes ( article 414 alinéa 3, 414-2 alinéa 3 et 415), punies d'une peine d'emprisonnement de dix ans. Ces infractions à la loi constituent des agissements commis par le haut du spectre de la délinquance douanière, structurée dans le cadre de réseaux criminels organisés, concevant des schémas de fraudes particulièrement complexes. A cet égard, le champ infractionnel prévu répond aux caractéristiques de la notion des infractions d'une particulière gravité et complexité de nature à justifier le recours à de tels dispositifs techniques dans le cadre des enquêtes douanières.

Le dispositif précité ne pourra être mis en oeuvre que par des agents de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), spécialement habilités et ayant suivi une formation spécifique.

Ils seront autorisés, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention (JLD) près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel la mise en place du moyen technique est envisagée. Le juge assurera un contrôle permanent sur les opérations qu'il a autorisées, tout au long de leur déroulement, depuis l'installation du dispositif et jusqu'à son retrait.

Le JLD pourra par voie d'ordonnance, susceptible d'appel, s'il estime que les opérations n'ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou que les dispositions applicables du code des douanes et du code de procédure pénale n'ont pas été respectées, ordonner la destruction des procès-verbaux et des enregistrements effectués.

Ainsi, la mise en place, le fonctionnement et le retrait du dispositif sont assortis de dispositions de nature à garantir que les restrictions apportées au droit au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile ne revêtent pas un caractère manifestement disproportionné :

- champ infractionnel limité aux délits les plus sévèrement réprimés du code des douanes ;

- autorisation du juge des libertés et de la détention sur requête du procureur de la République ;

- mise en oeuvre par des agents spécialement habilités et formés de la DNRED, dans les seuls lieux autorisés.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 20 de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale, dite Convention de Palerme, dispose dans son premier paragraphe : «  si les principes fondamentaux de son système juridique national le permettent, chaque Etat Partie, compte tenu de ses possibilités et conformément aux conditions prescrites dans son droit interne, prend les mesures nécessaires pour permettre le recours à d'autres techniques d'enquête spéciales, telles que la surveillance électronique ou d'autres formes de surveillance (...) par ses autorités compétentes sur son territoire en vue de combattre efficacement la criminalité organisée ».

Le dispositif proposé garantirait l'effectivité du déploiement de mesures techniques de captation d'images et de son sur les lieux, sites et moyens de transport abritant la commission d'infractions douanières d'une particulière gravité et complexité, relevant de la délinquance organisée, entrant dans le champ de la criminalité transnationale.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes ne dispose pas à ce jour d'une étude de droit comparé concernant des procédures ou techniques spéciales d'enquête similaires mises en oeuvre dans d'autres Etats.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les procédures spéciales d'enquête douanière, telles que prévues aux articles 67 bis à 67 bis-4 du code des douanes, sont devenues des outils juridiques indispensables aux agents des douanes, et particulièrement à ceux de la DNRED, pour mener à bien leurs actions contribuant au démantèlement des organisations criminelles.

Elles sont soumises à des mécanismes d'information ou d'autorisation de l'autorité judiciaire et d'habilitation individuelle des agents et leur mise en oeuvre est limitée aux délits les plus sévèrement réprimés par le code des douanes, dans le cadre d'un juste équilibre entre l'objectif poursuivi de lutte contre la grande fraude douanière, par des agents spécialement formés et habilités, et les nécessaires garanties des droits et libertés individuelles. La mise en oeuvre de ces procédures s'inscrit dans un souci constant d'échanges avec l'autorité judiciaire en vue de déterminer le cadre juridique le plus adapté à l'objectif poursuivi, présentant les meilleures garanties procédurales et de sécurité des agents.

En effet, le procureur de la République, préalablement informé par les agents des douanes, avant toute mise en oeuvre de ces pouvoirs spéciaux du code des douanes, évalue la situation en droit et en fait, et opère dès lors un choix entre les deux options suivantes ;

- il estime que les agents des douanes sont en capacité, en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés par le code des douanes, de mener la phase opérationnelle du dispositif jusqu'à son terme ;

- ou il décide de « judiciariser » l'affaire, dès cette information préalable par les agents des douanes, en saisissant un service de police judiciaire agissant sur le fondement du code de procédure pénale.

Force est de constater que l'arsenal juridique prévu par le code des douanes est aujourd'hui incomplet et limite fortement les agents de la DNRED, tant dans leur capacité à agir dans un environnement juridique sécurisé et des conditions opérationnelles optimales, que dans leur capacité à collecter des éléments probants, actés en procédure, utiles à la manifestation de la vérité et à l'identification des auteurs d'infractions douanières graves, pendant la phase d'enquête et au stade du flagrant délit douanier.

A titre d'exemple, dans le cadre des domaines prioritaires de la lutte contre le trafic de drogues dans les plateformes portuaires nationales, contre les trafics d'armes et de tabac, la DNRED n'a pas aujourd'hui la capacité au titre du code des douanes de procéder à des opérations de sonorisation ou de captation d'image, ce qui met en risque ses dispositifs opérationnels et peut, dans certains cas, se révéler préjudiciable pour la collecte d'éléments de preuve à charge contre les trafiquants.

Cette situation peut, dans certains cas, conduire l'autorité judiciaire à dessaisir prématurément l'administration des douanes de dossiers d'envergure, pourtant initiés par celle-ci, avant l'entrave douanière, pour les confier à des services de police judiciaire spécialisés, disposant de l'outil juridique adapté au code de procédure pénale.

Ainsi, à titre d'exemple, dans le cadre des livraisons surveillés du I de l'article 67 bis du code des douanes, les agents de la DNRED n'ont pas la possibilité, à ce jour, sur le fondement du code des douanes, d'équiper les lieux et les moyens de transport utilisés par l'organisation criminelle, de dispositifs techniques de sonorisation et de captation des images à l'intérieur d'un véhicule, d'un container ou d'un entrepôt. Cette possibilité, offerte aux officiers de police ou de douane judiciaire, dans le cadre du code de procédure pénale, permettrait de sécuriser les opérations, de déterminer le meilleur moment pour procéder aux interpellations et saisies, et de consigner en procédure des éléments utiles, voire nécessaires, tant au stade de l'enquête douanière qu'à celui de la reprise des investigations en judiciaire.

En raison des motifs précédemment exposés, il apparaît aujourd'hui nécessaire de compléter les procédures spéciales d'enquête prévues au Titre II (Organisation et fonctionnement du service des douanes) - Chapitre IV: Pouvoirs des agents des douanes - Section 7 (Procédures spéciales d'enquête douanière) du code des douanes, en y ajoutant la possibilité de mettre en oeuvre des dispositifs techniques de sonorisation et de captation d'images et en prévoyant, son corollaire, à savoir l'autorisation donnée aux agents des douanes spécialement habilités et formés de s'introduire dans un lieu privé pour procéder aux opérations d'installation - et de désinstallation - des matériels nécessaires à la sonorisation et à la captation d'images.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Cette possibilité offerte aux seuls agents des douanes spécialement habilités et formés de la DNRED ne serait mise en oeuvre que dans le cadre d'enquêtes ciblant des organisations criminelles, agissant au sein de réseaux de fraude de grande envergure.

Elle permettrait de sécuriser la phase antérieure à la flagrance et la phase de flagrance, tant d'un point de vue juridique que d'un point de vue opérationnel. Elle est nécessaire, dans les enquêtes les plus complexes, combinée avec la mise en oeuvre des autres pouvoirs du code des douanes, pour collecter des preuves et les consigner en procédure.

Les preuves collectées par ce biais pourraient, en effet, être opposées aux infracteurs, tant au stade de l'enquête douanière et de l'enquête judiciaire, qu'au stade du procès pénal.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Seule une évolution de nature législative peut permettre de doter l'administration des douanes de la capacité d'utiliser en procédure douanière, la technique de la sonorisation et de la captation d'images.

En revanche, il est estimé que les autres techniques spéciales d'enquête prévues par le code de procédure pénale, telles les interceptions de correspondance et les captations de données informatiques, ne constituent pas à ce jour pas un besoin opérationnel prioritaire de l'administration des douanes.

3.2. OPTION RETENUE

Le recours à ce pouvoir d'enquête spécial est réservé aux délits douaniers graves et complexes : contrebande, importation, exportation de marchandises dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publiques, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé des douanes (arrêté du 29 juillet 2003) ou lorsque les faits sont commis en bande organisée ( dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes), contrebande, importation et exportation de marchandises non prohibées portant atteinte intentionnelle aux intérêts financiers de l'Union lorsque les faits sont commis en bande organisée ( troisième alinéa de l'article 414-2 du code des douanes, blanchiment douanier ( article 415 du code des douanes).

Le dispositif retenu reposera sur un mécanisme d'autorisation préalable accordée par le juge des libertés et de la détention, magistrat du siège, sur requête écrite et motivée du procureur de la République, préalablement sollicité par l'administration des douanes.

Le magistrat autorise et contrôle la mesure depuis la mise en place du dispositif technique jusqu'à son retrait.

La requête au juge des libertés et de la détention est rédigée et adressée par le procureur de la République, compétent pour le lieu envisagé de pose du dispositif, sur la base d'un rapport circonstancié communiqué par la DNRED.

Le juge des libertés et de la détention est informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis, dès la mise en place du dispositif. Les procès-verbaux dressés lui sont communiqués à cette fin.

Les opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans les décisions du magistrat. Si le juge des libertés et de la détention estime que les opérations n'ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou que les dispositions applicables du code des douanes n'ont pas été respectées, il ordonne la destruction des procès-verbaux et des enregistrements effectués.

La sonorisation et la captation d'images sont limitées dans le temps (1 mois renouvelable une fois).

Le dispositif sera installé, géré et retiré par des agents spécialement formés et habilités, exclusivement affectés à la DNRED.

Ce pouvoir sera ainsi mis en oeuvre que dans un cadre garantissant l'équilibre entre l'objectif poursuivi de lutte contre la fraude et la nécessaire protection des libertés individuelles et de la vie privée.

Sur le plan opérationnel, ces nouveaux pouvoirs spéciaux d'enquête dans le cadre d'une procédure douanière seront mis en oeuvre, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que celles prévues, pour l'enquête judiciaire, par les paragraphes 1er et 3 de la section VI du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale. Elle est menée en coordination avec les services de reprise de police judiciaire, dans un principe de bonne articulation des services en charge notamment de la lutte contre les trafics de stupéfiants.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article 8 complète la section VII du chapitre IV du titre II du code des douanes, en créant un article 67 bis-5.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Ce dispositif est sans lien avec le droit international et le droit de l'Union européenne.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

La mesure ne crée aucun impact macro-économique.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

La mesure ne crée aucun impact sur les entreprises.

4.2.3. Impacts budgétaires

La DNRED dispose déjà de personnel formé et de matériel dédié à la sonorisation et à la fixation d'image, aujourd'hui utilisé dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article L.853-1 du code de la sécurité intérieure, ainsi que des serveurs informatiques qui permettraient la réception des sons et images captés et enregistrés.

Il conviendra de prévoir les frais de maintenance des serveurs et de mise à jour des logiciels utilisés, étant précisé que ces dépenses liées à la maintenance et aux mises à jour sont déjà engagées par le service pour les matériels utilisés dans le cadre de la mise en oeuvre des techniques de renseignement du code de la sécurité intérieure.

L'impact budgétaire serait négligeable voire nul.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La mesures est sans impact sur les collectivités territoriales.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure n'impactera pas l'organisation du service. Les équipes techniques de la DNRED assureront la mise en place, le bon fonctionnement, l'exploitation et le retrait des dispositifs. Il conviendra d'habiliter ces personnels à la mise en oeuvre du dispositif.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure a vocation à s'appliquer à des particuliers participant à la commission de délits douaniers particulièrement graves.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée. Cette mesure a été concertée avec le ministère de la justice (direction des affaires criminelles et des grâces), et fait consensus, la DACG ayant considéré que cette mesure était de nature à renforcer l'administration de la preuve des procédures douanières concernées.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent pas de dispositions d'application.

Article 9 - Création d'un article 323-11 du code des douanes

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Sur la procédure de retenue douanière

L'article 19 de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue a procédé à la refonte du régime de la retenue douanière, codifiée aux articles 323-1 à 323-10 du code des douanes. À ce titre, il a été prévu, d'une part, le renforcement des droits de la personne placée en retenue douanière et, d'autre part, le contrôle du procureur de la République sur les conditions de mise en oeuvre de la retenue douanière.

La retenue douanière peut être définie comme une mesure privative de liberté décidée exclusivement par un agent des douanes, qui se déroule sous le contrôle du procureur de la République, à l'encontre d'une personne soupçonnée d'avoir commis un délit douanier flagrant puni d'une peine d'emprisonnement. Sa durée est de 24 heures, renouvelable une fois sur autorisation du procureur de la République.

L'article 323-1 du code des douanes ne permet le placement en retenue douanière que pour un délit douanier flagrant puni d'une peine d'emprisonnement. Il est donc exclu en matière de contravention douanière. Par ailleurs, tous les délits douaniers ne sont pas punis d'une peine d'emprisonnement. Ceux punis d'une peine d'emprisonnement pour lesquels le placement en retenue douanière est possible sont les suivants :

- contrebande, importations ou exportations sans déclaration de marchandises prohibées ou de produits du tabac manufacturé ( article 414 du code des douanes) ;

- exportations sans déclaration ou sous couvert d'une déclaration inapplicable d'or natif de Guyane, soustraction de la marchandise à la visite du service des douanes par dissimulation, détention ou transport illicites d'or natif dans le rayon des douanes de Guyane, sans justificatif ( article 414-1 du code des douanes) ;

- atteinte intentionnelle aux intérêts financiers de l'Union européenne ou de l'État ( article 414-2 du code des douanes) ;

- blanchiment douanier ( article 415 du code des douanes) ;

- opposition à fonction et refus d'obtempérer à des injonctions d'arrêt ( article du 416 bis du code des douanes) ;

- contentieux des relations financières avec l'étranger ( article 459 du code des douanes).

Tant le placement en retenue douanière que l'exécution de cette mesure s'effectuent sous le contrôle du procureur de la République qui garantit la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne retenue ( article 323-4 du code des douanes).

Le placement en retenue douanière s'accompagne de l'information du procureur de la République dès le début de la mesure. Cette exigence est identique à celle définie par le code de procédure pénale en matière de garde à vue.

La personne placée en retenue douanière dispose des mêmes droits que celle gardée à vue. Le code des douanes précise que la mise en oeuvre de ces droits s'effectue dans les conditions et sous les réserves définies aux articles 63-2 à 63-4-4 du code de procédure pénale ( article 323-5  du code des douanes). Elle confère à la personne placée en retenue douanière, les droits notamment à être examinée par un médecin, assistance d'un avocat, contacter un proche.

Les attributions conférées à l'officier de police judiciaire par les articles 63-2 à 63-3-1, 63-4-2 et 63-4-3 du code de procédure pénale sont exercées par un agent des douanes.

Aux termes de l'article 323-9 du code des douanes, à l'issue de la retenue douanière, le procureur de la République peut ordonner que la personne soit présentée devant lui (notamment en vue d'une comparution immédiate), qu'elle soit remise à un officier de police ou de douane judiciaire (si un service d'enquête judiciaire est désigné pour effectuer des investigations complémentaires) ou qu'elle soit remise en liberté (le cas échéant avec une convocation en justice par agent des douanes).

1.1.2. Sur la saisie douanière

Aux termes du 2. de l'article 323 du code des douanes, les agents des douanes peuvent, en cas de constatation d'une infraction douanière, « saisir tous objets passibles de confiscation, retenir les expéditions et tous autres documents relatifs aux objets saisis et procéder à la retenue préventive des objets affectés à la sûreté des pénalités ».

Il s'agit donc d'une situation précise, celle de la constatation d'une infraction douanière pour laquelle est prévue la sanction de confiscation (cf. articles 412, 414, 414-1, 414-2, 415, 430 et 459 du code des douanes).

L'article 64 du code des douanes prévoit quant à lui des dispositions relatives aux saisies pouvant être prononcées dans le cadre particulier des visites domiciliaires, qui peuvent être effectuées en flagrance ou sur ordonnance du juge des libertés et de la détention, en dehors des cas de flagrance, pour la recherche et la constatation des délits visés aux articles 414 à 429 et 459 du code des douanes, par des agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles. Ils doivent être accompagnés d'un officier de police judiciaire sous peine de nullité de la procédure.

A l'occasion de la visite domiciliaire, les agents des douanes habilités peuvent procéder à la saisie des marchandises et des documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux délits précités.

Si, à l'occasion d'une visite autorisée par le juge des libertés et de la détention, les agents habilités découvrent des biens et avoirs provenant directement ou indirectement des délits précités, ils peuvent procéder à leur saisie après en avoir informé par tout moyen le juge qui a pris l'ordonnance et qui peut s'y opposer.

Les visites domiciliaires ne peuvent pas être commencées avant 6 heures ni après 21 heures.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

1.2.1. Sur le droit de propriété

Aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) : « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Et il résulte de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.

La mesure de saisie proposée a pour effet de rendre indisponibles les objets ou documents saisis. Néanmoins, elle ne peut porter que sur des documents ou objets se rapportant à un délit douanier flagrant et passible d'une peine d'emprisonnement, donc présentant un certain degré de gravité, et a pour objet de permettre la manifestation de la vérité, par la découverte d'éléments de nature à établir les faits délictueux et les responsabilités, etc. De sorte que la justification par un motif d'intérêt général comme le caractère proportionné, si tant est qu'il y ait lieu de le contrôler s'agissant d'une saisie à des fins probatoires, est indiscutable.

Au surplus, cette mesure de saisie ne peut être réalisée qu'après information du procureur de la République qui peut s'y opposer.

Enfin, toute personne qui prétend avoir un droit sur un objet ou un document saisi peut en solliciter la restitution.

1.2.2. Sur la saisie douanière : décision n° 2010-32 QPC du 22 septembre 2010

Sur les 1° et 2° de l'article 323 du code des douanes (conformité à la Constitution) :

« 6. Considérant que le 1° de l'article 323 du code des douanes reconnaît aux agents des douanes ou de toute autre administration la compétence pour constater les infractions douanières ; que le 2° de ce même article leur permet de procéder à la saisie des objets passibles de confiscation, de retenir les documents relatifs aux objets saisis et de procéder à la retenue préventive des objets affectés à la sûreté des pénalités ; que ces dispositions ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ;[...] ».

Le dispositif douanier de saisie à des fins confiscatoires et de retenue des documents et objets prévu par l'article 323 du code des douanes, conditionné à une situation de constatation d'infraction passible de confiscation, a été déclaré conforme à la Constitution en 2010.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales contient trois normes distinctes.

La première, qui s'exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété.

La deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions. La troisième, consignée dans le second alinéa, reconnaît aux États le pouvoir, entre autres, de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général.

Pour être réputée compatible avec l'article 1er du Protocole n° 1 précité, l'atteinte doit répondre à certains critères : elle doit se conformer au principe de légalité et poursuivre un but légitime par des moyens présentant un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but visé ( CEDH, 5 janvier 2000, Beyeler c. Italie, n° 33202/96).

Par ailleurs, pour apprécier la proportionnalité d'une mesure de saisie, la CEDH tient compte de la disponibilité d'un recours effectif, notamment judiciaire, permettant au requérant de contester la mesure litigieuse ou le maintien de celle-ci ( CEDH, 2 octobre 2010, judiciaire Benet Czech, spol. s r.o. c. République tchèque, n° 31555/05, point 49).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes ne dispose pas à ce jour d'une étude de droit comparé sur ce sujet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

A titre liminaire, dans un arrêt du 26 octobre 2016 ( pourvoi n° 16-82.463) portant sur une affaire au cours de laquelle les agents des douanes avaient en début de contrôle consulté le téléphone portable d'une personne afin de matérialiser la présence d'un convoi de véhicules transportant des produits stupéfiants, la Cour de cassation a considéré, s'agissant de la portée de l'article 60 du code des douanes (dans la phase en amont de recherche de l'infraction, hors retenue douanière), « que si les agents des douanes peuvent appréhender matériellement les indices recueillis dans le cadre d'un contrôle effectué en vertu de ce texte, c'est à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité ».

Par ailleurs, dans le cadre de la retenue douanière, les agents des douanes ne sont pas expressément autorisés à exploiter les indices et éléments susceptibles de constituer des preuves, et notamment ceux sur support numérique (cf. téléphones portables et autres supports informatiques de type tablettes, ordinateurs portables, clefs USB, etc.).

La seule possibilité de procéder à de telles investigations serait de recourir au dispositif de la visite domiciliaire, qui s'applique effectivement en cas de flagrant délit ( article 64 du code des douanes). Toutefois, un tel dispositif ne serait pas adapté en l'espèce, notamment à cause de son encadrement horaire (qui empêcherait toute investigation avant 6h et après 21h) et de la nécessité de la présence d'un officier de police judiciaire.

Actuellement, les services douaniers sont de plus en plus sollicités par les procureurs de la République, informés de placements en retenue douanière, souhaitant savoir si les investigations menées durant la procédure douanière peuvent conduire à mettre en évidence l'existence d'un trafic organisé impliquant plusieurs personnes. Ces éléments participent, en effet, de manière déterminante, à la prise de la décision concernant les suites immédiates à donner à la procédure douanière. De tels besoins se concrétisent souvent par des demandes de consultation des objets personnels des personnes placées en retenue, et en premier lieu de leurs téléphones portables.

Or les pouvoirs des agents des douanes, strictement encadrés par le code des douanes, ne permettent pas de procéder aux investigations requises. Dans ces conditions, il appartient au procureur de la République de saisir un service judiciaire pour qu'il procède aux investigations nécessaires, avec remise éventuelle de la personne placée en retenue douanière.

De même, en cas de présentation par la douane, à l'issue de la retenue et à la demande du parquet, en vue du jugement de la personne, le plus souvent en comparution immédiate, sur la base de la seule procédure douanière, certains éléments de preuve, parmi lesquels les téléphones portables, ne peuvent être ni exploités, ni saisis.

La recherche des éléments constitutifs des infractions prévues par le code des douanes, de leurs auteurs, co-auteurs, complices et intéressés à la fraude est l'objet même de l'action du service des douanes, tout particulièrement dans le cadre de la flagrance avec placement en retenue douanière ( articles 323-1 et suivants du code des douanes). Dans cette optique, l'exploitation et la saisie des documents sur tout support et plus généralement des objets en possession des personnes contrôlées est devenue aujourd'hui indispensable.

En outre, une telle prérogative permettrait aux agents des douanes de :

a) recueillir et exploiter des éléments de preuve afin de confirmer l'implication des infracteurs. Au plan opérationnel, au cours de la retenue douanière, les agents des douanes peuvent notamment être amenés à appréhender des éléments découverts dans des effets personnels lors du contrôle et notamment de la mise en oeuvre du droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes ( article 60 du code des douanes) ou lors de la fouille intégrale de la personne retenue en cas de retenue douanière ( article 323-7 du code des douanes). L'exploitation de ces éléments peut permettre d'étayer un élément de l'infraction douanière, par exemple le franchissement de frontière ou la tentative de le faire dans le cas des délits de blanchiment douanier ( article 415 du code des douanes) ;

b) identifier les éventuels co-auteurs et complices, notamment dans le cadre de convois d'acheminement de marchandises de fraude (produits stupéfiants en particulier) et les personnes intéressées à la fraude (commanditaires notamment). En pratique, il peut notamment s'agir de vérifier le journal d'appel d'un téléphone afin de matérialiser la présence d'un convoi ;

c) sécuriser les procédures douanières, et partant, les enquêtes judiciaires dont elles constituent le support nécessaire, notamment dans le cas des remises en flagrance à un service judiciaire. En effet, à la fin de la retenue douanière, en application de l'article 323-9 du code des douanes, le procureur de la République décide des suites à y donner et notamment de décider de l'intérêt ou non de faire ouvrir une enquête judiciaire de flagrance avec remise de la personne à l'officier de douane ou de police judiciaire saisi de cette enquête.

