TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION
DU CONSEIL DES MINISTRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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Ministère de l'Europe
et des affaires étrangères
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Projet de loi
autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la
pollution des mers résultant de l'immersion de déchets
et autres matières
NOR : EAEJ2411782L/Bleue-1
ÉTUDE D'IMPACT
I. Situation de référence
La convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières (dite Convention de Londres), est une convention de l'Organisation maritime internationale (OMI)1(*). C'est l'une des premières conventions mondiales visant à protéger le milieu marin contre les activités de l'Homme. Entrée en vigueur en 1975, elle a pour objectif de promouvoir un contrôle effectif de toutes les sources de pollution des mers et de mettre en place toutes les mesures possibles pour prévenir cette pollution résultant de l'immersion de déchets. Aux termes de l'article III de la convention précitée, la notion de « déchets et autres matières » doit s'entendre largement comme l'ensemble des matériaux et substances de tout type, de toute forme et de toute nature. Le même article énonce que le terme « immersion » recouvre tout rejet délibéré dans la mer de déchets et autres matières à partir de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages placés en mer, ainsi que tout sabordage en mer de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages placés en mer. Actuellement, 87 États sont Parties contractantes à la Convention.
Le Protocole de Londres2(*) a été conclu en 1996 et est destiné à remplacer la convention lorsque toutes les Parties à la Convention de Londres auront ratifié le Protocole de Londres. Le Protocole représente un changement majeur dans la règlementation de l'immersion en mer. En effet, alors qu'en vertu de la Convention, seule l'immersion des déchets figurant à l'annexe 1 était interdite, le paradigme est inversé dans le Protocole : en vertu du Protocole, toute immersion est interdite, sauf pour les déchets pouvant être acceptables, qui figurent à l'annexe 1 (déblais de dragage ; boues d'épuration ; déchets de poisson ou matières résultant d'opérations de traitement industriel du poisson ; navires et plates-formes ou autres ouvrages artificiels en mer ; matières géologiques inertes, inorganiques ; matières organiques d'origine naturelle ; et, dans certains cas précis objets volumineux constitués principalement de fer, d'acier, de béton et de matériaux également non nuisibles). Le Protocole est entré en vigueur le 24 mars 2006 et actuellement 53 États sont Parties contractantes.
L'objectif de la convention et du Protocole de Londres est de promouvoir le contrôle efficace de toutes les sources de pollution marine. Les Parties contractantes prennent des « mesures efficaces, selon leurs capacités scientifiques, techniques et économiques », pour prévenir la pollution du milieu marin causée par l'immersion en mer (voir articles I et II de la Convention et article 2 du Protocole).
La Convention et le Protocole ne couvrent ni les émissions à partir de sources côtières, ni les déchets provenant de l'exploration et de l'exploitation des ressources minérales maritimes, et ne s'appliquent pas en cas de force majeure lorsqu'il s'agit de sauvegarder des vies humaines ou la sécurité des navires.
Ils encouragent les accords régionaux complémentaires, et plusieurs conventions de mers régionales ont adopté des protocoles de lutte contre la pollution par immersion, comme, par exemple, la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (dite Convention OSPAR)3(*) ou le Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs (dite Convention de Barcelone)4(*).
En vertu de l'article 21.3 du Protocole de Londres, tout amendement à un article du Protocole entre en vigueur à l'égard des Parties contractantes qui l'ont accepté le soixantième jour après que deux tiers des Parties contractantes aient déposé un instrument d'acceptation auprès de l'Organisation. Par la suite, l'amendement entre en vigueur à l'égard de toute autre Partie contractante le soixantième jour après la date à laquelle cette Partie contractante aura déposé son instrument d'acceptation de l'amendement.
En vertu de l'article 22.4, les amendements aux annexes entrent en vigueur le centième jour suivant leur adoption selon une procédure d'acceptation tacite.
