EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Promulguée le 3 janvier 1986, après une adoption à l'unanimité par le Parlement, la loi Littoral est, encore aujourd'hui, présentée comme un cadre juridique incontournable en vue de concilier préservation et développement du littoral.
Ses multiples objectifs sont inscrits dans le code de l'environnement. L'article L 321-1 de ce code énonce ainsi la mise en oeuvre d'un effort de recherche et d'innovation portant sur les particularités et les ressources du littoral, la protection des équilibres biologiques et écologiques, la préservation et de développement des activités économiques liées à la proximité de l'eau, et le maintien ou le développement des activités agricoles ou sylvicoles.
L'article L 321-2 du code de l'environnement précise que « sont considérées comme communes littorales les communes riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; riveraines des estuaires et des deltas lorsqu'elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux ».
Selon les données du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, la loi Littoral s'applique aujourd'hui à 1 212 communes : 975 communes riveraines de la mer ou de l'océan dont 885 en métropole et 90 en outre-mer (hors Mayotte), 87 communes riveraines d'un lac, d'un estuaire ou d'un delta et 150 communes riveraines d'un lac de plus de 1 000 hectares.
Pour autant, cette loi - dont les objectifs ne sont pas contestés par le présent texte, est souvent perçue par les collectivités concernées comme un cadre trop rigide, auquel s'ajoute une interprétation extrêmement restrictive des tribunaux, notamment administratifs, amenant parfois des communes à s'adapter de façon surprenante et inédite.
Ainsi, en avril 2015, Plouvien , commune de 3 800 habitants située dans le nord du Finistère, a pris la décision de céder sa partie maritime (19 hectares) à Tréglonou, sa commune voisine, pour ne plus avoir à « subir » les conséquences de cette loi. Concrètement, la commune ne possédait ni plage ni grève et n'avait aucun accès à l'océan, mais elle était traversée par l' Aber-Benoît , un fleuve côtier, envahi par la mer selon les marées, ce qui suffisait à l'assujettir à la loi Littoral.
Dans leur rapport d'information fait au nom de la commission du développement durable du 21 janvier 2014, intitulé « Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines » les sénateurs Odette HERVIAUX et Jean BIZET reconnaissaient que la loi a « heureusement freiné le bétonnage » mais constataient, en le regrettant, que l'esprit de la loi soit souvent mis à mal par l'imprécision de ses dispositions et par les contentieux qu'elle génère au niveau local, avec en filigrane l'accusation portée contre le juge qui « s'écarte parfois de la volonté du législateur ». De ce fait, sur le terrain, l'application des dispositions de la loi est jugée « abstraite, instable et hétérogène » et « au lieu d'être une zone d'aménagement du territoire, le littoral est devenu le terrain d'une confrontation juridictionnelle entre des intérêts divergents ». Tout serait presque dit si le rôle de l'État n'était dénoncé : une situation qui « trahit un manque de confiance patent à l'encontre des élus locaux, par une administration qui n'a jamais véritablement accepté la décentralisation des compétences d'urbanisme ».
Certes, la loi Littoral a connu quelques aménagements législatifs depuis 1986. Le dernier en date, à travers la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) du 23 novembre 2018, a instauré une dérogation au principe de non-constructibilité en dehors des agglomérations et des villages en facilitant notamment la densification des « dents creuses ». Mais là encore, la jurisprudence est particulièrement rigoureuse quant à l'application de ce texte.
Aujourd'hui encore, les élus des communes littorales sont confrontés à des incertitudes quant aux conditions de mise en oeuvre et d'interprétation des textes.
Cette proposition de loi, fruit de rencontres avec de nombreux élus locaux, vise à préciser certaines règles d'urbanisme dans ces zones littorales, en matière d'installation de panneaux photovoltaïques, de téléphonie, d'assainissement, d'espaces proches du rivage et de camping.
L'article premier traite des panneaux photovoltaïques.
S'agissant des panneaux photovoltaïques, l'implantation des centrales solaires au sol dans certaines communes est aujourd'hui entravée par l'existence d'une règle de continuité de l'urbanisation.
