EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Si le taux d'emploi des seniors n'a cessé de progresser depuis les années 2000 en France, il reste très inférieur à la moyenne de l'Union européenne, en particulier pour les 60-64 ans (38,9 % en France en 2023, contre 50,9 % en moyenne dans l'Union européenne, 65,3 % en Allemagne et 68,9 % en Suède).
Dans ce contexte, une mobilisation inédite doit être engagée pour l'emploi des seniors, afin d'accompagner l'allongement de la durée d'activité et d'augmenter le taux d'emploi des seniors.
Le 21 novembre 2023, les partenaires sociaux ont donc été invités par le Gouvernement, sur la base de l'article L. 1 du code du travail, à engager une négociation nationale interprofessionnelle afin d'identifier les mesures favorables au maintien et au retour en emploi des seniors.
Après un premier échec des négociations, la ministre du travail et de l'emploi a transmis en octobre 2024 un courrier aux partenaires sociaux pour indiquer que le Gouvernement demandait aux partenaires sociaux de reprendre les négociations sur l'emploi des seniors.
Dans ce cadre, un accord national interprofessionnel a été conclu le 14 novembre 2024 sur l'emploi des salariés expérimentés. Signé par le Medef, la CPME, l'U2P, la CFDT, la CFTC, FO et la CFE-CGC, il est articulé autour de quatre grandes priorités : mobiliser le dialogue social de branche et d'entreprise, préparer la deuxième partie de carrière, lever les freins au recrutement des demandeurs d'emploi seniors par la création d'un nouveau type de CDI et faciliter les aménagements de fin de carrière.
Cet accord démontre pleinement la dynamique du dialogue social en France et la capacité des partenaires sociaux à trouver des solutions pragmatiques et équilibrées.
En outre, les partenaires sociaux (MEDEF, U2P, CFE-CGC, CFDT, CFTC, CGT et FO) ont également décidé de conclure un accord national interprofessionnel sur l'évolution du dialogue social. Par cet accord, les organisations signataires ont tenu à souligner l'importance de conduire un dialogue social de qualité au regard des nouveaux enjeux auxquels les entreprises et les salariés sont confrontés. Afin de permettre le renouvellement des représentants du personnel dans les meilleures conditions possibles, en préservant l'expérience et les compétences acquises, les signataires ont demandé la suppression dans le code du travail de la limite du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.
Enfin, une convention relative à l'assurance chômage a été conclue le 15 novembre 2024 et prévoit une condition spécifique d'affiliation à l'assurance chômage pour les primo-entrants, définis comme les salariés privés d'emploi ne justifiant pas d'une admission au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi dans les vingt années précédant leur inscription comme demandeur d'emploi. Cette mesure avait été exclue de l'agrément du 19 décembre 2024 car elle était dépourvue de base légale. Le projet de loi vise donc à inscrire dans la loi cette mesure qui résulte de la convention conclue entre les partenaires sociaux.
L'objet du présent projet de loi est ainsi de transposer ces deux accords nationaux interprofessionnels pour les mesures qui relèvent du niveau législatif, inscrire dans la loi une mesure de la convention relative à l'assurance chômage du 15 novembre dernier et habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur les transitions professionnelles.
Ce présent projet s'articule en sept titres :
- Renforcer le dialogue social sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés ;
- Préparer la deuxième partie de carrière ;
- Lever les freins au recrutement des demandeurs d'emploi seniors ;
- Faciliter les aménagements de fin de carrière ;
- Améliorer la qualité du dialogue social ;
- Adapter les conditions d'activité requises pour les primo-affiliés à l'assurance chômage ;
- Dispositions relatives aux transitions professionnelles.
Le titre Ier sur le renforcement du dialogue social sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés comprend deux articles.
L'article 1er prévoit une obligation d'ordre public de négocier au moins une fois tous les quatre ans sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés dans les branches professionnelles. Les branches ont toutefois la possibilité de définir la périodicité et le contenu de cette négociation dans le respect des dispositions d'ordre public. À défaut d'accord, la négociation se tient tous les trois ans.
L'article 2 crée une obligation d'ordre public de négocier au moins une fois tous les quatre ans, pour les entreprises d'au moins trois cents salariés, sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, sauf accord de méthode fixant une périodicité différente. La négociation sur les salariés expérimentés devient une négociation à part entière, distincte de celle sur la gestion des emplois, des parcours professionnels et sur la mixité des métiers.