Par ailleurs, une telle possibilité de saisie des indices et éléments de preuve sécurisera les procédures douanières ainsi que les poursuites du ministère public en cas de délits dits « mixtes » (c'est-à-dire le cas des infractions douanières portant sur des marchandises prohibées qui ont aussi une qualification pénale, par exemple en matière de trafic de stupéfiants) sans ouverture d'une enquête judiciaire, sur la seule base de la procédure douanière (cas notamment des infractions en matière de stupéfiants, pour lesquelles les parquets, dans certains ressorts, notamment franciliens).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Il s'agit d'adopter une disposition législative dans le code des douanes permettant de résoudre les différentes difficultés ou carences exposées supra.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Seule la création d'une disposition législative dans le code des douanes peut permettre de résoudre les différentes difficultés ou carences exposées supra.

3.2. OPTION RETENUE

Le dispositif retenu permet l'exploitation et la saisie des documents et objets se rapportant au flagrant délit ayant motivé le placement en retenue douanière de la personne concernée, dans le temps de la retenue douanière ainsi que postérieurement, selon une procédure contradictoire. Il s'agit donc de créer dans le code des douanes un dispositif de saisie à visée probatoire dans le cadre d'une procédure présentant de fortes garanties : état de flagrance, contrôle du procureur de la République, durée limitée dans le temps, investigations contradictoires qui sont relatées en procédure.

Il est tout d'abord prévu que cette saisie fasse l'objet d'une information immédiate du procureur de la République, qui pourra s'y opposer en temps réel. L'information du magistrat, par tout moyen, et l'absence d'opposition de ce dernier seront consignées en procédure.

En pratique, les agents des douanes pourront, en la présence constante et effective de la personne retenue, prendre connaissance du contenu des documents et objets avant de procéder à leur saisie. Pour les supports numériques les opérations techniques nécessaires à la mise à disposition des données informatiques pourront être effectuées uniquement par des agents des douanes habilitées par le ministre chargé des douanes ou une personne qualifiée requise au titre de l'article 67 quinquies A du code des douanes (« expert »).

Ces opérations devront être consignées dans la procédure, dont une copie est remise à la personne concernée et au procureur de la République

Les objets et documents saisis seront inventoriés et placés sous scellé.

Concernant le cas particulier des données informatiques se rapportant obligatoirement au flagrant délit douanier, leur saisie sera effectuée soit en procédant à la saisie du support physique de ces données, soit en réalisant une copie en présence de la personne retenue.

A l'issue de la retenue douanière, lorsque la personne sera présentée au procureur de la République ou remise à un officier de police ou de douane judiciaire, les documents et objets saisis seront transmis conformément aux instructions du procureur de la République.

Il est également prévu une procédure postérieure à la phase de retenue douanière, pour les nécessités de l'enquête douanière et sur autorisation du procureur de la République, susceptible de correspondre à deux cas d'usage :

1) Les procédures douanières dans lesquelles les éléments saisis dans le cadre de cette procédure ne seront pas placés sous main de justice et qui se poursuivraient à l'issue des retenues douanières (cas des personnes remises en liberté en fin de retenue douanière sur décision du parquet). Il convient de souligner que ces situations procédurales seront relativement minoritaires dans la mesure où une grande part des retenues douanières sont à ce jour suivies d'une remise à parquet. Dans ce cas, si les nécessités de l'enquête douanière le justifient, les agents des douanes habilités pourront, dans un délai maximal de 30 jours à compter de la saisie, procéder à une copie aux fins d'analyse des données informatiques contenues dans les supports saisis.

L'analyse est obligatoirement effectuée par des agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes (agents des douanes spécialisés de la cellule de recueil de la preuve informatique de la DNRED notamment) ou une personne qualifiée requise au titre de l'article 67 quinquies A. Cette mesure étant conditionnée à une retenue douanière, elle s'appliquera nécessairement à des délits douaniers passibles d'une peine d'emprisonnement. La personne qui aura fait l'objet de la retenue douanière ou le propriétaire des objets s'il est différent, sera obligatoirement avisée qu'elle peut assister à l'ouverture des scellés. En cas d'impossibilité, les opérations se déroulent en présence d'un représentant ou, à défaut, d'une personne requise à cet effet par les agents des douanes et qui ne relève pas de leur autorité administrative. Ces opérations seront consignées en procédure ;

2) Dans le cas où la retenue douanière aura été immédiatement suivie d'une judiciarisation de la procédure douanière avec remise des objets appréhendés initialement par les agents des douanes et transmis à parquet en suite de retenue douanière, il est possible que l'autorité judiciaire revienne vers le service des douanes aux fins que celui-ci exécute des investigations complémentaires sur ces objets, par exemple aux fins d'identification d'éventuels complices ou d'infractions douanières autres, mises à jour par l'enquête. Dans ce cas, les agents des douanes pourront également réaliser, dans un délai de 30 jours qui courra à compter de la saisie réalisée au cours de la retenue douanière, une copie des supports aux fins d'analyse, lesquels auront été alors transmis ou mis à disposition par l'autorité judiciaire. La personne qui aura fait l'objet de la retenue douanière ou le propriétaire des objets s'il est différent, sera obligatoirement avisée qu'elle peut assister à l'ouverture des scellés. En cas d'impossibilité, les opérations se dérouleront en présence d'un représentant ou, à défaut, d'une personne requise à cet effet par les agents des douanes et qui ne relève pas de leur autorité administrative. Ces opérations seront consignées en procédure.

Par ailleurs, dans un souci de respect des droits des personnes, il est créé un dispositif de restitution des objets saisis au cours d'une retenue douanière dans les conditions de ce nouvel article 323-11 du code des douanes, qui s'inspire des dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale, tout en les adaptant à la procédure douanière

Ainsi, les agents des douanes pourront décider d'office ou sur requête, de la restitution des objets saisis au cours de la retenue douanière dans les conditions de l'article 323-11 du code des douanes lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée. La décision de non-restitution pourra être déférée par l'intéressé au président de la chambre de l'instruction dans le délai d'un mois suivant sa notification, par déclaration au greffe de la cour d'appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure. Ce recours est suspensif. L'ordonnance du président de la chambre de l'instruction est susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure pénale.

Si la restitution n'a pas été demandée dans un délai de six mois après le bénéfice d'un règlement transactionnel ou de toute autre cause d'extinction des droits de poursuite et de répression à la requête de l'administration des douanes ou lorsque le propriétaire ou la personne à laquelle la restitution a été accordée, ne réclame pas l'objet dans un délai d'un mois à compter de la mise en demeure adressée à son domicile, les objets non restitués deviennent propriété de l'État, sous réserve du droit des tiers.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Il est créé un nouvel article 323-11 dans le code des douanes, dans le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre XII.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Article 52 § 1 de la Charte des droits fondamentaux : « 1. Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui ».

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

La mesure sera effectuée à effectifs constants, sans besoin de créer des services spécialisés ni de recruter des agents.

L'impact budgétaire sera négligeable voire nul.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure n'impactera pas l'organisation des services douaniers. Il conviendra en revanche d'habiliter spécifiquement les agents des douanes autorisés à saisir et à exploiter les supports numériques.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure a vocation à s'appliquer à l'égard de particuliers placés en retenue douanière en raison de la constatation par les agents des douanes d'une situation de flagrant délit douanier passible d'une peine d'emprisonnement. Elle sera encadrée par l'autorité judiciaire. De plus, des garanties procédurales sont prévues en terme de restitution du bien saisi et de recours en annulation de la saisie, identique aux dispositions ouvertes dans le cadre des enquêtes pénales.

En ce qui concerne la restitution des biens saisis, un grand nombre des éléments seront remis en fin de retenue douanière aux services judiciaires dès lors que le procureur de la République aura judiciarisé l'affaire. Ce seront alors les règles du code de procédure pénale qui s'appliquent.

Toutefois, il est également prévu une possibilité de procéder à une copie des supports sur autorisation du procureur de la République, soit en l'absence de judiciarisation, soit dans un tel cas en relation avec l'autorité judiciaire. Dans ces cas, la mesure prévoit un dispositif de restitution inspirée de l'article 41-4 du code de procédure pénale ainsi qu'une procédure de recours en annulation élaborée selon des principes similaires à ceux de l'article 802-2 du code de procédure pénale.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée. Cette mesure a été concertée avec le ministère de la justice (direction des affaires criminelles et des grâces).

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 10 - Modification des articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'article 64 du code des douanes prévoit que, pour la recherche et la constatation des délits visés aux articles 414 à 429 et 459 du code des douanes, les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes puissent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant (in)directement sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles.

Pour sa part, l'article L.38 du livre des procédures fiscales dispose que pour la recherche et la constatation des infractions aux dispositions du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts, des chapitres III et IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services et aux législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement, les agents habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant à ces infractions ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support.

Ces opérations de visite et de saisie peuvent être réalisées en flagrance ou, hors flagrance, sur ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure ( art. 64 du code des douanes) ou dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter ( art. L. 38 du livre des procédures fiscales). La conduite de ces opérations de visite domiciliaire ne requiert en aucun cas l'assentiment préalable des propriétaires ou des occupants des lieux en cause.

Dans le cadre de chacun de ces deux dispositifs juridiques, les agents des douanes habilités peuvent procéder à la saisie des marchandises et des documents, quel qu'en soit le support, se rapportant, selon le cas, soit aux délits douaniers précités, soit aux infractions précitées en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées. En revanche, la saisie domiciliaire des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction, est réservée aux visites faisant l'objet d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant 6 heures ni après 21 heures. Les visites domiciliaires doivent être effectuées en présence d'un officier de police judiciaire ou d'un agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du CPP, de l'occupant des lieux ou de son représentant ou, en cas d'impossibilité, de deux témoins choisis par l'officier de police judiciaire en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration des douanes.

L'officier de police judiciaire ou l'agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du CPP veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions de l'article 56, alinéa 3, du code de procédure pénale. Il peut prendre toutes mesures utiles à cet effet. Les dispositions de l'article 58 du code de procédure pénale sont applicables.

Les agents des douanes peuvent recourir à toute personne qualifiée, en application de l'article 67 quinquies A du code des douanes, pour effectuer des expertises techniques nécessaires à l'accomplissement de leurs missions et peuvent leur soumettre les objets et documents utiles à ces expertises, y compris lors de visites domiciliaires.

Seuls les agents des douanes, les personnes qualifiées auxquels ils ont éventuellement recours en application de l'article 67 quinquies A du code des douanes, l'occupant des lieux ou son représentant, et l'officier de police judiciaire ou l'agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du CPP, peuvent prendre connaissance des pièces et documents, sur tout support, avant leur saisie.

Un procès-verbal est rédigé auquel est annexé un inventaire des marchandises et documents saisis. Une copie du procès-verbal et de l'inventaire est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. Lorsque la visite domiciliaire est réalisée hors flagrance, une copie du procès-verbal de visite et de l'inventaire est également adressée au juge des libertés et de la détention qui a délivré l'ordonnance autorisant la visite hors flagrance, dans les trois jours de son établissement.

Lorsque l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents sont placés sous scellés. L'occupant des lieux (ou son représentant) est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire ou de l'agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du CPP. Une copie du procès-verbal et de l'inventaire est remise à l'occupant des lieux (ou à son représentant).

Lorsque l'occupant des lieux (ou son représentant) fait obstacle à l'accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, les agents des douanes peuvent alors procéder à la copie de ce support et saisir ce dernier, qui est placé sous scellés. Ils disposent de 15 jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, à leur lecture et à leur saisie ainsi qu'à la restitution de ce dernier et de sa copie. Ce délai peut être prorogé sur autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention. A la seule fin de permettre la lecture des documents présents sur le support informatique placé sous scellés, les agents des douanes doivent procéder aux opérations nécessaires à leur accès ou à leur mise au clair, sur la copie du support. L'occupant des lieux (ou son représentant) est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés, à la lecture et à la saisie des documents présents sur ce support informatique, qui ont lieu en présence de l'officier de police judiciaire ou de l'agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du CPP. Un procès-verbal décrivant les opérations réalisées pour accéder à ces pièces et documents, à leur mise au clair et à leur lecture est dressé par les agents des douanes. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé, s'il y a lieu.

Hors flagrance, la requête présentée par les agents des douanes aux fins d'autorisation de la visite domiciliaire précise les motifs qui justifient la visite, ainsi qu'une description de la fraude douanière présumée dont la preuve est recherchée. L'ensemble des éléments en possession du service des douanes doit être fourni à l'appui de la requête.

Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée en relevant les éléments de fait et de droit laissant présumer l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. Il mentionne les pièces utilisées à l'appui de sa motivation. L'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite domiciliaire comporte :

- les éléments de fait et de droit laissant présumer l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ainsi que leur qualification juridique ;

- l'adresse des lieux à visiter qui doivent être expressément identifiés ;

- les nom et qualité de l'agent des douanes qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ;

- la désignation d'un ou plusieurs officiers de police judiciaire chargés d'assister les agents des douanes au cours de la visite domiciliaire et de le tenir informé de son déroulement ;

- la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou son représentant, ainsi que l'auteur présumé des délits dont la preuve est recherchée, de faire appel à un conseil de son choix pour assister à la visite domiciliaire. L'exercice de cette faculté n'entraîne toutefois pas la suspension des opérations de visite et de saisie ;

- le délai et la voie de recours contre l'ordonnance.

Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant aux agissements recherchés ou s'ils découvrent des éléments révélant l'existence en d'autres lieux de biens ou avoirs se rapportant aux agissements dont la preuve est recherchée, sont susceptibles de se trouver, le juge des libertés et de la détention qui a pris l'ordonnance peut les autoriser, par tout moyen, à procéder immédiatement à la visite de ce coffre ou de ces lieux aux fins de saisir ces biens et avoirs. Mention de cette autorisation doit être portée au procès-verbal de visite domiciliaire.

L'ordonnance du juge des libertés et de la détention est exécutoire au seul vu de la minute. L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal qui est rédigé à l'issue des opérations de visites domiciliaires. En leur absence, l'ordonnance est notifiée après la visite par lettre recommandée avec avis de réception. Une copie de l'ordonnance est également adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'auteur présumé des délits douaniers dont la preuve est recherchée, s'il diffère de l'occupant des lieux.

La visite domiciliaire effectuée sur ordonnance est placée sous le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'a autorisée. Il peut se rendre dans les locaux pendant les opérations de visite domiciliaire et procéder, à tout moment, à leur suspension ou leur arrêt.

Par ailleurs, les articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales prévoient deux recours a posteriori, qui portent sur :

- l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite domiciliaire qui peut faire l'objet d'un appel formé auprès du premier président de la cour d'appel territorialement compétente, dans un délai de 15 jours à compter de la remise, de la réception ou de la signification de l'ordonnance. L'appel n'est pas suspensif. Est compétent le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé le juge des libertés et de la détention ayant autorisé la visite domiciliaire, c'est-à-dire celui du siège de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure ;

- le déroulement des opérations de visite et de saisie domiciliaire qui peut faire l'objet d'un recours selon la même procédure et dans le même délai, lequel court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal de visite, soit de l'inventaire. L'appel n'est pas suspensif. Le premier président de la cour d'appel compétent est, en l'absence de disposition contraire, celui de la cour d'appel du siège de la direction des douanes dont dépend le service.

Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, les appels sont exclusivement formés par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de 15 jours à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l'ordonnance ou du procès-verbal de visite domiciliaire. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. L'ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation dans un délai de 15 jours, selon les règles du code de procédure civile.

L'article 64 du code des douanes a été modifié pour la dernière fois par l'article 35 de l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 prise en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

L'article L. 38 du livre des procédures fiscales a été modifié pour la dernière fois par l'article 11 de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

Enfin, la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 a inséré un dernier alinéa à l'article 56-1 du code de procédure pénale pour élargir les dispositions de cet article aux visites domiciliaires effectuées sur le fondement d'autres codes que le code de procédure pénale ou de lois spéciales, dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ou dans les locaux de l'ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats. Ces dispositions ont vocation à s'appliquer aux opérations de visite et de saisie domiciliaires relevant des articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion, à de nombreuses reprises, de contrôler des dispositions confiant des pouvoirs de perquisition ou de visite domiciliaire à certaines autorités agissant en matière pénale ou administrative. Le Conseil a notamment été amené à examiner en particulier des dispositions autorisant la conduite de visites et saisies en matière fiscale, ainsi que des dispositifs d'accès et de saisie de données informatiques. Le Conseil constitutionnel a également contrôlé la conformité au droit au respect de la vie privée des dispositions organisant le droit de saisie reconnu à certaines autorités publiques dans le cadre des visites domiciliaires.

Dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, le Conseil a censuré des dispositions qui, dans le cadre de l'état d'urgence, autorisaient l'administration à ordonner des perquisitions et à copier des données stockées dans un système informatique auxquelles les perquisitions donnaient accès, au motif que ni cette saisie ni l'exploitation des données ainsi collectées n'étaient autorisées par un juge, y compris lorsque l'occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s'y oppose. Il a relevé « qu'au demeurant peuvent être copiées des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition ».

Dans sa décision n° 2016-600 QPC du 2 décembre 2016, le Conseil a validé les nouvelles dispositions applicables en matière de perquisitions administratives liées à l'état d'urgence, après avoir relevé qu'elles définissent les motifs pouvant justifier la saisie de données informatiques, déterminent les conditions de sa mise en oeuvre et imposent l'autorisation préalable, par un juge, de l'exploitation des données collectées, laquelle ne peut porter sur celles dépourvues de lien avec la menace. Le Conseil a jugé que, en adoptant ces différentes garanties encadrant la saisie et l'exploitation de données informatiques, le législateur avait assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public (points 9 à 13).

Par ailleurs, la jurisprudence rendue en matière de perquisitions a principalement conduit le Conseil constitutionnel à se prononcer sur le terrain du droit à un recours juridictionnel effectif, soit pour constater l'absence de toute voie de recours, soit, lorsqu'une telle voie existe, pour s'assurer que les conditions d'examen de ce recours permettent à la personne intéressée de contester utilement la mesure en cause devant un juge.

Dans sa décision n° 2010-19/27 QPC, le Conseil a considéré que le recours institué par la loi du 4 août 2008 contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite domiciliaire sur le fondement de l'article L. 16 B du LPF était conforme aux exigences du droit à un recours effectif : « si les dispositions contestées prévoient que l'ordonnance autorisant la visite est exécutoire au seul vu de la minute et que l'appel n'est pas suspensif, ces dispositions, indispensables à l'efficacité de la procédure de visite et destinées à assurer la mise en oeuvre de l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, ne portent pas atteinte au droit du requérant d'obtenir, le cas échéant, l'annulation des opérations de visite ».

En revanche, dans sa décision n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014, le Conseil a censuré des dispositions relatives aux perquisitions, visites domiciliaires et saisies réalisées dans le cadre d'une enquête préliminaire diligentée pour la recherche des infractions au travail dissimulé, au motif que, en l'absence de mise en oeuvre de l'action publique contre la personne intéressée, elles ne prévoyaient aucune voie de recours.

En 2018, invité à se prononcer sur les conditions d'exploitation des données informatiques susceptibles d'être saisies à l'occasion de visites et saisies domiciliaires mises en place à l'initiative du préfet à des fins de prévention du terrorisme, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions autorisant la copie de ces données ainsi que leur exploitation étaient conformes à la Constitution ( décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018). Dans le sillage de sa décision n° 2016-600 QPC rendue à propos des perquisitions administratives menées dans le cadre de l'état d'urgence, le Conseil a considéré « d'une part, [que] la copie des données informatiques permise par l'article L. 229-5 n'est possible que lorsque la visite révèle l'existence de données relatives à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics que constitue le comportement de la personne. Réalisée en présence de l'officier de police judiciaire, cette copie ne peut être effectuée sans que soit établi un procès-verbal indiquant ses motifs et dressant l'inventaire des données saisies, et sans qu'une copie en soit remise à l'occupant du lieu, à son représentant ou à deux témoins ainsi qu'au juge ayant délivré l'autorisation ». Il a estimé, « d'autre part, [que] l'exploitation des données saisies nécessite l'autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par l'autorité administrative à l'issue de la visite. Cette autorisation ne peut porter sur des éléments dépourvus de tout lien avec la finalité de prévention de la commission d'actes de terrorisme ayant justifié la visite. Dans l'attente de la décision du juge, les données sont placées sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la visite et nul ne peut y avoir accès. Si l'ordonnance autorisant l'exploitation des données saisies est prise par le juge des libertés et de la détention sans débat contradictoire ni audience publique, elle est susceptible d'un recours, non suspensif, devant le premier président de la cour d'appel, qui se prononce alors dans les quarante-huit heures ».

Enfin, dans sa décision n° 2021-980 QPC du 11 mars 2022, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales qui autorise l'administration fiscale à saisir des données informatiques accessibles ou disponibles depuis les locaux visités, « quand bien même ces documents sont stockés sur des serveurs informatiques situés dans des lieux distincts » (point 9).

En outre, il a relevé que cette faculté ne peut être exercée « qu'au titre d'une visite ayant pour objet la recherche de la preuve d'agissements de fraude fiscale, dans le cas où il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts » (point 11). Ainsi, pour obtenir l'autorisation d'engager une telle procédure, l'administration doit s'appuyer sur des soupçons de fraude entrant dans les prévisions de la loi.

D'autre part, et dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a tenu compte du lien qui doit nécessairement être établi entre les documents susceptibles d'être saisis et les présomptions de fraude justifiant la saisie en insistant sur le fait que, « si peuvent être saisis à cette occasion des documents n'appartenant pas aux personnes visées par ces présomptions, ce n'est qu'à la condition qu'ils se rapportent à de tels agissements » (point 12).

En dernier lieu, le Conseil constitutionnel a souligné le rôle du juge des libertés et de la détention dans la mise en oeuvre et le contrôle de la procédure en cause, tel qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Il a rappelé, d'une part, qu'une saisie ne peut intervenir que dans le cadre d'une visite préalablement autorisée par le juge des libertés et de la détention, qui « doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise comporte tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite » (point 13). La décision de ce magistrat doit en outre « être motivée par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée » (point 13). D'autre part, le Conseil a souligné que, tout au long de l'exécution des opérations de visite et de saisie, le juge des libertés et de la détention est en mesure de suivre ces opérations et, au besoin, de les suspendre ou de les arrêter : « les opérations de visite et de saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention, qui est tenu informé du déroulement de ces opérations et peut donner des instructions aux agents, se rendre dans les locaux durant l'intervention et décider à tout moment la suspension ou l'arrêt de la visite » (point 14). Ainsi, non seulement le droit de saisie est, dans le prolongement du droit de visite domiciliaire, soumis à l'autorisation préalable d'un magistrat du siège, mais son exécution est également assurée dans des conditions permettant à ce dernier d'intervenir à tout moment et de s'assurer, en particulier, du traitement des données extraites à partir d'un serveur informatique.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Dans son arrêt du 21 février 2008, Ravon c/ France, n° 18497/03, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a considéré que la visite domiciliaire en matière fiscale constitue une procédure autonome relevant en elle-même de l'article 6 § 1er de la convention européenne des droits de l'homme. Cet article prévoit, en effet, que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ».

Bien que ne concernant pas l` article 64 du code des douanes, mais l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, la décision de la Cour européenne des droits de l'homme a conduit à la modification de l'article 64 du code des douanes, afin que les personnes faisant l'objet d'une visite domiciliaire disposent d'un contrôle juridictionnel effectif de la régularité de la décision prescrivant la visite, ainsi que les mesures prises sur son fondement.

Ainsi, ont été créés aux articles 64 du code des douanes, et L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie :

- un recours concernant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite domiciliaire, effectué par un appel formé auprès du premier président de la cour d'appel compétente territorialement ou de son délégué ;

- un recours concernant les opérations de visite autorisées par le juge des libertés et de la détention, effectué selon la même procédure et dans le même délai qui court à compter de la remise du procès-verbal de visite et de l'inventaire. Les règles applicables sont celles du code de procédure civile.