II. Historique des négociations
Depuis l'entrée en vigueur du Protocole, trois amendements ont été adoptés :
- l'amendement de 2006 visant à inclure la séquestration de dioxyde de carbone dans les formations géologiques du sous-sol marin dans l'annexe 1 du Protocole (résolution LP.1(1)) qui est entré en vigueur à l'égard de toutes les Parties. En effet, les amendements aux annexes entrent en vigueur selon une procédure d'acceptation tacite. Il est donc considéré que cet amendement a été accepté par la France, dans la mesure où elle ne s'y est pas opposée avant l'expiration du délai de 100 jours prévu par l'article 22.4 cité précédemment ;
- l'amendement de 2009 à l'article 6 du Protocole5(*) visant à créer une exception à l'interdiction d'exportation de déchets ou autres matières aux fins d'immersion ou d'incinération en mer pour l'exportation des flux de dioxyde de carbone d'un État vers un autre État aux fins de séquestration, dans les formations géologiques du sous-sol marin, par ce dernier, conformément à l'Annexe 1 (résolution LP.3(4)). Cet amendement a été accepté par seulement dix Parties (Estonie, Finlande, République islamique d'Iran, Norvège, Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni, Belgique, Danemark et République de Corée) et n'est pas encore entré en vigueur.
- l'amendement de 2013 (non entré en vigueur) visant à réglementer le dépôt de matières effectué au titre d'activités de fertilisation des océans et d'autres activités de géo-ingénierie marine (résolution LP.4(8)), qui a été accepté par six Parties (Estonie, Finlande, Allemagne, Norvège, Pays-Bas et Royaume-Uni). Cet amendement insère à l'article 1 du Protocole la définition de la géo-ingénierie marine, crée un nouvel article 6 bis relatif aux activités de géo-ingénierie marine et deux nouvelles annexes 4 et 5 (respectivement relatives à la fertilisation des océans et au cadre pour l'évaluation des matières dont le dépôt peut être envisagé en vertu de l'annexe 4).
Ces deux derniers amendements n'ont pas été ratifiés par la France. Néanmoins, le présent projet de loi concerne uniquement la ratification de l'amendement de 2009 relatif au transport transfrontalier de dioxyde de carbone. En effet, les enjeux prioritaires de lutte contre le changement climatique évoqués par la suite motivent la proposition de ratification de l'amendement de 2009. S'agissant de l'amendement de 2013 pour lequel il n'existe pas à l'heure actuelle de projets anticipés sur le territoire, et pour un sujet qui concerne les activités de géo-ingénierie marine dont les impacts climatiques et environnementaux demeurent insuffisamment connus, une évaluation plus approfondie apparaît nécessaire avant d'envisager la ratification de l'amendement. Par ailleurs, des travaux juridiques sont en cours pour évaluer la possibilité d'intégrer d'autres techniques de géo-ingénierie marine à l'annexe 4 du Protocole de Londres. Ainsi, la ratification de l'amendement de 2013 ne pourra être envisagé qu'une fois ces travaux terminés.
Par ailleurs, lors de la conférence des Parties de 2019, les Parties ont adopté la résolution LP.5(14)6(*) relative à l'application provisoire de l'amendement de 2009 à l'article 6 du Protocole de Londres. Cette résolution permet aux Parties en ayant fait la déclaration auprès du secrétariat de l'OMI d'appliquer provisoirement l'amendement de 2009 sans attendre sa ratification par deux tiers des Parties. L'intention française est de pouvoir faire usage de cette résolution afin d'appliquer dès que possible l'amendement de 2009.
III. Objectifs de la résolution
La 21ème conférence des Parties (COP21) à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques a abouti en décembre 2015 à l'adoption de l'Accord de Paris7(*), dont l'objectif est de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2 degrés Celsius, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport à la période préindustrielle. L'Accord de Paris implique des engagements de limitation des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour les pays développés et en développement.
Au niveau français, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC)8(*), qui constitue la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique, fixe une trajectoire de réduction d'émissions de gaz à effet de serre pour chaque secteur de l'économie, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour l'industrie en particulier, cela se traduit par un objectif de réduction des émissions de GES de 35% d'ici 2030 et de 81% d'ici 2050 par rapport à 2015. Cette ambition a vocation à être renforcée dans le cadre de la révision de la SNBC actuellement en cours dans le contexte de l'élaboration de la Stratégie française énergie climat.
Le Conseil européen a également adopté en décembre 2019 un objectif de neutralité climatique de l'Union européenne (UE) à horizon 2050, et a approuvé en décembre 2020 un objectif contraignant consistant en une réduction nette des émissions de gaz à effet de serre dans l'UE d'au moins 55% nettes d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 (incluant les absorptions). Ces deux objectifs ont été intégrés à la législation européenne via le Règlement (UE) 2021/1119 appelé aussi « loi climat européenne »9(*).
