EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Si l'emploi est une préoccupation majeure des Français, le logement est régulièrement cité parmi les attentes de nos concitoyens face aux politiques publiques ; à fortiori à Paris, où les prix des loyers ont fortement progressé ces dernières années.
Pourtant, à Paris, seuls 5700 nouveaux logements sociaux ont été autorisés à la construction en 2019. Et selon l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR), lorsque l'on construit un logement dans la capitale, on en démolit l'équivalent de 0,6. Il s'agit donc d'une goutte d'eau dans l'océan immobilier de Paris qui compte 1,36 million de logements, dont un petit peu plus de 250 000 logements sociaux SRU, pour 2,2 millions d'habitants.
La loi du marché est impitoyable : ce qui est rare est cher.
En effet, avec un prix moyen au mètre carré à la location de 33€, de nombreux appartements du parc locatif privé restent inaccessibles. Dans le détail, pour un quatre pièces de 65m2, une famille parisienne avec deux enfants assume en moyenne un loyer de près de 2000€. Exposé à une forte demande et une offre de biens immobiliers structurellement plus faible, à Paris plus de 70% des habitants sont ainsi éligibles à un logement social. Et pour ne rien arranger, le délai d'attente avant l'attribution d'un logement social est plus long dans la capitale que dans le reste de la France. Il faut généralement attendre entre 5 et 10 ans avant de pouvoir bénéficier de ce type d'habitat. Ces données témoignent du défi que représente le logement à Paris.
La politique du logement conduite par les maires de Paris qui se sont succédé depuis 2001 s'est révélée désastreuse. Bertrand Delanoë a ainsi poursuivi avec obstination un objectif chiffré : atteindre coûte que coûte 20% de logements sociaux. Anne Hidalgo, qui lui a succédé et en digne héritière, a accéléré cette stratégie en visant l'objectif de 25% d'ici 2025 et 30% d'ici 2030. Pour cela, elle utilise toutes les armes à sa disposition, dont les préemptions d'immeubles. Cela contribue à réduire la surface du parc locatif privé, à renchérir les loyers et donc in fine à réduire encore les possibilités pour les classes moyennes et populaires ainsi que les familles de se loger à Paris. Ces dernières, lorsqu'elles n'ont pas déjà quitté la capitale se tournent vers un parc social déjà largement saturé.
Autre écueil : la concentration excessive de logements sociaux. Si longtemps la loi « Solidarité et rénovation urbaine » (SRU) a fixé l'objectif pour Paris à 20% avant 2020, les majorités socialistes ont voulu l'atteindre avant 2014. Cela s'est donc fait au détriment de la mixité sociale, avec des exemples frappants. Dans le XVIIème arrondissement de Paris, dans la ZAC Clichy-Batignolles, 55% des 3400 nouveaux logements sont sociaux. Au regard de ces éléments, il est difficile de garantir l'équilibre sociologique de quartiers entiers. La Maire de Paris défend en réalité une politique de peuplement qui se fait au détriment de quartiers déstabilisés par la trop forte concentration de logements sociaux.
A noter également que les politiques de peuplement se sont souvent faites sans consultation ni association des maires d'arrondissement, pourtant au plus près des préoccupations et attentes de leurs administrés.
Pour inverser le processus en cours, il est donc nécessaire de faire revenir les familles ainsi que les classes moyennes et populaires dans Paris. Des outils existent. Les logements construits en Prêt locatif à usage social (PLUS), en Prêt locatif social (PLS) et en Prêt locatif intermédiaire (PLI) s'adressent, au regard des plafonds de revenus aux classes moyennes. C'est leur développement qu'il convient d'accélérer pour rééquilibrer la politique du logement social à Paris.
Cette proposition de loi ne vise donc pas à stopper toute construction dans le parc locatif social, mieux de maîtriser les projets et de tenir compte des réalités foncières et économico-sociale de la capitale.
Le Titre Ier s'attache à favoriser le logement intermédiaire et à renforcer la mixité sociale à Paris.
L' article premier vise donc à encadrer la construction de nouveaux logements sociaux en modifiant la rédaction de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation pour que les deux tiers des nouvelles constructions se fassent en PLUS, PLS ou PLI. De même, pour éviter une trop forte concentration de logements sociaux, il prévoit que le décret permettant d'exonérer certaines communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dès lors que la pénurie de foncier disponible est constatée. Paris serait explicitement concerné par cette exonération. Enfin, il intègre les logements intermédiaires dans le taux de logements sociaux pour garantir la mixité sociale dans les communes et unités urbaines.
