EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans sa décision du 13 décembre 2022, le Conseil d'État a validé des décrets d'application qui reprennent pourtant, en leur sein, des risques pointés par lui-même lors de l'étude d'impact du projet de loi confortant le respect des principes de la République, devenu la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 (dite « loi CRPR »).
En France, l'instruction est obligatoire depuis la loi Ferry du 28 mars 1882. Un principe y est posé : celui du droit à l'instruction assuré par l'État. Elle précise que « l'instruction (...) peut être donnée soit dans les établissements d'instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles ».
Aujourd'hui, la liberté d'enseignement est un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la république garanti par la Constitution.
Cependant, depuis la rentrée scolaire 2022, l'instruction en famille (dite « IEF ») est passée d'un régime de déclaration d'instruction à un régime d'autorisation préalable délivrée par les services académiques. Ce changement découle de la loi CRPR qui avait pour but initial de lutter contre le séparatisme islamiste, mais qui acte, dans son article 49, une restriction sans précédent de la liberté d'enseignement des familles. Cet amalgame avec le séparatisme rend la mesure disproportionnée en plus d'être dangereuse. En effet, la présentation d'un projet pédagogique n'empêche pas le séparatisme ou la radicalisation. Les familles qui étaient sous les radars avant l'adoption de cette loi restent hors d'atteinte des contrôles de l'académie et de l'État après.
A la rentrée 2021, plus de 72 000 enfants avaient recours à l'IEF contraints (santé, harcèlement, handicap, sport de haut niveau...) ou par choix. Les familles étaient déjà soumises à des contrôles stricts et le taux de satisfaction aux contrôles pour l'année 2021/2022 avoisine les 100 % selon la direction générale de l'enseignement scolaire (dite « DGESCO »).
A l'été 2022, 47 % des familles ont fait l'objet d'un refus. Certaines académies les pratiquant de manière quasi-automatique. Les nouveaux motifs légaux ouvrant le droit à une autorisation laissent pour compte de très nombreux enfants. Dans cette configuration, l'administration est réputée plus compétente que les parents pour décider du bien de leur enfant. Ces derniers sont soumis à l'opacité et l'arbitraire étatique.
Pourtant, le Président de la République Emmanuel Macron, le 25 août 2022, a reconnu lui-même la défaillance du modèle actuel de l'Éducation nationale en formulant le constat qu'il y avait « beaucoup trop d'élèves malheureux, trop de parents d'élèves anxieux [...], de professeurs désabusés ou qui ont le sentiment d'avoir perdu le sens de la mission ».
C'est notamment la raison pour laquelle, la DGESCO a constaté une hausse de 50 % du nombre d'enfants en IEF après le confinement, passant de 48 009 pour l'année scolaire 2019/2020 à 72 369 pour 2021/2022. Il est toujours nécessaire de tirer les conséquences de la période exceptionnelle du confinement et des dynamiques non-négligeables qu'elle a pu engendrées.
À une époque où les États-puissances construisent leurs ambitions de développement, d'innovation et de rupture sur leur jeunesse, la diversité du système éducatif français et l'épanouissement des élèves sont deux conditions essentielles à l'enrichissement et la réussite du pays.
C'est pourquoi cette proposition de loi abroge le régime dérogatoire réservé à l'instruction en famille depuis la rentrée 2022 et rétablit un régime de déclaration et d'égalité vis-à-vis des autres formes d'instruction obligatoire.