EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Selon les alinéas 3 à 5 de l'article L. 162 du code électoral : « (...) nul ne peut être candidat au deuxième tour s'il ne s'est présenté au premier tour et s'il n'a obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits. Dans le cas où un seul candidat remplit ces conditions, le candidat ayant obtenu après celui-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second. Dans le cas où aucun candidat ne remplit ces conditions, les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second. »
Lorsque la participation à un scrutin législatif est importante, comme ce fut le cas pour les élections anticipées de 2024, la règle précitée - qui permet à un candidat du premier tour d'accéder au second tour s'il obtient un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits dans sa circonscription - rend possible la présence de 3 finalistes, voire plus. Si juridiquement elle ne pose aucune difficulté, la présence de plus de 2 candidats au second tour d'une élection législative soulève plusieurs problèmes politiques.
Tout d'abord, mécaniquement, la personne élue à l'issue d'un second tour en présence d'au moins 3 candidats ne le sera probablement pas avec une majorité absolue. Les différentes triangulaires ou quadrangulaires qui se sont déroulées le dimanche 7 juillet dernier confirment ce postulat, purement arithmétique ou mathématique. La logique du scrutin majoritaire à deux tours est de permettre à une personne élue de l'être par une majorité absolue de suffrages exprimés, afin qu'elle dispose de la plus grande légitimité possible. Désignée par plus de 50 % des suffrages exprimés, son élection est politiquement incontestable et elle peut pleinement représenter en retour l'ensemble des électeurs ou des habitants de sa circonscription. Un candidat élu à l'issue d'une élection avec un score inférieur à la majorité absolue altère sa légitimité, car - au fond et a contrario - une majorité absolue de suffrages ne se sera pas portée sur lui. Dans une telle situation, le scrutin majoritaire à deux tours perd de son sens et de sa pertinence.
Ensuite, les élections législatives sont le pendant de l'élection présidentielle, a fortiori depuis le passage au mandat présidentiel de 5 ans et l'inversion du calendrier électoral. À ce titre, il serait cohérent que ces élections reposent sur des règles homogènes, d'autant qu'elles sont organisées sur la base d'un scrutin majoritaire à deux tours. Cependant, s'agissant de l'élection présidentielle, l'article 7 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que le « Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n'est pas obtenue au premier tour de scrutin, il est procédé (...) à un second tour. Seuls peuvent s'y présenter les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour ». Ainsi, sauf dans l'hypothèse d'un désistement, seuls les deux candidats arrivés en tête du premier tour de l'élection présidentielle peuvent accéder au second tour. En d'autres termes, la finale présidentielle - pour les raisons expliquées précédemment - ne peut se jouer qu'à deux et le candidat qui deviendra Président de la République sera celui qui aura recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés. Il ne serait donc pas incohérent, bien au contraire, que la logique soit similaire pour les élections législatives.
Enfin, le désistement (la non-candidature en réalité) du 3ème, ou du 4ème plus rarement, finaliste d'une élection législative, est plutôt mal perçu par les électeurs. Le second tour des élections législatives de juillet 2024 l'a bien montré. De nombreux électeurs ont jugé - à tort ou à raison - que le retrait des candidatures des personnes arrivées en 3ème position, voire au-delà, avec un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits, était une manoeuvre purement politicienne et que, d'une certaine manière, l'élection leur avait finalement été volée. Ce « hold-up démocratique », ressenti par une grande partie des électeurs, abîme un peu plus la démocratie française, la confiance qu'elle peut susciter et donc - in fine - sa légitimité.
Aussi, pour ces différentes raisons, il serait logique, cohérent, et surtout nécessaire politiquement qu'à l'avenir les seuls deux candidats arrivés en tête du premier tour d'un scrutin législatif puissent concourir au second tour.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.