EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi organique, portée conjointement par 6 présidents de groupe politique du Sénat, traduit une volonté transpartisane d'accompagner la mise en oeuvre de l'accord politique signé le 12 juillet 2025 à Bougival, dans un esprit de responsabilité et dans le respect des exigences de stabilité institutionnelle en Nouvelle-Calédonie.
Cet accord sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, signé par l'ensemble des partenaires politiques calédoniens et le ministre d'État, ministre des outre-mer, constitue une étape décisive. À bien des égards, cet accord revêt une portée historique : il marque une volonté commune de construire un nouveau cadre institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie.
Afin de donner une traduction juridique à ce compromis, il est prévu le dépôt prochain d'un projet de loi constitutionnelle ainsi que d'un projet de loi organique. Le calendrier resserré de ces réformes, leur examen par le Parlement, puis leur mise en oeuvre - notamment la révision du corps électoral spécial provincial - rendent indispensable le report des élections provinciales, désormais envisagées au plus tard le 28 juin 2026.
Les membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie sont élus pour cinq ans, conformément aux dispositions de l'article 186 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. Les dernières élections provinciales se sont tenues le 12 mai 2019. Le scrutin, initialement prévu en mai 2024, a été reporté à deux reprises.
Un premier report, d'initiative gouvernementale et acté par la loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024, a repoussé la tenue des élections jusqu'au 15 décembre 2024. Ce report répondait principalement à la nécessité de réformer le corps électoral, dans un contexte de blocage institutionnel sur ce sujet sensible, et visait à laisser le temps aux partenaires politiques de parvenir à un accord global sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Un second report, prévu par la loi organique n° 2024-1026 du 15 novembre 2024, a fixé la nouvelle échéance au plus tard le 30 novembre 2025. Ce report est intervenu à l'initiative de sénateurs et notamment du président Patrick Kanner, dans un contexte de crise aiguë, marqué par les violences déclenchées le 13 mai 2024, qui ont profondément affecté le territoire sur les plans sécuritaire, économique et social. Il répondait également à la volonté de restaurer un climat propice à la reprise du dialogue institutionnel, en donnant davantage de temps à la concertation et à l'apaisement.
Dans les deux cas, les reports ont été jugés proportionnés et justifiés par un motif d'intérêt général, conformément aux principes dégagés par le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel.
La présente proposition s'inscrit dans cette même logique. Ce troisième report, à caractère exceptionnel, trouve sa légitimité dans l'aboutissement d'un processus de négociation politique approfondi, formalisé par l'accord de Bougival. Il entre pleinement dans le cadre dégagé par le Conseil d'État, qui, dans son avis du 7 décembre 2023, précisait que : « le dépôt d'un projet de loi constitutionnelle ou, si les conditions en sont réunies, d'un projet de loi organique comportant une modification du régime électoral des assemblées de province et du congrès, ou, à défaut, la caractérisation d'un processus suffisamment engagé de négociation en ce sens par la signature d'un nouvel accord se substituant à l'accord de Nouméa, constituait un but d'intérêt général suffisant permettant au législateur organique de prolonger les mandats en cours (...) ».
Le Conseil d'État ajoutait qu'un tel report ne se heurterait à aucun obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel.
Il est également rappelé que le législateur organique est compétent pour fixer les règles relatives à l'élection des membres des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. La jurisprudence constitutionnelle admet, à titre exceptionnel, des prolongations de mandat motivées par l'intérêt général, dès lors que le droit de suffrage est respecté dans une périodicité raisonnable. Plusieurs précédents illustrent cette souplesse, notamment la loi n° 2013-498 du 13 juin 2013, reportant les élections des assemblées des Français de l'étranger et la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013, reportant les élections départementales et régionales.
Dans son avis du 17 octobre 2024, relatif à la précédente proposition de report, le Conseil d'État a confirmé la validité juridique d'une telle mesure, sous réserve du respect des exigences constitutionnelles précitées.
L'article 1er de la présente proposition de loi organique prévoit le report des élections des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie au plus tard le 28 juin 2026. Le nouveau corps électoral spécial sera défini dans les conditions prévues par l'accord politique signé à Bougival le 12 juillet 2025. La liste électorale spéciale et le tableau annexe seront mis à jour au plus tard dix jours avant la date du scrutin. Les mandats en cours des élus seront prolongés en conséquence.
L'article 2 tend à prévoir que les fonctions des membres du bureau, de la commission permanente et des commissions intérieures du Congrès de Nouvelle-Calédonie sont prorogées jusqu'à la première réunion du Congrès nouvellement élu en application de la présente loi organique.
L'article 3, enfin, précise les conditions d'entrée en vigueur de la présente loi organique afin de prévoir une entrée en vigueur dès le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française. En effet, par dérogation au droit commun, l'article 6-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose que « les lois et (...) les actes administratifs entrent en vigueur en Nouvelle-Calédonie à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le dixième jour qui suit leur publication au Journal officiel de la République française ». Or, les délais apparaissent en l'espèce particulièrement contraints puisque la présente loi organique doit impérativement entrer en vigueur avant la publication du décret de convocation des électeurs. L'article 187 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prévoit que ce décret doit être publié au moins quatre semaines avant la date du scrutin, prévu au plus tard le 30 novembre 2025. Les électeurs doivent donc être convoqués au plus tard le 2 novembre 2025. Compte tenu du calendrier législatif et afin de garantir l'entrée en vigueur en temps utile de la présente loi organique, il apparaît donc nécessaire de prévoir une entrée en vigueur dès le lendemain de sa publication.