Par ailleurs, la Cour de cassation considère que les dispositions de l'article 64 du code des douanes, qui organisent le droit de visite des agents de l'administration des douanes et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude, de sorte que l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et du domicile est proportionnée au but légitime poursuivi.

Ainsi, elles ne contreviennent pas à celles des articles 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et les libertés fondamentales ( Cass. com. 21 juin 2016, n° 15-10730, Publié au bulletin ; Cass. com., 13 juil. 2010, n° 09-16960, inédit).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes ne dispose pas à ce jour d'une étude de droit comparé sur ce sujet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La mesure vise à prendre en compte les difficultés engendrées par la multiplication des outils informatiques des dispositifs de conservation de données sur des systèmes distants (clouds) ainsi que l'utilisation croissante des crypto-actifs dans le cadre des activités délictuelles relevant de la fraude douanière.

A ce jour, les besoins d'ordre « forensique »25(*) des services douaniers et plus particulièrement ceux de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), dont sa division des investigations numériques et son service Cyberdouane, acteur majeur de la lutte contre la cybercriminalité, imposent de pouvoir accéder, en vue de leur saisie, à tous types de données présentes ou accessibles depuis les lieux visités et de préserver leur intégrité afin d'éviter toute altération de nature à compromettre le recueil et l'établissement de la preuve.

A cet égard, la flagrance (qui s'entend comme celle définie à l'article 53 du code de procédure pénale et par la jurisprudence judiciaire) impose aux services douaniers d'agir selon des modes opératoires particuliers tenant compte de besoins de réactivité opérationnelle parfois très importante (par exemple dans le cas de visite domiciliaire en flagrance). En outre, si les agents des douanes peuvent accéder depuis le lieu visité à des documents stockés sur des serveurs distants26(*), ni l'article 64 du code des douanes ni l'article L.38 du livre des procédures fiscales ne leur permet expressément de « geler » l'accès à de tels documents, entraînant alors un fort risque de disparition dès lors que leur inventaire sur place ne peut pas être réalisé.

A titre d'exemple, les lieux d'intervention des services douaniers étant diversifiés et souvent inattendus, tout particulièrement en cas d'intervention en flagrance, des contraintes techniques (qualité du réseau fixe ou mobile notamment) ou de sécurité personnelle des agents peuvent rendre inadaptées des méthodologies opérantes dans le cadre plus conventionnel des entreprises.

S'agissant de la saisie de données et de leur inventaire, les agents sont à ce jour tenus de procéder à la rédaction d'un inventaire des « documents saisis » lesquels peuvent être au moment de la visite « sur tout support » (ex : disque dur, clé usb). Cependant, ni l'article 64 du code des douanes ni l'article L.38 du livre des procédures fiscales ne comporte de précisions sur la saisie de « données », accessibles sur place depuis des serveurs distants, et leur inventaire. Or selon une lecture littérale, le fait que l'article 64 du code des douanes (tout comme l'article L. 38 du livre des procédures fiscales) prévoit, en cas de difficultés d'inventaire, de différer celui-ci en plaçant les documents saisis sous scellés, ne saurait autoriser les agents à bloquer les accès aux serveurs distants.

Il importe dès lors de pouvoir « geler » les accès en ligne aux données intéressant l'enquête. Il est précisé que cette pratique a déjà été mise en place par la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) à la demande d'un service de police judiciaire programmé pour poursuivre les investigations douanières, sur accord de l'autorité judiciaire, dans le cadre du démantèlement d'une importante plateforme opérant sur le darknet (FRENCH DEEP WEB MARKET et autres plateformes gérées par les mêmes infracteurs - 2019) dans lequel le service a modifié les mots de passe d'un serveur afin que les infracteurs ne puissent plus accéder à leurs serveurs pour retirer les informations, et/ou les copier pour créer un serveur miroir. Le service judiciaire de reprise a pu télécharger ultérieurement les données (irréalisable dans le temps de la visite domiciliaire pour certains sites), maintenir les serveurs inactifs et indiqué sur les pages de garde que les serveurs avaient été saisis par les autorités.

Il est désormais nécessaire que des agents des douanes spécialement habilitées à cette fin puissent, dès la visite domiciliaire, procéder à la saisie mais aussi au gel de ces données, même accessibles à distance, afin de préserver leur intégrité et éviter toute altération.

Par ailleurs, il est également prévu que les agents des douanes puissent être accompagnés, à l'occasion de la visite domiciliaire réalisée sur le fondement de l'article 64 du code des douanes ou de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales, par un officier de police judiciaire (situation actuelle) ou d'un agent des douanes habilité en application de l' article 28-1 du code de procédure pénale, couramment appelé « officier de douane judiciaire » (nouveauté).

Cette évolution se justifie par l'attribution du service de police nationale détaché auprès de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et la nécessité d'assurer une disponibilité opérationnelle, notamment dans le cas des procédures en flagrance pour lesquelles les interventions ne peuvent pas être programmées suffisamment en amont.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La rédaction des articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales n'est plus adaptée pour couvrir l'ensemble des situations possibles au regard des évolutions technologiques et du développement des investigations dites « forensic ». La mesure a pour objet de renforcer les modalités d'intervention d'agents des douanes spécialement habilités dans le cadre des procédures douanières de visite et de saisie domiciliaires pour la recherche et la constatation des délits douaniers les plus graves (importations ou exportations en contrebande de marchandises prohibées ou de produits du tabac, infractions intentionnelles en matière de protection des intérêts financiers de l'Union européenne, délits de blanchiment douanier), ainsi qu'en matière de contributions indirectes.

Dès lors, la mesure proposée vise à :

- permettre, en cas de difficulté de copie de données stockées sur un serveur distant, d'appliquer toute mesure permettant de protéger l'accès à ces données et de procéder ultérieurement à leur téléchargement en présence de l'officier de police judiciaire (par exemple, changement d'un mot de passe ou d'un identifiant). L'occupant des lieux serait avisé du téléchargement avant que celui-ci ait lieu, afin de pouvoir y assister. Ce « gel » de l'accès à des données distantes (par exemple sur un serveur de stockage en réseau type NAS) est nécessaire pour les agents des douanes tant pour la préservation de la preuve, lorsqu'une copie des données n'est pas réalisable immédiatement pour des raisons techniques (débit, accès internet limité ou inexistant), de sécurité et/ou d'absence de personne qualifiée présente (notamment dans le cas des opérations conduites en flagrance) que pour l'entrave à l'infraction recherchée, tout particulièrement dans le cas de la fraude sur internet. En outre, dans certaines procédures, notamment en flagrance, une remise à l'autorité judiciaire doit être effectuée, parfois quelques heures après l'opération. L'accent doit donc être mis sur la préservation de la preuve pour que l'autorité judiciaire puisse les exploiter. Ainsi, en cas de difficultés pour effectuer la copie de données stockées dans un système informatique non implanté dans les lieux visités, les agents des douanes habilités pourront appliquer toute mesure permettant, d'une part, de protéger l'accès en ligne aux données concernées (ex : utilisation d'un mot de passe) et, d'autre part, de procéder ultérieurement à leur téléchargement en présence de l'officier de police judiciaire. L'occupant des lieux en sera avisé, afin d'y assister également . L'opération ainsi prévue est effectuée dans les locaux du service chargé de la procédure selon les mêmes modalités que celles prévues par les quatrième à septième alinéas de l'article 57-1 du code de procédure pénale.

- permettre que les agents des douanes effectuant une visite domiciliaire soient accompagnés d'un agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale, et non forcément un officier de police judiciaire.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

S'en tenir à la rédaction actuelle des textes est une option exclue pour les raisons suivantes :

- d'une part, l'encadrement de la consultation de données distantes et surtout de leur versement en procédure est actuellement insuffisant ;

- seule une modification de l'article 64 du code des douanes, d'une part, et de l'article L.38 du LPF, d'autre part peut permettre de résoudre les différentes difficultés ou carences exposées supra.

S'agissant de deux articles de nature législative, les modifications proposées dans lesdits articles impliquent nécessairement que les dispositions modificatives proposées soient soumises au législateur

3.2. OPTION RETENUE

Le dispositif retenu permet de moderniser le droit de visite et de saisie domiciliaires au regard de l'évolution des modes de stockage, des moyens de communication et du développement exponentiel de l'internet des objets ainsi que de l'utilisation croissante des crypto-actifs.

Il permet également d'apporter de la souplesse dans l'organisation des opérations en permettant de les réaliser en présence d'un officier de douane judiciaire, notamment en cas d'indisponibilité des services de police judiciaire pour mettre à disposition de l'administration des douanes un officier de police judiciaire.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales sont modifiés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

L'article 47 alinéas 1er et 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoient « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. ».

L'article 52 § 3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne indique que le niveau de protection garanti par la Charte ne saurait être inférieur à celui garanti par la convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales. L'article 6 § 1er de la convention précitée correspond, du moins en partie, à l'article 47, deuxième alinéa, de la Charte. Dans ces conditions, il y a lieu de se reporter à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ci-dessus décrite.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

La mesure ne crée aucun impact macroéconomique.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

La mesure sera effectuée à effectif constant, sans besoin de créer des services spécialisés ni de recruter des agents.

L'impact budgétaire sera négligeable voire nul.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure n'impactera pas l'organisation des services douaniers.

Il conviendra en revanche de réserver cette nouvelle prérogative, concernant l'analyse de supports informatiques, à des agents disposant de l'expertise technique et du savoir-faire en matière d'investigations « forensic », et en priorité ceux de la cellule de la preuve informatique de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).

Par ailleurs, la réalisation de visite domiciliaires en présence d'un officier de douane judiciaire sera effectuée en concertation en amont avec le service des enquêtes judiciaires des finances (SEJF) afin de ne pas perturber l'activité de ce service.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure a vocation à s'appliquer à l'égard de particuliers faisant l'objet d'une enquête douanière réalisée soit en flagrance, soit sous autorisation préalable du juge des libertés et de la détention.

Elle ne créé pas de nouvelle atteinte aux droits des personnes en ce qu'elle organise des possibilités de « gel » de données informatiques lorsque la saisie de celles-ci, déjà légalement possible, est matériellement impossible dans le temps de la visite domiciliaire.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, à l'exclusion du II de l'article 10 relatif à la modification de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales, qui n'est pas applicable dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

CHAPITRE II - MODERNISER LES CAPACITÉS D'ACTION DE LA DOUANE

Article 11 - Renforcer la capacité à détecter les convois de marchandises illicites

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les articles L.233-1 à L.233-2 du code de la sécurité intérieure (CSI) autorisent les forces de police, de gendarmerie et des douanes à utiliser, en tous points appropriés du territoire, des dispositifs de lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation (LAPI), fixes ou mobiles, permettant la collecte des données signalétiques des véhicules en prenant une photographie des véhicules automobiles et de leurs occupants, et équipés d'une fonction de reconnaissance automatique de leur plaque d'immatriculation.

Plus précisément, l 'article L. 233-1 du CSI permet aux agents des douanes d'utiliser les dispositifs de lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation afin de faciliter la constatation des délits douaniers de contrebande, d'importation ou d'exportation de marchandises prohibées commises en bande organisée, prévus et réprimés par le dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes, ainsi que la constatation du délit de blanchiment prévu et réprimé par l'article 415 du même code, lorsqu'ils portent sur les fonds provenant des délits précités, et de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs.

L'article L.233-2 du CSI dispose, quant à lui, que les données collectées au moyen des dispositifs LAPI sont mises en relation avec d'autres traitements limitativement énumérés par le code de la sécurité intérieure, à savoir le fichier des véhicules volés ou signalés (FOVES) et le système d'information Schengen (SIS). L'ensemble des données collectées sont conservées pendant une durée de quinze jours, au-delà de laquelle elles sont effacées dès lors qu'elles n'ont donné lieu à aucun rapprochement positif avec les traitements FOVES et SIS.

Durant ce délai, la consultation des données n'ayant fait l'objet d'aucun rapprochement positif est interdite, sans préjudice des nécessités d'une procédure pénale ou douanière. Les données qui font l'objet d'un rapprochement positif sont conservées pendant une durée d'un mois sans préjudice de leur conservation au-delà pour les besoins d'une procédure pénale ou douanière.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La liberté garantie par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée.

Dans ses décisions n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 et n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, le Conseil constitutionnel a rappelé que le législateur doit assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure le droit au respect de la vie privée, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789.

Dès lors la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ( décision n° 2012-652 DC, 22 mars 2012).

Saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la constitutionnalité des dispositifs de lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation. Dans la décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions relatives aux dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules (article 8 de la loi déférée relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers élargissant les dispositifs LAPI à la constatation de certaines infractions douanières) conformes à la Constitution en considérant qu'à travers les garanties édictées par le législateur, la conciliation entre vie privée et sauvegarde de l'ordre public n'était pas manifestement déséquilibrée.

Parmi les garanties relevées par le Conseil constitutionnel figurent : i) la durée limitée de conservation des données, ii) les modalités limitées d'accès (recherches limitées aux caractéristiques des véhicules et ne portant pas sur les images des passagers, accès limité aux données ayant fait l'objet d'un « rapprochement positif » avec un autre fichier), iii) la qualité des agents pouvant accéder aux données et iv) la soumission de ce traitement de données à la loi informatique et libertés de 1978.

L'article 37-1 de la Constitution autorise la loi à comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental.

Dans sa décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, le Conseil constitutionnel a rappelé les garanties légales devant entourer un projet législatif à caractère expérimental. Il incombe, en effet, au législateur de « définir précisément la nature et la portée de ces expérimentations, les cas dans lesquels celles-ci peuvent être entreprises, les conditions et les procédures selon lesquelles elles doivent faire l'objet d'une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification, à leur généralisation ou à leur abandon ».

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, et ne justifie l'ingérence d'une autorité publique dans ce cadre que lorsqu'elle est autorisée par la loi et qu'elle « constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales ».

La charte des droits fondamentaux de l'Union européenne protège également dans son article 7, le respect de la vie privée et familiale, et l'article 8 de cette même charte garantit plus précisément la protection des données à caractère personnel des personnes physiques.

Le droit de l'Union européenne encadre les conditions de mise en oeuvre de traitements de données à caractère personnel au travers des textes suivants :

- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données, RGPD) ;

- la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données (dite directive « police-justice »), transposée au titre III de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (articles 87 et suivants).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Les éléments de droit comparé suivants peuvent être fournis :

Autriche

En application de la loi autrichienne, les données sont conservées durant 48 heures. Toutefois, dans le cas d'une procédure d'enquête, les données peuvent être conservées jusqu'à clôture de la procédure. Le système enregistre les plaques d'immatriculation à l'avant du véhicule ainsi que les photographies des occupants. Il est possible d'enregistrer des plaques d'immatriculation dans le système. En cas de « hit », les agents concernés reçoivent une alerte avec le contexte du dossier.

Belgique

La loi belge (loi sur la fonction de la police et plus particulièrement par l'article 44/11/3decies et l'article 44/11/3septies, modifiée par la loi du 21 mars 2018 modifiant la loi sur les fonctions de police) établit un système de reconnaissance des plaques d'immatriculation similaire au dispositif français, fondé sur un réseau de caméras, fixes ou mobiles, nommées ANPR (Automatic Number Plate Recognition) qui photographient en temps réel les plaques d'immatriculation des véhicules circulant sur certains axes et signalent toute correspondance avec une plaque renseignée dans l'une des banques de données de référence.

La législation en vigueur distingue trois types de caméras : caméras mobiles, caméras fixes temporaires et caméras dites intelligentes, c'est-à-dire qui comprennent « des composantes ainsi que des logiciels qui, couplés ou non à des registres ou à des fichiers, peuvent traiter de manière autonome ou non les images recueillies » (article 2 de la loi du 21 mars 2007 réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance).

La douane belge a accès à des données conservées en principe pour une durée de douze mois, étant précisé qu'au-delà d'un mois, l'accès aux images, qui doit être justifié par une finalité de police judiciaire, est subordonné à l'autorisation du Procureur du roi (article 12 de la loi du 21 mars 2018 précitée). Elle ne peut concerner que des infractions de nature à entraîner un emprisonnement correctionnel principal d'un an ou une peine plus lourde. Toutefois, aucune mise en alerte en temps réel n'est prévue.

Les systèmes LAPI belges fixes mis en place sur le réseau autoroutier ont été déployés depuis 2018 et complétés en 2020 par des caméras issues du système M3 (regroupement des caméras placées dans chaque zone de Police urbaine et péri-urbaine). Ce sont donc au total 172 caméras installées sur le réseau autoroutier (STRIX) et 1291 caméras (M3) qui sont installées. L'ensemble du territoire est couvert avec une prédominance sur la frontière néerlandaise et la frontière avec les métropoles lilloise, dunkerquoise et valenciennoise. Un service central existe pour l'interrogation de la banque de données nationale (avec lequel l'attaché douanier français est en contact) ; les unités déconcentrées sont également compétentes pour procéder aux recherches (CIC - centres d'information et de communication). Une permanence est ouverte 24/7 et répond quasiment en temps réel aux demandes qui lui sont adressées, y compris venant de l'étranger.

Espagne

En application de la loi espagnole, les douanes espagnoles (DAVA) ont accès, depuis juin 2021, à des dispositifs de lecture automatique des plaques minéralogiques. Les demandes de renseignements se font par message électronique. Un système central pour gérer tous les lecteurs est en cours de création. La DAVA peut consulter le transit des plaques minéralogiques, avec un historique de six mois et des alertes de plaques minéralogiques en temps réel.

Les systèmes en place, auxquels les force de l'ordre ont accès, relèvent soit :

- du secteur privé (sociétés autoroutières, stations essences, sécurité des ports...) ;

- du ministère des transports (Dirección de Tráfico) : caméras et lecteurs de plaques permettent d'étudier les flux et la densité du parc automobile ;

- de la Guardia Civil : comparables aux LAPI français, avec possibilité d'intégrer des alertes, ces dispositifs sont présents sur des points d'intérêt frontaliers du territoire : points de passage avec Gibraltar, Algésiras, Tarifa.

Pour les systèmes relevant du secteur privé ou du ministère des transports (auquel les forces de l'ordre ont également accès), la possibilité d'intégrer des alertes n'existe pas.

Pays-Bas

Un réseau de caméras est installé sur l'ensemble des grands axes et sur le réseau secondaire. Un accès direct est prévu à tous les services (police et douane) ainsi qu'aux services étrangers. Les enregistrements de plaques dans le système sont liés à la nécessité de tentative d'interception de la cible pour faire enregistrer les plaques d'immatriculation durant un délai de 30 jours, s'il y a un lien avec un éventuel trafic de stupéfiants et/ou blanchiment d'argent, pour une durée de 28 jours.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Face au durcissement de la criminalité organisée, le dispositif LAPI actuellement en vigueur apparaît inadapté.

En effet, le cadre juridique actuel pose des limites strictes en termes d'exploitation des données collectées par les LAPI mis en oeuvre par la douane, au regard des comportements des organisations criminelles sur le territoire français, dont la situation géographique au sein de l'UE en fait une zone de transit des convois le plus souvent en provenance ou à destination des pays limitrophes, comme l'Espagne ou la Belgique.

Parmi ces limites figurent :

- l'interdiction de consultation des données captées par les LAPI si elles n'ont pas donné lieu à un rapprochement positif avec les traitements FOVES et SIS , ou si elles ne font pas l'objet d'une procédure pénale ou douanière ;

- la limitation du délai de conservation à 30 jours en cas de hit avec les fichiers FOVES, et SIS, ou à défaut 15 jours, sauf en cas d'ouverture d'une enquête pénale ou douanière. Or, les constatations réalisées par les services douaniers sur les organisations criminelles au cours des dernières années sur le vecteur routier mettent en évidence leur professionnalisation et leur détermination croissantes pour le transport de marchandises de fraude (notamment de produits stupéfiants) par convoi routier.

En effet, les organisations criminelles, quel que soit le trafic, privilégient de plus en plus les convois routiers comme mode opératoire, avec une multiplication des techniques de contournement des dispositifs de détection et de contrôle, et une augmentation des refus d'obtempérer, transformant les véhicules en armes par destination et mettant en danger les agents.

Ces organisations criminelles étalent leurs opérations de transfert de marchandises de fraude dans le temps pour déjouer la surveillance des autorités. Les véhicules destinés à participer aux convois quittent le territoire national bien en amont des opérations envisagées, pendant une durée suffisante (de plusieurs semaines à plusieurs mois) pour être oubliés des autorités, avant de revenir en France. Ils sont alors associés à d'autres véhicules, acheminés séparément lors de leur retour en France. Cette fragmentation des convoyages de produits stupéfiants, sciemment espacés dans le temps, s'est amplifiée avec la crise sanitaire dans un contexte de présence renforcée des forces de sécurité intérieure sur le territoire national. Ce type de pratique représente environ 2/3 des convois routiers.

L'identification de l'ensemble des véhicules d'un convoi est un enjeu d'efficacité et de sécurité pour les agents et les autres usagers de la route, car il permet de définir finement le dispositif d'entrave. Pour répondre à cet impératif opérationnel, l'administration des douanes exprime le souhait de voir évoluer le dispositif LAPI dans deux directions complémentaires :

a) La nécessité d'avoir une profondeur de temps suffisante et donc de pouvoir consulter les données enregistrées dans un temps plus long (4 mois de conservation) afin de sécuriser la préparation des entraves, en ayant une connaissance précise des convois à intercepter. L'allongement du délai de conservation à 4 mois trouve sa motivation dans des exemples issus des observations de l'administration des douanes :

- Renseignement obtenu en juin 2021 par le service sur un prochain convoyage de produits stupéfiants. L'information porte sur un véhicule X dont la fonction dans le convoi n'est pas connue. Ce véhicule serait redescendu en Espagne dans le cadre d'un trafic illicite de stupéfiants début mars et serait revenu en France fin mars pour un premier convoyage, avant de retourner en Espagne fin avril en prévision d'un nouveau trajet. Les dates sont trop anciennes pour qu'il soit possible de reconstituer ces trajets dans la base LAPI, dont la profondeur est limitée à 15 jours.

- Le 15 juin 2021, hit LAPI du véhicule X. Le service prépare un dispositif d'entrave sans avoir pu identifier au préalable le ou les autres véhicules du convoi. Un second véhicule Y est tardivement identifié comme faisant partie du convoi. Son rôle (2nd véhicule éclaireur ou véhicule porteur) n'est néanmoins pas connu. Le dispositif d'entrave n'est donc pas adapté pour cibler le bon véhicule (le porteur) et expose les agents et les usagers de la route à un risque élevé en cas de refus d'obtempérer.

Dans ce cadre, l'allongement de la durée de conservation aurait pu permettre :

- De corroborer et d'enrichir le renseignement obtenu par le service sur le véhicule X (effectivité des voyages en mars et avril) ;

- De comprendre et d'identifier le mode opératoire de l'organisation pour les trajets Espagne - France (identification de véhicules complices) et le rôle de chaque véhicule lors des précédentes opérations de convoyage ;

- De mieux adapter le dispositif d'entrave à mettre en place en alertant les agents de contrôle sur la présence d'un véhicule supplémentaire susceptible d'interférer avec l'opération et d'en permettre la réalisation dans des conditions de sécurité optimales ;

- A titre illustratif, au cours du premier semestre 2021, la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) n'a pu identifier les véhicules impliqués dans un trafic qu'au bout de 4 mois d'enquête, dans 32 dossiers. Dans 16 dossiers, les véhicules ont été identifiés au-delà de ces 4 mois. L'absence de profondeur de temps empêche d'analyser a posteriori les trajets effectués par ces véhicules et donc le mode opératoire des organisations criminelles ;

- Sur la même période, parmi les 94 véhicules entravés, 50 l'ont été après un à deux mois d'enquête, 25 après trois à quatre mois d'enquête et 19 après cinq à six mois d'enquête. Ces entraves ont permis de saisir sur cette période, 6 6171 kg de tabacs, 12 608 kg de cannabis, 19,5 kg de cocaïne, 119 kg d'héroïne et 75 kg de drogues de synthèses. Ces données permettent d'illustrer le temps long dans lequel s'inscrivent les organisations criminelles fonctionnant par convoi ;

- Par ailleurs, il souligne le fait que faute de détection de ces véhicules de convoi de drogue ou de tabac avant le 29ème jour après son passage devant un capteur LAPI, faute de détection et d'ouverture d'enquête douanière, ces données sont effacées.

b) La nécessité de pouvoir interroger les capteurs au-delà des seules requêtes actuellement autorisées afin de connaître le mode opératoire des réseaux. Il s'agit de pouvoir réaliser des recherches sans cible prédéterminée dans le cadre d'une procédure douanière ou judiciaire : détection de plaques étrangères sur une période et un itinéraire donnés ; détection de comportements suspects.