De plus, l' article 2 prévoit qu'à Paris, où les politiques de préemption conduisent à augmenter le prix des loyers en réduisant le stock de logements du parc locatif privé, ces dispositifs sont exclus des aides à la pierre. Il s'agit de soutenir la construction nette de logements.
Le Titre II renforce le rôle des maires d'arrondissement dans la politique d'attribution des logements sociaux, y compris dans les procédures relatives au droit au logement opposable (DALO).
Les articles 3, 4, 5 et 6 font des maires d'arrondissement l'élu local de référence en matière de sélection des candidats en vue de l'examen de leur dossier par la commission d'attribution des bailleurs sociaux. Ainsi, les maires d'arrondissement pourront également, après délibération du conseil d'arrondissement fixer une liste de professions jugées prioritaires (policiers, pompiers, infirmiers, etc.) pour l'obtention d'un logement social. Cette possibilité est également offerte aux maires des autres communes françaises ( article 3 ). L'arrondissement devient également le réservataire pour l'ensemble des logements sociaux situés sur son territoire ( article 4 ). En conséquence, le maire d'arrondissement intègre, à Paris la commission d'attribution des bailleurs sociaux avec voix prépondérante, comme c'est déjà le cas dans les autres communes françaises, hors Paris ( article 5 ). Enfin, le rôle et la place du maire de l'arrondissement dans les commissions dites DALO sont revus pour qu'ils soient associés aux choix relatifs au peuplement du territoire dont ils sont les représentants ( article 6 ).
Le Titre III a pour objectif de revoir les dispositions introduites par la loi portant Évolution du Logement, de l'Aménagement et du Numérique (ELAN) du 23 novembre 2018 concernant le supplément de loyer de solidarité pour éviter l'envolée des frais locatifs.
Ainsi, l' article 7 exonère les locataires conventionnés avant le 23 novembre 2018 du supplément de loyer de solidarité pour rétablir une situation d'égalité entre les locataires. En effet, la loi ELAN a permis aux locataires titulaires d'un bail de droit privé lors de l'acquisition de leur logement par un bailleur social et de son conventionnement, de choisir entre conserver son bail privé ou conclure un nouveau bail avec le bailleur. Cette évolution voulue par le gouvernement a entraîné une inégalité entre les locataires conventionnés avant cette loi et ceux conventionnés après cette loi. De très nombreux locataires, souvent âgés, se retrouvent ainsi très fortement pénalisés par le cumul du loyer dérogatoire et du SLS, qui peut entraîner jusqu'à un doublement du loyer, et sont contraints de devoir quitter leur logement en raison de ce surcoût. À titre d'exemple, un locataire parisien gagne des revenus supérieurs de 25% aux plafonds de ressources applicables. Il occupe seul un appartement de 40 mètres carrés (surface habitable). Le coefficient de dépassement à appliquer est de 0,57. Enfin, le supplément de loyer de référence est de 2,78 euros/m² à Paris. Le supplément de loyer de solidarité s'établit ainsi à : 40 x 0,57 x 2,78 = 63,38 euros. Dans le cas d'un locataire qui dépasse de 150% les plafonds réglementaires, et doit donc quitter le logement sous 18 mois, le SLS est égal à : 40 x 9,91 x 2,78 = 1.102 euros (dans la limite de 30% des ressources du foyer).
Le Titre IV a pour objectif de garantir la qualité du parc locatif social et de s'assurer que les bailleurs sociaux continueront de disposer des capacités d'investissement à cette fin.
C'est pourquoi, l' article 8 prévoit que lorsqu'un appartement est libéré il incombe au bailleur social de le remettre en état si nécessaire avant d'y affecter un nouvel occupant. Dans la même logique, lorsque des dégradations volontaires du fait du locataire sont constatées, il incombe à ce dernier d'assurer la prise en charge financière de la réfection. Il ne pourra dès lors plus se voir attribuer de logement social ( article 9 ).
Enfin, l' article 10 revient sur une disposition de 2015 permettant l'artifice comptable que sont les loyers capitalisés, dénoncés par la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France. La Mairie de Paris a d'ailleurs largement utilisé ce dispositif pour percevoir en avance l'équivalent de 50 ans de loyer. Cela obère durablement les finances des bailleurs sociaux qui se retrouveront potentiellement dans l'incapacité d'investir dans l'entretien et le développement du parc social parisien.