Le titre II pour mieux lier, en seconde partie de carrière, les visites médicales avec l'entretien professionnel, comprend un unique article.
L'article 3 prévoit de mieux lier la visite médicale de mi carrière du salarié avec l'entretien professionnel, afin que celui-ci constitue un bilan incluant les aspects relatifs aux préconisations du médecin du travail, ses compétences, ses qualifications, sa formation, ses souhaits de mobilité, aux actions de prévention de la désinsertion et de l'usure professionnelles. Le cas échéant, la mise en oeuvre des mesures d'aménagement de poste formulées à l'issue des visites médicales organisées après cette visite de mi carrière est abordée lors de l'entretien professionnel. L'article 3 prévoit également l'organisation d'un entretien professionnel deux ans avant le soixantième anniversaire du salarié.
Le titre III porte sur l'objectif de lever les freins au recrutement des demandeurs d'emploi et comprend un article unique.
L'article 4 prévoit une expérimentation de cinq ans sur la création d'un contrat de valorisation de l'expérience. Ce contrat, à durée indéterminée, est ouvert aux demandeurs d'emploi inscrits à France Travail d'au moins soixante ans, ou dès cinquante-sept ans si un accord de branche le prévoit. La mise à retraite ne peut être envisagée que lorsque le salarié a atteint l'âge légal de départ et qu'il remplit les conditions de liquidation à taux plein. Lors de la mise à la retraite, l'employeur est exonéré de la contribution patronale spécifique de 30 % sur l'indemnité de mise à la retraite pour trois ans à compter du jour suivant la promulgation de la loi.
Le titre IV sur la facilitation des aménagements de fin de carrière comprend les articles 5 à 7.
L'article 5 renforce l'encadrement des motifs de refus de l'employeur saisi d'une demande de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive en précisant que la justification apportée par l'employeur pour motiver son refus prend en compte, notamment, les conséquences de la réduction de la durée du travail sollicitée par le salarié sur la continuité d'activité de l'entreprise ou du service et, si elles impliquent un recrutement, des tensions de recrutement sur le poste concerné.
L'article 6 vise à donner une base légale à la possibilité de négocier un accord prévoyant les modalités d'affectation de l'indemnité de départ à la retraite au maintien total ou partiel de la rémunération. Sans préjudice du dispositif de retraite progressive, l'accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche pourra ainsi permettre au salarié de passer à temps partiel, une fois arrivé en fin de carrière.
L'article 7 prévoit que les dispositions sur la mise à la retraite puissent bien être appliquées pour le recrutement d'un salarié qui a déjà atteint l'âge de la retraite à taux plein. Afin de clarifier le dispositif du cumul emploi-retraite, le salarié retraité, recruté en contrat à durée indéterminée, se voit appliquer l'ensemble des règles de droit commun relatives à la mise à la retraite à l'initiative de l'employeur.
Le titre V sur l'amélioration de qualité du dialogue social comprend un article unique.
L'article 8 supprime la limite du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.
Le titre VI comporte un article unique.
L'article 9 vise à donner une base légale à une mesure de la convention relative à l'assurance chômage du 15 novembre 2024 conclue dans le même contexte que l'accord national interprofessionnel relatif à l'emploi des travailleurs expérimentés. En effet, cette convention prévoit une condition spécifique d'affiliation à l'assurance chômage pour les primo-entrants, définis comme les salariés privés d'emploi ne justifiant pas d'une admission au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi dans les vingt années précédant leur inscription comme demandeur d'emploi. Cette mesure avait été exclue de l'agrément du 19 décembre 2024 car elle était dépourvue de base légale.
Enfin, le titre VII sur les transitions professionnelles comprend un article unique.
L'article 10 prévoit une habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance afin de faciliter le recours aux transitions professionnelles, qu'elles soient internes ou externes à l'entreprise, et de réformer les dispositifs existants en la matière, afin de les rendre plus incitatifs et plus lisibles pour les actifs, comme pour les employeurs.
Ces dispositifs sont aujourd'hui très variés : il peut s'agir de contrats en alternance, du projet de transition professionnelle prenant appui sur le compte personnel de formation ou de dispositifs dits de transitions collectives prévus par des instructions ministérielles. L'objectif de cette habilitation est de transposer l'accord qui sera conclu par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel sur le fondement du document d'orientation qui leur a été adressé le 22 novembre 2023.