EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

2023 est l'année du 25e anniversaire des accords de paix conclus en 1998 pour l'Irlande du Nord. 25 ans après cette signature, et trois ans après la signature du protocole nord-irlandais dans les négociations post-Brexit, des menaces perdurent sur l'application pleine et entière de ces accords. La résolution ici présentée réaffirme à l'instar de la résolution adoptée le 4 mai 2023 par le Sénat américain le soutien de la France à l'application totale de ces accords.

En 2020, dans le cadre des négociations post-Brexit menées au nom de l'Union européenne (UE) par Michel Barnier, était signé un protocole nord-irlandais réglementant la circulation des marchandises entre le reste du Royaume-Uni et l'Irlande du Nord, tout en évitant l'instauration d'une frontière entre la République d'Irlande, toujours membre de l'UE, et l'Irlande du Nord, qui risquait de fragiliser les accords de paix du Vendredi Saint conclus en 1998. En février 2023, après de très nombreuses tensions sur l'application de ce protocole, l'UE et Londres ont signé à Windsor un nouveau compromis concernant les dispositions post-Brexit en Irlande du Nord, qui n'a pas permis à ce jour la levée du blocage des institutions politiques de l'Irlande du Nord par les unionistes. La situation reste très tendue. La mobilisation de la France et de l'Union européenne en faveur de l'application pleine et entière de ces accords de paix ne doit en aucun cas se relâcher.

L'histoire irlandaise est traversée d'évènements dramatiques. La colonisation britannique et son lot de violences dès le 16e siècle, la famine de 1845 à 1852 qui a fait un million de morts puis enfin au 20e siècle la guerre civile irlandaise (1922-1923) qui a causé des milliers de morts, ont toutes laissé des traces durables. Aucun processus de réconciliation efficace n'a jamais été mis en place après la fin de la guerre civile en 1923 ce qui a contribué à alimenter une forte conflictualité qui persistera dans le nord de l'île jusqu'au 10 avril 1998, date de la signature de l'accord de paix pour l'Irlande du Nord par les républicains irlandais, les unionistes, la Grande-Bretagne et la République d'Irlande. Ce traité international fut accepté et validé par voie référendaire, ce qui lui confère une grande légitimité. Il a également présenté une vision d'un avenir fondé sur les droits et non sectaire. Surtout, il a établi un lien entre le passé et la construction d'un avenir meilleur en déclarant que : « Les tragédies du passé ont laissé un héritage de souffrance profond et profondément regrettable. Nous ne devons jamais oublier ceux qui sont morts ou blessés, ainsi que leurs familles. Mais nous pouvons mieux les honorer par un nouveau départ, dans lequel nous nous consacrons fermement à la réalisation de la réconciliation, de la tolérance et de la confiance mutuelle, ainsi qu'à la protection et à la défense des droits humains de tous. »

Malheureusement cette dynamique de paix et de réconciliation a été de nouveau enrayée par le Brexit. Tandis que le Brexit réveillait les tentations de revenir en arrière d'un côté, de l'autre les élections nord-irlandaises réaffirmaient leur attachement à l'UE, en votant majoritairement contre le Brexit. La signature du protocole nord-irlandais dans le cadre des négociations post-Brexit a préservé la voie à une issue positive. Mais depuis la signature de l'accord de retrait du Brexit et d'un protocole garantissant qu'il n'y aurait pas de frontière plus dure sur l'île d'Irlande et que l'accord du Vendredi Saint serait protégé, le gouvernement britannique a introduit plusieurs projets de loi, dont beaucoup enfreignent le droit international et sapent les protections internationales en matière de droits de l'Homme. C'est ainsi que même le gouvernement britannique reconnaît que la loi récente « sur l'immigration illégale » n'est pas conforme au droit international. En violation des accords de paix, les unionistes refusent depuis les élections de former un gouvernement avec le Sinn Féin, arrivé en tête aussi bien dans l'Ulster lors des élections du 5 mai 2022 que dans la République d'Irlande. Les unionistes ne veulent pas partager le pouvoir avec une Première Ministre républicaine, Michelle O'Neill dirigeante du Sinn Féin à l'Assemblée d'Irlande du Nord. Cela crée une situation de vide de pouvoir au Nord volontairement organisée, ce qui enfonce le Nord dans une crise politique, qui s'ajoute à une crise sociale profonde, avec notamment pour conséquence un système de santé totalement délabré. Le 4 mars 2021, des groupes « paramilitaires loyalistes » déclarent ne plus apporter leur soutien aux accords de paix conclus en 1998 alors qu'ils en sont signataires. Même le récent « cadre de Windsor » du 22 mars 2023 n'a pas changé la position de blocage des unionistes.

Tous ces faits amènent au constat que le processus entamé en 1998 est en danger à l'occasion de son 25e anniversaire.

De longue date, des liens particuliers ont été tissés entre la France et l'Irlande, depuis la Révolution Française et les débuts du mouvement républicain irlandais, de l'attachement de De Gaulle à l'Irlande jusqu'au rôle joué par notre pays dans la négociation post-Brexit. Une action spécifique de notre pays, qui est désormais le plus proche voisin de l'Irlande dans l'UE, en faveur d'un futur de l'Irlande démocratique, inclusif et partagé pour tous les Irlandais serait à la hauteur de notre histoire.