Dans la mesure où les durées de conservation et les traitements autorisés figurent à l'article L. 233-2 du code de la sécurité intérieure, il est nécessaire de légiférer pour apporter une dérogation à ces principes.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Pays de consommation ou de transit, la France est traversée quotidiennement par des véhicules routiers (voitures individuelles, poids-lourds, véhicules utilitaires), cherchant à acheminer des produits stupéfiants sur le territoire national et dans toute l'Europe.

La création d'un système interministériel de lecture automatisé des plaques d'immatriculation (LAPI) a constitué une première réponse des pouvoirs publics face aux risques associés à l'usage des véhicules routiers par les organisations criminelles.

Le contexte criminel actuel impose toutefois un élargissement de ce dispositif, en ouvrant aux services douaniers compétents une capacité de détection, reposant en particulier sur un allongement de la durée légale de stockage des données LAPI et sur un élargissement des types de recherches possibles.

Le principal objectif poursuivi est de renforcer la capacité des services douaniers, et notamment de la DNRED, à entraver et démanteler ces organisations criminelles.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Il a été envisagé de proposer directement une modification des articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de la sécurité intérieure pour introduire une dérogation à la durée de conservation et des possibilités de traitements supplémentaires pour la seule finalité de prévention et de lutte contre la criminalité organisée.

Cette option a été écartée par souci de garantir que les atteintes à la vie privée opérées par de telles dérogations sont rendues nécessaires pour lutter contre la fraude commise en bande organisée.

3.2. OPTION RETENUE

Il est donc proposé non pas de modifier directement le code de la sécurité intérieure mais d'expérimenter pendant une durée de trois ans l'allongement de la durée de conservation des données collectées par les dispositifs LAPI durant un délai maximum de quatre mois et de permettre au service de renseignement du premier cercle de la douane (direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières : DNRED) de réaliser des recherches multicritères dans cette base constituée. Ces agents individuellement et spécialement habilités, au nombre limité, sont affectés au sein DNRED.

Cette expérimentation poursuivra la seule finalité de prévention et de constatation des infractions de contrebande, d'importation ou d'exportation commises en bande organisée, prévues et réprimées par le dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes, ainsi que la constatation, lorsqu'elles portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions, de la réalisation ou de la tentative de réalisation des opérations financières définies à l'article 415 du même code et afin de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs.

Ces agents précités pourraient exploiter les données collectées au titre de l'article L.233-1 du code de la sécurité intérieure au moyen de traitements réalisés en fonction de critères de recherche définis par décret en Conseil d'État, destinés exclusivement à détecter des mouvements susceptibles de révéler les infractions précitées, et excluant toute exploitation de la photographie des occupants des véhicules.

Ni le traitement existant ni le traitement projeté ne comportent de données relevant du I de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l'origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l'appartenance syndicale d'une personne physique ou de traiter des données génétiques, des données biométriques aux fins d'identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l'orientation sexuelle d'une personne physique).

Aucune interconnexion ou mise en relation automatisée avec d'autres traitements de données à caractère personnel ne serait prévue. Ces traitements procéderont exclusivement à un signalement d'attention, strictement limité à l'identification des infractions précitées qu'ils ont été programmés pour détecter. Ils ne pourront fonder, par eux-mêmes, aucune décision individuelle ou acte de poursuite, et devront être enrichis de surveillance de terrain.

Les données à caractère personnel mentionnées au premier alinéa ne pourront pas faire l'objet d'une opération de collecte, de traitement et de conservation de la part d'un sous-traitant de droit privé, à l'exception de la conception des outils de traitement des données.

Les modalités de mise en oeuvre de la disposition seront fixées par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et préciseront notamment les critères de recherche utilisés, le nombre maximal de dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules concernés (qui s'élèverait à maximum 200 capteurs) et les axes de circulation où ils sont installés sur le territoire, tels qu'en particulier les zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires ainsi que les axes de transit national et international. Au regard de son contenu et de ses caractéristiques, ainsi que pour des motifs et bonne administration, cet acte réglementaire vaudra acte de mise en oeuvre du traitement.

Cette base de données et les opérations réalisées dans cette base seront soumises au contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Les critères de recherche seront précisés par arrêté/décret pris conformément à l'article 31 III de la loi Informatique et libertés. Cette absence de publication de cet acte réglementaire se justifie par la nécessaire discrétion des services quant à leur stratégie d'enquête mise en oeuvre aux fins d'identifier et de démanteler ces organisations criminelles. De plus, une analyse d'impact relative à la protection des données à caractère personnel (AIPD) sera rédigée pour ce traitement.

Cette expérimentation fera l'objet d'un rapport d'évaluation soumis au Parlement et à la CNIL afin de mesurer les effets d'une telle modification, en particulier l'effectivité des garanties sur la protection des données à caractère personnel et le droit à la vie privée, et l'intérêt de l'expérimentation pour la lutte contre la criminalité organisée.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les dispositions de l'article 11 ne sont pas codifiées dans la mesure où elles sont prévues à titre expérimental.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Le droit de l'Union européenne encadre les conditions de mise en oeuvre de traitements de données à caractère personnel, au travers des textes suivants :

- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données, RGPD). Ce règlement de l'Union est la nouvelle norme de référence concernant le traitement et la protection des données personnelles. Le RGPD encadre la collecte et l'utilisation des données personnelles par une série principes directeurs énoncés aux articles 5 et suivants qui constituent le coeur du règlement. Son objectif est d'harmoniser les règles de protection des données personnelles dans tous les États membres afin de renforcer les droits des personnes et de responsabiliser les acteurs publics et privés qui traitent des données personnelles. Les administrations sont rendues pleinement responsables de la protection des données qu'elles traitent. Il leur appartient d'assurer la conformité des traitements mis en oeuvre et de pouvoir démontrer cette conformité à tout moment ;

- la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données (dite directive « police-justice »), transposée au titre III de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (articles 87 et suivants).

Le RGPD a vocation à s'appliquer à l'ensemble des traitements de données à caractère personnel dans les États membres, y compris dans le secteur public, à l'exception toutefois des traitements mis en oeuvre pour l'exercice d'activités qui ne relèvent pas du champ d'application du droit de l'Union européenne, telles que les activités de sûreté de l'Etat ou de défense nationale, et ceux mis en oeuvre aux fins de la directive « Police-Justice ». Ainsi, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) sont régis, selon leurs finalités et caractéristiques, par ces différents textes.

La présente expérimentation est plus particulièrement soumise au régime de la directive (UE) 2016/680, transposée au titre III de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dite loi informatique et libertés. Au regard des caractéristiques du traitement proposé, une analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD) sera réalisée en application de l'article 90 de la loi précitée.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Le lancement de l'expérimentation rend nécessaire de faire évoluer l'outil LAPI développé par un prestataire. Le marché en cours de finalisation à droit constant devra faire l'objet d'avenant ultérieur pour prendre en compte ces besoins nouveaux. La mesure sera financée sur le budget global de la douane.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Cette mesure poursuit l'objectif d'accroître la lutte contre les grandes fraudes douanières, notamment de drogue et de tabac, empruntant le vecteur routier pour assurer leur transport, et de contribuer à la protection de la population, de la santé publique en réduisant l'acheminement de ces substances vers les citoyens. S'agissant de la lutte contre le trafic de tabac, un impératif de protection des finances publiques est également prégnant. A ces égards, la mesure poursuit un intérêt général et participe à l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La Commission nationale de l'informatique et des libertés, obligatoirement consultée en application du a) du 4° du I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, a rendu son avis par délibération n° 2023-026 du 23 mars 2023.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application de l'expérimentation, et notamment les critères de recherche utilisés, le nombre maximal de dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules concernés et les axes de circulation où ils sont installés sur le territoire.

Article 12 - Prévention des infractions commises par l'intermédiaire d'internet

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le cadre juridique permettant de lutter contre les contenus illicites en ligne a été considérablement modifié ces dernières années. La tendance législative est en effet à renforcer les obligations pesant sur les acteurs privés en matière de signalement et de retrait des contenus illicites.

La liste des matières concernées par cette obligation s'est constamment allongée. Dans leur rédaction initiale, les dispositions du 7 de l'article 6-I de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, imposaient aux hébergeurs de concourir à la répression de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine. Y figurent en outre désormais, du fait d'ajouts successifs, les atteintes à la dignité humaine et l'incitation à la violence, au sein de laquelle l'incitation aux violences faites aux femmes est spécifiquement mentionnée, la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap, et enfin la provocation à la commission d'actes de terrorisme et de leur apologie.

Le point 8 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, introduit par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, crée une nouvelle modalité d'intervention du juge sur les contenus en ligne :

« 8. Le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire à toute personne susceptible d'y contribuer toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne ».

À ces obligations de mise en place de dispositifs de signalement peuvent, dans certains cas, s'ajouter d'autres dispositifs de retrait sur ordre de l'autorité administrative. La loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a ainsi inséré dans la loi du 21 juin 2004, un nouvel article 6-1 qui permet à l'autorité administrative de demander aux éditeurs et aux hébergeurs de retirer des contenus contraires articles 227-23 et 421-2-5 du code pénal qui punissent respectivement la pornographie enfantine et le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes.

En ce qui concerne le code de la consommation, la direction générale de la concurrence et de la consommation (DGCCRF) peut, en application l'article L. 521-3-1 du code de la consommation, après avoir constaté des infractions prévues par ce code, ordonner aux opérateurs de plateformes en ligne au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, aux personnes relevant du 1° du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée ou aux personnes qui exploitent des logiciels permettant d'accéder à une interface en ligne, l'affichage d'un message avertissant les consommateurs du risque de préjudice encouru lorsqu'ils accèdent au contenu manifestement illicite.

Si l'infraction précitée est passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins 2 ans, et porte une atteinte grave à la loyauté des transactions, la DGCCRF peut :

- ordonner aux personnes relevant du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation, en leur notifiant les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites (soit les adresses des annonceurs ayant commis l'infraction), de prendre toute mesure utile destinée à faire cesser leur référencement ;

- ordonner aux opérateurs et personnes mentionnés au 1° de l'article L. 521-3-1 du code précité ou au 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, en leur notifiant les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites, de prendre toute mesure utile destinée à en limiter l'accès ;

- ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d'enregistrement de noms de domaines de prendre une mesure de blocage d'un nom de domaine, d'une durée maximale de trois mois renouvelable une fois, suivie, si l'infraction constatée persiste, d'une mesure de suppression ou de transfert du nom de domaine à l'autorité compétente.

Sur le plan douanier, la vente en ligne de marchandises prohibées à l'importation est courante. Ces marchandises, le plus souvent proposées à la vente à distance depuis des pays tiers à l'Union européenne, sont achetées en ligne et expédiées vers la France par voie postale ou par fret express. L'importation de marchandises prohibées est sanctionnée par l'article 414 du code des douanes qui prévoit, en plus d'une peine d'emprisonnement de trois ans et d'une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l'objet de fraude (lesquelles peuvent, selon les délits douaniers constatés, être portées à 5 ans voire 10 ans d'emprisonnement et aller jusqu'à trois fois voire 10 fois la valeur de l'objet de fraude), la confiscation de l'objet de fraude, la confiscation des moyens de transport, la confiscation des objets servant à masquer la fraude, ainsi que la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction.

De même, l'article 568 ter du code général des impôts interdit la vente et l'acquisition en ligne de tabac. Ces infractions sont sanctionnées par le 10° de l'article 1810 du même code par un an d'emprisonnement, et la confiscation des moyens de transport. Le présent projet de loi prévoit une aggravation de la peine d'emprisonnement, afin de la porter à trois ans.

Il n'existe pas dans le code des douanes de disposition qui permet de lutter contre les contenus illicites en ligne, portant sur des marchandises prohibées à l'importation ou du tabac dont la vente et l'acquisition en ligne sont interdites.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La protection constitutionnelle de la liberté d'expression et de communication se fonde sur l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

Dans sa décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, le Conseil constitutionnel s'assure à la fois du respect de la liberté d'expression et de communication sur internet, ce qu'il a à nouveau confirmé dans sa décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020. Cette liberté protège ainsi à la fois ceux qui s'informent et ceux qui s'expriment et échangent sur internet.

Toutefois, après avoir rappelé que la liberté d'expression et de communication est « d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés », le Conseil constitutionnel a jugé que « les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi » ( décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, point 15). Ce faisant, il a expressément soumis les atteintes à cette liberté à un contrôle de proportionnalité.

S'agissant plus particulièrement des dispositifs administratifs de restrictions à l'exercice de la liberté d'expression, le Conseil constitutionnel s'assure que de telles restrictions ne portent que sur des contenus illicites et qu'elles sont entourées de garanties suffisantes.

a) Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 précitée

Le Conseil constitutionnel a censuré un dispositif de coupure administrative de l'accès à internet de toute personne, notamment depuis son domicile, en cas d'usage non respectueux de la propriété intellectuelle. Cette coupure pouvait être prononcée, à titre de sanction, par la commission de protection des droits de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi). Le Conseil a jugé que « les pouvoirs de sanction institués par les dispositions critiquées habilitent la commission de protection des droits, qui n'est pas une juridiction, à restreindre ou à empêcher l'accès à internet de titulaires d'abonnement ainsi que des personnes qu'ils en font bénéficier ; que la compétence reconnue à cette autorité administrative n'est pas limitée à une catégorie particulière de personnes mais s'étend à la totalité de la population ; que ses pouvoirs peuvent conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile ; que, dans ces conditions, eu égard à la nature de la liberté garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les droits des titulaires du droit d'auteur et de droits voisins » (point 16).

b) Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011

Le Conseil constitutionnel était saisi des dispositions de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, dans une rédaction qui prévoyait que : « Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l'article 227-23 du code pénal le justifient, l'autorité administrative notifie aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l'accès sans délai ».

Le Conseil a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution après avoir énoncé, en premier lieu, « [qu'il] n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ; qu'en instituant un dispositif permettant d'empêcher l'accès aux services de communication au public en ligne diffusant des images pornographiques représentant des mineurs, le législateur n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ; qu'en prévoyant que les surcoûts résultant des obligations mises à la charge des opérateurs seraient, s'il y a lieu, compensés, il n'a pas méconnu l'exigence constitutionnelle du bon usage des deniers publics » (point 7).

En second lieu, il a jugé que « les dispositions contestées ne confèrent à l'autorité administrative que le pouvoir de restreindre, pour la protection des utilisateurs d'internet, l'accès à des services de communication au public en ligne lorsque et dans la mesure où ils diffusent des images de pornographie infantile ; que la décision de l'autorité administrative est susceptible d'être contestée à tout moment et par toute personne intéressée devant la juridiction compétente, le cas échéant en référé ; que, dans ces conditions, ces dispositions assurent une conciliation qui n'est pas disproportionnée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et la liberté de communication garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » (point 8).

c) Décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020

Le Conseil constitutionnel a en revanche censuré, sur le fondement de la liberté d'expression et de communication, des dispositions imposant à certains opérateurs de plateforme en ligne de retirer, dans un délai d'une heure, des contenus diffusés en ligne à caractère terroriste ou pédopornographique et, sous vingt-quatre heures, des contenus illicites en raison de leur caractère haineux ou sexuel.

Le Conseil constitutionnel a admis que l'objectif poursuivi par le législateur était de nature à justifier l'adoption de mesures susceptibles de restreindre l'exercice de la liberté d'expression et de communication. Il a ainsi reconnu que « la diffusion d'images pornographiques représentant des mineurs, d'une part, et la provocation à des actes de terrorisme ou l'apologie de tels actes, d'autre part, constituent des abus de la liberté d'expression et de communication qui portent gravement atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers » (point 6).

Cependant, le Conseil a considéré que, en dépit de la pertinence de l'objectif poursuivi, les dispositions contestées portaient à la liberté d'expression une atteinte qui n'était pas adaptée, nécessaire et proportionnée, notamment en raison du délai d'une heure laissé à l'éditeur ou l'hébergeur pour déférer à la demande de l'administration, lequel ne lui permettait pas, même en contestant en référé cette demande, d'en faire examiner la légalité avant de devoir y déférer, sous peine d'une lourde sanction pénale pouvant atteindre un an d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende.

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs censuré, dans cette même décision, les dispositions de la loi qui visaient également à imposer à certains opérateurs de plateforme en ligne, sous peine de sanction pénale, de retirer ou de rendre inaccessibles dans un délai de vingt-quatre heures des contenus manifestement illicites en raison de leur caractère haineux ou sexuel (point 10 à 20).

d) Décision n° 2022-841 DC du 13 août 2022

Le Conseil a été saisi des dispositions qui visaient à adapter la législation au règlement (UE) n° 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne. Ces dispositions déterminaient l'autorité compétente pour émettre une injonction de retrait de tels contenus, les conditions du recours ainsi que la nature et le quantum des sanctions applicables aux opérateurs visés par cette injonction.

Le Conseil a relevé, en premier lieu, que l'injonction de retrait qui peut être émise par une autorité administrative « ne peut porter que sur des contenus à caractère terroriste précisément définis et limitativement énumérés à l'article 2 du règlement du 29 avril 2021 » (§ 13).

Il a par ailleurs relevé que « l'article 3 du même règlement prévoit que l'injonction de retrait émise par l'autorité administrative compétente doit comporter non seulement la référence au type de contenu concerné, mais aussi une motivation suffisamment détaillée expliquant les raisons pour lesquelles il est considéré comme ayant un caractère terroriste » (point 14).

Le Conseil a déduit de ces différents éléments que la détermination du caractère terroriste des contenus en cause n'était donc « pas laissée à la seule appréciation de l'autorité administrative que les dispositions contestées désignent pour émettre des injonctions de retrait » (§ 16).

e) Décision n° 2022-1016 QPC du 21 octobre 2022

Le Conseil constitutionnel a considéré que le a) du 2 ° de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière était conforme à la Constitution.

Après avoir précisé l'objet des dispositions contestées, qui confèrent à l'autorité administrative compétente le pouvoir d'ordonner le déréférencement des adresses électroniques d'interfaces en ligne dont les contenus présentent un caractère illicite (point 6), le Conseil a constaté que ces dispositions portent atteinte à la liberté d'expression et de communication, dès lors qu'elles permettent « de limiter l'accès des utilisateurs à des sites internet ou à des applications en imposant la disparition de leurs adresses électroniques dans le classement ou le référencement mis en oeuvre par les opérateurs de plateforme en ligne » (point 7).

S'agissant tout d'abord de l'objectif poursuivi par les dispositions contestées, il ressort des travaux préparatoires qu'en confiant à l'autorité administrative un tel pouvoir, au titre des mesures destinées à faire cesser certaines pratiques commerciales frauduleuses commises notamment sur des places de marché numériques, le législateur a entendu renforcer la protection des consommateurs et assurer la loyauté des transactions commerciales en ligne. Dans le prolongement de ses précédentes décisions, le Conseil a souligné que le législateur avait ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général (point 8).

Le Conseil constitutionnel a ensuite pris en considération les conditions dans lesquelles le pouvoir d'ordonner le déréférencement est susceptible d'être exercé par l'administration.

À cet égard, il a souligné le champ d'application limité de cette mesure, au regard de la nature et de la gravité des pratiques en cause, puisque :

1. « d'une part, la mesure de déréférencement ne s'applique qu'à des sites internet ou à des applications, exploités à des fins commerciales par un professionnel ou pour son compte, et permettant aux consommateurs d'accéder aux biens ou services qu'ils proposent, lorsqu'ont été constatées à partir de ces interfaces des pratiques caractérisant certaines infractions punies d'une peine d'au moins deux ans d'emprisonnement et de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs » (point 9) ;

2. d'autre part, le Conseil a relevé que « seules peuvent faire l'objet d'un déréférencement les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus présentent un caractère manifestement illicite » (même point).

Le Conseil a également tenu compte du fait que le pouvoir de déréférencement n'a vocation à être exercé par l'administration qu'après que celle-ci aura soit tenté en vain d'obtenir du professionnel exploitant l'interface en ligne qu'il se mette en conformité, soit cherché sans y parvenir à identifier ce dernier. Il ressort des termes mêmes de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation qu'une telle mesure ne peut en effet être mise en oeuvre que si l'auteur de la pratique frauduleuse n'a pas pu être identifié, ou s'il n'a pas déféré à une injonction de mise en conformité, laquelle est prononcée après une procédure contradictoire et peut être contestée devant le juge compétent (point 10).

Le Conseil a relevé, en outre, s'agissant des garanties entourant cette mesure, que le délai fixé à l'autorité administrative pour procéder au déréférencement ne peut être inférieur à quarante-huit heures, ce qui permet aux intéressés de contester utilement la mesure par la voie d'un recours en référé (point 11).

Enfin, s'appuyant sur les termes du dernier alinéa de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation, le Conseil a précisé que « les dispositions contestées permettent, sous le contrôle du juge qui s'assure de sa proportionnalité, que la mesure de déréférencement s'applique à tout ou partie de l'interface en ligne » (point 12). Il revient ainsi en tout état de cause au juge administratif d'apprécier si, au regard d'éléments tels que la nature, la gravité ou l'ampleur des pratiques en cause, il apparaît justifié qu'un déréférencement s'applique, par exemple, à une ou plusieurs pages d'un site en ligne ou à l'ensemble d'un site ou d'une application commerciale.

Compte tenu de ces éléments, le Conseil a jugé que le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'expression et de communication devait être écarté.

S'agissant de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre. Après avoir rappelé les termes du contrôle qu'il opère sur le fondement de l'article 4 de la Déclaration de 1789 (point 14), il a constaté qu'en permettant à l'autorité administrative d'ordonner le déréférencement des adresses électroniques des interfaces en ligne proposant des biens ou services, les dispositions contestées portent atteinte à la liberté d'entreprendre (point 15). Le Conseil a néanmoins considéré que ces dispositions « n'ont pas pour effet d'empêcher les exploitants de ces interfaces d'exercer leurs activités commerciales » dans la mesure où leurs adresses électroniques sont toujours accessibles directement en ligne (même point). Dès lors, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés à propos de la liberté d'expression et de communication, il a jugé que les dispositions contestées ne portaient pas d'atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

Après avoir relevé que les dispositions contestées ne méconnaissaient pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil les a donc déclarées conformes à la Constitution (point 16).

Il se dégage de l'ensemble de l'exposé jurisprudentiel que si, en présence de mesures administratives de restriction de cette liberté, le Conseil constitutionnel se montre particulièrement attentif aux conditions dans lesquelles l'autorité compétente peut exercer de tels pouvoirs, il n'exige pas nécessairement l'intervention préalable d'un juge, dès lors notamment que l'administration voit son action suffisamment encadrée et que des recours effectifs sont garantis par la loi.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, garantit la liberté d'expression. Le Conseil de l'Europe a diffusé la recommandation relative à la liberté d'internet ( Recommandation CM/Rec (2016) du Conseil de l'Europe sur la liberté d'interne) et le guide des droits de l'homme des utilisateurs d'internet ( Conseil de l'Europe, Guide des droits de l'homme pour les utilisateurs de l'internet, 2 mai 2017).