Plusieurs projets dans différents territoires en France sont aujourd'hui bloqués et démontrent la nécessité de changer la réglementation, comme par exemple dans le Finistère où deux projets de parcs solaires sont ainsi à l'arrêt. Le premier, situé à Fouesnant consiste en l'installation de panneaux photovoltaïques sur une ancienne décharge de 4,63 hectares, partagé entre une ancienne déchetterie et une parcelle agricole en friche. Le second, situé à Goulien sur la Presqu'île du Cap Sizun, sur un terrain de 39 hectares situés en partie sur l'actuel périmètre de captage (donc déjà à l'abri d'activité humaine) et sous un autre parc accueillant huit éoliennes opérationnelles. Ce parc solaire pourrait accueillir des rangées de panneaux fixes ou mobiles, pour une puissance de production de 11 à 20 MW, soit l'équivalent de la consommation électrique de 14 000 à 26 000 habitants.
Dans la formulation proposée par le présent article, toutes les dispositions relatives aux autorisations et aux caractéristiques des installations solaires photovoltaïques (consultations, autorisations, caractéristiques précises des terrains, certificat d'éligibilité du terrain délivré par le Préfet, etc...) s'appliqueraient à ces projets en zone littorale de manière strictement identique au reste du territoire.
En outre, comme le précise l'article L. 121-12 lui-même, à l'instar des règles qui existent dans ces mêmes territoires littoraux pour l'éolien, les installations nécessiteront en tous les cas une délibération favorable de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal de la commune concernée par l'ouvrage, et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et ne pourront porter atteinte à l'environnement ou aux sites et paysages remarquables.
Ces installations ne peuvent par ailleurs, comme le précise l'article L121-12, en aucun cas, être implantées sur la zone la plus proche du littoral à moins d'un kilomètre de ce dernier. En établissant ce strict parallélisme des formes et obligations à respecter, l'amendement évite ainsi de pénaliser le solaire Photovoltaïque par rapport à l'éolien qui est déjà régi par ces mêmes règles dans les mêmes territoires.
Il est donc proposé ici d'autoriser ces implantations sur des terrains situés sur le territoire de communes littorales, éloignés des côtes de plus d'un kilomètre, et avec l'ensemble des garanties inhérentes au développement des parcs solaires qui s'appliquent par ailleurs sur le territoire.
Il est à noter que cet article a déjà été déposé sous la forme d'un amendement (N° Com-1634 rect. Bis) dans le cadre du projet de loi « Lutte contre le dérèglement climatique ». Cet amendement été adopté par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et maintenu, devenant l'article 102 de la Loi. Mais il a été déclaré non conforme à l'article 45 de la Constitution par le Conseil constitutionnel, qui estimait que ce nouvel article ne présentait pas de lien, même indirect, avec les dispositions de la loi précitée. Il importe donc de faire adopter à nouveau cette modification législative.
L'article 2 concerne la téléphonie mobile.
Dans une récente décision concernant la primauté des dispositions de la loi ELAN ou de la loi Littoral, le Conseil d'État a estimé que l'interprétation de cette dernière prévalait.
Or, l'ambition d'un objectif de desserte numérique est légitime, y compris pour les communes littorales.
Compte tenu des contentieux locaux, il n'est pas envisageable d'imposer que les installations de téléphone mobile soient implantées près des habitations.
Il est donc proposé, en intégrant les contraintes de procédures réglementaires, de permettre leur installation en dehors de la continuité de l'urbanisation, à l'emplacement le plus approprié pour une desserte pertinente.
L'article 3 vise à préciser la définition de l'assainissement.
Il s'agit ici simplement de préciser que le terme assainissement doit être compris comme étant collectif ou individuel afin de faire face à l'incertitude récurrente de la mise en oeuvre de l'article L 121-8 du code de l'urbanisme.
L'article 4 propose la suppression de la mention des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau, à l'article L 121-13 du code de l'urbanisme.
L'article L. 121-13 du code de l'urbanisme dispose que, dans les espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs, l'extension de l'urbanisation doit être limitée, justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau.