L'atteinte de la neutralité carbone en 2050 repose sur un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre résiduelles et les absorptions de carbone. Les absorptions de carbone proviennent principalement des puits de carbone qui ont la capacité de stocker du carbone (écosystèmes marins, forêts, sols, produits bois). Une partie des absorptions de carbone provient des technologies de capture et stockage de carbone ou CSC. La SNBC prévoit notamment le recours aux technologies de CSC à horizon 2050, pour stocker les émissions industrielles incompressibles (la priorité étant la réduction des émissions lorsque cela est techniquement possible), et également pour générer des émissions négatives en associant la combustion de biomasse avec des installations de capture et stockage de carbone (BECSC).
Les technologies de capture de dioxyde de carbone se développent et plusieurs industriels français envisagent son déploiement, pour certains, d'ici 2030. Les projets de séquestration géologique du dioxyde de carbone émergent également partout dans le monde et en Europe, en particulier en mer du Nord. A horizon 2030, le développement de capacités de séquestration géologique en France est incertain et ne pourra pas se faire dans des quantités suffisantes au regard des projets de capture de dioxyde de carbone en développement sur le territoire français. En effet, bien que l'objectif soit de disposer à terme de capacités françaises de séquestration de dioxyde de carbone, les délais de développement de ce type de projets sont très longs (de l'ordre de la dizaine d'années). La possibilité d'exporter du dioxyde de carbone capturé en France vers des sites de stockage en Europe, notamment en mer du Nord, permettrait donc de faciliter l'atteinte des objectifs de réduction d'émission au niveau français, à commencer par les objectifs de 2030.
L'amendement de 2009 vise à modifier l'article 6 du Protocole de Londres, afin d'autoriser l'exportation (et potentiellement l'importation) des flux de dioxyde de carbone destinés à être séquestrés dans les formations géologiques du sous-sol marin, à condition qu'un accord ou arrangement ait été conclu par les pays concernés (le pays « exportateur de dioxyde de carbone » et le pays stockant le dioxyde de carbone). Cet accord ou arrangement doit indiquer la répartition des responsabilités en matière d'octroi de permis entre les pays qui exportent des substances et ceux qui les reçoivent. Dans le cas où cet accord ou arrangement est conclu avec une Partie non contractante (n'ayant pas ratifié le Protocole de Londres), celui-ci doit intégrer des dispositions garantissant le respect des obligations de protéger et de préserver le milieu marin prescrites par le Protocole de Londres.
IV. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord ou convention
Ce texte emporte des conséquences dans les domaines environnemental (a.) ; économique (b.) ; juridique (c.) ; financier (d.) et administratif (e.).
a. Conséquences environnementales
En premier lieu, comme indiqué dans la Partie « III. Objectifs de l'accord ou convention », la possibilité de transporter du dioxyde de carbone d'un État à un autre en vue de sa séquestration géologique contribue à l'objectif de réduction des émissions de dioxyde de carbone, dans l'atmosphère et donc à l'objectif d'atténuation du changement climatique.
Le transport transfrontalier de dioxyde de carbone nécessitera la création d'infrastructures de transport telles que canalisations, terminaux d'import/export de dioxyde de carbone, unités de liquéfaction du dioxyde de carbone. Néanmoins, la réalisation de ces infrastructures sera soumise aux réglementations environnementales en vigueur et nécessitera l'obtention d'autorisations auprès des administrations compétentes. La plupart de ces installations seront terrestres, et ne rentrent donc pas dans le champ du Protocole de Londres.
En particulier, le transport du dioxyde de carbone par canalisation est soumis à la réglementation sur les canalisations de transport (Code de l'environnement et arrêté du 5 mars 2014 définissant les modalités d'application de ces dispositions10(*)), et est soumis à une procédure d'autorisation (L. 555-1 à L 555-30 et art R. 555-2 à R. 555-36 du même code). D'un point de vue plus technique, les différents guides professionnels approuvés par le ministère de la transition écologique qui complètent les exigences réglementaires n'intègrent pas encore les spécificités du transport de dioxyde de carbone qui peut être effectué sous forme supercritique dans certains projets étudiés. Des études techniques seront donc à mener au préalable par les exploitants de ces futures canalisations. Des prescriptions techniques seront définies afin d'encadrer la conception, la construction, la surveillance et la maintenance des canalisations de transport de dioxyde de carbone et réduire le risque de fuite lors de l'exploitation.