Ces outils visent à informer les particuliers, mais aussi les entreprises et les pouvoirs publics sur leurs droits et leurs obligations afin de promouvoir un usage responsable d'internet par l'ensemble des acteurs concernés.

La Cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée, dans un arrêt du 2 février 2016, Index.hu/Hongrie, requête. n° 22947/13, sur la responsabilité d'un éditeur de site au regard des commentaires mis en ligne par les internautes. Après avoir relevé que ces commentaires n'étaient pas, en l'espèce, « clairement illicites », la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) a considéré que la mise en jeu de la responsabilité pénale du responsable d'un site pouvait avoir un effet dissuasif sur la liberté d'expression sur Internet. Dans cet arrêt, la Cour a estimé que la Hongrie a violé l'article 10 de la CEDH en ne cherchant pas un juste équilibre entre la liberté d'expression qui doit être garantie, et l'intérêt des sites commerciaux lésés. La Cour estime que même s'ils étaient injurieux, l'illégalité des commentaires n'était pas manifeste, et qu'il n'y avait donc pas à reprocher au média d'avoir choisi de les laisser en ligne.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes n'a pas connaissance de l'existence d'un dispositif de blocage en ligne par une administration douanière dans d'autres Etats.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La part des ventes au détail en ligne est passée de 16 % en 2019 à 19 % du total des ventes au détail en 2020 ( rapport de la CNUCED 3 mai 2021).

Selon la Fédération du e-commerce et des ventes à distance (FEVAD), le secteur du e-commerce totalise 146,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2022, soit une hausse de 13,8% par rapport à l'année précédente. En 2022, 2,3 milliards de transactions ont été réalisées sur des sites de vente sur internet (produits et services confondus), soit une hausse de 6,5%. Sur l'ensemble de l'année écoulée, la part du e-commerce dans la vente de produits est estimée à 12,5% du commerce de détail. Le nombre de sites marchands actifs a progressé en 2022 de 5% avec plus de 10 000 nouveaux sites en un an.

Si la plupart de ces achats sont légaux, le commerce en ligne est aussi très utilisé pour la vente de contrefaçons (62 % des constatations douanières en la matière ont été effectuées en 2020 dans le fret express et postal), de médicaments falsifiés ou de tabacs. Ces achats se font via des plateformes en ligne qui proposent à la vente ces produits prohibés, en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne.

A titre d'exemple, l'administration des douanes mène, depuis plus de deux ans, une opération contre les contrefaçons vendues sur les plateformes de vente en ligne européennes en lien avec Europol et six partenaires européens, qui a permis de saisir 16,7 millions de contrefaçons, principalement des jouets. Ces articles, en provenance de Chine, pour beaucoup particulièrement dangereux, sont destinés à un jeune public. Ils copient les marques protégeant leurs héros préférés, tirés de dessins animés, mangas, jeux vidéos ou films célèbres ( rapport sur les résultats de 22 mois d'opérations coordonnées contre les contrefaçons vendues sur des plateformes de vente en ligne européennes à destination du jeune public - septembre 2022).

L'importation de ces produits, commandés en ligne, alors qu'ils sont interdits ou mal déclarés, est constitutive d'une infraction douanière. Or, la fraude est grandement facilitée par les spécificités du commerce en ligne : anonymat, sentiment d'impunité, volatilité des sites (dénomination, adresse web, pays d'hébergement), et, bien sûr, l'extrême morcellement des envois.

Il convient donc d'adapter les capacités d'action des agents des douanes à ces spécificités, afin qu'ils puissent agir plus efficacement contre de telles fraudes. Dans ces conditions, il est important de responsabiliser les plates-formes de commerce en ligne et tout autre opérateur qui permettent via des annonces en ligne la fourniture de marchandises prohibées, importées ou destinées à être importées en France.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le futur chapitre VI bis du titre II du code des douanes vise à doter les agents des douanes d'un pouvoir d'incitation des opérateurs de plateformes en ligne, selon une procédure graduée, à être plus vigilants quant aux produits disponibles sur leurs sites. La procédure ne pourra être enclenchée que si a été constaté un délit douanier ou une infraction, prévue par le code général des impôts, en matière de vente ou acquisition à distance de tabac.

Si, suite au signalement, l'opérateur de plateforme n'a pas procédé au retrait des contenus ayant servi à commettre l'infraction, l'administration des douanes pourra :

- demander à tout opérateur de registre, bureau d'enregistrement de domaines ou exploitant de moteur de recherche, d'annuaire ou de service de référencement de prendre toutes mesures utiles, y compris la suspension du nom de domaine et le déréférencement pour une durée de trois mois renouvelable une fois, afin de prévenir la communication d'une adresse électronique des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites, donnant accès aux services fournis au public par l'intermédiaire concerné ;

- demander au tribunal judiciaire, la suppression d'un ou de plusieurs noms de domaine auprès de tout opérateur de registre ou de tout bureau d'enregistrement de domaines, ou d'un ou de plusieurs comptes de réseaux sociaux auprès d'un opérateur de plateforme en ligne, dont les contenus sont manifestement illicites.

Une mesure de publicité portant sur ces mesures pourra être mise en place.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Il a été envisagé de permettre l'engagement de la procédure prévue par le futur chapitre VI bis du titre II du code des douanes, alors qu'aucune infraction n'a été constatée au préalable. Le dispositif aurait fonctionné sur un simple soupçon que les contenus en ligne ciblés étaient susceptibles d'aboutir, soit à une importation d'une marchandise prohibée, donc illicite ou à une vente ou une acquisition à distance de tabac interdite par le code général des impôts.

Il est toutefois apparu qu'un tel dispositif portant atteinte à la liberté d'expression et de communication, ne pouvait être prévu sans qu'il soit d'abord établi que les contenus en ligne ont permis la commission d'un délit douanier ou d'une vente ou d'une acquisition à distance de tabac. Ce n'est qu'après avoir clairement établi le lien entre ces infractions et le contenu en ligne que la restriction pouvait être considérée comme adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi, à savoir la lutte contre les trafics de marchandises prohibées ou la vente ou l'acquisition de tabac en ligne.

3.2. OPTION RETENUE

La procédure prévue par l'article 12 ne peut être enclenchée que si les conditions cumulatives suivantes sont réunies (I de l'article 67 D-6) :

- une ou des infractions douanières prévues à l'article 414 du code des douanes ou en matière de vente à distance de tabac prévue par le 10° de l'article 1810 du code général des impôts sont constatées ;

- ces infractions sont commises en ayant recours à un moyen de communication électronique (par exemple : un client achète en ligne du tabac ou un client achète des marchandises de contrefaçons). Une fois l'acquisition réalisée en ligne, la marchandise a été expédiée en France et, donc, a fait l'objet d'une importation interdite. Le délit de l'article 414 du code des douanes peut alors être constaté. Sont repris ici les termes des articles 67 bis-1 A et 67 bis-1 du code des douanes qui organisent des pouvoirs de cyber-enquête avec l'enquête sous pseudonyme et le « coup d'achat » en ligne. On y mentionne les délits douaniers « commis par un moyen de communication électronique » ou les infractions « commises en ayant recours à un moyen de communication électronique ».

A la suite de la constatation de cette infraction, les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur, habilités par leur chef de circonscription, sollicitent les intermédiaires afin qu'ils apportent leurs observations sur les services de mise à disposition de contenus en ligne, ayant permis la commission de l'infraction constatée.

Les intermédiaires sont définis par l'article 67 D-5 du code des douanes, comme « les opérateurs de plateforme en ligne, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation et les personnes mentionnées au 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. ».

La commission de l'infraction constitue donc un préalable nécessaire à l'ouverture d'une procédure contradictoire avec les intermédiaires.

Après avoir pris connaissance des observations de l'intermédiaire ou en l'absence d'observations dans le délai imparti, les agents des douanes habilités peuvent rendre un avis motivé sur le fait que les contenus sont toujours mis à disposition en ligne, ce qui, par exemple, génère à nouveau une autre infraction au 10° de l'article 1810 du code général des impôts (II de l'art. 67 D-6).

Une fois qu'il a reçu l'avis motivé, l'intermédiaire donne des informations sur les mesures qu'il a prises et leur date d'effectivité, afin que les contenus en lignes soient retirés (III de l'article 67 D-6). Cette information doit être adressée dans un délai fixé dans l'avis motivé qui ne peut être inférieur à 48 heures.

Enfin la dernière étape, prévue par l'article 67 D-7 permet, si l'intermédiaire n'agit pas à la suite de la procédure contradictoire prévue par l'article 67 D-6, aux agents des douanes habilités :

- de demander à tout opérateur de registre, bureau d'enregistrement de domaines ou exploitant de moteur de recherche, d'annuaire ou de service de référencement de prendre toutes mesures utiles, y compris la suspension du nom de domaine et le déréférencement pour une durée de trois mois renouvelable une fois, afin de prévenir la communication d'une adresse électronique des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites, donnant accès aux services fournis au public par l'intermédiaire concerné ;

- de demander au tribunal judiciaire, selon la procédure prévue à l'article 375 du code des douanes, la suppression d'un ou de plusieurs noms de domaine auprès de tout opérateur de registre ou de tout bureau d'enregistrement de domaines, ou d'un ou de plusieurs comptes de réseaux sociaux auprès d'un opérateur de plateforme en ligne, dont les contenus sont manifestement illicites.

Les mesures ci-dessus peuvent faire l'objet d'une mesure publicité.

L'ensemble de la procédure sera précisé par décret.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure crée un chapitre V bis dans le titre II du code des douanes, composé des articles 67 D-5 à 67 D-8.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La directive n° 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, dite « directive sur le commerce électronique », définit en son article 14 l'hébergement et précise à cet égard que : « 1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que :

a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicite et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente

ou

b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible. ».

Le règlement (UE) n° 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive n° 2000/31/CE (règlement DSA) a pour objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur des services intermédiaires en établissant des règles harmonisées pour un environnement en ligne sûr, prévisible et fiable (art. 1). En dehors des dispositions sur la responsabilité des fournisseurs de services intermédiaires (chap. 2), le texte impose de nombreuses obligations de diligence (chap. 3). Les obligations de base applicables à tous les services intermédiaires sont ensuite accentuées pour les fournisseurs de services d'hébergement, puis pour les plateformes en ligne et les très grandes plateformes en ligne suivant un système cumulatif.

Le règlement DSA remplace les articles 12 à 15 de la directive n° 2000/31/CE et confirme dans son article 8 que « les fournisseurs de services intermédiaires ne sont soumis à aucune obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent ou de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illégales. ».

Cependant, son article 9 prévoit la possibilité d'émettre une injonction d'agir contre un ou plusieurs éléments spécifiques de contenu illicite et définit les conditions de cette injonction, dont la mise en oeuvre relève des Etats membres.

La Cour de justice a jugé que le statut de l'hébergeur s'appliquait au prestataire d'un service de référencement en ligne lorsque celui-ci ne joue pas « un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées » ( CJUE, 23 mars 2010, Google France c/ Vuitton, C-236/08) ou, de même, à l'exploitant d'une place de marché en ligne, sauf toutefois si cet exploitant joue un rôle actif à l'égard d'offres à la vente dont il optimise la présentation ou qu'il promeut ( CJUE, 12 juillet 2011, L'Oréal c/ eBay, C-324/09).

L'hébergeur n'est en revanche pas tenu de mettre en place un mécanisme général de surveillance des contenus illicites. ( CJUE, 24 novembre 2011, Scarlet Extended, aff. C-70/10, s'agissant d'un fournisseur d'accès à Internet et CJUE, 16 février 2012, SABAM c/ Netlog, aff. C-360/10, s'agissant d'un hébergeur) : selon la Cour, le droit de l'Union s'oppose à toute injonction qui imposerait à un prestataire de services d'hébergement de mettre en place un mécanisme de filtrage ou de surveillance généralisé. Un tel mécanisme, a jugé la Cour, imposerait en outre une charge disproportionnée à l'hébergeur au regard de sa liberté d'entreprendre et « risquerait de porter atteinte à la liberté d'information, puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d'entraîner le blocage de communications à contenu licite ».

En revanche , la directive n° 2000/31/CE ne s'oppose pas à ce qu'une juridiction d'un État membre, lorsque le contenu d'une information est identique ou équivalent à celui d'une information déjà déclarée illicite, puisse enjoindre à un prestataire de supprimer l'information et de bloquer son accès, à condition que la surveillance et la recherche des informations concernées par une telle injonction se limitent aux informations qui véhiculent un message dont le contenu demeure inchangé par rapport à celui ayant donné lieu à la déclaration d'illicéité. Les différences dans la formulation du contenu équivalent, par rapport à l'information déclarée illicite précédemment, ne doivent pas être de nature à contraindre le prestataire de procéder à une appréciation autonome de ce contenu ( CJUE, 3 octobre 2019, Glawschnig-Piesczek,caff. C-18/18).

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

La détection des annonces proposant à la vente en ligne des marchandises prohibées ou du tabac demande des mois d'enquête à la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).

Dans l'expérience menée par la douane en matière de contrefaçons entre 2021 et 2022, 5,5 millions d'articles ont déjà été saisis par les douaniers français et 11,2 millions d'articles ont été saisis dans les autres pays participants. Un entrepôt indépendant de stockage de ces marchandises prohibées a été démantelé en Espagne. Un coup important a ainsi été porté aux réseaux de fraude qui se voient privés de dizaines de millions d'euros de bénéfices.

Le renforcement de la lutte contre la vente en ligne de produits de contrefaçon va permettre une meilleure protection des titulaires des droits de propriété intellectuelle, victimes des trafics et subissant un préjudicie financier et d'image considérable.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Les entreprises principalement concernées sont les plates-formes de ventes en ligne (AMAZON, CDISCOUNT, Le BON COIN, E-BAY, VINTED, etc.), les hébergeurs web (OVH Cloud, IONOS, 02SWITCH) et les réseaux sociaux (FACEBOOK, INSTAGRAM, SNAPCHAT).

L'Association française pour le nommage Internet en coopération (Afnic), chargée de gérer le registre des noms de domaines en France, est également concernée par cette mesure.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure sera effectuée à effectifs constants, sans besoin de créer des services spécialisés ni de recruter des agents.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

La lutte contre le trafic de marchandises prohibées facilement accessibles en ligne ou la vente de tabac en ligne constitue un axe majeur de lutte contre les phénomènes criminels. A cet égard, elle concourt à la sécurité des populations et à la confiance dans l'économie numérique. La prévention des infractions commises par l'intermédiaire d'internet encourage les activités commerciales légales et permet d'évincer les acteurs illégaux de ce marché : vendeurs comme consommateurs.

Le trafic de marchandises prohibées et la vente en ligne de tabac sont la source de risques nombreux, comme les atteintes à la santé et à la sécurité des consommateurs, les dommages pour l'environnement, les pertes de ressources fiscales et sociales pour les collectivités publiques. La présente réforme vise à réduire ce phénomène.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

5.2.3. Textes d'application

Un décret viendra préciser les conditions d'application du chapitre V bis du titre II du code des douanes.

CHAPITRE III - ADAPTER LES INFRACTIONS ET LES SANCTIONS À LA RÉALITÉ DES FRAUDES

Article 13 - Moderniser le délit de blanchiment douanier

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Sur l'article 399 (définition de la notion douanière d'intéressement à la fraude)

L'article 399 du code des douanes dispose que :

1) sont passibles des mêmes peines que les auteurs d'infractions, « ceux qui ont participé comme intéressés d'une manière quelconque à un délit de contrebande ou à un délit d'importation ou d'exportation sans déclaration » ;

2) sont réputés intéressés à la fraude douanière :

a) les entrepreneurs, membres d'entreprise, assureurs, assurés, bailleurs de fonds, propriétaires de marchandises, et, en général, ceux qui ont un intérêt direct à la fraude ;

b) ceux qui ont coopéré d'une manière quelconque à un ensemble d'actes accomplis par un certain nombre d'individus agissant de concert, d'après un plan de fraude arrêté pour assurer le résultat poursuivi en commun. Dans le cas de la participation à un plan de fraude le prévenu doit cependant avoir eu conscience de coopérer à une opération irrégulière. Il n'est pas pour autant nécessaire d'établir contre lui la connaissance des modalités du plan de fraude, ni l'existence d'un concert frauduleux avec l'auteur principal, ni un profit personnel retiré de l'opération. Ce délit douanier ne peut toutefois être constitué, dans les cas de participation à un plan de fraude, que s'il est établi contre le prévenu un acte de participation dans l'exécution proprement dite du plan de fraude ;

c) ceux qui ont, sciemment, soit couvert les agissements des fraudeurs ou tenté de leur procurer l'impunité, soit acheté ou détenu, même en dehors du rayon, des marchandises provenant d'un délit de contrebande ou d'importation sans déclaration.

« L'intéressement à la fraude » est une notion spécifique au droit douanier qui ne se confond pas avec la complicité, dont les conditions de mise en oeuvre diffèrent ( art. 398 du code des douanes)27(*).

L'intéressement à la fraude ne s'applique qu'aux seuls délits douaniers, ainsi qu'aux infractions relatives à l'absence de déclarations d'argent liquide en provenance ou à destination de l'étranger ( article L. 152-4 du code monétaire et financier).

En application des dispositions de l'article 399 § 2 a) et b) du code des douanes, l'intention délictueuse du prévenu est présumée et n'a ainsi pas à être rapportée pour caractériser le délit de participation à la fraude en qualité d'intéressé.

En revanche, l'intérêt à la fraude ne peut être imputé à celui qui a agi en état de nécessité ou par suite d'erreur invincible ( 3° de l'article 399 du code des douanes), lesquels constituent ainsi des causes d'exonération de responsabilité. La jurisprudence a par ailleurs élargi l'exonération de responsabilité des personnes réputées intéressées à la fraude par la possibilité qui leur est offerte de démontrer leur bonne foi, condition moins restrictive que l'état de nécessité.

Enfin, selon la jurisprudence, l'article 399 du code des douanes n'institue, dans le respect du principe de la légalité des délits et des peines, qu'une présomption simple justifiée par la nature particulière des délits douaniers et reposant sur une vraisemblance raisonnable, tenant à la situation de la marchandise, telle que définie par la loi douanière et à la qualité de la personne, physique ou morale, participant aux opérations douanières, l'imputabilité des faits étant appréciée, dans chaque cas, par une juridiction indépendante et impartiale.

1.1.2. Sur l'article 415 du code des douanes (éléments constitutifs et sanctions du délit de blanchiment douanier)

Le délit douanier de blanchiment prévu à l'article 415 du code des douanes vise ceux « qui auront, par exportation, importation, transfert ou compensation, procédé ou tenté de procéder à une opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds qu'ils savaient provenir, directement ou indirectement » d'un délit prévu par le code des douanes, d'une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants ou encore d'un délit portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne.

Ce délit de blanchiment de produits financiers prévu à l'article 415 du code des douanes trouve son origine dans un amendement gouvernemental à la loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989. Cette nouvelle infraction visait alors à donner aux services des douanes les moyens nécessaires pour appréhender le blanchiment de produits financiers provenant du trafic de stupéfiants.

Circonscrite, à l'origine, au blanchiment de fonds en matière de stupéfiants, cette infraction a été étendue par la loi n°96-392 du 13 mai 1966 relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime au produit des délits réprimés par le code des douanes, d'une part pour adapter le droit interne aux engagements internationaux de la France et d'autre part, pour « amplifier la lutte contre toutes les formes d'utilisation des produits du crime ».

Enfin, les délits portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne sont venus compléter la liste des infractions d'origine, dans le cadre de l'ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne au moyen du droit pénal.

Dans le premier cas visé par l'article 415 du code des douanes (cf. « délit prévu au code des douanes »), pour que le délit douanier de blanchiment soit constitué, il est nécessaire que les fonds en cause proviennent, directement ou indirectement, d'une infraction au code des douanes et non pas d'une éventuelle infraction à la législation étrangère ( cass. crim. 4 mai 2016, n° 15-80.215), soit une infraction douanière nécessairement commise sur le territoire douanier. Dans les deux autres cas (infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants ou infraction portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne), les fonds peuvent, à l'instar des délits de blanchiment de droit commun, provenir directement ou indirectement d'une infraction commise à l'étranger.

L'article 415 du code des douanes énonce expressément que l'infraction n'est constituée que si la personne réalisant (ou tentant) l'opération financière avec l'étranger connaît l'origine frauduleuse des fonds.

Comme indiqué dans le commentaire au cahier du Conseil constitutionnel de la décision n° 2018-731 QPC du 14 septembre 2018 précitée, « ce délit de blanchiment, spécifique au droit douanier, se distingue de l'infraction de blanchiment de droit commun » prévue à l'article 324-1 du code pénal.

Les sanctions prévues par l'article 415 du code des douanes sont :

- une peine d'emprisonnement de dix ans ;

- la confiscation des sommes en infraction ou d'une somme en tenant lieu lorsque la saisie n'a pas pu être prononcée, la confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction ;

- et une amende comprise entre une et cinq fois la somme sur laquelle a porté l'infraction de blanchiment ou la tentative d'infraction. Cette amende peut aller jusqu'à dix fois la somme sur laquelle a porté l'infraction de blanchiment ou la tentative d'infraction lorsque celle-ci est commise en bande organisée.

1.1.3. Sur l'article 415-1 du code des douanes (renversement de la charge de la preuve de l'origine illicite des fonds)

L'article 415-1 du code des douanes étend en matière douanière le mécanisme de renversement de la charge de la preuve de l'origine illicite des fonds instauré pour le délit général de blanchiment ( article 324-1-1 du code pénal issu de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière). Ce dispositif vise à renforcer les moyens juridiques de lutte contre la fraude pour surmonter la difficulté d'établir que des fonds dont l'origine illicite est suspectée mais non prouvée, proviennent d'un délit douanier, d'un délit portant atteinte aux intérêts financiers de l'UE ou d'une infraction à la législation sur les stupéfiants.

Ainsi, pour l'application du délit douanier de blanchiment prévu à l'article 415 du code des douanes, les fonds sont présumés être le produit direct ou indirect d'un délit douanier, portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne ou d'une infraction à la législation sur les stupéfiants, dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération d'exportation, d'importation, de transfert ou de compensation ne paraissent obéir à d'autres motifs que de dissimuler les fonds ou une telle origine.

Il s'agit d'une présomption simple et non d'une présomption irréfragable. Les juges du fond ne peuvent écarter l'application de cette présomption au seul motif que le prévenu n'était pas en mesure de rapporter la preuve de l'origine des fonds qu'il transportait ( cass. crim. 9 décembre 2020 n° 19-86955) ou que l'infraction d'origine n'est pas identifiée ni caractérisée ( cass. crim. 20 mars 2019, n° 17-85664).

Enfin, la chambre criminelle de la Cour de cassation n'a pas jugé sérieuse la question de la conformité à la Constitution de l'article 324-1-1 du code pénal, dès lors que la présomption d'illicéité n'est pas irréfragable et qu'elle nécessite, pour être mise en oeuvre, la réunion de conditions de fait ou de droit faisant supposer la dissimulation de l'origine ou du bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus ( cass. crim. 9 déc. 2015, n° 15-90019, inédit.).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

1.2.1. Sur l'article 399 du code des douanes

En 2011, la chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé de ne pas transmettre une question prioritaire de constitutionnalité fondée sur la contrariété de l'article 399 du code des douanes portant sur sa compatibilité, d'une part, avec le principe de la légalité des délits et des peines en ce qu'elles réputent intéressé à la fraude l'entrepreneur sans définir cette notion, et d'autre part, avec le principe de la présomption d'innocence, en ce que les dispositions de l'article 399 du code des douanes prévoient qu'est réputé intéressé à la fraude, sauf preuve de sa bonne foi, le transporteur de la marchandise de fraude.