L'objectif est d'éviter une urbanisation linéaire le long du littoral et d'inciter à réaliser l'urbanisation nouvelle en zone rétro-littorale.
Or, la notion « d'espace proche du rivage » a longtemps été difficile à définir et et nombre de communes s'en plaignaient, comme le soulignait déjà en 2004, le rapport d'information n° 421 (2004) intitulé « L'application de la "loi littoral" : pour une mutualisation de l'aménagement du territoire », du sénateur Patrice GÉLARD, d'autant plus que « l'analyse de la jurisprudence récente ne permet guère de déterminer de façon certaine la méthode du juge pour identifier un espace proche du rivage », constatait également en 2002, Maître Loïc PRIEUR, (La loi Littoral, Dossier d'experts, La lettre du cadre territorial, 2002).
Certes, depuis cette période, les tribunaux administratifs ont été amenés, encore récemment, à préciser cette notion (CCA Nantes, 9 février 2021), mais il paraît néanmoins opportun d'exclure ces zones de l'application de l'article L 121-8 du Code de l'Urbanisme qui interdit toutes constructions et installations non seulement dans la bande littorale des 100 mètres, mais également dans ces espaces mentionnés à l'article L 121-13 du code de l'urbanisme.
Les articles 5 et 6 ne visent pas à créer de nouveaux campings ou d'étendre l'emprise foncière des structures déjà crées, mais à améliorer la qualité d'accueil des campings existants.
Ils ont pour objectif de compléter les articles L 121-9 et L 121-14 du code de l'urbanisme en autorisant, sous strictes conditions (pas d'extension du périmètre campable, regroupement privilégié autour du bâti déjà existant), de nouvelles constructions dans le but d'améliorer ou d'adapter l'offre d'hébergement et d'accueil touristique et de loisirs lorsque les terrains de campings existants régulièrement crées ne sont pas situés en continuité avec les agglomérations et villages existants.
Au cours de l'été 2020, l'hôtellerie de plein air française a réalisé à elle seule 52 % du total de la fréquentation touristique de l'ensemble des hébergements collectifs (hôtels, villages de vacances, résidences de tourisme, auberges de jeunesse) et constitue le premier mode d'hébergement touristique français en capacité d'accueil (1er parc européen de campings et 2ème mondial, derrière les Etats-Unis).
Aujourd'hui, 29% des campings français sont littoraux, mais ils représentent 56% de la fréquentation nationale de l'hôtellerie de plein air.
Les 2/3 de ces campings sont par ailleurs situés en discontinuité d'urbanisation, rendant quasiment impossible leur amélioration. Et faute de pouvoir s'adapter 12% des campings français ont disparu en 10 ans.
Il s'agit ainsi de mettre en cohérence les réglementations et les politiques publiques qui encouragent l'amélioration de l'accueil. La grille de classement des campings (code du tourisme) encourage ce secteur à monter en gamme (prestations de restauration ou de bien-être, sanitaires confortables, piscines ...), mais il est de facto souvent impossible de le faire (code de l'urbanisme).
Enfin, l'article 7 prévoit enfin de reporter d'un an, soit au 31 décembre 2022, les conditions d'application de l'article 42 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN. Cet article met en place un régime dérogatoire qui autorise les collectivités territoriales à recourir, pour une durée limitée (jusqu'au 31 décembre 2021), à la procédure de modification simplifiée, prévue par le code de l'urbanisme, du schéma de cohérence territoriale (SCOT) et du plan local d'urbanisme (PLU) , pour délimiter les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages au sein desquels des constructions et installations pourront être autorisées, en dehors de la bande littorale des cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.
Cette procédure simplifiée doit permettre d'éviter une procédure de révision générale longue (entre 5 et 8 ans pour un SCOT par exemple) et coûteuse (plusieurs centaines de milliers d'euros) de ces documents.
Il s'agit en l'espèce de prendre en compte les retards induits par la crise de la covid-19 et de décaler jusqu'au 31 décembre 2022 le dispositif prévu par l'article 42 de la loi ELAN.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.