Les émissions de dioxyde de carbone engendrées par les bateaux transportant le dioxyde de carbone sont évaluées en moyenne à 2 % des volumes de dioxyde de carbone transportés sur 1000 km (émissions liées à la consommation de carburants fossiles)11(*). Le document de consultation sur la stratégie « CCUS » française12(*) prévoit le déploiement de la capture et du stockage à hauteur de 4 à 8,5 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an en 2030 en France. Ces quantités pourraient atteindre entre 15 et 20 millions de tonnes captés et stockés par an en 2050 (une partie du dioxyde de carbone capté à cet horizon devrait être valorisée). Considérant que les pays développant des capacités de stockage du dioxyde de carbone dans des formations géologiques sous-marines sont aujourd'hui la Norvège, le Danemark, le Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Italie, il peut être estimé qu'environ 500 milliers de tonnes de dioxyde de carbone par an pourraient être émis par le transport par bateau pour 15 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an transportés pour être. A noter que ces valeurs sont susceptibles de diminuer sensiblement à l'avenir, le secteur du transport maritime s'étant engagé dans une décarbonation massive sous l'égide de l'Organisation maritime internationale, et que des sites de stockage pourraient se développer en France à l'horizon 2050, permettant de limiter les quantités exportées et transportées par bateau. L'augmentation du trafic maritime dû au transport du dioxyde de carbone sera très faible par rapport à l'état du trafic maritime actuel, qui est par ailleurs soumis au système d'échange de quotas d'émissions de l'UE. L'impact additionnel sur la qualité de l'air est donc également faible.
Sur le territoire national, le transport par trains, par barges, voire par camions pour de courtes distances, pourra également être envisagé.
De manière générale, le transport de dioxyde de carbone existe déjà, ce dernier étant utilisé comme matière première dans certaines industries comme l'agro-alimentaire (boissons gazeuses par exemple). Le transport du dioxyde de carbone par voies routière, ferrée, de navigation intérieure ou maritime est soumis aux différentes règlementations internationales modales sur le transport des marchandises dangereuses. Il est classé sous le No ONU13(*) 1013 (gaz liquéfié) ou 2187 (gaz liquéfié réfrigéré). Outre la construction de nouvelles infrastructures (terminaux et canalisations) évoquées précédemment, l'impact réside donc seulement dans l'augmentation des quantités transportées.
À terre, le stockage géologique de dioxyde de carbone se fait principalement dans des champs d'hydrocarbures déplétés (c'est-à-dire d'où des hydrocarbures ont déjà été extraits) ou des aquifères salins (couches géologiques profondes, poreuses, perméables et saturées en eau salée) à une profondeur minimale de 800m afin de stocker le dioxyde de carbone sous une forme dense (la forme dense nécessitant moins de volume de stockage). Dans ces deux cas, le « stockage » consiste à avoir une structure géologique réservoir d'un certain volume, recouverte par une couche imperméable au passage du dioxyde de carbone et qui permet de piéger de façon sûre et permanente le dioxyde de carbone. Pour un stockage sous les fonds marins, l'injection sera réalisée par un puits dans des couches géologiques sous-marines à plusieurs centaines de mètres sous le niveau du fond marin. Il n'y a donc pas d'impact sur les fonds marins, ni en termes de faune, ni en termes de flore, hormis l'emprise de la tête de puits d'injection dont le diamètre est de moins d'un mètre et la hauteur de moins de 2 mètres en général. Le projet de stockage comportera aussi une canalisation de transport du CO2 reliant le stockage tampon au puits, soit directement depuis la côte, soit depuis une plateforme en surface. Toute demande de stockage devra comporter une analyse environnementale, économique et sociale, où seront détaillées les impacts sur l'environnement et les mesures prises pour remédier aux potentiels impacts. En France, l'export de dioxyde de carbone pour un stockage géologique n'est envisagé que vers des pays appliquant la directive 2009/31/CE encadrant le stockage géologique du dioxyde de carbone (dite « directive CSC »)14(*), ou une règlementation équivalente présentant a minima les mêmes garanties environnementales. Cette directive CSC impose à son article 19, la constitution, par l'exploitant en charge du stockage de dioxyde de carbone, de garanties financières visant à assurer toutes les obligations découlant du permis de stockage délivré, y compris les exigences de fermeture et de post-fermeture. La garantie financière est périodiquement adaptée pour tenir compte de l'évolution du risque de fuite évalué et des coûts estimés.