La Cour de cassation a estimé que la question posée ne présente pas à l'évidence un caractère sérieux, en ce que, dans le respect du principe de la légalité des délits et des peines, l'article 399 du code des douanes n'institue qu'une présomption simple, justifiée par la nature particulière des délits douaniers et reposant sur une vraisemblance raisonnable, tenant à la situation de la marchandise, telle que définie par la loi douanière et à la qualité de la personne, physique ou morale, participant aux opérations douanières, l'imputabilité des faits étant appréciée, dans chaque cas, par une juridiction indépendante et impartiale ( Cass. crim., 21 sept. 2011, n° 11-81.535).

1.2.2. Sur l'article 415 du code des douanes

Dans sa décision n° 2018-731 QPC du 14 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution la peine minimale de deux ans figurant à l'article 415 du code des douanes, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Il est précisé que dans le souci d'aligner le régime des peines d'emprisonnement prévues par le code des douanes, cette peine minimale d'emprisonnement a toutefois été supprimée par la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

Surtout, dans cette décision de 2018, le Conseil constitutionnel a relevé que le délit douanier de blanchiment « présente une particulière gravité » (§ 7).

1.2.3. Sur l'article 415-1 du code des douanes

Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé une question prioritaire de constitutionnalité concernant l'article 324-1-1 du code pénal, dépourvue de caractère sérieux, dont le mécanisme est assez proche de l'article 415-1 du code des douanes s'agissant de l'édiction d'une présomption d'origine illicite des fonds, destinée à faciliter la preuve du blanchiment. Elle a ainsi estimé que ce dispositif est conforme aux droits et libertés constitutionnellement garantis, notamment à la présomption d'innocence relevant de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès lors que cette présomption n'est pas irréfragable et, précisément, qu'elle « nécessite, pour être mise en oeuvre, la réunion de conditions de fait ou de droit faisant supposer la dissimulation de l'origine ou du bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus » ( cass. crim., QPC, 9 déc. 2015, n° 15-90.019).

Par ailleurs, les présomptions de culpabilité sont tolérées par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, il considère : « à titre exceptionnel, des présomptions de culpabilité peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité ».

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Sur la présomption d'origine illicite, la CEDH, dans un arrêt du 7 oct. 1998, Salabiaku c/ France, n° 10519/83, § 28 juge que : « L'article 6 § 2 [...] commande aux États de les enserrer dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l'enjeu et préservant les droits de la défense ».

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes n'a pas connaissance de l'existence d'un dispositif douanier de blanchiment dans d'autres Etats similaires à celui de l'article 415 du code des douanes.

En revanche, les Etats doivent prévoir dans leur ordre juridique interne des dispositifs en conformité avec les normes internationales sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et le financement de la prolifération d'armes de destruction massive définies par le GAFI. En effet les recommandations du GAFI définissent un cadre complet de mesures devant être mises en oeuvre par les pays. La mise en oeuvre de ces mesures fait l'objet d'évaluation par le GAFI. Au sein de l'UE, les directives anti-blanchiment successives ont pris en compte ces normes. A ce titre, la France a transposé la 5ème directive anti-blanchiment par l'ordonnance 2020-115 du 12 février 2020.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1.1. Sur l'article 399 du code des douanes

Dans sa version actuelle, l'article 399 du code des douanes ne vise que le délit de contrebande ou le délit d'importation ou d'exportation sans déclaration. Ces délits sont réprimés par l'article 414 du code des douanes. L'objectif de la mesure est de rendre applicable la notion d'intéressement à la fraude au délit de blanchiment douanier afin de rendre plus efficientes les poursuites judiciaires. Outre l'auteur de l'infraction et ses complices, ce sont l'ensemble des protagonistes de la fraude qui pourront être sanctionnés.

2.1.2. Sur l'article 415 du code des douanes

s Le périmètre des infractions d'origine mentionnées à l'article 415 du code des douanes limite à ce jour l'action des services douaniers, tout particulièrement dans le cas d'infractions qu'ils peuvent constater et qui génèrent des profits qu'ils ne peuvent pas appréhender, quand bien même ils font l'objet d'une opération avec l'étranger. Tel est notamment le cas dans des affaires en matière de contributions indirectes (par exemple les infractions relevant des articles 1791 et 1810 du code général des impôts), avec matérialisation de sommes issues d'infractions en la matière, que l'administration peut rechercher, constater et poursuivre, sans pouvoir toutefois appréhender les fonds qui en sont issus à l'occasion des contrôles à la circulation ;

Il importe également pour l'administration de tirer les conséquences de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 mai 2016 précité, dans lequel elle a jugé que pour que le délit douanier de blanchiment soit constitué, il est nécessaire que les fonds en cause proviennent, directement ou indirectement, d'une infraction au code des douanes et non pas d'une éventuelle infraction à une législation étrangère.

s Outre l'impact évident en termes de lutte contre le blanchiment, cette jurisprudence est d'autant plus préjudiciable qu'elle crée une distorsion avec les autres infractions d'origine prévues à l'article 415 du code des douanes (infractions à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants ou délits portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne) pour lesquelles les fonds peuvent, à l'instar des délits de blanchiment de droit commun, provenir directement ou indirectement d'une infraction commise à l'étranger.

Au surplus, selon le § 4 de l'article 1er de la 4ème directive anti-blanchiment de 2015, «  il y a blanchiment de capitaux même si les activités qui sont à l'origine des biens à blanchir ont été exercées sur le territoire d'un autre État membre ou sur celui d'un pays tiers ».

s Dans sa rédaction actuelle, l'article 415 du code des douanes ne s'applique qu'aux opérations financières avec l'étranger qui sont réalisées ou tentées et seuls les modes opératoires suivants pour réaliser l'opération financière avec l'étranger sont incriminés : l'exportation, l'importation, le transfert ou la compensation.

Sont par conséquent exclues du champ de l'incrimination de blanchiment douanier, les opérations financières effectuées sur et à destination du seul territoire national, sauf à prouver qu'il y a tentative de réaliser une opération avec l'étranger ou que le flux contrôlé ait précédemment fait l'objet d'une opération avec l'étranger, ou encore de matérialiser l'existence d'un processus de compensation, ce qui est démontrable uniquement dans le cadre d'une enquête et non à l'occasion d'un contrôle à la circulation.

Cette définition des opérations financières incriminées au titre du blanchiment douanier apparaît désormais restrictive au regard des analyses de la menace, réalisées en matière de blanchiment qui mettent notamment en exergue le phénomène des collecteurs, qui sont devenus un maillon essentiel de la réalisation du blanchiment, en amont (collecte avant le flux hors de France) ou en aval (distribution après le flux import) de l'infraction.

Le collecteur est la personne qui va préalablement ou postérieurement, selon le cas, à la réalisation de l'exportation, de l'importation, du transfert ou de la compensation financière, transporter les espèces en les prenant en compte à un point A du territoire national pour les livrer à un point B du même territoire, en y incluant les départements d'outre-mer, sans forcément franchir de frontière, soit pour rassembler l'argent avant le flux hors de France, soit pour le distribuer, après le flux import. Un des exemples les plus caractéristiques de cette difficulté est celui des découvertes, sur des voyageurs empruntant des liaisons aériennes entre Orly et Cayenne, d'importantes sommes d'argent ou au contraire de nombreuses sommes fractionnées pour déjouer les contrôles, transportées par des passeurs (« mules guyanaises »), avec marquage de l'équipe cynophile ou traces de stupéfiants sur les billets. Toutefois, à ce stade, le délit de blanchiment douanier n'est pas constitué, car il n'y a pas d'opération avec l'étranger. Pourtant, les fonds sont bien destinés aux narcotrafiquants des pays voisins de la Guyane.

Dans le cas du contrôle d'une personne transportant une très forte somme d'argent dissimulée à corps, les agents des douanes ne peuvent même pas constater, une situation de flagrant délit au titre du blanchiment douanier légitimant un placement en retenue douanière ( art. 323-1 du code des douanes). Ainsi, la Cour de cassation ( cass. crim. 26 janvier 2022, n° 21-84.228) a jugé que :

- «  d'une part, l'article 415-1 du code des douanes n'ayant pas institué une présomption de constitution du délit douanier de blanchiment, mais uniquement un renversement partiel de la charge de la preuve de l'infraction concernant l'origine illicite des fonds, les juges ne pouvaient déduire l'existence d'un flagrant délit de blanchiment douanier des seules conditions de transport des sommes d'argent découvertes en possession de la personne contrôlée, sans relever au préalable la présence d'indices permettant de présumer la réalisation d'une opération financière avec l'étranger » ;

- « d'autre part, les seuls faits relevés, à savoir le transport d'une importante somme d'argent en espèces dissimulée au niveau de l'entrejambe entre la gare de [Localité 2] et la gare de [Localité 1] à [Localité 3], qui ne permettent pas de caractériser une telle opération, ne pouvaient révéler l'existence d'un flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement ».

s Enfin, tout particulièrement à l'occasion d'enquêtes approfondies réalisées par les services spécialisés de la DNRED (cf cellule Cyberdouane notamment), il apparaît que de plus en plus d'organisations criminelles ont recours à l'emploi de crypto-actifs pour effectuer des transactions internationales sur le produit d'infractions relevant de la sphère douanière (ex ; trafic de contrefaçons ou de tabac sur internet). Or, l'article 415 du code des douanes ne vise que les opérations portant sur des « fonds ».

Cette notion de « fonds » ne saurait a priori inclure les crypto-actifs ou actifs numériques, introduits à l'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE », qui selon la loi comprennent :

- les jetons mentionnés à l'article L. 552-2, à l'exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l'article L. 211-1 et des bons de caisse mentionnés à l'article L. 223-1 ;

- toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement.

Au plan pratique, un crypto-actif est un actif numérique utilisant un réseau informatique ainsi qu'une chaîne de blocs signés par des techniques cryptographiques (blockchain) afin de pouvoir valider et effectuer des transactions entre deux, voire plusieurs entités. Dans la majorité des cas, ces actifs ne requièrent pas de « tiers de confiance ». Ces instruments présentent ainsi une forte volatilité.

a) Sur l'article 415-1 du code des douanes

Toute modification des éléments matériels constitutifs de l'infraction de blanchiment douanier doit s'accompagner d'une évolution similaire de l'article 415-1 du code des douanes.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est de compléter le dispositif douanier de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme de manière conforme à la stratégie globale conduite par l'administration des douanes depuis 2015, en dotant les services douaniers d'une capacité d'intervention mieux adaptée aux enjeux de la criminalité financière. De cette façon, l'administration des douanes pourra également davantage alimenter les services judiciaires de constatations particulièrement intéressantes, tout en restant dans un champ d'action spécifique et non assimilable aux procédures pénales de blanchiment.

Dans ce cadre, les évolutions suivantes sont identifiées :

1) étendre le périmètre des infractions sous-jacentes dans le cadre du blanchiment douanier, compte tenu notamment des différentes missions de l'administration des douanes, qui dépasse le seul cadre du code des douanes (telles que les infractions en matière de contributions indirectes) ;

2) doter les agents des douanes des mêmes capacités que les services judiciaires s'agissant de l'absence de territorialité de l'infraction d'origine, dans le sens de l'article 1er de la 4?me directive UE anti-blanchiment ;

3) moderniser le délit de blanchiment en tenant compte du développement de l'utilisation des crypto-actifs ;

4) appréhender spécifiquement les modes opératoires de collecte dans lesquels plusieurs opérations se succèdent sur le produit de l'infraction sous-jacente, avant (voire indépendamment) qu'une opération avec l'étranger ne soit réalisée.

Exemples :

- le blanchiment de trafic de stupéfiants entre la Guyane et la métropole : l'argent généré par la vente de cocaïne sur le territoire métropolitain est dans un premier temps rapatrié en Guyane. A ce stade, le délit de blanchiment douanier n'est pas constitué, car il n'y a pas d'opération avec l'étranger. Pourtant, les fonds sont bien destinés aux narcotrafiquants des pays voisins de la Guyane ;

- le transfert préalable d'argent en France et/ou son regroupement sur un compte bancaire, en vue d'un transfert international ou d'une compensation avec l'étranger.

Il est précisé que cette nouvelle portée du blanchiment douanier ne remettra pas en cause la spécificité de ce délit douanier au regard des infractions de droit commun.

En effet, les éléments matériels du délit de blanchiment douanier restent spécifiques et différents de ceux du blanchiment de droit commun (article 324-1 du code pénal). En outre, pour qualifier un blanchiment de droit commun au titre du code pénal, tous les crimes et délits peuvent servir d'infraction d'origine et il peut s'agir de tout produit de ces infractions.

Par ailleurs, le blanchiment pénal porte soit sur la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect, soit sur le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect de tout crime ou délit.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Article 399 du code des douanes : soit appliquer l'intéressement à la fraude à droit constant, en espérant une position favorable de la jurisprudence, soit le modifier pour le rendre expressément applicable aux délits relevant de l'article 415 du code des douanes.

Article 415 du code des douanes : aucune autre option n'a pu être envisagée dès lors qu'il s'agit :

- d'élargir le champ d'application du délit de blanchiment douanier concernant les infractions sous-jacentes et les faits incriminés ;

- tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2016 précité ;

- d'étendre les possibilités de confiscation, portant aujourd'hui sur des « fonds », aux avoirs numériques tels que visés à l'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier.

Article 415-1 du code des douanes : dès lors que les éléments matériels prévus à l'article 415 du code des douanes sont modifiées, les dispositions de l'article 415-1 du code des douanes sont nécessairement impactées et doivent être modifiées en conséquence.

3.2. OPTION RETENUE

Article 399 du code des douanes : Il s'agit de prévoir expressément que la notion d'intéressement à la fraude, spécifique au droit douanier, s'applique aux délits de blanchiment douanier, afin de mieux appréhender sur le plan des poursuites relevant du code des douanes, l'ensemble des protagonistes de l'infraction et non les seuls auteurs des flux financiers illicites et leurs complices. Par ailleurs, le a) du 2 de cet article est modifié afin de préciser que sont considérées comme intéressé à la fraude, l'ensemble des personnes physiques ou morales qui ont un intérêt à cette fraude.

Articles 415 et 415-1 du code des douanes :

- inclure dans le périmètre des infractions d'origine, les délits à l'ensemble des législations que les agents des douanes sont chargés d'appliquer, de façon à pouvoir relever des délits de blanchiment douanier dans le cas d'opérations financières portant sur des fonds issus, outre de délits douaniers, de délits en matière de contributions indirectes (tout particulièrement des trafics de cigarettes et d'alcools) ;

- prévoir expressément que l'infraction d'origine peut être commise à l'étranger, comme le prévoit notamment la 4ème directive UE anti-blanchiment ;

- adapter le délit de blanchiment douanier aux crypto-actifs ;

- permettre à l'administration de douanes de lutter contre les phénomènes de collecte et de transport sur le territoire d'argent issu uniquement des infractions d'origine précitées, en prévoyant que l'incrimination de blanchiment douanier peut concerner, à côté des opérations financières avec l'étranger, réalisées ou tentées par voie d'importation, d'exportation, de transfert ou de compensation, des faits de transport et de collecte réalisés sur le territoire national.

Enfin, la modification de l'article 415-1 du code des douanes tire les conséquences de la modification de l'article 415 du même code, de façon à donner plein effet à ce dispositif de présomption d'origine illicite des fonds.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure modifie les articles 399, 415 et 415-1 du code des douanes.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Le délit douanier de blanchiment s'inscrit plus particulièrement dans les principes prévus par la directive (UE) n°2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive n° 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive n° 2006/70/CE de la Commission, dite «4ème directive anti-blanchiment ».

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

La saisie et le recouvrement des avoirs criminels constitue une sanction efficace tout en permettant à la collectivité publique d'en tirer profit. En 2021, les recouvrements de l'AGRASC se sont élevés à 480 millions d'euros, soit 200 millions d'euros de plus par rapport à ceux réalisés en 2020.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

La mesure sera effectuée à effectif constant, sans besoin de créer des services spécialisés ni de recruter des agents.

L'impact budgétaire sera négligeable voire nul.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme constitue un axe majeur de lutte contre les phénomènes criminels et leurs impacts sur la sécurité des populations et le fonctionnement du système financier et des activités économiques légales. Priver les organisations criminelles de leurs revenus est au coeur de la stratégie nationale et européenne de lutte contre le crime organisé.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La mesure est applicable sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 14 I, 1° - Modification de l'article 414 du code des douanes

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'article 131-21 du code pénal prévoit que « La peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse ».

En plus d'une peine d'emprisonnement de trois ans et d'une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l'objet de fraude (lesquelles peuvent, selon les délits douaniers constatés, être portées à 5 ans voire 10 ans d'emprisonnement et aller jusqu'à trois fois voire 10 fois la valeur de l'objet de fraude), l'article 414 du code des douanes prévoit la confiscation de l'objet de fraude, la confiscation des moyens de transport, la confiscation des objets servant à masquer la fraude, ainsi que la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction. Cette confiscation, tout comme l'amende douanière, constitue une sanction fiscale à caractère mixte, à la fois répressif et indemnitaire.

Dans le cas où la marchandise saisie appartient à un propriétaire qui n'a pas commis d'infraction douanière et que ce même propriétaire est connu, la confiscation de la marchandise non prohibée ne peut être poursuivie qu'en cas de mise en cause dudit propriétaire devant la juridiction répressive appelée à se prononcer à l'instance ( article 374 § 2 du code des douanes).

L'article 376 du code des douanes précise que, « lorsque la marchandise de fraude ou ayant servi à masquer la fraude a été saisie et sous réserve qu'elle ne soit pas prohibée au titre de la réglementation douanière, la mainlevée est offerte, sans caution ni consignation, au propriétaire de bonne foi non poursuivi en application du présent code, même lorsque la juridiction répressive en a prononcé la confiscation. Cette mainlevée est subordonnée au remboursement des frais éventuellement engagés par l'administration pour assurer la garde et la conservation de la marchandise. »

Toutefois, aucune mainlevée n'est proposée lorsque la marchandise de fraude ou ayant servi à masquer la fraude a été détériorée en raison de son utilisation à cette fin (§ 1 ter du même article).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision n° 2010-66 QPC du 26 novembre 2010, le Conseil constitutionnel valide, sur le fondement du principe de nécessité des peines, la constitutionnalité des dispositions de l'article 131-21 du code pénal, en considérant que cet article « qui préserve le droit de propriété des tiers de bonne foi, n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit », sa jurisprudence ultérieure fondée sur le droit à un recours juridictionnel effectif amenant à cette conclusion.

Il en découle que la préservation du droit des tiers de bonne foi doit être expressément garantie, dans toutes les hypothèses où la loi prévoit la confiscation d'un bien dont le condamné n'en serait pas le propriétaire.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Concernant le droit à la protection de la propriété (article 1er du Protocole n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales), la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt du 23 juillet 2009, Bowler international unit c/ France, n° 1946/06, a considéré la confiscation litigieuse des marchandises ayant servi à masquer la fraude, prévue par l'article 414 du code des douanes, comme une ingérence au sein dudit droit qui "relève de la réglementation de l'usage de biens" (point 41) car elle « poursuivait les buts légitimes de lutte contre le trafic international de stupéfiants et de responsabilisation des propriétaires de marchandises dans le choix des transporteurs auxquels ils ont recours » (point 40).

Cette ingérence n'est cependant pas regardée par la Cour comme ayant « ménagé un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu » (point 42). En effet, les juges européens, en plus de souligner la lourde condamnation de l'auteur principal des faits, notent que « la sanction constituée par la confiscation des biens ayant servi à masquer la fraude paraît très rigoureuse lorsque, comme en l'espèce, elle ne concerne pas des produits dangereux ou prohibés », d'autant que cette garantie est déjà assurée par la condamnation de l'auteur de la fraude à une amende douanière (point 43).

Par ailleurs, la Cour pointe l'existence d'un « problème législatif de caractère général » (point 44) car le propriétaire de bonne foi de la chose confisquée ne dispose d'aucune possibilité de revendication de la marchandise qui lui appartient (article 376 § 1er du code des douanes, lequel a, depuis été modifié), contre l'auteur principal des faits, certainement insolvable. Ce problème est accentué par la « faculté [...] offerte par le droit français [au] propriétaire de bonne foi des moyens de transport » qui, eux, peuvent solliciter directement la restitution auprès de l'administration (point 45).

A cet égard, il importe de souligner que la Cour ne remet pas en cause la possibilité de saisir et de confisquer la marchandise, dans la mesure où elle poursuit « des buts légitimes de lutte contre le trafic international de stupéfiants et de responsabilisation des propriétaires de marchandises dans le choix des transporteurs auxquels ils ont recours (...) » (point 40). Elle ne nie pas non plus « la nécessité des mesures de lutte contre ce fléau qu'est le trafic international de stupéfiants » (point 46). En revanche, elle relève, cependant qu'il convient de ménager « un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu » (point 42).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes ne dispose pas à ce jour d'une étude de droit comparé sur ce sujet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le dispositif relatif à la confiscation, prévue par l'article 414 du code des douanes contient une lacune, dans la mesure où il n'est pas possible de confisquer les objets ayant servi à commettre le délit douanier ou étant destinés à la commettre. Il est donc nécessaire d'aligner sur les articles 414-2 et 415 du code des douanes.

La modification de l'article 414 du code des douanes permettra au tribunal, comme en matière pénale, la confiscation de ces objets, les considérant comme « ayant servi à commettre l'infraction ou destinés à la commettre ».

Il est, par ailleurs, apparu opportun de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-66 QPC du 26 novembre 2010, en prévoyant que la confiscation est possible, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La modification de l'article 414 du code des douanes permettra de mieux adapter les moyens de l'Etat face aÌ l'ampleur inédite des multiples trafics portant sur des marchandises prohibées (stupéfiants, tabacs, armes, marchandises faisant l'objet de mesures restrictives à l'encontre de certains pays tiers).

Dans cette perspective il s'articule autour de trois axes : la mise en conformité avec le droit de l'Union européenne, le renforcement des sanctions applicables et la prise en compte des droits du propriétaire de bonne foi.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Le maintien de l'article 414 du code des douanes en l'état signifie un défaut de prise en compte de la directive n° 2014/42/UE.

En effet, aux termes de l'article 4 §1 de cette directive, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tout ou partie des instruments employés ou destiné à être employés, de quelque façon que ce soit, en tout ou en partie, pour commettre l'infraction), et des produits ou des biens dont la valeur correspond à celle de ces instruments ou produits, sous réserve d'une condamnation définitive pour une infraction pénale, qui peut aussi avoir été prononcée dans le cadre d'une procédure par défaut.

3.2. OPTION RETENUE

Outre les sanctions déjà prévues par l'article 414 du code des douanes, cet article sera complété par la possibilité de confisquer les biens ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La disposition modifie l'article 414 du code des douanes.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La directive n° 2014/42/UE du Parlement et du Conseil du 3 avril 2014 fixe des règles minimales pour le gel, la gestion et la confiscation des avoirs criminels. Son objectif est de renforcer et d'étendre les capacités de confiscation de manière à couvrir toutes les activités criminelles pertinentes menées par les organisations criminelles, permettant ainsi la confiscation de tout ou partie des instruments et des produits ou des biens dont la valeur correspond à celle de ces instruments ou produits.

Sous réserve d'une condamnation définitive pour une infraction pénale, la directive de 2014 impose la confiscation, non seulement des objets de la fraude, des produits de cette fraude, mais également ses instruments (article 4 § 1er).

L'article 2 § 3 de la directive n° 2014/42/UE définit ces instruments comme « tout bien employé ou destiné à être employé, de quelque façon que ce soit, en tout ou en partie, pour commettre une ou des infractions pénales ».

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Les dispositions auront un impact positif sur la société dans la mesure où elles permettront de mieux réguler le trafic de produits illégaux

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 14, I, 2° - Améliorer l'efficacité de la répression (création d'un article 432 ter dans le code des douanes)

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les étrangers qui commettent une infraction en France s'exposent non seulement aux peines prévues par la loi pour cette infraction, mais peuvent également être renvoyés dans leur pays d'origine, à la suite d'un arrêté d'expulsion ou d'une peine d'interdiction du territoire.

