EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

D'après l'INSEE, la France comptait en 2021 sept millions d'immigrés sur son sol. Deux millions et demi d'entre eux avaient rejoint la communauté nationale en acquérant la nationalité française après leur arrivée en France. Venues d'ailleurs pour lier leurs destins au nôtre, ces personnes forment une composante à part entière de la Nation. La plupart cherche à s'intégrer avec la meilleure des volontés dans une société parfois éloignée de celles qui les ont vues naitre. Nombre d'entre elles parviennent, au prix d'efforts non négligeables, à se fondre dans cette nouvelle collectivité et à y apporter leur obole en tant qu'individus autonomes et respectueux des règles collectives.

Or, depuis plusieurs années, les failles de notre modèle d'intégration ne cessent d'empirer. Elles sont décriées, parfois à tort mais le plus souvent, hélas, à raison, par maints acteurs politiques, sociaux et médiatiques. Désamour de la France, repli communautariste, velléités de séparatisme, rejet des valeurs essentielles de la République telle que la laïcité, etc. Ce champ lexical aussi navrant qu'inquiétant est devenu omniprésent dans le débat public et les politiques publiques relatives à l'intégration des populations immigrées en France. S'il soulève des problématiques qui doivent nous préoccuper au plus haut point, ce versant peu reluisant de l'immigration occulte malheureusement une face bien plus réjouissante de notre modèle d'intégration, celle qu'incarnent pourtant dans l'humilité et la discrétion d'innombrables femmes et hommes ayant fait leur nos intérêts, notre histoire, notre culture et nos valeurs. Ce sont ces personnes que la création d'une médaille de l'intégration ambitionne de mettre à l'honneur.

Etalonner le degré d'intégration n'est certes pas chose aisée. Comme l'a très justement écrit l'historien Gérard Noiriel, on ne saurait mesurer l'intégration comme un thermomètre mesure la température mais il existe toutefois certains critères permettant d'objectiver l'assimilation d'un immigré dans sa société d'accueil et à l'aune desquels peut s'apprécier la réussite d'une intégration. Ces facteurs sont d'ordre économique, social, politique et culturel. Si nous devions les brosser à grands traits nous dirions qu'une intégration est réussie lorsqu'une ou plusieurs des conditions suivantes sont réunies :

- Insertion professionnelle réussie (exemples : via le suivi d'une formation ou l'obtention un diplôme en France, une bonne insertion sur le marché du travail, une trajectoire de carrière ascendante, un certain sens du dévouement à l'intérêt général dans l'exercice d'une fonction publique, l'exercice d'une profession particulièrement utile à la collectivité, etc .) ;

- Engagement associatif (par exemple via l'adhésion à une association non cultuelle et participation active à son fonctionnement et à sa vie) ;

- La participation à la vie civique (exemples : exercice de fonctions électives notamment locales, participation à des processus décisionnaires citoyens, etc .) ;

- Le fait d'oeuvrer à la préservation, la diffusion et la perpétuation d'un élément de la culture française ou de son patrimoine.

Par ailleurs il pourrait également être tenu compte des actions entreprises par un étranger devenu français pour favoriser à son tour l'insertion d'étrangers désireux de s'intégrer en France, par exemple dans le cadre d'initiatives collectives bénévoles.

Cette liste ne se veut ni limitative ni prescriptive. Il existe sans doute autant de façons différentes de s'intégrer qu'il y a de français naturalisés. Il conviendra donc de s'en remettre la sagesse des futures autorités compétentes pour décerner la médaille et escompter qu'elles soient en mesure de discerner in concreto les attributs d'une intégration réussie.

Enfin la particularité de cette médaille tient encore au fait qu'elle n'a pas vocation à récompenser des personnes s'étant distinguées par l'accomplissement d'actes d'héroïsme ou de bravoure particuliers. Son ambition, plus modeste, vise simplement à reconnaitre publiquement les mérites d'étrangers ayant acquis la nationalité française (ou le pouvant) tout en suivant un parcours d'intégration aussi exemplaire qu'ordinaire, à louer le cheminement qu'ils ont effectué de leur communauté d'origine vers la communauté nationale, leur assimilation de nos us et coutumes, leur adhésion à nos valeurs et notre histoire ainsi que leur contribution à la bonne marche de la société dans laquelle ils ont choisi de s'enraciner.

Dresser des contre-modèles aux exemples navrants d'intégration ratée que la chronique de notre temps verse en grand nombre dans l'imaginaire collectif. Opposer un démenti à ceux qui, en ces temps troublés, douteraient ou désespéreraient de la force intégratrice de la République. Récompenser ceux pour qui appartenir à la Nation française est une fierté et dont la France a toutes les raisons d'être fière, telle est, en somme, l'objet de l'article unique de cette proposition de loi.

Soucieuse de respecter une répartition harmonieuse des compétences entre le législateur et le pouvoir réglementaire, la présente proposition de loi se borne à définir l'objet de la médaille et à délimiter le périmètre de ses potentiels récipiendaires. Elle renvoie à un décret du ministre de l'Intérieur le soin de fixer plus avant le détail des règles qui régiront son attribution.

Après réflexion, il a été décidé de ne pas limiter l'octroi de cette médaille aux seuls français naturalisés sur le fondement du mariage ou par décision de l'autorité publique. En effet, la présente proposition de loi prévoit que les étrangers remplissant les conditions de naturalisation exigées par le code civil pourront aussi recevoir la médaille de l'intégration. Cette extension a paru souhaitable dans la mesure où une intégration peut être réussie avant ou sans aboutir à une naturalisation. Pour ces potentiels récipiendaires, le renvoi aux conditions de naturalisation revêt un intérêt purement pratique : il permet de s'assurer qu'ils disposent d'un ancrage suffisant dans la société française, notamment en regard du critère de résidence habituelle.

Les quelques réserves qui pourraient naitre sur la compétence de la loi pour instituer une décoration civile sont de toute évidence couvertes par la jurisprudence du conseil constitutionnel résultant de sa décision n° 82-143 DC Prix et revenus du 30 juillet 1982, laquelle a précisé que n'était pas frappée d'inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi. En outre, il demeurera loisible au gouvernement de s'engager, pendant la discussion, à relayer la proposition de loi par la voie décrétale ainsi qu'il l'avait fait en 2012 lors de l'examen par l'Assemblée nationale d'une proposition de loi visant à créer une médaille d'honneur du bénévolat. Le gouvernement s'était alors partiellement approprié les objectifs de la proposition de loi en élargissant le champ de la médaille de la jeunesse et des sports à l'engagement associatif par un décret n°2013-1191 du 18 décembre 2013.

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