Le risque zéro de fuite n'existe pas, mais les critères de sélection des stockages (existence d'une couche imperméable au CO2 d'épaisseur suffisante ou piège structural empêchant la remontée du CO2) et de leurs opérateurs vont minimiser ce risque sur la durée du projet. De plus, l'expérience acquise lors de l'exploitation des hydrocarbures et des stockages de méthane (le stockage de méthane est réalisé depuis plus de 65 ans en France, par exemple l'injection dans le stockage de Beynes en Île-de-France a commencé en 1956) montre que les risques de fuite sont principalement liés aux puits. Ces derniers font l'objet d'une surveillance permanente ce qui permet des actions de remédiation rapides. Le réservoir est surveillé de manière régulière afin de s'assurer de l'étanchéité de la couverture et du positionnement conforme du volume de dioxyde de carbone stocké. Le stockage de dioxyde de carbone est d'ailleurs réalisé en Norvège depuis 1996 pour stocker le dioxyde de carbone issu de l'extraction gazière15(*).
b. Conséquences économiques
Les coûts économiques associés à l'export et au stockage du dioxyde de carbone seront entièrement supportés par les industriels souhaitant exporter leur dioxyde de carbone, bien que des aides d'État pourraient être attribuées aux premiers projets pour inciter leur développement. Ces aides seraient limitées aux sites industriels ne bénéficiant pas d'autres solutions que la capture et le stockage de dioxyde de carbone pour réduire leurs émissions. À court terme, il s'agira des coûts de transport par bateau jusqu'au site de stockage de dioxyde de carbone (environ 40 €/t pour du CO2 capté en zone industrialo-portuaire) et des coûts d'injection, qui varient de 25 €/t à 75€/t avec une moyenne à 50 €/t. À long terme, des infrastructures de transport par canalisation pourraient être développées par les industriels.
Le système d'échange de quotas d'émissions de l'Union européenne (SEQE-UE) encadré par la directive 2003/87/CE dite « directive EU-ETS » (pour « European Union Emission Trading System ») ou « directive SEQE »16(*) permet d'inciter les industriels, par une augmentation du coût relatif de la tonne de carbone émise, à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et par conséquent à investir dans ces infrastructures de captage et de transport du dioxyde de carbone. En effet, les coûts économiques associés au déploiement de ces infrastructures seront partiellement compensés par une baisse des coûts liés au SEQE-UE pour l'industriel qui réduira ses émissions par la capture du dioxyde de carbone et son stockage géologique ultérieur. En effet, les industriels soumis au SEQE-UE ont l'obligation de restituer des quotas d'émissions à hauteur des quantités émises. Ces quotas d'émission peuvent être achetés ou vendus sur un marché et ont donc une valeur économique. En capturant le dioxyde de carbone qu'ils émettent et en le stockant géologiquement, les industriels réduisent donc la quantité de quotas à restituer et le coût associé.
L'accès aux sites de stockage étrangers, via l'exportation transfrontalière de CO2 capturé, permettra aux industriels français de disposer d'une solution additionnelle de décarbonation à celles déjà existantes, ce qui leur permettra de garantir leur compétitivité économique dans une perspective de renchérissement du prix du quota d'émissions.
c. Conséquences juridiques
· Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes
Le présent projet de loi vise à ratifier l'amendement de 2009 du Protocole de Londres, présenté supra.
Par ailleurs, il a vocation à contribuer à atteindre les objectifs d'atténuation du réchauffement climatique fixés par l'Accord de Paris adopté en décembre 2015 lors de la 21ème conférence des Parties (COP21) à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
· Articulation avec le droit européen
La directive 2009/31/CE relative au stockage géologique du dioxyde de carbone (dite « directive CSC ») établit un cadre juridique européen pour le stockage géologique du dioxyde de carbone en toute sécurité pour l'environnement afin de contribuer à la lutte contre le changement climatique. Elle couvre tout stockage de dioxyde de carbone dans des formations géologiques de l'UE et toute la durée de vie de ces sites de stockage. Elle contient également des dispositions relatives aux composantes de captage et de transport du dioxyde de carbone. Par ailleurs, les émissions de dioxyde de carbone industrielles sont encadrées par la directive 2003/87 relative au système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (« directive EU ETS »), qui s'applique également dans l'espace économique européen (EEE). Selon la Commission européenne, les exigences du Protocole de Londres, et en particulier l'amendement de 2009 à l'article 6, sont compatibles avec le cadre juridique en place dans l'EEE pour le captage, le transport transfrontalier et le stockage géologique de dioxyde de carbone entre les États membres de l'UE et les pays de l'EEE17(*).