En vertu de l'article 131-30 du code pénal, les tribunaux peuvent condamner les étrangers coupables d'un crime ou d'un délit à une peine d'interdiction du territoire. Elle peut être prononcée à titre définitif ou pour une durée limitée. Elle entraîne la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant après qu'il a purgé sa peine de prison, puisque l'interdiction du territoire est suspendue pendant la durée d'exécution de celle-ci. Il suffit que la loi ait prévu que, pour tel crime ou tel délit, il soit possible de prononcer une telle sanction. Cette peine peut être prononcée à titre principal ou à titre complémentaire.

L'article 432 ter du code des douanes l'instaure en tant que peine complémentaire qui pourra se cumuler avec les sanctions prévues par l'article 414 du code des douanes. La chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré, dans plusieurs décisions ( cass. crim., 30 mai 2001, n  99-84.867 ou cass. crim., 3 décembre 2014, no 13-84.597) que son cumul avec les sanctions principales n'est pas contraire au principe non bis in idem tel qu'il est issu de l'article 4 du Protocole additionnel no 7 à la Convention européenne des droits de l'homme.

La peine d'interdiction du territoire peut être prononcée à l'encontre de tous les étrangers, quels que soient leurs liens avec la France. En effet, si l'article 131-30 du code pénal prévoit plusieurs catégories protégées, il dispose également qu' « une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger » permet au juge de décider l'expulsion.

Dans tous les cas, cette peine d'interdiction du territoire ne peut être prononcée sans que le prévenu ait pu faire valoir ses observations. ( cass. crim., 11 juin 2008 n° 07-83024).

Enfin, il importe de souligner qu'en vertu de l'article L. 121-1 du code de la justice pénale des mineurs, la peine d'interdiction du territoire français ne peut être prononcée à l'encontre d'un mineur.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante : aucun principe ni aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national. Les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques (voir notamment décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, point 2 et décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, point 50).

Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 2 de cette déclaration et le droit de mener une vie familiale normale qui résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ( décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, point 3, décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, point 28).

L'étranger28(*) ne disposant pas, à l'inverse du ressortissant français, d'un droit d'accès ou de séjour absolu au territoire français, l'atteinte susceptible d'être portée à sa liberté d'aller et de venir diffère de l'atteinte pouvant être portée au ressortissant français.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Dans sa décision rendue le 21 octobre 2021, dans l'affaire Ngumbu Kikoso c/ France ( requête n° 21643/19), la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré la requête irrecevable après avoir rejeté comme manifestement mal fondé le grief tiré de la violation de l'article 8 qui protège la vie privée et familiale.

Cet arrêt a été rendu dans une affaire qui concerne une interdiction du territoire français prononcée, à titre complémentaire, d'une condamnation à une peine d'emprisonnement de six mois pour des faits de détention et d'usage de faux documents administratifs. La Cour a considéré que les juridictions internes pouvaient légitimement estimer, en raison du comportement du requérant, de la gravité des faits réprimés (détention et usage de faux documents administratifs) et de la persistance de ses comportements délictueux, qu'une mesure d'interdiction du territoire de dix ans était nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales. La Cour a estimé que la mesure litigieuse était proportionnée aux buts poursuivis et ne portait aucune atteinte excessive au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale en dépit de la durée de son séjour en France.

Ainsi, la Cour a conclu que les juridictions nationales sont en mesure de considérer, en raison du comportement de la personne à laquelle la peine d'interdiction du territoire est infligée et de la gravité des faits commis, qu'une telle mesure est nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales. Il en résulte qu'une peine d'interdiction du territoire est proportionnée aux buts poursuivis et ne porte aucune atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes ne dispose pas à ce jour d'une étude de droit comparé sur ce sujet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les services douaniers sont de plus en plus souvent confrontés à des passeurs multi-récidivistes appartenant à des organisations de fraude qui se livrent à la contrebande de cigarettes, en transitant par différents points de passage. Cette pratique, très préjudiciable à l'économie nationale et qui sert parfois à alimenter des réseaux mafieux ou terroristes, est peu poursuivie au plan pénal.

Ainsi, les services douaniers peuvent être confrontés à des voyageurs aériens transportant jusqu'à plus de 260 cartouches de cigarettes (plus de 50 kg) dans des bagages de soute, qui se révèlent être des passeurs multirécidivistes, agissant pour le compte de réseaux de revente. Ainsi, par exemple, un infracteur a, sur une période comprise entre septembre 2011 et février 2016, réalisé 26 importations en contrebande de tabacs, en empruntant différents aéroports nationaux.

Il apparaît dès lors que la réponse pénale n'est pas adaptée aux délits de contrebande, notamment de tabac, même lorsque les infracteurs sont multi-récidivistes. Le prononcé d'une peine d'interdiction du territoire pourrait donc avoir l'effet dissuasif et répressif nécessaire.

S'agissant du trafic de stupéfiants, dès lors que le prévenu n'est poursuivi qu'au titre du code des douanes, la peine d'interdiction du territoire n'est pas applicable si elle n'est pas prévue dans ce code.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'article 432 ter du code des douanes a pour effet de créer une peine complémentaire d'interdiction du territoire français, applicable aux personnes condamnées :

- pour délit de contrebande ou d'importation/exportation sans déclaration portant sur les produits du tabac manufacturé et sur les stupéfiants ( article 414 du code des douanes) ;

- pour avoir participé comme intéressées à la fraude, au sens de l'article 399 du code des douanes, à un délit de contrebande ou d'importation/exportation sans déclaration portant sur les produits ci-dessus mentionnés ( article 414 du code des douanes).

Seul le ministère public pourra requérir l'application d'une telle peine ( article 343 § 1er du code des douanes). L'administration des douanes peut seulement demander l'application des sanctions fiscales (amendes et confiscations prévues par le code des douanes) en répression des infractions douanières.

Proportionnée et inspirée des dispositions actuelles du code pénal, applicables notamment au trafic de stupéfiants ( article 222-48 du code pénal), la mesure proposée vise à créer dans le code des douanes un nouveau type de peine, relevant de l'opportunité des poursuites du ministère public, qui permettra d'adapter la réponse pénale aux nouvelles formes de trafic.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Sans objet.

3.2. OPTION RETENUE

L'article 432 ter du code des douanes a pour effet de créer une peine complémentaire d'interdiction du territoire français applicable aux personnes condamnées :

- pour délit de contrebande ou d'importation/exportation sans déclaration portant sur les produits du tabac manufacturé et sur les stupéfiants ( article 414 du code des douanes) ;

- d'avoir participé comme intéressées à la fraude, au sens de l'article 399 du code des douanes, à un délit de contrebande ou d'importation/exportation sans déclaration portant sur les produits ci-dessus mentionnés ( article 414 du code des douanes).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Le paragraphe 3 de la section 2 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complété par un nouvel article 432 ter.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Les ressortissants de l'Union européenne peuvent également être soumis à une interdiction judiciaire du territoire français en application des dispositions du code pénal ou des codes suiveurs ( cass. crim. 3 mai 1990, n° 88-87.457).

Toutefois, en tant que bénéficiaires de la libre circulation des personnes prévues par les traités de l'Union européenne et la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, le prononcé d'une interdiction du territoire français doit répondre à un certain nombre d'exigences. En effet, l'article 33 § 1er de la directive précitée précise que « l'État membre d'accueil ne peut ordonner une mesure d'éloignement du territoire à titre de peine ou de mesure accessoire à une peine de détention que dans le respect des exigences résultant des articles 27, 28 et 29 ».

Conformément à l'article 27 de la directive, les limitations à la liberté de circulation et de séjour peuvent être prises pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, en respectant le principe de proportionnalité.

Le prononcé d'une interdiction judiciaire du territoire ne peut toutefois être uniquement motivé par l'existence de condamnations pénales antérieures. Le texte de la directive tel qu'il est interprété par la Cour de justice de l'Union européenne exige un examen du comportement personnel de l'individu concerné, lequel comportement doit représenter « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société » (voir l'article 27 § 2 de la directive n° 2004/38/CE).

De plus, l'article 28 § 1er de la directive précise que, « avant de prendre une décision d'éloignement du territoire pour des raisons d'ordre public ou de sécurité publique, l'État membre d'accueil tient compte notamment de la durée du séjour de l'intéressé sur son territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l'État membre d'accueil et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine ». Il existe, de surcroît, des catégories de personnes protégées qui sont également visées de manière spécifique par l'article 28 de la directive n° 2004/38/CE.

D'une part, les ressortissants d'États membres ou les membres de leur famille ne peuvent faire l'objet d'une décision d'éloignement, lorsqu'ils ont acquis un droit de séjour permanent ( CJUE 16 janv. 2014, Onuekwere, aff. C-378/12). Seules des raisons impérieuses d'ordre public ou de sécurité publique pourraient le justifier (voir article 28 § 2 de la directive n° 2004/38/CE).

D'autre part, même sans avoir acquis de droit au séjour permanent, l'article 28 § 3 de cette directive retient deux catégories de personnes protégées, sauf en cas de motifs graves de sécurité publique. Il s'agit des citoyens de l'Union européenne, quelle que soit leur nationalité, qui ont séjourné dans l'État membre d'accueil pendant les dix années précédentes ou les mineurs. S'agissant de ces derniers, l'article 28 § 3 sous b) précise que cette protection est accordée, « sauf si l'éloignement est nécessaire dans l'intérêt de l'enfant, comme prévu dans la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ». En outre, les garanties procédurales visées aux articles 30 et 31 doivent trouver à s'appliquer.

Le droit de l'Union européenne impose enfin aux États membres de prévoir des mécanismes permettant de demander « la levée de l'interdiction d'accès au territoire après un délai raisonnable » qui ne peut pas excéder trois années à compter de l'exécution de la décision définitive d'interdiction du territoire (article 32 § 1er de la directive n° 2004/38/CE). Cette demande doit être examinée dans un délai de six mois à compter de son introduction, sans que cela donne toutefois à l'intéressé un droit d'accès au territoire pendant l'instruction de sa demande. De manière spécifique pour les éloignements prononcés à titre de peine, il est précisé par l'article 33 § 2, que « l'État membre vérifie l'actualité et la réalité de la menace pour l'ordre public ou la sécurité publique que représente la personne concernée, et évalue si un changement matériel des circonstances est intervenu depuis le moment où la décision d'éloignement avait été prise ».

 Enfin, un moyen tiré du caractère disproportionné de la limitation apportée au principe de libre circulation au sein de l'Union européenne est irrecevable devant la Cour de cassation, lorsqu'il n'a pas été soutenu devant la cour d'appel ( cass. crim., 25 mai 2016, n°   14-84.333).

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure a vocation à s'appliquer aux étrangers condamnés par l'autorité judiciaire, dans le cadre de poursuites répressives, en cas de délits douaniers portant sur des produits du tabac ou des stupéfiants relevant de l'article 414 du code des douanes, selon les mêmes conditions que celles prévues en droit pénal. Elle ne peut être prononcée que par l'autorité judiciaire dans le cadre de poursuites et dans le respect des conditions prévues aux articles 130-30 à 131-30-2 du code pénal.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable sur tout le territoire de la République, y compris dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 14, II - Aggravation des sanctions en matière de tabac (modification des articles 1810 et 1811 du code général des impôts)

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

En matière de contributions indirectes, le code général des impôts (CGI) sanctionne les infractions en matière de tabac au moyen de sanctions :

- de nature fiscale :

Ainsi, l'* l'article 1791 du CGI prévoit, lorsque les actes ont pour but ou pour résultat de frauder ou compromettre la fiscalité applicable, une amende de 15 € à 750 € et une pénalité dont le montant est compris entre une et trois celui des droits fraudés ou compromis et la confiscation des marchandises de fraude ainsi que des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction.

D'autre part, l* l'article 1791 ter du CGI porte l'amende prévue par l'article 1791 du même code à un montant allant de 2000 € à 10 000 €, lorsque les faits relèvent d'actes de fabrication, de détention, de vente ou de transport illicites de tabac. Cette amende peut encore être aggravée et portée à un montant allant de 100 000 € à 500 000 €, lorsque ces faits sont commis en bande organisée. La pénalité prévue par l'article 1791 du CGI est fixée de une à dix fois le montant des droits fraudés et de cinquante à cent fois le montant de ces droits, lorsque l'infraction est commise en bande organisée.

- de nature pénale :

D'une part, l'article 1810 du CGI sanctionne, en son 10°, quelles que soient l'espèce et la provenance des tabacs, la fabrication, la détention en vue de la vente de tabacs fabriqués, la vente, y compris à distance, de tabacs fabriqués, le transport en fraude de tabacs fabriqués, l'acquisition à distance, l'introduction en provenance d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou l'importation en provenance d'un pays tiers de tabac manufacturé acquis dans le cadre d'une vente à distance. Ces faits sont punis d'une peine d'emprisonnement d'un an, de la confiscation des moyens de transport, des contenants et appareils ayant servi à la fraude.

D'autre part, l'article 1811 du CGI porte la peine d'emprisonnement prévue par l'article 1810 à cinq ans, lorsque les infractions visées au 10° de cet article sont commis en bande organisée.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les sanctions pénales doivent respecter certains principes fondamentaux, dont notamment le principe de légalité et le principe de nécessité et de proportionnalité des peines.

Selon le principe de légalité des peines, un individu ne peut être poursuivi et condamné que par l'application d'une loi préexistant à l'acte qui lui est reproché (article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, DDHC).

L'article 8 de la DDHC énonce également que « les lois ne doivent établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », le Conseil constitutionnel vérifie le caractère proportionné des peines au regard du comportement qu'elles sanctionnent ( décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981).

Au regard du principe de nécessité et du principe de proportionnalité, le Conseil constitutionnel a en effet énoncé les principes suivants : « si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue » ( décisions n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 et n° 2010-66 QPC du 26 novembre 2010 ou n° 92-316 DC du 20 janvier 1993).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

1.3.1. La Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT) et son Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac du 12 novembre 2012

La CCLAT est le premier et unique traité international de santé publique. Il a été élaboré par les pays sous l'égide de l'OMS et adopté en 2003. Il est entré en vigueur dès 2005 et aujourd'hui, il compte plus de 180 Parties qui sont tenues de le mettre en oeuvre.

La finalité de ce traité est de réduire la consommation de tabac et de réduire l'exposition à la fumée de tabac (tabagisme passif) afin de « protéger les générations présentes et futures contre les effets dévastateurs sanitaires, sociaux, économiques et environnementaux » (article 4).

A cet effet, la CCLAT a mis en place diverses mesures, parmi lesquelles, figure en bonne place la réduction de la demande, un meilleur contrôle de l'offre, notamment lorsqu'elle est illicite.

Ainsi, le § 1er de l'article 15 de la CCLAT prévoit l'élaboration et la mise en oeuvre d'une législation nationale afin d'aboutir à l'élimination de toutes les formes de commerce illicite de produits du tabac. Parmi les mesures nationales à adopter figure, notamment, l'aggravation des sanctions (cf. articles 15 § 4 et 16 § 6 de la CCLAT).

Le Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac vise à éliminer toutes les formes de commerce illicite à l'aide d'une série mesures que les pays doivent instaurer et appliquer en coopération les uns avec les autres. 

Le Protocole a été élaboré en réponse au problème croissant du commerce illicite des produits du tabac, souvent transfrontalier. Le commerce illicite des produits du tabac constitue une grave menace pour la santé publique car il augmente l'accès à des produits du tabac souvent moins cher, alimentant ainsi l'épidémie de tabagisme et sapant les politiques de lutte antitabac. Par ailleurs, s'il entraîne des pertes de recettes conséquentes pour les Etats, il contribue également à financer des activités criminelles au niveau international. 

Parmi les mesures prévues par ce protocole figure la nécessité de prévoir des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, y compris de sanctions pécuniaires (cf. article 16 § 1er).

1.3.2. La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)

L'article 7 de la CEDH dispose que « nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international ».

En ce qui concerne la sévérité d'une sanction, la Cour se limite à vérifier qu'il ne soit infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise.

Concernant le caractère approprié d'une peine, la Cour n'a pas pour rôle de décider quelle est la durée de l'incarcération ou le type de peine qui convient pour une infraction donnée (CEDH, 18 mai 2006, Hummatov c. Azerbaïdja, n° 9852/03 et 13413/04 ; 7 avril 2009, Hakkar c. France, n° 43580/04 ; 9 juillet 2013, Vinter et autres c. Royaume-Uni, n° 66069/09).

Plus récemment, la Cour a considéré, dès lors que les autorités nationales ont réalisé une mise en balance adéquate des divers intérêts en présence, qu'il ne lui revient pas d'y substituer sa propre appréciation, excepté si elle a de fortes raisons de le faire (CEDH, 14 septembre 2017, Ndidi c/ Royaume-Uni, n° 41215/14, § 76).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'administration des douanes ne dispose pas à ce jour d'une étude de droit comparé sur ce sujet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les saisies de tabac ne cessent d'augmenter ces dernières années. Ainsi, en 2020, les services douaniers ont saisi 284 tonnes de tabac, 402 tonnes en 2021 et déjà plus de 600 tonnes sur les 10 premiers mois de l'année 2022. Force est de constater que des volumes considérables de produits illicites non conformes aux exigences de la directive n° 2014/40/UE précitée sont mis sur le marché, et tout indique que ces volumes pourraient être amenés à augmenter. Ces produits illicites portent préjudice à la libre circulation des produits conformes et à la protection qu'assurent les dispositions législatives en faveur de la lutte antitabac. En outre, tant l'UE que ses Etats membres sont tenus, aux termes de la CCLAT, de lutter contre les produits illicites du tabac.

Les services douaniers, à l'instar des services la police et de la gendarmerie, font le constat du développement de la poly-criminalité des individus impliqués dans les trafics de produits du tabac. Celle-ci se caractérise par la pratique concomitante d'autres types d'activités criminelles ou délictueuses aux côtés des trafics de tabac, notamment le trafic de stupéfiants ou de médicaments à effets psychotropes, voire de trafics d'armes et de contrefaçons ou enfin, l'aide à l'immigration clandestine. Ces développements se sont accompagnés de la prolifération d'actes de violence et à de règlements de comptes, en divers lieux du territoire français.

En effet, la forte attractivité du trafic de tabac s'explique en grande partie par l'ampleur des gains attendus d'une part, mais aussi la moindre sévérité des sanctions pénales en matière de trafic de tabacs, comparées à celles encourues pour d'autres types d'infractions, notamment les trafics de stupéfiants.

Profitant de ces activités illicites, de véritables chaînes parallèles de distribution se sont constituées. Elles sont à l'origine de ventes en gros comme au détail, de ventes sur internet qui menacent la santé de tous les publics, notamment des mineurs, ou encore de nombreux points de vente à la sauvette. Ces points de vente provoquent des nuisances, ainsi que des menaces à la sécurité et à l'ordre publics.

L'implication de la criminalité organisée en matière de trafics de tabac est attestée par de nombreuses observations, en particulier : le recours à des pratiques similaires aux trafics de stupéfiants (circulation en convois avec des véhicules ouvreurs, utilisation de balises géolocalisées insérées dans les stocks de tabac transportés), la présence récurrente d'armes chez les infracteurs, la communication entre les participants au trafic par des moyens cryptés, l'identification d'individus notablement connus comme étant en lien avec des organisations criminelles transnationales.

La fabrication et la commercialisation illicites, outre la perte de recettes qu'elles génèrent au détriment du Trésor, impliquent donc une atteinte au cadre normatif clairement établi par le droit européen et le code général des impôts. En corollaire, ne doivent pas être négligés les risques existants en matière de santé publique, s'agissant de produits fabriqués hors du cadre légal, d'une part, et en matière de financement d'autres activités occultes y compris d'ordre terroriste, d'autre part.

Face à une telle situation, les sanctions prévues par le code général des impôts ne sont pas suffisamment dissuasives. Au vu de ces enjeux et conformément aux principes posés par le Conseil constitutionnel, l'alourdissement des sanctions de nature pénale envisagé ici en matière de contributions indirectes apparaît comme une nécessité.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'aggravation des sanctions en matière de tabac s'inscrit dans le cadre du plan national de lutte contre les trafics de tabac et cigarettes (2023-2025), présenté par le ministre délégué chargé des comptes publics le 5 décembre 2022. Ce plan vise aÌ adapter la riposte de l'Etat aÌ l'ampleur inédite prise par le marché parallèle du tabac et, dans cette perspective il s'articule autour de quatre axes : l'amélioration du renseignement douanier, le renforcement des moyens d'action et d'enquête, l'adaptation de la politique contentieuse et du cadre juridique, et la communication.

La mesure proposée s'inscrit dans l'axe d'adaptation de la politique contentieuse et du cadre juridique.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Le renforcement des sanctions fiscales en matière de tabac prévues par l'article 1791 ter du code général des impôts a été envisagé. Cependant le cas particulier des fabrication, détention, vente ou transport illicites de tabac est déjà prévu par l'article 1791 ter de ce code, lequel procède à une gradation des sanctions fiscales et des pénalités (cf. point d du présent 1).

Au vu de ces montants, déjà très élevés, il semble difficile de rehausser encore les sanctions fiscales en matière de sanction des infractions « tabac » dans le domaine des contributions indirectes. Il est donc apparu plus approprié, conformément aux orientations précitées du plan d'action tabac, de renforcer les sanctions de nature pénale en s'alignant sur ce qui existe déjà en matière douanière.

3.2. OPTION RETENUE

La forte attractivité du trafic de tabac s'explique à la fois par l'ampleur des gains attendus, mais également du fait de la moindre sévérité des sanctions pénales comparativement à celles encourues pour d'autres types d'infractions, notamment en matière de trafics de stupéfiants.

A ce titre, le point II de l'article 8 renforce le dispositif de sanction pénale en matière de tabac prévu par le code général des impôts au travers de l'alourdissement des peines d'emprisonnement prévues en la matière par les articles 1810 et 1811 du même code. Le renforcement de la sanction pénale aboutira à un doublement de la peine d'emprisonnement actuelle. Ce dispositif pénal n'excède cependant pas le niveau de sanction qui est apparu proportionné aux nécessités de la répression des infractions douanières en matière de tabac, prévu dans le cadre de l'article 414 du code des douanes.

Ainsi, à l'article 1810 du code général des impôts, la peine d'emprisonnement passe d'un an à trois ans et à l'article 1811 du même code, la peine d'emprisonnement passe de cinq à dix ans.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les articles 1810 et 1811 du code général des impôts seront modifiés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

L'Union européenne (UE) dispose d'une compétence exclusive pour agir en ce qui concerne les matières régies par le protocole à la CCLAT qui relèvent de la politique commerciale commune de l'UE (article 207 du TFUE). En outre, l'UE dispose d'une compétence exclusive pour agir en ce qui concerne les matières régies par le protocole à la CCLAT qui relèvent, notamment, du rapprochement des législations dans le domaine du marché intérieur (articles 113 et 114 du TFUE).

Dans ce cadre, a été adoptée la directive n° 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes. Cette directive a pour objectif le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les mesures que les produits du tabac doivent respecter pour pouvoir être mis sur le marché de l'UE.

L'article 23 § 3 de cette directive prévoit « Les États membres déterminent le régime des sanctions applicable aux violations des dispositions nationales adoptées en application de la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer l'exécution de ces sanctions. Les sanctions prévues sont effectives, proportionnées et dissuasives. Toute sanction administrative financière qui peut être imposée suite à une infraction intentionnelle peut être de nature à neutraliser l'avantage financier obtenu grâce à l'infraction. ».