· Articulation avec le droit interne
Le suivi des émissions de dioxyde de carbone, notamment en cas de capture et de stockage géologique sera effectué dans le cadre des dispositions du code de l'environnement transposant la directive SEQE 2003/87/CE, notamment la section 2 du chapitre IX du titre II du livre II de la partie législative du code relative aux quotas d'émissions de gaz à effet de serre (articles L229-5 à L229-19 du code de l'environnement).
Le respect des conditions d'octroi des permis de stockage géologique sous-marin de dioxyde de carbone est déjà précisé par les dispositions transposant la directive 2009/31/CE relative au stockage géologique du dioxyde de carbone dans les articles L229-27 à L229-54 du Code de l'environnement.
Conséquences financières
La ratification de l'amendement de 2009 ne porte pas de conséquences financières directes pour l'État, puisque les coûts de transport et du stockage du dioxyde de carbone seront pris en charge par les industriels souhaitant exporter leur dioxyde de carbone. Des dispositifs de soutien pourront néanmoins être envisagés pour accélérer le développement industriel de la filière « CSC » (Capture et Stockage du Carbone), mais ces financements publics ne sont pas directement liés à la ratification de l'amendement de 2009.
d. Conséquences administratives
La mise en oeuvre du texte impliquera l'élaboration d'accords bilatéraux avec les pays avec lesquels des exports, voire imports, de dioxyde de carbone auront lieu (en vue de le séquestrer dans les formations géologiques marines). Le ministère de la transition énergétique (DGEC), le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (DGALN) ainsi que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pourront être concernés. La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) sera pilote dans l'élaboration de ces accords bilatéraux. Néanmoins, ces échanges se limiteront a priori à quelques pays relativement proches au sein du continent européen et s'étaleront sur plusieurs années.
Le transfert transfrontalier de dioxyde de carbone impliquera également un contrôle du dioxyde de carbone exporté. Ce suivi pourra être effectué par le service de la DGEC en charge du rapportage des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du système des inventaires de l'UE.
Ainsi, il n'est pas identifié d'impact significatif nécessitant une augmentation des Equivalents Temps Plein (ETP).
État des signatures et ratifications
A ce jour, 10 pays ont ratifié l'amendement de 2009 : Belgique, Danemark, Estonie, Finlande, République islamique d'Iran, Pays-Bas, Norvège, République de Corée, Suède, Royaume-Uni.
* 1 Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets, conclue à Londres le 29 décembre 1972.
* 2 Protocole de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets, conclu à Londres le 7 novembre 1996.
* 3 Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, dite Convention OSPAR en particulier, les articles 3 (land-based sources), 4 (immersion) et 5 (offshore) de la convention, correspondant respectivement aux annexes I, II, et III.
* 4 Pour la convention de Barcelone adoptée en 1976, l'immersion depuis la terre fait l'objet du Protocole « LBS » (land-based sources). L'immersion depuis la mer (bateaux) fait l'objet du Protocole « immersion ». L'immersion depuis les plateformes pétrolières fait l'objet du Protocole « offshore ».
* 5 « Les Parties contractantes n'autorisent pas l'exportation de déchets ou autres matières vers d'autres pays aux fins d'immersion ou d'incinération en mer. »
* 6 Résolution LP.5(14) relative à l'application provisoire de l'amendement de 2009 à l'article 6 du Protocole de Londres
* 7 Accord de Paris sur le climat, obtenu le 12 décembre 2015, à l'issue de la 21e conférence des Parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, signée le 9 mai 1992.
* 10 Arrêté du 5 mars 2014 définissant les modalités d'application du chapitre V du titre V du livre V du code de l'environnement et portant règlement de la sécurité des canalisations de transport de gaz naturel ou assimilé, d'hydrocarbures et de produits chimiques
* 11 Shipping CO2 - UK Cost Estimation Study, Final report for Business, Energy & Industrial Strategy Department, November 2018
* 12 Document de consultation sur la stratégie CCUS française, juin 2023
* 13 Le code matière ONU est un système de classification et d'identification des matières utilisé pour le transport international.
* 14 Directive 2009/31/CE du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du Conseil, les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et 2008/1/CE et le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil.
* 15 Projet « Sleipner ».
* 16 Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil.
* 17 Document d'analyse de la Commission Européenne sur le Protocole de Londres publié le 30 septembre 2022.