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Les services douaniers ont saisi 284 tonnes de tabac en 2020, 402 tonnes en 2021 et plus de 600 tonnes sur les 10 premiers mois de l'année 2022. Les recettes qui ont été éludées (variables selon les produits de tabac manufacturé saisis) n'ont cependant pas été calculées. En outre, les quantités de tabacs illicites ayant échappé aux saisies ne peuvent pas faire l'objet d'une estimation précise. Il est cependant à noter que, selon la question écrite n° 09798 de M. Michel Laugier (Yvelines - UC), publiée dans le JO Sénat le 4 avril 2016 (page 1776), le phénomène de contrebande de tabac commise en bande organisée amène à une perte annuelle de plus de 10 milliards d'euros de recettes fiscales au sein de l'Union européenne seule.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Le tabagisme a été associé avec un certain nombre de maladies, notamment le cancer (en particulier le cancer du poumon), les maladies cardio-vasculaires, et maladies respiratoires.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

La lutte contre les trafics illicites de tabac en diminuant l'offre constitue de fait une protection de la santé des mineurs puisqu'en pratique la consommation ne se limite pas aux personnes ayant atteint leur majorité.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La prévalence tabagique demeure élevée en Europe. En 2017, 30% de la population des 15 ans et plus fument. Les variations sont importantes : de 5% en Suède à 45% en Hongrie. Bien que la proportion de fumeurs dans les États membres ait baissé en moyenne de presque 19% entre 2006 et 2017, il existe de très grandes disparités selon les pays : en Suède et au Royaume-Uni, la proportion de fumeurs a baissé de plus de moitié alors qu'en France, Bulgarie, République Tchèque Slovénie elle n'a que très faiblement diminué ou a même augmenté.

De même, en 2018, environ 17% des adolescents de 15 ans au sein de l'Union Européenne, avaient fumé au moins une cigarette au cours des 30 derniers jours. Ce taux variait de 10% en Irlande, Royaume-Uni ou Suède à 26% en Bulgarie voire 31% en Lituanie. En France ce taux était de 16%.

Comme indiqué ci-dessus, le tabagisme étant associé avec un certain nombre de maladies, notamment le cancer (en particulier cancer du poumon), les maladies cardio-vasculaires, et maladies respiratoires, le recul de la consommation - auquel contribue la répression des trafics illicites en limitant le développement de flux de tabac frauduleux au prix inférieurs aux prix du marché - contribue de fait à préserver la santé des individus, y compris celle des mineurs (voir ci-dessus), qu'il s'agisse bien sûr de tabagisme actif mais aussi de tabagisme passif.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

La disposition est applicable en métropole et dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution. Elle n'est pas applicable dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

TITRE III - HABILITATION DU GOUVERNEMENT A PROCÉDER À LA CODIFICATION DE LA PARTIE LEGISLATIVE DU CODE DES DOUANES

Article 15 - Habilitation du Gouvernement à codifier la partie législative du code des douanes

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Le code des douanes

Le code des douanes s'est progressivement constitué au travers de trois mouvements de codification, qui ont respectivement eu lieu en 1934, 1947 et 1948.

La première phase de codification a été menée en 1934 (décret du 26 décembre 1934), conformément à l'habilitation législative conférée par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1934. Celle-ci s'est cependant bornée à reproduire les textes de lois sources. S'agissant de la valeur du code des douanes de 1934, il n'y a pas eu, à l'époque, de ratification donnant valeur législative à ces travaux de codification.

La deuxième phase de codification s'est tenue en 1947. L'article 28 de la loi de finances n° 45-195 du 31 décembre 1945 avait alors prévu de remanier le code des douanes et les autres codes fiscaux, notamment par la suppression de dispositions contenues dans ces codes susceptibles d'avoir un caractère réglementaire. En exécution de ce texte, le décret n° 47-1719 du 2 septembre 1947 a supprimé les dispositions de nature réglementaire contenues dans le code des douanes de 1934.

La troisième phase de codification s'est tenue en 1948. Afin de simplifier et de rendre plus lisible la réglementation fiscale, l'article 5 de la loi n° 48-1268 du 5 août 1948 a prévu la refonte de l'ensemble des codes fiscaux avant le 1er janvier 1949. Le 2 de cet article prévoyait ainsi que « les codes et les textes ainsi refondus seront annexés au projet de loi de finances de 1949 qui devra être déposé avant le 10 décembre 1948. Leurs dispositions entreront obligatoirement en vigueur le 1er janvier 1949 ». Le décret de codification de 1948 a été publié au journal officiel du 1er janvier 1949, de même que la loi de finances n° 48-1274 du 31 décembre 1948.

Le code des douanes ne dispose pas d'une partie réglementaire.

1.1.2. Les contributions indirectes et réglementations assimilées

Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne, la réglementation applicable aux contributions indirectes figurait dans le code général des impôts et le livre des procédures fiscales.

S'agissant des réglementations assimilées, tout en étant soumises au cadre procédural prévu par le livre des procédures fiscales en matière de recouvrement, de recherche, constatation et poursuite des infractions, leur réglementation a pu figurer dans des codes distincts du code général des impôts. Ainsi, la viticulture est régie par le code rural et de la pêche maritime (CRPM). En revanche, la réglementation de la garantie figure dans le code général des impôts (partie législative et partie réglementaire).

Il est précisé qu'à compter du 1er janvier 2024, le recouvrement des accises sur les alcools et tabacs sera effectué par la direction générale des finances publiques (DGFIP) comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires.

En effet, à compter de cette date :

- en matière d'accise sur l'alcool, l'article L. 313-43 du code des impositions des biens et services (CIBS) dispose que « Sous réserve de des articles L. 313-44 et L. 313-44-1, l'accise est, pour les éléments mentionnés à l'article L. 180-1, régie par les dispositions du livre II du code général des impôts et du livre des procédures fiscales qui lui sont propres ou qui sont applicables aux contributions indirectes. » et l'article L313-44-1 du CIBS précise que « Le recouvrement de l'accise est régi par les dispositions du livre II du code général des impôts et du titre IV du livre des procédures fiscales applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires. » ;

- un dispositif similaire en matière de tabac résulte des articles L.314-35 et L314-36-1 du CIBS.

L'accise demeurera contrôlée selon les procédures et sous les sanctions prévues en matière de contributions indirectes. En revanche, l'accise est recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations relatives au recouvrement sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La reconnaissance, par le Conseil constitutionnel ( décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999), de l'existence d'un objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui s'ajoute à l'exigence de clarté législative déjà déduite avant 1999 de l'article 34 de la Constitution (par exemple, décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, points 7 et 10) a une conséquence concrète sur le travail légistique, qui implique que des moyens suffisants soient alloués à la codification. La codification vise également la poursuite d'un objectif de valeur constitutionnelle : l'accessibilité de la norme. En ce sens, le Conseil d'Etat, dans son arrêt n°181611 du 17 décembre 1997 (Ordre des avocats à la Cour de Paris, Lebon p.491), a jugé que « la mise à disposition et la diffusion de textes constituent une mission de service public au bon accomplissement duquel il appartient à l'Etat de veiller ».

Afin de simplifier et de rendre plus lisible la réglementation fiscale, l'article 5 de la loi n° 48-1268 du 5 août 1948 a prévu la refonte de l'ensemble des codes fiscaux avant le 1er janvier 1949. Le 2 de cet article prévoit que « les codes et les textes ainsi refondus seront annexés au projet de loi de finances de 1949 qui devra être déposé avant le 10 décembre 1948. Leurs dispositions entreront obligatoirement en vigueur le 1er janvier 1949 ». Le décret constituant le tome II de l'annexe n° 5656 du projet de loi de finances pour 1949 a été déposé à l'Assemblée nationale le 25 septembre 1948. Cette annexe n° 5656 contenant le code des douanes a été effectivement publiée au Journal officiel, édition documents parlementaires Assemblée nationale, du 1er janvier 1949 (pages 2454 à 2477).

Dans sa décision n° 2011-208 QPC du 13 janvier 2012, le Conseil constitutionnel a considéré que l'annexion du décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948 à la loi n° 48-1973 du 31 décembre 1948 (loi de finances pour 1949) confère au code des douanes une valeur législative.

L'article 38 de la Constitution dispose que « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Le Conseil constitutionnel a été amené à l'interpréter pour mieux encadrer le processus d'habilitation.

Dans sa décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977, le Conseil constitutionnel a précisé que l'article 38 faisait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement « lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre » (point 2). Le juge constitutionnel a réitéré à plusieurs reprises cette obligation faite au Gouvernement de « définir avec précision les finalités de l'habilitation » et d'indiquer précisément le « domaine d'intervention des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnance » ( décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 et décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999).

Les mesures prises par ordonnance relèvent normalement du domaine de la loi, celui-ci étant notamment précisé à l'article 34 de la Constitution.

Par décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, concernant la loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnance, à l'adoption de la partie législative de certains codes, le Conseil constitutionnel a indiqué que « (...) cette finalité [l'achèvement du programme de codification] répond au demeurant à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'en effet l'égalité devant la loi énoncée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et... » la garantie des droits « requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ; qu'une telle connaissance est en outre nécessaire à l'exercice des droits et libertés garantis tant par l'article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n'a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel " tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas ».

Dans sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 concernant la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, le Conseil constitutionnel a indiqué « (...) Considérant, (...) qu'en l'espèce, l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire fait obstacle à la réalisation, dans des délais raisonnables, du programme du Gouvernement tendant à simplifier le droit et à poursuivre sa codification ; que cette double finalité répond à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'en effet, l'égalité devant la loi énoncée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et... » la garantie des droits « requise par son article 16 ne seraient pas effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des règles qui leur sont applicables et si ces règles présentaient une complexité inutile ; qu'à défaut, serait restreint l'exercice des droits et libertés garantis tant par l'article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n'a de bornes que celles qui sont déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas ».

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Sans objet.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Sans objet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La recodification du code des douanes vise à remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification, en regroupant des dispositions de nature législative qui n'auraient pas été codifiées ou l'auraient été dans des codes différents, en réorganisant le plan et la rédaction de ces dispositions, en améliorant sa lisibilité et en tenant mieux compte de l'existence du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union (ci-après le CDU). Elle sera également l'occasion d'harmoniser l'ensemble des pouvoirs dévolus aux agents des douanes, tant en ce qui concerne le contrôle douanier que celui des accises.

L'intégration dans ce code du régime répressif, des procédures devant les tribunaux, des pouvoirs de contrôle et du dispositif de remise et de transaction à titre gracieux, en matière de contributions indirectes, suppose l'intégration dans la partie législative du nouveau code des douanes, des dispositions de la partie législative du code général des impôts et de la partie législative du livre des procédures fiscales qui régissent ces différents régimes.

Une telle compilation de textes nécessite d'être effectuée par voie d'ordonnance afin d'éviter un encombrement du Parlement.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi est l'accessibilité et l'intelligibilité des dispositions concernées.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

La codification du seul code des douanes était une option envisageable. Elle a le mérite de réformer un code datant de 1948, modifié par empilement.

Cependant, l'éparpillement des différents régimes répressifs relevant de la compétence de l'administration des douanes est source de complication, tant pour les opérateurs concernés que pour les services administratifs chargés de les mettre en oeuvre. Dans ces conditions, son maintien dans le code général des impôts, où seraient, en outre, rapatriées les sanctions aujourd'hui réparties dans d'autres codes, ainsi que le maintien des pouvoirs de contrôle dans le livre des procédures fiscales n'est pas une option opportune.

3.2. DISPOSITIF RETENU

L'article d'habilitation a pour objet de permettre au Gouvernement d'engager un travail de recodification de la partie législative du code des douanes afin de tirer pleinement les conséquences de l'obsolescence de plusieurs dispositions du code.

Ce travail de recodification sera effectué dans les trente-six mois à compter de la publication de la présente loi.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des conséquences attendues de la mesure sera effectuée dans la fiche d'impact exposant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation.

Néanmoins, il peut d'ores et déjà être fait état des impacts suivants :

? une amélioration de la lisibilité des dispositions concernées ;

? une mise en conformité de diverses dispositions du code des douanes, dont certaines sont obsolètes. Aucune réforme d'ensemble du droit douanier national n'est, en effet, intervenue depuis 1948.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Le délai d'habilitation de trente-six mois est nécessaire eu égard à l'ampleur du travail à mener et de la technicité des dispositions à prendre. Ce travail doit consister dans :

? la recodification du code des douanes, lequel n'a jamais fait l'objet d'une codification depuis 1948, n'a pas de partie réglementaire et contient diverses dispositions obsolètes ou qui doivent être réécrites afin de les rendre pleinement compatibles avec le CDU ;

? l'intégration des pouvoirs de contrôle, le régime de sanctions, les procédures devant les tribunaux, les remises et transactions à titre gracieux, applicables aux contributions indirectes et réglementations assimilées, compte tenu de la technicité des dispositions à prendre ;

? la prise en compte des dispositions dont l'application doit être étendue, avec les adaptations nécessaires, aux îles Wallis et Futuna, ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour celles qui relèvent de la compétence de l'Etat, et aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises. A ce jour, le code des douanes ne contient aucune disposition relative aux collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, à la Nouvelle Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

TITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER

Article 16 - Dispositions relatives à l'outre-mer

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, selon la matière et la collectivité, les dispositions du code des douanes relèvent pour partie de la compétence de la collectivité (impôts, droits et taxes, régimes douaniers, procédure civile) et pour partie de la compétence de l'Etat (pouvoirs, incriminations, sanctions), l'applicabilité de ces dernières pouvant être de plein droit ou nécessiter une mention expresse, sans préjudice d'éventuelles adaptations rendues nécessaires par l'organisation particulière de ces collectivités.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Chaque collectivité d'outre-mer visée à l'article 74 de la Constitution (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française et les îles Wallis-et-Futuna) est régie par un statut, défini par une loi organique adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République. Le statut fixe notamment les conditions dans lesquelles les lois et règlements sont applicables dans la collectivité d'outre-mer, ses compétences et les règles d'organisation et de fonctionnement de ses institutions.

Des dispositions spécifiques sont applicables à la Nouvelle-Calédonie (voir le titre XIII de la Constitution).

Parmi ces collectivités, on distingue :

- celles soumises au principe d'identité législative (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon). Dans ces collectivités, les lois et règlements sont applicables de plein droit, sous réserve d'adaptation ;

- celles soumises au principe de spécialité législative (Polynésie française, îles Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie). Dans ces collectivités, dans les matières pour lesquelles l'Etat demeure compétent, les lois et règlements ne sont applicables que sur mention expresse d'application, sous réserve d'adaptation.

Par dérogation à ce principe, l'article 7 de la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et l'article 6-2 de la loi n° 99-2009 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prévoient que les dispositions législatives et réglementaires relatives aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions ainsi qu' aux procédures contentieuses en matière douanière sont applicables de plein droit dans ces territoires, sans préjudice des dispositions les adaptant à leur organisation particulière.

Avec une graduation importante selon les territoires, l'organisation administrative, la répartition des compétences et le droit applicable diffèrent fortement du droit commun applicable dans l'Hexagone.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Sans objet.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Sans objet.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La répartition des compétences et le régime d'applicabilité des dispositions législatives dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie nécessitent, selon les matières concernées, de prévoir des mentions expresses d'applicabilité ou des adaptations pour tenir compte de l'organisation particulière de ces territoires.

Ces extensions et adaptations des dispositions applicables en outre-mer et en Nouvelle-Calédonie sont opérées par un texte de même niveau normatif que les dispositions applicables en métropole.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif est l'application effective des dispositions de la présente loi sur l'ensemble du territoire de la République qui, selon les collectivités, peut nécessiter de rendre expressément applicables certaines dispositions et de procéder aux adaptations nécessaires.

Il a également pour objet de prendre en compte dans le code des douanes, les évolutions statutaires et terminologiques liées à l'outre-mer.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Pour rendre la loi effective dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, il convient d'en prévoir les conditions d'applicabilité.

En conséquence, soit la loi prévoit elle-même les extensions et adaptations nécessaires pour son application dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, soit ces extensions et adaptations sont opérées ultérieurement par le Gouvernement par le mécanisme des ordonnances.

Ces dernières peuvent être prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution ou de l'article 74-1 qui prévoit une habilitation permanente du Gouvernement à étendre et adapter des dispositions législatives dans les collectivités de l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

3.2. OPTION RETENUE

Il a été choisi de procéder aux extensions et adaptations nécessaires dans la loi afin de permettre une application immédiate de la loi sur tout le territoire de la République.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les mesures adoptées seront applicables dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, sous réserve des adaptations et exclusions prévues, à savoir :

- non application du droit de l'Union européenne dans les pays et territoires d'outre-mer ;

- non-application des dispositions intervenant dans une matière relevant de la compétence des collectivités ;

- remplacement des dispositions non applicables localement par les dispositions applicables localement ayant le même objet ;

- adaptations terminologiques.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie relèvent soit du statut de région ultrapériphérique, soit du statut de pays et territoire d'outre-mer au regard du droit de l'union européenne.

Saint-Martin a le statut de région ultrapériphérique, reconnu par l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Les régions ultrapériphériques font partie intégrante de l'Union européenne et sont assujetties au droit européen, au même titre que les autres régions européennes.

La Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna ont le statut de pays et territoires d'outre-mer.

Contrairement aux régions ultrapériphériques, les pays et territoires d'outre-mer ne font pas partie intégrante de l'Union européenne, mais ils bénéficient d'un régime d'association. Le droit de l'Union ne leur est donc pas applicable mais ils sont néanmoins éligibles à de nombreux programmes horizontaux de l'Union.

Les relations UE-PTOM sont définies par la quatrième partie du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et par la décision d'association outre-mer du 5 octobre 2021 (n° 2021/1764), applicable à partir du 1er janvier 2021. Le but de cette association est de constituer un partenariat visant à favoriser le développement durable des PTOM ainsi qu'à promouvoir les valeurs et les normes de l'Union dans le reste du monde.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Aucune consultation obligatoire n'est nécessaire et aucune consultation facultative n'a été réalisée.

Dans sa décision n° 94-342 DC du 7 juillet 1994, le Conseil constitutionnel a jugé qu'une disposition qui « n'introduit, ne modifie ou ne supprime aucune disposition spécifique au territoire de la Polynésie française touchant à l'organisation particulière de ce dernier... pouvait lui être rendue applicable sans consultation de l'assemblée territoriale telle qu'elle est prévue par l'article 74 de la Constitution ».

En outre depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l'article 74 précité n'exige la consultation de l'assemblée délibérante de ces collectivités que pour la définition de leur statut et des autres modalités de leur organisation particulière, ce que vérifie de façon systématique le Conseil constitutionnel.

En ce qui concerne les consultations avant l'édiction de normes par l'Etat, c'est désormais le législateur organique, habilité par l'article 74 de la Constitution, qui détermine les conditions dans lesquelles les institutions de ces collectivités sont consultées « sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence ».

La présente loi ne contient aucune disposition qui introduit, modifie ou supprime une disposition spécifique aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les présentes dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

L'article 16 est applicable dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Le III de cet article est également applicable dans les départements d'outre-mer

5.2.3. Textes d'application

Les décrets et arrêtés prévus par les dispositions de la présente loi seront applicables dans les collectivités territoriales et en Nouvelle-Calédonie, sous réserve des adaptations nécessaires.

ANNEXES

Annexe 1 : Carte matérialisant le rayon terrestre (nouvelle rédaction de l'article 60 du code des douanes)

Annexe 2 : Cartes d'implantation des bureaux de douane (carte actuelle et carte de 2004)

Annexe 3 : Carte d'implantation de l'ensemble des services douaniers


* 1 Rattachée au Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects est l'administration de la frontière et de la marchandise.

* 2 Voir par exemple Cass.crim., 23 mars 1991, n° 91-83.775.

* 3 Cass. crim., 16 janvier 1995, n° 94-81.722 ; 5 avril 2018, n° 17-80.285.

* 4 Cass. crim. 13 juin 2019, n° 18-83.297.

* 5 Cass. crim., 18 mars 2020, no 19-84.372.

* 6 Cass. crim., 23 février 2022, n° 21-85.050.

* 7 Cass. crim., 26 janvier 2022, n° 21-84.228.

* 8 Cass. crim., 26 octobre 2016, n° 16-82.463.

* Cass. crim. 22 févr. 2006,   04-87.027, Bull. crim. N° 53 (en l'espèce, il s'agissait d'une inspection du contenu d'un manteau).

* 10 Cass. crim. 26 févr. 1990, 87-84475Bull. crim. n° 93 et Cass. Crim. 22 fév. 2006, 04-87.027, Bull.crim n° 53.

* 11 Cass. crim. 18 avr. 1988,   87-80387, Bull. crim. n° 162.

* 12 Cass. crim. 31 mai 2011,   11-80034, Bull. crim. n° 113 (en l'espèce, il y a eu palpation effectuée par un fonctionnaire de même sexe que la personne contrôlée sur ses vêtements amenant à la découverte dans un soutien-gorge d'un sachet se révélant contenir de l'héroïne).

* 13 Cass. crim. 26 janvier 2022, 21-84.228, Bull. Crim. 21-84.228.

* 14 Cass. crim. 13 juin 2019, n° 18-83.297.

* 15 Cass. crim. 4 décembre 1997 n° 96-83547.

* 16 Cass. crim. 18 décembre 2019, n° 19-81643.

* 17 Cass. crim., 18 mars 2020, n° 19-84.372.

* 18 Est considérée comme porteur toute personne physique qui, pour elle-même ou pour le compte d'un tiers, transporte de l'argent liquide sur elle, dans ses bagages ou dans ses moyens de transport (Article L152-1 du code monétaire et financier et article 1er du règlement (UE) n° 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union).

* 19 L'argent liquide est ici compris au sens de la définition donnée par le règlement (UE) 2018/1672.

* 20 Le schéma d'emplois est arbitré chaque année en loi de finances. Il représente le solde des entrées et des sorties d'emplois équivalents temps plein (ETP) prévues entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année N+1. Le schéma d'emplois est sous-jacent au calcul du plafond d'emplois. Chaque ministère se voit affecter un plafond d'emplois rémunérés par l'État à ne pas dépasser et qu'il peut ensuite répartir selon les besoins de l'action publique. Ces plafonds sont regroupés et votés en une fois dans la loi de finances de l'année. Les montants correspondants aux coûts induits par la réserve opérationnelle en Douane (rémunération et équipements essentiellement) sont imputés sur la masse salariale sans effet sur le plafond d'emploi. Les rémunérations des réservistes correspondent à des dépenses de personnel qui auront un impact sur les crédits du titre II du programme 302.

* 21 L'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, appelée Frontex, est l'agence de l'Union européenne chargée du contrôle et de la gestion des frontières extérieures de l'espace Schengen.

* 22 Les coûts s'entendent « hors CAS » c'est-à-dire qu'ils n'intègrent pas de contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Celui-ci regroupe le régime des pensions civiles et militaires et le régime des ouvriers de l'Etat.

* 23 Il est aujourd'hui possible d'estimer la répartition A+ et A à respectivement un tiers et deux tiers, soit 26 A+ et 52 A.

* 24 L'emploi d'un réserviste représente un coût moyen journalier de 181€ pour un agent de catégorie A, 133€ pour un agent de catégorie B et 117€ pour un agent de catégorie C.

* 25 Définition du dictionnaire Larousse : « Relatif à une méthode scientifique utilisée pour éclairer les circonstances d'une affaire judiciaire ».

* 26 Il est ici entendu par « serveurs distants » : 1) de serveurs informatiques situés dans des lieux distincts de celui où se déroule la visite domiciliaire (voir en ce sens § 9 de la décision n°2021-980 QPC du 11 mars 2022) ; 2) des documents, non matériellement présents dans les lieux mais accessibles à distance depuis ces lieux, y compris lorsqu'ils sont stockés sur des serveurs à l'étranger (Com., 26 février 2013, pourvoi n° 12-14.772 ; Com., 25 novembre 2014, pourvoi n° 13-16.920).

* 27 La définition de la complicité au sens du code des douanes est celle prévue par le code pénal art. 121-6 et 121-7. L'intéressement à la fraude vise toute forme de participation intentionnelle à la réalisation de la fraude comme par exemple l'individu qui a financé l'achat du moyen de transport dans lequel la drogue a été découverte, est intéressé à la fraude.

* 28 Selon l'article L. 110-3 du CESEDA, « sont considérées comme étrangers au sens du présent code les personnes qui n'ont pas la nationalité française, soit qu'elles aient une nationalité étrangère, soit qu'elles n'aient pas de nationalité ».